I. — Première éducation de saint Louis. - Sacre. - Révoltes des barons. - Traité de Vendôme (1227). - Traité de Paris ou de Meaux (1229). Saint Louis naquit à Poissy le 25 avril 1214[1], jour de la Saint-Marc. En ce jour c'était un usage en France de faire la procession avec des croix voilées de noir, ce qu'on appelait les croix noires ; et Joinville, sous l'impression des deux dernières croisades, y voit comme un présage du grand nombre de morts que .la France eut alors à pleurer : car maints grands deuils en furent en ce monde et maintes grandes joies en sont au paradis pour ceux qui dans ces deux pèlerinages moururent vrais croisés[2]. Ce n'est pourtant point parmi les mauvais jours de la France qu'il faut ranger le jour de la naissance de saint Louis, et Joinville y contredirait moins que personne. La vie de Louis fut dès l'enfance la vie d'un saint ; et
si le mode de son .éducation n'est plus guère en usage pour les princes
aujourd'hui, ce n'en est pas moins dans sa fidélité aux leçons de son premier
âge qu'il faut chercher le fondement de ses vertus privées et la règle de
toute sa conduite. Il justifia la parole de Salomon, que lui applique si
justement un de ses historiens : L'homme, même en
vieillissant, ne s'écartera pas des voies de sa jeunesse. Adolescens juxta viam suam, etiam cum senuerit, non recedet
ab ea (Prov. XXII, 6). Dieu, dit Joinville[3], le garda par les bons enseignements de sa mère, qui lui
enseigna à croire en Dieu et à l'aimer, et attira autour de lui toutes gens
de religion. Et elle lui faisoit, si enfant qu'il fût, toutes ses heures et
les sermons faire et ouïr aux fêtes. Par ces pieuses pratiques elle voulait affermir en lui cas sentiments de foi et de piété, qui le devaient garder de tout mal. Elle croyait, en effet, que rien ne manquerait à son bonheur et au bien de ses peuples s'il restait dans la grâce en se préservant de tout péché ; et elle allait jusqu'à dire qu'elle aimerait mieux le voir mourir que faire un seul péché mortel[4]. Saint Louis ne trompa point les pieuses aspirations de sa mère et le religieux, qui pendant vingt ans l'ouït en confession, lui a rendu, devant l'histoire, ce témoignage que jamais il n'a commis une faute où fût engagé le salut de son âme[5]. Sa mère, si appliquée à faire de lui un bon chrétien, n'était pas moins capable de lui enseigner ses devoirs de roi ; et, sa déférence envers l'Église n'allait pas jusqu'à lui faire sacrifier en certaines occasions des droits dont la défense peut être aussi un devoir. Cette énergie dont elle avait donné la preuve, dès le règne de Philippe Auguste, dans la lutte de son mari contre Jean pour la couronne d'Angleterre, lui devint surtout nécessaire lorsque la mort de Louis VIII la laissa seule avec un fils âgé de douze ans, en présence des barons, et que femme, étrangère, elle eut à maintenir contre eux les prérogatives de la royauté au point où les avait élevées Philippe Auguste. Sa conduite alors et durant toute la minorité de saint Louis ne servit pas seulement à affermir le pouvoir du jeune roi ; elle lui apprit comment, devenu majeur, il en devait user lui-même pour se faire respecter, au plus grand avantage de tout le royaume. La question qui se posait à la mort de Louis VIII, était nouvelle. Pendant les cinq premières générations, les successeurs de Hugues Capet ne s'étaient crus assurés de la transmission du pouvoir dans leur race qu'en faisant couronner leur fils aîné de leur vivant. Philippe Auguste, le premier, s'était affranchi de cette précaution à l'égard de son fils ; mais jusque-là des fils parvenus eux-mêmes à l'âge d'homme avaient succédé à leur père. Louis VIII laissait le trône à un enfant de douze ans. Les droits du jeune prince ne devaient pourtant pas être contestés[6] ; à défaut du principe d'hérédité qui avait prévalu, la rivalité des barons aurait suffi pour écarter de lui tout compétiteur. Mais pendant son enfance en quelles mains devait être remis le pouvoir ? Les mêmes raisons qui excluaient les femmes du trône devaient les écarter de la régence : car c'est précisément du commandement, c'est de porter l'épée que cette vieille coutume les jugeait incapables. Nul cependant n'était, par la virilité du caractère autant que par l'énergie du dévouement, plus capable de tenir le sceptre au nom du jeune roi ; et Louis VIII l'avait senti quand, laissant de côté son frère Philippe Hurepel, qu'il savait hors d'état d'y suffire, et se défiant de l'ambition des barons, il avait exprimé le vœu que la tutelle de son fils restât à sa veuve. C'est au moins ce dont témoignaient l'archevêque de Sens et les évêques de Chartres et de Beauvais[7] Blanche résolut de prévenir toute contestation à ce sujet. Soutenue par l'Église et notamment par le légat du pape, Romain, cardinal de Saint-Ange, elle hâta la cérémonie du sacre de son fils. Louis, une fois sacré, tout se ferait en son nom. C'est à lui que l'on obéirait ; et la reine, placée près de lui, ne ferait que remplir, en le guidant, les devoirs que lui imposait la nature. Louis VIII était mort le 8 novembre ; les évêques et les seigneurs furent invités à se rendre, dès le 29 du même mois, à Reims où le sacre devait s'accomplir[8]. Cette convocation à bref délai jeta le trouble dans les résolutions des barons. Philippe Auguste avait donné à l'autorité royale un ascendant qu'elle n'avait pas perdu sous Louis VIII. Les barons n'y étaient pourtant pas encore entièrement résignés ; et la succession d'un enfant leur offrait une occasion pareille à celle dont usaient largement alors les barons d'Angleterre. En le reconnaissant pour roi, ils voulaient faire leurs conditions, mais pour cela rien de pins assuré que de les poser avant le sacre. Or, ce n'est pas en quinze ou vingt jours qu'ils pouvaient, à cette époque, se mettre en rapport et se concerter. Ils agirent donc sans entente préalable. le plus grand nombre demandaient qu'avant le sacre on mit, selon un vieil usage, les prisonniers en liberté, et notamment Ferrand, comte de Flandre et Renaud comte de Boulogne, retenus en prison depuis la bataille de Bouvines. Libérés sur la requête des barons, ces deux puissants seigneurs, dont la politique de Philippe Auguste et de Louis VIII avait pris tant d'ombrage, devaient être d'un grand secours à leur parti. D'autres réclamaient des terres que ces deux rois avaient enlevées contre tout droit, disaient-ils : nul ne pouvant être dépouillé de ses possessions, sans le jugement des douze pairs, ni attaqué sans guerre déclarée un an auparavant. Ils ne voulaient pas venir au sacre que ces point ne fussent réglés[9]. Quelques uns, sans faire encore leurs conditions, croyaient bon de se tenir sur la réserve et, prétextant le deuil où les plongeait la mort du dernier roi, ils s'excusaient de se rendre aux fêtes de l'avènement de son successeur[10]. Le sacre n'en eut pas moins lieu au jour dit. Blanche fit si bien qu'elle y réunit encore une importante assistance, et, dans le nombre, elle sut y attirer plusieurs de ceux sur qui les dissidents comptaient le plus. Elle n'y fit point paraître le comte de Flandre qu'elle avait sous la main : c'eût été céder à des injonctions ; mais la comtesse de Flandre y fut, ayant la promesse que son mari lui serait rendu, après le sacre. On n'y vit point non plus le comte de Boulogne, compagnon de captivité de Ferrand ; mais son gendre, Philippe Hurepel, devenu comte de Boulogne à sa place, y était ; et. la présence de ce prince avait une grande importance. En le faisant venir au sacre, Blanche ôtait aux mécontents le chef sur lequel ils devaient jeter les yeux si, après le couronnement, ils voulaient mettre en question la régence. Enfin, comme les comtes Ferrand et Renaud, le comte de Champagne aussi, quoique libre, était absent. Il se tenait à l'écart, irrité des menaces que lui avait faites Louis VIII, lorsqu'il l'abandonna devant Avignon, à l'expiration des quarante jours de son service féodal ; et il avait un grief de plus contre la cour où on l'accusait de l'avoir empoisonné : accusation réfutée d'ailleurs par le temps écoulé depuis son départ jusqu'à la mort du prince ; mais la comtesse, sa mère, était là et elle disputa même à la comtesse de Flandre le droit de porter l'épée, comme l'eussent pu faire les deux seigneurs : dispute que Blanche trancha en remettant l'épée à son beau-frère Philippe comte de Boulogne. Au nombre des présents se trouvaient encore le duc de Bourgogne, les comtes de Dreux, de Blois, de Bar et les trois frères de Coucy ; parmi les absents, il faut signaler le comte de la Marche, beau-père du roi d'Angleterre, le comte de Saint-Pol et Pierre Mauclerc qui gardait les pouvoirs et le titre de comte de Bretagne, bien qu'il ne fût que bail ou régent de ce comté, au nom de son fils âgé de neuf ans[11]. Le siège de Reims étant vacant, ce fut l'évêque de Soissons, le premier évêque de la province, qui officia. Après la cérémonie, le roi se fit prêter serment de fidélité par le clergé et par les seigneurs présents ; et, selon un auteur, Blanche elle-même reçut leurs hommages, comme étant chargée de l'administration du royaume. Point de fêtes, d'ailleurs, ni à Reims ni à Paris où le jeune prince fut ramené le lendemain. La coutume dut le céder à la vérité de la situation. On ne pouvait se réjouir de l'avènement du nouveau roi, quand le deuil était si grand de la mort de son père. Un premier point était acquis par le sacre du roi. Mais la position était grave encore, car on en voulait moins à la couronne de saint Louis qu'à son pouvoir, retenu par sa mère ; et les adhésions que Blanche avait obtenues étaient peu de chose auprès de celles qui lui manquaient encore. Elle avait obtenu, nous rayons dit, l'adhésion du nouveau comte de Boulogne, oncle du roi, adhésion capitale sans doute, mais qui n'était pas bien assurée, quoiqu'elle lui cédât pour l'obtenir, le château de Mortain, Lillebonne et l'hommage du comté de Saint-Pol (1er décembre 1226)[12]. Elle pouvait compter davantage sur Ferrand, comte de Flandre, qu'elle mit en liberté, en se faisant d'ailleurs donner plusieurs garanties de sa fidélité à la cause royale[13] ; mais elle avait tout à craindre de plusieurs seigneurs dont nous signalions tout à l'heure l'absence au sacre et qui figuraient parmi les plus puissants de France[14] : le comte de Champagne, rejeté parmi les mécontents par la défiance même que l'on avait de lui autour du roi ; le comte de la Marche, rattaché par sa femme aux intérêts du roi d'Angleterre dont elle était la mère ; le comte de Bretagne, Pierre, qui était surnommé Mauclerc, non pas seulement comme mauvais au clergé, mais comme mauvais compagnon pour quiconque avait affaire à lui[15]. Ajoutez qu'il n'y avait ni paix ni trêve avec l'Angleterre et qu'Henri III pouvait profiter des embarras d'une minorité en France pour tâcher d'y reprendre des provinces dont l'abandon n'avait jamais été consenti de sa maison, depuis que Philippe Auguste les avait confisquées. Joignez enfin à ces arrière-pensées du roi d'Angleterre les dispositions du comte de Toulouse, qui, dépouillé en partie par la guerre des Albigeois et tout récemment attaqué par Louis VIII, trouvait dans sa mort imprévue une si belle occasion de relever la tête. Une ligue se forma donc ; et pour y intéresser plus généralement les barons, on mettait en avant la violation de leurs- privilèges et la nouveauté du gouvernement d'une femme. Mauclerc donna le signal de la révolte. La régente ayant refusé de rendre des terres réclamées par ce seigneur, il fortifia Saint-Jacques de Beuvron en Normandie, et Bellesme dans le Perche, deux places que Louis VIII lui avait récemment données en garde. Le comte de Champagne, le comte de la Marche étaient prêts à l'appuyer, et Richard, frère de Henri III, qui était à Bordeaux, pouvait entrer dans là lice après eux avec des troupes et de l'argent qu'il avait reçus d'Angleterre. Blanche de Castille, par sa rapidité, déconcerta-pourtant leurs desseins. Rassurée du côté du nord par l'appui du comte de Flandre, et le concours personnel du comte de Boulogne, elle marcha vers la Loire, où les conjurés voulaient se réunir. Sommés de venir au parlement ou à la bataille, ils perdirent confiance. Le comte de Champagne s'était laissé ébranler le premier. On peut même croire que c'est dans la pensée de ramener les autres à la soumission envers le roi qu'il les vint rejoindre à Thouars, avec un sauf-conduit de la régente. Au moins est-ce du consentement des comtes de la Marche et de Bretagne qu'il négocia personnellement une trêve jusqu'au 25 avril avec saint Louis : trêve qui laissait à ces deux comtes eux-mêmes le temps de se reconnaître, car elle ne devait courir qu'après que l'armée royale se serait retirée au delà de Chartres ou d'Orléans[16]. Le roi venait d'atteindre Vendôme, et la trêve n'était pas expirée, quand les deux seigneurs, se rendant à une troisième citation, vinrent lui faire leur hommage (16 mars)[17]. Richard, laissé seul, dut signer de son côté, sous la réserve du consentement de son frère, une prorogation de la trêve entre la France et l'Angleterre (22 mars)[18]. Mais cette réconciliation avait été trop brusquement opérée pour qu'on la pût croire sincère et durable. Les barons rougissaient d'avoir si facilement cédé la victoire à une femme. Ils se disaient, ils répandaient autour d'eux que ce n'était pas à elle, à une étrangère, de gouverner : Les
barons desdaigne Por la
gent d'Espaigne dit un poète de leur parti[19] ; et un peu
après Pâques, 1228, ils résolurent de trancher la question en lui enlevant le
roi. Saint Louis revenait d'Orléans vers Paris. Ils s'assemblèrent à Corbeil
pour le prendre au passage. Le jeune roi et sa mère, arrivés à Montlhéry,
virent bien que leur petite troupe n'était pas en mesure de leur tenir tête.
Blanche fit savoir le péril du roi aux Parisiens, et, à son appel, les
bourgeois de la ville, les seigneurs même des environs accoururent au-devant
de lui et lui firent une escorte contre laquelle les conjurés-de Corbeil se
trouvèrent impuissants[20]. Il me conta, dit Joinville, que depuis Montlhéry le chemin étoit tout plein de gens en armes et
sans armes jusques à Paris, et que tous crioient à Notre Seigneur qu'il lui
donnât bonne et longue vie, et le défendît et gardât contre ses ennemis. Et
Dieu le fit ainsi que vous l'entendrez bientôt (ch. XVI). Ce n'était pas encore une rupture ouverte, mais un signe des dispositions des barons. Blanche, avertie, dut songer à se mettre en garde contre les projets que ceux-ci, en quittant Corbeil, n'avaient pas manqué de concerter. Le roi avait pour lui les communes qui trouvaient dans l'autorité royale une protection contre la féodalité : le mouvement si spontané de Paris en était la preuve. Il avait aussi pour lui l'Église, amie de l'ordre que les entreprises des barons mettaient en péril ; et Blanche, dans les premiers embarras de sa régence, avait trouvé un appui énergique dans le légat, Romain de Saint-Ange. Il avait mis à sa disposition .les ressources de l'Église, même plus que le clergé ne Petit voulu, en lui continuant la dîme de la croisade des Albigeois[21], alors que Blanche avait tout autre chose à faire que de porter les armes de ce côté. Cette mesure avait provoqué des plaintes sur lesquelles le légat avait voulu aller s'expliquer lui-même à Rome. Blanche, sentant combien sa présence lui était nécessaire, obtint du Saint-Siège qu'il lui fût renvoyé. Ce voyage, du reste, ne lut pas sans fruit pour la cause royale. Le légat revenait (1228) avec des pouvoirs pour terminer l'affaire des Albigeois et pour travailler au renouvellement de la trêve avec l'Angleterre[22]. Désarmer, momentanément du moins, l'Angleterre, amener le comte de Toulouse à se réconcilier définitivement avec le roi, comme il en donnait l'espérance dans la trêve signée en novembre 1228, c'était donner à la reine, au mord et au midi, la sécurité dont elle avait besoin au moment où les barons allaient tenter leur principal effort. Les barons avaient compris que pour ruiner l'autorité de Blanche, il fallait avoir quelqu'un à mettre à sa place, et le seul homme qu'ils pussent produire -avec une apparence d'autorité, c'était l'oncle du roi, le comte de Boulogne : prince faible qui avait adopté, tout d'abord, la situation faite à Blanche par le vœu de Louis VIII, et abandonné ses prétentions pour quelques châteaux. On réveilla son ambition ; on lui remontra ses droits ; on le pressa de reprendre le rang dont il était dépossédé par une étrangère ; et en même temps qu'on répandait contre Blanche d'atroces calomnies qui, en la flétrissant comme femme et comme veuve, la montraient indigne de gouverner son fils[23], on proclamait les titres du frère de Louis VIII à la régence. On dit même (mais cela est moins croyable) qu'en le mettant en avant, les barons avaient un autre dessein ; qu'ils ne voulaient pas seulement un autre régent, mais un autre roi pris parmi eux comme jadis Hugues Capet, et moins porté à oublier son origine[24]. On nomme le sire de Coucy. La reine, dans ce péril, avait pour elle le comte de Flandre qui ne l'avait jamais abandonnée, et le comte de Champagne qui lui était revenu. Le comte de Champagne, objet de toutes les défiances de la reine à la mort de Louis VIII, était devenu odieux aux barons comme s'étant le premier rallié à son parti. On l'accusait d'avoir, par cet abandon, dissous la ligue et forcé les seigneurs à une première reconnaissance de l'état de choses qu'ils attaquaient. On rapportait son attachement au roi à un sentiment de tout autre nature à l'égard de la reine, et, après tout, on pourrait croire à ce sentiment sans admettre pour cela qu'il ait été partagé. Le jeune comte de Champagne était poète, et l'on a signalé une de ses pièces où il semble trahir cet amour qu'il n'ose avouer : Celle
que j'aim est de tel seigneurie, Que sa
beauté me fait outrecuidier. Quand
je la vois je ne sais que je die Si (tant) suis surpris que je ne l'os prier[25]. Il n'en fallait pas tant pour que la calomnie se donnât libre carrière, car la calomnie servait la politique. On s'appliqua à tourner contre Blanche ce rapprochement de la Champagne où elle fondait ses espérances«, en y montrant une cause criminelle. La reine et le comte sont dès lors unis dans la haine et dans les accusations des barons, et un poète, Hue de la Ferté, n'était que leur organe quand il s'écriait : Bien
est France abastardie, Signor
baron, entendés, Quand femme l'a en baillie (tutelle) Et tele
come savés. Il et
elle lez à lez, Le
(la) tiengnent
de compaignie Cil
n'en est fors rois clamés Qui piecha est coronés[26]. Les barons ne voulant pas se déclarer tout d'abord contre le roi, se tournèrent contre Thibaut. Il avait de nombreux ennemis parmi ses pairs : il en avait parmi ses propres vassaux, qui l'accusaient de préférer la bourgeoisie à la noblesse. On entra sur ses terres[27] ; mais ce me fut qu'un prélude. Les barons, qui ne voulaient pas s'en tenir là avaient besoin de-réunir tous leurs moyens, et rien de décisif ne pouvait sérieusement s'engager si l'on n'avait pour soi le roi d'Angleterre. Pierre Mauclerc le décida en lui faisant espérer le recouvrement de la Normandie, et dès qu'il en eut reçu un premier secours, il se mit, sans autre déclaration, à porter le ravage sur les terres de France[28]. Blanche, par sa résolution, sut encore déconcerter la ligue. Comme si les intentions du comte de Bretagne n'étaient pas assez claires, elle l'assigna devant le roi pour le jour de Noël à Melun. Il y envoya un des siens pour s'excuser sur la brièveté du terme, mais en même temps pour lui remettre par écrit ses doléances : c'était le défi caché sous les dehors de la soumission ; et il ne négligeait rien pour le soutenir avec éclat. Il redoublait ses instances auprès de Henri III, le pressant de venir en personne ; et l'archevêque de Bordeaux allait en députation en Angleterre au nom des seigneurs de Gascogne, de Poitou, de Guienne, pour lui dire qu'on n'attendait. que sa présence. La reine ne différa pas davantage. Elle avait invité les communes à prêter serment de fidélité au roi[29] : c'était grouper le peuple autour du trône, et, par cette manifestation, tenir déjà les seigneurs en échec. Ayant appris que le comte de Bretagne, rejoint par Richard, à défaut d'Henri, avait recommencé ses ravages, elle mena le roi contre lui. Elle avait sommé les seigneurs qui .attaquaient le comte de Champagne de suspendre cette guerre privée pour faire leur service auprès du roi. Ils n'osèrent refuser. ; ils auraient forfait (perdu) leur terre en ne se rendant pas à son appel ; seulement ils vinrent dans le moindre équipage, chacun amenant avec soi deux chevaliers. Mais le comte de Champagne, rendu libre, en amenait trois cents : en dégageant le comte, c'est un appui considérable que Blanche venait de s'assurer, et plusieurs autres barons avaient d'eux-mêmes rejoint avec empressement la bannière du roi. Blanche dirigea ses premiers coups contre le château de Bellesme, position avancée que Pierre Mauclerc, grâce à la libéralité de Louis VIII, occupait aux portes de la Normandie, et qu'il avait fortifiée avec un soin extrême. On était au mois de mars (1229), la saison était rude encore, et le froid très-intense. Le jeune roi, sous l'œil de sa mère, brava toutes les rigueurs du temps, et la garnison, vivement pressée, n'étant pas secourue, capitula au bout de quelques jours[30]. Cet événement produisit un grand effet. Richard, qui était venu en France croyant trouver tous les seigneurs en armes, s'en exprima avec amertume auprès du comte de Bretagne, et ce n'était pas sans raison. De tous ces barons, Mauclerc seul avait paru prêt ; ceux qui attaquaient le comte de Champagne s'étaient rendus à la première sommation du roi, et Pierre lui-même laissait prendre la seule place d'où il pût sérieusement menacer la Normandie. Est-ce en cette sorte qu'il y devait mener les Anglais ? Richard s'en retourna en Angleterre[31]. L'Angleterre se retirait donc de la lutte, et au midi, le comte de Toulouse, ne comptant plus sur l'Angleterre après les déceptions qu'il lui avait causées[32], faisait sa paix avec la France, terminant par les concessions les plus larges, le différend né de la guerre des Albigeois. Il vint à Meaux, où s'étaient réunis les prélats qui le devaient réconcilier à l'Église, et ce fut là que, sous la médiation et par les conseils du comte de Champagne, il se déclara prêt à faire la volonté du roi et du légat. Aux termes du traité qui fut conclu à Paris le 12 avril 1229, il gardait son comté, et sa fille devait épouser un frère du roi de France : mariage inscrit en première ligne parmi les avantages faits au comte de Toulouse[33], mais dont la maison de France devait recueillir tout le profit ; car la fille du comte était et devait rester son unique héritière : le traité déshéritait par avance tout autre fils ou fille qu'il pourrait avoir ; et si le fils du roi, si la fille du comte mouraient sans enfant, Toulouse et toute la circonscription du diocèse n'en devaient pas moins faire retour au roi ou à ses héritiers. Le comte n'était plus que l'usufruitier des seigneuries qui lui étaient laissées et il s'obligeait à n'en rien aliéner : tant il est vrai que la propriété en était désormais assurée à la maison du roi. Ajoutez les indemnités dont on le chargeait et les garanties qu'on exigeait de lui : murs de Toulouse et de trente villes qui sont énumérées, à raser ; château de Toulouse, à remettre pendant dix ans aux mains du roi ; serment de ses sujets de se révolter contre lui s'il manquait à sa parole ; obligation de poursuivre les hérétiques[34], ou les seigneurs qui ne se réconcilieraient pas comme lui, et promesse d'aller, dans les deux ans après son absolution, combattre pendant cinq années en Palestine[35]. Raymond accepta tout. Amené devant l'autel, en chemise et nu-pieds, il fut réconcilié à l'Église le jour du Vendredi saint (13 avril) ; il reçut la croix des mains du légat, fit hommage au roi de son comté ; puis il alla se constituer prisonnier au Louvre, tandis que le roi et le légat députaient en Languedoc pour procéder à l'exécution du traité. La fille du comte, âgée de neuf ans, fut amenée à Carcassonne, et remise aux commissaires du roi comme fiancée de son frère ; et un peu après, le comte ayant eu permission de retourner à Toulouse, le légat y vint aussi pour y tenir un concile. Ce concile donnait contre les fluctuations de Raimond deux autres garanties : il établissait l'inquisition à Toulouse, et y créait une université[36]. II. — Nouveaux troubles : le comte de Champagne secouru. - Le comte de Bretagne soumis. - Trêve avec l'Angleterre. - Mariage de saint Louis. L'échec de Bellesme, la retraite des Anglais, la soumission du comte de Toulouse n'intimidèrent pas Mauclerc. La prise de Bellesme ne l'atteignait pas au cœur de sa puissance ; Toulouse était bien loin, et les Anglais trop engagés dans le royaume, pour n'y pas revenir dès qu'on leur en offrirait une meilleure occasion. Pierre donc, au lieu de se rendre auprès du roi comme il l'avait promis, reprit les armes. Attaqué par le roi sur la Loire, il chercha à l'arrêter encore par des députations. Mais en même temps il négociait avec le roi d'Angleterre, et, lui-même se rendait à Portsmouth pour l'amener en France. La fortune le desservit encore en cette rencontre. Cette fois, en effet, le roi d'Angleterre était tout disposé à passer le détroit ; il était venu à Portsmouth pour s'embarquer, mais les vaisseaux qu'il y croyait trouver faisaient défaut : négligence que le roi rapporta à la trahison de son chancelier Hubert du Bourg, et qui faillit dès lors causer sa disgrâce. Le roi voulait donner des ordres pour rassembler la flotte qu'il n'avait pas. Mais à quoi pouvait-il aboutir dans cette précipitation ? Mauclerc se trouva réduit à le prier lui-même de remettre son armement à l'année suivante. Mieux valait ajourner l'entreprise et qu'elle fût décisive. Afin d'y intéresser plus fortement Henri III, il lui fit hommage pour la Bretagne[37]. En faisant cet hommage Pierre Mauclerc oubliait deux choses : c'est que le comté n'était pas à lui, mais à son fils ; et que personne en Bretagne ne se souciait de devenir Anglais. On, n'était pas beaucoup mieux disposé à le soutenir dans sa guerre contre saint Louis. Les États de Bretagne, convoqués dans ce dessein à Redon, répondirent à sa demande de secours en réclamant l'abolition de diverses ordonnances. Cet ajournement des Anglais et cette opposition, de la Bretagne auraient pu le mettre dès ce moment dans un grand embarras, si une diversion puissante n'était venue à son aide. Le comte de Champagne était plus que jamais odieux aux barons. Attaqué par eu ; il n'avait été sauvé tout récemment que par l'intervention du roi qui réclamait de tous, sous peine de forfaiture leur concours pour sa guerre à lui contre le comte de Bretagne. Ils avaient obéi, on a vu de quelle façon vraiment dérisoire ; mais ils ne pardonnaient pas à Thibaut d'y être venu, lui, en telle force, que Bellesme avait succombé. Ils résolurent donc de se venger. Ils reprenaient contre lui l'accusation d'avoir empoisonné Louis VIII. Ils accusaient la reine d'une sorte de complaisance à l'égard du coupable, sinon du crime, pour n'avoir pas voulu qu'on recourût au duel judiciaire afin de le prouver[38]. Ils parlaient des droits d'Alix, reine de Chypre, fille aînée de l'ancien comte de Champagne Henri II[39]. Thibaut III, père de Thibaut IV, n'était devenu comte de Champagne que par l'abandon que lui en avait fait Henri II, son frère allié, partant pour la Terre Sainte. Henri II n'en était pas revenu ; il y avait épousé Isabelle, fille d'Amaury, et par elle était devenu roi de Jérusalem. Mais d'un premier mariage il avait eu deux filles : Alix qui fut mariée au jeune roi de Chypre, et Philippa qui épousa Érard de Brienne ; or, elles pouvaient faire revivre les droits de leur père sur son ancien comté. La plus jeune avait la première suscité le débat : Érard, de Brienne ne l'avait pas épousée pour autre chose (1215). Revenue en France (1216), elle disputa le Comté au jeune Thibaut, encore mineur, contestation qui se termina par une transaction (2 novembre 1221)[40]. C'étaient maintenant les droits de sa sœur aînée que l'on prétendait relever[41]. Pierre Mauclerc se serait bien chargé de les faire valoir personnellement en épousant la princesse devenue veuve ; mais ce projet de mariage, tant à redouter et de Thibaut et du roi lui-même, fut déconcerté par Grégoire IX qui l'interdit pour cause de parenté (4 juillet 1229)[42]. La cause d'Alix n'était d'ailleurs qu'un prétexte pour les seigneurs. Mais Blanche, au risque de donner plus de force encore aux calomnies dont elle était l'objet[43], ne pouvait pas laisser succomber le comte de Champagne, car c'est pour la cause du roi qu'il s'était compromis. Elle mena saint Louis à Troyes, et c'est de là qu'usant tout à la fois et du prestige que la présence du roi n'avait pas perdu, et d'un habile système de concession, elle décida les barons à se retirer. Pour la plupart ce n'était qu'une trêve ; et après le départ du roi le comte de Champagne dut déployer une grande activité à se gagner quelques-uns des seigneurs du voisinage, à s'assurer de ses propres vassaux[44]. Là ses ennemis étaient bien résolus à recommencer l'aimée suivante. Une circonstance ajourna encore leur dessein. Le plan du comte de Bretagne s'exécutait. Henri III, selon qu'il en était convenu, avait réuni une armée. Il avait pris terre à Saint-Malo où Pierre Mauclerc l'avait reçu avec de grands honneurs : quelques seigneurs de Bretagne y vinrent aussi lui faire hommage ; et de Saint-Malo il se rendit à Nantes où il comptait voir se rassembler les grandes forces qu'on lui avait promises[45]. Cette menace donnait à saint Louis le droit de convoquer tous ses barons. Les ennemis du comte de Champagne durent se rendre comme les autres à cet appel, et on les trouve avec Thibaut dans l'armée que le roi conduisit sur la Loire. Saint Louis vint à la Flèche, à Angers, à Ancenis : là sur le sol même de la Bretagne, il déclarait dans une assemblée de barons bretons, Pierre Mauclerc déchu de ses droits, et recevait d'eux le serment de ne faire ni paix ni trêve avec les Anglais, ni avec leur comte sans qu'il y consentît (juin 1230)[46]. Ce n'est pas ce qu'Henri III, arrivant en Bretagne, avait attendu. Il était toujours à Nantes, et à défaut de seigneurs bretons il voyait quelques renégats normands venir lui faire hommage et le presser de marcher sur la Normandie, cette province dont il ne cessait pas, quand il était en Angleterre, de rêver la conquête. Mais il jugea qu'il n'en était pas saison, et loin de hasarder cette offensive il s'en alla par le Poitou dans sa terre de Gascogne, comme pour s'assurer qu'on ne la lui prendrait pas. Après quoi il revint à Nantes où il resta dans l'inaction, attendant vainement les forces qu'on lui avait fait espérer[47]. Saint Louis lui-même n'avait pas pu aller plus loin. Les alliés secrets du comte de Bretagne ne l'avaient suivi que malgré eux, et pour ne pas perdre leur fief ; mais les quarante jours du service féodal expirés, ils lui avaient demandé congé ; et le roi, ne pouvant le leur refuser, avait dû aussi faire retraite[48]. Les tarons, rendus à eux-mêmes, reprirent donc leur projet contre celui dont ils étaient les compagnons naguère[49] ; et deux armées menacèrent à la fois la Champagne : l'une au nord, comprenant les comtes de Boulogne, de Guines et de Saint-Pol ; l'autre au sud, formée par le duc de Bourgogne et les seigneurs de cette région. Avant d'entrer dans le pays, le comte de Boulogne, oncle du roi, envoyait, selon le thème reçu dans la ligue, deux de ses chevaliers défier Thibaut, comme empoisonneur de son frère. Les droits de la reine de Chypre étaient l'autre prétexte mis en avant. Le duc de Bourgogne ravagea tout le pays jusqu'à Troyes, l'armée du Nord forçant la Marne prit Épernai, Vertus. Le comte de Champagne avait rallié ses troupes autour de Provins qu'il avait particulièrement fortifié. Battu, il ne songea plus à lutter par lui-même et abandonnant son pays à la discrétion des ennemis, il courut à Paris implorer le secours du roi[50]. La résistance de Troyes qui, pour mieux se défendre, appela dans ses murs, le sénéchal Simon, sire de Joinville, père de l'historien, donna au roi le temps d'arriver. Dès que l'armée royale, qui comptait dans ses rangs le duc de Lorraine, fut à quatre lieues de Troyes, Blanche envoya sommer les barons d'apporter, s'ils avaient à se plaindre du comte, leur requête aux pieds du roi. Ils lui répondirent avec mépris qu'ils ne plaideraient point devant elle, ajoutant par une grossière insulte que les femmes n'avaient que trop l'habitude d'accorder leurs préférences à celui qui avait tué leur mari ! Mais ce mépris pur la reine n'empêchait pas qu'ils ne respectassent la royauté. Ils voulaient tout combattre sauf le roi. Ils le priaient de se retirer de sa personne, offrant de livrer la taille au comte de Champagne, au duc ide Lorraine, à tout le reste de d'armée royale, avec trois cents chevaliers de moins qu'ils n'en auraient devant eux. le soi.fit réponse quais ne combattraient pas ses troupes sans qu'il fût là. Alors, voulant le désarmer, ils proposèrent un arrangement au nom de la reine de Chypre, cause apparente de leur intervention dans le pays. Mais le roi répondit fièrement qu'il n'entendrait à nulle paix ni ne souffrirait que le comte de Champagne y prêtât l'oreille, tant qu'ils n'auraient pas vidé le comté de Champagne. Cette ferme déclaration ébranla les alliés. Le comte de Boulogne céda le premier. La reine, dit-on, lui avait fait savoir que les barons se jouaient de lui en le flattant de la régence, qu'il s'agissait, non d'un autre régent, mais d'un autre roi, et qu'en restant près d'eux il ne faisait que servir de masque et même d'instrument à leur projet de déposséder sa propre race. Le comte déclara dans le conseil sa résolution de revenir au roi, et quittant le camp des alliés, il se présenta à saint Louis qui le reçut avec honneur dans sa tente. Les autres n'osèrent pas garder leur position devant Troyes. Ils allèrent se loger à Isle où l'armée royale les suivit, puis à Jully, et, craignant qu'elle ne les y suivît encore, à Chaource et enfin à Laignes qui était au comte de Nevers. Le roi les ayant mis hors de la Champagne ne demandait plus qu'à les accorder avec Thibaut. Les préliminaires ;de la paix furent arrêtés le 25 septembre, et diverses conventions l'établirent avant le mois de décembre suivant[51]. Le roi d'Angleterre n'attendit pas qu'elle fût définitivement conclue. Dès le mois d'octobre, quand il vit les barons de France se rapprocher, il regagna son île, laissant une petite troupe en Bretagne : triste résultat d'une campagne où il n'avait obtenu des Anglais tant d'argent qu'en leur faisant espérer la conquête de la Normandie ! Mauclerc pouvait maintenant voir le péril où il s'était jeté par sa politique remuante. Le roi dont il s'était fait le vassal était parti, et il se voyait de plus en plus délaissé de ses propres vassaux. Doublement dégagés et par l'acte de Pierre et par la déclaration de saint Louis, les barons de Bretagne faisaient hommage au roi de France jusqu'à ce que le fils de Mauclerc, leur vrai comte, eût ses vingt et un ans[52]. Saint Louis n'avait plus qu'à se présenter en Bretagne mot prendre, à ce titre, possession du pays : rien n'était capable de lui faire obstacle. Mais le pope voulait prévenir toute cause nouvelle de conflit entre la France et l'Angleterre, et saint Louis, par nature, désirait la mit. La médiation du comte de Dreux, frère de Pierre, et malgré cela fidèle, dès l'origine, à la cause du roi, lui fit obtenir une trêve (juillet 1231) qui donna du repos au pays jusqu'en 1234[53]. Dès l'année 1232 on l'avait pu croire fort compromise. Le comte de Champagne, en 1231, avait perdu Agnès de Beaujeu, sa seconde femme. On eut l'idée de lui faire épouser Yolande, fille du comte de Bretagne : alliance qui, vu la nature de deux personnages, devait avoir pour résultat d'entraîner Thibaut dans le parti du comte de Bretagne bien plut que de ramener Pierre Mauclerc dans celui du roi. Blanche, justement effrayée, obtint de Grégoire IX une bulle qui interdisait ce mariage pour cause de parenté. Toutes choses étaient convenues. Pierre Mauclerc avait amené sa fille à l'abbaye de Valsecret où les noces allaient se célébrer. On n'attendait plus que Thibaut, et il partait pour s'y rendre, quand il fut rejoint par le messager du roi. Le roi lui faisait dire que s'il épousait la fille d'un homme dont là couronne avait tant à se plaindre, tout ce qu'il' avait en France serait confisqué[54]. Thibaut s'en revint à Château-Thierry[55]. Ce fut un coup sensible pour Pierre Mauclerc et pour les membres et les alliés de sa maison, qui comptaient parmi les premiers de France ; et leur colère fut extrême lorsque trois mois après, comme pour mieux consommer cette rupture, Thibaut épousa Marguerite, fille d'Archambaud de Bourbon[56]. Le comte de Bretagne et les barons de son parti ne reprirent pas les armes contre la France, mais ils firent revenir celle dont le nom avait déjà été mis en avant par eux dans leurs précédentes luttés avec le comte de Champagne, la reine de Chypre, Alix ; et sa présence dans le pays pouvait lui rallier tous ceux qui avaient à se plaindre de Thibaut. Heureusement pour Thibaut, il trouvait appui dans le Saint-Siège qui contestait la légitimité du mariage d'où Alia était issue et qui défendit à la reine de faire valoir, et à tout autre de reconnaître ses prétentions au comté de Champagne, avant que cette question ait été décidée[57]. Dans cette situation la reine de Chypre avait tout intérêt à transiger, et d'autres causes devaient l'y porter encore : en la même année 1234, elle voyait mourir le comte de Boulogne, son principal soutien comme ennemi de Thibaut, elle voyait Thibaut lui-même, réconcilié avec ses principaux ennemis, arriver par la mort de son oncle Sanche au trône de Navarre. La reine de Chypre renonça donc à tout ce qu'elle pouvait prétendre en Champagne (septembre 1234), agréant les offres des représentants de Thibaut[58] : 2000 liv. tournois de rente (40.527 fr. 64 c.) en fonds de terre et 40.000 liv. (810.552 fr. 80 c.) une fois payés[59] ; et Thibaut n'ayant pas ces 40.000 livres, saint Louis les donna en sa place pour prix de la mouvance des comtés de Blois, de Chartres, de Sancerre et de la vicomté de Châteaudun, pays qui dès ce jour entrèrent dans le domaine de la couronne (novembre 1234)[60]. Avant la conclusion de cet acte us autre de la plus grande importance pour la vie et pour le règne même de saint Louis venait de s'accomplir. Saint Louis avait épousé Marguerite, fille aînée du comte de Provence[61]. Ce mariage qui fit le bonheur du roi n'était pas moins heureux pour le royaume. La Provence relevait encore officiellement de l'empire ; mais sa position et ses rapports habituels la rapprochaient de la France ; et si ce n'était pas encore l'union, c'était un lien de plus entre les deux pays. La maison de Provence y trouvait elle-même honneur et profit à la fois. Il ne lui était pas indifférent de s'allier de. la sorte au roi de France, arbitre naturel de ses démêlés avec le comte de Toulouse ; et l'honneur seul qu'elle en retirait était un avantage qui n'avait pas échappé à Bornée, conseiller tout-puissant de Raimond Bérenger. Comme il le pressait de donner à Marguerite une grosse dot, une dot qui paraissait au comte dépasser ses moyens (car il avait quatre filles à marier) ; Comte, laissez-mai faire, lui dit-il, si vous établissez hautement votre aînée, vous marierez plus facilement les autres. Le comte donna à Marguerite 10.000 marcs[62]. Il est vrai que 2000 seulement étaient payés en 1238, et que les 8000 autres restaient dus à saint Louis en 1266. Marguerite fut amenée à Sens avec une suite où l'on comptait six troubadours et le ménétrier du comte de Provence. Le mariage y fut célébré le 27 mai 1234, et le lendemain, jour de l'Ascension, la jeune princesse fut couronnée dans la cathédrale[63]. Puis le roi l'emmena à Paris où, son entrée se fit au milieu des acclamations populaires. Des tournois, des réjouissances publiques ajoutèrent à la solennité de ce jour. Marguerite apporta la joie dans l'intérieur de saint Louis, joie qui ne fut pas sans trouble et sans traverses : non pas que les deux époux aient jamais été l'un à l'autre une cause d'affliction ; mais la jeune reine avait pris dans le cœur du roi une place que la reine Blanche avait jusque-là occupée sans partage, et l'amour maternel ne se résignait pas volontiers à cette sorte de déchéance. Blanche eût volontiers disputé aux jeunes époux ce que leur devoir ne leur réservait pas absolument. On sait par Joinville à quelles ruses innocentes ils recouraient pour étendre les limites de cette vie intime, et avec quelle peine ils en dérobaient les chastes épanchements à la jalouse surveillance de la reine mère : Les duretés que la reine Blanche fit à la reine Marguerite furent telles, dit-il, que la reine Blanche ne vouloit pas souffrir, autant qu'elle le pouvoit, que son fils fût en compagnie de sa femme, si ce n'est le soir quand il alloit coucher avec elle. Les logis là où il plaisoit le mieux de demeurer, pour le roi et la reine, c'étoit à Pontoise, parce que la chambre du roi étoit au-dessus et la chambre de la reine au-dessous. Et ils avoient ainsi accordé leur besogne, qu'ils te-noient leur parlement dans un escalier tournant, qui descendoit d'une chambre dans l'autre ; et ils avoient leur besogne si bien arrangée, que quand les huissiers voyoient venir la reine dans la chambre du roi son fils, ils frappoient la porte de leurs verges, et le roi s'en venoit courant dans sa chambre, pour que sa mère l'y trouvât ; et ainsi faisoient à leur tour les huissiers de la chambre de la reine Marguerite quand la reine Blanche y venoit, pour qu'elle y trouvât la reine Marguerite. Une fois le roi étoit auprès de la reine sa femme, et elle étoit en très-grand péril de mort, parce qu'elle étoit blessée d'un enfant qu'elle avoit eu. La reine Blanche vint là et prit son fils par la main, et lui dit : Venez vous-en, vous ne faites rien ici. Quand la reine Marguerite vit que la mère emmenoit le roi, elle s'écria : Hélas ! vous ne me laisserez voir mon seigneur ni morte ni vive. Et alors elle se pâma, et l'on crut qu'elle étoit morte ; et le roi, qui crut qu'elle se mouroit, revint, et à grand peine on la remit à point (ch. CXIX). III. — Fin des guerres de barons. - Affaires intérieures : l'Université. L'archevêque de Rouen. - L'évêque de Beauvais. Avant de résigner ses pouvoirs, Blanche eut encore l'honneur de mettre fin pour toujours à ces guerres de barons qui avaient eu pour objet de les lui disputer. La trêve conclue avec la Bretagne était expirée ; le jeune roi avait repris les armes, et le comte, au dire de Matthieu Paris, lui avait fait subir un échec en s'emparant par surprise de ses bagages[64]. Mauclerc ne s'aveuglait pourtant pas sur ce succès. Il savait qu'avec les dispositions des Bretons, il se soutiendrait difficilement si le roi d'Angleterre ne lui venait en aide ; mais Henri III s'était borné à envoyer en Bretagne 60 chevaliers et 2000 Gallois ; et saint Louis, faisant appel aux barons, aux prélats et aux principales communes de son royaume, avait mis une armée puissante en campagne. Mauclerc n'avait qu'à se soumettre, si le roi d'Angleterre ne venait : il obtint de saint Louis une suspension d'armes jusqu'à la Toussaint. Si le roi d'Angleterre ne venait en personne, il promettait de remettre toute la Bretagne aux mains du roi ; et il lui abandonnait dès ce moment trois places en garantie de sa parole (août 1234)[65]. Il n'y avait pas de temps à perdre. Pierre se rendit immédiatement en Angleterre, afin de plaider lui-même sa cause. Mais n'obtenant rien qui le satisfit, il repassa le détroit, résolu à se mettre à la merci du rai. Matthieu Paris, mettant en scène l'exécution de ce dessein, raconte que Pierre vint la corde au cou se jeter aux pieds du roi qui, par grâce, lui laissa la vie[66]. Aucun de nos historiens ne confirme ce récit. Il est à croire que Pierre, dépouillé de la tutelle de son fils par l'arrêt de 1231, vint acquiescer au jugement qui l'on privait[67] ; et il est certain que le roi la lui rendit pour qu'il l'exerçât jusqu'à la majorité du jeune comte. Mauclerc devait alors, passer en Palestine pour y combattre les infidèles pendant trois ans. Par un autre acte, daté de Paris, il prêtait serment au roi et à sa mère, reconnaissant ainsi la régence de Blanche au moment où elle .allait finir. Enfin, comme gage de sa fidélité et pour satisfaction de tant de révoltes, il cédait au roi Bellesme, Saint-Jacques de Beuvron et La Perrière en Perche (novembre 1234)[68]. Pierre s'était réconcilié avec le roi ; restait à régler ses rapports avec ceux de ses barons qui étaient en querelle avec lui : car un grand nombre, on l'a vu, obéissant à l'invitation du roi, avaient cessé de le reconnaître, 'et plusieurs comme les sires de Léon et de Tréguier, profitant de la circonstance, prétendaient avoir des droits qui les faisaient presque indépendants : droits de haute justice, droits de fortifier comme ils l'entendaient leurs châteaux, sans parler du droit de bris. Guiomar de Léon, montrant un de ses rochers, disait qu'il avait là une pierre plus précieuse que les plus riches pierreries, attendu qu'elle lui valait 50.000 livres, bon an mal an. Mandore s'étant engagé à se soumettre, pour tous ces différends, à l'arbitrage de saint Louis, le roi fit faire partout des informations[69]. Diverses transactions particulières montrent avec quelle sollicitude il s'enquit des droits de chacun, et s'efforça de tout apaiser. Plusieurs de ces actes se rapportent au gouvernement personnel de saint Louis qui accomplit ses vingt et un ans le 25 avril 1235. Mais jusque-là bien que son nom figure généralement seul dans les titres, il faut voir la main de sa mère, puisqu'elle avait de droit le gouvernement ; et l'on a vu avec quelle habileté elle l'avait exercé, et quels résultats elle avait obtenus : l'autorité royale affermie contre les prétentions des barons ; ceux qui la défendaient soutenus eux-mêmes et agrandis, ceux qui l'attaquaient humiliés : témoin d'une part le comte de Champagne et de l'autre le comte de Bretagne ; et le roi d'Angleterre, qui espérait tant de ces troubles, ne venait en France que pour mieux constater, par cette intervention stérile, son impuissance à y rien changer. La France non-seulement n'avait rien perdu pendant cette période critique, mais elle avait gagné. Elle avait gagné au traité de Paris (1229) l'héritage du comte de Toulouse pour un des frères du roi, héritage qu'il ne devait recueillir que pour le transmettre bientôt après à la couronne ; et cette grande succession allait consommer d'une manière paisible cette union du midi et du nord de la France, commencée sous de si sanglants auspices par la guerre des Albigeois. Elle avait, en dernier lieu, Unit en maintenant le comte de Champagne dans son pays et l'aidant à prendre possession de la Navarre, obtenu de lui la mouvance de quatre comtés qui arrondissaient le domaine royal au cœur même de la France[70]. Mais là ne s'était point bornée l'action de Blanche ; et sa politique à l'intérieur comme au dehors avait montré tout à la fois une énergie et une modération qui préludaient dignement au gouvernement personnel de saint Louis. Au dehors, la querelle de Grégoire IX et de Frédéric II, sur laquelle nous aurons à revenir, n'altéra pas les bons rapports qu'elle avait avec ces deux puissances. Reprenant des négociations déjà engagées par Louis VIII, elle traitait avec Frédéric quoique excommunié, et obtenait de lui la promesse qu'il ne laisserait aucun prince allemand faire alliance avec le roi d'Angleterre contre la France (1232)[71]. Elle se maintenait dans les meilleurs termes avec Grégoire IX et fit si bien que le, pape finit par consentir (1234) à restituer au comte de Toulouse les terres que ce dernier avait possédées au delà du Rhétie et cédées au Saint-Siège par le traité de Paris (marquisat de Provence). A l'intérieur, tout en respectant les privilèges du clergé, elle n'avait jamais souffert qu'il les outrepassât ; quand il s'éleva des conflits, ce n'est pas elle qu'on pourrait accuser d'avoir laissé l'un des pouvoirs céder à l'autre. Un regrettable incident avait marqué les premières années de sa régence. En 1229, quelques écoliers ayant maltraité, un jour de mardi gras, des habitants du faubourg Saint-Marcel, le doyen de Saint-Marcel avait porté plainte à l'évêque et au légat qui s'en remirent à la justice royale ; et les archers, envoyés pour arrêter les coupables, s'étaient jetés sur les premiers qu'ils rencontrèrent, frappant, tuant, comme s'il suffisait à la justice que du sang fût versé pour le sang qui avait été répandu. Les régents se plaignirent, et leur plainte n'ayant pas été accueillie, ils résolurent de suspendre leurs cours ; puis n'obtenant rien de plus, ils se dispersèrent, maîtres et écoliers. La reine, justement jalouse de maintenir, d'étendre même son droit à faire la police, aurait dû se dire qu'elle ne l'affaiblissait pas en châtiant les agents qui l'avaient si mal servie. Les suites menaçaient d'être désastreuses. L'Université de Paris était dissoute ; Reims, Angers, Orléans, Toulouse, l'Angleterre même, l'Espagne et l'Italie en recueillirent les débris[72]. Les peines décrétées contre les absents soit par le roi, soit par les évêques, étaient impuissantes à les ramener. Blanche en revint aux moyens de conciliation et le pape seconda entièrement ses vues. Les maîtres, cédant à cette autorité, reprirent le chemin de Paris. Le roi les reçut avec bonté. Il leur assura les réparations qui leur étaient dues ; il garantit la paix et la sécurité du côté des bourgeois ; mais on ne les dispensa pas de satisfaire eux-mêmes pour le mal dont les bourgeois avaient eu à souffrir[73]. Deux autres exemples montrèrent jusqu'où pouvaient aller, même sous une pieuse reine, saint Louis étant presque majeur, les conséquences d'une trop étroite union de l'Église et de l'État. Ici pourtant il faut le dire, la façon d'agir de Blanche fait plus penser à Henri II son aïeul qu'à son fils saint Louis. L'archevêque de Rouen, Maurice, homme d'une vertu austère et d'une inépuisable charité, avait cassé une élection d'abbesse et nommé d'office à la place. Il excédait son droit. Les religieuses en appelèrent au roi qui cita le pontife devant lui et, sur son refus de comparaître, saisit son temporel. L'archevêque y répondit en mettant son diocèse en interdit. Il fallut que le pape intervînt pour faire rendre au prélat ses biens et au peuple sa religion confisquée ainsi far représailles (1233)[74]. L'autre affaire relative à l'évêque de Beauvais fut plus grave encore. L'évêque de Beauvais était en même temps comte de Beauvais ; il réunissait le pouvoir temporel au pouvoir spirituel dans sa ville épiscopale, et cela de l'aveu des rois eux-mêmes. Pourtant l'autorité royale n'avait pas renoncé à y pénétrer. En 1231, un différend s'étant élevé au sein de la commune, Blanche en prit occasion d'y nommer un maire au nom du roi ; et elle nomma un bourgeois de Senlis. L'étranger, l'élu du roi, n'était guère mieux vu du peuple que de l'évêque. Une émeute éclata dans la ville, le maire fut traîné par les rues avec insulte ; on disait même qu'il était tué. Blanche résolut de mener le roi à Beauvais pour rétablir l'ordre troublé et sous ce prétexte relever l'autorité royale méconnue. En vain l'évêque de Beauvais demandait-il qu'on respectât sa justice. Il ne la faisait guère respecter lui-même, puisqu'il laissait les coupables impunis ; on le soupçonnait même d'être d'accord avec eux. Le roi et la reine vinrent donc à Beauvais, malgré l'évêque, s'établirent à l'évêché, et nonobstant les réclamations du prélat qui demandait que la justice fût rendue sinon par lui, du moins en son nom, on assigna les prévenus au tribunal du roi. Les plus coupables furent pendus, leurs maisons détruites, et la foule des autres, jusqu'à quinze cents, jetés en prison ou bannis. Ce n'est pas tout. Au départ, l'évêque fut sommé de payer quatre-vingts livres parisis (2026 fr. 40 c.) pour les frais du roi ; et comme il demandait un délai, on saisit ses biens. Il y avait assurément dans tout cela une raideur où l'on reconnaît plus la main de Blanche que de son fils, quoiqu'elle s'autorisât de son nom et de sa présence. L'évêque porta plainte au concile provincial tenu à Noyon par l'archevêque de Reims. On députa au roi sans rien obtenir, et après enquête et monition l'évêque de Beauvais mit son diocèse en interdit, et l'archevêque de Reims toute sa province : décision qui provoqua des résistances dans le clergé lui-même ; et plusieurs chapitres refusèrent de s'y soumettre, alléguant que n'ayant pas été appelés au Concile, ils n'y étaient pas obligés. Ce fut encore le pape qui vint tempérer ces excès et travailler à la réconciliation[75]. L'évêque de Beauvais leva l'interdit ; mais il mourut avant que l'accord fût complet ; et le différend fut repris après lui, car il tenait aux choses plus encore qu'aux personnes. C'est saint Louis, dans le plein exercice de sa puissance, qui par son respect pour tous les droits, pour ceux des autres autant que peur les siens, mit un terme à ce dommageable conflit[76]. Tant que Blanche de Castille a tenu les rênes de l'État, noua avons laissé saint Louis sur l'arrière-plan, n'attirant vers lui l'attention que dans- les cas où il payait de sa personne, comme il faisait dans ces guerres de barons. qui venaient de prendre fia. Maintenant que son âge fait remettre le pouvoir entre ses mains, convient de faire un peu plus connaissance avec lui-même, et de voir comment s'étaient développées dans son âme, comment se manifestaient dans sa conduite les vertus qui allaient présider à son gouvernement. |
[1] Sur la date et le lieu de la naissance de saint Louis, voy. le savant Mémoire de M. N. de Wailly, qui met fin à toute discussion. (Mém. de l'Acad. des Inscriptions et Belles-lettres, nouvelle série, t. XXVI, 1re partie, p. 173).
[2] Joinville, ch. XV de l'excellente édition de M. N. de Wailly. Nous reproduirons sa traduction en cherchant quelquefois à la rendre plus littérale encore.
[3] Joinville, ch. XVI ; Anonyme de Saint-Denys (Gilles de Pontoise), Gesta S. Ludov. dans Historiens de France (Recueil de Dom Bouquet, continué par l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres), t. XX, p. 46.
[4] Joinville, ibid. Geoffroi de Beaulieu, Histor. de France, t. XX, p. 4. Conf. de Marguerite, ibid., p. 64 a ; Anon. de Saint-Denys, p. 116 ; Fragments tirés d'un lectionnaire de la fin du treizième siècle, t. XXIII, p. 161. et Jean du Vignay, trad. de Primat, ibid., p. 64. (Je cite ce t. XXIII, qui n'a point paru encore, sur les bonnes feuilles que j'en ai entre les mains).
[5] Geoffroi de Beaulieu, l. l., p. 5. Cf. An. de Saint-Denys, p. 46.
[6] Dès la mort de Louis VIII, à Montpensier même, l'archevêque de Sens, les évêques de Beauvais, de Noyon et de Chartres, Philippe Hurepel, frère du dernier roi, et vingt autres barons s'engagèrent à ne reconnaître d'autre roi que son fils aîné (novembre 1226). La charte qui, à l'origine, portait vingt-cinq sceaux est encore aux Archives nationales (carton J, 363, n° 1) ; elle a été donnée textuellement par M. Teulet, Layettes du trésor dis Chartes, t. II, n° 1811.
[7] Novembre 1226, Teulet, Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 1828.
[8] La lettre-circulaire qui, s'appuyant des vœux du dernier roi, convoquait au sacre de son fils aîné dans le délai le plus bref, était au nom et portait les sceaux de douze prélats et barons, qui sont : Simon, archevêque de Bourges ; Gauthier, archevêque de Sens ; Milon, évêque de Beauvais ; Gérard, de Noyon ; Gauthier, de Chartres ; Philippe, comte de Boulogne ; Gauthier (d'Avesnes), comte de Blois (par sa femme) ; Enguerran, sire de Coucy ; Amaury, comte de Montfort ; Archambaud de Bourbon ; Jean de Nesle (fils de Raoul, comte de Nesle et de Boissons), et Étienne de Sancerre. Teulet, ibid., n° 1823.
[9] Matthieu Paris (année 1226), t. III, p. 324 de la traduction de M Huillard-Bréholles. Nous y renverrons préférablement an texte, comme étant plus facilement à la disposition du lecteur.
[10] Vincent de Beauvais, Specul. histor., l. XXX, c. CXXIX, dans les Hist. de Fr., t. XXI, p. 72.
[11] Tillemont, t. II, p. 35.
[12] Voy. la charte par laquelle Philippe lui-même le notifie (décembre 1226). Teulet, ibid., n° 1909, et Tillemont, t. I, p. 437.
[13] Le comte et la comtesse de Flandre, en garantie de leur fidélité au roi, lui cédaient pour dix ans le château de Douai ; ils s'engageaient à n'élever aucune forteresse sur l'Escaut sans la volonté du roi (décembre 1226). Les seigneurs et les communes de Flandre promettaient de se détacher de leur cause s'ils venaient à manquer à leurs conventions. Voy. la charte dans Teulet, l. l., n° 1895, et les sûretés données par Lille, Ypres, Dam, Bruges, Audenarde, Gand, Courtrai, Alost, Rupelmonde, etc., ibid., n° 1822 et suiv.
[14] Quant à Renaud, comte de Boulogne, Blanche se refusa à le mettre en liberté. Selon une tradition recueillie comme telle par Albéric des Trois-Fontaines, il se donna la mort vers Pâques de l'année suivante. (Historiens de France, t. XXI, p. 59.)
[15] Sur la confédération des comtes de Bretagne, de la Marche et de Champagne, voy. Tillemont, t. I, p. 444. Cf. D'Arbois de Jubainville, Hist. des comtes de Champagne, t. V, p. 235, Catal. des actes, n° 1739 et 1740 (janvier 1227). Guillaume de Nangis, p. 311.
[16] D. de Jubainville, t. V, p. 235, n° 1741 (acte du 2 mars 1227).
[17] Guillaume de Nangis, Histor. de France, t. XX, p. 315. Sur le traité de Vendôme et les conditions faites au comte de Bretagne et au comte de la Marche, Tillemont, t. I, p. 456-460. La régente Blanche de Castille cherchait à se rattacher les deux seigneurs les plus dangereux pour l'autorité du roi par des mariages : 1° le comte de Bretagne, par le mariage d'Yolande, sa fille, avec Jean, frère du roi, institué comte d'Anjou et du Maine par le testament de Louis VIII : elle devait lui donner Angers, Baugé et Beaufort en attendant que le prince dit atteint vingt-et-un ans. C'est Jean lui-même qui l'annonce dans une lettre du mois de mars 1227(Teulet, l. l., n° 1922) ; 2° le comte de la Marche, par le double mariage d'Élisabeth de la Marche, sa fille, avec Alfonse frère de Louis IX ; et d'Isabelle, sœur du même roi, avec l'héritier du même comte. Ces mariages ne s'accomplirent pas. Jean mourut et Alfonse ne tarda pas à être destiné à un mariage plus considérable par le traité de Paris ou de Meaux (1229).
[18] Elle est annoncée par une lettre de Richard du mois d'avril 1227. Teulet, l. l., n° 1926. Henri, après avoir refusé de la ratifier, fut trop heureux de le faire en juillet 1227.
[19] Hue de la Ferté, dans son 3e servantois. Paulin Paris, Romancero français, p. 190. On lui reprochait d'envoyer de l'argent en Espagne, autre moyen de la rendre impopulaire. Le même, 1er servantois, ibid., p. 183 ; et D'Arbois de Jubainville, Hist. des comtes de Champagne, t. IV, p. 284.
[20] Selon une version de la Chronique de Saint-Denys, qui diffère de Guillaume de Nangis, le roi revenait seul ; sa mère était à Paris et c'est elle qui, de Paris, provoqua le mouvement auquel le roi dut son salut, t. XXI, p. 104.
[21] Rinaldi (Raynaldus), Annales ecclésiastiques, an 1227, art. 57 ; cf. 60, et Tillemont, t. I, p. 471-473. Une lettre du cardinal Romain de Saint-Ange, faisait connaître à l'archevêque de Tours que le concile de Bourges avait accordé au roi les décimes des biens du clergé pour cinq ans (5 juin 1227) ; Layettes du trésor des Chartes, t. III, n° 1930. Le 5 décembre de la même année, Grégoire IX donnait à l'archevêque de Sens le pouvoir d'examiner, commuer ou annuler les vœux que la reine Blanche aurait pu faire témérairement, ibid., n° 1953.
[22]
Henri III, dans les pouvoirs qu'il donnait à ses envoyés, témoignait qu'il
cédait aux instances du pape : Sicut a Domino papa
Gregorio nono nabis est injunctum (6 mai 1228). Layettes du
trésor des Chartes, t. II, n° 1967. La trêve fut renouvelée le 18 juin
1228. Voy. l'acte, ibid., n° 1970. Une lettre d'Henri III à saint Louis
se rapporte su mois de septembre qui suivit cette trêve. Saint Louis s'était
plaint qu'elle avait été violée et réclamait des dommages pour ceux qui en
avaient souffert. Henri III répond qu'il en a donné l'ordre, que le martre du
Temple en Angleterre doit faire parvenir l'argent à Paris, et il prie à son
tour le Roi de faire donner satisfaction aux sujets anglais qui ont eu à se
plaindre (21 septembre 1228). Royal and other historical letters illustrative of the reign of Henri
III, t. I, p. 336
(Londres, 1862).
[23] Chron. de Reims, dans les Hist. de France, t. XXII, p. 304, 305.
[24] Chron. de Reims, dans les Hist. de France, t. XXII, p. 308.
[25] Tarbé, Chansons de Thibaut IV, p. 70-71.
[26] C'est-à-dire : Celui-là n'a que le nom de roi qui depuis longtemps porte la couronne. Paulin Paris, Romancero français, p. 188. D'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 283. Voy. encore la Chronique rimée de saint Magloire (Hist. de Fr., t. XXII, p. 83) :
Maintes paroles en dist an (on)
Comme d'Iseut et de Tristan).
[27] G. de Nangis, Gesta sancti Luldovici, dans les Hist. de Fr., t. XX, p. 317. Albéric des Trois-Fontaines, ibid., t. XXI, p. 606 c.
[28] Guillaume de Nangis, Gesta, p. 317 ; Chron., p. 545 ; Chron. de Saint-Denis, Hist. de Fr., t. XXI, p. 105.
[29] On a en octobre 1228 un grand nombre de serments prêtés ainsi par les villes du Nord : Amiens, Bruyères, Cerny-en-Laonais, Chauny, Compiègne, Corbie, Crépi, Doullens, Hesdin, Laon, Montdidier, Noyon, Roye, Saint-Quentin, Senlis Soissons, Wailly, Verneuil, Arras, Athies, Bray-sur-Somme, Cappy, Ham, Lens, Montreuil-sur-Mer, Pontpoint, Saint-Riquier, Tournai, etc. Layettes du trésor des Chartes, t. II (supplément) n° 19797-197925. Il reçut aussi divers hommages des seigneurs, ibid., n° 1959 et suiv.
[30] Guillaume de Nangis, Gesta, p. 317, et, Chron. an 1228, p. 545 ; Chron. de Saint-Denys, Histor. de France, t. XXI, p. 105.
[31] Guillaume de Nangis, Chron. de Saint-Denys et Matthieu Paris, t. III, p. 332.
[32] Voy. une lettre de Raymond VII à Henri III, à la date du 12 novembre 1228. Histor. Letters, t. I, p. 338.
[33] Dominus autem noster, attendens humilitatem nostram et sperans, quod in devotione Ecclesiæ et fidelitate ejus fideliter perseveremus, volens nobis facere gratiam, filiam nostram, quam sibi trademus, tradit in uxorem uni de fratribus suis, per dispensationem Ecclesiae, et dimittet nobis totum episcopatum Tholosanum, excepta terra marescalli [G. de Lewis] quam ipse marescallus tenebit a domino rege. (Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 1992, p. 149.)
[34] Il promettait de payer, à qui en prendrait un, dans le courant des deux années suivantes, deux marcs, et après les deux ans, un marc. (Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 1992, p. 143 a.)
[35] Hist. générale du Languedoc, t. III, p. 370, et le texte du traité dans les Preuves, p. 329 et suiv. M. Teulet l'a reproduit d'après l'original dans les Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 1992. Le traité signé à Paris avait été arrêté aux conférences de Meaux, d'où le nom de Traité de Meaux, qui lui est souvent donné dans l'histoire. Le comte de Toulouse, gardait avec Toulouse les diocèses d'Agen, de Cahors et de Rodez ; du diocèse d'Albi tout ce qui était en deçà du Tarn (rive droite) ; la cité d'Albi et la partie du diocèse au delà du Tarn (rive gauche) demeurant au roi. Quant à ses possessions de la région du Rhône, il cédait au roi tous ses droits sur ce qu'Il pouvait avoir en deçà du fleuve, et au pape ce qu'il avait au delà dans l'Empire.
Ce traité, dit M. Boutaric, fut un des grands faits de l'histoire de France : non-seulement il mit fin à une longue guerre, mais il fut une réaction contre la croisade dont il s'efforça d'effacer les traces. Simon de Montfort avait concédé une partie des domaines conquis à des croisés, à condition de suivre les coutumes de France, conformément à la célèbre ordonnance rendue à Pamiers en 1211, qui avait été pour ainsi dire le code de la conquête. Le traité de 1229 annula toutes les concessions de ce genre qui avaient pu être faites dans les pays laissés à Raymond VII, et saint Louis tint la main à ce que cette clause fût rigoureusement exécutée. (Saint Louis et Alfonse de Poitiers, p. 39, et les actes cités.) — Dès le mois de juin on avait préparé l'exécution immédiate du traité, dans ce qui devait en être la clause principale, en obtenant de Grégoire IX une bulle qui accordait toute dispense pour le mariage d'Alfonse, frère du roi, avec la fille du comte de Toulouse, 25 juin 1228. (Teulet, t. II, n° 1969.) Plusieurs autres actes se rattachent à cet acte capital. Dans le même mois d'avril 1229. Raymond donna des ordres pour la destruction des murs de Toulouse (Trésor des Chartes, reg. XXX, f°. 37 recto). Amaury, de Montfort, reconnut qu'il avait cédé au roi tout ce qui lui appartenait par la conquête dans le comté de Toulouse (Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2000). Dès le 21 novembre 1228, Olivier et Bernard de Termes avaient cédé au roi le château de Termes (ibid., 1980). Le 25 avril 1229, le comte de Toulouse engagea le comté de Foix à se soumettre comme lui au roi ; soumission qui eut lieu le 18 juin (ibid., n° 1998 et 2003).
[36] G. de Puylaurens, t. XIX, p. 219-224 ; Albéric des Trois-Fontaines, t. XXI, p. 595 c. Voici un trait qui jette une lueur lugubre sur les origines de l'Inquisition à Toulouse. L'année après la canonisation de saint Dominique, à sa première fête (1234), l'évêque de Toulouse venait de célébrer la messe ; comme il se mettait à table, on lui apprend qu'une grande dame de la ville se meurt entre les mains des hérétiques près de la maison des frères Prêcheurs. Il accourt, vérifie le fait, la condamne et la livre au bras séculier : Officiales curiæ mox eam ad ignem deferri in lecto in quo ægrotabat fecerunt, et hilariter combusserunt (Bern. Guidonis, Fragmenta libelli de Ordine pradicatorum, dans les Historiens de France, t. XXI, p. 736).
Le comte de Toulouse, fidèle aux conditions du traité, écrivit au comte de Foix pour l'engager à se soumettre au roi et à l'Église (25 avril 1229, Teulet, l. l., n° 1998). Le comte de Foix se rendit à ce conseil. Il fit acte de soumission devant les délégués du légat et du roi, Pierre de Colmieu et Matthieu de Maillé, s'engageant, comme Raimond, à toute restitution ou réparation à faire à l'Église, donnant en gage les châteaux de Lordat et de Mont-Granier, et en garantie la foi même de ses sujets et leur serment. Le traité de réconciliation est du 16 juin (ibid., n° 2003). Le même jour il reçut l'approbation des prélats et barons devant lesquels il avait été conclu (ibid., n° 2004). Le roi, pour se l'attacher par un lien plus étroit, lui donna mille livres de revenu, pour lesquelles le comte lui fit hommage (Melun, septembre 1229, ibid., n° 2019). En février de l'année suivante, le comte de Clermont (en Auvergne) et son fils Robert firent aussi leur paix avec le roi qui leur rendit plusieurs domaines (ibid., n° 2038).
[37] Matthieu Paris, an 1229, t. III, p. 437 ; Tillemont, t. II, p. 33 ; D. Morice, Hist. de Bretagne, t. I, p. 160 ; cf. Preuves, t. I, p. 898.
[38] Voy. d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 225.
[39] Le duc de Lorraine prit, à l'égard du comte de Champagne, une autre attitude : par un acte du 11 juin 1229, il s'engageait à le défendre contre les filles de Henri II. Teulet, l. l., n° 2002.
[40] Érard de Brienne et sa femme Philippa renouvelèrent leur renonciation à tous leurs droits sur la Champagne par des actes nouveaux de juillet 1227 (Teulet, l. l., n° 1934 et 1935).
[41] Extrait de la Chron. attribuée à Baudoin d'Avesnes, dans Historiens de France, t. XXI, p. 160, etc.
[42] Voir la lettre de Grégoire IX à l'évêque du Mans, du 21 juillet 1229. Teulet, l. l., n° 2014.
[43] Voy. le 1er servantois de Hue de la Ferté, Paulin Paris, Romancero français, p. 182, 183, et d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 243.
[44] Voy. d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 230-235, et les actes qu'il cite.
[45] Matthieu, Paris, an 1230, t. III, p. 442.
[46] D. Morice, Hist. de Bretagne, t. I, p. 162 ; et la sentence rendue par les prélats et les barons dans les Preuves, t. I, p. 868. Les prélats et barons qui prirent part à la sentence et la scellèrent de leurs sceaux étaient l'archevêque de Sens, les évêques de Chartres et de Paris, les comtes de Flandre, de Champagne, de Forez et de Nevers, de Blois, de Chartres, de Montfort, etc. La Charte qui est aux archives (J 241) portait à l'origine trente sceaux. Voy. Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2056. — On n'y voit pas le comte de la Marche : mais le 30 mai il avait renouvelé avec le roi le traité de Vendôme, conclu pour dix ans, bien que trois ans seulement fussent écoulés (ibid., n° 2052). En juin, un mariage était convenu entre Élisabeth ou Isabelle, sœur de saint Louis, et le fils aîné du comte (ibid., n° 2065). Le roi reçut dans le même temps plusieurs hommages de quelque importance : d'André de Vitry, de Raimond et de Guy de Thouars (ibid., n° 2059, 2060, 2062).
[47] Matthieu Paris, an 1280, t. III, p. 448-451.
[48] Matthieu Paris, an 1280, t. III, p. 448-451.
[49] Un poète anonyme se fit l'organe de leur ressentiment. Voy. Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 772, art. de M. Paulin Paris, et d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 288.
[50] M. d'Arbois de Jubainville a réuni tous les détails de cette campagne, t. IV, p. 242 et suiv.
[51] Voy. d'Arbois, t. IV, p. 252. On comprend que le comte de Champagne, si mal vu des barons, ait plus volontiers cherché son appui dans les campagnes et dans les villes ; il y établit vers ce temps-là beaucoup de communes : Comes Campaniæ communias, burgensium et rusticorum fecit in quibus magis confidebat quam in militibus (Albéric des Trois-Fontaines (1231), Histor. de Fr., t. XXI, p. 606 c). Il y a aux archives un très-grand nombre d'actes, constatant l'établissement de communes ou l'extension de franchises en plusieurs villes de Champagne, par l'octroi du comte : à Nîmes (6 janvier 1227), à Écueil (août 1229), à Provins (septembre 1230), à Saint-Mengs (mai 1231), à Châtillon et à Dormans (août 1231), à Saint-Florentin (1231), etc. Teulet, l. l., n° 1913, 2017, 2075, 2134, 2153, 2170, 3513.
[52] Voy. par exemple l'hommage de Guiomar de Léon et les conditions qu'il y a mises : Le roi tiendra de lui quinze chevaliers à ses dépens tant que la guerre durera et lui donnera mille livres tournois s'il y a guerre, et sept mille sous tournois, s'il y a trêve. S'il y a guerre, le payement des mille livres tournois sur lesquels sept mille sous (la somme prévue en cas de trêve) ont été touchés, s'achèvera à des termes raisonnables. Le roi ne peut faire paix ni trêve avec le comte de Bretagne, sans le retenir lui et ceux qui, comme lui, ont embrassé sa cause, dans son hommage : car jamais par la suite, ajoute-t-il, ni moi ni eux ne retournerons à l'hommage ou au service du comte, nec de cetero ego vel ipsi ad homogium vel servitium ejusdem comitis revertemur (mai 1231). (Layette du trésor des Chartes, t. II, n° 2136.)
[53] Sur la trêve entre la France et l'Angleterre, dont Mauclerc et 10 comte de Chester furent les négociateurs, au nom d'Angleterre, voy. Teulet, l. l., n° 2141. La trêve était conclue pour trois ans à partir du 24 juin 1231. Il était dit que pendant cette trêve le comte de la Marche ne pourrait être assigné en justice ou molesté en cour laïque ou ecclésiastique, et, chose assez étrange, c'est le roi de France qui lui assurait cette garantie contre les entreprises du roi d'Angleterre (4 juillet 1231).
Vers la fin de cette trêve (12 juillet 1234), le pape écrivit aux deux rois pour les presser de la renouveler. (Voy. Rinaldi, Ann. ecclés., an 1234, art. 29, et pour ce qui est du roi de France, Teulet, l. l., n° 2269.) Quant à Pierre Mauclerc, dans la trêve qui lui fut accordée en même temps qu'elle était conclue avec l'Angleterre en 1231, ou lui fixait des limites au delà desquelles, par différents côtés, il ne devait pas s'approcher de la France. Il le reconnaît dans un acte de juillet 1231. (Ibid., n° 2141.)
[54] Une bulle de Grégoire IX à l'archevêque de Bourges (24 avril 1232) lui mandait de s'opposer à la célébration de ce mariage. Voy. d'Arbois de Jubainville, n° 2186 ; cf. n° 2191.
[55] Thibaut ne manqua pas de s'en faire un titre auprès de Blanche, s'il est vrai qu'il lui ait adressé la chanson où on lit :
Et si je fai d'aillors amer semblant
Sachiez que c'est sans cuer et sans talent.
S'en soyez sage
(Sachez-le donc).
Et sit vos on devoit peser
Je le lairoie ansois ester
(Je le laisserais en cet état demeurer).
(Hist. litt. de France, t. XXIII, p. 979, et d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 256.)
[56] Sur ce mariage, voy. Teulet, Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2231 (mars 1233).
[57] Sur l'intervention d'Honorius III (1219 et 1223), puis de Grégoire IX (1227 et 1233) relativement aux prétentions d'Alix sur la Champagne, et à la question de sa légitimité, voy. d'Arbois de Jubainville, t. IV, p. 258, et les actes auxquels il renvoie ; voy. aussi Layettes du trésor des Chartes, t. Il, nos 1940, 2233 et 2235.
[58] Voy. Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2314.
[59] La livre était une monnaie de compte qui se payait en espèces d'or ou d'argent ; et comme le rapport de l'or à l'argent n'était pas le même au temps de saint Louis que de nos jours (l'or valait 12 fois et 2/10 son poids d'argent ; il le vaut 15 fois ½ aujourd'hui), dans tous les cas où il n'est pas dit en quelle matière le payement est fait, il y aurait incertitude : 1 liv. tournois valant en argent 17 fr. 84 c., en or 22 fr. 67 c. C'est pour cette raison que M. de Wailly a proposé de prendre pour la valeur de la livre un nombre moyen entre ces deux valeurs. Nous suivrons ici son système qu'il a résumé dans un éclaircissement à sa belle édition de Joinville et dont il avait déjà exposé les raisons dans plusieurs mémoires lus e l'Académie des inscriptions et belles-lettres (Mém. de l'Acad. des inscr., t. XXI, 2e partie, p. 114 et 117), et dans les préfaces des tomes XXI et XXII des Historiens de France.
D'après ces principes, la livre tournois et la livre parisis étant entre elles dans le rapport de 4 à 5, on arrive à ces évaluations :
Denier
tournois |
0 |
fr. |
8 |
c. |
443 |
Sol
tournois |
1 |
|
1 |
|
382 |
Livre
tournois |
20 |
|
26 |
|
382 |
|
|
|
|
|
|
Denier
parisis |
0 |
|
10 |
|
554 |
Sol
parisis |
1 |
|
26 |
|
649 |
Livre
parisis |
25 |
|
32 |
|
978 |
Pour offrir au lecteur des analogies moins exactes, mais plus familières, le sou tournois valait à peu près notre franc et le sou parisis le shilling anglais ; la livre tournois était à peu près notre pièce de 20 fr. et la livre parisis la livre sterling ou guinée anglaise. On peut faire couramment la conversion sur ces bases.
[60] Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2310 et 2322. Extrait de la Chronique attribuée à Baudoin d'Avesnes, Histor. de Fr., t. XXI, p. 162 ; Albéric des Trois-Fontaines, an 1234, ibid., p. 612 ; et Tillemont, t. II, p. 231. — Alix donna au roi reçu des 40.000 livres. (Histor. de Fr., t. XXIII, p. 676.)
[61] Le 2 janvier 1234, Grégoire IX accorda, pour le mariage, dispense en raison du quatrième degré de parenté. (Teulet, l. l., n° 2263.)
[62] On taillait 58 sous au marc d'argent : la valeur du marc, calculée sur la valeur moyenne du sou tournois, serait donc de 58 fr. 80 c. 156, et les 10.000 marcs feraient 588.015 fr. 60 c.
[63] La dépense du mariage et du couronnement s'éleva à 2526 l. Parisis, 13 s., 7 d. (64.000 fr. 22 c.) y compris 236 l. (5877 fr. 83 c.) qui furent données à l'évêque élu de Valence et à sa suite ; le prix des robes de soie, et autres qui furent données y est compté pour 314 l. 12 s. (7968 fr. 80 c.). La dépense du pain s'éleva à 98 l. (2482 fr. 30 c.), celle du pain du roi à 20 l. (506 fr. 60 c.), celle du vin à 307 l. (7176 fr. 30 c.), de la cuisine, à 667 l. (16 895 fr. 10 c.), de la cire, 50 l. (4266 fr. 80 c.) ; je néglige les fractions et j'omets les autres détails que l'on peut voir dans le compte général (Historiens de France, t. XXI, p. 246 et suiv.).
[64] Matthieu Paris, t. III, p. 459. Il place même ce fait à une date antérieure (1231). Cf. Tillemont, t. II, p. 314.
[65] Tillemont, t. II, p. 215. Dans sa lettre (août 1234) il se borne à annoncer que tous les barons de Bretagne doivent observer la trêve comme lui-même et son fils (Teulet, Layettes du trésor des Chartes, t. II, n° 2302). Plusieurs seigneurs se portaient caution de sa parole : Jean, comte de Mâcon, son frère, s'y engageait lui et sa terre ; Hugues, duc de Bourgogne, s'y obligeait pour 3.000 mares ; Hugues, comte de Saint-Pol, pour 2000 marcs ; Jean, fils aîné du comte de Soissons, pour 1.000 marcs (même date, ibid., n° 2303-2306.)
[66] Matthieu Paris, an 1234, t. IV, p. 72.
[67] Par un acte daté de Paris, novembre 1234, il déclare qu'Il s'en est remis de la manière la plus absolue à la volonté du roi et de sa mère : Notum facio universis.... quod ego in karissimum dominum meum Ludovicum, regem Franciæ illustrem, et in illustrem dominam B (Blancham) reginam matrem ejus me compromisi et me supposui voluntati eorum, haut et bas, de omnibus illis que pro se voluerint dicere ; et sicut dixerint, ego faciam. (Teulet, Layettes du trésor des chartes, t. II, n° 2319.)
[68] Teulet, ibid., n° 2320. D. Morice, Hist. de Bretagne, t. I, p. 166 et 167.
[69] Voy. entre autres une enquête sur les plaintes des Bretons, faite à Saint-Brieuc en 1235, et une autre sur les dommages faits à l'évêque de Dol. Teulet, n° 2417 et 2419 ; voy. aussi Tillemont, t. II, p. 219 et suiv.
[70] Blois, Chartres, Sancerre et la vicomté de Châteaudun. — En janvier 1234, Mathilde, comtesse de Boulogne, succédant à son père, après avoir prêté au roi un triple hommage, lui cédait encore les forteresses de Boulogne et de Calais pour dix ans. (Teulet, l. l., n° 2266 et 2267.)
[71] Un premier traité en ce sens avait été conclu entre Frédéric et les envoyés de Louis VIII à Catane en novembre 1224. Il fut renouvelé en août 1227 à Melfi et enfin à Pordenone (Frioul) en 1252. Voy. Huillard-Bréholles, Hist. diplom. de Frédéric II, introd., p. CCXCIII et CCXCV-CCXCVII ; t. III, p. 164 t. IV, p. 354, 335 et 570.
[72] Voy. du Boulay, Hist. de l'Université, t. III, p. 132 et suiv., et Tillemont, t. I, p. 537.
[73] Voy. Guillaume de Nangis, Gesta, p. 319, et Chron., p. 546 ; Vincent de Beauvais, l. XXX, c. CXXXVII (Histor. de France, t. XXI, p. 72), et Matthieu Paris, an 1229, t. III, p. 399 ; cf. Tillemont, t. II, p. 96, et du Boulay, t. III, p. 140 et suiv. Il reproduit les lettres de Grégoire IX qui témoignent de la vive sollicitude du pape en cette affaire.
[74] Tillemont, t. II, p. 150 et suiv. Sur l'archevêque Maurice, voy. aussi l'Hist. litt. de la France, t. XVIII, p. 142. Son tombeau se voit encore derrière le chœur de la cathédrale de Rouen à laquelle on travaillait toujours à son époque.
[75] Voy. la lettre de Grégoire IX, 6 avril 1234. Teulet, l. l., n° 2279.
[76] Voy. Tillemont, t. II, p. 166 et suiv., et Hist. litt. de la France, t. XVIII, p. 247, à l'article de Henri de Dreux ou de Brenne, archevêque de Reims, dont la lettre au pape est en partie reproduite. Nous y reviendrons pour la suite.