NAPOLÉON ET ALEXANDRE Ier

L'ALLIANCE RUSSE SOUS LE PREMIER EMPIRE

I. — DE TILSIT À ERFURT

 

CHAPITRE IX. — PREMIER AJOURNEMENT.

 

 

Napoléon prononce son action en Espagne. — Situation de la péninsule. — Affolement de la cour. — Symptômes de révolution. — Napoléon incline de plus en plus à détrôner les Bourbons. — Tout engagement avec la Russie remis jusqu'après règlement de l'affaire espagnole. — Confidence de Talleyrand à Metternich. — L'Orient reste pour Napoléon l'objectif final. — Ses paroles au prince Guillaume de Prusse. — Mémoire demandé à M. de Champagny sur le partage et les moyens de l'opérer. — Nécessité d'entretenir la patience de la Russie. — Attitude de Tolstoï à Paris. — Ses fréquentations. — L'ambassadeur de Russie et madame Récamier. — Napoléon s'efforce de rassurer Tolstoï et lui fait espérer l'évacuation de la Prusse. — Il offre à Alexandre, ailleurs qu'en Orient, des concessions immédiates. — Il le presse itérativement de s'emparer de la Finlande. — La crise espagnole éclate. — Arrivée des lettres d'Alexandre et des rapports de Caulaincourt. — L'Empereur recule l'entrevue, ajourne toute discussion sur l'Orient et part pour Bayonne. — Nouvelles inquiétantes de Constantinople. — Mouvements brusques et incohérents de la politique ottomane. — Agitation guerrière. — Napoléon veut à tout prix empêcher la reprise des hostilités sur le Danube. — II prend au nom d'Alexandre l'engagement qu'aucun acte de guerre ne sera commis avant l'issue des négociations entamées à Paris entre la Russie et la Porte. — Audace de cette démarche. — Comment sera-t-elle accueillie à Pétersbourg ? — Confiance passagère et sérénité d'Alexandre. — Il se prépare à partir pour Erfurt. — Succès des Russes en Finlande. — Le Tsar accepte cette province en cadeau de Napoléon. — Les belles de Pétersbourg. — Annexion de la Finlande. — Faveur qui en rejaillit sur l'alliance française. — Les chefs de l'opposition dans les salons de l'ambassade. — Le maréchal Bernadotte suspend son mouvement vers la Scanie. — Fâcheux effet produit à Pétersbourg. — On apprend le départ de l'Empereur pour Bayonne ; déception d'Alexandre. — Seconde crise de l'alliance. — Importance politique et stratégique du rôle dévolu à Caulaincourt.

 

Tandis que l'on conférait à Pétersbourg, Napoléon agissait en Espagne. A supposer qu'il n'eût pas été fixé, le 2 février, sur les proportions qu'il donnerait à son entreprise, sur le mode d'intervention qu'il choisirait, ses projets avaient vite mûri, développés par les circonstances : dès le milieu du mois, la situation de la péninsule lui inspirait plus fortement le désir d'en finir avec les Bourbons, de brusquer les événements à Madrid et d'y implanter sa dynastie[1].

Poussées silencieusement au delà des Pyrénées, nos colonnes continuaient d'avancer, mettaient garnison dans les villes, occupaient les provinces, dépassaient l'Èbre, sans rencontrer de résistance, mais l'état intérieur du pays se révélait redoutable. Le sentiment national s'éveillait et souffrait, l'opinion s'éloignait de plus en plus d'un pouvoir discrédité, accusé de livrer l'Espagne à l'étranger ; les mécontents se tournaient vers l'infant Ferdinand ; les magistrats de la cour suprême, en acquittant les amis de ce prince prévenus de complot, semblaient condamner la vieille royauté, et de toutes parts apparaissaient les symptômes précurseurs d'une crise. Entre la révolution menaçante et notre armée, dont les intentions lui devenaient suspectes, la cour ne savait que trembler. Charles IV écrivait à Napoléon des lettres éperdues, le suppliant de rompre le silence et de faire connaître ses volontés. Autour de la reine, on agitait des mesures extrêmes et l'on songeait à fuir. Partout les ressorts du gouvernement se détendaient, le concours maritime de l'Espagne, destiné à servir de lien entre la réorganisation de la péninsule et nos entreprises sur la Méditerranée, nous faisait défaut ; appelée à Toulon, l'escadre de Carthagène ne dépassait point les Baléares, manquait à Ganteaume sur les côtes de Sicile, et son absence laissait un vide dans nos combinaisons. Irrité de ces mécomptes, n'attendant plus rien d'une autorité défaillante, Napoléon réunissait ses armées d'Espagne sous le commandement de Murat et les poussait sur le chemin de Madrid. Jugeant que la moindre secousse imprimée au trône chancelant des Bourbons suffirait pour en déterminer la chute, il s'était résolu à précipiter ce dénouement ; puis, quand la disparition de la dynastie régnante aurait fait place nette, il franchirait les Pyrénées ; apparaîtrait aux Espagnols en arbitre, en réformateur, irrésistible et bienfaisant, et élèverait parmi eux un pouvoir qui ne serait qu'une émanation de lui-même. S'il avait paru, dans les semaines précédentes, surtout préoccupé de l'entreprise orientale, il ne dissimulait plus à ses entours qu'il comptait donner au règlement de l'affaire espagnole la priorité sur toute négociation définitive avec la Russie, et c'était à cette volonté que Talleyrand faisait allusion dans un nouvel entretien avec Metternich : La question, disait-il en parlant du partage, me parait un peu plus éloignée, et comme l'Autrichien, mal remis de l'épouvante que lui avait causée l'annonce de nos projets, se hâtait de saisir au passage cette espérance d'ajournement : Ne dites pas ajournée, reprenait Talleyrand avec vivacité, je vous dis tout au plus moins imminente[2].

En effet, l'Orient reste pour Napoléon l'objectif final. Le 17 février, écrivant à son frère Louis, il lui fait entrevoir l'instant où l'Angleterre, assaillie de tous côtés, menacée dans les Indes par une armée française et russe[3], devra se rendre, et il le pressé de coopérer à ce résultat par un redoublement d'activité maritime. Le 23, recevant le prince Guillaume de Prusse, qui vient l'implorer pour son pays, il l'accueille par ces paroles : L'arrangement de vos affaires tient sa place parmi les combinaisons de la politique générale qui sont à la veille de se développer : ce n'est pas une affaire d'argent, mais de politique... Pendant l'été, ajoute-t-il, les grandes affaires seront peut-are arrangées. Et il répète plusieurs fois que dans ce moment, Constantinople est le point essentiel vers lequel se dirige sa politique, ajoutant que selon les circonstances, il regardera les Turcs comme ses amis ou ses ennemis[4].

Par son ordre, on rassemblait des renseignements topographiques sur la Turquie européenne et les facilités d'invasion qu'elle offrait ; le ministère des relations extérieures avait été chargé spécialement de cette étude. Lorsque Napoléon avait écrit à Alexandre et à Caulaincourt les lettres du 2 février, il les avait adressées directement à son ambassadeur, sans emprunter l'intermédiaire du secrétaire d'État ; même il n'avait point jugé à propos de mettre prématurément M. de Champagny dans la confidence de ce grand acte. On se tromperait étrangement, il est vrai, en croyant surprendre dans un tel procédé une intention de diplomatie occulte, le désir de modifier ou de traverser les directions officielles. Napoléon n'agissait jamais à l'encontre de ses ministres, il agissait parfois sans eux. Agents passifs et subordonnés de sa volonté, il ne les appelait à connaître toute sa pensée qu'autant que cette communication devenait indispensable pour l'accomplissement de leurs devoirs respectifs. Jugeant que l'affaire du partage devait se traiter directement entre les deux souverains, relevait de leur compétence immédiate, il avait voulu lui laisser tout d'abord un caractère intime et confidentiel, sans affaiblir par l'intervention des chancelleries l'autorité des paroles préliminaires qui s'échangeraient. Il ne renonçait pas pour cela à se priver des lumières que pourrait lui offrir le ministère des relations extérieures ; il le consulta rétrospectivement. Dans le milieu de février, il demandait à Champagny, dont il appréciait au plus haut point le zèle et le dévouement, un travail à la fois politique et géographique sur le partage de la Turquie et les moyens de l'effectuer.

Le ministre, ignorant que le principe même de la question se trouvait préjugé dans une forte mesure, l'examina longuement, apprécia l'opportunité de l'opération, résuma consciencieusement dans deux rapports les arguments pour et contre, évitant de se prononcer et s'en remettant à la sagesse du maitre. A ses développements, il joignit plusieurs séries de notes dont une partie avait été rédigée par M. Barbié du Bocage, géographe du département ; on y trouvait, d'après les données assez incomplètes que l'on possédait alors sur la péninsule des Balkans, le tracé des différentes routes que pourraient suivre des armées d'invasion parties de l'Adriatique et s'acheminant vers Constantinople ; c'était un recueil d'itinéraires, indiquant les étapes, les distances, les ressources des pays à traverser, les obstacles à vaincre. De son côté, M. de Champagny avait nourri son exposé de toutes les informations qu'il avait pu colliger sur la superficie des différentes provinces et leur importance respective[5].

A l'aide de ces travaux, l'Empereur se mettait en mesure de mieux discuter avec Alexandre, lorsque l'heure serait venue, les conditions du démembrement et de la conquête. En même temps, il avisait aux moyens d'adoucir pour la Russie l'amer-turne d'un délai qui entrait de plus en plus dans ses combinaisons. S'il ne revenait pas avec elle sur le partage, se contentant d'avoir jeté dans l'esprit du Tsar une grande espérance et attendant de savoir l'effet qu'elle y aurait produit, il se montrait, sur les autres questions, disposé à la complaisance. Employant avec la Russie tous les modes de communication, s'adressant par lettres à l'empereur et verbalement à Tolstoï, il composait son langage à l'un et à l'autre suivant la différence de leurs passions et de leur caractère.

C'était une tâche malaisée que de rassurer Tolstoï et de guérir ses défiances. L'ambassadeur résistait à toutes les séductions. Vainement l'Empereur l'attirait-il dans sa société privée ; vainement cherchait-il toutes les occasions de le distinguer et de lui faire honneur : le Russe restait sombre, inquiet, préoccupé. Dans sa conduite, il prenait le contre-pied de tout ce qu'eût désiré Napoléon. Au lieu de voir une société qui fût dans l'esprit du gouvernement[6], il cherchait toujours au faubourg Saint-Germain des consolations aux déboires que lui causait la partie officielle de sa mission ; on eût dit qu'il prenait à tâche de se lier avec les personnes les moins agréables au souverain ; auprès d'elles, il perdait sa froideur, devenait aimable : il alla jusqu'à être amoureux de madame Récamier, à l'instant où l'Empereur disait qu'il regarderait comme son ennemi personnel tout étranger qui fréquenterait le salon de cette dame[7]. Pourtant, Napoléon ne lui tenait pas rigueur de tels procédés ; désespérant de le ramener par des prévenances, il essaya à la fin de le raisonner et sentit la nécessité de quelques concessions, au moins apparentes, à la politique personnelle de l'ambassadeur.

Jusqu'alors, il ne lui avait promis l'évacuation de la Prusse que conditionnellement, si la Russie se retirait des Principautés ; il s'était efforcé surtout de lui inculquer la patience, en la lui montrant la première vertu de son nouvel état : Vous n'êtes pas diplomate, lui disait-il, vous voulez faire marcher les affaires comme les brigades et les régiments ; vous voudriez les faire aller au galop ; elles doivent être bien mûries[8]. Vers la fin de février, son langage devient plus affirmatif ; il se dit à la veille d'évacuer la Prusse, parle spécialement de rendre à Frédéric-Guillaume sa capitale ; il laisse même Daru signer à Berlin un projet d'arrangement financier. Il proteste aussi devant Tolstoï contre toute idée de rétablir la Pologne, assure qu'il évacuera le grand-duché aussitôt que la saison lui permettra de déplacer ses troupes : en juillet au plus tard, ajoute-t-il, tout sera si bien terminé, réglé, entre la France et la Russie, que les deux cours n'auront plus à échanger une explication avant quatre ou cinq ans[9].

A l'empereur Alexandre, il ménage de plus positives satisfactions. Il lui fait réitérer par Caulaincourt l'offre de la Finlande et l'engage à prononcer l'annexion de cette province c'est un acompte qu'il lui accorde sur de plus vastes conquêtes, un moyen qu'il lui donne de calmer les impatiences de l'opinion et de traverser l'épreuve redoutable du printemps. Pour occuper et engager de plus en plus les Russes dans le Nord, il les entretient de sa coopération, annonce que le corps de Bernadotte est en marche, qu'il est entré dans le Holstein, et que, sous peu de jours, si la saison le permet, vingt mille Français avec dix mille Danois vont entamer la péninsule scandinave par le Sud, tandis que les Russes l'aborderont par le Nord, et mettre Stockholm entre deux feux[10]. Il consacre effectivement quelques soins à cette opération combinée[11], sans cesser d'observer avec une attention croissante l'Espagne, où il attend les événements qui vont lui donner le signal d'intervenir.

En mars, la crise espagnole éclate : terrifiée par l'approche de nos troupes, parvenue au dernier degré de l'épouvante, la cour a pris le parti de se retirer à Séville et ensuite de s'embarquer pour l'Amérique. Elle se dispose à s'éloigner, quand le peuple de Madrid, résolu d'empêcher cette fuite, se révolte contre Charles IV, ou plutôt contre la reine et son indigne favori. Le 18, l'insurrection se porte sur Aranjuez, résidence de la cour, s'empare du prince de la Paix, arrache au vieux roi un acte d'abdication, et proclame Ferdinand. Nos troupes vont entrer à Madrid, mais se trouveront entre deux pouvoirs qui se contestent et s'accusent mutuellement ; la situation est devenue franchement révolutionnaire, l'Espagne s'ouvre d'elle-même à notre intervention, et Napoléon peut entrer en scène.

Il annonce aussitôt, prépare son départ. Toutefois, pour régler ses mouvements, il a besoin de savoir quel accueil Alexandre a fait à sa lettre, si ce prince accepte l'entrevue et en a déterminé la date. Que l'empereur de Russie, le prenant au mot, ait résolu de se rendre immédiatement à son appel, quelle raison alléguer pour manquer à un rendez-vous si formellement provoqué, si solennellement offert ? Napoléon prolonge donc son séjour à Paris, impatient et comptant les jours, calculant que les réponses de Russie sont en chemin et ne peuvent tarder. Enfin, dans les derniers jours de mars, la double expédition d'Alexandre et de Caulaincourt lui arrive et le met à l'aise. En acceptant l'entrevue conditionnellement, le Tsar l'ajournait en fait, puisqu'il la subordonnait à l'issue de nouveaux pourparlers ; Napoléon s'empare de cette circonstance pour en faire auprès de son allié l'excuse de son départ. L'entrevue devant se trouver retardée dans tous les cas, il se juge libre de prolonger le délai, écrit en ce sens à Caulaincourt, puis, le 2 avril, se met en chemin pour Bayonne, évitant de se prononcer sur le fond même des propositions russes et remettant toute discussion. Sans renoncer à ses projets ultérieurs sur l'Orient, il les exclut pour quelques semaines de sa pensée et les met momentanément hors de cause.

 

Afin de réserver en entier la question, il voulut empêcher sur le Danube la reprise des hostilités, que l'armistice non ratifié et d'ailleurs expiré laissait imminente ; des événements de guerre, surgissant de ce côté, pourraient modifier la situation respective des parties et exercer sur nos décisions à venir un fâcheux préjugé. Depuis six mois, Russes et Turcs restaient en présence, l'arme au pied, attendant que Napoléon conciliât leurs différends ou leur rendit la liberté de se combattre, mais cette inaction commençait à leur peser, et les nouvelles de Constantinople, en particulier, devenaient menaçantes.

 

Se conformant à ses instructions de janvier, Sébastiani avait sondé la Porte au sujet d'une cession des Principautés ; il s'était acquitté de ce devoir avec douleur, se rappelant les jours où il garantissait fièrement aux Turcs l'intégrité de leur territoire et craignant qu'on ne lui opposât ses propres paroles. J'ai éprouvé dans cette circonstance, écrivait-il, tout ce que les fonctions d'homme public ont de pénible[12]. Réuni solennellement pour écouter ses communications, le Divan les accueillit avec une morne stupeur. Sous le calme et la gravité propres aux Orientaux, l'indignation perçait sur les visages ; seuls, nos ennemis triomphaient, voyant se confirmer leurs sinistres pronostics ; aux yeux des autres ministres, le voile se déchirait, et il ne leur était plus permis de conserver un doute sur la défection de l'Empereur. Une réaction se produisit aussitôt contre nous ; des paroles de haine et de colère parvinrent jusqu'aux oreilles de l'ambassadeur ; nos amis furent privés de leurs charges, exilés, suppliciés ; on reprit sous main des négociations avec l'Angleterre. Toutefois, le gouvernement de Mustapha IV, à la fois violent et faible, n'osa aller jusqu'au bout de son revirement ; craignant nos armes, sentant vaguement un péril suprême planer sur sa tête, il essaya de le détourner par des ménagements. La réponse à notre communication fut conçue en termes dignes et non dépourvus d'habileté ; la Porte ne se plaignait point, protestait de son inaltérable fidélité, mais affirmait sa volonté de ne point céder un pouce de son territoire ; le Sultan écrivit personnellement a Napoléon pour lui demander de garantir l'intégrité de ses États. Le Divan refusa en premier lieu, puis se laissa arracher une promesse formelle d'ouvrir l'Albanie à nos troupes, si les Anglais paraissaient devant Corfou : le chef du parti antifrançais, porté d'abord au pouvoir, fut promptement destitué ; en quelques jours, par brusques saccades, la politique ottomane évolua plusieurs fois, tantôt s'éloignant de nous, tantôt revenant à l'Empereur afin de forcer sa bienveillance, et l'on sentait dans ces mouvements incohérents le combat de craintes et de tendances diverses. Les Turcs n'étaient unanimes qu'en un point : la nécessité de prendre des mesures de défense et de salut. On rassemblait de nouvelles troupes, on appelait les bandes asiatiques, on parlait de guerre sainte et de levée en niasse ; l'armée du Danube s'augmentait, reprenait une attitude belliqueuse, et, dans cette situation critique, le moindre incident, la moindre provocation des Russes, renforcés eux-mêmes en prévision de la grande action prochaine, risquait d'amener un choc redoutable.

D'après Sébastiani, l'issue de ce conflit ne saurait être douteuse ; les soldats du Sultan combattraient en braves, en furieux, mais leur ardeur désordonnée succomberait devant un ennemi supérieur par la discipline, l'armement et la tactique ; il en résulterait pour la Turquie un grand désastre et une commotion fatale. Le gouvernement s'écroulerait, l'anarchie se déchaînerait dans la capitale, les provinces se détacheraient d'elles-mêmes, les Russes, dans l'élan de leur victoire, arriveraient d'un bond jusqu'à Constantinople et se trouveraient nantis des plus précieuses parties de l'empire avant que la France ait pu s'entendre avec eux sur la répartition des territoires orientaux[13].

Ce fut ce danger que Napoléon résolut de conjurer à tout prix. Afin de contenir la Porte en la rassurant, il agit d'autorité et engagea Alexandre sans le consulter ; se portant fort des intentions de ce monarque, il fit savoir à Constantinople que la Russie n'agirait point avant l'issue des négociations qui se poursuivaient à Paris pour la forme entre Tolstoï et l'ambassadeur turc et que l'on pouvait à volonté rompre ou laisser trainer[14]. Pour expliquer au cabinet de Pétersbourg cette mesure audacieuse, il ordonna de lui communiquer, comme pièces justificatives de sa bonne foi, les dépêches de Sébastiani qui attestaient l'abandon par la France des intérêts ottomans, mais qui indiquaient en même temps les conséquences d'une action prématurée des Russes[15]. Ainsi, résolu plus que jamais d'en finir avec l'Espagne avant de revenir à l'Orient, il immobilisait tout dans cette partie du monde et, comprimant de sa main puissante la Russie et la Turquie prêtes à se heurter, suspendait le cours des événements.

Prenant acte de notre garantie, la Porte se calma et consentit à ne point donner la première le signal de la lutte. La Russie se plierait-elle aussi docilement à nos volontés ? Quel effet produiraient sur elle l'ajournement de ses espérances et l'interdiction d'agir ? Croyant toucher au but de son ambition, Alexandre ne le verrait-il pas sans un amer déplaisir s'éloigner à nouveau ? N'interpréterait-il point le départ de Napoléon comme un prétexte pour se dérober à toute concession définitive et un premier manque de foi ?

Depuis la fin des conférences, aucun nuage n'était venu troubler la sérénité des rapports entre notre ambassade et le Palais d'hiver ; on eût dit que la France et la Russie, dont l'harmonie avait été un instant troublée, se reprenaient à s'aimer sans arrière-pensée et goûtaient le charme d'une seconde lune de miel. Pour mieux faire sa cour à Napoléon, Alexandre dépassait en certains points les bornes de la condescendance : il allait jusqu'à interdire aux émigrés restés en Russie de porter la cocarde blanche et les fleurs de lis, proscrivait le noble et gracieux emblème de l'ancienne France. Par ces flatteries, il espérait attirer plus tôt l'Empereur à Erfurt et l'y rendre plus conciliant. Considérant l'entrevue comme très prochaine, il comptait de son côté les journées, calculait les distances ; il estimait que la réponse de Napoléon serait connue à Pétersbourg le 15 avril, et qu'au commencement de mai les deux empereurs pourraient se réunir à Erfurt. Il mettait son plaisir à s'occuper de son voyage ; ses équipages avaient reçu l'ordre de se tenir prêts : Quand partons-nous ? disait-il gaiement à Caulaincourt, et il ne tarissait pas sur la joie qu'il éprouverait à revoir son allié, à retrouver les enchantements de Tilsit.

En attendant, il activait la guerre contre la Suède. Parfaitement résolu, depuis que ses troupes avaient franchi la frontière, à s'approprier la Finlande et la considérant déjà comme son domaine, il ne laissa point que d'en accepter le don avec reconnaissance. Ce cadeau de plusieurs centaines de mille âmes, sujettes du roi de Suède, fut offert et reçu avec une égale désinvolture, à titre d'attention et de galanterie : L'Empereur, dit Caulaincourt à Alexandre en se servant des termes mêmes indiqués par son maître, désire bien que Votre Majesté soit en possession de la Finlande, et pour l'avantage personnel de Votre Majesté et pour que les belles de Pétersbourg n'en entendent plus le canon. — Je le remercie, répondit Alexandre, et pour moi et pour les belles de Pétersbourg ; (en riant) je le leur dirai ; il est toujours aimable pour moi[16].

L'affaire est en bon train, ajoutait-il. En effet, les premières opérations en Finlande avaient brillamment réussi. Surpris dans leurs postes mal gardés, les Suédois n'avaient tenu nulle part : Helsingfors, Abo, avaient été enlevés sans coup férir, et tandis que des colonnes volantes se répandaient dans toutes les parties du pays, où elles ne rencontraient d'autre obstacle que la nature, le gros de l'armée se concentrait autour de Sweaborg, capitale de la province, entreprenait le siège de cette place et la réduisait promptement. Le 5 avril, Alexandre écrivait à Napoléon que la ville, bombardée à outrance, demandait à capituler, le 10 mai, que l'acte de reddition était signé[17]. Dans cette correspondance, il s'abstenait avec un tact parfait de revenir sur la question du partage ; ayant exprimé très nettement ses désirs, il jugeait hors de propos d'y insister et de marquer ainsi un doute sur les dispositions de son allié ; il pensait sans cesse à l'Orient et n'en parlait plus, se bornant à faire connaître que la Porte lui avait adressé des propositions d'accommodement direct et qu'il les avait déclinées. Il évitait aussi toute allusion au sort de la Prusse, laissant à Tolstoï le soin de traiter cette pénible affaire, d'obtenir la ratification et même, s'il était possible, l'amélioration de l'arrangement préparé à Berlin, et ses lettres n'étaient que le bulletin de ses succès : il voulait en instruire l'Empereur au fur et à mesure qu'ils survenaient, afin de lui en faire partager la joie, afin de lui montrer aussi qu'il profitait de ses conseils. Avant même que l'occupation totale de la Finlande fût un fait accompli, s'autorisant de nos encouragements et de nos exemples, préjugeant l'acte de cession qui serait arraché plus tard au roi de Suède, érigeant le droit de conquête en loi suprême, il avait prononcé la réunion de la province à l'empire par simple décret, à la manière de Rome et de Napoléon.

Cet événement produisit à Pétersbourg une sensation profonde et toute à notre avantage. Pour la première fois, la valeur de l'alliance française se révélait par un signe matériel, palpable, évident pour tous. Alexandre, qui voyait dans la conquête de la Finlande un triomphe personnel, une première justification de sa politique, ne manqua point de faire ressortir ce côté de la question : Vous plaindrez-vous encore de mon alliance avec la France ? disait-il aux mécontents ; qu'ont produit celles avec votre chère Angleterre ?[18] L'argument était irréfutable et produisit son effet dans les cercles mondains. Sans doute, les incorrigibles ne désarmèrent point ; dans les salons, la politique continua de provoquer d'aigres controverses, mais le crédit de nos adversaires se trouva ébranlé et leur nombre diminua. On vit même, symptôme caractéristique, les chefs de l'opposition, les Czartoryski, Novossiltsof, Strogonof, se présenter pour la première fois chez notre ambassadeur, faire acte de présence à ses soirées, et ces démarches individuelles, plus ou moins sincères, mais vivement commentées, semblaient le prélude d'une conversion en masse[19]. Une première déception suspendit ce mouvement. Se fondant sur les communications réitérées de l'Empereur, Alexandre et son ministère croyaient fermement et avaient laissé entendre autour d'eux que notre passage en Scanie allait se produire, que cette coopération faciliterait l'entière soumission de la Finlande et permettrait de plus audacieuses entreprises. Aussi bien, Bernadotte s'était avancé avec son corps jusqu'au point du Holstein le plus rapproché de l'archipel danois ; c'était de là qu'il devait s'élancer à l'attaque des provinces méridionales de la Suède. Toutefois, si Napoléon, se conformant à ses promesses, avait envoyé au maréchal tout un plan d'offensive, il ne l'avait autorisé qu'éventuellement à en faire usage. Considérant la pointe en Scanie comme une simple diversion destinée elle-même à en favoriser une autre, celle que les Russes tenteraient contre Stockholm et les parties centrales du royaume, il y regardait à plusieurs fois avant d'engager témérairement ses troupes au delà de la Baltique et de risquer quelques-unes de ses divisions pour une cause qui ne l'intéressait point directement. Il avait donc recommandé à Bernadotte de n'agir qu'à coup sûr et en multipliant les précautions : le maréchal devait franchir les détroits et entrer en Suède, mais seulement au cas où les Danois lui fourniraient assez de troupes pour rendre infaillible le succès de l'opération[20]. Naturellement circonspect, Bernadotte interpréta de tels ordres dans le sens le plus restrictif ; il ne fit passer dans les îles qu'une avant-garde, puis, rencontrant chez les Danois peu d'empressement et apprenant l'arrivée dans la Baltique de quelques frégates anglaises, avant-garde d'une escadre, il interrompit tout à fait sa marche et ne bougea plus de sa position continentale.

Connu très vite à Pétersbourg, cet arrêt y produisit la plus fâcheuse impression ; on soupçonna à tort un contre-ordre de l'Empereur, et l'on y vit un premier signe de duplicité. Nerveuse et mobile à l'excès, l'opinion se reprit aussitôt ; on venait à nous, on s'arrêta, et quelques symptômes de recul se manifestèrent. Alexandre lui-même parut affecté, et ce fut au milieu de l'émoi causé par cet incident qu'éclata la nouvelle du départ de l'Empereur pour Bayonne ; la France se laissait décidément attirer vers le Sud-Ouest, lorsqu'on s'était attendu, d'une part, à la voir s'acheminer au Nord et, de l'autre, aider la Russie à déborder sur l'Orient.

Voilà donc l'Empereur parti, dit Alexandre à Caulaincourt ; le moment où je pouvais m'absenter de Pétersbourg avec le moins d'inconvénient passera, et rien ne sera fini. Je n'avais cependant pas pris la moitié du compas ; je faisais les trois quarts du chemin pour que quelques jours pussent suffire à l'Empereur et qu'il eût la facilité de s'occuper après de ses autres affaires. Celles de Turquie sont aussi importantes ; qui sait ce que les Turcs vont faire ? Pour complaire à l'Empereur, je n'ai jamais profité d'aucun de mes avantages contre eux. Maintenant, il ajourne tout sans rien décider. Qu'en arrivera-t-il ?...[21] Et il refusa de subordonner à notre assentiment la reprise des hostilités ; il n'agirait pas encore, disait-il, retiendrait ses troupes aussi longtemps que possible, si les Turcs n'attaquaient point, mais n'entendait pas se lier les mains et se réservait de fixer lui-même les bornes de sa condescendance.

La communication des lettres de Sébastiani produisit sur lui un effet contraire à celui que l'on s'en était promis ; il releva dans leur contenu un esprit de défiance envers la Russie et demanda si la France, en lui faisant lire ces dépêches, n'avait point voulu le préparer à un changement de système[22]. Il s'étonnait surtout de ne point savoir si l'Empereur adhérait à la note Roumiantsof, s'il admettait la part que la Russie s'était faite, et cette incertitude lui pesait. Comme toujours, Roumiantsof se montrait plus explicite, plus pressant que son maître ; il accentuait les plaintes, soulignait les reproches, réclamait une réponse catégorique : L'Empereur, disait-il, ne peut pourtant nous oublier tout à fait entre Paris et Madrid[23]. Quant à la société, son retour en arrière était complet : elle s'était remise dans une position d'hostilité et de combat.

Tout concourait d'ailleurs à troubler, à attrister la Russie, à lui faire voir le revers de cette alliance qui s'était montrée à elle, peu de semaines auparavant, sous un jour brillant et favorable. Plus incertaine que jamais au Midi, la situation se modifie brusquement au Nord et devient mauvaise. Remis de leur désarroi, les Suédois ont commencé de se défendre ; leurs qualités de bons soldats se sont retrouvées ; dans plusieurs encagements, ils ont ressaisi l'avantage, infligé à l'amour-propre de leur ennemi de cuisantes blessures : ils viennent d'enlever l'île de Gothland avec sa garnison, et ce poste, situé tout près de la côte finlandaise, leur fournit le moyen d'y reprendre pied, remet en question le sort de la province. Derrière la Suède, l'Angleterre commence à se montrer, découvrant ses moyens et se portant au secours de ses alliés. Les dix mille soldats du général Moore, retirés de Sicile, viennent de débarquer à Gothenbourg. On sait la flotte britannique dans les eaux danoises ; on croit la voir paraître sur la Baltique ; on n'ignore pas que les côtes de l'empire sont dégarnies de troupes, que l'armée de Finlande, mal commandée, mal pourvue, dispersée sur un territoire trop étendu, résisterait difficilement à un retour offensif de l'ennemi ; on craint qu'une attaque combinée des Suédois et des Anglais ne rejette la guerre jusqu'aux portes de la capitale, et Pétersbourg ne se sent plus en sûreté.

En même temps, la rupture du commerce avec Londres fait sentir ses effets ; les transactions s'arrêtent, les ruines se succèdent, le papier-monnaie subit une effrayante dépréciation, l'universelle souffrance ajoute aux embarras du gouvernement et avive en lui la douleur de ses propres mécomptes. Alexandre sent renaître ses soupçons, se fortifier ses doutes, et Caulaincourt va avoir à lutter contre un retour d'inquiétude et de défiance. Désormais, le rôle de notre ambassadeur se modifie. Il ne s'agit plus pour lui, dans une offensive brillante, de poursuivre sur le terrain de l'Orient une passe d'armes diplomatique, destinée à préparer une rencontre plus sérieuse entre les deux empereurs : son poste devient défensif et prend, sous ce rapport, une valeur capitale. Tandis que la puissance napoléonienne se détourne temporairement vers l'Espagne, Caulaincourt doit couvrir ce mouvement, contenir le Nord, et, empêchant que la Russie ne s'unisse à l'Allemagne révoltée pour nous surprendre en plein changement de front, assurer la sécurité de notre évolution.

 

 

 



[1] C'est dans le milieu de février que Thiers, par une étude et une comparaison attentive des documents, croit pouvoir placer chez l'Empereur la naissance du plan suivant : déterminer les Bourbons à s'enfuir, en les terrifiant ; les faire arrêter à Séville par notre flotte ; puis, après les avoir ainsi éliminés sans leur permettre de se transporter en Amérique et de détacher les colonies de la métropole, établir un prince français sur le trône vacant des Espagnes (VIII, 428).

[2] METTERNICH, II, 161.

[3] Correspondance, 13573.

[4] HASSEL, 451.

[5] Les deux mémoires de Champagny, avec leurs annexes et les lettres d'envoi à l'Empereur, sont conservés aux archives nationales, A. F. IV, 1688. A cette époque, M. de Champagny avouait à Tolstoï, qui continuait de lui exprimer ses craintes au sujet de la Silésie, que l'Empereur nourrissait de plus vastes plans. Tolstoï à Roumiantsof, 12-22 février 1807. Archives de Saint-Pétersbourg.

[6] Caulaincourt à l'Empereur, 13 janvier 1808.

[7] Nouvelles et on-dit de Pétersbourg du 18 août 1808 : On dit M. de Tolstoï amoureux de madame Récamier. Voyez les Souvenirs de madame Récamier, publiés par madame Lenormant, I, 90.

[8] Tolstoï à Roumiantsof, 25 janvier-6 février 1807, Archives de Saint-Pétersbourg.

[9] Tolstoï à Roumiantsof, 8-20 février 1808. Archives de Saint-Pétersbourg. Cf. le rapport adressé le 19 mars de Pétersbourg à la cour de Prusse par le major Schœler, qui avait reçu connaissance des dépêches de Tolstoï. HASSEL, 406.

[10] Instruction à Caulaincourt, citée par ce dernier en extrait dans son rapport n° 27, 9 avril 1808.

[11] Correspondance, 13592, 13651.

[12] Sébastiani à Champagny, 12 février 1808. Archives des affaires étrangères, Turquie, 216.

[13] Dépêches de Sébastiani des 12, 15 et 26 février, 4 et 5 mars 1808. Archives des affaires étrangères, Turquie, 216. Cf. LEFEBVRE, III, 374-380.

[14] Champagny à Sébastiani, 3 avril 1808, id.

[15] Champagny à Caulaincourt, 2 avril 1803, Russie, 143.

[16] Rapport de Caulaincourt du 7 mars 1808.

[17] Nous avons publié ces deux lettres dans la Revue de la France moderne, 1er juin 1890.

[18] Caulaincourt à l'Empereur, 5 avril 1808.

[19] Caulaincourt à l'Empereur, 5 avril 1808. Caulaincourt poussait parfois la minutie dans ses informations jusqu'à reproduire mot pour mot, à la suite de ses rapports, les propos qui s'échangeaient dans les salons de Pétersbourg. Nous citons l'une de ces conversations prises sur le vif ; on peut la rapprocher de certaines scènes où l'auteur de La guerre et la paix, avec la puissance évocatrice de son talent, fait parler la société russe de cette époque.

Il y a eu une grande discussion chez le grand chambellan Narischkine sur la Finlande. Je suis Russe, a dit le mari ; quand je vois que l'empereur met pour toujours Pétersbourg à l'abri d'une insulte et qu'il réunit à son empire ce que s notre grande Catherine n'osait même espérer, je suis content ; cela doit nous faire a espérer d'autres avantages. La femme, qui est une commère, reprit : Voilà notre chère grande-duchesse vengée de ce petit roi de Suède — Gustave IV avait autrefois brusquement rompu un projet de mariage avec une fille de Paul Ier. — Que la France nous donne ces provinces turques, que tous nos jeunes gens reviennent de l'armée et que nous ayons la paix ; alors, si quelqu'un se plaint encore de l'Empereur, il devrait le chasser de la cour. Ces Anglais, ils nous ont toujours laissés là, ils ne pensent qu'à eux. Quelques personnes plaignirent la Suède, disant tout bas que la France laissait prendre à la Russie ce qu'elle ne pouvait l'empêcher d'acquérir, mais qu'on verrait qu'elle ne lui laisserait pas les provinces turques. Voilà le dernier retranchement des mécontents, mais leur nombre est beaucoup diminué.

La princesse Serge Galitsyne — jeune et jolie, qui a été à Paris et ne voyait que des artistes et des savants — a dit au ministre de Danemark : Vous voilà province française ! vous verrez ce qu'il vous en coûtera. L'Espagne peut vous servir d'exemple. — Il valait mieux recevoir les Anglais, n'est-ce pas ? reprit le ministre de Danemark, ils ont si bien secondé leurs alliés...

Madame Golovine, chez laquelle cela se passait, s'est aussi mêlée de la conversation dans le sens de la princesse ; de part et d'autre on s'est dit de gros mots : Vous parlez sans cesse de votre admiration pour l'Empereur, même de votre attachement pour lui, dit le ministre, à la fin, à la princesse, croyez-vous que cette manière de penser soit d'accord avec vos sentiments ? L'anglomanie vous a tourné la tête, vous n'êtes plus Russe. — Je sépare l'Empereur de tout ce qui se fait, répondit-elle ; il est dupe de l'empereur des Français et de son ambassadeur qui nous gouverne ; on lui jette de la poudre a aux yeux comme à voue ; on nous aveugle avec la Finlande, mais on verra a avant peu que c'est tout ce qu'on veut nous donner. C'est là que j'attends tous à nos amateurs de nouveautés. Nouvelles de Pétersbourg du 12 au 15 avril 1808.

[20] Correspondance, 13672.

[21] Rapport de Caulaincourt du 20 avril 1808.

[22] Caulaincourt à Champagny, 6 mai 1808.

[23] Caulaincourt à l'Empereur, 28 avril 1808.