L'AVÈNEMENT DE BONAPARTE

LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE - 1800

 

CHAPITRE II. — OUVERTURE DE LA SESSION LÉGISLATIVE.

 

 

I

D'après l'acte qui avait mis la constitution en vigueur, le Tribunat et le Corps législatif (levaient s'assembler à très bref délai, le 11 nivôse-1er janvier 1800 ; dix jours seulement s'écouleraient entre l'installation des Consuls et la réunion des deux Chambres ; chambre de discussion, chambre de vote. Le même acte avait désigné les lieux où résideraient les principales autorités. Le Sénat s'était déjà établi et siégeait à buis clos au Luxembourg, où les Consuls demeuraient provisoirement avec le conseil d'État. Le Corps législatif siégerait au Palais-Bourbon, l'ancien palais des Cinq-Cents, et y serait entouré d'une garde de vétérans. Quant au Tribunat, on lui ferait une place au Palais-Égalité, ci-devant Palais-Royal, dans les anciens appartements de la duchesse d'Orléans, occupés depuis par le concert philharmonique, entreprise de plaisirs publics, qui avait tendu les hautes salles de draperies bleues et aurore. Les Tuileries étaient assignées aux Consuls comme résidence définitive, mais l'appropriation du château à ce nouvel usage exigerait quelque temps. D'ailleurs, Bonaparte était résolu d'attendre qu'il fût parvenu à une maîtrise plus complète de l'esprit public pour s'installer matériellement à la place des rois et monter à ce Capitole.

Autour de lui, dans le personnel révolutionnaire, il sentait poindre des germes d'opposition. Des républicains perspicaces avaient refusé de se rallier. Les francs Jacobins et les démocrates extrêmes restaient en nombre dans les administrations, dans les bas et moyens emplois. Besogneux pour la plupart, ils s'étaient soumis amèrement à ce qu'on exigeait d'eux ; dès l'ouverture du plébiscite, ils avaient apporté leur vote à la nouvelle charte organique (pli, tout en leur déplaisant, les laissait en place et assurait leur gagne-pain ; ils avaient adhéré à cette constitution alimentaire[1]. Ils servaient Bonaparte, mais le servaient à contre-cœur. A portes closes, ils déblatéraient contre le Corse. D'étroits rapports les unissaient aux anarchistes de la rue, qui trairaient dans les bas fonds de Paris.

Les révolutionnaires d'un ordre supérieur, fortement nantis et pourvus, haïssaient ces Jacobins. Il existait pourtant entre les uns et les autres le lien d'une aversion commune ; tous étaient des fanatiques d'irréligion qui reprochaient à Bonaparte ses premiers édits de tolérance. C'était l'un des griefs que commençait à invoquer contre lui le parti philosophe, le parti de l'Institut, très puissant dans toutes les parties du corps politique : Ce parti se plaint le plus amèrement des dispositions plus douces que Bonaparte adopte pour les prêtres, et le collège des athées (l'Institut) ne les lui pardonne pas ; ils disent qu'ils assistent à une contre-révolution et se désolent de la renaissance des préjugés[2].

C'est parmi ces hommes de pensée et de parole, dans cette élite intellectuelle de la Révolution, que s'était recruté le parti civil de Brumaire, celui qui avait conçu le plan de l'acte régénérateur et disposé les moyens, celui qui après l'intervention non prévue des baïonnettes avait érigé le Consulat provisoire et siégé utilement dans les commissions intermédiaires. Cc parti se divisait maintenant. Parmi ses membres, les uns s'étaient donnés entièrement à Bonaparte ; ils travaillaient et servaient au conseil d'État. Les autres, établis pour la plupart au Sénat, fidèles à l'esprit primitif du mouvement, regrettaient de s'être laissé extorquer une constitution qui donnait trop à l'autorité. Ce n'était pas là ce qu'ils avaient voulu en Brumaire ; ils avaient voulu restaurer l'ordre public, mais créer en même temps un régime de liberté et de garanties, sauf en matière de religion. Ils avaient eu l'espoir sincère, sons un gouvernement qui mettrait nue bonne fois la Révolution à l'abri des entreprises démagogiques et royalistes, d'appliquer enfin quelques-uns de ses principes et de pouvoir être libéraux. Aujourd'hui qu'ils avaient dû souscrire à un pacte grandissant démesurément l'Exécutif, ils se sentaient dupés et violentés.

Ils avaient en Sieyès moins un chef qu'un inspirateur. Retiré dans la présidence du Sénat, doté d'un riche apanage, Sieyès s'exprimait avec plus d'aigreur que de violence, improuvait sourdement ; il mettait les autres en avant et se dissimulait derrière eux. Il ne pardonnait pas à Bonaparte de lui avoir dénaturé ses idées, d'avoir refoulé ses prétentions organisatrices, et il souffrait d'une constitution rentrée. Cependant, la constitution telle qu'elle avait été votée, tout imparfaite qu'elle fût et précisément parce qu'elle était incomplète, offrait des moyens de résistance et de reprise. Bien des points restaient à fixer, bien des questions à trancher. Sur ce terrain, Sieyès espérait se ménager une revanche ; s'il avait perdu la première partie, il ne renonçait pas à gagner la seconde, en se servant principalement des brumairiens qui lui étaient restés fidèles. La lutte qui va s'engager sera celle de Bonaparte contre le vrai parti de Brumaire, surtout celle des deux hommes qui ont fait ensemble le coup d'État et qui s'en disputent aujourd'hui les résultats, avec cette différence que Bonaparte veut le pouvoir, tout le pouvoir, et que Sieyès se contenterait de l'influence.

On sait que Sieyès, dans le partage d'attributions opéré entre Bonaparte et lui, avait, obtenu de diriger le vote des premiers sénateurs chargés d'élire le Tribunat et le Corps législatif. C'est ainsi qu'il avait formé presque à son gré ces deux chambres, qu'il y avait introduit en masse les membres des anciens conseils ou des assemblées antérieures, et qu'il en avait fait le refuge, le retranchement, le réduit central de l'oligarchie révolutionnaire. Par suite de ces nominations opérées en dehors de Bonaparte, il serait possible à Sieyès de créer une opposition parlementaire.

Le malheur de cette opposition serait de n'avoir aucune base dans le sentiment public et de se composer d'hommes que leur passé révolutionnaire et leur participation ou au moins leur adhésion aux actes odieux avaient marqués d'une tare indélébile. Chaque fois que la nation avait eu la parole, en l'an IV, en l'an V, elle avait rejeté ces lion-unes ; ils s'étaient maintenus contre sa volonté, à coups de violence. On les lui imposait encore une fois ; au fond du cœur, elle les répudiait. Cc fait est capital ; il explique le discrédit originel des assemblées consulaires, leur vice congénital, leur impuissance devant Bonaparte. Les tribuns et les législateurs se disent aujourd'hui ennemis des Jacobins et le sont effectivement ; on leur répondra qu'en Fructidor ils ont admis les pires procédés du jacobinisme et souscrit à toutes les mesures d'arbitraire. Le peuple n'écoulera plus ceux qui essaieront de défendre la liberté contre un despote de génie, après l'avoir violée tant de fois au profit de leurs intérêts et de leurs passions.

Dès à présent, le public blâmait toute velléité d'opposition et prenait parti d'avance contre les discuteurs. Les choix faits par le Sénat avaient fortement déplu, et c'était dans la presse un grondement à peu près général. On s'irritait de voir reparaître ces conventionnels, ces thermidoriens, ces fructidoriseurs, éternels revenants, occupants attitrés de la scène politique. On se plaignait île n'en avoir jamais fini avec eux et que la France dût les subir à perpétuité ; le journal le Diplomate écrivait d'un ton implorant, par contrefaçon des litanies : Des éternels conventionnels délivrez-nous, Seigneur[3]. Puis, à côté d'hommes trop connus, on avait été chercher des inconnus, des médiocres, des comparses du drame révolutionnaire, choisis uniquement parce qu'ils avaient exhibé un brevet de philosophisme et donné des gages moins à la patrie qu'à la secte. Ce personnel qui se cramponnait au pouvoir, était-ce donc une indéracinable coterie, une association d'hommes qui se hissaient mutuellement aux places, une congrégation à rebours ? On leur trouvait quelque chose de l'esprit jésuitique[4]. Dans la Gazette de France, Thurot, l'ex-secrétaire général de la police, reprenant sa plume de journaliste, menait campagne contre les privilégiés de la Révolution et leur exclusivisme : Vous serez bien étonnés d'apprendre que le nombre des républicains se réduit, dans la République française, à quelques centaines d'individus qui, depuis dix ans, exploitent la France et veulent en conserver le privilège[5]. C'est avec leur intolérable prétention à monopoliser le républicanisme, le patriotisme et l'aptitude aux fonctions qu'il faut en finir : Le temps est passé où les hommes faisaient un ministre d'un individu qui se disait patriote, lorsqu'ils n'en auraient point voulu pour leur domestique, s'il n'avait eu d'autre titre à leur recommandation[6].

A l'exclusivisme de Sieyès et de ses amis, on opposait la largeur d'esprit de Bonaparte. Ah ! si tous les corps avaient été composés comme le conseil d'État ! Là du moins Bonaparte avait réuni des compétences reconnues, des capacités éprouvées, sans regarder à leurs antécédents. Si on lui reprochait quelque chose, c'était d'avoir laissé les doctrinaires de la Révolution, les métaphysiciens, les constructeurs d'abstractions, s'établir en trop de places : pourvu qu'il n'allia pas se livrer à eux totalement ! Joubert, le fin penseur, écrivait à Mme de Beaumont : Que le ciel désengoue Bonaparte de ces messieurs, et, à ce prix, qu'il le conserve ![7] Joubert n'était pas seul à craindre — si trompeuses sont parfois les apparences ! — que le consulat de Bonaparte fia le règne des parleurs et des idéologues.

Plus judicieusement, quelques journaux faisaient ressortir que la mauvaise composition des assemblées encouragerait l'Exécutif à s'émanciper de tout contrôle, parce qu'elle rangerait de son côté la masse du public : Si les hommes qui ont intrigué pour avoir des places, si ceux qui les ont données se plaignent un jour de l'ascendant du pouvoir exécutif, nous serons autorisés à leur répondre : c'est votre faute[8].

Contre les assemblées, l'opinion de Paris soutiendrait donc Bonaparte, mais elle ne lui appartenait pas encore entièrement et parfois le dépassait. Dans les classes relativement aisées, en dehors des politiciens, des philosophes et des patriotes convaincus, on était tout à la réaction. Où s'arrêterait cette ardeur rétrograde, qui se manifestait dans les moindres particularités de la vie parisienne ? Avec bonheur, chacun retournait aux usages, aux modes, aux joies d'antan, longtemps proscrites, aujourd'hui tolérées. Sans souci du calendrier républicain, Paris célébrait le Jour de l'an, faisait des visites, donnait et recevait des cadeaux ; Paris mangeait des bonbons à la Bonaparte. Malgré la bise coupante, des Parisiens affairés couraient les boutiques du Palais-Égalité et de la rue des Lombards, les boutiques de confiserie et de bijouterie, qui reprenaient un aspect de fête, mais on trouvait que les magasins étaient plus brillants avant la Révolution et que le commerce allait mieux.

De toutes les nouveautés du jour, la moins demandée était la constitution, dont les exemplaires s'étalaient chez les libraires ; on y voyait une production éphémère, une loi de passage : Deux amis passaient sous les arcades du Palais-Égalité ; l'un d'eux dit à l'autre : Fais-moi le plaisir de prendre une Constitution chez Maret (libraire de l'endroit). — La voici. — Il faut que je t'en remette le prix. — C'est une bagatelle ; tu me le paieras à la première...[9] Un particulier entre chez un autre libraire et demande une Constitution. — Je ne tiens pas d'ouvrage périodique[10]. On s'amusait aux dépens d'une municipalité de province qui aurait envoyé son adhésion en ces termes : Citoyens Consuls, nous nous empressons de vous accuser réception de la nouvelle constitution de l'an VIII. Nous vous promettons la même exactitude pour toutes celles qu'il vous plaira de nous envoyer à l'avenir[11]. Peu de gens en somme prenaient au sérieux la pseudo-république dont Bonaparte avait gratifié la France ; qu'il ne s'en tînt pas là et opérât d'autres changements, on n'en doutait guère, mais on se demandait si la France trouverait en lui la solution définitive on seulement un agent de solution.

La majorité des bourgeois paisibles acceptait sans doute le fait établi, la République consulaire, et s'était même déshabituée des formes monarchiques. Comme la lassitude était extrême, chacun éprouvait le besoin de se reposer en Bonaparte. A l'exception des royalistes actifs, presque tout le monde tenait le Consul pour l'homme actuellement indispensable, providentiel, mais combien de Parisiens croyaient seulement à la nécessité de passer par lui pour arriver à un ordre de choses définitif ; le bonapartisme était pour eux une opinion provisoire. Ils n'estimaient pas que la Révolution pût rien fonder ; un pouvoir issu d'elle ne se consoliderait jamais sur ce volcan à peine refroidi, et la France ne trouverait un lendemain, un avenir, qu'en s'accordant avec ses princes.

Ceux qui pensaient ainsi ne s'entendaient pas d'ailleurs sur le genre de royauté qui conviendrait à la France. Il y avait des absolutistes, il y avait des royalistes libéraux et doucereux, des partisans d'un gouvernement à l'anglaise et du système des deux Chambres, des tenants du roi légitime et ceux qui pensaient au duc d'Angoulême, ceux qui pensaient aux d'Orléans, mille variétés d'opinion, mille conceptions diverses, ondoyantes, presque autant de nuances que d'individus. Beaucoup de Parisiens s'étaient retrouvés royalistes simplement par horreur du jacobinisme et d'autres parce que le royalisme était de bon ton. Et les jeunes gens à la mode, par une conception fantaisiste de l'histoire, se figuraient que l'ère capétienne avait été un temps toujours exempt de secousses et de crises, où l'on menait tranquillement joyeuse vie : Quand on leur parle d'une monarchie de quatorze cents ans, ils croient bonnement que pendant quatorze cents ans on allait paisiblement à l'Opéra et au Vaudeville... qu'il y avait d'assez fréquentes guerres, mais qu'on n'y envoyait jamais les jeunes gens, de peur d'interrompre les bals et les thés[12].

La majorité des journaux appartenait aux idées de droite. Leurs rédacteurs exploitaient la tendance publique : Ces plumes vénales, gémissait le démocrate Poultier, suivent le vent de la réaction parce que cela amène des abonnés[13]. Quarante journaux passaient pour teintés de royalisme ; les plus lus, les plus ardents étaient l'Aristarque français, le Diplomate et l'Ange Gabriel, qui se faisait chaque matin prophète de réaction.

Ces journaux conservaient vis-à-vis de Bonaparte plus d'indépendance que les autres. Certes, ils le proclamaient homme supérieur, mais ne voulaient pas qu'on le gâtât par trop d'encens : Disons de Bonaparte tout le bien qu'il mérite, mais n'allons pas au delà[14]. Les journaux en question louaient les actes de haute et généreuse politique par lesquels Bonaparte avait étrenné son principat, mais ils les trouvaient incomplets, déparés par des réticences, entachés d'arbitraire. On avait rappelé plusieurs députés fructidorisés ; pourquoi ne pas les avoir rappelés tous ? Pichegru et d'autres languissaient toujours dans l'exil. La liste des écrivains relevés du décret de proscription lancé contre eux après Fructidor avait été dressée avec une incohérence presque scandaleuse ; sans que l'on sût pourquoi, un tel avait été compris dans cette mesure d'amnistie et tel autre omis. C'étaient là tâtonnements d'un pouvoir qui n'avait pas le sentiment exact de sa mission et de sa force, et le journaliste tallais osait placer en tête de son Diplomate un article intitulé : Demi-mesures, mesures de faiblesse. Que Bonaparte, disait-il, se montre en tout grand pour rester lui-même, qu'il adopte un système de réparation totale.

Cette satisfaction complète, les feuilles de droite l'invoquaient d'ailleurs au nom des principes posés par la Révolution elle-même et trop longtemps méconnus. Ces journaux amis au fond de l'absolutisme royal se réclamaient de principes libéraux, car en France la liberté est un mot de combat dont les partis se servent pour se disputer la domination.

L'arrière-pensée des royalistes était que Bonaparte, s'il se laissait entraîner à droite, serait entraîné à tel point qu'il ne pourrait plus maîtriser le mouvement et en serait lui-même emporté : Un acte de justice ou de raison en fera demander un autre ; on en demandera avec persévérance relativement aux émigrés ; on défera ainsi la Révolution, et je ne sais quel appui conservera alors le grand Consul révolutionnaire[15]. L'essentiel est donc de détruire la Révolution par la base et pièce à pièce. C'est pourquoi les journaux du parti n'attaquent pas seulement les hommes, mais les choses, les institutions civiles, les lois qui ont à la fois émancipé et désorganisé la société. Un jour, l'Aristarque s'en prend à la loi du divorce ; un autre jour, à la loi qui par le partage égal et forcé des successions anéantit l'autorité dans la famille. On réclamait l'abrogation de ces lois dissolvantes ; on demandait que la religion fût rétablie dans son antique empire. On replacerait ainsi les grandes bases ; ces assises une fois posées, on rendrait à la France des mœurs, des institutions, et il allait sans dire que la royauté viendrait finalement couronner l'édifice.

Derrière les journaux qui sapaient l'œuvre révolutionnaire sans prononcer le nom de Louis XVIII, une littérature purement bourbonienne circulait sous le manteau. Des brochures sans nom d'auteur ni d'éditeur circulaient ; on les débitait dans l'arrière-boutique des libraires ; au coin des rues, des colporteurs les glissaient dans la main des passants. Michaud, futur historien des croisades, publiait sa Lettre d'un Français au général Bonaparte, où il représentait qu'en dehors du principe héréditaire on ne retrouverait jamais consistance et stabilité : le glorieux Consul pouvait mourir : Qui ne sait que le roi de France ne meurt jamais ! Michaud et d'autres s'attaquaient au dogme de l'égalité, faisaient valoir l'utilité des corps intermédiaires et privilégiés qui donnaient des piliers à l'édifice social. Sans se rendre compte à quel point les idées de la Révolution avaient pénétré beaucoup de ceux qui croyaient actuellement la détester, sans s'apercevoir que la passion de l'égalité, suivant le mot de Bonaparte, venait d'envahir la France[16], ces idéologues de droite mettaient en théorie ce que certains fauteurs d'ancien régime essayaient de réaliser par la force, avec l'appui des insurgés de l'Ouest.

Par sa proximité relative, cette insurrection toujours sur pied pesait sur Paris et l'oppressait, entretenait un sourd malaise, prolongeait des inquiétudes diverses. La masse des gens tranquilles s'alarmait un peu de ce voisinage de guerre civile. Les avant-postes de la chouannerie normande étaient à moins de trente lieues ; on les disait plus près, on croyait parfois les voir dans la forêt de Saint-Germain. Des bandes d'insurgés tenaient la basse Seine, interceptaient les convois de vivres remontant le fleuve et gênaient l'approvisionnement de Paris.

Par surcroît d'embarras, l'hiver s'annonçait très dur. Le thermomètre tombé à dix degrés au-dessous de zéro, la gelée s'établissant, la Seine prise, augmentaient la détresse des classes pauvres. En dehors des quartiers d'affaires et de plaisirs, Paris aux maisons noires et aux toits blancs se recroquevillait transi. Dans le faubourg Antoine, l'ouvrier traînait sa misère. Le prix du pain et des autres denrées renchérissait, et des menaces de disette se levaient à l'horizon.

Bonaparte se préoccupait de ce danger à l'heure où la réunion des assemblées pouvait le remettre aux prises avec quelques effervescences parlementaires. Il savait que le besoin physique et la souffrance, plus que la passion politique, suscitent les grands troubles, en mettant les désespérés au service des factieux. Afin d'assurer l'immobilité des masses, il tâchait de pourvoir à leur subsistance. L'approvisionnement des boulangeries et des halles, le maintien des prix à un taux modéré, restaient l'objet de soins constants. Le Gouvernement fit plus et n'hésita pas à ouvrir des ateliers nationaux. La construction de deux ponts fut annoncée ; l'un devait s'établir en face du Jardin des plantes ; la victoire le baptiserait plus tard et le nommerait pont d'Austerlitz ; l'autre relierait la cité à l'île Saint-Louis, appelée alors l'île de la Fraternité. En attendant que ces grands travaux pussent commencer, l'État se faisait dès à présent embaucheur et chef de chantier. Par arrêté consulaire, le ministère de l'intérieur avait été invité à occuper comme il pourrait trois mille bras. Au bruit de cet appel, les ouvriers se présentaient par bandes aux commissaires de police, qui les renvoyaient à l'administration centrale. Le ministère les répartissait en groupes sous la direction de ses architectes, faisait chercher sur quels terrains, à quels bâtiments on pourrait les employer[17].

Aux classes qui souffraient de moins matérielles infortunes, Bonaparte faisait expliquer sa politique de concorde et sa volonté d'apaisement. Ses journaux, l'officiel Moniteur, l'officieux Journal de Paris et d'autres, le montraient sans cesse occupé à éteindre les haines, à rapprocher les esprits, à concilier les intérêts, à interposer partout son action médiatrice. Il trouva un autre moyen de converser familièrement avec le public.

Parmi les brochures anonymes qui couraient de toutes parts, il y en eut une qui fit sensation : Entretien politique sur la situation actuelle de la France et sur les plans du nouveau gouvernement, c'était son titre. Son auteur, le citoyen Jullien[18], républicain avancé, présentait, sous forme de dialogue précédé de considérations personnelles, le compte rendu d'une conversation qu'il avait eue avec un personnage essentiellement autorisé et dans lequel on reconnut tout de suite Bonaparte. En réalité, cette brochure n'était autre chose que ce que nous nommons aujourd'hui une interview. Bonaparte s'était laissé questionner, s'était exprimé franchement sur bien des points et avait permis que ses réponses fussent livrées à la publicité, à la controverse : C'est la première fois peut-être, disaient les journaux ébahis[19], qu'un gouvernement nouveau a mis tout le monde dans sa confidence.

Dans l'interrogatoire auquel il s'est bénévolement prêté, Bonaparte déclare d'abord que la première chose à faire est de rendre à la France un gouvernement. Depuis la Révolution, la France n'en a possédé qu'un, et Bonaparte n'hésite pas à le nommer ; c'est le Comité de salut public, dont l'énergie s'est élevée à hauteur de circonstances effroyables. Après lui, tous les ressorts de l'action publique se sont brisés ou pervertis ; l'État s'est détruit. Le corps social fût tombé en poudre si un latent instinct de conservation n'eût persisté en lui ; le réveil et le sursaut de cet instinct ont produit le 18 brumaire. Cette révolution mémorable, Bonaparte eût voulu l'accomplir avec tous les républicains, avec tous les patriotes ; c'est avec peine qu'il a dû briser la résistance de quelques-uns. Il s'en excuse minutieusement, et son langage revient à dire, si on le traduit en une formule aujourd'hui usitée, qu'il ne veut pas se connaitre d'ennemis à gauche. Après Brumaire, il eût pu s'emparer de la dictature ; il ne l'a pas fait, sachant que la dictature n'est qu'un expédient et n'est jamais une solution. Il a préféré s'enfermer dans les bornes d'une constitution définissant et réglant ses pouvoirs.

Les royalistes plaçaient en lui leur espoir ; il les a déçus et saura au besoin se raidir contre le courant réacteur. Parlant à un révolutionnaire ombrageux, il accentue cette note : Lui aussi, dit-il, il est Jacobin dans le sens des émigrés et des partisans des Bourbons. Après avoir illustré la République par ses victoires, il n'ira pas la livrer à ses ennemis et il n'est pas venu s'élever contre son siècle : Nous sommes dans le dix-huitième siècle. La philosophie et les lumières ont fixé les opinions, et vouloir tuer la Révolution aurait été l'acte d'un fou et d'un scélérat. Il n'a pas voulu de l'immortalité d'Érostrate. Une tâche plus noble le sollicite ; c'est d'assurer le régime nouveau par la fin des discordes.

Il peut rallier tous les partis et les réunir parce qu'il n'est inféodé à aucun ; étranger aux déchirements, aux luttes du passé, il n'a aucune prévention, aucun ressentiment : Il pense qu'il faut utiliser tous ceux qui ont du talent et qui aiment leur patrie ; il ne connait point de partis, mais des Français. Donc, plus de proscriptions en masse, plus de mesures d'exclusion et de défiance contre toute une catégorie de Français, quelle qu'elle soit ; à l'exception des émigrés qui ont divorcé avec la patrie, on rappellera tous les proscrits, les déportés pour cause de modérantisme, les déportés pour cause d'exagération révolutionnaire ; on les rappellera graduellement. Dans l'avenir, on ne généralisera jamais la réprobation et la suspicion ; on ne punira que les actes individuels, s'il s'en trouve de coupables : on ne frappera que ceux qui auront voulu frapper. En même temps, liberté des cultes, respect de la personne, de la propriété et de la pensée de chacun ; guerre aux abus et à une vénalité scandaleuse ; répression impitoyable des attentats de grand chemin et des brigandages, voilà ce qu'on doit attendre du régime consulaire.

Des fautes seront certainement commises : Tous les hommes et surtout les gouvernants en font. Celui qui gouverne le mieux est celui qui en fait le moins. On reconnaîtra cependant chez les Consuls la volonté ferme d'imposer la paix des partis ; à défaut d'une paix éternelle, une trêve durable, et ici Bonaparte laisse échapper une parole profonde, qui peut servir à caractériser l'insigne et précaire bienfait de son règne : tout au moins lui devra-t-on, dit-il, un long armistice intérieur.

Mais non, reprend-il aussitôt, ce sera plus, ce sera le terme définitif des révolutions et des réactions qui depuis onze ans torturent la France. Qu'ils viennent donc, ceux qui veulent coopérer de bon cœur au grand œuvre, et qu'ils ne craignent point qu'on fasse contre eux grief du passé. Quant à ceux, fous ou méchants, qui prétendraient entrer en lutte, ils seront repoussés avec perte ; on les traitera en ennemis de la patrie qu'ils voudraient replonger dans un abîme de maux.

A son interlocuteur qui disserte sur les conditions et les formes du gouvernement représentatif, Bonaparte répond que l'expérience doit avoir appris à se défier des systèmes, des idées abstraites. A présent, on doit s'inspirer avant tout de considérations pratiques : Les meilleures lois sont celles que l'on supporte le plus aisément. Il nous faut un gouvernement, et on ne gouverne pas avec le bavardage et les grandes assemblées. Incidemment, Bonaparte exprime sur les finances, sur les moyens d'organiser l'éducation publique, des idées originales, risquées parfois et encore mal établies. Dans cette curieuse confidence, on sent percer en lui, quelque soin qu'il se donne pour rassurer les amis de la liberté et des garanties constitutionnelles, la passion de gouverner, la passion de recréer à son profit tous les organes de la puissance publique.

Il n'en possédait encore qu'un, son conseil d'État, grand comité élaborateur de lois et de règlements. Il l'avait popularisé du premier coup en l'associant aux mesures de réparation dont il ne voulait pas laisser l'honneur aux assemblées politiques. C'est par arrêtés pris en conseil d'État qu'il avait rendu aux cultes quelque latitude, adouci le sort des prêtres ; c'est sur avis du conseil d'État qu'il venait de déclarer virtuellement abrogées par la constitution les lois qui avaient enlevé aux ci-devant nobles non émigrés, c'est-à-dire à toute une classe de la population, l'exercice de leurs droits civiques. Cette dernière façon de légiférer par interprétation, cette hardiesse à s'autoriser d'un texte muet pour bouleverser l'arsenal des prohibitions révolutionnaires, fut critiquée par quelques-uns ; le public ne vit que le bienfait et l'équité de la mesure.

 

II

Tandis que le conseil d'État prenait délibérément l'avance sur les assemblées, le Tribunat, s'étant réuni le 11 nivôse et ayant élu Daunou pour président, s'occupait d'une question de costumes.

Pour les membres des autorités législatives, un acte des pouvoirs constituants avait supprimé la loge rouge et le travestissement romain ; il avait prescrit l'habit de velours pendant l'hiver et l'habit de soie pendant l'été, gros bleu pour les députés et bleu clair pour les tribuns, agrémenté d'or pour les premiers et d'argent pour les seconds, avec le chapeau français et la ceinture tricolore. A la place d'une large robe qu'on endossait par dessus un vêtement quelconque, ce serait presque une tenue d'ancien régime, apprêtée, un peu guindée, exigeant des soins et des recherches de toilette. Et les journaux de s'esclaffer aux dépens des révolutionnaires obligés à cette subite métamorphose, obligés à se rapproprier et à se requinquer. On s'amusait de la figure que feraient les députés en jabot et les tribuns en bleu clair — couleur de boudoir. Mais les tribuns maugréaient et craignaient la dépense ; quelques-uns jugeaient que la toge était l'attribut naturel de leur fonction et ne concevaient pas que des tribuns fussent habillés autrement qu'à la façon des Gracques.

Dans la seconde séance, Riouffe posa emphatiquement, par motion d'ordre, ces deux questions : les représentants du peuple doivent-ils se distinguer par leur tenue des autres citoyens ? En admettant l'affirmative, n'eût-il pas été préférable de leur donner, à la place d'un habit gênant et cérémonieux, un vêtement plus ample, plus aisé, facilitant la gesticulation de l'orateur et les fougues de son débit ? Lancé sur ce sujet, Riouffe continua longuement et provoqua différentes réponses ; le conflit entre la toge et l'habit remplit la séance[20].

Le Corps législatif s'était constitué de son côté le 11 nivôse, sous la présidence de son doyen d'âge, le citoyen Tarteyron. Un échange d'observations eut lieu au sujet des premières formalités à remplir et de l'ordre des travaux, car la constitution, en imposant au Corps législatif de voter ou de rejeter silencieusement les lois, ne l'avait pas condamné à un mutisme absolu et ne lui interdisait point quelques discussions à côté.

Dans la salle du Palais-Bourbon, une innovation attirait les regards. En face du bureau et de la tribune, sur les cieux côtés de la barre, des places spéciales, séparées (lu reste de l'assemblée par des draperies rouges, avaient été réservées pour les représentants du gouvernement. Le 12, trois conseillers d'État furent introduits et prirent place. lis montèrent tous trois ensemble à la tribune, et l'un d'eux, Fourcroy, lut le premier projet de loi émané de l'initiative consulaire.

C'était plus qu'un projet de loi ordinaire ; il avait pour but de développer certains principes posés de façon sommaire dans la constitution et d'assurer le fonctionnement de cette œuvre bâclée. Portant sur les opérations et communications respectives des autorités chargées par la constitution de concourir à la formation de la loi, il réglait en détail le mécanisme législatif. La constitution s'était bornée à dire que le conseil d'État préparerait la loi, que le Tribunat la discuterait et que le Corps législatif la voterait. Il y avait maintenant à préciser les rapports de ces autorités entre elles, le détail des attributions et les formes. Bonaparte avait eu l'idée de faire trancher ces délicates questions par les commissions provisoires, mais s'était arrêté devant les divisions, les résistances qui l'avaient obligé à réduire le dispositif constitutionnel au strict minimum et à laisser beaucoup de choses dans le vague. La bataille qui avait tourné court lors du vote sur la constitution allait-elle se rouvrir à propos de ce qui en était l'annexe indispensable et le supplément ?

Le Corps législatif renvoya le projet au Tribunat ; celui-ci nomma une commission chargée de l'examiner et de faire un rapport.

Le 13, un incident très vif se produisit au Tribunat, à propos du lieu où ce corps avait été placé. Était-il convenable de l'avoir logé au Palais-Royal, centre de tous les plaisirs et de toutes les corruptions, luxueux repaire des agioteurs, des escrocs et des filles, palais et bouge ? Les tribuns ne seraient-ils pas troublés dans leurs délibérations par la rumeur des galeries et le charivari des musiques ? Puis, pour installer la salle d'assemblée, les bureaux et dépendances, il avait fallu non seulement déplacer un concert, mais fermer plusieurs salons de jeux, expulser militairement les joueurs qui s'obstinaient à se réunir, déranger diverses industries plus ou moins interlopes ; les intéressés faisaient grand bruit, se plaignaient qu'on eût exproprié leur innocent commerce, à quoi les journaux répliquaient qu'il s'agissait plutôt du commerce de l'innocence.

Dans l'espèce d'émoi causé par ces incidents, le tribun Duveyrier trouva occasion à placer un discours tout retentissant de déclamations révolutionnaires. Il approuvait, quant à lui, qu'on eût mis le Tribunat au lieu où la Révolution avait tait ses premières armes ; c'était là qu'en un jour immortel Camille Desmoulins avait ameuté le peuple pour le lancer à l'assaut de la Bastille et abattre ce rempart de la tyrannie. Il importait que de tels exemples restassent toujours présents à la mémoire des tribuns : Dans ces lieux, si l'on osait parler d'une idole de quinze jours, nous rappellerions qu'on vit abattre une idole de quinze siècles[21].

La majorité de l'assemblée accueillit ces mots avec une stupeur épouvantée. Le soir, le bruit courait en ville que Duveyrier allait être arrêté. Il n'en fut rien, et le belliqueux tribun, ami d'ailleurs de Leclerc, coucha dans son lit. Sous le coup droit qui lui avait été porté, Bonaparte ne bronchait pas et demeurait impassible. L'émotion de Paris n'en fut pas moins vive et tourna en colère contre les tribuns. Ainsi, disait-on, ils sont incorrigibles, ces bavards, ces factieux, qui ont sacrifié tant de fois l'intérêt de la France à un effet oratoire. Il a suffi de leur rouvrir une tribune pour que l'on entende à nouveau ces appels incendiaires qui menacent de remettre tout en combustion. Depuis deux mois qu'il n'y avait plus d'assemblées proprement dites, on était si tranquille. Contre les interrupteurs du repos public, ce fut un tollé général.

Le Moniteur se borna, en un article d'admonition, à établir un parallèle entre les tribuns de Rome et les tribuns français, afin de prouver qu'entre les uns et les autres il ne pouvait y avoir qu'une similitude de nom. Les premiers, nés d'une sédition, devaient naturellement se faire des avocats de révolte[22]. Les seconds n'ont d'autre rôle que de coopérer pratiquement à l'œuvre législative. Ils sauront le comprendre ; on ne les verra pas s'égarer en déclamations vaines, en motions subversives : Respectueux pour le guerrier qui a servi son pays, ils ne condamneront point Coriolan ou Camille à être précipités de la roche Tarpéienne[23]. L'avertissement était assez doux, mais d'autres journaux signifièrent plus crûment au Tribunat qu'il se tromperait s'il se croyait appelé à s'ériger en permanent obstacle, en chambre d'opposition.

En réalité, une minorité d'opposants assez nombreux s'était formée dans le Tribunat. Parmi eux, quelques-uns voulaient simplement se donner de l'importance, obéissaient à l'incurable manie de parler à tort et à travers et de critiquer. D'autres, d'esprit plus sincère et raffiné, désiraient assurer, dans la mesure de leurs attributions, un régime de libre contrôle.

Ces parlementaires attardés voyaient Sieyès discrètement et prenaient conseil de ses principes et de ses rancunes ; plus ostensiblement, ils se réunissaient chez Mme de Staël, mais ne s'y trouvaient pas seuls ; là ils se rencontraient avec des ministres et des conseillers d'État, avec les frères de Bonaparte et ses amis de la première heure.

En rouvrant son salon, Mme de Staël avait voulu en faire moins un foyer d'opposition qu'un centre d'influence. Cette femme de génie eut toujours la passion et la faiblesse de se mêler aux affaires publiques, de s'y jeter avec toute son ardeur et de réclamer part au gouvernement. Sous le Directoire, elle s'était crue un instant l'Égérie des hommes du Luxembourg ; elle avait approuvé l'acte de Fructidor, puis s'était efforcée d'en modérer les suites. Généreuse jusqu'en ses erreurs, elle avait arraché à la terreur fructidorienne plusieurs victimes ; dans le gouvernement d'alors elle eût voulu se créer un ministère idéal, tout d'influence et d'autorité spirituelle, mais elle en eût fait le ministère de la pitié. Aujourd'hui, elle avait trop l'instinct du grand pour ne pas admirer Bonaparte ; elle ne demandait qu'à l'aimer, à le célébrer, mais à la condition qu'il puiserait auprès d'elle quelques-unes de ses inspirations, qu'il admettrait les critiques de Benjamin Constant et ferait du salon de Mme de Staël une succursale du Consulat.

Désolée des excès de la tyrannie directoriale, elle avait applaudi au 18 brumaire parce qu'elle avait cru y voir l'acte restaurateur de la liberté. La constitution de frimaire n'avait pas refroidi son zèle ; cette constitution, en effet, lui paraissait réserver, par l'établissement du Tribunat, les droits de la parole. Le Tribunat semblait créé tout exprès au profit de ses amis parlementaires et des habitués de son salon, et cette assemblée, issue d'une sélection compliquée, passerait sans doute à l'état d'académie légiférante. Et pourtant le père de Mme de Staël, M. Necker, retiré en Suisse, jetait sur cet enthousiasme quelques grains de bon sens genevois ; il croyait à la nécessité de Bonaparte, admirait ses prodigieuses facultés, mais comprenait que la constitution, dépourvue de garanties, tournerait fatalement au profit du despotisme : Et vous êtes tous dans l'enchantement, écrivait-il à sa fille ; je vous félicite non pas de tant d'esprit, mais de tant de bonheur. Il ajoutait dans une autre lettre, avec une bonhomie un peu narquoise : Vive la République ! Est-ce toujours ainsi que l'on dit ?[24]

L'erreur des hommes d'esprit et de talent, dont Mme de Staël vivait entourée, était de confondre la liberté politique avec ce qui n'en est que l'une des formes. Peu leur importait que le régime nouveau ne fût pas vraiment représentatif, pourvu qu'il restât à certains égards parlementaire. Ils jugeaient que la France serait libre tant qu'ils pourraient parler, tant qu'il y aurait des assemblées où s'exercerait la fonction verbale, des luttes et des exploits de tribune. Mais voici que le projet de loi réglant les rapports des pouvoirs, tel qu'il était soumis au Tribunat, tendait manifestement à étrangler les discussions et portait la marque d'un esprit autoritaire et expéditif.

D'après son texte, tout projet de loi présenté au nom des Consuls serait porté d'abord au Corps législatif ; c'est par l'intermédiaire de ce corps que s'opèrerait la transmission au Tribunat ; aucun article n'obligeait à transmettre en même temps l'exposé des motifs, ce qui mettrait souvent les tribuns dans le cas de discuter à l'aveugle. Le gouvernement indiquerait la date où le projet devrait revenir devant le Corps législatif, afin que ce juge statuât après avoir entendu les orateurs du conseil d'État et ceux du Tribunat. On fixerait ainsi limitativement le temps dans lequel les tribuns devraient avoir achevé leur examen, formulé un vœu en faveur de l'adoption ou du rejet. De cette façon, la besogne législative ne traînerait point, et il serait impossible de tenir en échec un projet par moyen d'obstruction. Seulement, il pourrait arriver que le gouvernement impartît aux tribuns un délai tout à fait insuffisant à l'exercice de leur droit de discussion, écourtât leur délibération et la réduisit à un travail brusqué. Au jour dit, il est vrai, les tribuns pourraient demander une prolongation de délai au Corps législatif ; si celui-ci refusait l'ajournement, le débat contradictoire entre tribuns et conseillers s'ouvrirait alors que les premiers auraient déclaré que le temps leur avait matériellement manqué pour se faire une opinion et s'éclairer. Par contre, le gouvernement pourrait toujours, en cours de discussion, retirer le projet par devers lui pour en délibérer, puis le reproduire tel quel ou modifié, le reproduire indéfiniment et vaincre par lassitude la résistance des assemblées. En tous points, l'Exécutif s'avantageait aux dépens de ses présumés contradicteurs.

Contre cet ensemble de dispositions, Benjamin Constant, membre du Tribunat, prépara un discours très vif. Seulement, cette harangue de révolte, qui déplairait au Consul, risquait de couper en deux la société de Mme de Staël et de dépeupler en partie son salon, chose bien grave. Le 15 nivôse, jour de la discussion, avant d'aller au Tribunat, Benjamin Constant consulta son amie ; elle lui répondit : Il faut suivre sa conviction[25].

Benjamin parla. Cet être inquiet, délicieusement intelligent, abordait pour la première fois une tribune française. Son corps long et maigre, ses cheveux d'un blond fade, son physique d'étudiant allemand prévenaient peu en sa faveur. Il parla, et l'auditoire émerveillé subit le charme. D'un verbe acéré, il disséqua le projet et en fit voir tous les ressorts s'accordant à restreindre la prérogative tribunitienne : Le but de ce projet, dit-il[26], est de nous présenter pour ainsi dire les propositions au vol, dans l'espérance que nous ne pourrons pas les saisir, et de leur faire traverser notre examen comme une armée ennemie. Avec un rare bonheur d'expression, il montra comment toute proposition se jouerait des obstacles, comment elle se faufilerait prestement à son but, cette proposition trop empressée à devenir une loi. Il continua ainsi longtemps, spirituel, mordant, incisif ; chaque mot portait sa griffe. Il finit par des paroles graves, osa lever le voile sur l'avenir et montrer à l'horizon un régime de servitude et de silence. Il avait cessé de parler qu'on l'écoutait encore ; l'écho de ce qu'il avait dit retentissait profondément dans l'esprit de ses collègues.

Le soir, Mme de Staël attendait à dîner un certain nombre d'amis. Au lieu des convives, ce furent les billets d'excuse qui arrivèrent l'un après l'autre ; il en vint dix à la file. L'audace de l'ami de la maison avait fait ce vide, et la soirée s'acheva presque dans le désert[27]. Mme de Staël se maîtrisa d'abord ; à la fin, elle ne put dissimuler sa cruelle blessure. Les jours suivants, des amis d'ancienne date, des obligés évitèrent son approche ; Talleyrand fut l'un des premiers à lui tourner le dos. Ces hommes de salon ne demandaient déjà qu'à se transformer en gens de cour ; vers le maitre à peine démasqué, c'était un élan d'empressements lâches, une concurrence de bassesses, et la servilité devançait la servitude.

On doit reconnaître que le Tribunat ne se montra pas tout à fait disposé à suivre ce mouvement. L'impression produite par Benjamin Constant ne s'était point effacée. Sans doute, la majorité de ses collègues n'entendait pas le suivre jusqu'au vote ; ils lui donneraient raison dans leur conscience et tort par leur suffrage, mais encore importait-il de ne pas mettre à trop rude épreuve leur docilité un peu troublée. Dans la séance du 16, une intervention maladroite, un excès de zèle, faillirent tout compromettre.

Le tribun Riouffe demanda la parole. Il incrimina violemment l'amertume scandaleuse de Constant, revint mal à propos sur le discours de Duveyrier, et tout d'un coup cet ancien flagorneur du Directoire se répandit en adulations effrénées sur le compte de Bonaparte[28]. Il l'appela juste, clément et grand ; s'il le compara aux plus célèbres héros de l'antiquité, ce fut pour proclamer qu'il avait surpassé Annibal en Italie, César en Afrique, Pompée en Asie. Cette impudence dans l'éloge parut bientôt choquante devant une Chambre républicaine ; des murmures s'élevèrent.

Riouffe s'exaltant : Je demande la parole pour parler de celui que l'univers admire. Ici, le compte rendu porte : L'opinant est interrompu de nouveau. Plusieurs membres : Parlez-nous de la loi. Un membre fit observer que l'orateur mettait ses collègues dans une position désobligeante et fausse, puisqu'en protestant contre de prétendues insultes adressées au premier Consul, il semblait supposer que le Tribunat avait toléré ces outrages. Pour couper court, l'assemblée prit d'urgence une décision réglementaire aux termes de laquelle les orateurs auraient à s'abstenir de toute personnalité. Mais Riouffe, sans tenir compte de cette décision et des admonestations du président Daunou, continuait éperdument, comme grisé par le grossier encens qu'il prodiguait et emporté par la passion de s'avilir.

Il annonça enfin qu'il allait passer à la discussion de la loi : a Un mouvement d'impatience se manifeste. — Riouffe : Je ne m'attendais pas à devenir fatigant en louant les magistrats de la République. Les murmures reprirent. On demanda le rappel à l'ordre. Le président : Je rappelle l'orateur à l'ordre pour la troisième fois et je l'invite à se conformer avec scrupule et respect à la décision du Tribunat. On eut grand'peine à interrompre l'emphatique digression, plus nuisible que salutaire au succès de la loi.

Chauvelin défendit le projet avec plus de convenance, fit valoir la nécessité d'accélérer l'énorme travail législatif qu'attendait la France. Ginguené, s'intitulant vieux soldat de la liberté, déclara carrément qu'il voterait contre la loi ; il représenta la gravité des questions en cause et comment leur solution allait profondément engager l'avenir ; en ce jour, il appartenait au Tribunat de s'annuler ou de se fonder. Thiessé soutint le projet tout en reconnaissant la force des objections émises.

La majorité était en somme plutôt conciliante que servile. Elle craignait de débuter par un acte d'opposition, aujourd'hui surtout que toute tentative de ce genre encourait un formidable discrédit, et d'autre part il lui répugnait de se livrer aux liens passablement étroits dont on voulait l'enserrer. Son véritable désir eût été, sans refuser au gouvernement une loi nécessaire, d'obtenir que cette loi fût amendée dans un sens libéral. Desmeuniers répondit à cette double préoccupation en proposant de voter la loi en principe et en déclarant qu'il voterait ensuite pour qu'on émît devant la législature le vœu des modifications nécessaires. Ce serait pour le Tribunat un moyen détourné de saisir ce droit d'amendement que la constitution lui déniait. La question se trouvant ainsi posée, on passa au scrutin, et la loi fut approuvée par cinquante-quatre voix contre vingt-six.

Desmeuniers reprit aussitôt la parole : Vos orateurs émettront-ils votre vœu pour des modifications à la loi ? Crassous lui opposa la constitution. Par manière de transaction, on décida que les orateurs du Tribunat ne porteraient devant le Corps législatif d'autres conclusions fermes que le vœu d'adoption, mais qu'ils l'accompagneraient de l'exposé fidèle de la discussion qui avait eu lieu dans leur assemblée, ce qui permettrait d'énoncer les réserves formulées et les modifications souhaitées.

Le débat s'ouvrit le 19 devant le Corps législatif. Les orateurs du Tribunat, Mathieu, Duchesne et Thiessé, remplirent consciencieusement leur mandat ; les conseillers d'État Fourcroy et Champagny défendirent le projet avec habileté et modération. Ils reconnurent que la loi avait fait l'objet d'une première discussion déjà si célèbre, qu'elle arrivait précédée d'oppositions et de censures si importantes[29] qu'il convenait de maintenir au débat toute son ampleur. Ils s'expliquèrent abondamment et tinrent le langage usité dans les États libres : Que les amis de la liberté ne s'alarment pas de l'espèce d'effervescence qui s'est manifestée ; l'agitation est nécessaire au mouvement du corps politique. Même, par légère concession au Tribunat, le gouvernement promit que les exposés des motifs seraient dorénavant et toujours communiqués à cette assemblée. Ainsi pourvu d'une espèce d'amendement oral, le projet fut adopté par le Corps législatif à la majorité de deux cent trois voix contre vingt-trois.

Le gouvernement l'emportait ; il tenait la loi sans laquelle la machine constitutionnelle n'eût pu se mettre en train, mais la victoire lui avait été chaudement disputée. Au Tribunat, une nette opposition avait réuni le tiers des voix ; elle s'était comptée, affirmée ; le jour où Benjamin Constant avait parlé, elle avait obtenu incontestablement les honneurs de la séance. On crut qu'elle pourrait se développer et mettre en péril la stabilité du gouvernement ; ce fut précisément ce qui suscita le public contre elle.

Depuis dix ans, on avait vu toute scission entre les principales autorités aboutir très vite à des déchirements, tout parti dégénérer en faction ; les violents discours avaient toujours précédé les coups de fusil, les déportations et les égorgements ; ces souvenirs lugubres pesaient sur les esprits. A voir renaître un germe d'opposition, l'opinion littéralement s'affola ; on se crut rejeté dans le chaos ; la rente était retombée au-dessous de vingt francs.

Voilà donc, criaient les journaux ameutés, voilà ce que l'on a gagné à repeupler les assemblées d'hommes usés, discrédités, habitués à vivre de discordes ; c'est à eux qu'il faut s'en prendre si l'acte pacificateur de Brumaire n'a pas encore produit les résultats espérés. Parce que ces hommes avaient trop longtemps fatigué et tourmenté la France, on ne leur permettait plus l'indépendance ; ils avaient raison dans le présent, tort par leur passé. En quelque position qu'ils se soient aujourd'hui réfugiés et logés, l'animadversion publique les recherche et les incrimine. Aux tribuns payés pour parler, on reproche de trop parler. Aux législateurs payés pour se taire et voter, on reproche de mal gagner leur argent. Ils ne viennent même pas à la Chambre. Le 17 nivôse, après que l'on eut voté sur le projet en suspens, le Corps législatif ne s'est plus trouvé en nombre suffisant pour que d'autres scrutins pussent s'ouvrir. Les députés touchent leur traitement et ne remplissent pas leur mandat. Qu'on les rappelle à la décence, à leur fonction, et, s'ils osent réclamer, nous leur répondrons, le texte de la constitution à la main : vous n'avez pas la parole.

Dans ce concert d'invectives et de quolibets, les journaux les plus divers se réunissaient. Le Journal des Hommes libres, rédigé pour le compte de Fouché, avait l'un des premiers donné de la voix ; il avait lancé contre Mme de Staël et Benjamin Constant d'orduriers outrages. Jacobin autoritaire, Fouché, détestait le parlementarisme sous toutes ses formes. D'autre part, la Gazette de France, organe indépendant, procédait par insinuations venimeuses ; derrière Benjamin Constant et autres vains parleurs, elle prétendait découvrir une plus redoutable puissance, l'homme qui s'était fait du silence une force, le patient tisseur d'intrigues, Sieyès le taciturne. Sans le nommer, elle le désignait, et derrière Sieyès quelques-uns croyaient apercevoir la faction d'Orléans, toujours prête à pousser au désordre pour pêcher en eau trouble.

Parmi les journaux de pure droite, c'était une furieuse levée de boucliers. L'occasion leur paraissait bonne pour s'acharner sur les hommes de la Révolution. Ils adjuraient Bonaparte d'en finir avec ce résidu, de le balayer. Ils lui proposaient en exemple Cromwell, qui s'était débarrassé du Parlement croupion en le faisant jeter dehors comme une vile canaille[30], et Gustave III de Suède, disperseur d'assemblées. Aujourd'hui, à propos d'une apostrophe injurieuse et d'uni discours trop éloquent, c'était un appel au coup de force, à l'acte brutal, une incitation à recommencer la journée de Saint-Cloud.

Rares étaient les défenseurs des assemblées. Il s'en trouvait pourtant. Dans l'Ami des lois, Poultier protestait par un article dont la vigueur peut donner une idée du ton de liberté qui régnait encore dans la presse : Je ne puis imputer à Bonaparte, disait-il, la brutalité hypocrite de Cromwell, mais si, en abusant des forces militaires qui lui sont confiées, il opprimait et chassait des hommes qui ne peuvent compter beaucoup sur la force publique, puisque le pouvoir consulaire en a fait son partage exclusif ; si, après avoir fait accepter un pacte social au peuple français, le premier Consul en dispersait par la violence les parties intégrantes, et si le peuple français supportait cet insigne affront, alors je conseillerais aux républicains de traverser les mers, de fuir vers les contrées américaines et d'y demander l'hospitalité à un peuple dont les magistrats sont des modèles offerts aux peuples libres. Mais jamais, jamais les républicains ne seront réduits à cette douloureuse alternative ; ils trouveront en France un jeune Washington, et ne seront pas obligés d'aller demander un asile au vieux Washington de l'Amérique[31].

 

III

Bonaparte tenait cercle tous les soirs au Luxembourg. Dans la pièce même où quelques daines formaient le petit comité de Mme Bonaparte et s'asseyaient autour d'elle, des militaires, des fonctionnaires, des députés et hommes politiques se tenaient rangés, immobiles, droits sur leurs pieds, tandis que le général passait devant eux et s'adressait familièrement à chacun. Après les séances du Tribunat où Constant et d'autres avaient décoché leurs flèches, on se demandait avec anxiété comment allait se comporter le héros harcelé. Un soir, il parut tout autre qu'à l'ordinaire ; sa voix était stridente, son regard mauvais. Il piqua droit sur quelques tribuns qui se trouvaient là et avec une âpre vivacité releva l'inconvenance des discours prononcés par leurs collègues. Il s'y prit à plusieurs fois, s'acharnant, cherchant à faire peur. Pour briser les hommes qui retardaient la réfection de la France, il n'aurait, disait-il, qu'à lâcher le torrent d'indignation qui grondait contre eux, à lâcher le peuple, à lâcher l'année. Il fit allusion à la phrase de Duveyrier : J'étais dans le bain quand on m'a lu cette phrase ; il était minuit ; un tel, mon aide de camp, demandait à aller sur-le-champ lui couper les oreilles ; je ne l'ai pas voulu[32]. Il s'exprima grossièrement sur certaines influences féminines. Cambacérès avait vainement essayé de le détourner de cette fougueuse algarade[33].

Il est vrai qu'après avoir dit leur fait aux tribuns, il recoin-pose immédiatement pour le grand public son visage et son geste. C'est seulement en milieux privés qu'il avait voulu faire gronder la foudre. Dans ses manifestations extérieures, il ménageait les formes et les apparences de la liberté ; il se donnait l'air de respecter ce droit de discussion qu'il détestait au fond. A ce moment, qu'on l'observe dans son rôle public, qu'on l'écoute ; c'est le langage, le ton, l'attitude d'un grand républicain.

Il dédaigne de relever les insultes et ne s'offense que des louanges. Point de réponse aux discours de Duveyrier et de Constant ; mais Bouffe l'a bassement adulé ; les journaux du gouvernement publient aussitôt cette note : On prétend que Bonaparte a annoncé qu'il refuserait sa porte à quiconque se permettrait contre lui des éloges emphatiques ou ridicules[34]. On le pousse à chasser les assemblées ; il invite les présidents des deux Chambres à choisir eux-mêmes les commandants de leur garde. On voudrait qu'il se saisit du rôle de César ; voici sa réponse : veillant à l'aménagement des Tuileries, où il se garde encore de prendre domicile, il commande de placer dans la grande galerie, parmi les bustes des personnages célèbres, celui de Brutus. Mais un journal, le Rédacteur, blâme ce choix ; le poignard de Brutus n'a été que l'instrument d'une faction oligarchique contre un homme qui s'est imposé à l'admiration des siècles. Aussitôt le Moniteur répond par une de ces dissertations d'histoire romaine qui plaisent à l'imagination classique de l'époque ; il reproche à César d'avoir cumulé sur sa tête toutes les dignités, tous les pouvoirs, et mis partout sa volonté à la place de la loi[35]. Quant à celui qui l'a frappé, il était noble et pur : Fier d'être le libérateur de ses égaux, il eût cru les offenser et s'humilier lui-même en ne devenant que leur maitre. Et ce n'est pas un des spectacles les moins piquants de cette période que de voir le journal de Bonaparte prendre contre César la défense de Brutus.

De même, si Bonaparte s'est décidé à sévir contre la double influence qu'il aperçoit derrière les orateurs d'opposition, contre les puissances inspiratrices, contre Mme de Staël et Sieyès, il n'y met aucun éclat. Les coups qu'il porte demeurent tout intimes, prudemment calculés, aigus et courts, brefs et retenus, et il frappe en sourdine.

Contre Mme de Staël, on parlait de mesures extrêmes. Étrangère, elle dépendait du gouvernement, qui pouvait par simple arrêté l'expulser de France, et la malheureuse femme tremblait, car elle ne voyait en dehors de Paris, qu'endroit de bannissement et de langueur, plus que le tombeau[36]. Mais Bonaparte n'en est pas encore là ; tout au plus fait-il donner avis à Mme de Staël de se retirer pour quelques jours dans sa maison de Saint-Ouen, aux portes de Paris, et va-t-il jusqu'à la déporter dans la banlieue.

Il sait d'ailleurs le moyeu, où qu'elle soit, de la tenir en lieu de pénitence et d'exil. Pour prolonger le vide qui s'est fait autour d'elle, il n'a qu'un mot à dire, il le dit, et à l'exception de quelques visiteurs d'un courage furtif, tout le monde se détourne du salon compromettant et le met en quarantaine. C'est frapper Mme de Staël dans ce qu'elle a de plus cher, dans son besoin de société, dans sa passion de parler et de se communiquer, dans ce goût pour les échanges et les batailles d'idées qui donnent un aliment à sa dévorante activité d'esprit et qui la sauvent de ce qu'elle redoute le plus au monde, l'ennui. A se voir délaissée, sevrée de relations et de causeries, elle souffre horriblement ; elle souffre des injures de la presse ; elle souffre encore plus d'avoir perdu la faveur du Consul, car il lui est également impossible de se plier au joug et de supporter la disgrâce. Dans sa retraite de Saint-Ouen, elle s'agite, s'affole, vit dans une exaltation douloureuse, dans une perpétuelle surexcitation de l'esprit et des nerfs. Et vainement son père, qui l'adore, s'efforce de loin à la calmer et à la consoler.

Im fait de son mieux pour arranger les choses. Dans des lettres confiées à la poste et destinées à passer sous les yeux d'une police rien moins que scrupuleuse, il loue Bonaparte, l'appelle le grand Consul, le héros, ton héros, et tâche ainsi de l'adoucir. Quand il écrit à Mme de Staël par voie plus sûre, il la conjure de ne pas permettre à son imagination de grossir ses malheurs. Il lui conseille de renoncer à la politique, qui décidément lui réussit mal, et voudrait l'avoir pour quelque temps à Coppet, dans une atmosphère apaisante ; elle retournerait à Paris ensuite : Il faudrait se soumettre à une lacune de Paris pour y retourner ensuite en gens d'esprit et non plus en gens d'affaires. Ces derniers me paraissent du néant et font le même effet sur tout le monde. Tu es blâmable de vivre si fortement d'opinion et de la plus mauvaise que j'aie connue depuis longtemps[37]. Il la supplie surtout de se remettre au travail, d'y chercher l'oubli, de faire un livre, un beau livre qui la remettra en faveur auprès du public, auprès de Bonaparte peut-être, et de prendre le bénéfice du temps[38]. Il n'avait pas si tort, puisque Bonaparte, qui cherchait toujours à rallier après avoir frappé, laisserait bientôt son frère Joseph porter à Mme de Staël quelques paroles de paix, offrir une rentrée en grâce, des faveurs, tout ce qu'elle voudrait, au prix d'une absolue soumission. Mon Dieu, — répondrait-elle en retrouvant sa fierté, — il ne s'agit pas de ce que je veux, mais de ce que je pense[39]. On n'en avait pas moins réussi à la tenir quelque temps en état de demi-claustration et à l'écart des événements.

Vis-à-vis de Sieyès, on usa de procédés à peu près analogues, en les appropriant, au personnage. On jugea nécessaire qu'il s'éclipsât momentanément et qu'après avoir cédé en frimaire sur la question constitutionnelle, il parût une seconde fois quitter la partie. Sur lui, les moyens d'intimidation pouvaient beaucoup. Il parait bien que, sous une forme plus ou moins directe, on l'avertit que sa présence à Paris donnait un centre aux éléments d'opposition et que les hommes de discorde, à le rechercher, le feraient malgré lui factieux. Comprenant à demi-mot, il s'avisa subitement que l'air des champs était devenu indispensable au bien de sa santé. Le 22 nivôse, après avoir prévenu ses collègues du Sénat qu'il s'abstiendrait quelque temps de les présider, il s'esquiva de Paris pour se rendre à la campagne chez un ami, le sénateur Clément de Ris, et prestement fila.

Bonaparte avait espéré que cet exil par persuasion passerait à peu près inaperçu et serait mis sur le compte d'un désir assez invraisemblable de villégiature hivernale. Il en fut autrement. Sieyès restait un personnage antipathique, mais notable. Le bruit qu'il avait disparu de son domicile courut dès le 21 à la Bourse. Dans ce pays-là, disait un journal, on fait argent de tout[40] ; les spéculateurs s'emparèrent de la nouvelle et la grossirent pour accentuer le mouvement de baisse. En un instant, le bruit de la Bourse devint la rumeur de la ville. Où était Sieyès, en prison, en exil ou en fuite ? Telle était la question que chacun se posait. Chercher Sieyès, ce fut pour quelques heures la préoccupation, l'amusement, le jeu des Parisiens, et les journaux, obéissant à l'universelle manie des calembours, en faisaient un par citation latine : Si es, ubi es ? Mais beaucoup de gens se disant informés affirmaient des choses graves. Ils savaient, à n'en pouvoir douter, que Sieyès avait été arrêté et conduit sous bonne escorte au château de Ham, que douze tribuns avaient partagé son sort, comme auteurs ou complices d'un grandissime complot.

Dans le monde politique et parlementaire, la terreur gagnait. Là on ne s'intéressait plus à Sieyès qu'en tremblant ; une personne connue pour ses relations avec lui donnait-elle un dîner ; plusieurs invités évitaient d'y paraître et s'abstenaient au dernier moment. Parmi les convives, on causait avec affectation de choses indifférentes, puis chacun, se penchant vers son voisin, s'enquérait de l'événement du jour. Dans ces milieux affolés, curieux et peureux, c'était un chuchotement à mi-voix[41].

Ce surcroît d'émotion ne faisait nullement le compte de Bonaparte. Dès le 22, le Moniteur intervint pour couper court aux faux bruits et les accabler d'une hautaine ironie. Quoi ? Faudra-t-il toujours que l'on attribue des motifs sinistres aux plus minces incidents ? Est-ce que le départ de Sieyès ne peut s'expliquer par les plus naturelles raisons ? Dans un moment où l'une des autorités républicaines (le Sénat), destinée par sa nature même à une activité peu fréquente, est inactive, un de ses membres est allé chercher à la campagne quelques jours d'un repos nécessaire à sa santé. Aussitôt, on suppose un motif secret à cette absence... et personne ne dira que le citoyen Sieyès est à quelques lieues de Paris dans une maison de campagne qui appartient à son collègue et ancien ami, le citoyen Clément de Ris[42].

Le lendemain, nouvel article, destiné à réprimer les exagérations, d'où qu'elles viennent, et à donner de haut la note juste. Le Moniteur reprend à la fois les tribuns trop véhéments, les nouvellistes trop inventifs, le public trop crédule. Il constate un manque général de sang-froid et reproche à tout le monde de vivre sur le passé : Qu'ils sont loin du présent... les hommes qui ont voulu essayer la ridicule répétition des scènes si vieillies et si usées des déclamations de tribune, et ceux qui, pour rappeler des souvenirs du même genre, veulent faire croire qu'on est encore au temps des exils et des exclusions, des conspirations inventées ou découvertes, de toutes ces vaines ressources de la crainte, de tous ces misérables mensonges de la faiblesse... Au reste, il était juste d'essayer en même temps de recommencer l'éloquence des clubs, et d'accréditer des nouvelles de mesures dignes de l'administration des comités. Ignore-t-on qu'un ordre nouveau commence, qu'un grand fait est survenu et que la France possède enfin un gouvernement ? Le caractère de ce gouvernement, c'est de suivre sa ligne sans s'inquiéter de vaines turbulences et sans recourir à des violences surannées. Comme la nation est avec lui, il ne craint rien ; il est assez fort pour pouvoir être modéré.

Malgré cette parole à la fois apaisante et ferme, le tumulte des polémiques continuait. Dans la cacophonie des journaux, la note dominante restait cruelle aux assemblées existantes. L'idée de s'en débarrasser et de renouveler le personnel législatif prenait corps. La chose était facile, disait-on maintenant, et pouvait s'accomplir sans recours au remède militaire, puisqu'on avait affaire à des législateurs nommés et point élus, conséquemment révocables. Bonaparte, revêtu de la sanction populaire, était seul l'élu de la France ; entre lui et les assemblées, qu'il fasse juge le peuple, qu'il l'appelle à se prononcer par plébiscite sur la question suivante : les choix faits ont-ils été agréables au peuple ; le peuple veut-il que le premier Consul nomme une commission de sénateurs qui sera chargée de les réviser et d'en opérer d'autres[43] ?

Ce moyen de solution, proposé d'abord par le Surveillant, fut violemment soutenu par le Journal des Hommes libres ; des feuilles modérées, telles que le Publiciste, s'y rallièrent. La Gazette de France s'emportait ; son rédacteur Thurot interpellait Bonaparte : Interrogez la France. Les nominations faites par le Sénat conservateur ont été si étranges, ont tellement heurté l'opinion publique, que tous les signes d'improbation indirecte se sont manifestés à la fois. L'argent s'est resserré, le crédit est devenu plus impossible, les fonds publics ont oublié le 18 brumaire, et nous restons tremblants et incertains entre un gouvernement qui appelle notre confiance et des autorités législatives qui la repoussent. Pour agir, attendra-t-on que le mal s'aggrave ? Vous qui gouvernez, osez consulter l'opinion ; elle est toute en votre faveur... De toutes nos autorités, vous êtes la seule à laquelle on puisse se rallier. Les hommes nécessaires sont toujours ceux qui sont préférés et les gouvernements ne sont aimés que par nécessité[44].

Ainsi lancée, l'idée de recommencer les nominations prenait étonnamment dans le public. Les uns l'adoptaient par passion contre-révolutionnaire, les autres pour plaire fl Bonaparte ou simplement par effroi de sa colère, plutôt pressentie qu'éprouvée. On répandait que l'idée n'avait pu être émise que de son aveu, comme moyen de tâter les esprits. Avec impatience, on attendait qu'il se fût positivement exprimé et que le sphinx eût parlé.

Le sphinx ne parla point. Le 23, le Publiciste semblait l'y encourager, en se portant garant de la tendance publique : L'opinion continue à s'occuper de l'idée d'une révision qu'elle semblait appeler dans les nouveaux choix. A cette invite et à d'autres semblables, aucune réponse officielle ne fut faite, et peu à peu la polémique s'éteignit, faute d'aliment.

Bonaparte avait-il songé à se débarrasser des assemblées telles que Sieyès les avait composées et à s'en faire d'autres, en s'autorisant d'un mouvement de presse toléré ou provoqué ? A supposer qu'il ait eu cette idée, il y renonça promptement, mieux inspiré ou mieux conseillé. Il sentit qu'à renouveler brusquement le personnel législatif, à doubler le 18 brumaire par une espèce de second coup d'État, il marquerait son gouvernement d'un caractère d'instabilité ; il donnerait raison à ceux qui prétendaient que tout pouvoir issu de la Révolution ne pouvait cheminer que par cahots et secousses ; par la brèche qu'il ferait lui-même aux institutions, il ouvrirait peut-être passage au royalisme, toujours debout et menaçant ?

D'ailleurs, où trouver un personnel de rechange, à moins de recourir à des hommes par trop suspects aux républicains et que Bonaparte ne comptait employer que plus tard, en les insinuant peu à peu dans l'État ? Les membres actuels des assemblées représentent les intérêts nés de la Révolution ; ils représentent la classe révolutionnaire établie et possédante. Bonaparte a fait pacte en Brumaire avec ces hommes et ne peut encore se passer d'eux. S'il tient à les discipliner, il doit en même temps les protéger et les couvrir. Comme ils ont manifesté quelque velléité de mutinerie, il a permis ou voulu qu'un grand orage s'élevât contre eux et les secouât rudement ; il leur a fait sentir la fragilité de leur pouvoir. Maintenant, sans dissiper totalement la menace qui plane au-dessus d'eux, il les laisse se replacer et s'assurer tant bien que mal sur leurs sièges momentanément ébranlés.

Sieyès revint au bout de quelques jours présider tranquillement le Sénat. On raconta que Bonaparte avait eu avec lui des explications et finalement s'en était déclaré satisfait[45]. Effectivement, Sieyès ne paraissait plus songer qu'à savourer les avantages matériels de sa situation et se mettait en jouis-sauce. Ayant échangé le domaine de Crosne contre un capital rond, il eut hôtel à Paris, train de maison, bonne table et des femmes élégantes pour meubler ses salons. Renfermant ses rancunes, il s'éloignait de la politique, quitte à s'y insinuer de nouveau dès que les circonstances lui en rouvriraient l'accès.

Le Moniteur adjurait toujours Paris de se calmer. A ce Paris encore nerveux, impressionnable, tressaillant au moindre bruit, il semble que la parole officielle, par une suggestion continue, impose le sommeil et commande de dormir.

Il est temps, dit-elle, qu'on cesse de croire à des troubles dont les causes n'existent plus ; que les passions, les inquiétudes s'assoupissent. A ce repos nécessaire succédera bientôt une activité féconde. Le commerce, l'industrie, les arts utiles vont refleurir. On s'occupera moins de politique que d'affaires : des altercations de club, des propos de groupes ne fourniront plus matière aux conversations du soir[46], et l'on sentira la vérité de cette parole des Consuls provisoires : la Révolution est finie. Oui, elle est finie, la grande et terrible révolution, mais elle s'est terminée en se filant aux principes qui l'ont commencée, à ces principes de saine philosophie, de tolérance et de liberté réglée qui ont donné une base nouvelle aux rapports entre gouvernants et gouvernés. L'honneur du dix-huitième siècle est d'avoir formulé ces principes. Pendant les orages de la Révolution, le groupe des modérés les a conservés comme en dépôt. Semblables aux politiques du temps des guerres de religion, ces modérés attendaient leur heure pour intervenir entre les partis extrêmes, séparer des furieux et se rallier la nation. C'est ce qu'ils ont fait au 18 brumaire. Le gouvernement issu de cette journée n'ira pas se livrer à une faction rétrograde ; il ne connait pas, il ne voit pas de factions : la sienne est composée de tous les bons Français[47]. Il s'en tiendra aux principes qui ont présidé à son avènement ; il saura les défendre contre les hommes qui leur ont fait subir une déviation monstrueuse et contre ceux qui les invoquent perfidement aujourd'hui pour les méconnaitre ensuite et rejeter la France en arrière.

Aussi bien, l'une des grandes préoccupations de Bonaparte est toujours de ne point se laisser gagner à la main par la réaction. S'il ouvre à toutes les soumissions la République élargie, il n'admet pas qu'on prétende l'isoler lui-même de la Révolution et que son gouvernement passe pour l'ami des aristocrates et des prêtres. Or, c'est en cette fin de nivôse qu'arrivent à Paris les rapports départementaux dénonçant l'effet partout produit par les édits de tolérance, par le rappel des proscrits de Fructidor, par l'adoucissement des rigueurs révolutionnaires. Au Luxembourg, on apprend tout à la fois : l'immense soulagement des masses, et d'autre part les audaces réactrices, les turbulences catholiques, les autels décadaires insultés ou renversés, les prêtres insermentés sortant de leurs cachettes, ces prêtres refusant la promesse de fidélité et officiant quand même, les messes séditieuses, le réveil des cloches, la rentrée d'un certain nombre d'émigrés. Sur plusieurs points, les acquéreurs de biens nationaux commencent à s'inquiéter, et cette alarme des intérêts est autrement sérieuse que les criailleries de quelques tribuns réclamant la liberté politique pour un peuple qui n'en a cure. Il importe d'autant plus de limiter le mouvement réacteur que les chefs de l'Ouest refusent décidément de se soumettre et qu'ils peuvent se sentir encouragés par l'effervescence d'autres départements, par l'état troublé de mille localités.

Fouché d'ailleurs est là pour remontrer aux Consuls la nécessité de rester à gauche et d'y rester à sa façon ; il se soucie peu qu'on ne rende aux principes qu'un platonique hommage, pourvu qu'on rassure les intérêts et les passions révolutionnaires ; les républicains vigoureux ne demandent pas au gouvernement de se montrer libéral et parlementaire, mais de rester à certains égards Jacobin. Fouché peut ajouter qu'à Paris même les royalistes affichent plus hautement leurs espérances, qu'ils profitent de l'espèce de vacillation qui s'est produite dans l'institution établie pour s'enhardir contre elle ; le peuple doute, beaucoup de gens recommencent par habitude à crier contre le gouvernement. Dans la dernière crise, les journaux de droite ont singulièrement dépassé la note. Et Bonaparte trouve décidément que de ce côté on prend trop de licences : Je ne veux pas, aurait-il dit, gouverner en chef d'État débonnaire[48], et il semble que subitement des griffes lui aient poussé.

Avec la Révolution, il ruse, il rusera toujours ; mais il juge que les menées du parti adverse, par leur caractère ouvertement rebelle ou factieux, méritent moins de ménagements. Durant toute la seconde partie de nivôse, ses insidieuses rigueurs contre les chefs de l'opposition parlementaire se doublent de mesures déclarées contre la Chouannerie et ses alliés à l'intérieur. Par moments, en face de la réaction montante, il se retrouve l'homme de Vendémiaire ; contre l'Ouest en armes, contre les agitateurs et manifestants royalistes, contre la presse de droite, contre toutes les formes de la contre-révolution militante, il se retourne impétueusement.

 

 

 



[1] On prêtait ce mot à l'un d'eux : J'ai signé mon pot-au-feu. Le Diplomate, numéro du 3 nivôse. AULARD, I, p. 68.

[2] Archives de Chantilly, Z, lettre des agents de Condé, 3 janvier.

[3] Numéro du 18 frimaire.

[4] Journaux de nivôse.

[5] Gazette de France, 28 nivôse.

[6] Gazette de France, 16 nivôse.

[7] Lettre du 31 décembre 1799. Pensées de Joubert précédées de sa correspondance, publiées par Paul de Raynal, p. 45-48.

[8] Gazette de France, 9 nivôse.

[9] Le Diplomate, 28 frimaire.

[10] Le Diplomate, 28 frimaire.

[11] Le Diplomate, 20 nivôse.

[12] L'Ami des lois, 24 nivôse.

[13] L'Ami des lois, 24 nivôse.

[14] Le Diplomate, 13 nivôse.

[15] Archives de Chantilly, série Z, correspondance des agents de Condé, 2 janvier 1800.

[16] Commentaires de Napoléon Ier, IV, 139.

[17] Rapport général du bureau central pour le mois de nivôse. Archives nationales, AF, IV, 1329.

[18] Voyez la Notice bibliographique sur M. A. Jullien (de Paris), sous-intendant militaire, etc. Paris, 1831. Dans celte biographie composée par lui-même, Jullien se reconnaît l'auteur de la brochure.

[19] Le Publiciste, 2 nivôse.

[20] Moniteur du 13 nivôse.

[21] Moniteur du 14 nivôse.

[22] Moniteur du 15 nivôse.

[23] Moniteur du 15 nivôse.

[24] Archives de Coppet, lettres de Necker à Mme de Staël, 16 et 14 décembre 1799.

[25] Dix années d'exil, par Mme DE STAËL, édition nouvelle par Paul Gautier, p. 8.

[26] Le discours figure in extenso au Moniteur, 17 et 18 nivôse.

[27] Dix années d'exil, p. 9.

[28] Dix années d'exil, p. 9.

[29] Moniteur, 21 nivôse.

[30] Expressions cités dans l'Ami des lois, 20 nivôse.

[31] Numéro du 20 nivôse.

[32] BAILLEUL, Examen critique des Considérations de Madame la baronne de Staël sur les principaux évènements de la Révolution française, etc., II, p. 248. Bailleul était membre du Tribunat et assistait à la scène.

[33] CAMBACÉRÈS, Éclaircissements inédits.

[34] Le Publiciste, 22 nivôse.

[35] Moniteur du 19 nivôse.

[36] Paroles rappelées dans une réponse de Necker à sa fille, 28 janvier 1800. Archives de Coppet.

[37] Necker à Mme de Staël, 28 janvier 1800. Archives de Coppet.

[38] Necker à Mme de Staël, 28 nivôse.

[39] Dix années d'exil, p. 4.

[40] Gazette de France, 24 nivôse.

[41] Lettres de Madame Reinhard, p. 114-115. Lettre inédite de Bourgoing, 22 nivôse. Lettres inédites de Madame Delessert. Correspondance des agents de Condé, 13 et 24 janvier, archives de Chantilly, série Z.

[42] Numéro du 22 nivôse.

[43] Gazette de France, 22 nivôse.

[44] Gazette de France, 22 nivôse.

[45] Voyez BAILLEU, Rapports de l'envoyé prussien Sandoz-Rollin, 23 et 26 janvier, 2 février 1800, p. 364.

[46] Numéro du 25 nivôse.

[47] Moniteur du 28 nivôse.

[48] Mémoires de Fouché, t. I, p. 170. On sait les réserves partielles qu'il convient de faire sur l'authenticité tic ces Mémoires.