HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME TROISIÈME

LIVRE VIII. — DEPUIS L’EXPULSION DES ANGLAIS JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VII (1453-1461).

CHAPITRE V. — Représailles de l’Angleterre. Conflits sur mer. - Projet de mariage entre Ladislas VI et Madeleine de France. Mort de Ladislas. - Procès de Jean, duc d’Alençon. - Les Vaudois. - La Pucelle du Mans (1457-1464).

 

 

Le brillant coup de main opéré par Brezé sur le territoire britannique fut bientôt suivi de représailles.

Le 28 octobre 1457, une escadrille anglaise, commandée par le duc d’Exeter, parut en vue de la Palisse, près la Rochelle. Cette division navale s’était détachée d’an corps plus considérable qui se dirigeait vers le littoral des Flandres. Les Anglais attaquèrent dans les eaux de la Rochelle un grand navire rochelais appelé la Grosse Nef de Pierre Gentilz.

Après plusieurs heures de combat, dit un historien local, la victoire semblait se prononcer pour les Rochelais, quand une affreuse tempête, s’élevant tout à coup, jeta la grosse nef sur la côte de Laleu. Elle se brisa contre les falaises, et quatre-vingts hommes furent engloutis dans les flots. Les Anglais, qui avaient échappé au danger en coupant leurs mâts, voulurent opérer leur descente. Mais le gouverneur et le maire, Jean Mérichon, déployèrent tant d’activité pour défendre la côte avec la milice de la ville et de la banlieue, que l’ennemi jugea prudent de se retirer[1].

Les Anglais se tournèrent alors vers l’île de Ré, où ils débarquèrent le 1er novembre suivant. Cette île avait pour habitants quelques pêcheurs pauvres et dépourvus de toutes armes, si ce n’est leur courage personnel et leur dévouement. Les Anglais y portèrent t’incendie, la dévastation et le pillage. La population fut rançonnée à 6.500 écus d’or et fournit seize otages, qui durant de longues années subirent en Angleterre toutes les misères de l’exil et de la captivité[2].

Au mois de février suivant, les Anglais menaçaient les côtes, de Bretagne : ils tentèrent infructueusement de surprendre Saint-Malo. Le 29 mai 1458, une bataille navale eut lieu près de Calais entre les Anglais et la flotte française, composée de vaisseaux génois et castillans, qui se proposait à son tour d’opérer une nouvelle descente en Angleterre. Divers actes d’hostilité de ce genre se répétèrent par intervalles, mais sans amener de part et d’autre de résultats sérieux ou considérables[3].

Charles VII, pour compléter le système de ses alliances extérieures, avait jeté les yeux sur la frontière orientale de l’Europe. Ladislas VI, roi de Bohême et de Hongrie, quoique né seulement en 1439, représentait un des personnages importants de la situation. Descendant de Jagellon, il était fils de l’empereur Albert d’Autriche. C’est en son nom et par les mains de son lieutenant, Jean Hunyad, qu’avait été remportée sur les Turcs la fameuse victoire de Belgrade. Le pape comptait sur ce jeune prince, et l’Europe avait les yeux tournés vers lui, comme devant être le héros futur et le sauveur de la catholicité[4].

Ladislas, qui descendait des rois de Bohême, revendiquait le Luxembourg, sur lequel Philippe de Bourgogne élevait des prétentions de son côté. Il prit pour arbitre de ce litige Charles VII, qui se montra favorable au jeune prétendant. Des rapports de plus en plus étroits s’établirent entre le roi de France et le fils de l’empereur. Charles VII, lorsqu’il vit le duc de Bourgogne se liguer obstinément avec le Dauphin ; en assurant à ce dernier un somptueux asile, n’hésita plus à écouter les propositions du prince allemand. L’alliance de ce dernier lui parut offrir, entre autres, cette conséquence avantageuse de peser sur Philippe le Bon comme une menace et une contrainte indirecte. Il espéra, par ce moyen, ramener le vassal à l’obéissance et à la féauté[5].

Des négociations s’engagèrent dans ce sens, en 1458, entre les deux rois. A la suite de ces rapports, Ladislas proposa de renouveler et de resserrer par un contrat matrimonial les antiques liens de confédération et d’amitié qui unissaient la France et la Bohême. Charles VII accueillit favorablement ces ouvertures. Enfin, le 8 décembre 1457, une ambassade solennelle de Ladislas fit son entrée dans la ville de Tours. Elle était chargée par ce prince de demander à Charles VII, pour le jeune roi, la main de Madame Madeleine de France[6].

Cette ambassade s’était réunie à Prague et partit de cette ville le 9 octobre 1457. Elle se composait des personnages ci-après dénommés : maîtres Etienne, archevêque de Colocza, et Ulrich, évêque de Passaw en Hongrie, Ladislas Paloczy et plusieurs autres prélats ou soigneurs de ce royaume ; pour la Bohême, Zdenko de Sternberg, burgrave du royaume ; Rudiger de Starkenberg ; le seigneur de Nichelsberg et le maréchal de Bohême ; pour l’Autriche : Oswald de Eyczingen, Jacques Trapp et le conseiller précepteur du duc Sigismond ; pour le duché de Luxembourg, le comte de Rotenbach et le prévôt (tumbrost) de Trèves. Il s’y trouvait également des clercs, seigneurs et dignitaires de Moravie et de Pologne[7].

La légation formait environ sept cents chevaux et conduisait avec elle divers chariots magnifiquement tendus et décorés. Plusieurs de ces chars étaient dorés et servaient de véhicules à un nombreux essaim de jeunes filles, choisies parmi les plus belles, ainsi que des plus nobles familles de ces royaumes et seigneuries. Elles avaient mission d’accompagner la reine future de Hongrie, lors du retour en Allemagne. L’ambassade apportait, dans les autres chariots, des provisions de toute sorte et des présents somptueux, destinés au roi de France, à la reine et à Madame Madeleine. Ces dons consistaient principalement en joyaux et en étoffes précieuses pour robes. Le roi Ladislas y avait joint spécialement quatre-vingts chevaux d’une entière blancheur, qui devaient être offerts à sa royale fiancée[8].

Cette caravane pénétra par Strasbourg dans la France actuelle et demeura trois jours à Nancy, où elle fut reçue par le duc Jean de Lorraine. Elle traversa ensuite Orléans, Amboise et parvint à la résidence du roi. Les ambassadeurs émerveillaient, sur leur passage, nos populations, par leur nombre, par la richesse, la singularité de leur costume et de leur extérieur. Ils les étonnaient aussi par la musique bruyante et inusitée de leurs tymbales et de leurs tambours, qui signalaient la marche du cortége. Charles VII, de son côté, avait fait, pour recevoir ses hôtes hongrois, etc., de magnifiques préparatifs. Une aide spéciale fut levée à cette occasion. Lorsque les ambassadeurs arrivèrent près de Tours (le 8 décembre), ils rencontrèrent une imposante députation qui venait au-devant d’eux pour les recevoir. L’archevêque de Tours occupait le premier rang, assisté du cardinal-évêque de Coutances (Longueil) et de l’évêque du Mans (Berruyer). Toute la cour, le conseil et de nombreux personnages de marque s’étaient joints à cette députation[9].

Le roi Charles, malade depuis quelque temps, se tenait avec sa famille à proximité de Tours, en son château de Montils. Les ambassadeurs furent logés clans la ville, où ils attendirent l’audience royale pendant dix jours. La santé du roi s’étant rétablie, les ambassadeurs et leur suite furent introduits au château. Le roi les reçut (18 décembre 1457), assis sur un trône reluisant d’or. Il avait auprès de lui Charles son fils, les comtes de Foix, du Maine, de la Marche, de Dunois, le grand sénéchal de Normandie, les membres du conseil et autres personnages. Admis à prendre la parole, l’archevêque de Colocza adressa au roi une harangue latine, dont le texte nous a été conservé. Il termina en demandant de nouveau la main de la princesse. Le roi fit répondre par son chancelier. Immédiatement la négociation de la requête fut prise en mains, au nom des deux rois, par leurs conseillers respectifs et présents. Ceux du prince allemand parvinrent auprès de la reine et de Madame Madeleine et leur offrirent les présents qui leur étaient destinés[10].

Le 22 décembre 1457, Gaston, comte de Foix, offrit à cette occasion un grand festin, dans lequel il paraît s’être proposé pour but d’éclipser le célèbre banquet du Faisan, qu’avait tenu peu d’années auparavant le duc de Bourgogne. Le banquet du comte de Foix eut lieu dans l’abbaye de Saint-Julien, à Tours. Tous les seigneurs et dames qui occupaient un rang à la cour, et qui faisaient partie de l’ambassade hongroise, y furent conviés. Il existe des descriptions étendues de cette pompeuse réunion. Mais les limites et le cadre de cet ouvrage nous font une obligation de nous borner, sur ce sujet, à un court résumé[11].

Les convives étaient placés autour de douze tables, ayant chacune sept aulnes de long et deux et demie de large. Chaque table fut garnie de cent quarante plats d’argent, qui se renouvelèrent sept fois pour sept services successifs. Les mets se composaient des denrées ou comestibles les plus recherchés, tels que faisans, perdrix, paons, outardes, hérons, grues, butors, oisons, cygnes, bécasses, halebieux et autres oiseaux d’air ou de rivière ; cerfs, chevreuils, chapons de haute graisse ; hypocras, vins, sauces, pâtés de viande et de poisson, ragoûts, gâteaux et confitures de toute sorte. Toison-d’or, héraut et historiographe bourguignon, assistait à cette fête. Sept entremets suivirent chacun des services, et présentent une grande analogie avec ceux qui parurent au banquet du Faisan.

A l’une de ces tables, les hommes figuraient alternativement avec les dames : On y remarquait, placés à côté les uns des autres, Mlle de Chatillon, demoiselle de la reine, un chevalier hongrois ; Antoinette de Maignelais Villequier, le comte du Maine ; la dame de Chatillon, dame de la reine, le comte de Vendôme ; Mlle de Chateaubrun, Jacques Trapp, chevalier autrichien ; et Mlle de Rosny (ces deux dernières, damoiselles de la reine). Après le quatrième service, on apporta mystérieusement un paon vif placé dans un navire. L’oiseau avait à son cou les armes de la reine, et tout autour du navire étaient blasonnées celles de ses dames et damoiselles. Jacques Trapp et le chevalier hongrois voilèrent au paon et aux dames un vœu galant a en l’honneur, le premier, de Mlle de Villequier, et le second, de Mlle de Chateaubrun, auprès desquelles ils étaient placés à table[12].

Madeleine de France était âgée de quatorze ans et Ladislas en comptait dix-huit à peine. On n’attendait que les fêtes de Noël pour procéder ensuite, dans la ville de Tours, aux fiançailles. Cependant le jeune prince s’était rendu de Bude à Prague, où il comptait recevoir sa nouvelle épouse. L’empereur, les électeurs de l’Empire et autres princes d’Allemagne s’étaient réunis à Prague, pour lui faire, cortége. Ladislas parut le 22 novembre dans cette ville en habits nuptiaux, portant sur sa tête le chapeau de fleurs des fiancés. Le 23, il mourait empoisonné, les uns disent par la jalousie d’une maîtresse ; d’autres, par suite de ressentiments politiques[13].

Un mois après cet événement, le 24 décembre 1457, veille de Noël, un messager arriva en toute hâte de Prague à Tours, annonçant que le roi Ladislas était mort. Cette nouvelle, tombée subitement au milieu des préparatifs de fête, causa une profonde et douloureuse impression. Chacun se rappela que des comètes, portant une queue de flamme formidable, et autres signes célestes, avaient pronostiqué récemment de grands sinistres. Le roi Charles VII était redevenu faible et souffrant. On commença par lui cacher la notion de ce deuil. Mais lorsque le roi eut célébré les fêtes de Noël, P. de Brezé, comme le plus disert et le mieux écouté parmi les conseillers qui entouraient le prince, fut chargé de lui révéler ce dénouement fatal et inattendu[14].

Ladislas, en mourant, léguait le Luxembourg à Madeleine. Les ambassadeurs offrirent à la princesse, veuve avant même d’avoir été fiancée, tous les dons que lui avait destinés celui qui devait être son époux. Ils reçurent à leur tour tous les présents dont les combla le roi de France, et qui s’élevaient à. plus de 50.000 livres. Puis ils s’éloignèrent de Tours le 1er janvier 1458. Les Hongrois se dirigèrent ensuite vers Paris et Saint-Denis, dont ils visitèrent, par ordre du roi, toutes les reliques et curiosités. Ils regagnèrent enfin l’Allemagne, après avoir vu échouer ainsi le but principal de leurs négociations. Charles VII prit aussitôt sous sa garde Thionville et le duché de Luxembourg. Peu après, il se porta candidat pour succéder à Ladislas VI comme roi de Bohême. Mais la diète électorale, réunie à Prague, lui préféra Georges Podiebrad, qui avait été l’antagoniste de Ladislas, et qui fut élu roi de Bohême le 2 mars 1458[15].

Jean, duc d’Alençon, était depuis près de deux ans prisonnier d’État. Celui que Jeanne Darc appelait son beau duc avait reçu de la nature des dons avantageux. Il était brave de sa personne. On l’a vu, en 1424, préférer la captivité, au lieu de se faire Anglais et de recouvrer sa liberté sans rançon. L’amitié qu’il sut inspirer à la grande héroïne du quinzième siècle est un titre pour lui devant l’histoire. Niais il ne persévéra point dans les nobles sentiments qui inspiraient la libératrice. Jean dévia de la carrière qu’il avait noblement parcourue à ses côtés[16].

Le duc d’Alençon était atteint, au plus haut degré, des infirmités morales et intellectuelles qui caractérisent le siècle et la classe auxquels il appartenait. Il avait sucé avec le lait ces principes de l’éducation féodale, qui faisaient de chaque seigneur un roitelet affranchi, du moins à ses propres yeux, de tout devoir, de toute loi civile et morale. Jean d’Alençon continua, sous Char-les VII, la revendication de ces idées désordonnées, qui, du temps de Charles VI, conduisit le royaume aux abîmes. La tyrannie de La Trimouille avait été cause, comme on l’a vu, de la disgrâce humiliante et en partie imméritée qui fut infligée en 1429 au jeune lieutenant général. Les talents militaires de ce prince et sa capacité intellectuelle semblent, d’autre part, n’avoir pas été au niveau de son amour-propre et de son ambition illimitée. Le duc, en sa qualité de haut baron, ne reculait devant aucun moyen de se faire justice lui-même. Il mettait au-dessus de toute loi ses prétentions ainsi que ses appétits. Le devoir du patriotisme, enfin, qui domine l’ensemble de nos croyances modernes en fait de vie publique, était encore nouveau dans la société du quinzième siècle. Pour Jean, duc d’Alençon, aussi bien que pour la plupart des princes de son temps, ce devoir n’existait pas[17].

Depuis le jour où Jean, duc d’Alençon, perdit son poste de lieutenant général, il nourrit dans le silence une égoïste rancune, et ne perdit jamais de vue son intérêt et sa vengeance privés. Le traité d’Arras, en pacifiant les discordes antérieures, en fermant la carrière des guerres intestines, mécontenta les princes, et en particulier le duc Jean. Le duc d’Alençon épousa une Armagnac et fit partie de tous les conciliabules hostiles à la suprématie et à l’unité du gouvernement royal. Il se ménagea constamment des accointances avec les autres princes ligués, avec le Dauphin et avec les Anglais. Ce grand feudataire avait pris part à la campagne de Normandie, et recouvra ainsi ses possessions héréditaires. Niais il n’obtint jamais ni grande charge, ni commandement supérieur. On ne le voit figurer que par intervalles parmi les membres du conseil royal. Des motifs qui ne nous sont qu’imparfaitement connus paraissent avoir déterminé Charles VII à tenir ce prétendant à l’écart. Jean d’Alençon ne reçut point, comme ses autres cousins, de riche pension. Il se plaignait en outre, ce qui était vrai, que les courtisans gens de bas lieu circonvenaient Charles VII ; rendaient le monarque accessible, et lui interdisaient, à lui, prince du sang, l’approche du roi, chef de sa famille, son parent et compère[18].

Jean, duc d’Alençon, jouissait cependant des satisfactions attachées à son existence princière et d’une assez grande prospérité. Il avait, dit son chroniqueur domestique, une somptueuse chapelle dans laquelle vingt-quatre chantres, excellents musiciens, lui faisaient entendre chaque jour l’office divin. Son écurie, la plus belle de France, contenait vingt-quatre chevaux de prix, affectés à son service, et vingt-quatre haquenées pour celui de la duchesse, etc., etc. Il eut recours au remède salutaire de l’étude contre les tentations de l’égoïsme et contre les maladies de son esprit. Jean se mit en relations littéraires et poétiques avec son beau-père, Charles d’Orléans. Mais il abandonna, pour son malheur, ces errements[19].

Sa faible imagination était livrée aux sciences occultes. Il donna sa confiance à un religieux, qui jouissait aussi d’un grand crédit auprès de la reine Marie d’Anjou. Ce moine, appelé Me Michel Bars, était en même temps médecin, astrologue et prévôt de l’abbaye de Wastines près Bruges[20]. En 1451, Jean se sentit malade de douleurs qui se portaient à la tête, aux reins et au bas-ventre. Depuis quelques années, il n’avait plus d’enfants mâles. Le duc d’Alençon rattachait ces divers maux l’un à l’autre. Le prévôt, consulté, lui envoya, sur ses instances, un écusson et une poudre faite avec de la peau de serpent brûlée[21].

La poudre devait se fondre sous l’influence de certaine constellation. L’écusson était de feuille d’or, rond et de la grandeur d’un demi-écu ; frappé, comme la monnaie, d’une empreinte où se voyait un lion au milieu d’un soleil. Le duc avait la voix forte, mais rude. Cet écusson, placé dans sa bouche, devait lui communiquer le charme d’une éloquence irrésistible. Jean fit chercher à grands frais, depuis la Hollande jusqu’en Italie, une plante pharmaceutique nommée martagon. Cette herbe avait pour vertu de mettre le possesseur en la bonne grâce des dames. Environ trois ans avant son arrestation, Jean suivit à Tours et à Chinon le roi, qu’il fatiguait en vain de ses requêtes. Si je povois avoir une pouldre que je scay bien, dit alors le duc, et la mettre en la buée où les draps-linges du roy seroient mis, je le ferois devenir tout sec[22].

La ville de Fougères, premier théâtre de la guerre en 9449, était de l’ancien domaine d’Alençon. A grand regret, Jean l’avait cédée, en 1427 et 1429, au duc de Bretagne ; pour se racheter de captivité. Après la conquête, il réclama inutilement la restitution de cette place à François Ier, puis à Charles VII. Jean se jeta dès lors avec emportement dans le parti des Anglais. Aussitôt que Talbot eut repris Bordeaux, en 1452 ; le duc noua des négociations avec ce capitaine et ses fils. La mort de Talbot et les événements de 1453 ne ralentirent pas ses intrigues. Jean demandait au roi d’Angleterre 20.000 écus comptant, un duché (celui de Bedford ou de Glocester), avec 30.000 écus de revenu, pour se faire une seconde situation au delà du détroit, et une pension équivalente à celle des princes ses cousins, les plus favorisés en France : de 12.000 à 20.000 livres. Sa fille aînée devait épouser le fils aîné du duc d’York, antagoniste de Henri VI. Le duc d’Alençon provoquait instamment les Anglais à descendre en France. Il traçait un plan de campagne pour l’invasion, dont il devait favoriser le succès de tout son pouvoir : Jean promettait de livrer à l’ennemi le port de Granville, Falaise et d’autres places, où il exerçait une grande autorité[23].

En 1454, Alençon vint trouver, incognito, à Lille le duc de Bourgogne. Il se mit ensuite en rapport avec le Dauphin et reprit avec une nouvelle activité ses manœuvres de trahison. C’était l’année où la mésintelligence entre le roi et l’aîné de ses fils atteignit son plus haut degré de gravité. Le duc d’Alençon eut pour instrument et principal confident ou complice Thomas Gillet, prêtre de Domfront, son aumônier. Il employa aussi Edmond Gallet, fils de Louis Gallet, d’une famille échevinale de Paris, qui se fixa en Normandie après le recouvrement de la capitale par Charles VII, et suivit avec zèle le parti de Henri VI. John Hay, capitaine d’Alençon au temps de l’occupation étrangère, Richard Wideville et un troisième Anglais nommé Hungerville, lieutenant du comte de Warwick à Calais, lui servirent également d’intermédiaires[24].

Le duc avait sur ses terres un nommé Pierre Fortin, dit le tors-fileux[25], paysan ou laboureur à Saint-Pierre de Vaussay, près Domfront. Vers la fin d’avril 1456, le duc envoya cet homme, simple et ignorant, à Calais. Il était porteur d’une lettre pressante écrite par ordre du prince, signée de sa main, adressée au roi d’Angleterre, et contenue dans un bâton creux. Les agents de P. de Brézé, sénéchal de Normandie, instruits par une indiscrétion naïve de Fortin, surveillèrent le messager. Ils le saisirent à son second passage à Rouen, muni de la réponse verbale qu’il rapportait, et le laissèrent accomplir auprès de son maître le complément de sa mission. Mais la lettre avait été interceptée et fut envoyée au roi de France. Conformément au plan de la conspiration, le duc s’était rendu à Paris, pour laisser d’abord. le champ libre à l’invasion anglaise. Le 27 mai 1456, il fut arrêté à Paris, rue Saint-Antoine, en l’hôtel de l’Etoile, qu’il occupait (vis-à-vis du célèbre hôtel de l’Ours), au moment oit Fortin venait l’y rejoindre[26].

Jean, duc d’Alençon, fut transféré successivement à Melun, au château de Nonette (en Auvergne), résidence du roi ; puis en la tour de Constance, au château royal d’Aigues-Mortes, où il subit, durant le cours de l’instruction, une longue captivité. Les ramifications de ce complot, qui coïncidait avec celui d’Armagnac, la gravité chaque jour croissante de la situation, tant à l’intérieur qu’au dehors, firent au gouvernement royal une nécessité de cette lenteur. Enfin Charles VII se résolut à vider avec éclat cette cause politique. Après divers délais, le roi assembla solennellement à Vendôme la cour des pairs et présida lui-même ce lit de justice[27].

Charles VII entra dans Vendôme le 21 août 1458, accompagné de sa garde et de toute sa maison dans l’appareil royal. Il avait auprès de lui son second fils, Charles, duc de Berri, vestu comme roy. Les débats s’ouvrirent le 26. Jean, duc d’Alençon, ramené d’Aigues-Mortes, parut devant ses juges. La plus grande pompe fut déployée dans cette solennité judiciaire, qui causa une profonde impression sur les contemporains. Jean Fouquet, peintre du roi, et le premier peintre de son époque, a retracé cette solennité dans un tableau d’histoire admirable, et que nous voudrions pouvoir placer sous les yeux du lecteur. Le vaste prétoire où se tint l’audience royale était disposé en forme de losange. Charles VII occupait le sommet et l’extrémité du petit axe de cette figure. Au-dessous de lui siégeaient son fils, les princes du sang, les grands officiers de la couronne, les pairs et toute la cour ; chacun placé à son rang, suivant les lois du cérémonial. Près de trois cents conseillers ou assesseurs remplissaient l’enceinte, sans compter la multitude du peuple qui se pressait aux quatre orifices du prétoire, pour assister à l’audience[28].

Jean, duc d’Alençon, avait figuré comme pair au sacre du roi. Sa qualité de prince du sang lui donnait le droit de, n’être jugé que par les pairs. Depuis l’institution de ces hauts dignitaires, le fait même de leur existence et leur nombre avait été modifié par les événements. Philippe le Bon fut ajourné ou convoqué, au nom du roi, comme premier pair et doyen des pairs laïques. Il tenait à là fois les pairies de Bourgogne et de Flandres. Les comtés de Champagne et de Toulouse étaient depuis longtemps réunis à la couronne. Charles VII, pour suppléer ces deux titres éteints, érigea les comtés d’Eu et de Foix en pairies. Charles d’Artois et Gaston de Grailly, nouveaux pairs, siégèrent immédiatement sur la fleur de lis. Le traité d’Arras exemptait Philippe le Bon de toute contrainte personnelle ou citation judiciaire. Le duc répondit qu’il se rendrait à l’ajournement du roi ; mais qu’il aurait, pour l’accompagner, quarante mille hommes sous les armes. Philippe et le Dauphin étaient, dans la caisse, les complices du prévenu. Le roi dispensa le duc de Bourgogne de comparaître en personne. Son nom et celui du prince Louis furent volontairement écartés du procès. Philippe se fit représenter à Vendôme par deux orateurs et deux chevaliers[29].

Le duc de Bourgogne, par l’organe de Jean Lorfèvre, président du Luxembourg ; le duc de Bretagne, le connétable de Richemont, le duc d’Orléans, dans une harangue, personnelle qui nous est restée, plaidèrent la cause du prévenu. J.-J. des Ursins, archevêque de Reims, par un discours probablement concerté avec le conseil, invoqua la clémence royale. Enfin, le 10 octobre 1458, le chancelier de France, en présence du roi et en l’absence du prévenu, prononça la sentence qui fut notifiée ce même jour au condamné, dans son hôtel à Vendôme, par Yves de Sepeaux, premier président du parlement, assisté de plusieurs conseillers[30].

Aux termes de cet arrêt, Jean, duc d’Alençon, comte du Perche, etc., était condamné à mort comme coupable de lèse-majesté, ainsi que de haute trahison, et ses biens confisqués. Mais le roi lui fit grâce de la vie. Quant aux possessions du coupable, l’arrêt les divisa en trois parts. La première, composée du duché d’Alençon, etc., fit retour à la couronne, ou du moins lui fut immédiatement appliquée ; la deuxième, formée du comté du Perche et autres terres, servit à l’apanage de Catherine et de René d’Alençon, héritiers légitimes du duc Jean ; la troisième fut distribuée par le roi à ses favoris. C’est ce qui advint notamment de la terre de Semblançay, concédée peu après la condamnation à Antoine d’Aubusson, bailli de Touraine, et à sa femme Marguerite de Villequier[31].

L’histoire du moyen âge, et particulièrement celle du quinzième siècle, abonde en miracles et en faits de sorcellerie. Cette double préoccupation s’explique par l’état intellectuel de la société à cette époque. La somme des connaissances publiques, acquise dans les divers domaines de l’entendement, se réduisait à peu de chose. La science positive et la méthode expérimentale qui en forme la base n’existaient pas encore. Généralement, comme nous l’avons dit, le sentiment en tenait lieu. Tout phénomène, ou fait quelconque qui semblait (à des observateurs peu exercés et peu scrupuleux) s’écarter des lois ordinaires de la nature, était rapporté à deux principes. On attribuait les faits heureux à une intervention spéciale de la Divinité sous le nom de miracles. Les faits considérés comme funestes étaient imputés au démon.

L’Église, au moyen âge, trouva debout les sciences occultes et la pratique des arts secrets, qui, à titre de croyance religieuse, et comme doctrine scientifique, se rattachaient au polythéisme antique. Ces arts portaient le nom de sorcellerie. L’Église, qui présidait à l’instruction publique, subit elle-même, aussi bien que le reste de la société, subit en partie, disons-nous, l’atteinte ou le crédit de ces doctrines. Ainsi l’astrologie, par exemple, se mêlait parfaitement, sous les auspices du clergé, à l’enseignement officiel et orthodoxe de la médecine. Mais l’Église poursuivait, avec l’ardeur et les sévérités que l’on sait, la pratique des arts occultes, lorsque cette pratique s’exerçait en dehors de son dogme, de son enseignement et de la sphère de son autorité.

Ces principes dominaient également au sein de la société proprement dite ou du siècle. A l’époque de Charles VII, il n’était pas de roi, prince ou grand seigneur qui n’eût à sa table ou qui ne comptât parmi les officiers de sa maison son aumônier, son médecin et son astrologue. Ces trois personnages, prêtres les uns et les autres le plus souvent, imbus des mêmes croyances, formés à la même école, se réunissaient plus d’une lois dans une seule et même personne.

Ainsi que leurs collègues, et à titre de conseillers intimes, ces astrologues orthodoxes exerçaient une sérieuse, action sur la conduite des princes. En même temps, il n’était pas de haut baron qui, ne se piquât d’une fidélité jalouse aux dogmes de l’Église. Tous tenaient à honneur de combattre, et de réprimer la sorcellerie (l’une des formes de l’hérésie) par les moyens temporels qui étaient l’attribut spécial du bras séculier. Ainsi, pour choisir un spécimen, le chroniqueur du connétable de Richement, dans le panégyrique ou éloge funèbre qu’il trace de son héros à l’occasion de sa mort, le glorifie surtout des nombreuses exécutions de sorciers qu’il avait prescrites, comme justicier, dans le cours de sa carrière[32].

Cependant ce genre de crimes, sans parler de l’atrocité de la procédure et des peines, offrait, au point de vue du droit, une matière essentiellement périlleuse et problématique. Il n’était point facile, en effet, de distinguer l’astrologie licite de l’astrologie illicite[33]. L’imagination, d’ailleurs, prenait une part énorme à l’appréciation morale du fait délictueux et jouait un rôle non moins prépondérant dans la recherche et le constatation du délit. Il suffisait donc d’une panique intellectuelle pour augmenter tout à coup la préoccupation générale des esprits à l’égard des sorciers. Il suffisait, pour multiplier les poursuites criminelles en ce genre, d’une recrudescente de zèle ou quelquefois de passion, soit de la part des autorités ecclésiastiques, soit des seigneurs temporels.

C’est ce qui arriva, en 1459, dans l’affaire mémorable des Vaudois.

Ce nom, au quinzième siècle, était un de ceux qu’on avait coutume de donner familièrement aux sorciers, et qui les rattachait, par un lien d’attribution plus ou moins fondée, aux hérétiques désignés par ce même nom dans l’histoire du treizième siècle. Vers le 1er novembre 1459, une femme de Douai, nommée Deniselle, femme de folle vie, fut arrêtée comme Vaudoise et détenue à Arras dans les prisons de l’évêché. Cette femme avait été dénoncée par un nommé Robinet de Vaulx, natif d’Hébuterne en Artois. Peu de temps auparavant, le chapitre des frères prêcheurs se tenait à Langres (Bourgogne). Robinet de Vaulx, à leur poursuite, avait été brûlé dans cette ville. Deniselle, à son tour, subit la torture ; elle dénonça comme, Vaudois, divers hommes et femmes de sa connaissance. Ceux-ci, arrêtés, en usèrent de même si bien que la chose montoit de plus en plus[34].

En présence de cette situation, les juges ecclésiastiques se partagèrent en deux camps. Les uns étaient d’avis de laisser aller tous les dessusdits, prins comme Vauldois et Vauldoises, sans nulle punition. D’autres, au contraire, et notamment maître Jacques du Bois, doyen de l’église Notre-Dame d’Arras, estimaient que tous ceulx qui, avoient esté à la dicte vaulderie debvoient mourir, et ceulx aussy qui estoient raecusés (dénoncés) d’eulx, moyennant toutefois qu’ils aient trois ou quatre tesmoings contre eulx. Un grand conseil de clercs se tint à Arras On en référa au gouverneur, nommé Jean de Bourgogne, comte d’Etampes, lieutenant pour Philippe le Bon, et résidant à Péronne. Le comte se montra favorable aux poursuites. Le 9 mai 1460, Deniselle et six autres accusés furent exposés publiquement sur un échafaud, en la cour de la maison épiscopale d’Arras. Chacun d’eux était coiffé d’une mitre où estoit peinte la figure du diable, en telle manière qu’ils avoient confessé luy avoir faict hommage, et eulx à genoulx peints devant le diable. Ils furent ensuite prêchés publiquement par Pierre Lesbroussart, docteur en théologie, dominicain, lequel avait pris une part très acerbe à l’instance judiciaire. Tous enfin, abandonnés au bras séculier, subirent le supplice du feu[35].

Ces malheureux, livrés ainsi à une mort hideuse, firent entendre les accents du désespoir en présence d’une foule immense accourue à ce spectacle : lesquelles manières et paroles mirent le peuple en grande pensée et murmure. Les premières victimes de ces dénonciations étaient pour la plupart des filles publiques. Elles comprirent aussi un pauvre artiste, peintre et poète, âgé de soixante à soixante-dix ans, et surnommé l’Abbé de peu de sens. Il y avait encore un sergent de ville ou d’échevinage, et autres gens d’humble condition. Mais la délation en montant embrassait des régions sociales de plus en plus élevées. Elle atteignit bientôt de riches bourgeois, Martin Cornille, receveur des aides ordinaires du comté d’Artois pour le duc de Bourgogne ; Baulduin, seigneur de Noyelle, chevalier et gouverneur de Péronne ; Colart, dit Payen, seigneur de Beaufort et de Ranssart, chevalier, noble homme et une des anciennes bannières d’Artois, âgé de soixante-douze ans, et riche de cinq à six cents francs de rente[36], etc.

Plusieurs de ces prévenus, et notamment le dernier, étaient puissants par leur autorité, leurs amis, leur famille. Philippe de Beaufort, fils aîné de l’inculpé, s’entremit avec un zèle habile au salut de son père. Le Seigneur de Beaufort-, mis à la torture, fit les confessions nécessaires pour éviter une condamnation absolue de la part des gens d’Église. Puis il composa pour quatre mille écus avec les juges laïques. Cependant il était toujours détenu. Mais Philippe se pourvut, au nom de son père, en la chancellerie du roi de France ; et appela de la justice ducale au ressort du souverain. Le gouvernement de Charles VII accueillit avec une faveur, marquée cet appel. Favorables au duc et par esprit d’hostilité, contre le roi, les autorités locales avaient formé un pourvoi en cour de Rome. Le pape, en effet, nomma une commission sur les lieux pour connaître de la cause. Mais le roi, dans cette question de paix et d’ordre publics, évoqua toute l’affaire. Il introduisit et fit prévaloir, à travers l’autorité féodale du duc, à travers l’autorité canonique du saint-siège, l’autorité souveraine de sa juridiction et l’indépendance de sa couronne[37].

Le 16 janvier 1461, un huissier du parlement de Paris se présenta, porteur d’un exploit royal, devant le geôlier d’Arras. Celui-ci rendit, non sans résistance, les prisonniers, qui furent amenés à la Conciergerie du palais et jugés par les gens du Parlement. Là, le seigneur de Beaufort établit judiciairement qu’il avait dû payer, sans y être condamné, au duc de Bourgogne, 4.000 francs ; au comte d’Etampes, 2.000 francs ; au bailli d’Amiens, 1.000 francs, et au lieutenant. dudit bailly, 200 francs[38].

Dans l’intervalle de quelques mois, les appelants furent jugés, absous et mis en liberté avec restitution de leurs biens. Le roi envoya en outre dans le pays une haute commission composée de l’archevêque de Reims, métropolitain de la Picardie ; Jean Bréhal, supérieur des dominicains, et Guillaume Chartier, évêque de Paris. Ces délégués étaient précisément les promoteurs de la réhabilitation de la Pucelle, prononcée en 1456. Au milieu d’un conflit qui agitait les populations, ils portèrent, avec l’autorité souveraine du roi, des paroles de conciliation, de paix et d’indulgence. Les poursuites dirigées contre les Vaudois lurent arrêtées ; les prévenus, mis hors de cause ; et des actions civiles s’ouvrirent, pour procurer, à l’égard des biens, les réparations compatibles avec les lois alors existantes[39].

Ici se place, à son véritable ordre chronologique, un autre événement judiciaire que nous avons été amené à mentionner par anticipation dans le deuxième volume de cet ouvrage[40].

Vers le mois de juillet 1460, il avait à Laval, au diocèse du Mans, urne tille, âgée de dix-huit ou de vingt-deux ans, native d’un lieu voisin nommé Chassé-lès-Usson. Son père s’appelait Jean Seron ou Féron, et elle était connue sous le nom de Jeanne la Férone. Jeanne capta d’abord la faveur de la dame de Laval[41]. Cette fille se donnait pour inspirée et se prétendait possédée ou tourmentée par le démon. Elle avait sans cesse à la bouche les noms de Jésus et de Marie : La dame de Laval prit le parti de l’envoyer au Mans vers l’évêque, Martin Berruyer. Ce prélat entendit la patiente ou prophétesse en confession. Il renouvela son baptême, la confirma et changea, son nom de Jeanne en celui de Marie, en recongnoissant l’aide de Dieu et l’aide merveilleux que liai avoit fait la Vierge Marie, mère de Dieu[42].

Jeanne Féron se prétendait vierge. Elle habita quelque temps la ville du Mons sous les yeux et la protection de l’évêque. Sur ce nouveau théâtre, elle donna cours à ses jongleries de thaumaturge, et réussit à tromper de plus en plus la confiance de ce vénérable prélat, affaibli sous le poids de l’âge. Elle simula plusieurs scènes de possession ou attaques des mauvais esprits, et fut à plusieurs reprises exorcisée par l’évêque. Jeanne parut à ses yeux couverte de plaies, ensanglantée, luttant contre les étreintes d’un ennemi invisible. En même temps, elle fit à l’évêque des confidences merveilleuses accompagnées de communications dévotes et de réflexions ou sentences chrétiennes. Martin Berruyer, dupe de ces démonstrations, lui témoigna un intérêt croissant. Jeanne devint bientôt célèbre sous le nom de la Pucelle du Mans, et l’évêque contribua puissamment à étendre la renommée de cette mystificatrice. Il écrivit plusieurs lettrés en son honneur à plusieurs princes et communautés du royaume[43].

La pieuse reine de France, ayant entendu parler de cette fille, écrivit à l’évêque pour le prier de la lui faire connaître. Martin Berruyer répondit à cette demande par une épître qui nous a été conservée, et qui contient un long témoignage de l’illusion où sa bienveillance, ainsi, que sa crédulité ; l’avait entraîné. Parmi les visiteurs de la prétendue prophétesse, quelques officiera du roi s’étaient trouvés auprès d’elle. La Férone leur dit : Recommandez-moi bien humblement au roy et lui dictes qu’il recognoisse bien la grâce que Dieu lui a faict ; qu’il veuille soulager son peuple. L’attention du gouvernement royal et de Charles VII lui-même fut à son tour éveillée par le bruit de cette fille. Au mois de décembre 1464, Jeanne fut mandée à la cour. Le conseil se tenait alors à Tours, et le roi habitait son château des Montils. Pierre Sala, qui écrivait, en 1516, un opuscule dédié à François Ier, roi de France, nous a laissé, dans cet opuscule, un témoignage fort curieux, qui lui avait été transmis par Guillaume Goufier, sire de Boisy, relativement à Jeanne Darc, la Pucelle d’Orléans. Le même auteur mentionne, à la suite de cette héroïne, une fausse pucelle qui, dix ans après, dit-il, fut présentée au roi comme étant Jeanne ressuscitée[44].

Mais Sala, fort âgé lorsqu’il rédigeait cet écrit, a vraisemblablement commis une erreur de date dans ce passage, et le reste de son récit paraît s’appliquer avec précision, non pas comme on l’a cru, à Claude des Armoises, mais à Jeanne La Férone. Le roy, ainsi s’exprime Pierre Sala, oyant cette nouvelle, commanda que la fille fust amenée devant luy. Or, en ce temps estoit le roy blessé en un pied et portoit un botte faulve. Voulant éprouver la nouvelle venue ; ainsi qu’il avait fait en 1429 ; à Chinon, il envoya un de ses familiers pour recevoir Jeanne la Férone comme s’il fust le roy. Mais les conducteurs de cette fille savaient que le roi était malade. Jeanne la Férone, avertie, passa outre et vint droit au roi, dont il fut très esbahy et ne sceut que dire, sinon en la saluant bien doulcement et lui dit : Pucelle m’amye, vous soyez la très bien revenue, ou nom de Dieu, qui scet le secret qui est entre vous et moy. Alors miraculeusement, poursuit Sala, après avoir ouy ce seul mot, se mit à genoulx cette faulse pucelle, en luy criant mercy, et sur-le-champ confessa toute la trayson[45].

En effet, Jeanne la Férone fut, conduite à Tours, examinée par le conseil ; mise en jugement et convaincue d’imposture. Son procès, vraisemblablement, s’instruisit d’abord en cour d’Église, car il fut confirmé par Jean Bernard, métropolitain de l’évêque du Mans. Jeanne était la concubine d’un clerc et menait une vie dissolue. Des familiers de l’évêque, ses indignes confidents, profitaient de cette intimité pour suggérer à leur créature de prétendues révélations qu’elle offrait, sous le sceau de la confession, à la crédulité du respectable vieillard. Le conseil décida que Jeanne serait mitrée et prêchée publiquement devant tout le peuple dans les villes du Mans, de Tours et de Laval.

Le 2 mai 1461, elle fut exposée à Tours, coiffée d’une mitre, avec écriteau en vers latins et français. Maître Guillaume de Châteaufort, grand maître du collège royal de Navarre, la prêcha. Elle dut enfin être renfermée à Tours pour pleurer et gémir ses péchés en prison fermée l’espace de sept ans en pain de douleur et en eau de tristesse. Quant à ses complices, ils furent, dit Sala, justiciez très asprement comme en tel cas bien appartenoit[46].

 

 

 



[1] Jourdan, Éphémérides de la Rochelle, p. 407. Chenu, Antiquitez de Bourges, 1621, in-4°, p. 243. Jean Mérichon, cinq fois maire de la Rochelle, gouverneur d’Aunis, etc., est représenté dans une miniature contemporaine et d’un grand intérêt. Communication de l’original par MM. Jourdan et Delayent, bibliothécaire de la Rochelle.

[2] L’île de Ré ou Rhé était un franc-aleu appartenant aux vicomtes de Thouars. Charles VII, en 1438, avait reconnu et confirmé les privilèges et les immunités d’impôt dont jouissait d’ancienneté cette faible colonie maritime. Les Rhémois ou Rhéyens prêtèrent au roi de France 4.000 livres qu’ils empruntèrent à perte. Ils furent néanmoins, et contre le droit, soumis à la contribution jusqu’en 1457. Le roi, par suite de cette invasion, exempta de nouveau les habitants de toute taille pendant deux ans, à partir du 1er octobre 1457. En 1459, cette taille fut commuée en un équivalent ou abonnement de 600 livres par an. Détails touchants et inédits dans l’acte ; donné à Rasilly en septembre 1459. Ms. Bri. 318, f° 267 à 271.

[3] Histoire de Bretagne, t. II, p. 64. Privy council of England, t. VI, p. lxxxij et suiv. et 295. Fabyan, Chronicle of London, 1559, in-fol., t. II, p. 464. Ms. fr. 5909, f° xjxxxv-vj. Du Clercq, p. 114, 125, 155 et passim.

[4] Art de vérifier les dates, t. II, p. 58. Raynaldi, Annales ecclesiastici, t. XXIX, p. 101 et suiv. Biographie Didot, article des Ladislas et les renvois bibliographiques.

[5] Œuvres de Chastellain, t. II, p. 188.

[6] Mêmes autorités. Ms. Dupuy 760, f° 135. Basin, t. I, p. 292 et suiv., chap. XV. Chastellain, Œuvres, t. III, p. 310 et suiv., 320 et suiv., 369 et suiv. Mss. Legrand, n° 6963, p. 34 ; n° 6967, f° 108, 114. D. Plancher, Histoire de Bourgogne, L. IV, p. 293 ; preuves, p. ccxxvij. Ms. résidu S.-G., n° 143, f° 70. J. 458, passim. Th. Basin, t. I, p. 292 et suiv.

[7] Relation allemande de l’ambassade : Copey Bach der gemainen Stat Wien, publié par l’Académie impériale de Vienne, dans Fontes rerum Austriacarum, 2e division, Diplomataria et acta, 1853, in-8°, p. 125 et suiv. Voyez Bibliothèque de l’École des chartes, 1854, 4e série, t. I, p. 75. Bohuslai Balbini, Epitome rerum Bohemicarum, Prague, 1677, in-fol., p. 510. J. Chartier, t. III, p. 74.

[8] Mêmes autorités. Les ambassadeurs présentèrent à la reine (Marie d’Anjou) une robe de drap d’or semée de perles et de pierreries moult richement, et à la fille une autre pareille. Et avoient amené ung charriot branlant (suspendu) moult somptueux et riche. J. Chartier.

[9] Auteurs cités. D. Calmet, Histoire de Lorraine, 1728, in-fol., t. III, preuves, col. xxij. Récollection des merveilles advenues de notre temps, édit. du Panthéon, p. xliiij. H. Baude, dans J. Chartier, t. III, p. 367, Ms. Fontanieu, n° 123, au 24 novembre 1457. Godefroy, Charles VII, p. 355 et 477. Chastellain, p. 369, Du Clercq, p. 105, chap. XXX. Escouchy, t. II, p. 354. ...Ils portoient le billon d’or, et par privilège du roy de France ils forgeoient florins d’or parmi les villages où ils se trouvoient. O. de La Marche, p. 508.

[10] Godefroy, Chastellain. Copey Bach. Gruel, p. 404. Ms. latin 11,414, f° 23.

[11] Au point de vue culinaire, le banquet du comte de Foix produisit une vive sensation. Aussi fournit-il la matière d’un chapitre, inséré sans doute dans quelques manuscrits du temps, à la suite du Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent, célèbre queux ou cuisinier de Charles V et de Charles VI. Vers la fin du quinzième siècle, ce curieux traité fut imprimé gothique, avec ces additions, par des éditeurs fort ignorants. Ceux-ci confondirent le tout et le publièrent de la façon la plus fautive, en donnant à Taillevent le titre de gueux (sic) du roy Charles VII. Exemplaire de l’Arsenal : Sciences et arts, n° 6127, petit in-8°, Paris, Alain Lotrian et Denis Janot. Legrand d’Auxy, Vie privée des Français, 1815, in-8°, t. III, p. 375.

[12] Relation du banquet, annexée à la Chronique des comtes de Foix, par Miguel del Verms. Ms. du roi 9864,2, ou Baluze 419, et Duchesne, n° 48, feuillets 314, 315, imprimé dans Buchon, Panthéon, 1841, en tête du volume qui contient cette chronique, p. xlj et suiv. Copey Bach, p. 126. Chastellain, p. 574 et suiv. Le Viandier, Du Clercq, J. Chartier, loc. cit.

[13] Annal. ecclesiast., p. 104, 105. Hist. de Louis II, liv. III, f° 31 et suiv. Ms. lat. 7443, intitulé Physica quœdam, P 51. Mém. de Du Clercq, édition Reifenberg, t. II, p. 393. Art de vérifier les dates, cité. Mailath, Geschichte der Magyaren, etc., Vienne, 1828 et suiv., in-8°, t. III, ch. XXVI, p. 20 à 34. Copey-Bach, p.127. Voyage d’Ehingen, dans Iconographie historique, 1855, in-4° ; portrait de Ladislas en fiancé, gravé ibidem, p. 1, il est également représenté, mais de fantaisie, avec Madeleine de France, sur une généalogie peinte vers 1500 ; gravé dans Marquardt Herrgott, Monumenta domus Austriæ, 1773, in-fol., t. III, planche XI.

[14] J. Chastellain, t. III, p. 326, 359 et suiv., 371, 380 et suiv. Du Clercq, p. 907. Zantfliet, ap. Ampliss. coll., t. V, p. 490, 494.

[15] Art de vérifier les dates. Ms. Legrand, f° 32. Histoire de Bretagne, t. II, p. 63, 64. Dansin, Gouvernement de Charles VII, 1858, in-8°, p. 393. Journal de Maupoint, Ms. D. Grenier 105, p. 42. Zantfliet, p. 496. Godefroy, p. 477, 478. J. Chartier, t. III, p. 77 et suiv. Escouchy, p. 356. Copey-Bach, p. 128, 129. Chastellain, p. 582. Sauval, Antiquitez de Paris, t. II, p. 86. J. J. 185, f° 220. Ordonnances, t. XIV, p. 445. Bohuslas, p. 514.

[16] Biographie Didot : Jean d’Alençon. Œuvres de Chastellain, t. II, p. 163 et suiv. ; t. III, p. 472.

[17] Notice sur Château-Gonthier et sur Jean, duc d’Alençon, par X. B. de Saint-Denis, dans les Mém. de la Société d’agriculture, etc., d’Angers, 1860, in-8°, p. 225 et suiv.

[18] Chronique de Cagny ou Chronique d’Alençon, sub anno 1435 et passim. Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, au mot Alençon. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 318 et suiv. Histoire de Bretagne, t. II, p. 59.

[19] Perceval de Cagny. Biographie Didot. Poésies de Charles d’Orléans, éd. Champollion, p. 275 et 445.

[20] Claude de Messey, Bourguignon, astrologue du duc Philippe, convive de Geneppe, était prévôt de Waten : consulté par le Dauphin en 1457, il lui pronostiqua la mort du roi malade. Voyez Œuvres de Chastellain, t. III, p. 448.

[21] Procès du duc d’Alençon : Ms. 500 Colbert, n° 222, f° 1, 4 v°, 28 v° et suiv. Mss. Dupuy, n° 137, 513, 552. Ms. Harlay, n° 47, f° 105 ; et autres copies.

[22] Ms. Dupuy 552. Michelet, Histoire de France, t. V, p. 382. Docteur Chereau, Médecins du quinzième siècle, dans l’Union médicale, 21 août 1862, nouvelle série, t. XIV (suite de feuilletons).

[23] D. Vaissète, liv. XXXIV, chap. L. Actes de Bretagne, t. II, col. 1213, 1216. Anselme, grande édition, 1. I, p. 272. Wavrin-Dupont, t. I, p. 270, note 2. Chronique de Cagny, chap. XCII. Procès d’Alençon ; Mss. cités. Arrêt de condamnation dans J. Chartier, t. III, p. 95 et suiv. — Le comte du Maine eut jusqu’à 26.000 livres de pension.

[24] Escouchy, t. II, p. 114, 242. Arrêt cité. Procès. Caillebotte, Essai historique sur Domfront, p. 20, 21. P. Piolin, Histoire de l’Église du Mans, t. V, p. 129. K. K.1009, f° 4. Lincy, Hôtel de ville de Paris, 1846, in-4°, p. 205. Beaurepaire, États de Normandie, p. 51. Ms. fr. 5051, pièce M. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 224, 250, 317. Ms. fr. 5044, f° 34 v°. J. Chartier, table, au mot Gallet. Ms. Gaignières 567, f° 50. Mlle. Dupont : Wavrin, t. III, p. 160, 161 ; Commynes, t. III, p. 201. P. P. 110, f° 227.

[25] Ce sobriquet parait signifier : un homme qui boite en marchant.

[26] Chronique de Cousinot, p. 83 et suiv. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 319 et suiv. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 100 et suiv. J. Chartier, t. III, p. 56 et suiv. Godefroy, Charles VII, p. 305, 353, 474.

[27] Escouchy, p. 322 et suiv. Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes, p. 196, 184. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 427 et suiv. J. Chartier, t. III, p. 93, 94. K. de Lettenhove, Histoire de Flandres, t. IV, p. 29. Ordonnances, t. XIV, p. 466 à 470. Du Clercq, Panthéon, p. 112 et suiv.

[28] J. du Clercq, p. 113, 116 et suiv. Ms. de la bibliothèque Sainte Geneviève L. F. 2, f° 131 v°. Chastellain, p. 433 et suiv., 438 et suiv. Lettenhove, Hist. de Flandres, p. 33. Acte du 18 septembre 1458. Les pairs ecclésiastiques, réunis à Vendôme, protestent qu’en siégeant ils n’entendent pas concourir à la mutilation des membres ou effusion du sang (doctrine canonique : Ecclesia abhorret a sanguine). Ms. D. Grenier, n° 89, p. 283. Ms. Moreau, n° 253, f° 123. Récollection des merveilles advenues de notre temps, Panthéon, p. lx. Du Tillet, Recueil des grands de France, 1602, in-4°, p. 68 et 218. Godefroy, Cérémonial françois, t. II, 441 et suiv. Peinture de Jean Fouquet : Ms. 38 de la Bibliothèque royale de Munich. J. Boccace, Les nobles malheureux, in-fol., frontispice. Revue archéologique, 1855, p. 509 et suiv. Jehan Foucquet, Gurmer, éditeur, 1864, in-4°, notice, p. 103.

[29] Chastellain, p. 438, 441, 450 et suiv. Du Clercq, p. 117, 122. Ms. Duchesne, n° 48, f° 170. Ms. Brienne 239, 1re pièce. Mss. fr. 1278, f° 186 ; 8415, C. Ms. Legrand 6967, f° 125. D. Vaissète, t. V, p. 21. Zantfliet cité, p. 496. D. Plancher, t. IV, p. 297 et suiv.

[30] Chastellain, p. 466, 471 à 488. A. Champollion, Louis et Charles d’Orléans, p. 368, 376. Alain Bouchard, Annales de Bretagne, f° clxxx v°. J. Chartier, p. 108. D. Taillandier, t. II, p. 65. D. Plancher, t. IV, p. 295 et suiv. ; preuves, p. ccxxix. Godefroy, p. 478, Gruel, p. 404. Ms. fr. 6281, p. 180. Ms. Brienne, n° 358. Chronique de Cagny, à la date. Ms. Harlay 121, t. IV, f° 381 : Exhortation au roi, par l’archevêque. Instruction à G. de Ricarville, capitaine de Loches (13 octobre 1458), de ce qu’il aura à faire pour la garde de Jean, duc d’Alençon, condamné ; Ms. fr. 2861, f° 183-4.

[31] J. Chartier, p. 91 à 110. K. 69, n° 22. Zantfliet. P. P. 110, f, 235. Par lettres données à Vendôme, le 3 novembre 1458, Charles VII accorda divers biens et faveurs à Pierre Fortin, messager du duc d’Alençon. Ms. fr. 5909, f, xjxxxvj. Le condamné fut gardé, tant que vécut Charles VII, dans la prison de Loches. Mais en 1461, il fut mis en liberté par le Dauphin, devenu Louis XI. Cette même année, P. Fortin se rendit, comme pèlerin ; à Saint-Jacques de Compostelle en Galice. Jean, duc d’Alençon, le fit assassiner sur la route. Ms. Fontanieu 123, sous l’année 1456. Cimber et Danjou, Archives curieuses, etc., 1434, t. I, p. 139 et suiv. Revue d’Anjou, 1853, t. II, p. 363 et suiv. — Vendôme appartenait au ressort du bailli de Touraine. La seigneurie de Nogent-le-Rotrou, confisquée sur le duc, fut transportée à Charles d’Anjou, comte du Maine. Ordonnances, t. XIV, p. 480.

[32] Oncques homme ne haiyt plus toutes hérésies et sorciers et sorcières, qu’il hayoit. Et bien y parut : car il en fist plus brusler en France, en Poitou et en Bretagne, que nul autre en son temps, etc. Panthéon, p. 405. Hérésies en Bretagne, Ann. ecclés., t. XXIX, p. 192, sub anno 1459.

[33] Voir l’autobiographie de S. de Phares, dans mon Histoire de l’instruction publique, p. 379.

[34] Bourquelot, les Vaudois du quinzième siècle, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, t. VIII, p. 81 et suiv. J. du Clercq, p. 137 et suiv. Le 26 mars 1459, Alfonse l’Ermite est brûlé à Lille. Ibid., p. 128.

[35] Iceluy doyen disoit et certifioit que le tiers de la chrestienté avoit esté à la d. Vaulderie et estoit vauldois. Ce doyen avait pour ami frère Jehan, évêque (in partibus) de Varut (Beyrouth ?), frère mineur, docteur en théologie et suffragant de l’évêché d’Arras... Icelui évesque avoit esté pénitentier du pape à Rome... pour quoy on disoit qu’il povoit sçavoir moult de choses, et avoit icellui évesque une telle imaginacion, que, quand il véoit les gens, il disoit et jugeoit s’ils avoient esté en lad. Vaulderie ou non. Du Clercq.

[36] Juin 1460. Du Clercq, p.144 et suiv. Beaucourt-Escouchy, t. II, p. 417. Annal. eccles., p. 217.

[37] Sources citées. Quicherat, Aperçus, p. 154. On vouloit, dit Escouchy, les faire mourir (les prévenus) pour avoir la confiscation de leurs biens. Et à ce tenoient fort les mains aucuns qui lors estoient du conseil du dit comte d’Étampes. Jean de Bourgogne était frère de Charles, seigneur de Rozoy en 1446. Un appel semblable avait eu lieu à l’égard de ce Charles.

[38] Voyez ci-dessus, en note, affaire du duc d’Alençon : don ou gratification au bailli de Touraine.

[39] J. du Clercq. Escouchy. Ces actions civiles se prolongèrent jusqu’à la fin du quinzième siècle. Bourquelot, loc. cit., p. 98.

[40] Nous nous efforçons de rectifier et de compléter, autant que possible, ce que nous avions à dire sur les fausses pucelles.

[41] Françoise de Dinan, veuve du prince Gilles de Bretagne et remariée à Guy XIII, comte de Laval.

[42] J. du Clercq, p. 163. Chronique de Jean de Troyes, Panthéon, p. 239. P. Piolin, Histoire de l’Église du Mans, t. V, p. 163. Anselme : Laval.

[43] Les mêmes. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 212.

[44] Procès, t. III, p. 289.

[45] Ibid. Le roi, depuis quelque temps, souffrait à la jambe d’une affection qui parait avoir été cancéreuse. On lit dans le compte de l’argenterie, du 1er octobre 1458 au 1er octobre 1459 (juillet-août 1459, à l’article Chaussements) : trois bottines ; plus une seule bottine noire ; plus un escafignon de cuir tanné pour ung peu de mat que le roi avoit à une jambe ; et de nombreuses mentions analogues. K. K. 51 ; f° lxxvj v° et passim. Sur cette infirmité du roi, voyez encore J. du Clercq, p. 109 ; Chastellain, Œuvres, t. III, p. 371, 444 ; etc., etc.

[46] Ibidem. Du Clercq, p.165 et suiv. Piolin et les autres, cités. Echard, Scriptores ord. prædicatorum, t. I, col. 854 a. Antoine Dufour, dans Procès, t. V, p. 336, 433. Ms. VII de la préfecture de Troyes, f° 160 v°. Ms. fr. 2899, f° 51. Chronique de Nicole Gilles, 1557, in-fol., IIe partie, f° c. — Il convient donc, pour nous résumer, de distinguer deux aventurières ou fausses pucelles : 1° Claude, mariée à Robert des Armoises ; celle-ci parait sur la scène en 1436 et disparaît vers 1440 ; 2° Jeanne La Férone, dont 19 brève carrière forme le sujet des ligues qu’on vient de lire.