LIVRE VIII. — DEPUIS L’EXPULSION DES ANGLAIS JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VII (1453-1461).
Sauf l’occupation de Calais, Charles VII avait rejeté ses ennemis hors du territoire de la France et les avait refoulés dans leur fie. A l’extérieur, il s’était créé partout des alliés. Il avait étendu dans l’État de Gênes et jusqu’en Orient son influence et le bruit de sa renommée. A l’intérieur, il avait fait cesser la guerre civile, créé l’armée, rétabli l’ordre, les finances. Les grands barons avaient été soumis : quelquefois, comme il advint pour le comte d’Armagnac, par la force des armes. Vis-à-vis de presque tous les autres : Lorraine, Bretagne, Foix, Bourbon, etc., des moyens amiables et honnêtes lui concilièrent l’attachement ou l’intérêt de ces princes et les lui avaient ralliés[1]. Mais de toutes ces conquêtes, opérées à l’aide de moyens pacifiques, la plus importante, la plus difficile, comme aussi la plus périlleuse, était celle du duc de Bourgogne. Philippe le Bon, par son caractère et sa complexion morale, offre une grande analogie avec le roi de France Charles VI. Tous deux aimaient la pompe, le cérémonial, la majesté extérieure de la forme. Ce prestige, que le temps et la tradition ajoutent à certaines institutions, les éblouissaient tous deux, par un éclat en quelque sorte superficiel. Leur esprit ne pénétrait pas, comme le faisait celui de Charles VII, ne scrutait pas le fond de ces institutions, pour en examiner la valeur et la solidité. Ainsi l’étiquette des cours, les tournois, les cérémonies chevaleresques furent en grand crédit auprès de Charles VI, aussi bien que de Philippe le Bon. Toutes ces pompes excitèrent, chez ces deux princes, un goût passionné. Moins sincèrement enthousiaste que Charles VI, le duc de Bourgogne sut modérer son zèle par des considérations tirées de l’ordre le plus positif. Cependant il est aisé de reconnaître en lui, dans mainte circonstance, l’homme imbu des idées du moyen âge, du passé. Philippe de Bourgogne fut à cette époque le dernier représentant de la haute féodalité[2]. Durant tout le règne de Charles VII, et surtout pendant la première partie de cette période, l’ordre, la grandeur, la magnificence qui régnaient à la cour de Bourgogne, formaient, avec ce qui se passait autour du roide France, une espèce de contraste, dans lequel ce vassal éclipsa constamment son suzerain. Supérieur pour la forme, l’étendue de ses ressources, de ses possessions, de ses alliances, lui permettait encore de rivaliser avec le roi par la réalité de sa puissance. Philippe le Bon n’adopta point et n’introduisit point dans ses Mats les réformes et les institutions de Charles VII. L’armée bourguignonne demeura, notamment, toute féodale. Tant que vécut Charles VII, le roi et le feudataire, enchaînés par de mutuels égards et de communs scrupules : se bornèrent à s’observer. Chez l’un et chez l’autre, une profonde défiance couva sous le masque de la courtoisie et d’une réconciliation que tous deux avaient jurée. L’Angleterre repoussée, vaincue, mais non désarmée, depuis 1455, poursuivait la Bourgogne d’une animadversion non moins énergique et non moins déclarée que celle qu’elle portait à la France. Cette considération contribua puissamment au maintien de la paix entre Charles VII et Philippe le Bon. Mais la scène changea du jouir où le Téméraire d’une part, et, de l’autre, le machiavélique Louis XI, succédèrent à leurs pères. La lutte, longtemps comprimée, éclata finalement entre ces deux champions. On vit alors les francs-archers de Charles VII se mesurer avec les bandes féodales de Bourgogne, et la querelle se vida, au profit de la royauté, dans les marais de Nancy[3]. La prise de Constantinople par les Turcs fut pour la chrétienté le signal d’une crise non moins redoutable que l’avait été celle du schisme pontifical. Nicolas V occupait le trône de Saint-Pierre. Thomas de Sarzane (c’est le nom qu’il portait avant son avènement) était un pontife pieux et attaché aux devoirs de sa haute situation. Mais la disposition des esprits, le milieu qui l’entourait, son caractère personnel enfin, le rendaient plus propre aux calmes travaux des lettres et de l’étude qu’aux actives et énergiques entreprises du politique et de l’homme d’État. La grande catastrophe de 1453 ne le trouva point insensible. Nicolas V publia immédiatement des indulgences en faveur de ceux qui coopéreraient à la défense de la chrétienté. Par un manifeste solennel, le saint-père convia les princes de l’Europe à pacifier leurs différends et à se réunir contre le Turc dans une nouvelle croisade[4]. L’empereur Frédéric III avait toujours pour secrétaire de ses conseils Enée Piccolomini, l’une des intelligences les plus vives et les plus brillantes de son siècle. Enée, devenu évêque de Sienne, jetait déjà sur le trône de Rome ses regards ambitieux. Peu à peu, il rompait avec les idoles de sa jeunesse et se préparait au rôle nouveau et si différent qui convenait au futur Pie II. Sous l’influence de Piccolomini, l’empereur écrivit au pape pour lui proposer ses services. Il publia ensuite un ban impérial, qui fut notifié aux princes de l’Europe et à tous les vassaux et cités de l’Empire. Frédéric y prescrivait la levée d’une armée de deux cent mille hommes, à raison de deux soldats, soit à pied, soit à cheval par trente ménages ou feux, et destinée à combattre les infidèles. Cette armée, que devait seconder une flotte, principalement fournie par les puissances italiennes, avait ordre d’entrer en campagne au mois d’avril 1454. Dans le même temps, le grand maître de Rhodes invoqua aussi le secours de tous les princes chrétiens[5]. Philippe le Bon, qui prétendait à la possession du Luxembourg, se reconnaissait à ce titre, et à d’autres, vassal eu sujet de l’Empire. Il reçut avec de grandes démonstrations de zèle et d’enthousiasme le mandement du pape et celui de l’empereur. La ferveur catholique du grand baron se manifesta surtout dans une suite de banquets tenus à Lille en janvier et février 1454, sous la présidence de ses princes et féaux, ou sous ses propres auspices. On peut lire dans les Chroniques bourguignonnes la prolixe relation de ces pompes mondaines et culinaires[6]. Le plus riche et le plus somptueux de ces festins fut celui que donna le duc en personne, accompagné de la duchesse Isabeau de Portugal. Cette solennité se tint à Lille le 17 février 1454. Une vaste salle contenait vraisemblablement plusieurs centaines de convives et de serviteurs. Au milieu des tables et au-dessus des assistants, l’espace libre qui avait été ménagé, était assez étendu pour servir de théâtre à des Jeux équestres et à des évolutions aériennes. Nous ne décrirons pas, à la suite des Olivier de La Marche, des Du Clercq, des Escouchy, les mets ni les entremets, ou mystères singuliers, qui animèrent cette fête. L’une des tapisseries qui décoraient la salle du festin, où se réunissaient les paladins de la croisade annoncée, représentait l’histoire d’Herculès. Sur la table ducale s’élevait un surtout colossal : il figurait une église vitrée, avec son clocher garni d’une cloche sonnante. Cette église contenait plusieurs personnes, dont quatre chantres ou chanteurs qui se faisaient entendre tour à tour. Une autre table était chargée d’un pâté non moins gigantesque et renfermant vingt-huit musiciens exécutants, munis de leurs instruments[7]. L’église et le pâté faisaient l’office de chœur et d’antienne. Ils se répondaient par leurs chants, et de ces deux points partirent alternativement les signaux qui servaient à guider le programme des entremets vifs, ou mystères par personnages. Le dernier de ces intermèdes fut celui qui devait exprimer la moralité de cette réunion. Un géant, vêtu d’étrange sorte, conduisit, jusque vers la place où le duc était assis, un éléphant, que montait une dame placée dans une tour. Cette dame, vêtue en deuil, de noir et de blanc, coiffée d’un couvre-chef de Bourgogne, représentait Sainte-Église[8]. Captive et détenue par le géant sarrasin, l’Eglise s’arrêta devant le duc pour implorer sa protection. Après qu’elle eut débité son discours, Jean Lefèvre de Saint-Remy, autrement dit Toison d’or, chroniqueur et premier roi d’armes de l’ordre ducal, présenta au prince un faisan richement orné. Cet oiseau en vie était escorté de deux damoiselles, dont l’une s’appelait damoiselle Yolent, fille inlégitime du dit duc, accompagnée de deux chevaliers de la Toison d’or. Alors Philippe le Bon, répondant à l’appel de l’Église, prononça le célèbre vœu du Faisan. Il s’engagea par serment, et toutefois sous certaines conditions et réserves, à se rendre de sa personne, suivi d’une armée, en Asie, pour faire la guerre aux infidèles. Il promit enfin de combattre corps à corps le Grand Turc lui-même, s’il venait à le rencontrer. Chacun des cavaliers présents, se levant ensuite et à tour de rôle, s’obligea par un vœu analogue. Tous remirent au chancelier ducal leur scellé ou serment écrit, qui avait été libellé la veille, sous le seing de leurs noms et sous le sceau de leurs armes[9]. L’empereur d’Allemagne avait indiqué une première diète des princes croisés, qui devait se réunir devant lui, en mai 1454, à Ratisbonne. Après une série de fêtes, Philippe le Bon quitta Lille le 24 mars et se dirigea vers la Bavière. Sa marche en Allemagne fut une suite d’ovations presque quotidiennes. Il se trouvait à Ratisbonne au jour indiqué. Mais là, au lieu d’une nombreuse assemblée (le tous les princes allemands, il n’en rencontra que deux, voisins et proches parents de Frédéric. L’empereur lui-même y fit défaut, et, sous de vains prétextes, il convoqua une nouvelle diète à Francfort, pour la Saint-Michel (29 septembre) 1454. Le duc de Bourgogne retourna dans ses Etats, déjà refroidi par ce qu’il avait vu et entendu à Ratisbonne[10]. Philippe le Bon apprit à Ratisbonne que les Anglais, nonobstant les trêves, venaient d’opérer sur ses terres des incursions armées. Il se souvenait que son père, dans sa jeunesse, avait combattu les Turcs à Nicopolis, et que ce glorieux exploit, où le duc Jean était demeuré longtemps captif, n’avait produit, pour ce duc et ses Etats, que préjudice et disgrâces. Les Vénitiens, malgré les exhortations du père commun des fidèles, ne renoncèrent point à leur antique rivalité contre les Génois. Cette dissension fut cause que le saint-siège ne put réunir dans la Méditerranée les forces maritimes qui lui étaient nécessaires. Chacun des princes chrétiens, bien loin de répondre à l’appel du souverain pontife, ne prit souci que de ses préoccupations particulières ; de ses intérêts ou de ses passions. Alphonse d’Aragon, retenu par sa maîtresse, abandonna la cause de l’Eglise. Antoinette de Maignelais n’aurait pu manquer de jouer auprès de Charles VII le même rôle, si le zèle ou la complexion de ce prince l’eussent porté aux élans d’un religieux enthousiasme. Les Grecs, proscrits, réfugiés en Italie, dispersés dans toute la chrétienté, méconnurent opiniâtrement le nouvel appel que le pape leur adressa en faveur de l’unité. Un scepticisme effroyable et profond avait pénétré au sein de cette Enlisé grecqué, ainsi qu’on en peut juger par le livre, si caractéristique et si extraordinaire, de Gémisthe Pléthon. Cette branche, désormais stérile, du christianisme, était destinée à se dessécher et ; pour ainsi dire, à s’annihiler en se confondant avec le pouvoir absolu du tsarisme. Enfin l’Église elle-même, la cour de Rome et des cardinaux, livrée au philosophisme, était envahie par le flot de la Renaissance[11]. Le temps n’était plus où l’Occident, comme un seul homme, s’ébranlait à la voix de Pierre Lhermite. Vainement le pape Calixte III, qui venait de succéder à Nicolas V, rappela-t-il au roi de France que ce dernier s’appelait le Fils aîné de t’Eglise et que le sang de saint Louis coulait dans ses veines. C’est en vain qu’essayant sur l’âme de Charles VII un autre mode d’action, le saint-père décerna au prince français la rose d’or, ou prix de la piété. Pour tout dire en un mot, la foi du moyen âge n’existait plus. Saint Louis, lorsqu’il mourut sur la plage d’Afrique, après sa quatrième et infructueuse expédition, y avait en quelque sorte déposé, avec ses os, l’esprit d’une autre époque. Depuis cette dernière croisade, de nouvelles idées, de nouveaux devoirs s’étaient imposés aux peuples et aux souverains de la chrétienté. Des relations pacifiques et commerciales avaient remplacé les entreprises guerrières et les conflits armés. Christophe Colomb, Vasco de Gama étaient nés, et le siècle auquel ils appartiennent ne devait pas s’écouler avant que leurs vaisseaux ne servissent à réunir, par une fraternelle communication, les deux mondes. L’Europe enfin, abordant la période moderne de son histoire, se constituait politiquement. Les nations se formaient et trouvaient les principales lignes de leur configuration naturelle et définitive[12]. En ce qui concerne la France, Charles VII remplissait à cet égard une haute mission. A travers les fautes et les défaillances de son âge mûr, il ne se laissa pas détourner d’une couvre si importante, et dans laquelle s’était montré si visiblement le doigt merveilleux de la Providence. La diète de Francfort décida qu’une garnison de quarante mille hommes (au lieu de deux cent mille), levés par les puissances chrétiennes, serait opposée aux Turcs sur les frontières envahies. Cette sage détermination était le fruit naturel de la force des choses. Le duc de Bourgogne dut fournir, pour sa part, un contingent de quatre mille hommes de pied et de deux mille lances. Vers le même temps, Philippe le Bon avait envoyé au roi une ambassade pour lui notifier le dessein où était le duc de s’armer, et pour recevoir à cet égard les instructions du suzerain. Le roy respondit de sa personne que, si le duc vouloit bailler en ses mains ses villes engagées dessus la rivière de Somme, comme Montreuil, Abbeville, Amiens, Saint-Quentin, et lui envoyer son fils, le comte de Charolois, en son hostel, durant son absence, il lui lairroit joyr de tous les prouffits desdites villes et s’acquitteroit de garder son filz, ensemble de ses autres pays, comme il feroit des siens propres. Et en tant qu’il touchoit ladite bannière, ni gens ni argent, n’étoit pas délibéré à ce faire, pour tant que toujours estoit sur sa garde de ses anciens ennemis d’Angleterre[13]. Charles VII, sans prendre de participation directe à la guerre chrétienne, la seconda loyalement et selon son pouvoir. Il renouvela les privilèges dont jouissaient en France les chevaliers de Rhodes ou de Jérusalem. Le roi de France encouragea les efforts de la ligue européenne. Il ne tarda pas à fournir au grand maître de cet ordre militaire un secours de seize mille écus, qu’il remit au commandeur français Pierre d’Aubusson, celui qui devait s’illustrer en 1430 par la célèbre défense de Rhodes. Bientôt Scanderberg, ainsi que Jean Huniade, reprirent l’offensive contre les Turcs, et Huniade remporta, le 22 juillet 9.456, un avantage signalé sous les murs de Belgrade. Cette victoire contribua puissamment à fixer les limites respectives et définitives de l’Islam, vis-à-vis de la chrétienté. Le héros de cette mémorable journée fut Jean de Capristrano ou Capistran, Français par son père, qui avait accompagné Louis III d’Anjou au royaume de Naples. Saint Jean de Capistrane, apôtre européen, disciple de saint Bernardin de Sienne, appartenait à ces ordres mineurs dont nous avons dû signaler plus d’une fois le rôle généreux et actif, et qui, en de suprêmes circonstances, manifestaient cette énergique vitalité[14]. L’un des actes qui témoignent le plus hautement de la sollicitude que mettait Charles VII à remplir sa mission de roi de France, fut la grande ordonnance relative à la justice et datée d’avril 1454[15]. La justice, besoin primordial des peuples civilisés, avait eu particulièrement à souffrir de l’état de subversion où Charles VII avait trouvé le royaume. Déjà en 1446, dans un diplôme que nous avons mentionné, il avait prescrit quelque remède à ce mal. L’ordonnance de 1454 embrasse la question sous un aspect plus vaste à la fois et plus élevé. Le législateur s’y exprime avec une autorité devenue plus forte et plus efficace. Dans l’intervalle qui sépare ces deux dates, le roi de France avait reconquis la Normandie et la Guyenne. Ce qui caractérise l’acte de 1454, ce sont les vues d’unité qui s’y manifestent. Or, cette manière d’envisager lés choses demeurait impossible, tant que l’ensemble du territoire national n’avait point été affranchi de la domination étrangère[16]. Le grand édit de 1454 se compose de 125 articles. A défaut d’une analyse complète, nous reproduirons dans un sommaire très succinct l’énoncé des matières qu’il renferme : composition du parlement, résidence des magistrats, tenue de l’audience, compétence du parlement, retenue des causes en appel, exécution des jugements nonobstant appel, causes criminelles, désertion d’appel, défense aux juges de changer les sentences après le prononcé, délai de l’appel, préférence due aux procès criminels ; des rôles ; des devoirs des avocats ; de la taxe des procureurs, capacité des procureurs ; injonction aux avocats d’être courts ; défense aux avocats d’injurier leurs parties ; nullité des lettres d’état ; les avocats ne doivent proposer que des moyens pertinents ; lettres de délais ou de relief de laps de temps ; nullité des lettres de chancellerie, nullité des lettres d’abolition ; heures des audiences, des actions possessoires, matières bénéficiales ; causes d’appel ; jugements par commissaires, prohibés nombre de juges requis ; comparution des baillis et sénéchaux ; baillis, sénéchaux et autres officiers : leur institution, leur résidence ; enquêtes par commissaires ; production de pièces ; greffiers, notaires, officiers du parlement ; les juges doivent refuser dons ; défense aux avocats et procureurs d’en être médiateurs ; jugements passés d’accord ; fins de non recevoir ; défense aux juges de concourir à l’exécution des sentences ; de la rédaction des coutumes[17]. Cette ordonnance, comme on voit, offre d’abord un véritable code de procédure. Elle est, en outre, une loi organique de compétence. Sous ces rapports divers, elle mérite d’être rangée au nombre des principaux monuments de l’ordre judiciaire. Pour trouver des termes de comparaison égaux en importance, il est nécessaire de remonter aux établissements de Philippe le Bel et de saint Louis, ou bien, descendant l’échelle des âges, au grand édit de Villers-Cotterêts (1539) et au code de Colbert de 1666[18]. Charles VII, en rétablissant l’ordre, la discipline et la dignité au sein du parlement, rendait à cette grande institution la meilleure part d’un éclat et d’un prestige déjà antiques. Il fonda ainsi, ou renouvela, pour l’autorité de la monarchie, un point d’appui et un organe respecté. En confirmant les attributions judiciaires de ce corps, en lui soumettant à nouveau l’Université, en lui restituant les appels des bailliages et autres qui s’y étaient soustraits depuis les temps d’anarchie, il augmenta ses justes attributions. Charles VII suivit la même voie pour la chambre des comptes et la chambre des aides. Ce prince éleva surtout celle des comptes par le choix des sujets et par des règlements tutélaires, à un degré de puissance, d’autorité, de considération, inconnu pour ce tribunal clans le passé. Son conseil étroit ou grand conseil fut également fortifié de plus en plus, grâce à l’accession permanente ou momentanée, d’hommes habiles et compétents, qu’il empruntait, sans acception de naissance, aux diverses classes de la société. Ainsi s’explique, s’il ne se justifie pas complètement, ce notable changement qui marque dans l’histoire le règne de Charles VII, à savoir : l’abolition des états généraux comme assemblées périodiques et, croyons-nous pouvoir ajouter, la substitution des cours souveraines ou conseils permanents de la couronne à ces mêmes assemblées[19]. Depuis le commencement du règne, depuis la soumission de Paris, et enfin depuis le recouvrement de la Guyenne, plusieurs villes importantes, telles que Montpellier, Bordeaux, Poitiers (siège temporaire du parlement royal), et d’autres, avaient sollicité avec instance auprès de Charles VII l’institution de cours souveraines dans leurs murs. Charles VII n’accorda cette prérogative à titre définitif qu’à deux villes : Paris et Toulouse. Il soumit à ces deux centres, qu’il reconnut indispensables, toute la juridiction du royaume. La première de ces villes, la capitale (qu’il n’aimait pas), le parlement de Paris en un mot, fut maintenu dans un état de préséance que cette cour avait, dès le principe, reçu en partage. Ne doit-on pas ajouter que cette espèce de suprématie était particulièrement nécessaire à l’œuvre de centralisation que le prince avait en vue[20] ? L’ordonnance de 9454 abolissait les jugements par commissaires, qui, tant de fois, avaient mis la passion la plus effrénée, ainsi que la servilité la plus basse, à la place de l’indépendance et de l’impartialité, conditions premières et suprême attribut de la véritable justice. Rendue au lendemain du jour où des commissaires venaient de condamner Jacques Cœur, cette ordonnance peut être considérée, de la part du roi, comme un acte dût à l’heureuse inspiration du repentir. Charles VII, du moins, s’astreignit désormais lui-même à cette loi, qu’il avait dictée. Nous verrons bientôt le comte d’Armagnac, le duc d’Alençon et d’autres criminels d’Etat, jugés par la justice régulière. Malheureusement, sur ce point et sur beaucoup d’autres, l’abus que le réformateur voulait détruire, ne fut point radicalement extirpé. Les tribunaux exceptionnels devaient se relever dans l’avenir. Mais les améliorations subites et le bien absolu ne sont point le propre des œuvres humaines. Ce grand édit de Charles VII sur la justice demeura, toutefois, l’une des mesures législatives qui portèrent les fruits les plus salutaires, et l’un de ses meilleurs titres vis-à-vis de la postérité. Un dernier article de cet édit en montre toute la maturité, toute la sagesse, et suffit à le recommander. Aux termes de cet article, les différentes coutumes ou styles du royaume devaient être rédigés par écrit, accordez par les coustumiers, praticiens et gens de chascan des pays de notre royaume... lesquelz (livres) seront apportez par devers nous pour les faire veoir et visiter par les gens de nostre grand conseil ou de nostre parlement et par nous les décreter et conformer, etc. Les historiens du droit français n’ont point déterminé jusqu’ici avec une précision suffisante les dates respectives auxquelles furent effectivement révisées, conformément à cette loi, nos diverses coutumes provinciales. Nous n’ignorons pas, cependant, que les légistes bourguignons s’empressèrent de répondre à cet appel du roi de France. Les coutumes de Bourgogne-duché, puis de Bourgogne-comté, solennellement examinées par les gens des trois états et sur la demande de ces trois ordres, furent promulguées par deux diplômes de Philippe le Bon, rendus, l’un et l’autre, en 1459. La coutume de Touraine fut officiellement rédigée et vérifiée le 19 mars 4460. Charles VII eut ainsi le mérite de tracer, à l’aide de son autorité souveraine, et d’inaugurer dans le domaine des faits accomplis, une tâche difficile et qui devait être l’œuvre des siècles[21]. L’ordonnance sur le fait de la justice porte la souscription de nombreux conseillers, qui prirent part à la délibération de ce grand acte. Ces noms, toutefois, ne représentent point la totalité des personnes éclairées dont le roi, en cette circonstance, avait invoqué l’aide et les lumières. Ainsi, nous savons par une autre source d’information, que, peu avant la promulgation de l’édit, une commission de jurisconsultes et de hauts fonctionnaires s’était assemblée à Paris, pour donner son avis sur ce projet de réforme. Thomas Basin, évêque de Lisieux en Normandie, auteur d’un mémoire spécial sur la matière, fit partie de cette commission et s’y rencontra avec Pierre de Brezé, sénéchal de cette province. On peut aussi désigner particulièrement le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins comme ayant été l’un des principaux rédacteurs de la loi. Divers autres actes ou ordonnances secondaires furent publiés en conséquence de cet édit et pour en faciliter l’application. Ce fut seulement à la rentrée ou à la Saint-Martin (11 novembre 1454), que le parlement de Paris enregistra et commença d’appliquer la nouvelle législation[22]. Charles VII, durant la période qui nous occupe, s’entourait, dans la vie intime, de favoris, d’intrigants, peu dignes de la confiance et de la familiarité qu’il leur accordait. Des plaisirs, que n’excusaient plus la pétulance de l’âge ou des entraînements juvéniles, occupaient la plus grande part de son temps et de son activité personnelle. Cependant l’histoire doit reconnaître que les conséquences d’une conduite si éloignée des devoirs imposés par la morale ne se faisaient que rarement sentir dans le domaine des intérêts publics. Charles VII, par une combinaison que l’on ne saurait ni absoudre ni surtout accepter pour modèle, conciliait jusqu’à un certain point ces termes qui semblent inconciliables : à savoir une existence voluptueuse, des actes de dévotion multipliés et le gouvernement assidu des affaires du royaume. Nous aurons l’occasion de revenir spécialement sur le premier de ces articles. Un grand nombre de documents, que nous rencontrons sons les dates extrêmes qu’embrasse le présent chapitre, témoignent de l’activité que déployait le roi sous les deux derniers rapports que nous avons indiqués. Les provinces nouvellement réunies à la couronne paraissent avoir excité de la part du roi une sollicitude spéciale. Dans le cours de l’année 1454, Charles VII prit possession du Commingeois, succession litigieuse qui déjà lui était légalement dévolue depuis un certain laps de temps. Ce prince, vers la même date, fortifia Bordeaux et rétablit (le 11 avril) la mairie de cette capitale. Charles VII éleva également une tour de défense pour protéger le pays de Bayonne. Cette tour fut construite sous les murs de Fontarabie[23]. Il préposa aussi dans les places des capitaines sûrs et expérimentés. Don Martin Henriquez, d’une grande famille de Castille, fut nommé par le roi, le 14 novembre 1453, gouverneur du pays de Labour, dont Bayonne était la capitale. Des lettres patentes élevèrent à la dignité de maréchal de France Poton de Saintrailles, qui désormais se fixa comme gouverneur militaire et termina ses jours en Guyenne. Dans ces lettres données le 1er avril 1454, il est dit que cet office étant devenu vacant, le roi a réuni en conseil, pour les consulter ad hoc, tous les chefs de guerre, et que Poton a été désigné à la nomination du roi par le suffrage unanime de ses rivaux et de ses pairs[24]. Le 23 mai 1457, Blaise Greslé (Gresle ou de Greelle), conseiller de Charles VII et l’un de ses familiers les plus dévoués, flat sacré en l’abbaye de Saint-Denis, près Paris, archevêque de Bordeaux. Il remplaça, dans ce poste éminent, le célèbre Pey Berland, qui avait toujours été hostile à la cause des Français. Diverses ordonnances accordèrent aux habitants de Bordeaux et de la Guyenne le pardon des actes de rébellion accomplis lors du soulèvement de 1452. D’autres eurent pour objet la protection de leurs intérêts commerciaux, le bon ordre de la province ou l’extension des privilèges locaux[25]. En Normandie, le soin de la conservation du territoire reconquis fût confié à la haute capacité militaire du comte de Dunois, toujours assisté du chevalier Floquet et du sénéchal de la province, Pierre de Brezé. Par lettres du 5 mars 1454, Charles VII porta de 500 à 800 livres l’allocation annuelle affectée à la construction du nouveau château de Dieppe. Peu après, il convertit les divers impôts de la Normandie en une taxe fixe de 250.000 livres pour les gens d’armes. Deux diplômes royaux du mois d’avril confirmèrent les antiques immunités de l’abbaye de la Trinité, près de Rouen. D’autres lettres de 1454, 1455 et 1457, règlent le mesurage des grains à Rouen, homologuent les statuts des chirurgiens de la même ville et ceux des tailleurs de la ville de Caen[26]. Le 3 février 1454, Charles VII présida en grande pompe et au milieu de toute sa cour à la translation des reliques de saint Martin de Tours. Ces ossements furent placés dans une châsse magnifique, ouvrage d’un orfèvre tourangeau, nommé Jean Lambert, et dû en partie à la pieuse munificence du roi et de ses proches. Diverses lettres, données par ce prince de 1454 à 1457, concédèrent différents privilèges ou immunités judiciaires au chapitre de Tours, aux abbayes du Vaux de Sernay, de Clairvaux, de Saint-Ambroise, Saint-Laurent et Saint-Sulpice de Bourges ; de Saint-Arnould de Metz, de Sainte-Geneviève de Paris, et à l’hôpital du Saint-Sépulcre en cette dernière ville[27]. Parmi les nombreux actes législatifs émanés de la couronne, à cette époque, on en remarque plusieurs qui se rapportent aux intérêts généraux du commerce et de l’industrie. Telle est l’ordonnance du 21 mai 1455, qui accorde des privilèges aux maîtres des usines et forges du royaume ; celle du 16 juin suivant, par laquelle le roi exempte de l’imposition de 12 deniers pour livre les marchandises apportées aux foires ; celle du 15 octobre, même année, qui prohibe le transport des grains hors de France ; celle enfin du 18 décembre 1456, qui dispense du droit d’aubaine, pendant neuf ans, les familles d’émigrés que la guerre avait forcés de s’expatrier et qui rentraient dans leur pays, ou les étrangers qui, avant ce terme de neuf ans, viendraient se fixer dans le royaume. Le roi, par divers actes, tarifa de nouveau la valeur et le titre des monnaies d’or et d’argent ; il en régla le cours et la circulation. Il institua un atelier monétaire à Laon et tarifa de nouvelles règles aux ateliers déjà établis de Bordeaux, Tournay et autres[28]. Le gouvernement de Charles VII n’oublia pas, au temps de la prospérité, les services rendus au roi et à la cause nationale par des patriotes dévoués. Parmi les charges ou dépenses imputées sur les aides levés à Chartres pour l’exercice financier commençant au 1er octobre 1454 et finissant au dernier septembre 1455, on voit figurer l’article suivant : Aux deux Bouffineaux et à Jehau Lesueur, pour leur pension, à chascun 50 livres. Des bienfaits, ou privilèges, analogues à ceux qui ont été précédemment indiqués, se rapportent au Poitou, à la ville et au gouvernement de la Rochelle[29]. En 1454, une assemblée des trois états de la province réunis à Poitiers décida que l’on supplierait le roi de remplacer l’impôt des aides par un autre moins onéreux pour le peuple. En 1456, les trois ordres du Languedoc firent aussi parvenir au prince des réclamations, sous la forme de cahiers divisés par articles de remontrances. Les plaignants exposaient tout d’abord, entre autres causes de détresse, la cessation du commerce extérieur (qui avait suivi la condamnation de Jacques Cœur)[30]. Nous ignorons quel fut le sort des plaintes élevées par les contribuables poitevins. Mais nous savons que le gouvernement du roi prit en grande considération les griefs du Languedoc, et que ces réclamations furent en grande partie satisfaites. Tel est le sujet auquel est consacrée l’ordonnance royale rendue au Chastelier le 8 juin 1456[31]. Guillaume Cousinot, seigneur de Montreuil, avait rempli auprès du roi d’Ecosse une mission politique au nom du roi de France. Le but de ce voyage était ‘de préparer un concert d’action entre les deux souverains. Jacques II devait assiéger Berwick, ville d’Ecosse occupée parles Anglais, tandis que, de son côté, Charles VII tenterait de reprendre sur eux à main armée la ville de Calais. Guillaume de Many-Peny, Ecossais, seigneur de Concressaut et familier de Charles VII, faisait partie de la même ambassade. Surpris en mer par une tempête, au moment où ils venaient de quitter le rivage écossais pour revenir en France, le navire qui ramenait la légation fit naufrage sur la côte d’Angleterre. L’équipage perdit ses biens et fut fait prisonnier des Anglais. Le seigneur de Montreuil, notamment, demeura trois ans en captivité. Il obtint enfin sa liberté, moyennant une excessive rançon ; et, de retour en France, il se vit hors d’état de la payer à l’aide de ses ressources personnelles. Charles VII, par lettres données à Bois-sire-Amé le 4 juin 1455, imposa sur toutes les villes et greniers à sel de son domaine une crue, ou supplément d’impôt, pour acquitter la rançon de ce fidèle serviteur[32]. Nous ne pouvons enfin que mentionner collectivement plusieurs autres documents qui touchent pour la plupart aux intérêts commerciaux de divers points du territoire. Le plus, ancien des actes auxquels nous faisons allusion est du 2 mai 1454, et le plus récent du 5 juin 1457. Ils concernent les villes de Paris, Narbonne, les Vans en Languedoc, Reims, Ervy en Champagne, Rodez (et le Rouergue), Tournay, Dun-le-Roi, Montpellier, Toul, Limoges (et le Limousin), Langres, Toulouse et Lyon[33]. |
[1] Œuvres de Chastellain, édition Lettenhove, t. III, p. 50 et suiv.
[2] Nous devons nous borner ici à l’indication d’un épisode fort curieux pour la peinture des mœurs, et qui se rattache aux institutions judiciaires de l’époque féodale. C’est le duel au bâton, accompli le 20 mai 1455, en présence du duc, dans la ville d’asile et privilégiée de Valenciennes. Cette épreuve eut lieu par l’ordre formel de Philippe le Bon et contre l’avis de son fils, lieutenant en Hainaut. Les deux combattants, Mahiot Coquel et Jacotin Plouvier, étaient de condition roturière. Leur pugilat, toutefois, eut pour historiens Olivier de La Marche (p. 506 du Panthéon) ; Chastellain (Œuvres, t. III, p. 38 et suiv.) ; Escouchy (édit. Beaucourt, t. II, p. 297 à 507).
[3] 1454, juillet 24, lettre de Henri VI, roi d’Angleterre, à la duchesse de Bourgogne, pour l’engager à réparer les dommages faits aux sujets anglais et à entretenir la liberté du commerce entre les sujets respectifs, selon les traités. Lettres des rois et reines, etc., t. II, p. 482. Th. Wright, Political pœms and songs, etc., dans Rerum britannicarum scriptores, etc., t. II, 9861, in-8°, p. 48 et passim. Aliénor, les Honneurs de la cour. Etats de la maison des ducs de Bourgogne dans les Mémoires, etc., 1729, in-4°. Etc., etc.
[4] Raynaldi, Annales ecclesiastici, édit. Mansi, t. XXVIII de la collection, p. 618, 626.
[5] Ibid., p. 613. Escouchy-Beaucourt, p. 362 et suiv. Bosio, Istoria della religione di S. Giovanni, 1630, in-fol., t. II, p. 245.
[6] Verum rei gravitas exegisset ut potius in templo votum hujusmodi sacro sancto ritu conciperetur. Raynaldi, t. XXVIII, p. 619.
[7] Le banquet du Faisan eut lieu à Lille en l’hostel de mondit seigneur (Philippe), nommé l’hostel de la Sale, le dimanche 17 (et non 18, comme le dit Escouchy, t. II, p. 114). Lettre de J. de Molins, secrétaire du duc, à la ville de Dijon. Mélanges Champollion, in-4°, p. 457 et suiv.
[8] Olivier de La Marche, chroniqueur et poète, âgé de vingt-huit ans, jouait le rôle de l’Eglise comme lui-même l’atteste dans ses mémoires (Panthéon, p. 488 a), et composa vraisemblablement les vers que débita ce personnage. Parmi les autres entremets, que nous omettons pour cause de brièveté, le 7e fut ung personnage d’un homme qui, d’une perche, battoit ung buisson plain de petits oyseaux ; et près d’eux en ung vergier clos de trailles de rosiers, avoit ung chevalier et une dame assiz à table, qui mangeoient les oisillons ; dont l’un (le premier acteur) battoit le buisson ; et monstroit la d. dame au doigt qui (qu’il, le premier) se traveilloit et perdoit son temps. Escouchy, p. 135. Nous n’oserions affirmer que le duc eût voulu ou laissé représenter ainsi ouvertement Charles VII et Antoinette de Maignelais. Mais cette allégorie, tout à fait en situation : le duc battant le buisson pour le roi, nous paraît être conforme à l’esprit du temps. Nous ajoutons que le rosier, emblème particulier de Charles VII se voit sur la médaille de 1453 autour des armes du roi, et dans le manuscrit de Munich peint par Fouquet (jugement du duc d’Alençon). Voyez aussi Cabinet des estampes, Tapisseries de Gaignières P. c. 18. a, f° 1. K. K. 51, f° 63, 119, 925 et passim.
[9] Escouchy, t. II, p. 114. O. de La Marche. Du Clercq, p. 55 et suiv. Chroniqueurs belges, in-4° : Chronique métrique de l’abbaye de Floreffe, province de Namur, t. VIII, p. 170. D. Plancher, Hist. de Bourgogne, t. IV, p. 283 et suiv.
[10] Escouchy, t. II, p. 242 à 367. Raynaldi, t. XXIX, p. 2. Spicileg., t. III, p. 795. Du Clercq, ch. XVI, p. 88. Ol. de La Marche, ch. XXXI, p 304. Or a esté dit comment ce duc de Bourgogne a esté au mand de l’empereur, là où luy mesmes qui le mandoit ne comparut point, ains recula de luy et différa de s’y trouver par doute qu’il avoit qu’il ne le pressant trop près d’emprendre le voyage en Turquie, tous ses autres affaires lessiés, car le sentoit assez délibéré à ce et tout conclu comme en effet il eust fait, s’il eust trouvé led. empereur press et de celuy vouloir, mais nenny et partant il fit ung long périlleux voiage à povre fruit, mais plein de mérite toutevoies et de gloire touchant sa personne. Chastellain, Œuvres, t. III, p. 6.
[11] Escouchy, p. 256 et suiv. Raynaldi, t. XXVIII, loc. cit. ; t. XXIX, p. 61.
Appel des Grecs à Charles VII.
Le Rhodien Georgillas composa, vers 1455, un petit poème intitulé Threnos, pour déplorer les malheurs de la Grèce, en partie subjuguée par Mahomet II. Dans ce poème, l’auteur adresse de pompeux éloges à Charles VII, qu’il appelle le grand roi de l’Occident, et invoque son secours contre les Turcs. Il se fonde, pour justifier cet appel, sur les anciennes alliances des Valois et des Paléologues. Car, dit-il, la maison royale (de Constantin Dragasès) venait de France. Voyez, sur cette affinité, le P. Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, grande édition, t. I, p. 412 et 413. Le poème de Georgillas ne nous est uniquement connu que par une intéressante lecture de M. Egger, séance publique des cinq académies, 16 août 1864. Revue des cours publics, numéro du 20 août 1864, p. 540.
[12] Raynaldi, p. 84. Carolus rex meretriciis amoribus illaqueatus... Illum tamen pontifex excitare transmisse aureæ rosæ munere conatus est. Ibid., p. 119. La rose d’or était un présent solennel que le pape offrait ou décernait chaque année, le quatrième dimanche de carême, à quelque personnage insigne de la chrétienté. Pardessus, Tableau historique du commerce depuis les croisades jusqu’à la découverte de l’Amérique ; Lois maritimes, introduction du tome III. Spicileg., t. III, p. 796 à 800. J. Chartier, t. III, p. 57. Escouchy, t. II, p. 278, 213. Berry-Godefroy, p. 473. Ms. Baluze, n° 9676 D, f° 32. Armoires Baluze, t. XVII, p. 2. D. Plancher, t. IV, Preuves, p. ccxvj-vij.
[13] Escouchy, p. 272 et suiv. ; 311 et suiv. ; 362 et suiv. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 16. D. Plancher, t. IV, p. 285.
[14] Ordonnances, t. XIV, p. 265. Chastellain, t. III, p. 30 et suiv. Bosio, p. 258. Raynaldi, t. XXIX, p. 88 à 102. Escouchy, t. II, p. 524. Du Clercq, p. 99 et suiv. J. Chartier, t. III, p. 66 et suiv. Zantfliet, ap. Ampliss. coll., t. V, col. 491. Maan, Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis, 1667, in-fol., p. 176. Biographie Didot, article PIERRE D’AUBUSSON. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 345.
[15] Cette ordonnance est ainsi datée : Donné au Montils lès Tours, au mois d’avril l’an de grace mil cccc liij avant Pasques. A la suite, se trouve un appendice promulgué quelques jours plus tard et daté de mil cccc liiij. Pâques, en effet, tomba cette année le 21 avril ; l’acte fut donc rendu avant le 21 et l’appendice après le 21 de ce mois, en l’année 1454, nouveau style. Conformément à l’usage, cette ordonnance est libellée, intitulée et souscrite dans la forme d’édit perpétuel, avec l’indication du mois, mais non du jour.
[16] Ordonnance du 28 octobre 1446.
[17] Ordonnances, t. XIV, p. 284 et suiv. Recueil général des anciennes lois françaises, par Isambert, etc., t. IX, p. 202 et suiv. Article 3 : Les présidents et conseillers s’assembleront bien matin, c’est assavoir depuis Pasques à six heures, et depuis le lendemain (12 novembre) de la fête de saint Martin d’hiver (ouverture du parlement) jusques aud. jour de Pasques, la messe qu’on a accoutumé à célébrer au matin avant l’entrée au parlement sera dite et célébrée de Pâques à la Saint-Martin avant six heures ; et de la Saint-Martin à Pâques, incontinent après six heures. Art. 4 : ... Incontinent... ils (les conseillers) se mettront à besongner ès affaires et besongnes dud. parlement, sans ce qu’ils entendent à autre chose, et défendons qu’ils ne puissent saillir dehors icelluy parlement pour aller tournoyer ou vaguer aval la salle du palays avec quelque personne que ce soit. Art. 68 : Voulons et ordonnons que d’ores en avant l’on commence à plaider en nostre parlement à sept heures du matin, tout du long du parlement,jusques à dix heures (du matin) ; fors au karesme, qu’on commence à plaider à huit heures jusques à onze. Art. 69 : Et combien que par l’usage ancien de nostre ditte cour, l’on a accoutumé de plaider après dîner depuis la Pentecoste jusques en la fin du parlement deux foys la sepmaine, c’est asçavoir au mardy et vendredy, nous, voulons pourveoir à l’expédition des causes,... statuons et ordonnons que d’ores en avant, depuis Pasques jusques en la fin du parlement on plaidoyra deux fois après disner, la sepmaine ; c’est asçavoir ès dicts jours de mardy et vendredy ; et commenceront les plaidoiries à l’heure de quatre jusqu’à six.
[18] L’ordonnance de 1446 et celle de 1454 se réfèrent aussi à un précédent considérable. Nous voulons parler du Stylus curie parlamenti, ouvrage composé en 1330 par Guillaume Du Breuil. H. Bordier, Bibliothèque de l’École des chartes, t. III, p. 47 et suiv. L’édit de 1454 peut aussi être comparé à la fameuse ordonnance cabochienne de 1413. Mais ce monument législatif, le plus remarquable, sans aucun doute, du quinzième siècle, demeura stérile et à l’état de lettre morte. — Ordonnances de Charles VII sur la justice. Voyez préface de la collection du Louvre, t. XIV, p. xxj et suiv. Compétence du parlement, ci-dessus, t, III, p. 47. Arrêts du parlement contre J. de Malétroit, évêque de Nantes, qui déniait la juridiction royale, 22 février et 24 juin 1455. Ms. Brienne, f° 192 à 209. Histoire de Bretagne (D. Taillandier, 1756), t. II, p. 56. Actes de Bretagne (1744), t. II, col. 1607 et suiv. ; 1693 et suiv. Ms, fr. 5044, f° 35.
[19] Attributions du Parlement, des Comptes et des Aides, voyez Histoire de l’Église gallicane, t. XXI, p. 19. Ordonnances, t. XIV, p. 331 à 341, etc. On se borne à indiquer ici ces considérations générales. Nous avons tenté de les prouver et de les motiver avec les développements qu’elles comportent, dans un mémoire étendu qui a obtenu en 1862 le prix Bordin, décerné par l’Académie des sciences morales et politiques. Ce mémoire est intitulé : Essai sur les institutions de Charles VII. Nous avons l’intention de le compléter et de le publier ultérieurement.
[20] Mélanges Champollion, in-4°, t. III, p. 244 et suiv. Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, 1840, p. 443. Boutiot, Grands jours de Troyes, 1852, in-8°, p. 27. K. 69, n° 18. Grün, Notice sur les archives du parlement, 1863, in-4°, p. cc. Echiquier de Normandie : Ordonnances, t. XIV, p. 264. Fraternité des parlements de Toulouse et de Paris : Ibid., p. 332. Voyez encore ibid., p. 364. Toulouse et Paris étaient les sièges de deux universités des plus anciennes. Histoire de l’instruction publique, p. 193. Elles étaient le chef-lieu de deux centres généraux de l’Inquisition ou surveillance de la foi.
[21] Richebourg, Coutumier général, 1724, in-fol., t. II, p. 1169 et suiv. Bréquigny, préface des Ordonnances, t. XXIV, p. xxi et suiv. Isambert, notes, loc. cit. Kiimrath, Travaux sur l’histoire du droit français, 1845, in-8°, t. II, p. 135. Laferrière, Histoire du droit français (1846-1858, 6 vol. in-8°), t. V, p. 11 ; t. VI, p. 441, 2. Dansin, Histoire du gouvernement de Charles VII, ch. III, Institutions judiciaires, p. 120 et suiv. La rédaction de la coutume d’Anjou avait été prescrite par René d’Anjou en 1458 ; mais elle ne fut approuvée qu’en 1462, dans les grands jours d’Angers. Communications de N. Ad. Tardif, docteur en droit, professeur à l’Ecole des chartes. 22 mai 1455, ordonnance du duc Pierre de Bretagne pour réformer dans son duché la procédure judiciaire. D. Taillandier, t. II, p. 53. Actes de Bretagne, t. II, col. 1649 et suiv.
[22] Œuvres de T. Basin, t. I, p. xxvj et suiv. ; t. IV, p. 29 et suiv. X. X. 1483, aux 12 et 13 novembre 1454. Ordonnances d’application (avril à septembre 1454 et suiv.). Ordonnances, t. XIV, p. 277 à 331. Voir aussi p. 442. Félibien, Hist. de Paris, t. III, preuves, p. 272 et 273. 1456, avril 27, ordonnance sur le fait des procureurs du Chastelet de Paris, tant en bas que en hault. Y. Y., registre 6, f° 97. — A la date du 2 juillet 1454, on trouve dans les registres Conseil du parlement la mention suivante : La cour a ordonné que sur les héritiers et exécuteur du testament de feu Maistre Jehan Paillart, jadis conseiller en la cour de parlement et commis par icelle à recevoir les deniers ordonnez pour la façon du tableau de la grand chambre du parlement, sera faicte exécution, comme pour les deniers du roy, pour la somme de vijxxxij l. (152 livres) j sou iiij deniers parisis, restant de ce qu’il avoit receu. X. X., 1483, fol. 150. Ce tableau est sans doute le même qui décore aujourd’hui la première chambre de la cour impériale. Charles VII y est représenté en magistrat ou en majesté, debout, vêtu du manteau royal, le front ceint de la couronne et tenant en main le sceptre de la justice. De l’autre côté du triptyque se voit comme pendant : Charlemagne, tenant le globe du monde ; Charlemagne législateur et, d’après les idées reçues au quinzième siècle, fondateur de l’Université. Voyez le poème (de Robert Blondel ?) composé vers 1456, dans Quicherat, Procès, t. V, p. 34, du vers 310 au vers 520. Œuvres de Chastellain, t. II, p. 15. Bulletin de la Société des antiquaires de France, séances des 2 mars et 4 mai 1864.
[23] Par lettres données en novembre 1455, Charles VII autorisa la fortification de Sedan et de Mouzon en Champagne. Ms. Dupuy, n° 370, f° 40. Pregnot, Histoire de Sedan, 1856, in-8°, t. I, p. 461. Recueil ms. de Conrart à la bibl. de l’Arsenal, t. VII, Munster, p. 523. Voyez Cabinet historique, 1859, p. 228. K. 69, dossier 20.
[24] Ms. fr. 5909, f° 208, 244. Ms. lat. 6624, f° 110 v°. 1454, févr. 4, le roi nomme le comte de Clermont (Jean de Bourbon, son gendre), capitaine de la ville et château de Blaye. Ms. Gaignières 771, f° 119. Saintrailles, au cabinet des titres et dans la Biographie Didot. Même cabinet : La Cropte et Nobiliaire de Saint-Alais, 1817, in-8°, t. XI, p. 41, généalogie de La Cropte. Archives historiques de la Gironde, 1859, in-4°, t. I, p. 50 et suiv. D. Vaissète, t. V, p. 17. Berry-Godefroy, p. 473.
[25] J. Chartier, t. III, p. 73. K. K. 52, f° 89, 90. Ms. Gaignières n° 649, 2, f° 1 ; Cabinet historique, 1859, p. 183. Ordonnances, t. XIV, p. 270, 280, 378, 427, 440. 1455, mai 9, mandement pour faire fabriquer à Bordeaux des monnaies d’or et d’argent au coin du roi ou du royaume. Ibid., p. 355.
[26] Ms. fr. 5909, f° iielvi. K. 69, n° 11. P. P. 190, f° 289. Vitet, Hist. de Dieppe, 1844, in-16, p. 37. Ordonnances, t. XIV, p. 289, 316, 360, 421. Les armes du roi de France sont rétablies au-dessus du pont-levis au château de Falaise : Léchaudé d’Anisy, Chartes, etc., t. I, p. 353, n° 265 ; t. II, p. 395, n° 178.
[27] D. Rousseau, t. IX, n- 3948. Baluze, Historia Tutelensis, 1717, in-4°, p. 753-762. Gallia christiana, t. XIV, p. 95 et suiv. Agnès Sorel contribua pour 300 écus d’or, qu’elle légua par testament, à la construction de la nouvelle châsse. Grandmaison, Procès-verbal du pillage... de Saint-Martin de Tours, Tours, 1863, in-8°, p. xxvj. Recherches historiques sur Agnès, p. 322. Ordonnances, t. XIV, p. 528 à 377 ; t. XVI, p. 554, 556.
[28] Ms. Moreau 253, f° 59. Ms. Dupuy 570, fis 158 à 163. Ms. Gaignières 649,3. Cabinet historique, 1860, p. 32, n° 55. Martin, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre (Aisne), 1864, in-8°, t. I, p. 559. N. de Wailly, Variations de la livre tournois, p. 76. Ordonnances, t, XIV, p. 325 à 420 ; t. XV, p. 264 : 1455, janvier 30, lettres sur la manière dont les nobles doivent être habillés pour venir servir le roi en armes et les gages qu’ils recevront ; ibid., t. XIV, p. 350 : 1456, janvier 30, sur le payement préalable des gages d’officier et charges foncières (fiefs et aumônes) du domaine ; ibid., p. 370 : 1456, octobre, lettres sur la distribution des deniers provenant de l’émolument du sceau pour actes de rémission. Ibid., p. 419.
[29] P. Clément, Charles VII et Jacques Cœur, t. II, p. 419. Ms. Brienne 317, f° 202. Ms. Gaignières 649,6, pièce 1 ; Cabinet historique, 1862, p. 217, n° 6918. J. B. E. Jourdan, Éphémérides de la Rochelle, p. 397. Ordonnances, t. XIV, p. 266, 352.
[30] Le nom de l’argentier et cette cause ne sont pas expressément énoncés dans la plainte. Il suffira, pour expliquer cette omission, de dire qu’Otto Castellani et Jean Dauvet avaient remplacé Jacques Cœur, le premier comme argentier du roi, et tous deux comme commissaires par devers ces mêmes états du Languedoc.
[31] Mélanges Champollion, t. III, p. 244. Ordonnances, t. XIV, p. 387. Isambert, Anciennes lois françaises, t. IX, p. 278. Dareste de la Chavanne, Histoire de l’administration, t. I, p. 98. D. Vaissète, t. V, Preuves, col. 6 et s.
[32] Les lettres, distinctes de celles-ci, allouèrent un secours du même genre à G. de Many-Peny. Biographie Didot : Cousinot, Many-Peny. Chronique de Cousinot, p. 27, 76. J. Chartier, t. III, p. 137. K. K. 69, n° 18. Stevenson, Wars of Henri VI, t. I, p. 322.
[33] Ms. Gaignières 836,15. Cabinet des titres, dossier Salignac, au 27 octobre 1456 (aides en Limousin). Lettre du roi aux habitants de Reims, le 15 octobre 1455 ; Archives de Reims, communication de M. Louis Paris. J. 914, au 10 septembre 1456. Inventaire des sceaux des archives générales, gr. in-4°, p. 276, n° 74. Germain, Commerce de Montpellier, t. II, p. 380. Montfalcon, Histoire monumentale de Lyon, Lyon, 1860, in-4°, p. 282. Ordonnances, t. XIV, p. 318 à 434 ; t. XVI, p. 16. Acte du 7 juin 1457, relatif à la régale de l’évêché d’Arras. Ms. Gaignières, 771 non paginé, 7e pièce.