HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME TROISIÈME

LIVRE VIII. — DEPUIS L’EXPULSION DES ANGLAIS JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VII (1453-1461).

CHAPITRE I. — Reprise des événements depuis la mort d’Agnès Sorel (1450 et années suivantes). Antoinette de Maignelais. Jacques Cœur.

 

 

La carrière historique de Charles VII se partage en trois périodes aisément distinctes. La première s’étend depuis l’entrée de ce prince sur la scène de l’histoire jusqu’au traité d’Arras (1435). Cette période de minorité pour le roi est marquée d’une tache qui reste fixée à son nom : le supplice et l’abandon de la Pucelle. Toutefois, quelle que soit la part de responsabilité qui retombe nécessairement, dans ce déplorable abandon, sur Charles VII lui-même, on a vu le roi de France reconnaître peu à peu ce tort immense et s’étudier, quoique tardivement, à le réparer. La seconde époque, la plus belle sans contredit et la plus brillante, va de 1436 à 1450. La troisième, qui se termine avec la vie de ce personnage, est celle que nous avons maintenant à retracer. Une grande faute, une seconde tache ineffaçable, souille cette dernière phase (comme il en est de la première) aux yeux de la postérité : c’est la condamnation de Jacques Cœur.

Donc, après la mort d’Agnès Sorel, un nouveau changement s’opère dans le caractère moral de Charles VII.

En 1445, la Dauphine avait parmi ses filles d’honneur Marguerite de Villequier. Par des motifs qui ne nous sont pas explicitement connus, Agnès Sorel, de concert avec la reine et la Dauphine, improuvait, à ce qu’il semble, l’influence que cette demoiselle exerçait auprès de la princesse. Agnès, dit-on, voulait écarter Marguerite et mettre à sa place Prégente de Melun. L’année suivante ou deux ans plus tard, Marguerite, après la mort de la Dauphine, était passée au service de la reine et jouissait de quelque faveur auprès du roi. Le 4 mai 1447, André de Villequier, écuyer, reçut en don du roi la somme de 156 livres 15 sous tournois, sur les aides de Languedoc pour faire faire des robes à ses deux sœurs Marguerite et Antoinette de Villequier[1].

A elle seule, Marguerite, soit en participation de cette libéralité, soit en vertu d’une autre allocation, donna quittance, le 6 décembre suivant, de 137 livres 2 sous tournois pour don fait à elle par le roi sur le même aide voté, à Montpellier, en avril 1446. Marguerite, disons-nous, exerçait alors à la cour un certain crédit. Car, au mois d’octobre 1448, René d’Anjou, courtisan émérite et solliciteur perpétuel, se trouvait à Tours auprès du roi de France : avant de prendre congé de ce prince, il offrit, à son tour, à Marguerite de Villequier un présent analogue. Peu de temps après, Marguerite épousa Antoine d’Aubusson, seigneur de Monteil, chambellan, conseiller du roi et son bailli de Touraine. Antoinette ou Toinine, sa sœur, comme on l’appelait, fut mariée à Jean de Lévis, seigneur de Vauvert et comte de Villars, autre familier du roi. Depuis lors, ces deux dames prirent une part croissante à l’intimité de Charles VII. Toutes deux figurent constamment, ainsi que leurs maris, dans les comptes qui nous sont restés des dépenses royales[2].

Une autre dame, vers le même temps et toujours du vivant d’Agnès, ne tarda pas à exercer sur l’esprit du roi un ascendant plus notable encore. Antoinette de Maignelais, c’est d’elle que nous voulons parler, était née vers 1420, de Jean Il de Maignelais, dit Tristan, capitaine de Creil et de Gournay-sur-Aronde, et de Marie de Jouy. Catherine de Maigrelais, sœur de ce capitaine, fut mère d’Agnès Sorel. La position de cette dernière offrit à sa cousine Antoinette l’occasion toute naturelle de paraître sois les yeux du roi. Plus jeune que sa parente et non moins belle, Antoinette en profita, tout porte à le croire, pour se faire aimer de Charles VII et pour supplanter son introductrice[3].

Raoul de Maignelais, père de Jean, avait eu de grands procès contre Louis II, duc de Bourbon, qui s’était fait adjuger la terre de Maignelais, en 1398. Au mois d’août 1449, alors qu’Agnès Sorel jouissait de sa pleine faveur, Charles VII retira la seigneurie de Maignelais des mains de Charles, duc de Bourbon, et la rendit, non pas à Jean de Maignelais, titulaire nominal de cette terre, mais à Antoinette[4].

André de Villequier, mentionné ci-dessus, appartenait à une famille normande et d’ancienne chevalerie. Jeune encore, il servait le roi depuis son enfance et avait contribué militairement au recouvrement de la Normandie. En 1433, André s’était entremis à l’enlèvement de La Trimouille, et l’avait blessé dans la lutte. Au mois de juin 1449, il siégeait aux Roches-Tranchelion parmi les membres du grand conseil[5]. Lorsque Saint-Sauveur-le-Vicomte rentra sous la domination française, le roi vint y prendre son gîte, et par lettres datées du 7 juillet 1450, il fit don de cette même seigneurie (Saint-Sauveur) à l’écuyer normand, pour le récompenser de ses services militaires. André de Villequier entra subitement auprès du roi, dès cette époque, dans une faveur extraordinaire et dans une intimité qui surprirent ses contemporains[6].

Le 29 juillet 1450, André de Villequier fut nommé capitaine et gouverneur royal des port et pays de la Rochelle, poste militaire et politique de premier ordre ; dans lequel il remplaça immédiatement Prégent de Coëtivy, amiral de France. Par lettres du mois d’août suivant, Charles VII unit à la vicomté de Saint-Sauveur la baronnie de Néahou et divers biens, au profit du même donataire[7].

Nicot Chamber, capitaine de la garde écossaise et confident de Charles VII, avait acquis pour le roi comme prête-nom, eh, 1448, les vicomté, manoir et terre de la Guerche en Touraine, qui devait servir à ce prince de maison de plaisance. Le 19 octobre 1450, cet Ecossais, par ordre du roi, vendit la Guerche à Villequier pour un prix moindre que celui de L’acquisition. Trois jours après, le 22, André de Villequier reçut en don les îles et dépendances d’Oléron, Marennes, la tour de Brou, etc., sises en Saintonge et dans le pays d’Aunis, qui avaient été confisquées sur le sire de Pons. André recueillit ainsi les dépouilles de Jacques de Pans, son ennemi, qui ne lui avait point pardonné la blessure portée, en 1433, par André, à La Trimouille, oncle de Jacques. Villequier, dès cette époque, eut deux mille livres de pension, le titre de premier chambellan, la moitié des aides du roi aux îles d’Oléron, Marennes, etc. ; fut capitaine de Château-Gaillard en Normandie, de Rochefort-sur-Charente en Saintonge, membre du grand conseil, etc.[8]

Tous ces dons et faveurs lui furent accordés, suivant, les termes d’un acte authentique, considérant que André de Villequier, ce sont les termes du diplôme royal, à notre requête et pour nous complaire, a pris par mariage nostre très chère et bien amée Antoinette de Maignelais, damoiselle. Le mariage d’Antoinette et d’André eut lieu, en effet, sous les yeux du roi, vers la fin du mois d’octobre 1450. Antoinette, alors, était déjà la maîtresse avérée du souverain. De son côté, elle fut, à partir de cette époque et depuis, comblée de biens et de faveurs incessantes, ainsi que son mari. Entré autres dépouilles d’Agnès Sorel ; le roi, peu après le mariage d’Antoinette, par lettres du 12 novembre suivant, lui donna les place, château, ville et seigneurie d’Issoudun. Agnès, dont la mémoire est demeurée en butte aux sévérités de certains historiens, conserva du moins le célibat et ne viola pas, de sa part, le serment conjugal. Antoinette de Maignelais (dont G. Chastelain et tant d’autres parlent sans aucune indignation), se maria pour devenir la favorite en titré du roi. Charles VII érigea, pour ainsi dire ; le scandale public de cette liaison sur un double adultère. Antoinette avilit encore le rôle qu’elle accepta, en descendant à l’emploi de proxénète ; et plus tard elle se réserva seulement, comme les Pompadour et les du Barry, la surintendance des débauches royales. L’emploi qu’elle fit, de sa faveur se consuma en de basses et viles intrigues, au grand préjudice des affaires publiques et de Charles VII, qui ajouta, par sa vieillesse licencieuse, au déshonneur de ses jeunes années[9].

Dans la période précédente, on a vu Charles VII se, distinguer, par sa bravoure individuelle ; aux sièges de Montereau, de Pontoise et d’Harfleur. Aux entrées solennelles qu’il fit dans les villes de Paris et de Rouen ; il s’était mis en contact immédiat avec les populations. Cet abandon généreux de sa personne, cet amour de la gloire semblent indiquer en lui, durant cette période, la présence d’un génie familier, qui lui communiquait un tel enthousiasme. Après la mort d’Agnès Sorel, cette inspiration ne se fait plus sentir. La double expédition du Midi ne lui fournit pas une seule occasion de se montrer avec cet éclat, avec ce prestige du passé. Le roi, aussitôt que la campagne de Normandie fut terminée, déposa les armes : il ne les reprit qu’avec une répugnance visible ; répugnance qui avait caractérisé sa jeunesse. Dès lors, il se retira de la scène publique, passant, de manoir en manoir, une vie voluptueuse et cachée. Nous le trouvons à 1laillé, chez le grand maître d’hôtel de la reine ; à Montbason et à la Rochefoucauld, chez Aymard de La Rochefoucauld ; à Montrichard, chez le comte de Tancarville ; à Chissé, chez le trésorier Pierre Bérard ; aux Boches Saint-Quentin, chez Jean Dupuy, mari d’Éléonore de Paul, tous familiers ou confidents du roi ; à 1a Guerche, chez Antoinette de Maignelais-Villequier ; à Taillebourg enfin, etc., auprès de ses enfants naturels[10].

Il suivit la même conduite en 1453, recherchant pour demeure des lieux obscurs et presque inaccessibles. Là, il vivait au sein de la mollesse et du sybaritisme, au milieu d’un groupe trié de princes, de favoris, de complaisants et de courtisanes. Quelques actes de dévotion et les soins indispensables de la politique interrompaient seuls les plaisirs secrets de cette existence orientale[11].

Après une longue adversité, Charles VII avait conquis les faveurs de la fortune : il sut désormais la retenir et la fixer. Ses entreprises politiques, conduites en général avec la même intelligence et la même sagesse, furent, jusqu’aux derniers chagrins de sa vie, couronnées du même succès. Les talents variés, les aptitudes remarquables des Dunois, des Saintrailles, des frères Bureau, des Cousinot de Montreuil, des Le Boursier d’Esternay, etc., etc., continuèrent à lui valoir le titre, si mérité, de Charles le Bien Servi. Mais le caractère moral du roi, à partir, de cette troisième époque, présente de nouveau les signes visibles de l’affaissement et de la décadence. De 1443 à 1450, P. de Brezé avait été l’âme du conseil royal et le bras actif du gouvernement. Après la mort d’Agnès, il demeura en Normandie, ainsi que le connétable de Richemont. Tous deux, absorbés par une œuvre de dévouement sans gloire ou du moins sans éclat, furent dorénavant relégués au second rang. P. de Brezé ne suivit pas le roi et n’eut point de commandement en Guyenne. Au conseil, il fut remplacé par de nouvelles créatures. André de Villequier, Louis de Bohême ou Bohaing dit de la Rochette, parent des Maignelais et marié à Jeanne de Villequier ; Antoine d’Aubusson, Jean de Lévis ; G. Confier, J. de Bueil, Antoine de Chabannes, etc., courtisans assidus, mais, généralement, médiocres et serviles, se partagèrent le crédit et l’autorité[12].

Telles furent les influences qui entouraient Charles VII lorsqu’eut lieu la catastrophe de Jacques Cœur :

Jacques Cœur (Cuer, dans la langue du quinzième siècle) était né à Bourbes, vers 1595, d’un riche pelletier de Saint-Pourçain, nommé Pierre Cœur. La fortune de ce dernier fut réputée la plus grande de son temps parmi les marchands de pelleterie ses confrères ; et dut faciliter les commencements de Jacques. Vis-à-vis de la maison de Pierre Cœur demeurait, à Bourges, un valet de chambre du duc Jean, devenu prévôt de la ville. Ce voisin, appelé Lambert Léodepart ou de Lodderpap, avait pour femme Jeanne Roussard, fille du maître de la monnaie de Bourges. Vers 1418, Jacques Cœur, à son tour, épousa Macée, fille de ce Lambert[13].

A la même époque, c’est-à-dire en 1420 ou environ, Ravant Ledanois[14], marchand, se fixa en Berri. Attaché à la cause nationale et voyant les Anglais envahir le royaume, Ravant quitta la Normandie, où il était richement établi, et vint, lui et les siens, offrir ses services au roi de Bourges. Là, il s’entremit du fait des monnoies, fut le patron de Jacques Cœur et devint, selon toute apparence ; le parrain de Ravant Cœur, l’un des enfants de Jacques. Dans ce temps, les marchands de Bourges, dont le commerce s’étendait jusqu’aux ports de la Méditerranée ainsi qu’à l’extérieur, rendirent au prétendant obéré de signalés services. C’étaient eux qui pourvoyaient à l’approvisionnement et à l’entretien de la maison de Charles VII et de Marie d’Anjou. Une grande partie au, moins de ces fournitures étaient gratuites. Les marchands obtenaient à te prix les sûretés, patentes et privilèges qui leur étaient nécessaires pour exercer leur négoce[15].

En 1427, Ravant Ledanois s’associa Jacques Cœur et Pierre Godart, de Bourges, pour l’exploitation de la monnaie royale. La situation de ces fonctionnaires était alors particulièrement difficile et périlleuse. La détresse du gouvernement le déterminait à exiger de ses fermiers des monnaies non seulement une production précipitée, nais des avances continuelles. En 1425 ou 1426, des commissaires royaux visitèrent Ies hôtels des monnaies et imposèrent aux gardes et maîtres des emprunts forcés. Plusieurs de ces agents se virent complètement ruinés par ces exactions administratives. L’affaiblissement des espèces était un expédient dont la royauté elle-même donnait le triste exemple depuis Philippe le Bel, et qu’elle prescrivait par des ordonnances secrètes. Ravant Ledanois et ses compagnons, afin de se récupérer de leurs pertes, fabriquèrent des monnaies courtes de poids. Jacques Cœur, pour sa part, y fit, dit-on, un lucre de 120 à 140 écus[16].

D’un autre côté, cette altération des monnaies était, de la part des contribuables, l’objet des réclamations les plus légitimes. Sur les plaintes, déjà réitérées, que firent entendre de nouveau les états généraux de 1428, des commissaires furent nommés pour la réformation des monnaies. L’infraction que les monnayeurs de Bourges avaient commise, relativement aux ordonnances publiques, attira l’attention de ces commissaires, et Ravant Ledanois, ainsi que ses associés, en fuirent déclarés coupables. Cependant il est difficile d’imputer- cette irrégularité, ou ce manquement regrettable, ait mobile abject et vulgaire de la simple cupidité. Car, au moment même ou les prévenus subissaient cet échec, Ravant, le principal accusé, poursuivait sa carrière de dévoilement patriotique et servait, lui marchand, à la campagne du sacre, avec dix ou douze combattants équipés à ses frais. Quant à Jacques Cœur, personnage secondaire dans cette action, son caractère moral se dessinera bientôt de manière à éclairer le lecteur sur le jugement que doit susciter ce présent épisode. Quoi qu’il en soit, l’affaire se termina par des lettres de rémission, qui furent accordées aux délinquants, le 6 décembre, 1429, moyennant une amende ou réparation de mille livres[17].

Jacques Cœur forma une seconde association avec. Pierre Godart et Barthélemy ou Barthomier Godart, frère de Pierre. Ils entreprirent à profit commun les fournitures de la cour, fournitures dont nous avons parlé ci-dessus. La nouvelle société dura jusqu’en 1439, époque où elle fut dissoute, plus liquidée, par suite du décès, advenu à cette époque, des deux frères Godart. Mais dans cet intervalle, de 1430 à 1439 ; Jacques Cœur abonda seul ou du moins spontanément un ordre tout nouveau d’opérations commerciales et dont les résultats devaient atteindre à une bien autre importance[18].

Pendant le cours entier du moyen âge, le commerce de la France avec le Levant s’était effectué par quatre ports principaux de la Méditerranée, savoir : Narbonne, Montpellier ou Lates, Aigues-Mortes et Marseille. En 1430, ces places commerciales se trouvaient en pleine décadence et presque ruinées. Saint Louis, .pour communiquer avec l’Orient, et dans des vues plus religieuses encore que politiques, avait créé à Aigues-Mortes un port en quelque sorte artificiel, et abstraction faite des convenances générales, naturelles ou géographiques[19]. Il l’avait doté d’un monopole exorbitant, celui du transit de tous les navires de commerce qui passaient en vue d’Aigues-Mortes. Des causes naturelles : alluvions, ensablement, etc., jointés à la guerre civile et à l’invasion des Anglais, avaient amené l’anéantissement presque total des trois premiers de ces ports. Quant à Marseille, en partageant la ruine et les désastres de la maison d’Anjou, elle s’était vue entraînée vers une situation analogue[20].

Aux quatorzième et quinzième siècles, ces circonstances eurent pour résultat final de livrer le commerce du Levant à Venise et aux Italiens. On n’ignore pas le rôle que les Lombards ont joué chez nous durant cette période, ni la trace désastreuse qu’ils ont laissée dans nos annales. Pour ne citer que ce récent exemple, au plus fort de la querelle entre Armagnacs et Bourguignons, un Dino Rapondi, marchand de Lucques, figurait parmi les auxiliaires de Jean sans Peur. Fournisseur et créancier du roi et des princes, ses hôtels, ses richesses, à Montpellier ainsi qu’à Paris (et à Bruges), éclipsaient la fortune de tous les marchands du royaume. Dino Rapondi pesa d’un poids considérable sur les discordes civiles de la France ; il contribua de son puissant appui au meurtre de la rue Barbette ; or, ce crime devait être le principe de tous les malheurs qui, par suite, ensanglantèrent cette époque[21].

C’était donc une conception de génie que d’affranchir commercialement la France, alors tributaire des étrangers, et de rendre à son activité cette source immense de richesse et de prospérité. Voilà ce que fit Jacques Cœur, à l’époque Maie où la Pucelle prêtait à la monarchie, le secours merveilleux de son inspiration et de son dévouement, pour disputer militairement son trône aux Anglais. En 1433 (n. s.), Jacques Cœur se trouvait à Damas, prêt à s’embarquer à Beyrouth sur la galère de Narbonne, et à remporter en France les marchandises orientales qui composaient sa cargaison. Tel fut sans doute le début de cette série d’entreprises commerciales auxquelles le hardi marchand devait bientôt donner un développement si considérable[22].

Les premiers pas de Jacques Cœur, au retour de ce voyage d’essai ou d’exploration, les actes par lesquels-il organisa réellement sa grande fortune, sont demeurés précisément les points les plus obscurs de sa carrière. Jacques Cœur semble avoir repris ou continué à Bourges la direction de la monnaie royale, sous la gérance nominale de Ravant Ledanois, jusqu’à ce que Jacques fut préposé comme chef à l’atelier de Paris, lorsque cette ville rentra sous l’autorité du roi de France[23].

En 4436, Jacques Cœur était placé sous les ordres des membres de la chambre des comptes séant à Bourges. Il fut alors envoyé par Jean Beloysel, maître des comptes et maître de la chambre aux deniers du roi et de la reine, à Montpellier et à Pézenas, pour toucher une délégation de mille moutons d’or, faite au nom de la reine sur ses comptables de Languedoc. Le 46 octobre 1438, une ordonnance du surintendant, Guillaume de Champeaux, prescrit de payer à Jacques Cœur, commis au fait de l’argenterie, la somme de 1.400 livres, pour partie de celle de 4.000 livres à lui ordonnée par le roi pour employer au fait de ladite argenterie. Ainsi Jacques Cœur, à cette dernière date, n’était encore que commis à cette fonction, dont il ne tarda pas à devenir le titulaire[24].

La charge d’argentier, créée vers la fin du treizième siècle, correspondait à celle que nous avons connue, dans les temps modernes, sous le titre d’intendant général de la liste civile. L’argentier recevait cri compte du Trésor une somme affectée aux dépenses et fournitures journalières du roi, de sa famille et de sa cour. Il devait, en outre, tenir provision et magasin d’étoffes, meubles, bijoux, denrées de toute espèce, marchandises ou matières premières en nature ou manufacturées, qui pouvaient être nécessaires à cette consommation quotidienne. On a vu que Jacques Cœur, dès le principe, remplit les fonctions de cette charge avec ses coassociés de Bourges. Il fut ensuite commis à cet emploi, lequel emploi (probablement) ne fut point officiellement rempli durant la première partie du règne. Il en obtint enfin le titre, lorsque lui-même eut contribué, par ses richesses et ses services, à la restauration financière du, roi et du royaume[25].

Charles VII, par lettres du 5 mai 1437, voulut récompenser les bourgeois de Bourges, qui l’avaient assisté de toutes manières en des temps difficiles. Ces lettres, données à Pézenas, près Montpellier, accordaient à ces habitants les mêmes privilèges que les rois avaient concédés à plusieurs reprises aux Parisiens, et qui mettaient ces derniers sur le pied des nobles. Ces lettres de 1457 autorisaient les impétrants à pouvoir acquérir et tenir des fiefs nobles, sans payer la taxe dite des nouveaux acquêts. Il est raisonnable de penser que les services particuliers de Jacques Cœur, si ce n’est son influence personnelle, ne furent point étrangers à la promulgation de cet édit, qui, dans tous les cas, lui était individuellement applicable. Cependant, le riche argentier du roi, né roturier, n’eût point été sans doute admis à recueillir le bénéfice de ce privilège dans une autre province que le Berri. La charge de cour qu’il remplissait, les rapports de personnes qu’il y entretenait, son accès auprès dit roi, et enfin sa haute position, rendaient convenable ou nécessaire qu’il reçût authentiquement le titre de noble. Des lettres, données à Laon, par Charles VII, en avril 1441, lui octroyèrent, en considération de ses mérites et services par lui rendus tant en sa charge d’argentier que autrement, les privilèges de la noblesse pour lui, sa femme et leur postérité[26].

Nous touchons ici à la période la plus brillante de notre héros. Jacques Cœur, personnage officiel et politique, fut désormais employé par le roi, ou s’employa lui-même pour le bien de l’Etat, dans les plus hautes affaires et les plus variées. Le 13 octobre 1442, Charles VII institua Jacques Cœur son commissaire auprès des trois états de Languedoc, convoqués à l’effet d’aider le roi dans sa campagne de Tartas. Depuis lors et jusqu’à sa disgrâce, il remplit d’année en année le même office au sein de cette assemblée périodique. L’année suivante, de concert avec l’archevêque de Vienne, autre commissaire royal, il ‘prépara l’ordonnance rendue au mois de juillet 1443, en faveur de la draperie, principale industrie de Bourges. Dès 1444, au plus tard, il eut la haute inspection des greniers à sel du Languedoc[27] et la haute main sur toute l’administration financière de cette province. La même année, il obtint à ferme du roi, moyennant deux cents livres par an, le bail de diverses mines d’argent, de cuivre et de plomb, sises en Lyonnais et en Beaujolais[28].

Au mois de juin 1444, Jacques Cœur, assisté de Pierre du Moulin, archevêque de Toulouse, et de Jean d’Etampes, natif de Bourges, l’un de ses compatriotes et protégés, installait à Toulouse le nouveau parlement du Languedoc. Une lettre du magistrat de Barcelone est adressée à Jacques Cœur, trésorier du roi de France, le 15 septembre 1444, et lui demande que la nation française, à Palerme, élise un Catalan pour consul de France en Sicile. En 1445, une galère portant le pavillon royal avait été capturée par les Génois dans la rade d’Aigues-Mortes. Le roi demanda et obtint réparation. Ce fut Jacques Cœur qui négocia cette affaire et qui fit enregistrer au parlement de Toulouse le traité de capitulation intervenu entre les parties[29].

Arbitre commis par le roi, en 1445, entre Mathieu de Foix, comte de Comminges, et les états de ce pays, Jacques Cœur était l’homme de confiance accrédité par tout le Midi, auprès du roi, pour solliciter les affaires locales. II était l’homme de confiance, non moins accrédité de la part du roi, auprès des populations ; car il excellait à obtenir des contribuables les impositions répétées que le fisc exigeait d’eux. En 1446, nous le trouvons membre du grand conseil : son nom reparaît dans les registres de la chancellerie, à la suite d’une multitude d’actes ou de délibérations concernant surtout le commerce, les monnaies, l’industrie et les finances. On n’ignore pas le rôle historique et si distingué qu’il remplit de 1446 à 1450, tant à Gênes et à Rome que dans la campagne de Normandie[30].

Jacques Cœur, durant cet intervalle, n’avait cessé de développer ses entreprises de négoce. Il atteignit avec un plein succès le but grandiose que nous avons précédemment exposé. De nombreux navires et trois cents facteurs, établis dans tous les ports du monde commercial, ou montés sur ses galères, portaient ses marchandises et les produits de la France en Angleterre, en Flandre, en Espagne, en Afrique et en Asie. Jacques Cœur fit flotter le pavillon de Charles VII sur les mers les plus lointaines que pût explorer la marine du quinzième siècle, et fonda les relations diplomatiques de la France en Orient. Il avait des comptoirs et possédait plusieurs maisons : Bourges, à Chinon, à Paris, Lyon, Marseille, etc. Mais il choisit Montpellier pour le principal siége de ses opérations, et le Languedoc fut redevable à l’entreprenant armateur de voir refleurir son commerce et renaître l’antique splendeur de sa marine[31].

Jean de Village, l’un de ses auxiliaires les plus distingués, avait épousé sa nièce, Perrette Cœur. En 1447, Jean de Village se rendit au Caire à bord des galères de son maître et fut reçu comme ambassadeur de Jacques Cœur. Il remit au sultan les lettres de créance signées de Charles VII et le présent diplomatique du roi de France. Jacques Cœur, par la droiture et la fermeté de sa conduite commerciale, avait relevé le négoce européen ; il releva aussi l’attitude morale des Francs, qui vivaient en Orient accablés d’avanies. Abou-Saïd-Djacmac-el-Daher, sultan d’Égypte, accueillit le présent et l’ambassadeur. Jean de Village revint en France, apportant au roi, suivant l’usage, le présent et le firman du kalife, Le firman couvrait de sa protection dans tout le kalifat les marchands français, et les admettait au rang des nations les plus favorisées. Le présent comprenait du baume fin de la sainte vigne, un léopard, un service de table en porcelaine de Chine richement décoré, du gingembre, des amandes, du poivre vert, du sucre, des confitures orientales, etc.[32]

En 1447, Jacques Cœur était capitaine, pour le roi, de la ville et place de Saint-Pourçain (où avait habité son père). Il se montra homme de guerre aussi résolu qu’habile diplomate clans le ravitaillement de Final. Notre financier, il est vrai, s’employait à tous les services et recevait de toutes mains. Il thésaurisait. Tout lui trait occasion de lucre, et il n’en négligeait aucune. De même que Pierre de Brézé, son collègue et ami, s’enivrait des attributs de l’autorité, de même Jacques Cœur avait l’ambition de l’or, cet emblème réel de la puissance. Mais il n’accumulait ce signe d’échange que pour en tirer de nobles et féconds résultats. Il avait en tout le génie des grandes choses et savait ouvrir avec prodigalité ces mains qui semblaient fermées par l’épargne. Jacques de Lalain, revenant de la cour d’Aragon, rencontra, en 1448, près de Montpellier, l’argentier du roi. Celui-ci fit honneur au paladin avec la courtoisie d’un prince et avec une libéralité plus que princière. L’ambassade du roi de France à Rome, en passant par Lyon vers le même temps, éprouva aussi son opulente hospitalité. On peut voir enfin, dans les chroniques du temps, la magnificence avec laquelle il représenta la France ou le royaume, lorsque après avoir mis fin au schisme pontifical, il fut reçu par Nicolas V dans la capitale de la chrétienté[33].

Jacques Cœur fut de ceux qui, par leurs exhortations, déterminèrent Charles VII à entreprendre l’heureuse campagne de Normandie. Avant cette expédition, le roi et son argentier se trouvaient une fois en ung lieu secret, où n’avoit que le roy et lui, oü ils besoignoient de choses plaisantes au roy ; ou quel lieu ledit Jacques dit au rov : Sire, sous ombre de vous, je connois que j’ay de grans proufis et honneurs, et mesme en pays des infidèles, car, pour votre honneur, le souldan a donné sauf-conduit à mes gallées et facteurs... Sire, ce que j’ai est vôtre. Et à cette heure le roi lui fit requête de lui prêter argent pour entrer en Normandie ; à laquelle requeste accorda prêter au roi deux cent mille écus, ce qu’il fit[34].

Les autres historiens constatent la part active et considérable qu’il apporta de sa personne, de son aide pécuniaire et de ses conseils, à l’expédition. Ils reconnaissent en dernier lieu que, sans cette aide, l’armée se fût débandée et que la conquête n’eût pu s’effectuer. Or, d’après les documents qui nous sont restés, on ne voit pas que Jacques Cœur ait été remboursé de la totalité de ses avances[35].

Cependant Jacques Cœur était arrivé au comble de la richesse et de la faveur. Le 5 septembre 1450, Jean Cœur, fils de Jacques, faisait son entrée solennelle dans sa ville métropolitaine, comme archevêque de Bourges. Il était à peine âgé de vingt-six ans, et devait cette haute position au crédit de son père. Les quatre premiers barons du Berri ou de la Crosse portaient le fils du marchand, placé, suivant l’usage, dans sa sedia gestatoria, entouré des évêques de Carcassonne, de Nevers et d’Agile, qui devaient également leur siége au tout-puissant conseiller. Déjà son propre frère, Nicolas Cœur, était depuis six ans évêque de Luçon.

Les plus hauts seigneurs et les princes même faisaient la cour à Jacques Cœur et lui offraient des présents pour conserver son amitié. Pendant une année encore il demeura fixé sur ce point culminant. Mais, suivant une métaphore qui était alors particulièrement goûtée, la roue de la Fortune, qui l’avait amené à ce point, devait incessamment le précipiter pour l’écraser. Le 26 juillet 1451, Jacques Cœur signait de sa main la quittance d’une nouvelle gratification que le roi venait de lui accorder. Cinq jours après, au même lieu (le château de Taillebourg), par ordre du roi et par les mains d’Olivier de Coëtivy, seigneur de Taillebourg et sénéchal de Guyenne, Jacques Cœur était arrêté[36] !

Charles VII avait pris possession de Bordeaux par commissaires, le 30 juin 1451. Ainsi le succès de la campagne était désormais assuré. Depuis la mort d’Agnès, le crédit de l’argentier avait évidemment diminué, ou du moins il était sourdement inquiété. Jacques Cœur, durant la campagne de Guyenne, se montre clans le cénacle des courtisans, mais non sur le théâtre actif de l’expédition, comme il avait fait en Normandie. Cependant son zèle patriotique ne s’était point refroidi. Nous croyons pouvoir rapporter à cette entreprise militaire de 1451 la fourniture de certains harnois et autres choses, qu’il avait fait venir d’Espagne, et qui lui étaient glus lors de son emprisonnement. Peu avant cette arrestation, dans les derniers jours de juillet 1451, il écrivait à sa lemme et à ses amis de Bourges que son fait étoit aussi bon, et que lui (Jacques Cœur) étoit aussi bien envers le roy, que il avoit jamais été, quelque chose qu’on en dît. Signe évident et des dangers qui le menaçaient et de la sécurité trompeuse dont il cherchait à se bercer[37] !

Un autre fait, qui n’est point saris rapport avec la disgrâce de Jacques, avait eu lieu peu de temps auparavant.

Jean Barillet, autrement de Saincoins ou Xaincoins (en Berri), résidence de sa famille, était le compatriote de Jacques Cœur. Simple secrétaire du roi en 1454, il devint successivement receveur général en Languedoc et Languedoil (1439), commis à l’administration des finances de la reine (1445), trésorier général et conseiller du roi sur le fait et gouvernement de toutes ses finances (1449), membre du grand conseil (1448 et années suivantes). Saincoins, dans ces charges importantes ; S’était acquis de grandes richesses. Vainqueur de la Normandie, Charles VII avait épuisé les ressources du trésor, tellement, que le roy à son grant besoing ne pouvoit finer d’argent pour payer les souldoyers au l’ait de la guerre de son pays de Guyenne ; mais lui convint trouver aultres moyens merveilleux pour avoir finances[38].

Jean de Saincoins (comme l’avait été Mariette) fut accusé de malversation et de faux, ou altération d’actes publics, ainsi que Jacques Charrier, son principal clerc. Les poursuites commencèrent le 1er juillet 1450, et se terminèrent le 9 juin 1451. Elles embrassèrent également Martin Roux[39], Pierre Godeau (de Tours ?) et le sire de Précigny. Des relations officielles et d’amitié unissaient les familles Cœur et Saincoins. Le sire de Précigny était marié à Françoise de Brezé, sœur de Pierre. Or, Précigny et Brezé avaient été précédemment les arbitres du conseil royal. Quant à Jacques Cœur, il vécut toujours avec ces deux ministres en harmonie de vues, de conduite, et dans les termes d’une affectueuse familiarité. Jean de Saincoins fut arrêté à Tours le 16 octobre 1450, et emprisonné dans cette ville[40].

Il confessa, dit-on, les crimes qui lui étaient imputés. Mais nous n’avons pour garant de cette assertion que le témoignage complaisant et sans preuve de Jean Chartier. D’autre part, une présomption bien grave, en faveur du prévenu, résulte de ce seul fait, que Saincoins fut soustrait à la justice naturelle et jugé par des commissaires : caractère habituel de ces iniques et fréquentes exécutions politiques. Quoi qu’il en soit, Jean de Saincoins s’entendit condamner, «par la bouche du chancelier de France, à tenir prison fermée certain espace de temps, avec confiscation de toits ses biens. »

Soixante mille écus furent attribués au roi comme restitution. Sur les autres biens du condamné, Charles VII fit don au comte de Dunois, qui entrait en campagne, du magnifique hôtel ou palais que Saincoins possédait à Tours. Guillaume Goufier obtint des mêmes dépouilles les terres d’Oison en Poitou, de Rochefort, du Rougnon, de la Chaussée, de Champagné1e Sec et de Sonay, près Chinon. Le fief de Sainte-Maure et une autre seigneurie échurent à Jean Fradet, de Bourges. Jean de Bueil, amiral, débiteur de Saincoins et beau-frère de Goufier, se trouva délié de ses obligations et nanti d’une terre en Anjou[41].

Il y a, dans nos annales, une histoire qui n’a point été écrite jusqu’ici comme elle mériterait de l’être : c’est celle de l’impôt. L’arbitraire, qui, chez nous, présida si longtemps à la fixation et à l’assiette des contributions publiques, le mode si imparfait de perception usité jusqu’en 1789, ont suscité, durant tout le moyen âge, de la part des populations, une aversion générale et caractérisée contre le monde des traitants, maltôtiers et gens de finances. L’histoire des impôts se signale par une suite de douleurs privées et publiques, de désastres, de révoltes mal comprimées. Souvent la colère accumulée de la multitude se faisait jour tout à coup. Cette soif de vengeance, alors, combinée avec la passion de l’envie, s’en prenait, pour ainsi dire, au premier venu, sous prétexte de sa position comme financier, de sa richesse, pour en faire le bouc émissaire et la victime expiatoire de ces haines exaspérées. Enguerrand de Marigny, Jean de Montaigu, Semblançay, Fouquet, John Law ou Lass enfin, et beaucoup d’autres, marquent, de siècle en siècle, cette longue série d’infortunes plus ou moins imméritées, de chutes éclatantes, d’épisodes lugubres et plus d’une fois sanglants[42].

Les ennemis de Jacques Cœur paraissent à leur tour avoir exploité cette prévention séculaire, afin de se procurer, même clans l’opinion publique, une sorte d’appui factice et de complicité.

Jacques Cœur avait voulu se faire construire, au sein de sa ville natale, une demeure qui flet en rapport avec sa fortune. Dans ce but, il acquit, en 4443, un terrain qui touchait aux murs de la ville. Deux tours féodales qui, par leur construction primitive, remontaient au temps des Romains, faisaient partie de ces fortifications urbaines ; elles entrèrent dans l’ensemble des bâtiments nouvellement érigés. L’ouvrage dura environ sept ans, et Jacques Cœur y dépensa, outre l’acquisition du terrain, plus de cent trente-cinq mille écus. Cet hôtel, connu par métaphore sous le nom de s’on auteur, est appelé Jacques Cœur de Bourges. Il ne nous offre pas seulement un spécimen de l’architecture civile, spécimen des plus rares et des plus précieux en son genre. Jacques Cœur de Bourges est encore, au premier chef, un monument historique, par rapport au personnage dont il sert à retracer la mémorable carrière. Cette maison ressemble à un livre composé d’images, toutes symboliques et instructives, quelques-unes impénétrables[43].

L’hôtel de Jacques Cœur occupe un vaste parallélogramme irrégulier, mais dont la coupe ne messied pas et s’accorde sans inconvénient avec le pittoresque du style général, ou de l’ensemble. Sa façade principale, sise rue Jacques Cœur, annonce, dès l’abord, le caractère moral qui règne et se développe dans le reste de l’édifice. Le rez-de-chaussée tout entier est sans fenêtre à l’extérieur : il écoute, observe et se tait. Un vaste corps d’habitation, riche et animé, domine au premier étage. Le haut pavillon du milieu se détache en avant-corps, flanqué de son élégante tourelle prismatique. Un double portail donne accès au manoir. La première porte, à large voussure, s’ouvrait, les jours de gala, pour les chars, les litières, les cavaliers, les haquenées ; l’autre, munie d’un guichet de sûreté, était réservée aux piétons[44].

Une large croisée ogivale éclaire ce pavillon, orné extérieurement d’un riche dais, ou baldaquin sculpté à jour. Le motif ou ornement supérieur des meneaux qui découpent intérieurement l’ogive, dessine en relief une très mande fleur de lis, au-dessous de laquelle se rangent et s’abritent deux cœurs. Ce baldaquin ou console portait la statue équestre, toute caparaçonnée, du très haut, très puissant et victorieux Charles VII, armé de pied en cap, et dans l’attribut de la force régnante. Au faite de ce pavillon, trois points culminants, groupés 2 et 1, suivant l’art héraldique, faisaient dominer dans l’azur des airs la double fleur de lis d’or ou cimier royal de France[45].

Ainsi, dès le frontispice éclatait l’hommage public et respectueux rendu à I’autorité souveraine par l’officier du roi ; mais en même temps et sous cette égide, la personnalité, l’individualité de Jacques Cœur, se déployait avec une assurance et une liberté remarquables.

A droite et à gauche de la statue équestre, deux figures sculptées, deux personnages en costume civil, se montrent à une fenêtre simulée. Tous deux semblent représenter la Vigilance. L’homme regarde au dehors à droite, du côté de la ville ; la femme dirige ses yeux vers la gauche, où se tenaient les communs, offices et cuisines[46].

Sur le tympan de la petite porte, sur les voussures et les vantaux de la grande, se développent, en ornements exquis et multipliés, les emblèmes ou devises personnelles du maître : les coquilles de saint Jacques le pèlerin, et les cœurs. Ces deux derniers symboles se répètent et foisonnent de la base au sommet de l’édifice. On les retrouve partout : depuis les dessins les plus visibles des rampes, découpées à jour en coquilles et en cœurs, jusque sur la tête des moindres clous de l’hôtel, qui figurent tous des cœurs ou des coquilles. Comme si le fondateur avait voulu que le dernier vestige de son palais de pierre fût réduit en poudre avant que l’on ait pu anéantir le symbole de son nom et de sa personne ! Enfin, sur la gauche et tout près du centre, au fronton du palais, la lumière du jour détache en lettres sculptées la brande devise si connue et sur laquelle nous reviendrons :

Pénétrons maintenant à l’intérieur. Deux étages d’habitation, y compris le rez-de-chaussée, surmontés encore çà et là d’autres logements, devaient servir à la demeure de l’opulent argentier, de sa famille, de ses gens, de ses subordonnés et à ses fonctions multiples.

Nous ne saurions détailler les cours, les galeries, les salles et les appartements dont ils se composaient. Personne ne visite la chapelle sans admiration. Les peintures délicieuses qui décorent le plafond, voûté en berceau d’ogives, sont d’un maître inconnu, digne d’être placé entre Van Eyck et Fouquet. Il y avait la chambre du Roi, celle des Évêques, celle des Mois de l’An ; celle des Galères. La salle des Festins subsiste encore. On y remarque la tribune des musiciens qui, du son de leurs instruments, animaient la gaieté des convives. Elle atterrait à de vastes cuisines. Le luxe qui régnait dans ces banquets et dans tout l’édifice, cet édifice lui-même, par la richesse, l’ampleur, le confort de ses aménagements, étaient alors sans exemple.

Jacques Cœur n’avait point achevé de meubler son hôtel lors de son arrestation. Il ne l’habita jamais à demeure fixe[47]. Mais il y installa sa femme et y donna de grandes fêtes, pour lesquelles on transportait, de la ville, un complément de mobilier nécessaire[48]. Des textes affirment que Jacques Cœur n’était servi que d’argenterie, tandis que les officiers du roi prenaient leurs repas dans de la vaisselle d’étain. Mais Jacques Cœur n’était point le mauvais riche : une galerie spéciale attenait également aux cuisines ; elle recevait les pauvres, à qui se distribuait la desserte de ses tables[49].

Les traits physiques de Jacques Cœur sont connus par la planche de Grignon, que nous a laissée Godefroy dans son beau recueil de Charles VII. C’est, comme on l’a dit, une figure bourgeoise, mais non commune. La résolution et la dignité s’y combinent avec une certaine bonhomie. Le sourire de l’enjouement tempère, par une courbe plus douce, l’expression de ses lèvres fines et fermes. Aucun portrait de Jacques Cœur, digne de ce nom, ne s’est conservé dans son hôtel. Il y avait réservé, comme on l’a vu, pour le roi les honneurs de la statue équestre. Mais des symboles, multipliés à profusion, achèvent de nous révéler son portrait historique et moral[50].

Macée Léodepart, épouse du riche financier, était prodigue et dissipatrice. Les sujets sculptés sur la cage de l’escalier principal, qui menait au corps de logis, sont une page de morale appliquée à la vie intime. On y voit opposés, dans un contraste synoptique, les avantages de l’Ordre et les inconvénients du Désordre. Le groupe inférieur nous offre la contrepartie de la moralité, si connue, des Vierges sages et des Vierges folles. Ici deux femmes, allèges et satisfaites, portent haut la quenouille qu’elles filent. A côté, deux autres femmes tiennent cet objet l’étoupe en bas, et sont prêtes à s’en servir comme d’armes pour se battre[51].

Jacques Cœur avait connu son siècle, en le voyant de près. Les plus grandes affaires, les plus grands personnages lui étaient familiers. Plus d’une fois il dut les trouver petits. Le rang que lui refusait sa naissance, il l’avait payé de son mérite et de son or, et Jacques se croyait quitte. L’un des mascarons ou chapiteaux sculptés de la tour dite du Trésor représente un esclave noir, un fellah d’Orient, qui tient, en guise de support héraldique, le timbre. ou casque du marchand anobli, recouvert de son lambrequin et blasonné de deux cœurs. Un autre sujet, de la même tour, nous fait voir deux chevaliers armés de pied en cap s’escrimant à qui mieux mieux et s’enferrant, corps à corps, de leurs lames. Sur la droite, un faux-visage ou paysan masqué, accroupi, guette les passants, armé du bâton qu’il a dans ses mains. De l’autre côté, une fille d’armée, vulgaire Briséis, attend aussi, les bras croisés, l’issue des vicissitudes. C’est le tableau satirique de la Guerre au quinzième siècle. Une autre scène, dont la malice n’est pas moins gauloise, décorait la cheminée de l’une des salles d’apparat et s’appliquait aux tournois. Ici, les tournoyeurs sont des bergers et des porchers, montés sur des ânes, à cru, ayant pour étriers de vieilles cordes. Ils pointent gravement l’un contre l’autre, en manière de lances, des manches à balai, et portent des fonds de paniers au lieu de targes, boucliers ou rondaches[52].

Jacques Cœur, lui aussi, avait le génie du bon sens. Ces judicieuses railleries, alors parfaitement actuelles, devançaient de plus de cent ans Cervantès et Don Quichotte. Les proverbes, dit-on, sont la, sagesse des nations. Jacques Cœur- affectionnait beaucoup ces adages populaires. Il partageait aussi le goût des rébus, si répandu au quinzième siècle. Parmi ces énigmes qui décorent toute sa maison, les unes sont muettes et présentent leur signification sous la forme de figures. Beaucoup sont accompagnées de phylactères ou banderoles avec légendes. Le vitrail du musée, provenant de Jacques Cœur à Bourges, montre, dans tout son éclat, le blason qui dut être concerté, en 1441, entre le nouvel anobli et son compatriote, le héraut Berry, premier roi d’armes : d’azur à trois cœurs d’or, avec une fasce d’argent chargée de trois coquilles de sable. A l’entour, comme supports : des fleurs et des fruits (l’abondance). Pour cimier, le mât d’une galère ; en guise de lambrequins, des cœurs et des palmes. A l’extérieur de l’écu, du côté gauche, un fol a la bouche fermée d’un cadenas ; il tient cette devise écrite sur la banderole : En bouche close n’entre mousche. A droite, un antre fol ou sot de théâtre porte cette légende : Oyr dire ; — faire ; — taire[53].

Ailleurs on voit ce rébus :

 ;

il décore le tympan de la porte qui conduisait aux festins et salles d’assemblées. Enfin, sur le tout, dominait la grande et fière devisé à laquelle nous avons déjà fait allusion. Au temps de Charles VII, un Jean de Luxembourg, issu de la plus haute lignée, avait pour symbole personnel une bête de somme qui s’affaisse, et ces mots : A l’impossible nul n’est tenu. Ce chevalier s’affaissa lui-même, et, pour le prix du sang, il livra la Pucelle. Jacques Cour, l’homme du tiers état, de l’avenir, prenait pour âme de sa devise : A VAILLANTS CŒURS RIEN IMPOSSIBLE[54].

A l’autre extrémité des bâtiments, par rapport à l’entrée principale, s’élève la grosse tour, donnant aujourd’hui sur la place de Berry. Elle est surmontée d’une vigie, d’où se transmettait immédiatement le signal en cas d’alarme. Au pied du perron de cette grosse tour, partent deux galeries souterraines. La première communique, par ce passage secret, avec une autre aile des bâtiments. La seconde aboutit à un puits pour se continuer à l’extérieur, et devait fournir, en cas de besoin, une issue invisible et inaccessible au dehors. La salle dite des Angelots ou du Trésor subsiste au troisième étage de cette tour. Cette espèce de réduit servait à Jacques Cœur de retrait particulier, ou d’étude, pour employer le propre mot qui désignait, au quinzième siècle, ce genre d’appartement[55].

La salle ainsi nommée ferme par une porte munie d’une serrure à secret et de dimensions colossales. Composée de lames de fer superposées, cette porte est mécaniquement indestructible. Les gonds ont été scellés lorsque le vantail de fer fut posé, de sorte que sans la clé il eût fallu démolir la tour pour pénétrer dans cette pièce. Elle est voûtée en ogive. Huit nervures se rejoignent à un point central ou clé de voûte, et forment autant de pendentifs. Quatre angelots ou petits anges, sculptés aux retombées des nervures, ont donné leur nom à cette chambre. L’un chante ; le second accompagne celui-ci de la guiterne ; deux autres portent les blasons de Jacques Cœur et de Macée Léodepart. A gauche de la cheminée, la sculpture représente un porteur de lanterne (la veilleuse du quinzième siècle)[56]. A droite, un marmouset barbu : sur le phylactère qui l’accompagne, nous avons déchiffré ces mots : Joan Joan[57].

Restent deux retombées, qui délimitaient la dernière paroi de cette pièce. A gauche, la nervure se termine court et à plat, en console. A droite, la dernière retombée, au contraire, présente un sujet très ouvragé que nous allons décrire, et qui est demeuré jusqu’à ce jour comme inexplicable. Mais entre les deux s’élevait un meuble (armoire ou coffre-fort), adapté à cette place dès l’origine, de telle manière, vraisemblablement, que ce dernier sujet devait être masqué ou découvert à volonté.

La scène sculptée occupe les trois faces d’un chapiteau prismatique. Elle représente un bosquet ou verger. Sur la droite, une jeune femme, vêtue avec un luxe prodigieux d’étoffe et de fourrures, est nonchalamment couchée au milieu des fleurs. Une fontaine coule à ses pieds. De l’autre côté du bassin s’avance insidieusement un jeune prince, qui pose la main sur son cœur. Un fou, qui semble être son guide, l’accompagne et le suit. La dame, portant la main droite à son front, paraît montrer au damoiseau la couronne (de duchesse ?) qui ceignait sa tête. Mais le prince, à son tour, lui indique une autre couronne, la couronne royale, qui se reflète dans le bassin de la fontaine. En effet, au sein du feuillage touffu que présente l’arbre du milieu, un roi couronné assiste au dialogue. Le phylactère qui se déroule près de sa bouche est muet ou effacé.

Pour nous, dans ce roi, nous croyons reconnaître avec certitude Charles VIT ; dans le prince follement conseillé, Louis dauphin ; et dans la dame, Agnès Sorel. Quant à la signification plus étroite des faits représentés, nous ne tenterons même pas de la préciser davantage. Le champ le plus vaste s’ouvre ici aux conjectures[58]. Nous ajouterons que, selon toute apparence, Jacques Cœur lui-même, en se permettant de faire sculpter dans sa demeure une pareille allégorie, a voulu soigneusement lui retirer du moins le caractère de l’évidence et d’une téméraire personnalité[59].

Jacques Cœur avait été initié aux affaires les plus secrètes du roi. Il avait eu l’administration des biens de la maison de la reine. Les dépenses courantes des princesses du sang s’effectuaient par ses avances et par son ministère. Il avait rencontré l’occasion de plaire au Dauphin et de lui être utile. Les livres et papiers de ce marchand, tenus avec un ordre et une précision inexorables, renfermaient la trace écrite de mille confidences intimes et de services ou de bienfaits reçus. On y voyait figurer, à ces titres divers, les noms de mesdames Radegonde et Jeanne de France ; la duchesse de Bourbon (26 décembre 1446)[60] ; Charles, duc d’Orléans, Charles et Amanieu d’Albret ; Jean de Bourbon, comte de Clermont ; Jean d’Anjou, prince de Lorraine ; Jean, bâtard d’Armagnac ; J. de Bueil, amiral de France ; Prégent et Olivier de Coëtivy, André de Villequier, le maréchal de La Fayette ; A. d’Aubusson, seigneur de Monteil ; J. de Lévis ; Guillaume Goufier ; Adam de Cambray, président du parlement ; le seigneur d’Estouteville, Jacques et Antoine de Chabannes, Jean et Gaspard Bureau, Odet d’Aydie, Blaise Greslé, G. le Bouvier, dit Berry, etc., etc. ; en un mot les anciens, les nouveaux favoris, et les personnages les plus considérables[61].

Le 12 décembre 1445, Charles, duc de Bourbon, avait vendu à Jacques Cœur, pour le prix de 4.000 livres, les terres de la Bruyère, l’Aubespin et dépendances. Jacques Cœur joignit à cette acquisition celles de Meaumes, Boisy en Roannais, Saint-Gérand de Vaux et la Palisse (1444 et 1448), sis également sur le domaine de ce prince. En Berri, il devint seigneur de Menetou-Salon, Marmaignes, Barlieu, Maubranche, etc. Enfin il acquit en 1451, des marquis italiens de Montferrat, diverses baronnies, telles que Saint-Fargeau, Toucy, Angerville, etc., etc., qui comprenaient presque tout l’ancien pays de Puisaye. Ce domaine avait appartenu à La Trimouille, et ses héritiers prétendaient y avoir droit. Jacques Cœur revendiqua hardiment le sien et se mit en lutte avec la famille du puissant favori[62].

On estime à quarante le nombre des terres et seigneuries achetées par Jacques Cœur, et qui renfermaient plus de vingt-deux paroisses ou villages. Il avait osé acquérir ces biens, pour la plupart, de la main des plus grands seigneurs. Il signala sa courte possession par des améliorations, par des travaux d’utilité publique ; il marqua enfin son passage, d’une empreinte si, vive, qu’elle dure encore, en ces diverses` localités, dans le souvenir des populations[63].

Les précédentes particularités nous semblent faire connaître implicitement les véritables causes qui suscitèrent à Jacques Cœur de redoutables ennemis et qui déterminèrent sa perte. Nous devons dire maintenant quels prétextes et quels moyens furent employés par ces envieux pour réaliser le dessein qu’ils avaient conçu.

Les juges de la Pucelle à Rouen réussirent, comme on sait, à accumuler contre l’héroïne soixante-dix chefs d’accusation, qui se réduisirent à douze. Les neuf griefs suivants furent imputés par l’accusation à Jacques Cœur : 1° d’avoir empoisonné Agnès Sorel ; 2° d’avoir fabriqué de la monnaie faible de poids ; 3° fourni des armes aux Sarrasins ; 4° exporté des métaux précieux en Orient ; 5° rendu un esclave chrétien à son maître ; 6° opéré à Montpellier la presse des matelots et embarqué contre son gré un pèlerin allemand ; 7° contrefait un petit sceau de la chandellerie ; 8° perçu des gratifications illicites ; 9° de s’être également procuré des profits extralégaux dans la ferme des foires de Pézenas et autres revenus du domaine[64].

Le premier de ces chefs d’accusation mérite qu’on s’y arrête. Jacques Cœur succomba évidemment à une i1itrigue ourdie autour du roi, de concert avec Antoinette de Maignelais, par les nouveaux favoris. Antoine de Chabannes, capitaine d’écorcheurs, élève et ancien page de La Hire, fut l’âme de cette ligue et le principal agent de cette odieuse machination. Il mit en avant Jeanne de Vendôme, damoiselle de l’hôtel du roi, femme de François de Montberon, seigneur de Mortagne, chambellan, en 1443, de Louis dauphin.

Jeanne, à son tour, suscita d’autres faux témoins et affirma impudemment que Jacques Cœur avait empoisonné Agnès Sorel. Cette déclaration, appuyée par les courtisans, trouva un instant crédit auprès de Charles VII et suffit pour obtenir de ce prince l’ordre d’arrestation, qui fut décrété et exécuté soudainement contre l’argentier, sans information préalable. Le roi s’attribua immédiatement cent mille écus à prendre sur les biens du prévenu, et les appliqua aux besoins de la campagne de Guyenne.

De plus, et par un détestable abus qui souillait la justice du quinzième siècle, le roi nomma pour commissaires chargés de poursuivre l’accusé, Antoine de Chabannes, Guillaume Goufier, etc. Ceux-ci, débiteurs du prévenu et ses dénonciateurs, devenaient en même temps ses parties, avec promesse de partager, ses biens, qui devaient, être confisqués au roi par suite de la condamnation[65].

Cependant Jacques Cœur répondit à ce grief et ne tarda pas à en prouver le néant par les attestations de Robert Poitevin, médecin d’Agnès et de la reine. Jeanne de Vendôme, convaincue d’imposture, se rétracta, et fut condamnée à faire amende honorable. Il résulte de documents certains, que l’article du poison fut le seul, parmi ceux imputés à l’argentier, qui firent impression sur l’esprit de Charles VII. Ce grief venant à manquer, il fallut y suppléer. Les commissaires et une multitude de débiteurs étaient désormais intéressés à sa perte, par la perspective qui s’ouvrait à eux, en le faisant condamner, de se voir remettre, au nom du roi, les obligations pécuniaires qu’ils avaient contractées envers Jacques Cœur.

Une nouvelle cabale se forma donc autour du roi pour dénigrer le prévenu. Probablement, le moyen secret et efficace, qu’ils employèrent alors, fut tiré des irrévérences ou libertés de langage et autres que Jacques Cœur s’était permises. Or, ces libertés n’avaient épargné, comme on l’a vu, ni les capitaines, ni les seigneurs, ni les rapports d’Agnès avec le roi, ni la majesté royale elle-même. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, l’accusation se poursuivit sur de nouveaux frais et produisit ainsi, tardivement, les huit autres griefs ci-dessus rapportés[66].

En ce qui concerne le deuxième article, on a dit comment Jacques Cœur, au début de sa carrière, s’était vu compromis, ainsi que Ravan Ledanois, maître particulier de la monnaie (le Bourges, dont il était alors le clerc et facteur. Ces faits, antérieurs à 1429, avaient porté peu d’atteinte à l’honorabilité des prévenus, aussi bien qu’à la confiance dont ils étaient investis de la part du roi.

En effet, à peine la capitale était-elle rentrée sous la domination française, que Jacques Cœur, par une délibération spéciale tenue à Bourges entre le roi et ses conseillers généraux des monnaies, fut nommé maître particulier à Paris. Les circonstances étaient graves ; Charles VII avait un pressant besoin de finances, Jacques Cœur accepta cette charge : à l’aide de son puissant crédit, de son activité, il réunit immédiatement une grande quantité de métaux précieux qu’il convertit en monnaie ; fit exercer le change à Melun et à Pontoise par ses facteurs ; remplit les caisses du trésorier des guerres, pour faire face à la solde des troupes, et prit sur son compte toutes les avances de ces livraisons[67].

Jacques Cœur fit plus. La restauration des monnaies fut un des actes les plus louables et les plus habiles qui marquèrent la grande période du règne de Charles VII. Le maître particulier de la monnaie de Paris inaugura sa gestion par cette importante réforme. A partir de ce jour, les espèces marquées au coin royal eurent une va-leur fixe, et le titre de ces espèces une pureté d’aloi et d’affinage qui leur avait manqué par le passé. Le 29 août 1452, les conseils ou amis de Jacques Cœur, détenu prisonnier au château de Maillé en Touraine, présentèrent au garde du scel aux contrats de la prévôté de Bourges les lettres d’abolition délivrées le 6 décembre 1429 et dont nous avons parlé. Ils en obtinrent un vidimus ou ampliation authentique, laquelle fut produite en justice ; mais vainement. L’arrêt qui condamna Jacques Cœur énumère les deux griefs que nous venons d’analyser, comme avant motivé la sentence, sans tenir aucun compte de ces lettres d’abolition. Cet arrêt fut prononcé en présence du roi, par le chancelier de France, G. Jouvenel des Ursins, le 29 mai 1453[68].

On peut juger, par ces deux spécimens, de la justice et de la bonne foi qui présidèrent à ce procès 1 Mais le tribunal de l’histoire a pour mission de réviser les sentences injustes, et souvent d’intervertir les râles entre les accusateurs et les accusés.

Parmi les commissaires ou les dénonciateurs du prévenu, figurent, plusieurs Italiens. L’un d’eux, nommé Otto Castellani, était natif de Florence. Or, Jacques Cœur avait dépossédé en partie cette ville de son ancienne suzeraineté commerciale. A son tour il y créait, au moment de sa prise et au profit de la France, un établissement industriel. Otto Castellani, nommé trésorier de Toulouse sous l’autorité de Jacques Cœur, y avait acquis une grande richesse. Il fut un des persécuteurs les plus acharnés de son ancien maître et le supplanta dans sa, charge de l’argenterie[69].

Ce Castellani avait comme auxiliaire ou collègue un de ses parents, appelé Jacopo Medici ou de Médicis, receveur particulier à Toulouse pour les diocèses d’Auch et de Lombers. L’ami de Castellani était un véritable scélérat, qui avait encouru par sa conduite antérieure des poursuites criminelles. Jacques Cœur, de son côté, vers 1444, eut au nombre de ses commis de l’argenterie un certain Etienne de Manné, lequel appartenait à une famille échevinale de Bourges. Etienne abusa de la confiance qui lui était accordée, et déroba des magasins de l’argenterie une quantité considérable de marchandises précieuses. Jacques Crieur couvrit ce méfait d’une généreuse indulgence et se contenta de congédier le dépositaire infidèle. Lorsque les poursuites s’ouvrirent contre Jacques Cœur, Castellani s’adjoignit, en qualité de clerc, Etienne de Manné, qui obtint en même temps, de la chancellerie royale, des lettres de rémission pour l’absoudre de sa propre faute[70].

Jacques Crieur, durant le cours de son inique procédure, avait subi le supplice de la question. Le pape Nicolas V, juge souverain dans les matières de foi, qui formaient la principale substance des griefs juridiques de l’accusation, écrivit à Charles VII, afin de revendiquer l’innocence du prévenu. Le cardinal d’Estouteville, lors de sa légation de 1452, eut pour instruction spéciale de plaider en sa faveur auprès du roi. Ces secours honorables n’atteignirent point le but qu’on se proposait.

Le 5 juin 1453, Jacques Cœur, nu-tête, sans chaperon ni ceinture, comparut publiquement dans le prétoire ou salle de justice, au palais de Poitiers. Là, en présence de Jean Dauvet, procureur général du roi, Jacques Cœur fut contraint de se mettre à genoux. Il tenait à la main, comme les pénitents, une torche de cire ardente et pesant dix livres. Il fit amende honorable des crimes qu’on lui imputait, en requérant mercy à Dieu, au roy et à justice.

Le roi, par égard pour le pape et pour les services qu’il reconnaissait avoir reçus de Jacques Cœur, commua, dit l’arrêt, le criminel en civil. La peine de mort « encourue » fut remise au condamné. Mais Jacques Cœur était dépossédé de tous ses biens, confisqués au roi, et devait, sur ce gage, payer une amende de 400 mille écus d’or. L’accusé était en outre condamné à la prison perpétuelle ou à l’exil, réservé sur ce point le bon plaisir du roy[71].

Jacques Cœur, que Th. Basin appelle à tort un homme illettré, avait étudié et reçu la tonsure. Ses lettres d’ordination mineure furent vainement produites en justice par l’archevêque de Bourges, son fils, et par l’évêque de Poitiers. Tous deux revendiquèrent, le prévenu comme clerc, à l’encontre du chancelier de France, qui était le propre frère de l’évêque. De plus, Macée Léodepart, sa femme, mourut de chagrin pendant le cours du procès, et Jacques devint ainsi clerc solo. Mais cette fin de non recevoir, tirée du droit canonique, était repoussée par les juristes et tribunaux séculiers, surtout lorsqu’il s’agissait de cas royaux. Quant à Jacques Cœur, il avait été arrêté en robe courte ou costume laïque, et ne portait pas habituellement de couronne cléricale. Apparemment, il dédaigna d’employer cette exception de droit. Car, durant toute sa captivité, il négligea de prendre l’habit de clerc et de renouveler sa tonsure[72].

L’arrêt fut enregistré au parlement de Toulouse le 15 août 1453. Dès le lendemain du jour où l’arrêt fut prononcé à Poitiers, Jean Dauvet le signifia au condamné. La recherche des biens de Jacques Cœur et la vente de ses meubles, partout où il s’en trouvait, commencèrent immédiatement. Cette double opération rencontra plus d’un obstacle. On hésitait à déshériter de son vivant cette victime d’une iniquité judiciaire. G. de Varie, premier clerc de Jacques Cœur, J. de Village, son lieutenant le plus actif et le plus entreprenant, résistèrent avec fermeté au zèle et au talent de Jean Dauvet, dignes d’une meilleure cause[73].

J. de Village, capitaine général de la marine de René d’Anjou, était sujet de ce prince et citoyen de Marseille. J. Dauvet, ancien conseiller de René, alla trouver ce prince à Aix, et déploya autant d’habileté que d’énergie pour déterminer le beau-frère du roi de France à lui livrer J. de Village. Mais le comte de Provence, ayant réuni son conseil, opposa au commissaire, par l’organe de son chancelier, les privilèges de sa couronne comtale, le droit des gens, l’immunité des Marseillais, et enfin la raison d’État, qui ne lui permettait pas de sacrifier le chef militaire de ses forces maritimes[74].

Il ne restait plus à Jacques Cœur que la voie de fait pour recouvrer sa liberté, en pourvoyant à son salut personnel. Vers la fin de décembre 14547 il avait, de prison en prison, subi plus de trois ans de captivité. De concert avec ses amis et ses proches, il gagna l’un de ses gardes à prix d’argent. Le captif quitta en secret Poitiers, et, se réfugiant successivement en divers lieux d’asile, il se fit recevoir, à titré d’hôte, chez les Cordeliers de Beaucaire. Ce couvent, situé sur le Rhône, était inviolable, comme église de réguliers. Beaucaire était aussi une place frontière du Languedoc, sise à l’extrémité ale la terre de France. Tarascon, placé sur l’autre rive du fleuve, appartenait à la Provence, et reconnaissait pour souverain le roi de Sicile[75].

L’obscurité de cette retraite ne déroba pas longtemps le fugitif aux recherches de ses persécuteurs. Bientôt le couvent fut mis en demeure de répondre à des poursuites juridiques, intentées au nom de Charles VII. Les limiers de Castellani pénétrèrent à la suite de Jacques Cœur chez ses hôtes. Ils intimidèrent ces moines, et Jacques Cœur se vit assailli en pleine nuit par des sicaires. Heureusement, l’argentier avait converti à sa cause l’un des religieux, nommé Tungault. Armé d’un maillet de plomb, que lui avait prêté ce bon frère, il racheta vigoureusement sa vie. Ce fut alors le tour du poison. Jacques Cœur, averti, fit semblant de boire, à souper, une poudre nommée réalgar, qu’on lui versa dans du vin, et jeta le breuvage. En cette extrémité, prévoyant pour lui le sort du prince Gilles[76], il écrivit à J. de Village, qui l’attendait à Marseille, une lettre pressante, et dont l’original autographe nous est resté. Le bon frère lui-même se chargea de la porter[77].

Au reçu de ce message, dont l’écriture ou le texte débutait par un signe convenu de détresse[78], et souscrit des initiales de son bienfaiteur, de son second père, J. de Village ne perdit pas un instant. Il prit quelques barques armées en guerre, montées par des marins à sa solde, hardis et résolus, puis navigua sur le Rhône jusqu’à Tarascon. Aussitôt arrivé, on traversa le fleuve vers minuit. Les Franciscains chantaient matines. Une brèche existait au mur de France : les assaillants l’agrandirent. Par cette voie, ils pénétrèrent dans la ville et marchèrent droit au couvent. Une lutte à mort s’établit alors entre les débarqués et les gardiens de Jacques Cœur. L’office finissait lorsque l’argentier fut mis en liberté.

Escorté de ses libérateurs, il sortit de la ville par la brèche et descendit en barque le cours du Rhône jusqu’aux portes de Marseille. Là, montant à cheval, il se rendit par terre jusqu’à Nice, où il s’embarqua sur la Méditerranée. Jacques Cœur, sain et sauf, parvint ainsi à Pise, puis à Rome[79].

Au mois de mars 1455, J. Cœur, à Rome, était logé chez son protecteur, Nicolas V, souverain pontife. L’argentier étant tombé malade, le pape voulut qu’il fût soigné dans son palais par ses propres médecins. Cependant le saint-père lui-même touchait au terme de sa vie. Le 16 de ce mois, il prononça toutefois, devant le consistoire des cardinaux, une allocution officielle qui fut authentiquement rédigée par un secrétaire de la chancellerie romaine. Cette note avait pour effet de proclamer l’innocence du proscrit, de rappeler les services qu’il avait rendus au pape et à l’Église, et de lui décerner publiquement l’approbation du saint-siège. Nicolas V mourut le 25 mars 1455, moins de dix jours après cet acte de droiture et de justice. Calixte III, qui lui succéda immédiatement, continua sa faveur à l’argentier du roi de France. Une lutte décisive, et qui marqua des plus grands événements militaires la fin du quinzième siècle, s’ouvrit entre les Turcs et la chrétienté. Le saint-siège arma contre Mahomet Il, vainqueur de Constantinople, seize galères, placées sous la surintendance du cardinal patriarche d’Aquilée. Jacques Cœur en fut le capitaine général. La flottille qu’il commandait s’engagea dans l’Archipel ; mais elle ne put que ravager les côtes de l’Asie Mineure et quelques îles. J. Cœur, blessé ou malade, relâcha dans l’île de Chio, où il mourut le 25 novembre 1456[80].

Les ennemis de l’infortuné J. Cœur, lorsqu’ils virent le captif leur échapper, avaient redoublé de passion et d’acharnement. Des messages diplomatiques et comminatoires furent adressés, sous le nom du roi, à René d’Anjou, aux autorités provençales et au podestat de Florence, à qui le roi reprochait d’avoir donné asile ou passage au réfugié. La femme et les enfants de Jean de Village, Henri Cœur, chancelier de l’église de Limoges et le mandataire de Geoffroi, autre fils de Jacques Cœur, furent jetés en prison ou condamnés à faire amende honorable, pour avoir payé, en faveur du condamné, la dette de la nature et de la gratitude. Quant aux biens de Jacques Cœur, suivant l’expression du généalogiste et historien La Thaumassière, ils furent, de 1455 à 1456, partagés entre les vautours de cour, instigateurs et fauteurs de cette intrigue.

Des adjudications fictives dévolurent au comte de Dammartin les domaines de Puisaye ; à G. Goufier, ceux de Boisy et du Roannais. Menetou-Salon en Berri et d’autres profits, en sommés d’argent ou créances, échurent à Antoinette de Maignelais. Jean de Bourbon, comte de Clermont, était au nombre des débiteurs de J. Cœur. Le roi, sur les deniers de la condamnation, fit don au prince de 3.612 écus. Charles ; duc de Bourbon, n’avait pas même attendu la mutation de seigneur pour reprendre les taxes féodales qui lui étaient dues, à raison des terres mouvantes de son duché. Le crédit de Jean Soreau, frère d’Agnès Sorel, s’était accru sous le règne de sa cousine. En 1451, il devint grand veneur de France et prit part, en 1455, aux dépouilles de Jacques Cœur.

J. Soreau, de concert avec sa mère, Catherine de Maignelais, eut en partage les terres de Saint-Géran, Gouise, etc., ainsi que la capitainerie et châtellenie de Verneuil, sises en Bourbonnais[81].

Il advint à l’illustre conseiller de Charles VII cette fortuné singulière, qui lui fut commune d’ailleurs avec d’autres personnages du moyen âge : persécuté de son vivant, sa mort, comme celle de Jeanne Darc, fut révoquée en doute par la multitude. L’imagination populaire, et cela précisément après qu’il eut cessé de vivre, lui prêta le don d’une fabuleuse immortalité. Au moment où le Jacques Cœur réel n’existait plus, commence le roman d’un Jacques Cœur légendaire. Depuis longtemps déjà, l’histoire véridique et sérieuse a fait justice des récits imaginaires auxquels il vient d’être fait allusion. Nous avons donc cru devoir procéder à l’égard de ces fables, en ce qui concerne Jacques Cœur, par voie pure et simple d’omission, comme nous l’avons fait en toute occasion dans le cours de cet ouvrage.

Il est un point toutefois sur lequel la lumière n’a pas été faite assez complètement jusqu’à ce jour. Nous croyons devoir y revenir, en consacrant à cette particularité quelques lignes d’éclaircissement.

Dans l’un des inventaires actuels des mémoriaux de la chambre des comptes de Paris, se trouve la mention suivante : Mémoire concernant la dépense du roi Charles VII, fait par Jacques Cuer, prisonnier à Poitiers[82].

Le document ainsi indiqué n’existe pas au dépôt général et ne fait point partie des pièces dites rapportées. Nous savons, en effet, que les mémoriaux primitifs de la chambre des comptes ont péri dans l’incendie de 1737. On n’ignore pas non plus que les mémoriaux actuels, aussi bien que leurs inventaires ou tables, ont été restitués, postérieurement à cette date, par le moyen de copies faites sur des expéditions anciennement émanées de la chambre, et par toutes sortes de renseignements plus ou moins indirects et incertains. Il est donc impossible aujourd’hui de contrôler avec précision l’origine et l’authenticité de la note ci-dessus transcrite, et qui, d’aventure, pourrait être le fait d’une insertion relativement moderne.

Mais le document auquel se réfère cette note, c’est-à-dire l’état de la dépense prétendue de Charles VII et des ressources financières du royaume, nous a été conservé ailleurs et s’est transmis jusqu’à nous en de multiples exemplaires. Il a été reproduit, notamment au seizième siècle, avec cette même attribution :

On dict que Jacques Cuer (ainsi s’exprime l’une des versions de ce document), trésorier du roy Charles septiesme... trouva, par la sérieuse reserche qu’il fist de l’estat des finances du roy, qu’au royaulme de France y avoit dix sept cent mille closchiers, prenant chacune ville pour ung closchier, etc.[83]

Il ne serait pas nécessaire, à la rigueur, de pousser plus loin l’examen, ni même la transcription de ce morceau, pour montrer qu’il ne saurait être pris au sérieux. Riais une considération péremptoire nous permettra de couper court à toute autre réfutation. Le texte même de ce document remonte au règne de Charles VI, père de Charles VII. La découverte ou la constatation des prétendus faits statistiques exposés par ce document ne peut donc, en aucune manière, être rapportée ou attribuée à Jacques Cœur. La pièce en question se lit in extenso dans la chronique dite du Religieux de Saint-Denis, sous la date de 1405, (1406, nouveau style)[84].

Jacques Cœur, en terminant, comme il a été dit, sa carrière, avait révélé de nouveau tout le mérite et toute la valeur qui lui étaient propres. A ses derniers moments, il protesta de son innocence et recommanda au roi ses enfants. Charles VII venait d’obtenir du même pape la réhabilitation de la Pucelle. La mort du capitaine général au service de la chrétienté, le glorieux éclat de cette fin et son caractère politique, firent vraisemblablement impression sur l’esprit du roi de France. Mais ce tardif repentir fut, dans tous les cas, incomplet et probablement éphémère[85].

Le Ier janvier 1457, par ordre du roi, Otto Castellani fut arrêté à Lyon, sous les yeux de ce prince. Mis en procès, condamné, ainsi que Guillaume Goufier, Castellani fut destitué, puni d’une amende. Guillaume Goufier, sans quitter le royaume, subit également l’orage de cette disgrâce. Il conserva la plupart de ses biens et rentra plus tard en faveur. Le comte de Dammartin, Antoinette et les autres ne perdirent pas un moment, tant que survécut Charles VII, les bonnes grâces royales. Au mois de février 1457, et successivement, le roi accorda des lettres de rémission à Jean de Village, à Guillaume de Varie, à Jean Forest, à la veuve Gimart, etc., etc. ; tous parents, alliés ou amis de l’argentier, qui s’étaient compromis pour la défense de leur bienfaiteur. Enfin, le 5 août de la même année, intervint un dernier acte. Le roi, par lettres données à Courcelles, près Souvigny, rendit aux enfants de J. Cœur une partie des biens qui composaient leur patrimoine, moyennant quittance, et, en quelque sorte, moyennant le pardon, accordé par ces enfants à la justice et à l’autorité qui avait frappé leur père. L’autre partie fut maintenue entre les mains des courtisans qui s’étaient approprié ses dépouilles[86].

Il y a entre Jacques Cœur et Jeanne Darc la distance du beau ou du grand au sublime. Ces deux personnages ne sauraient donc être mis sur le même rang. Mais, dans la balance de l’histoire, le second reproche adressé à la mémoire du roi, qui abandonna ces deux victimes, le reproche qui concerne Jacques Cœur, pèsera d’un poids plus grave que le premier. Charles VII, lorsqu’il méconnut Jacques Cœur, était dans la plénitude de sa fortune et dans la maturité de sa vie. Pour effacer cette seconde tache, il ne fit rien qui puisse désarmer, en sa faveur, la juste rigueur de la postérité.

Charles VII, en sacrifiant Jacques Cœur, tua de ses mains la poule aux œufs d’or. Le premier résultat de cette iniquité fut la ruine de Montpellier[87].

En 1451, au moment où, plus téméraire que René d’Anjou, le roi de France faisait arrêter le futur amiral du saint-siège, Charles VII commettait l’une de ses erreurs les plus déplorables, l’erreur la plus aveugle et la plus imprévoyante. Nous allons dire en quoi consista cette erreur. Charles VII, éclairé par l’adversité, avait institué l’armée nationale. Cavalerie ; infanterie, artillerie, lui durent, en quelque sorte, l’existence. Mais une lacune de cet édifice laissa la défense du pays imparfaite. Notre marine militaire, issue, comme les marines étrangères, de la marine marchande, naquit seulement au dix-septième siècle. Un seul port, qui fit des prodiges, il est vrai, la Rochelle, reçut, pendant tout ce règne, des encouragements efficaces. L’expédition de 1436, dirigée contre Calais, échoua par l’absence de marine. En 1451, le roi, vainqueur des Anglais en Normandie, implorait les vaisseaux du Castillan pour soumettre la Guyenne. Le secours d’une marine nationale eût épargné à ce roi les terreurs que lui coûta l’occupation des côtes normandes, à peine recouvrées. Elle lui eût épargné le débarquement de Talbot et l’insécurité du royaume, qui dura aussi longtemps que dura la possession de Calais par l’Angleterre.

On a comparé, non sans raison, Jacques Cœur à Colbert. Nous ajouterons au parallèle ce nouveau trait c’est que Jacques Cœur, ainsi que Colbert et deux siècles avant Colbert, était l’homme qui devait créer la marine militaire de la France.

 

NOTES COMPLÉMENTAIRES.

A. — Le roi, par ses lettres du 5 août 1457, s’était réservé un certain nombre de créances dues à Jacques Cœur, pour en disposer à son gré. Nous voyons figurer sur cette liste, parmi divers chevaliers et écuyers débiteurs de l’argentier, cette mention : 405 livres 45 sous, que lui debvoit Jehan le Carroyer. Le héraut Berry est également compris parmi les débiteurs. Clément, t. I, p 288. Mais le compatriote de J. Cœur mérite une place à part dans cette énumération, composée en si grande partie d’ingrats. G. le Bouvier protesta contre la condamnation de J. Cœur par la seule voie qui fût possible à un chroniqueur royal : la protestation du silence. Voyez sa Chronique.

B. — Abus des confiscations. Épisode. - Spécimen de la justice criminelle.

Louis de Courcelles, chevalier, seigneur du Breuil, d’Aurouze et de Beaulieu, était bailli des montagnes d’Auvergne. De 1432 à 1434 environ, et de concert avec l’évêque de Saint-Flour, nommé Jacques le Loup, il se rendit coupable de crimes nombreux et de graves excès. L’évêque avait été condamné par la cour du parlement à payer 400 écus d’or, comme réparation de dommages, à un nommé Mercier. Il associa à ses intérêts le bailli, qui, de son autorité et nonobstant appel, fit pendre Mercier. Nouvel appel au roi par les frères de la victime. Un huissier, porteur de lettres royales, se dirige vers le château d’Aurouze, pour arrêter le bailli. Mais Courcelles, informé de cette commission, aposte sur la route dix à douze compagnons. L’huissier est saisi au passage, battu cruellement. Ces gens lui enlèvent ses lettres et lui en font manger le sceau de cire : Dictum sigillum nostrum comedere fecerunt.

Un autre adversaire de Louis de Courcelles se nommait Jean de la Fons. Saisi par les sergents du bailli, Jean fut traîné de prison en prison, puis détenu, pendant dix à douze semaines, dans la fosse (oubliette) du château d’Aurouze, et mis à rançon. Le prisonnier se refusait à concéder cette rançon. Pour l’y contraindre, un jour de grande chaleur, le bailli fit tirer le prévenu de sa prison ; celui-ci fut mis à nu, garrotté et exposé en plein soleil dans un petit pré,

le corps oint de miel. Les mouches appelées taons le couvraient de piqûres. Durant ce supplice, Courcelles et ses gens, qui étaient présents, lui crachaient sur la face et urinaient sur son corps. In faciem ejusdem Johannis de la Fons spuebant contra que eum mingebant.

Traduit enfin devant le parlement de Paris, et poursuivi par le procureur général (Jean Dauvet), Courcelles fut condamné à être traîné sur la claie, décapité, puis écartelé. L’arrêt, en date du 2 mars 1454 (nouv. st.), nous a fourni les détails qui précèdent. Louis de Courcelles s’était enfui et demeura contumax (X. X. 8859, P., 343 à 345). Riais ses biens furent saisis et confisqués. Le roi abandonna 6.000 écus d’or, produit partiel ou total de cette confiscation, à Louis de Bohain, ou de la Rochette, son maître d’hôtel. llai5 celui-ci dut partager ce don avec deux autres personnes de la familiarité du roi. Il céda 1.000 écus d’or à sa cousine Antoinette de Villequier ou de Maignelais, et 500 écus à Antoine de Chabannes. Ainsi le prouvent les quittances originales données scellées et signées par Antoinette de Maignelais, par Antoine de Chabannes et par Louis de la Rochette, qui nous sont restées. J. J. 475, n° 99, 1, 2, 3.

 

 

 



[1] Duclos, Pièces, 1746, p. 45 et suiv. Titres scellés de Clairambault, vol. 207, f° 8991.

[2] Titres scellés, ibid., f° 8989. A Nicolas Palmier de Valence, le pénultième jour d’octobre, pour xviij aulnes de satin figuré noir, achaté de Regnauld Bernard, marchand demeurant à Tours, lequel drap ledit seigneur donna à son derrenier partement de Tours à Madamoiselle Marguerite de Villequier, damoiselle d’honneur de la royne, au prix de iij escuz l’aulne ; vallant xxij escuz. Comptes de René, P. P. 1339, f° lxviij v°. Anselme, Aubusson et Levis. Acte signé T [oinine] de Villequier : Titres scellés, ibid., f° 8799. Ms. fr.10371, Etrennes de 1452 et années suivantes, passim. P. P. 110, f° 235, etc.

[3] Anselme, Maignelais, t. VIII, p. 5404. Le jésuite Bussières, à propos du voyage d’Agnès en Normandie, apprécie dans les termes suivants les motifs de ce voyage : Eum Agnes convenit formosissima illa sui seculi mulier, in speciem utquid arcanæ conspirationis retegeret, revera ut amantem instauratis illecebris seu recusa compede, revinciret. Historia Francica, 1671, 2 vol. in-4°, t. I, p. 611.

[4] Anselme, Ms. n° 10 de D. Grenier, Picardie, f° 13 v°. Beauvillé, Documents historiques sur la Picardie, 1860, in-4°, p. 119.

[5] J. J. 179, f° 186. A cette époque et d’après un témoignage qui parait fort authentique, il procura (moyennant 12.000 écus qui lui furent donnés) à Blanche d’Aurebruche des lettres de rémission, octroyées au nom du roi en faveur de cette dame, meurtrière de son mari. Blanche à Aurebruche, par G. de Beaucourt, 1863, in-8°, p. 16.

[6] Maichin, Histoire de Saintonge, 1671, in-fol., p. 141. J. Chartier, t. II, p. 213, .226. J. J. 180, acte 127. Delort, Essai, etc., p. 224. André de Villequier figure au tournoi de Saumur en 1448. René-Quatrebarbes, t. I, p. lxxix, note, il assistait au conseil de guerre tenu en juin 1449 aux Roches-Tranchelion. J. J. 179, f° 186. On le trouve mentionné parmi les principaux capitaines à l’entrée de Rouen. Escouchy-Beaucourt, t. I, p. 241. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 16. Cabinet des titres : Villequier.

[7] Ms. Gaignières, p 113. Arcere, Histoire de la Rochelle, t. II, p. 564. La Raque, Histoire de la maison d’Harcourt, t. IV, p. 1181.

[8] Ms. fr. 5909, f° ijcvj-vij. Massiou, Histoire de Saintonge, t. II, p. 302. Catalogue Joursanvault, n° 2793. Dom Housseau, n° 3941, 5944, 5772. Cabinet des titres : Villequier. Titres scellés, vol. 207, f° 8991 à 8997. Arcère, Histoire de la Rochelle, t. I, p. 87. J. J.186, fis 7, 32, etc. Mémoires de Bretagne, 1744, t. II, col. 1546. Carré de Busserolles, Recherches sur la vicomté de la Guerche, Tours, 1862, in-8°, p. 7. Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, à la table : Villequier. Biographie Didot : Chamber.

[9] Titres scellés, vol. 175, f° 5897 ; vol. 207, f° 8997. Cabinet des titres : J. Cœur, Inventaire des effets, etc. ; f° 11. K. K. 52, f° 30. P. P. 2299, f° 56. D. Vousseau, n° 3940. P. P : Mémorial L de la Chambre des comptes, etc. J. Chartier, t. II, p. 248-9. Gruel, p 403. Du Clercq, p.26. Ordonnances, t. XIV, p. 196. Etc. Au moment où le roi revenait de Guienne en Poitou (vers septembre 1453), les gens de Compiègne envoyèrent auprès de lui et solliciter le fait de la dite ville devers mademoiselle de Villequier, et maître Estienne Chevalier, ou chastel de Villedieu où estoit le roy ; où on entroit à très grand peine, Lépinois, Archives de Compiègne, C. C., 19 ; Biblioth. de l’École des chartes, t. XXIV, p. 496. Quittance originale sur parchemin donnée par Anthoinette de Maignelais, le 17 août 1454 ; avec son sceau, signature autographe. J. 475, n° 90, 5. D. d’Arcq, Inventaire des sceaux des archives, n° 2651.

[10] Itinéraire. Tapisserie de la Rochefoucauld, dans Gaignières, Tapisseries et devises, Cabinet des estampes, P. c. 18, a, f° 1. Recherches sur Agnès, p. 486. Comptes des deniers ordonnez pour le fait des estrennes données par le roy ; 1452, 3, 4. Ms. s. fr. 1160. Le 15 mai 1451, déjà la place de Fronsac s’était rendue aux lieutenants victorieux du roi de France : cependant les dépêches et les instances réitérées de Dunois n’avaient pu déterminer le prince à quitter ses retraites de la Touraine. Dunois lui écrivit de nouveau qu’il se tirât avant en pays et qu’il se devoit loger en la ville de Libourne, pour tant que elle estoit grande et spacieuse. A ces pressantes sollicitations, Charles VII finit par céder et choisit comme résidence... le château fermé de Taillebourg.

[11] Escouchy-Beaucourt, t. I, p. 336, 367. Itinéraire. Ms. Moreau, ne 252, f° 109, 110. J. J. 176, n° 9 et 10. J. J. 183, n° 151. D. Housseau, n° 5776. Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, 1840, p. 408. Ci-dessus, t.1, p. 129, note 1. 1451, février 6, donation du roi aux Célestins de Notre-Dame d’Aubert en la forêt d’Orléans. K. 68, n° 40. L. d’Anisy (Calvados), t. II, p. 394, n° 172. 1451, Mars 23, le roi donne 300 écus d’or pour achever la châsse de saint Martin de Tours. Ms. Baluze, n° 77, f° 361. 1451, avril 15, le roi à Sainte-Catherine de Fierbois (pèlerinage). Ms. Gaignières 286, f° 26 v°. 1451, décembre, et 24 avril 1453, le roi, abbé de Saint-Hilaire de Poitiers, y vient faire son entrée solennelle et ses dévotions. A la première de ces dates on lit : Les cérémonies de sa réception ne sont pas expliquées dans nos actes ; il n’y est parlé que du bonnet qui fut acheté pour lui, Rapallion, Histoire de Saint-Hilaire, Ms. de la biblioth. de Poitiers. Recherches sur Agnès Sorel, p. 493 et suiv.

[12] Charles le Bien Servy : Ms. 137 Notre-Dame, à la fin ; Chronique Antonine ; Ms. fr. 1371, f° 5237 v°, 244, etc. Monstrelet d’Arcq, t. IV, p. 129. Escouchy-Beaucourt, t. I, p. 4 ; Charles VII et ses conseillers. J. Le Boursier, natif de la Rochelle, était maire, en 1450, de cette grande cité maritime. Chenu, Antiquitez du Berry, etc., 4621, in-4-, P. 242. Le roi, de 1450 octobre à 1451 fin septembre, donne 1.000 liv. t., pour avoir 100 marcs d’argent, à Louis De La Rochette, son maître d’hôtel, marié à Jeanne de Villequier, dame des dartres. K. K. 52, f° 12 et 21. Jeanne de Villequier parait avoir été une troisième sœur d’André. Voyez Cabinet des titres, dossiers bleus : Villequier. 1451, octobre 21, le roi mande à Jean de Lévis de mettre gardes aux châteaux du Dauphiné, par main forte et armes, attendu l’absence du Dauphin, son fils. Titres de Bourbon, inventaire Luillier, Forez, liasse 4, pièce n° 151. Anselme, Maignelais.

[13] Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 53 et suiv. Buchon, Panthéon littéraire, vol. de Du Clercq, Documents sur Jacques Cœur, p. 612 b, 660. P. Clément, Charles VII et J. Cœur, p. 8 et suiv. : En 1421, Jehan du Cueur, éperonnier à Bourges, vend à Charles VII, Dauphin, quatre paires d’éperons. J. Chartier, t. III, p. 308, 309. En 1374, Jean Cuer était monnoyer du roi à Paris : J. J. 106, f° 115 v°, acte 207. Nous trouvons enfin, en remontant plus haut, Gile ou Gillet le Cuer, qui figure plusieurs fois comme préteur ou créancier du roi saint Louis, de 1248 à 1256. Historiens de France, t. XXI, à la table. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, 1731, in-fol., t. III, p. 142. La Thaumassière, Histoire du Berry, p. 83 à 91.

[14] Alias le Dampnois. Ravant ou Ravan (Sanctus Ravannus), et non Ravaut. Dampnoy est un mot français du treizième siècle (Glossaire de Sainte-Palaye). Nous entrons clans ces détails pour montrer que le nom de ce personnage n’indique pas, comme on pourrait le croire, un étranger.

[15] Ms. S.-G. fr. 572, p. 793 et suiv. Ms. Dupuy 551, f° 71 et suiv. Ms. fr. 5024, f° 81 v°. J. Chartier, t. III, p. 323.

[16] Ms. S.-G. cité. Ms. 5024, f° vjxxvij v°. Communications de MM. Adrien de Longpérier, Chabouillet, Anatole de Barthélemy et Nat. de Wailly.

[17] Mss. Saint-Germain et Dupuy cités.

[18] La compagnie Cœur et Godart frères s’exerçait en tout fait de marchandise et mesmement au fait du roy, de monseigneur le Daulphin et d’autres seigneurs, et en toutes autres choses dont ils pouvoient faire leur profit. Pièces relatives à J. Cœur, dans Buchon, p. 656.

[19] Aigues-Mortes était alors le seul port de la monarchie dans la Méditerranée.

[20] Depping, Histoire du commerce entre l’Europe et le Levant, 1830, in-8°, t. I, p. 34. Pardessus, Collection des lois maritimes, 1834, in-4° ; t. III, p. lxxix, cix et suiv. Julliany, Essai sur le commerce de Marseille, 1842, in-8°, t. I, p. 36. E. di Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes, passim. C. Port, Essai sur le commerce maritime de Narbonne, 1854, in-8-, p. 125, 163, etc. Germain, Histoire du commerce de Montpellier, 1861, in-8°, t. I, p. 14, 71 et suiv. J. 496, Gènes, 1312-1475.

[21] Biographie Didot, article Rapondi.

[22] Voyage en Terre sainte, de Bertrandon de La Broquière. Ms. fr. 5639, f° 8 v°. Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, t. V, p. 422 et suiv. et 490.

[23] Raynal, p. 59. Z. Z. 3158, f° xxix v°. Delombardy, Catalogue Rignault, 1848, in-8°, p.125, n° 175. Combrouse, Monnaies nationales, n° 304. A cette période (1422-1436 ?), nous rapporterons volontiers la lettre si curieuse et sans date d’année (Bourges, 8 avril), adressée par J. Cœur à Hélion de Barbançois, capitaine de Saint-Benoît près Chinon, relative à une dénonciation de faux monnayage. P. Clément, t. II, p. 43-4. Cf. Chaumeau, Histoire de Berry, 1566, in-fol., p. 240.

[24] J. Cœur, pour ses deux voyages accomplis en 1436, reçut 60 moutons d’or. Titres scellés, vol. 175, f° 1403. Ordonnance de 1438 : dossier de Jacques Cœur au Cabinet des titres. 1439, février (n. s.), mandement des généraux conseillers du roi sur les finances, pour verser 550 liv. à Jacques Cœur, commis à l’argenterie du roi, pour convertir, à cause de son office, ès estrainés duit. seigneur du jour de l’an dernier passé. Dans un compte du 1er octobre 1439 au dernier juin 1440, on lit : Pierre Joubert, clerc de J. Cuer, argentier du roi. Ms. Gaign. 772/1, p. 578. Voyez cabinet des titres, dossier Cœur, acte du 12 janvier 1441 (nouveau style).

[25] Moniteur du 6 avril 1853. Notice sur Jacques Cœur.

[26] Chenu, Antiquitez de Bourges, 9621, in 4°, p. 14, 16. Lettres de 1437, vérifiées en la chambre des comptes, le 24 janvier 1446-1447, Ordonnances, t. XIII, p. 234. Ms. Dupuy 755, f° 108 v°. Ms. Colbert, vol. 214, f° 295. La Thaumassière, p. 83 et à la fin. Inventaire. Ms. lat, nouv. acq., n° 15, p. 233.

[27] Le titre de cette fonction était visiteur général des gabelles. J. Cœur, dès le mois d’avril 1441, paraît avoir été chargé de cet office. C’est ce qui nous semble résulter du texte combiné de deux ordonnances qui font partie du recueil imprimé au Louvre. L’une est du 10 avril 1441 (voyez Ordonnances, t. XIII, p. 329) ; l’autre du 10 octobre 1455 (t. XIV, p. 367).

[28] K. 67, n° 16 et 16 bis. 1443, mandat financier ; le roi charge J. Cœur de faire acheter à Gênes certain nombre de cuirasses et de brigandines, tant pour sa personne que pour les seigneurs de son sang. Inspection : Ms. Fontanieu 119, au 12 mars 1443-1441. Archives de Montpellier, Cayers des doléances, t. I, p. 36 à 94. K. 690, de 1446 à 1451. Mines : P. P. 110, f° 259, 260. Rapport de M. Fournet sur le Mémoire de M. Poyet, relatif aux mines du Lyonnais, etc. Lyon, 1861, in-8°. Papeterie de Bourges aux armes de la famille Cœur : Revue archéologique, 1860, t. II, p. 150.

[29] D. Vaissète, t. V, p. 3 et suiv. ; preuves, col. 4 et 5. Capmani, Memorias historicas sobre la marina, comercio, y artes de Barcelona, Madrid, 1779, in-4°, t. II, p. 249. Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes, p. 185.

[30] Cabinet des titres, J. Cœur, 144 et ann. suiv. Ordonnances, t. XIII, p. 456. Charles VII et ses conseillers. Ci-dessus, t. III, p. 128, 131, 165, 186, 204. J. Chartier, t. II, p, 239. N. Gilles, 1557, f° xciij.

[31] Ms. fr. 2491, nouv. acq., f° 18 à23. Comptoir à Bruges, K. K. 328, f° xvj, xxxj, vcvj v° et suiv. Basin, t. I, p. 243. Raynal, p. 66. Pardessus, loc. cit. Escouchy, t. II, p. 280. Dans leur session de septembre 1444, les états du Languedoc, en présence de J. Cœur, commissaire, demandent au roi le développement de leur marine, et s’applaudissent des résultats déjà obtenus. Cayers des doléances, t. I, f°14 et 15. En 1449 (après plusieurs votes semblables), les états accordent 4.000 livres de gratification à J. Cœur pour les dépenses par lui faites pour entretenir le fait de la marchandise par le moyen des galères, navires et autres fustes, D. Vaissète, t. V, p. 12, 14. P. Clément, t. I, p. 165, etc. Répété encore : Cab. des titres, 15 mai 1430. 1456, don à J. Cœur, par le roi, d’une maison à Lyon : P. P. 110, f° 2t6. Il en possédait plusieurs en cette ville. Par décisions des 4 mai et 17 juin de cette année, les élus lyonnais rayent J. Cœur du rôle des tailles comme propriétaire, vu qu’il pourroit plus nuire à la ville que qui que ce soit. Péricaud, Notes sur Lyon, p. 56. Archives de Lyon, B. B. 7 ; Registres, ann. 1455-1464. Archives Soubise, X, X, 5491, sous la date du 13 juillet 1484. Communication de M. Lot, archiviste aux Archives de l’Empire.

[32] Julliany, Essai sur le commerce de Marseille, t. I, p. 37. Salvador, Histoire du commerce du Levant, 1856, in-8°, p. 116 à 159. P. Clément, t. II, p. 326. Escouchy, t. I, p. 124. Item une boyte de boys toute ronde, où il y a du baume, donnée à l’église de Bourges par feu monsr Jacques Cœur. Girardot, Inventaire des joyaux de la cathédrale de Bourges, seizième siècle ; dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XX1V, p. 215, n° 43. Une layette en laquelle y a une fiole, où il y a du baume. Inventaire de J. Cœur, Ms. fr. nouv. acq., n° 2497, P 50. Cette même année, J. Cœur acheta des chanoines une partie du terrain de la cathédrale, où l’édifice menaçait ruine, et la reconstruisit à ses frais. Il fonda en même temps la librairie de la cathédrale et la chapelle des Cœur. Raynal, p. 63. Girardot et Durand, Description de la cathédrale de Bourges, 1849, p. 93 à 165. Etc., etc.

[33] J. Cœur reçoit, le 11 août 1447, 200 liv. sur le pays d’Auvergne, comme capitaine de Saint-Pourçain pour la garde de cette place ; le 9 juillet 1450, à Caen, 2 minets de sel (dus au titre de son office) pour la dépense et fourniture de nostre hostel ; le 12 du même mois, 812 liv., somme que j’ai prestée et despendue à faire la poursuite de certains larrons qui avoient desrobé aucun des clercs d’Et. Petit, receveur général du Languedoc, et osté 500 escus de sa recette ; etc. Cab. des titres : J. Cœur. Ms. fr. 5909, f° ijcxvij v°. Ms. lat. 5414 A, f° 78. Chronique de Lalain, p. 659. Pénicaud, Notes sur Lyon, p. 57. J. Chartier, t. II, p. 55 et suiv. Sur les entreprises variées de J. Cœur et de ses facteurs, voyez Ms. fr. nouv. acq., n° 2497, f° 18, 19 et suiv.

[34] Berry, p. 458. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 281 et suiv. Basin, t. I, p. 244, 321. J. Chartier, t. II, p. 239. N. Gilles, J. du Clercq (Panthéon), p. 15. L’entretien raconté par Escouchy parait se rapporter à une époque voisine de 1447. En juin 1447, le roi et Agnès Sorel habitaient le château de Bois sire-Amé, qui appartenait à Artault Trousseau, vicomte de Bourges. Ce château fut réparé aux frais du roi, par les soins de J. Cœur. Dans le même temps (juin 1447), Perrette, fille de Jacques Cœur, épousa (probablement à Bois-sire-Amé, en présence du roi) Jacquelin, fils d’Artault Trousseau. Itinéraire. Buchon, Panthéon, vol. de Du Clercq, p. 639. P. Clément, t. II, p.269 et suiv. Sur la gêne financière de Charles VII avant la campagne de Normandie, voyez, à la date du 28 avril 1448, l’acte rapporté par le Dr Voillemier, Essai sur les monnaies de Beauvais, 1858, in-8°, p. 99, 100.

[35] Basin, t. I, p. 321. D. Vaissète, t. V, p. 13. G. Chastellain porte à 400.000 écus la dette du roi envers J. Cœur. Ce dernier, dit-il, avoit prêté à son maistre deux cens mille escus de prest, et deux autres cent mille pour le recouvrement de Normandie. Temple de J. Boccace, dans P. Clément, t. I, p. xxij. Le dossier de J. Cœur (Cab. des titres) contient la quittance originale, signature autographe, des 60.000livres prêtées par l’argentier pour le recouvrement de Cherbourg. Le sceau, de cire rouge, subsiste, mais très fruste. Ecu penché, aux armes : 3 cœurs 2 et 1, et 3 coquilles de saint Jacques, sur une fasce. Heaume surmonté d’un ange tenant un phylactère, devisé presque illisible. Légende du bord : Scel Jacques Cuer conseiller et argentier.

[36] 1449, vers décembre, don à Guillaume de Varie, premier clerc de J. Cœur, d’une maison à Rouen, confisquée sur les Anglais. P. P. 110, f°223. Ms. fr. 2497 nouv. acq., f° 23 v°. Jean Cœur, né vers 1424, étudiait à Paris en 1443-4. Sa bourse universitaire était de 10 sous parisis. Il détermina ès arts sous Jean Béguin. Licencié et incipiens de régence en avril 1445 : Registre n° 1 de l’Université, f° 9 et 25. Chanoine de Saint-Martin du Tours le 11 juillet 1446, bis. Baluze 77, f° 554.

Nicolas Cœur avait pour supports de ses armes, imitées de son frère, trois morts ailés portant sur un phylactère cette triple devise : Morir convientSouvent advientEt n’en souvient. — Ms. latin 699, f° 1.

Vers septembre 1430, Charles, duc d’Orléans, envoie à Jacques Cœur, conseiller du roi, à Tours, quatre poinçons de son vin clairet. A. Champollion, Louis et Charles, etc., p. 366. 26 juillet 1451, quittance de 762 liv, t. à moy données par le roy, à Taillebourg, le 22e jour de ce présent mois, pour m’aider à entretenir mon estât et estre plus honorablement en son service (Cab. des tit., J. Cœur.) J. Chartier, t. III, p. 327. Chronique martinienne, f° ccxcvij. P. Clément, t. II, p. 334. Commynes, éd. L. Dufresnov, 1747, in-4°, t. II, p. 520. Il paraîtrait que J. Cœur était à la veille, lorsqu’il fut arrêté, de créer une nouvelle entreprise commerciale. On lit dans un inventaire de ses papiers : La compagnie de J. Cœur, Guill. de Varie, Hervé Paris, fondée en Flandres, signée des dessus dits, le 1er jour d’aoust 1451. Ms. fr, nouv. acq., n° 2497, f° 46. K. K. 328, f° xvj et suiv. cités.

[37] Ms. fr. 2899, f° 79 v°. Cf. Ms. Fontanieu 121, au 14 décembre 1450 (J. Bureau). Le 22 août 1451, les noces de Thoinine de Villequier avec J. de Lévis, favori du roi, se célébraient au château de Taillebourg, en présence de Charles VII. (Anselme, t. IV, p. 29, A.)

[38] Xaincoins, aujourd’hui Saincoins, chef-lieu de canton (Cher). Cabinet des titres, dossier Xaincoins. Ms. Gaignières 772, 1, p. 577. Biblioth. de l’Éc. des chartes, t. XXIV, p. 493. Charles VII et ses conseillers, au mot Saincoins. J. Chartier, t. II, p. 244. 13 septembre (1450 ?) : Unes lettres adreçans au roy et signées bastart d’Orléans, Culan et Brezé, par la quelle ils lui rescripvent certaines choses touchant Xaincoins et le paiement des gens de guerre ; icelles lettres eccriptes à Harecourt le xiije jour de, etc. Ms. fr. nouv. acq. 2497, f° 29 v°. Le sire de Culan, à son tour, fut disgracié pour ce qu’on disoit qu’il avoit pris l’argent d’ung quartier des gens d’armes. A la poursuite d’Ant. de Chabannes, Jacques de Chabannes, son frère, supplanta Culan. Chron. martinienne, f° 249. Jean I Barillet de Saincoins, anobli en 1446, mourut en 1449 à Saincoins, laissant de sa femme, Marguerite Richard, trois enfants, savoir : 1° Jean II de Saincoins, seigneur de Cangé, Bucy, Champagné, Oiron, etc. Ce trésorier général, objet de la présente note, mourut à Paris en 1495. 2° Pierre Barillet, conseiller au Parlement de Toulouse, évêque de Viviers en 1464 ; 3° Jeanne Barillet, mariée en 1441 à Étienne Petit, receveur général en Languedoc, anobli en 1451, mort à Montpellier en 1465. Tapisseries Gaignières, Cabinet des estampes P. C. 18. a., f° 59 à 63.

[39] En avril 1449, Martin Roux. receveur du haut pays d’Auvergne, vint à Tours réclamer un dégrèvement pour cette province. Ms. Gaignières 2765, f° 11. Voyez aussi Cabinet des titres : dossier La Fayette, au 18 août 1446.

[40] J. Chartier, Du Clercq, p. 26. A Me Blaise Gresle ou Greslé, conseiller du roy, 700 liv. t., que le roy lui avoit ordonné pour ses peine et salaire d’avoir vacqué par son ordonnance depuis le 1er juillet, etc., à faire certaines informations et procès à l’encontre de Martin Roux (ci-dessus nommé, etc.). Ms. Gaignières 567, pièce 46. Précigny, rentré en grâce sous Louis XI, signa les lettres de restitution, de 1463, aux enfants de J. Cœur (Godefroy, Charles VII, p. 863). Le 6 novembre 1410, le chapitre de Saint-Étienne de Bourges fit célébrer une messe pro domino argentario. Girardot, Notice sur cette cathédrale dans les Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais, 1853, t. II, p. 84. Ms. Fontanieu, cité ci-dessus, t. III, p. 129, note 1.

[41] Ibid., P. P. 110, f° 227, 229, 275, 276. Ms. fr. 8438, P 81. Ms. fr. nouv. acq., n° 2497, f° 29 v°. Ms. Gaignières 771, f° 114. Niel, Portraits du seizième siècle, article Goufier ; Mémoires de la Société archéologique de Touraine, 1859, 1. XI, p. 310. Anselme : Bueil, Goufier, Amboise. Sur les Fradet : Cabinet des titres ; J. Chaumeau, p. 145 ; La Thaumassière, p. 1147 ; Girardot, Cathédrale de Bourges, 1849, in-12, p. 79. J. Chartier termine le chapitre relatif à Saincoins par ces mots significatifs : Et est cette affaire bien à noter pour donner exemple aux autres, et pour plusieurs autres causes. J. de Saincoins réclama Oiron sous Louis XI et fut momentanément réintégré dans cette propriété. Mém. de la Soc. des antiq. de l’Ouest, 1839, p. 184 et suiv. Traité du péculat, vers 1667, in-4°, p. 47.

[42] Un lieu de descendance généalogique rattachait le surintendant de Louis XIV à l’argentier de Charles VII. Nicolas Fouquet eut pour femme Marie-Madeleine de Castille, issue de Geoffroy Cœur, fils de Jacques, marié à Isabeau Bureau. Voyez Godefroy : Charles VII, p. 872.

[43] La Thaumassière, p. 278. Raynal, p. 66. Bulletin de la Société des antiquités, etc., du département du Cher, 1836, in-8°, p. 25. Chastignier, Notice sur Jacques Cœur, dans le Compte rendu des travaux de la Société du Berri, 1859.

[44] Mérimée, Rapport au ministre de l’intérieur, 1858, reproduit dans P. Clément, t. II, p. 261 et suiv. Raynal, loc. cit. Hazé, Notice pittoresque sur les monuments du Berri, 1834, in-4° et 30 planches. Gailhabaud, Monuments anciens et modernes, 1850, in-4°, t. III, 6 planches ; texte par M. Ad. Berty. L’Illustration du 3 mars1849, p. 8, 7 dessins. Viollet Le Duc, Dictionnaire d’architecture, 1863, in-8°, t. VI, p. 277 et suiv., 2 plans et vue cavalière. Photographies, 1864. Communications de M. Bailly, architecte du gouvernement, chargé de la restauration de l’édifice. Nous avons de plus sous les yeux plusieurs dessins inédits, pris sur les lieux dans nos diverses visites à Jacques Cœur.

[45] Ou fleur de lis croisée, usitée surtout au quinzième siècle. On en voit encore les hampes, fermant comme des tiges de girouettes. Hazé, planche 30. Il y avait à l’intérieur : une chambre de tapisserie, faicte de cerfs-volans, (pour ces particularités héraldiques, voyez Tapisseries Gaignières, Pc. 18, a., f° 1.) et aux armes du roy ; Raynal, p. 87.

[46] Une seconde entrée, ou entrée de service, existe à l’extrémité des bâtiments, dans cette direction.

[47] La cloche destinée à sonner l’heure dans la maison fut fondue en juillet 1450. (Inscription de cette cloche estampée sur place en 1349.)

[48] Nous trouvons dans un inventaire de Jacques Cœur deux paires (quatre jeux) de belles cartes ; à chacune une bourse (chemise) de taffetas vermeil de Florence ; mises en une petite layette longue, Ms. fr. nouv. acq, n° 2497, f° 50.

[49] Cette galerie est marquée en D sur le plan à terre donné par M. Viollet Le Duc. En icelui temps, en tout son hostel, on ne servoit, en quelque lieu que ce fast, que tout en vaisselle d’argent. Escouchy, apud Clément, t. I, p. XCV et p. 234. La vaisselle de l’hôtel du roi fut constamment en étain. K. K. 52, f° 9 et passim, Mais le roi, personnellement, était servi en or, vermeil et argent. Il en fut ainsi même au temps de sa plus grande détresse. 1428, mai 18, Jean du Mesnil, premier tranchant du roi, reconnaît avoir reçu 200 livres pour les trenchouers (assiettes) du roi, du poids de neuf mares d’argent tout dorez, et pour ses cousteaux de Pâques derrenier passé. » Titres scellés, vol. 74, f° 5767. Voyez le Glossaire de Laborde, au mot Tranchoir. Compte de l’hôtel du roi pour 1458 : Vaisselle d’argent de la cuisine, tant plats que escuelles... Ms. fr. 6750, f° 8 v°.

[50] Godefroy, p. 858 ; probablement d’après quelque portrait original qui subsistait chez la descendance féminine de l’argentier. Nous n’admettons pas l’authenticité du tableau du dix-septième siècle, qui se conserve à l’hôtel de ville de Bourges. L’attribution de cette figure à Jacques Cœur nous paraît être le résultat d’une méprise.

[51] Raynal, p. 81. Hazé, planche 14. Dans cette planche, les figures L, M peuvent représenter Jacques Cœur et sa femme. L’époux tient à sa main le marteau du monnayeur (emblème qui rappelle à la postérité la source de sa fortune), et présente à sa femme une fleur (ou un joyau ?).

[52] Hazé, planche 36 ; le saint Michel (pl. 31) paraît être aussi une charge d’artiste ou caricature des gens de guerre. Un esclave d’Orient figure, comme on le verra bientôt, dans le procès de J. Cœur. En celui jour (3 avril 1429), eut forte escarmouche entre les pages des François et ceulx des Anglois... et n’avoient escuz, sinon de petits paniers, et gectoient pierres et cailloux les ungs contre les autres. Journal du siège d’Orléans, Quicherat, t. IV, p. 143. Le jour de la Trinité 1432, P. Frotier, baron de Preuilly, fait jouter ses meuniers à la quintaine. Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. VI, p, 265.

[53] Hazé, planches 18 et 19. Des palmes et non des plumes. Elles sont répétées en sculpture ; Hazé, pl. 13, P. de Brezé, ami de J. Cœur, avait aussi des palmes dans sa devise : La plus du monde. Voyez son tombeau à la cathédrale de Rouen. En retudi panda nasti abela mucha : en close bouche n’entre point mouche ; proverbe basque ou bohémien. Mérimée, Carmen, 1852, in-12, p. 106. Oy, voy, lès, etc. (ancien proverbe), c’est-à-dire : écoute, observe et te tais ! — ... Le marissal qui savoit faire et taire. Chastelain, Œuvres, t. III, p. 182.

Vous qui à court royal servez,

Entendez mon enseignement

Oyez, voiez, taisez, souffrez,

Et vous menez courtoisement.

(Ballade d’Eustache Des Champs ; éd. Crapelet, p. 26.)

[54] Ik do ais ik kan, nici so ais ik will : je fais comme je peux et non comme je veux ; proverbe flamand du temps des Van Eyck. Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XVII, p. 193, note 1. Riche comme Jacques Cœur. — Le roi fait ce qu’il peut Jacques Cœur, ce qu’il veut ; dictons traditionnels en Berri, Lyonnais. Cf. Poésies de Villon, cité dans Raynal, p. 93 Bernard, Histoire du Forez, 1835, in-8°, t. II, p. 63. Sur la devise : A vaillants cœurs, etc., voir la ballade adressée par le poète Vaillant à son contemporain J. Cœur. Lincy, Chants populaires, 1811, t. I, p. 315-6. Cette devise est celle, si je ne me trompe, qui décorait aussi le sceau de J. Cœur, d’après l’exemplaire unique indiqué ci-dessus (Phylactère), en note.

[55] Hazé, p. 54 et suiv. Illustration citée.

[56] Isabeau de Bavière, en couches, s’éclairait, la nuit, d’une laterne ou absconse. On peut voir ici Diogène cherchant un homme, ou tout simplement la lanterne, c’est-à-dire l’aide et le témoin de la veillée laborieuse.

[57] Plusieurs personnages de ce nom, au temps de Charles VII, furent célèbres dans l’Université, et d’autres ailleurs. Maître Jean-Jean, de Paris, notamment, commença en juin 1446 sa maîtrise de médecine. Il put être connu, comme étudiant, de Jean Cœur, fils de Jacques. Peut-être ce Jean-Jean était-il dès lors un type comique ou populaire.

[58] Les principales données historiques de cet emblème sont les suivantes : 1° Louis XI, ou le Dauphin, depuis la Praguerie, n’avait cessé d’attenter à la couronne de son père ; 2° le jeune prince lui-même, en revenant de l’expédition d’Armagnac, avait fait sa cour à la maîtresse du roi. — L’erreur générale est d’avoir pris le jeune prince, pour J. Cœur, qui, en 1450, avançait vers la soixantaine. Suivant M. Ubicini (Société du Berri, 1860, in-8°, Notice sur J. Cœur, p. 30), l’oiseau qui perche du côté du fol est un coucou, et complétait l’allégorie. Cette interprétation, quoique hardie, n’a rien, historiquement et philologiquement, d’invraisemblable. Cependant l’oiseau (un oiseau quelconque) et le lapin se retrouvent souvent, comme attribut général de paysage, dans les monuments figurés de cette époque.

[59] Ainsi on remarquera le style impersonnel des figures, notamment celle du roi barbu. — Nous croyons pouvoir identifier sous son propre nom RENAUD BOISSEAU, l’artiste qui, dans tous les cas, fut le principal interprète de la pensée de J. Cœur. Cet artiste a également orné de ses ouvrages, encore visibles, la cathédrale de Bourges. Il s’est désigné sous ces différents monogrammes : R. G. (Regnauld, ci-dessus, fig. 1) ; R. D. (Regnauld) ; R. B. (initiales) ; et enfin en toutes lettres sur la porte septentrionale de Saint-Étienne : Reginaldus Boicelli ; porte sculptée aux frais de J. Cœur. Cette forme latine semble indiquer un clerc capable d’avoir dirigé l’ensemble des travaux d’art ou d’architecture de l’hôtel. Cf. Clément, t. I, p. 239 ; chambre de taffetas rouge brodée à R. G.

[60] Cette date correspond à l’époque où la duchesse maria son fils Jean, comte de Clermont, à la princesse Jeanne de France.

[61] Ms. fr. nouv. acq., n° 2497, f° 5 v°, etc. K. K. 328, f° 393 et suiv. Soixante parties (titres, papiers) de feue Mademoiselle de Beaulté, avecques certaines cédules liées ensemble et subscriptes ! Icy sont les parties de la despense de feue Madamoiselle de Beauté, signées de sa main ; dont la mention est faicte en la 103e partie du 3e inventaire. Inventaire des effets de J. Cœur, Cabinet des titres, f° 17. Une cédule missible par laquelle Goufier rescript : Mon parrin, je vous envoie Henriet, au quel je vous prie que bailliez, jusques à la somme de lxx liv., ce qu’il voudra prendre de vous. Ibid., f° 18. Ms. Gaignières 909,2, f°19. 1451, juin 19, règlement de comptes entre la reine et J. Cœur ; 13 avril 1453, quittance de la reine. Ibid., f° 14. Godefroy, Charles VII, p. 862. La Thaumassière, p. 85. Jacques Cœur avait marié sa sœur à Jean Bochetel, qui fut premier secrétaire du Dauphin, lors de sa retraite en Dauphiné (1446), et depuis trésorier de la reine. Mém. de Castelnau, t. III, p. 141. Clément, t. I, p. 219, 283 et suiv.

[62] J. Cœur acquit, le 8 novembre 1447, d’Eustache de Lévis, sire de Caylus, cousin de J. de Lévis, favori du roi, les terres de Boisy, Saint-Haon, etc. (Anselme.) Vues de Saint-Haon et Laubespin au temps de J. Cœur : Armorial Revel, Ms. Gaignières 2896, f° 45, 485. Titres de Bourbon, inventaire Luillier, n° 2436. Ms. fr. nouv. acq., 2497, f» 47. Chaillon des Barres, les Châteaux d’Ancy-le-Franc, Saint-Fargeau, etc., 1845, in-4e, p. 48 et suiv. Déy, Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, Auxerre, 1860, in-8°, p. 70 et suiv. La Thaumassière, p. 84. Godefroy, Charles VII, p., 871. Buchon, p. 577, 629 et suiv., 949 et suiv. Bulletin du Cher, loc. cit. De Vacher de Saint-Géran, Esquisse archéologique sur le château de Saint-Géran, Moulins, 1864, in-4°, fig. Communications de MM. R. de Chantelauze, Coste et Geoffroy, membres de la Diana, société archéologique du Forez. Georges II de La Trimouille, fils de Georges Ier, moult noble et très hault baron, était filleul et parent du Dauphin et fort dans les bonnes grâces de ce prince. Œuvres de Chastelain, édit. Kervyn de Lettenhove, t. III, p. 213. O. de La Marche, p. 509.

[63] Chaillou des Barres. Guillien, Recherches historiques sur Roanne et le Roannais, 1863, in-8°, p. 73, 81 et 108.

[64] Arrêt de condamnation dans P. Clément, t. II, p. 293.

[65] Anselme. Cabinet des titres : Montberon. Escouchy, t. II, p. 289. P. Clément, t. II, p. 142. Une cédule en papier, signée Bérard, le 7e jour de février, 1448-9, contenant que Monseigneur l’argentier a baillé audit Bérard la somme de 300 escus d’or pour envoyer à Mgr de Mortaigne, pour certain appointement fait entre eulx ; item plus, a baillé 500 escuz pour envoyer à la damoiselle de Mortaigne (Jeanne de Vendôme). 1448-9, avril, à François de Montberon, 30 escuz. Inventaire de J. Cœur. Ms. fr. nouv. acq., ne 2497, f° 21 v°, 40, 47 v°. En fin de compte, F. Montberon devait à J. Cœur 42 écus, et Jeanne 530. Lettres du 5 août 1457, publ. dans Clément, p. 550 et suiv. Voir les originaux. Sur les abus judiciaires au quinzième siècle, voyez ci-après notes complémentaires, B.

[66] Clément, p. 335, 368.

[67] Z. Z. 3281, du 27 avril 1436, à la fin du registre.

[68] Item, le xxixe jour d’aoust (ou avril ?), en l’an 1436, fut ordonné donner du marc d’argent, sans nulle muance de poys ne de loy, 7 liv. 8 sous. Et réaux valoient communément 30 sous ; et le peuple les a toujours aymés sur tout autre or. » Ils appartenant à l’auteur du présent ouvrage : livre d’un changeur ou monnayeur du temps de Charles VII, f° 62. 1436, juillet 12, mandement pour donner cours aux écus d’or pour 25 s. t. la pièce, etc. Z. Z. 3158, f, xxvij v°. Le Blanc, Traité des monnoies, p. 300. Delombardy, Catalogue Rignault, p. 25 et suiv. Catalogue Rousseau, 1861, n° 882, 898 et passim. De Wailly, Variations de la livre tournois, 1857, in-4°, p. 45, 47, 49. — De son côté, Ravan Ledanois ne tarda pas à être nommé maître général des monnaies de France. Il l’était à la date du 26 décembre 1431. Z. Z. 3281. Ledanois mourut dans cette charge en 1460, ayant rempli diverses missions de confiance, comme inspecteur général et commissaire réformateur des monnaies en France, en Dauphiné, à Tournay, etc. Z. Z. n- 2757, f° 6 ; n- 3158, f° lviij v°, lxj. Ms. Gaignières 771, f° 133, Ordonnances, t. XIII, p. 571. Etc., etc.

[69] ... La compagnie d’entre G. de Varie, P. Jobert (facteurs de J. Cœur) et Nicolo et Pierie (Pietri ?) de Bonnacors (Buonaccorso), pour une mestier de draps de soye à Fleurence. Ms. fr. nouv. acq., n° 2497, f° 19 et 64.

Otto Castellani cultivait les arts magiques. En 1459, le roi accorda des lettres de rémission à maître Pierre Mignon, qui, après avoir étudié ès arts et en décret à Toulouse, puis à Barcelone, s’était mis en rapport avec Otto Castellani, alors trésorier de Toulouse (vers 1444). Mignon avait fabriqué de faux sceaux. Il fit et livra en outre à Castellani deux figures de cire dites d’envoûtement ; l’une pour mettre feu Jacques Cuer, nostre argentier lors, en male grâce ; et lui faire perdre son office d’argentier ; l’autre pour faire que ledit Otto Castellan, Guillaume Goufier et ses compagnons fussent en rostre bonne grâce et amour. J. J. 190, f° 7, 8, acte 14. Il remplaça J. Cœur comme argentier vers 1454.

En 1455, des négociations diplomatiques étaient pendantes entre le roi de France et celui de Castille, pour terminer diverses affaires contentieuses. L’une des réclamations élevées par la France avait trait à une créance en litige de l’argentier, lequel avait été pourvu de lettres de marque sur des sujets castillans, et, sous l’abri de ce titre, avait fait main basse, à La Rochelle, sur des navires marchands venus d’Espagne. Mais cet argentier n’est pas nommé. Ms. latin 6024, f° 54 et 57 v°. Par la date du document, le fait pourrait se rapporter à Castellani. Il semble toutefois se rattacher plus vraisemblablement à Jacques Cœur.

Otto Castellani fit nommer à sa place comme trésorier de Toulouse, en 1454, un de ses proches parents, selon toute apparence, appelé Vani (Giovanni ?) Castellani. Ms. Gaignières 771, f° 123. Celui-ci exerçait encore au 11 septembre 1456. Cabinet des titres, dossier Bernard, à cette date. Mais la fortune des deux Castellani ne fut pas de longue durée. Otto, comme on va le voir, perdit son crédit. Il fut remplacé dans sa charge par P. Burdelot, commis à l’argenterie, le 26 octobre 1457. Ms. Gaignières 771, f° 934. Giovanni ou Vanni Castellani perdit aussi, vers la même époque, son emploi ; car, au 17 janvier 1457 (ancien style), noble homme Pierre Vidal de Puechbusque était commis à la régence de l’office de trésorier de Tholose. Cabinet des titres, dossier Foix.

[70] On trouvera dans les ouvrages suivants l’analyse et la réfutation complote des griefs imputés à J. Cœur. Nous nous sommes cru par là dispensé de les répéter ici. Ces ouvrages sont : 1° Mémoires (de Bonami), sur les dernières années, etc., de J. Cœur, dans les Mém. de l’Acad. des inscript. et belles-lettres, t. XX, p. 509 et suiv. ; 2° Raynal, p. 73 et suiv. — J. Chartier, t. III, p. 41. J. Du Clercq, p. 84. Basin, t. I, p. 314. Chronique rédigée ou compilée pour la maison de Chabannes, et connue sous le nom de Martinienne, f° ccxcvij. Chastellain, Œuvres, t. II, p. 188. J. J. 185, acte 308, f° 213 ; J. J. 179, acte 134, f. 70 ; J. J. 190, acte 59, f° 21. Ms. nouv. acq., n° 2497, f° 14, 46, 52, etc. Cab. des titres, dossier J. Cœur : Inventaire, etc., f° 31. Ms. lat. 9848, feuillet de garde. Vallet de Viriville, Recherches sur Agnès Sorel, p. 309 à 311. Procès criminel de J. Cœur, Ms. suppl. fr. 350, 8, 9 ; Ms. Dupuy 351 ; Ms. S.-G. fr. 372. Ms. de Mesmes, 401. Ms. Mortemar, 5, etc. Jacopo Colonna, Italien, figure aussi dans le faux témoignage relatif à l’empoisonnement.

[71] Arrêt dans P. Clément, t. II, p. 293 et suiv.

[72] Basin, t. I, p. 316. L’instruction littéraire de J. Cœur se prouve, non seulement par ses signatures, fort nombreuses, mais par deux ou trois lettres autographes, très précieuses et très étendues, qui nous sont restées de lui. Sur ta question de droit : communication de M. Ad. Tardif, professeur à l’Ecole des chartes. Tonsure, procès criminel. Si J. Cœur s’avoua clerc, comme il résulterait d’un seul indice, ou témoignage indirect (Clément, t. II, p. 346), ce ne fut qu’à la dernière extrémité.

[73] K. K. 328.

[74] Archives de Lyon, B. B. 7 (ann. 1455-1464). Raynal, p. 84 et suiv. Clément, L I, p. 244à 256 ; t. Il, p. 30, etc. Cabinet des titres et Biographie Didot, au mot Dauvet. Germain, Commerce de Montpellier, t. II, p. 375, 380 et suiv.

[75] Basin, t. I, p. 315 et suiv. Du Clercq, p. 84.

[76] Mort par assassinat quelques années auparavant.

[77] ... Se sont entremis de poison, du quel m’a esté secrètement baillé advis et que l’on me bailleroit poudres de réalgar et d’arceney (arsenic) en du vin... Pour moy, me demore souffisance d’argent pour nécessités : si est du dedans des joyaux que j’avois en ma sainture, que le dit bon frère me a faict porter aux usuriers... Original sur papier ; collection de M. Chambry. Clément, t. II, p. 192 et suiv.

[78] Un signe analogue est répété au dos, en guise d’adresse ou au-dessous de l’adresse, avec ces initiales : J. d. V. (Jean de Village). Le filigrane du papier est une fleur de lis, très analogue à celle du Ms. fr. 4985, f° 134, exécuté vers 1455.

[79] J. J. 191, actes 234, 235 et 242. Basin. Raynal. Clément, t. II, p. 517 et suiv.

[80] Raynal, p. 94. Basin, t. IV, p. 347. La cédule originale, au certificat authentique sur parchemin, écrit à Rome, nous a été conservée, Ms. Dupuy 760, f° 12. Moniteur, cité. Une médaille italienne, du plus beau caractère, offre le portrait, la tête énergique de ce patriarche généralissime. (Vente Plot, 1864, p. 77, n° 48 et 49.)

[81] Clément, t. I, p. 257 ; t. II, p. 187 ; t. III, p. 422, 423, etc. Desjardins, Négociations avec Florence, t. I, p. 81. Cabinet des titres, Inventaire de J. Cœur ; dossiers bleus, et le P. Anselme : Jean SOREAU. Guillien, p. 89. La Thaumassière, Histoire du Berry, p. 88 et suiv. Buchon, p. 582 et suiv. Inventaire Luillier, liasse 59, n° 2426. Ms. nouv. acq. 2497, f° 61 v°. K. K. 328.

[82] P. P. 118, f° 89. Cette mention est placée à la suite des mémoriaux de Charles VII, et en tête de ceux de Louis XI.

[83] Jean Bouchet, le Panégyric du Chevalier sans reproche, etc. Poitiers, 1527-8, in-4°, feuillet ex. Jacques Signot, la Division du monde, etc. Paris, 1540, petit in-8°, dernier feuillet, verso.

[84] Voici le passage, traduit par le dernier éditeur, M. Bellaguet : Pendant que le duc de Bourgogne avisait, dans le conseil, au moyen de réduire les impôts, quelques gens proposèrent, pour avoir plus d’argent, de taxer à vingt écus d’or par an toutes les villes et tous les villages de Fronce, dont ils évaluaient le nombre à dix-sept cent mille. Ils n’eh exceptaient que sept cent mille, qui avaient été ruinés par les malheurs de la guerre et les épidémies, etc., etc. Mais quand on sut que ces donneurs d’avis n’étaient avoués ni par le roi ni par les seigneurs de France, on ne songea plus qu’à s’en amuser et à les tourner en ridicule. Chronique de Charles VI, dans la Collection des documents inédits, 1841, in-4°, t. III, chap. XXIII, p. 351-3. Reproduit en substance à la suite d’un protocole à l’usage des notaires du roi : Camusat, Meslanges historiques, Troyes, 1644, in-8°, f° 63 à 65, Ce protocole, d’après les noms qu’il renferme, parait avoir été écrit de 1398 à 1406 ou environ.

[85] Au dit an 1456,... mourut Jacques Cuer... après la quelle mort le roy de France tous ses biens rendit à ses hoirs ; et se repentit et fut moult courroucié de ce que oncques on le avoit faict mectre prisonnier. Du Clercq, p. 100 b. On verra bientôt ce qu’il y a de faux et de vrai dans cette assertion.

[86] J. Chartier, L. III, p. 83. Charles VII et ses conseillers, p. 29. Chastellain, t. III, p. 294 et suiv. Moniteur universel du 5 octobre 1854, feuilleton, colonne 4. Ms. Legrand 6967, f°107. Mélanges Clairambault. Ms. 281, pièce 161. J. J. 135, acte 308, f° 213. J. J. 187, actes 67, 68, 290 et 3145. J. J. 191, cité. Chenu, Antiquitez de Bourges, p. 99. 1459, mai 11, lettres par lesquelles le roi lève les peines comminatoires antérieurement portées contre les non révélateurs des biens ayant appartenu à J. Cuer. Il permet en outre que ces biens non révélés soient dévolus aux enfants de l’argentier. J. J. 188, f. 52.

[87] Germain, t. III, p. 23 et suiv.