LIVRE VII. — PÉRIODE D’AGNÈS SOREL. - AFFRANCHISSEMENT DU TERRITOIRE NATIONAL. - Depuis les trêves jusqu’à l’entière expulsion des Anglais (1444 -1453).
Fougères, sur la lisière de Normandie, était une des villes industrielles qui contribuaient le plus à la prospérité de la Bretagne. Cette contrée tirait sa richesse des drapiers ou tisserands de laine, qui, chassés de Normandie par les guerres, étaient venus s’établir dans ce pays neutre et limitrophe. François de Surrienne, capitaine de Verneuil, pour les Anglais, conseiller de Henri VI, conservateur des trêves primitives (8 avril 1444), portait l’ordre de la Jarretière. La prise de Fougères avait été concertée et longuement mûrie entre lui et les gouverneurs de Normandie[1]. Charles VII, qui habitait Montils-lez-Tours, était monté à cheval pour aller à Bourges, lorsqu’un messager lui apporta cette nouvelle. Le roi alors chargea in ; continent son itinéraire et se rendit à Chinon, dans la direction de la Bretagne et de la Normandie[2]. Aussitôt arrivé à Chinon, il assembla son conseil. Des ambassades et des messages successifs furent envoyés au duc de Bretagne, pour s’assurer de ses sentiments ; à Rouen, auprès du duc de Somerset, gouverneur, et à Londres, vers Henri VI, pour demander le redressement de cet acte agressif. Le roi et le due de Bretagne se mirent immédiatement en harmonie de vues et d’action politiques. Quant aux autorités anglaises, elles se virent contraintes de désavouer le a fait de Fougères ; » mais le gouverneur, chargé des pleins pouvoirs du roi anglais, se refusa obstinément à évacuer la place, comme aussi à fournir aucune satisfaction. Plus de quatre mois s’écoutèrent ainsi en délais, en protestations vaines, en résistance inerte de la part du conseil qui siégeait à Rouen et du duc de Somerset[3]. Cependant les Anglais non seulement ne rendaient pas Fougères, mais lis avaient t’ait de ce poste un centre de nouvelles irruptions, et le chef lieu de leurs prises. Les hostilités s’étaient, parle fait, rallumées immédiatement et spontanément de la part des Anglais et des Français. Bientôt ces derniers répondirent à l’agression de Surrienne par an coup terrible de représailles[4]. Un marchand de Louviers, nommé Guillaume Houel, homme d’une rare énergie et de grande entreprise, commerçait avec la ville de Rouen. Houel, qui, plusieurs fois, avait été rançonné tyranniquement par les Anglais, saisit L’occasion de se venger. Il s’agissait de surprendre Pont-de-l’Arche, cette clef de la Seine, en aval de Rouen. Houel s’entendit avec Jean de Brezé, capitaine de Louviers, frère du ministre. Le capitaine, assisté de l’un de ses parents ou alliés (Normand), le sire de Mauny[5] ; de Floquet, de Jacques de Clermont, écuyer dauphinois, etc., prit cinq cents hommes, qui, la nuit, se postèrent en embûche, vers Pont-de-l’Arche. Le 15 mai 1449, de bon matin, G. Houel, accompagné de deux hommes d’armes déguisés, se présenta au pont-levis pour traverser la Seine[6]. Guillaume était connu du portier, qui, pour lui ouvrir, interrompit son sommeil. Une fois le pont-levis abaissé et la charrette avancée sur la plate-forme ou tablier volant, G. Houel jeta aux pieds du portier quelques pièces de monnaie pour son vin ; mais au moment où ce dernier se penchait afin de les ramasser, il fut frappé à mort par le marchand et périt sur place. Un Anglais de la garnison, éveillé à ce bruit, descendit en chemise et sans armes. Il fut également tué incontinent. Dans le même moment, à un signal donné, les hommes de l’embûche accouraient vers la porte de la ville. Un rapide et insignifiant conflit s’établit entre les assaillants et la garnison réveillée en sursaut. Lord Falconbridge ou Fauqueuberg était venu la veille à Pont-de-l’Arche pour visiter la place. Il voulut résister et demeura prisonnier[7]. Dans le même temps, un gentilhomme gascon, de concert avec le duc de Bretagne, s’empara de Cognac et de Saint-Maigrin, en Guyenne, sur les Anglais. Gerberoy en Picardie, et Couches en Normandie, tombèrent également au pouvoir des Français[8]. Les Anglais à leur tour, se voyant ainsi châtiés, réclamèrent contre la violation des trêves. L’archevêque de Bordeaux, le lieutenant en Guyenne, et le duc de Somerset, envoyèrent auprès de Charles VII, à Chinon, demander la restitution des places occupées. Le roi répondit que lorsque les agresseurs de Fougères l’auraient rendue au duc de Bretagne, ainsi que le million d’or auquel cette prise avait été évaluée, il s’entremettrait à replacer toute chose dans un état conforme au traité des trêves. Cette proposition ne fut point accueillie des Anglais. La guerre devenait inévitable[9]. On a vu que les émissaires du Dauphin osaient apporter jusque sur le lit du roi leurs libelles, où ils insinuaient que le gouvernement de Charles VII était de cœur anglais ! Et cependant, au moment d’en finir vaillamment avec ces oppresseurs, Charles VII, en octobre 1448, venait à Orléans accomplir comme une veillée des armes. Semblable aux chevaliers et aux candidats du moyen âge, il venait faire une station solennelle en ces lieux immortalisés par la vierge qui avait péri martyre pour la cause nationale. De tout côté, les populations, dévouées, frémissantes, conviaient le roi à cette glorieuse péripétie. De 1419 à 1422, le poète normand Blondel s’était adressé (alors sans succès) au Dauphin, pour l’exhorter à reconquérir sa couronne. En 1449, Blondel, attaché à la cour de Charles VII, précepteur d’un prince du sang royal, et qui bientôt devait être le précepteur de Charles de France, deuxième fils bien-aimé du roi, Blondel faisait entendre de nouveau ses mâles et patriotiques accents[10]. Une autre incitation, non moins propre à toucher le casier de Charles VII, se joignit aux précédentes. Nous allons en rapporter le témoignage. L’auteur[11] du Jouvencel raconte la scène suivante, dont le lien et la date doivent être placés à Chinon, vers le mois de juillet, avant l’ouverture de la campagne de Normandie. Après disner, le roy saillit de table ; il se tira en sa chambre : la reine vint, plusieurs dames et damoiselles en sa compagnie ; et firent moult grant chère, et beaucoup de beaux esbatements, comme il estoit de coustume. Entre les autres, une moult belle dame (Agnès Sorel) parla et dist au roy : Sire, j’ai ouy dire que vous avez ouy bonnes nouvelles ; Dieu merci ! Menez-nous à la guerre, vous en serez plus vaillant et toute votre compagnie. Notre eur[12] vous vaudra tant que vous ne sauriez penser ! Le roy respondit : Si tout n’estoit gagné, ce seroit bien fait de vous y mener, car je scat’ bien que par vous et les autres belles dames qui estes icy, tout se conquerroit ; mais le Jouvenel a tout conquis et gaingné[13], nous n’y aurions jamais honneur ! La dame lui respondit : Ne vous soussiez de rien : pensez-vous être un roi sans affaire ? Nennyl ; il n’en fut oncques, Les grands roys ont les grandes affaires. Vous trouverez encores assez à exploiter les vertus des belles dames quand vous vouldrez...[14] Charles VII, depuis la prise de Fougères, avait fixé sa demeure à Chinon ou à peu de distance de cette ville, attendant le résultat des négociations. Plusieurs actes d’administration civile ou intérieure occupèrent ses soins durant cette période. Enfin, se trouvant le 17 juillet au château des Roches-Tranchelion[15], ce prince tint un premier conseil, où il fut unanimement décidé que le roi était délié du contrat des trêves. Charles VII adressa, ce même jour, aux Rouennais un manifeste pour leur rappeler les droits de sa couronné et le lien qui unissait cette province à la patrie commune. Une haute commission de guerre fut en même temps instituée sous la présidence de Jean d’Orléans, comte de Dunois, lieutenant général du roi en Normandie[16]. Le 31 juillet 1449, Charles VII tint solennellement, au château des Roches-Tranchelion, une nouvelle assemblée de son conseil royal. Le roi fit en personne l’exposé de la situation, et la guerre fut définitivement résolue. Charles, dans cet intervalle, avait prévenu les bonnes villes, groupé ses levées d’hommes sur une ceinture de frontières qui se resserrait autour de la Normandie. Le duc de Bourgogne, également informé par une ambassade spéciale, approuva la guerre comme conseiller de la couronne. Mais, se réfugiant sous le traité d’Arras, il se dégagea du devoir de ses fiefs qui l’obligeait, en droit, à une assistance armée envers son souverain. Il fit agréer au roi l’attitude neutre qu’il entendait conserver dans cette campagne. Enfin plusieurs vassaux de Bourgogne et de Picardie, tels que le comte de Saint-Paul et autres grands seigneurs ou chevaliers bannerets, désiraient ardemment servir le roi de France dans cette campagne. Le due de Bourgogne accorda bénignement qu’il en fût ainsi[17]. Brézé, toujours au premier poste de l’activité ou du péril, s’était mis sur les champs dès le 17. Certain meunier de Verneuil avait son moulin situé sous les murs de cette ville. Contraint au guet, c’est-à-dire au service militaire pour les Anglais, ce meunier, un jour, s’étant endormi sous les armes, avait été battu à raison de ce fait. Il vint trouver le sénéchal et le bailli d’Evreux, leur promettant de livrer la ville au roi de France. Le 19 juillet, au soleil levant, le sénéchal arriva devant la place, accompagné de Jacques de Clermont et d’un certain nombre d’hommes d’armes. Grâce au meunier, la ville fut prise (par escalade), comme l’avait été Pont-de-l’Arche[18]. Le 6 août 1449, Charles VII, ayant quitté la belle Agnès et Chinon, vint passer la Loire à Amboise, et se dirigea par Vendôme, Chartres et Châteauneuf en Thimerais, sur Verneuil, où il coucha le 27. Les forces militaires de l’expédition devaient pénétrer en Normandie par trois colonnes en lignes convergentes, dont le but commun ou point de rencontre était Rouen. La première, groupée sous les ordres du comte de Saint-Paul, se forma, au nord-est de la province, en Picardie, La deuxième, conduite par Dunois et le sénéchal, était déjà au cœur dû pays à conquérir. Le roi marchait à la suite de cette avant-garde et appuyait le principal mouvement en ralliant autour de lui le gros de l’armée belligérante. François Ier, duc de Bretagne, dirigeait le troisième corps. Ce prince quitta Dol le 15 août, suivi de cinq ou six mille hommes de combat. Il s’introduisit dans le Cotentin et la basse Normandie par le mont Saint-Michel[19]. L’armée d’expédition, secondée par les circonstances les plus favorables, marcha, pour ainsi dire, de victoire en victoire. Pont-Audemer et Longempré, investis les 8 et 9 août 1449, ne tardèrent point à se rendre. Les Bretons assiégèrent et prirent, du 12 au 18, Saint-James de Beuvron. Mantes et Vernon ouvrirent leurs portes ou capitulèrent du 15 au 30. Thomas Basin, l’auteur des Mémoires historiques, était évêque de Lisieux. Il procura, par traité du 16 août, la reddition de cette place au roi de France. Le roi fit son entrée de joyeux avènement, le 27, en la ville de Verneuil, et octroya, le lendemain, aux habitants, dés lettres d’abolition. Pendant le mois de septembre, la plupart des forteresses du Cotentin et de la basse Normandie, au-dessous de Caen, furent soumises par le duc de Bretagne. Le roi s’avança, le 29 août, à Evreux, et peu de jours après, il établit son conseil et son quartier général à Louviers, ville anciennement recouvrée, où il demeura près de six semaines[20]. Du 1er au 19 septembre 1449, eurent lieu la reddition de Longny, manoir appartenant à la famille de François de Surrienne, et la reddition d’Essai, près Alençon, bientôt suivie de celle d’Alençon. Jean, duc de ce nom, s’était rendu au mandement du roi. Il rentra ainsi directement en possession de sa capitale. Touques, Argentan, Gisors, Neufchâtel et autres places ou villes fortes, capitulèrent également dans le, courant de septembre et ne tardèrent point à redevenir françaises. Le lundi 29 de ce mois, Charles VII partit de Louviers et vint poser le siége devant Château-Gaillard, puis revint de jour en jour diriger les opérations. Ce château, situé à pic sur le roc, au bord de la Seine, était inaccessible à la faible artillerie du quinzième siècle, et considéré comme inexpugnable. Les deux Brézé, le maréchal de Jaloignes, Denis de Chailly et autres accompagnaient le roi. Pierre de Brézé eut le principal honneur de cette entreprise. Après avoir combattu comme un preux dans des rencontres extérieures, il força la place à capituler, et les Français y entrèrent le 23 novembre suivant[21]. Ces divers succès furent obtenus, il est vrai, les armes à la main. Cependant, en général, le conflit, à proprement parler, n’exista pour ainsi dire pas au point de vue militaire. Jamais causé plus juste n’exerça un ascendant moral plus sensible sur une campagne de guerre. Partout les populations civiles voyaient dans les Français beaucoup moins des ennemis que des libérateurs. Dès le principe, Somerset comprit cette situation. Il n’osa quitter Rouen, à l’abri de l’appareil royal, de sa garnison et de ses forteresses. Nulle part il ne se hasarda, pour grouper des forces, à dégarnir ses cantonnements, faiblement pourvus d’hommes et de munitions. Ses courriers se succédaient à Londres pour réclamer des secours, mais inutilement : le gouvernement métropolitain, de plus en plus déchiré par les factions politiques, était impuissant à subvenir aux nécessités du dehors. Du côté des Français, l’armée nouvelle portait avec elle-même le symbole et la propagande du patriotisme. Du côté des Anglais, nul sentiment général, si ce n’est l’orgueil étroit de la lutte brutale. Le dépit, l’intérêt, frappaient de stérilité la résistance, en la rendant purement égoïste et locale[22]. Vers la fin de septembre 1449, les Anglais reçurent une seconde atteinte en Guyenne. Le comte de Foix, rallié au roi de France, s’empara de Mauléon, encore bien que cette place Fût en la garde du roi de Navarre, son beau-père, confédéré de Henri VI[23]. Charles VII, du sein de sa demeure à Louviers, dirigeait la guerre et vaquait à l’administration civile du royaume. Soucieux de l’histoire et de la postérité, parce qu’il se sentait digne de paraître devant elles, il avait amené à sa suite J. Chartier, chantre de l’abbaye royale de Saint-Denis, chroniqueur officiel. Le judicieux Berry, annaliste militaire du règne ; le noble poète et historien R. Blondel, furent également chargés d’écrire le récit de cette mémorable entreprise[24]. Les conquêtes opérées depuis l’ouverture de la campagne avaient eu notamment pour effet d’isoler Rouen, en interrompant ses diverses communications. Dans les premiers jours d’octobre, le roi résolut de marcher sur cette capitale et d’exécuter ainsi le principal mouvement concerté dans le plan général de l’expédition. Charles VII était encore à Louviers. Là il venait de voir arriver auprès de lui René d’Anjou, son beau-frère, suivi de cinquante lances et de ses archers. Le roi avait en outre autour de lui environ deux mille lances, plus les archers. Le duc de Bretagne continua de recouvrer la basse Normandie. Mais le roi donna ordre aux comtes de Dunois, d’Eu et de Saint-Paul, d’appuyer son mouvement, en ralliant leurs forces aux siennes[25]. Le 6 octobre 1449, Charles VII se porta de Louviers à Pont-de-l’Arche, où il fut reçu avec acclamation. De là il envoya ses hérauts à Rouen pour sommer les habitants d’avoir à reconnaître son autorité. La ville fut en même temps approchée militairement. Cette démonstration se prolongea durant trois jours, du 6 au 9. Deux fois, dans cet intervalle, les hérauts se présentèrent pour remplir leur office. Mais le duc de Somerset redouta l’effet moral que la vue de ces envoyés et des couleurs nationales ne devait pas manquer de produire sur les patriotes rouennais. Il repoussa donc ces parlementaires, contrairement aux usages de la guerre, ainsi que de la courtoisie, et ne leur permit pas de franchir les portes de Rouen. Charles VII attendait surtout son succès de l’ébranlement volontaire et spontané des populations. Une pluie diluvienne inondait les troupes et gênait une action décisive. Les deux rois étaient venus se loger à une lieue et demie de Rouen, dans une abbaye de femmes[26]. Charles VII replia ses troupes sur Pont-de-l’Arche et lui-même retourna dans ce lieu de cantonnement. Le 16 octobre, une nouvelle tentative eut lieu de concert avec des affiliés rouennais, mais sans plus de réussite[27]. Cependant le roi disposait (le forces imposantes, et l’attitude expectante que ce prince gardait volontairement influait sur les Rouennais d’une manière très favorable à sa cause. L’esprit public se dessinait de plus en plus parmi les habitants et penchait du côté du roi de France. Le 17, une réunion des bourgeois eut lieu à l’hôtel de ville. A la suite de cette délibération, l’archevêque de Rouen, Raoul Roussel, son official nommé Richard Ollivier, qui fut depuis ministre du roi, évêque de Coutances et cardinal, Jean Le Roux et cinquante autres bourgeois de Rouen se rendirent en députation au port Saint-Ouen, à peu de distance de la ville, et parlementèrent avec le comte de Dunois. Le roi, ou en son nom le haut commissaire, accepta les offres des citoyens. Les anciens privilèges de la ville furent confirmés. Le roi augmenta les immunités ecclésiastiques de cette métropole, maintint l’échiquier, la Charte aux Normands, la Coutume de Normandie, en un mot toutes les institutions, libertés et prérogatives de la province. Une amnistie générale fut également décidée[28]. Quelques délégués anglais avaient suivi la députation pour la surveiller : ils gardèrent le silence. Puis, les bourgeois retournèrent à Rouen et firent part à leurs concitoyens des résultats de leur mission. Les articles stipulés furent acclamés par le peuple. Mais les Anglais repoussèrent avec violence et hauteur ces préliminaires de paix. Alors une scission éclatante se manifesta entre l’autorité anglaise et les habitants. Ceux-ci prirent immédiatement une attitude hostile. Le tocsin de la ville sonna dans la tour de l’Horloge. De toute part les Rouennais coururent aux armes, revêtirent la croix blanche, et chaque rue de la cité se hérissa de barricades, dirigées contre les Anglais. Le duc de Somerset, intimidé et déconcerté par ces circonstances ; se vit réduit aux forces militaires anglaises dont il était le chef. Abandonnant la ville aux bourgeois, qui commençaient à courir sus aux soldats britanniques, il se réfugia dans les ouvrages fortifiés, à savoir : le Bout-du-Pont, le Château et le Palais[29]. Charles VII, le lendemain 19, quitta Pont-de-l’Arche, et vint, accompagné de l’artillerie, prendre possession de Sainte-Catherine. Cette haute colline, qui domine la cité rouennaise entièrement et à découvert, comprenait, dans son enceinte fortifiée, une abbaye de Bénédictins, où le roi vint prendre son gîte. En présence du roi de France, la faible garnison anglaise qui l’occupait se retira sans résistance et sans coup férir[30]. Cependant le comte de Dunois, à la tête de ses troupes, se présentait, de concert avec les habitants, à la porte Martinville. Le roi, malgré la réforme récente de l’armée, appréhendait les violences par lesquelles l’entrée subite de ses gens d’armes pouvait compromettre sa cause. Avant la nuit, il envoya en son nom, pour pénétrer dans la ville, Thomas Basin, évêque de Lisieux, l’un des premiers prélats qui se fussent ralliés au parti de la France. L’évêque était suivi du sire de Torcy, gentilhomme normand, qui marchait à la tête de cent lances et`de leurs archers. Amanieu d’Albret, sire d’Orval, également capitaine (le cent lances, entra ensuite. Le lendemain 20 octobre, des contingents semblables pénétrèrent successivement sous la conduite du sénéchal de Poitou, du lieutenant de Floquet, blessé dans les préliminaires du siége, et autres capitaines. Les Anglais évacuèrent le Bout-du-Pont, n’ayant plus d’autre asile que le Palais et le Château. Le 21, les portes de Rouen s’ouvrirent à tout venant. Déjà les Français étaient maîtres de la ville[31]. Somerset et les Anglais se virent ainsi bloqués dans leur double retraite. Après trois jours de délais et de négociations, les Anglais furent enfin obligés de capituler. Le gouverneur et ses troupes obtinrent la vie sauve, avec la faculté de se retirer hors du territoire reconquis. Entre autres conditions, ils devaient évacuer le Palais, ainsi que le Château, et s’engageaient à faire rendre au roi, par les capitaines anglais, les places qu’ils occupaient encore dans le nord, savoir : Arques, Caudebec, Montivilliers, Lillebonne, Tancarville et Honfleur[32]. L’occupation complète de Rouen par les troupes françaises s’opéra le 26 octobre 1449. Somerset quitta cette ville le 4 novembre et, passant par Harfleur, il se retira, ainsi que lés troupes, au nombre d’environ trois à quatre mille hommes, qui le suivirent à Caen. Dans cet intervalle, tout se préparait pour la réception solennelle du roi de France[33]. Le 10 novembre 1449, Charles VII, dans la matinée, se rendit du mont Sainte-Catherine aux Chartreux, proche la porte de Beauvais ou Beauvoisine. Le roi, après quelque demeure dans le couvent des Chartreux, se disposa pour faire son entrée de joyeux avènement au sein de la capitale de la Normandie reconquise. Des restaurations avaient été faites hâtivement au Palais, au Château et au manoir ou hôtel archiépiscopal ; c’est la que le roi devait prendre sa demeure. Partout les trois fleurs de lis d’or en champ d’azur avaient été substituées aux léopards et à l’écartelé d’Angleterre. Sur tout le parcours ou itinéraire du roi, les maisons étaient tapissées de riches draperies, et les rues tendues à ciel par intervalles. L’archevêque, partant de son hôtel, se dirigea vers les Chartreux. Il était accompagné de son clergé, des évêques de Lisieux, Bayeux et Coutances, ses suffragants ; des collèges de la ville, ou communautés religieuses, portant les reliques. Deux cents bourgeois, vêtus à la devise tricolore du roi, et une multitude de peuple grossissaient ce cortége[34]. A deux heures après midi, le roi reçut aux Chartreux l’archevêque et les autorités, qui s’étaient portés à sa rencontre. Cousinot de Montreuil, fait chevalier sous les murs de Rouen, dès le début du siège, avait été nommé bailli de cette ville. Il présenta au roi les bourgeois de Rouen, et l’un de ces derniers offrit au prince, en pleurant, les clefs de la cité de Normandie, Le roi remercia les Rouennais et les assura de sa bienveillance, puis il prit les clefs de la ville et, les donnant au sénéchal, il lui dit : Sire de La Varenne, encore bien qu’autrefois on nous ait rapporté aucunes choses de vous, desquelles nous avons fait faire information par les gens de notre parlement, nous vous tenons pour bien déchargé et connaissons que vous nous avez toujours loyalement servi. C’est pourquoi nous vous baillons les clefs de notre ville et Châtel de Rouen, et nous vous en avons fait et faisons capitaine[35]. Le roi entra ensuite dans la ville. En tête du cortége royal marchaient, escouade par escouade, plusieurs corps d’archers appartenant au roi et aux divers chefs de guerre, chacun sous la bannière et à la livrée de son seigneur. Les principaux capitaines et les officiers de la couronne précédaient le prince. Tel était le chancelier de France, vêtu du manteau royal de la magistrature. Devant lui une haquenée portait, sur une selle de femme richement ornée, les sceaux de France, contenus dans un coffret fleurdelisé. Charles VII s’avançait au pas, sous un dais, dont les bâtons étaient tenus par quatre gentilshommes, assistés de quatre pages du roi. Ce prince montait un palefroi de moyenne grandeur, houssé jusqu’à terre de drap d’azur semé de fleurs de lis d’or[36]. Indépendamment du roi de Sicile et des princes, on remarquait, parmi les personnages qui défilèrent en grande ordonnance, Dunois, Pierre de Brezé, seigneur de La Varenne, et Jacques Cœur, argentier du roi. Charles VII fut accueilli sur sa route par les visages souriants des dames, damoiselles et bourgeoises de Rouen, qui attendaient sa venue, placées aux fenêtres de leurs maisons. Une multitude d’enfants criaient Noël. Des ménétriers, payés par la ville, jouaient de leurs instruments, et répondaient aux fanfares des ménétriers militaires et trompettes[37]. Divers mystères, ou représentations, soit mécaniques, soit par personnages, figuraient dans le programme des cérémonies. Au carrefour de la cathédrale notamment, le roi contempla sur un échafaud un cerf volant ou cerf ailé (qui était le support de ses armes). Ce cerf, que deux damoiselles tenoient, portait au cou une couronne d’or, et s’agenouilla lorsque le roi vint à passer. Parmi les spectateurs ou spectatrices qui assistèrent à la bienvenue du roi de France, il convient de mentionner la comtesse de Dunois, qui accompagnait à une fenêtre la duchesse de Somerset. A côté de cette clame, se tenait John Talbot, entouré des otages anglais. Le comte de Shrewsbury, peu de temps auparavant, avait été reçu par Charles VII de la manière la plus honorable. Il portait ce même jour, une robe longue de velours fourrée de martre, que le roi de France lui avait donnée à la suite de cette audience[38]. Arrivé sur la place de Notre-Dame, le roi mit pied à terre, baisa les reliques, et pénétra dans la cathédrale pour y assister au service divin. Il se rendit ensuite à l’hôtel de l’archevêque, où son logis royal avait été somptueusement préparé[39]. |
[1] Le duc de Suffolk, le duc de Somerset, à Londres d’abord, puis en Normandie, avaient approuvé l’entreprise et en avaient donné à Surrienne leurs scellés de garantie. Des gens de la maison de Somerset concoururent en armes au sac de la cité bretonne. Enfin le propre jour de l’action, 24 mars 1449, un conseil d’Etat se réunissait à Rouen, dans l’hôtel du Jardin, résidence de Simon Morhier, trésorier d’Angleterre en Normandie. Le duc de Somerset, le trésorier, l’archevêque de Rouen (nommé Raoul Roussel) et Martin Pinard, évêque d’Avranches, y avaient été convoqués. Morbier mit à l’ordre du jour le coup de main tenté sur Fougères, comme un acte convenu, qui s’accomplissait à l’instant même. Leibnitz, Mantissa, f° 93 bis. Holinshed, History of England, 1577, in-fol., t. II, p. 1274. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 178 et suiv. Vallet de Viriville, Notice sur Simon Morhier, dans le tome XXV des Mémoires de la Société des Antiquaires de France. Ms. Dupuy 774, f° 15. Ms. Blancs-Manteaux, 48 B, p. 75. Ms. fr. 4054, f° 23, n° 6. Basin, t. I, p. 193 et suiv. ; t. IV, p. 290 et suiv. Les Anglais avaient violé les trêves par des agressions contre les Rochelois et les Dieppois, sujets directs de Charles VII, et contre la Bretagne, l’Ecosse et la Castille, alliées du roi de France, expressément comprises dans les traités. Berry, p. 454. Escouchy, p. 185. D. Taillandier, Histoire de Bretagne, t. II, p. 22.
[2] Berry, p. 432. J. Chartier, t. II, p. 60. Beaucourt-Escouchy, t. I, p. 154 et suiv. Du Clercq, p. 2. Chronique de Normandie, f° 187 et suiv. Notice sur Robert Blondel. Assertio Normannie, Ms. latin 6198, f° 2 et suiv. Gruel (Panthéon), p. 398. Turner, t. III, p. 159, etc. Histoire de Saint-Victor, Ms. lat. 1039, t. II, p. 281. Itinéraire. Du Tillet, Recueil des traitez, p. 231. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 278.
[3] Mêmes autorités. K. 68, n° 18. Ms. fr. 4054, fis 38, 53, 85 et suiv. Ms. Dupuy 760, f° 183. Ms. Colbert 9675, 3, 3, au 3 juin 1449. Bibliothèque de l’École des chartes, t. VIII, p. 133 et suiv. Stevenson, p. 236 et suiv. Cheruel, Rouen au quinzième siècle, p. 121 et suiv. Du Mont, Corps diplomatique, 1726, in-fol, t. III, partie x, p. 167, 168. Taillandier, p. 23. Actes de Bretagne, col. 1451 et suiv.
[4] Les mêmes. K. 68, n° 31 ; 8. Stevenson, t. I, p. 498, et les autorités alléguées aux notes suivantes. Au mois d’avril 1449, un tremblement de terre se 6t sentir eu France et en Allemagne. Ce phénomène fut considéré comme un présage des événements qui allaient s’accomplir. Escouchy-Beaucourt, t. I, p. 171.
[5] Pierre de Brezé eut pour femme Jeanne Crépin, fille et héritière de Guillaume Crépin, seigneur de Mauny, et de Jeanne, dame d’Auvricher, maréchale héréditaire de Normandie (Anselme). C’est ce même Guillaume dont il est ici question.
[6] Berry, p.433. Basin, t. I, p.197, 201 et suiv. Chron. de Normandie, f° 183. Escouchy-Beaucourt, p. 163. J. Chartier, t. II, p. 69. Du Clercq, ch. III, p. 3. Gruel, p. 398. Ms. lat. 6198, f°10. Alain Chartier, la Ballade de Fougères, apud Duchesne, 1617, in 4°, p. 717.
[7] Il fut pris par un Français, homme d’armes, qui n’était point noble. Le lord anglais refusa de se rendre à un vilain et de lui donner sa foi. Mais le roturier le menaça de mort, et Falconbridge fut contraint de se reconnaître son prisonnier. La faible garnison anglaise ayant été mise hors de combat, la population civile se déclara en faveur des Français, qui dès ce moment demeurèrent maîtres de la place. Les mêmes. Stevenson, t. I, p. 519. Journal de Paris, p. 731. Ms. fr. 192, f° cliv.
[8] Berry, p. 434. J. Chartier, p. 73. Escouchy, p. 168. Du Clercq, p. 4. Chronique de Normandie, f° 189.
[9] Berry et les précédents, qui l’ont copié.
[10] Notice sur Robert Blondel, analyse de l’Oratio historialis. Voyez aussi : 1° dans les Œuvres d’Alain Chartier, la ballade sur la prise de Fougères ; 2° la complainte des Normands envoyée au roy, en vers français, Ms. fr. 2861, p. 230 ; 3° autre ballade sur la campagne de Normandie, par Robert Regnault, maistre bedeau de l’Université d’Angers ; Revue anglo-française, t. III, p. 111 ; Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, 2e série, in-4°, t. VII, 1847, p. 380 ; et d’autres encore. Compiègne contribue aux frais de la guerre : Bibliothèque de l’École des chartes, t. XXIV, p. 496.
[11] Jean de Bueil, amiral de France de 1459 à 1461, fût un des grands et intimes serviteurs ou lieutenants de Charles VII. Il prit notamment une part distinguée à cette même expédition de Normandie. Son fils aîné, Antoine, épousa, par ordre de Louis XI, l’une des filles du roi et d’Agnès. Désappointé de sa charge, et retiré de la scène publique, l’amiral écrivit, de 1461 à 1467, pour l’instruction de ce jeune fils, une sorte de Télémaque, ou encore de mémorial politique et militaire, intitulé le Jouvencel. On ne pouvait alors parler qu’à mots couverts du règne de Charles VII. Car ce règne, regretté, faisait contraste, pour beaucoup d’esprits, avec la tyrannie de Louis XI. Anselme : Bueil. Van Praet, Recherches sur la bibliothèque de la Gruthuse, 1831, in-8°, p. 187.
[12] Heur, fortune, destin ; d’où bonheur, malheur.
[13] Allusion flatteuse et enjouée aux progrès militaires déjà accomplis, depuis le mois de mai, par les Français en Normandie.
[14] Le Jouvencel, Ms. fr. 192, f° cc v° et suiv. Barante, Mélanges littéraires, t. II, p. 164.
[15] Les Roches-Tranchelion, peu éloigné de Rasilly, dans la forêt de Crissay, entre Avon et Saint-Espain (Indre-et-Loire). Les Tranchelion, originaires du Limousin, étaient devenus par mariage seigneurs des Roches en Touraine (cabinet des titres : Tranchelion). Guillaume Tranchelion, qui avait pour hôte le roi Charles VII, figure, comme membre du grand conseil, dans plusieurs actes datés de son château des Roches : In Castro de ruppis Tranchelion, in Turonia, pendant les mois de juin et juillet 1449. J.J. 188, f° 35. Voyez aussi J. J. 176, acte 380, f° 268, et acte 395, f° 274. Du Mont, Corps diplomatique, t. III, p. 168. — Charles VII et Agnès Sorel habitèrent ensemble divers châteaux de la Touraine et du Berry, qui appartenaient à des familiers du prince. Aussi la tradition de ces deux contrées désigne-t-elle plusieurs de ces terres comme ayant été données en propre à cette dame : Fontenailles, Eves-le-Moustier, Semblançay, les Roches-Tranchelion, Cheillé, Champigny, la Guerche, furent tour à tour en la possession d’Agnès. Ainsi s’exprime un archéologue du pays, M. R. de Croy, de nos jours (vers 1850) propriétaire de la Guerche. Journal des artistes et des gens du monde, 1831, in-8°, t. I, p. 216.
[16] Itinéraire. Ordonnances, L XIV, p. 48 à 59. 8 mai 1449, aide à l’église de Saint-Aignan d’Orléans pour se reconstruire ; L. L. 4192, inventaire, in-fol., t. IV, p. 759. 26 mai, fortification de Paris : K. 950, n° 35, 39. Ms. lat. 6198, f° 16. Ms. Gaignières 890, 1, f° 5. Lépinois, Histoire de Chartres, t. I, p. 338. J. Chartier, t. II, p. 82. Cheruel, cité, p. 122. Escouchy, p. 184.
[17] Stevenson, t. I, p. 239, 264 à 273. Escouchy, t. II, p. 400 et suiv. Œuvres de Chastellain, t. I, p. XX. D. Plancher, t. IV, p. M. Archives municipales de Compiègne, C. 19 ; communication de M. H. de Lépinois. Ms. fr. 4054, f° 153. Ms. latin, 1039, t. II, p. 282 et suiv. Ms. lat. 6198, f° 2 et suiv.
[18] La garnison anglaise se retira au château. Mais le même meunier détourna une partie des eaux qui remplissaient les fossés de la défense, et facilita ainsi la soumission complète de cette place. Berry, p.455. J. Chartier, t. II, p. 80 et suiv. Escouchy, p. 189. Du Clercq, p. 5 et suiv. Basin, t. I, p. 205. Ms. lat. 6198, f° 21 v°.
[19] Les mêmes. Ms. lat. 6998, f° 27 v°. Chron. de Normandie, f° 190 v°. D. Taillandier, t. III, p. 27 et suiv. Ordonnances, t. XIX, p. 236. — Le duc de Bretagne avait en sa compagnie Arthur de Richemont, son oncle, connétable de France ; le comte de Laval ; le seigneur de Lohéac, maréchal de France ; Arthur de Montauban, maréchal de Bretagne ; Prégent de Coëtivy, amiral de France ; Pierre du Hallay ; Joachim Rouault ; Geoffroy de Couvren ; le seigneur de Boussac, etc., etc. Sous la bannière de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Paul, où autour de lui, servaient : Robert de Béthune, seigneur de Mareuil en Brie ; Jean d’Arly, fils du vidame d’Amiens ; les seigneurs de Genlis, de Saveuses, de Huchen, de Hem, de Crèvecœur, de Mouy, de Rambures, etc. Dunois et Brezé avaient à leurs côtés Robert de Floques, dit Ploquet ; le maréchal de Jalognes ; le seigneur de Culant, grand maître de France ; Poton de Saintrailles ; les seigneurs de Bueil, de Gaucourt, de Blainville, Antoine de Chabannes, Jean Bureau, grand maître de l’artillerie, etc. Jean d’Aulon, ancien page de la Pucelle, écuyer d’écurie du roi, ainsi que jean de Bar, seigneur de Baugy en Berry, faisaient partie de l’avant-garde : ils reçurent l’ordre de chevalerie au début de la campagne. Berry. Escouchy, Chartier. Ms. lat. 6198, f° 38 v°.
[20] Les mêmes. Journal de Paris, p. 731. Œuvres de Thomas Basin, t. IV, p. 174 et suiv. Ms. fr. 4034, f° 74. Ms. Fontanieu 121-2, aux 23 août et 29 septembre 1449. Gruel, p. 398. Ordonnances, t. XIV, p. 59 à 71 ; t. XX, p. 112. E. di Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes, p. 182. Catalogue Joursanvault, t. II, p. 235, n° 3413. Gallia christiana, t. XI, col. 892 E ; 893 D ; 921 A ; 925 B.
Gratification au secrétaire de Pierre de Brezé pour avoir préservé de la destruction les archives de Pont-Audemer lors du siège de celle ville par les Français. (K. 68, n° 35.)
Nous, Jehan, bastart d’Orléans, comte de Dunois et de Longueville, grand chambellan de France et cappitaine général sur le fait de la guerre pour le roy nostre sire, au vicomte de Ponteaufou et du Ponteaudemer, salut. Nous vous mandons par ces présentes que, des deniers de vostre recepte, vous paiez, baillez et délivrez à Jehan Doucereau, clerc et serviteur de monsr le séneschal, la somme de trente livres tournois, laquelle nous lui avons tauxée et ordonnée ; tauxons et ordonnons par ces présentes ; pour ses peines et travaulx d’avoir quis, recuily et gardé du feu, à l’assault et prinse du dit lieu de Ponteaudemer, tous les papiers, registres, escriptures et enseignements touchant le fait et gouvernement de la seigneurie du dit lieu de Ponteaudemer ; les quels a baillez et délivrez en vos mains ; et, par rapportant ces présentes, avec quittance souffisante du dit Doucereau, il vous sera aloué et rabatu en voz comptes de voslre recepte. Donné au Ponteaudemer, sous le scel de noz armes, le xxie jour d’aoust, l’an mil cccc quarante et neuf. Signé le Bastart d’Orléans. — Original en parchemin portant au dos, sous la date du 22, la quittance de Doucereau.
[21] Berry, p. 436 à 418. J. Chartier, t. II, p. 102 et suiv., 159 et suiv., 172 et suiv. Chronique de Normandie, f°191 à 193. Escouchy, 197 à 210. Du Clercq, p. 7 et suiv. Basin, p. 231 et suiv. Cagny, Ms. 48 Duchesne, ch. CXCIII. Assertio Normannie, Ms. lat. 6198, f° 37 v°. Janvier, Recherches sur les arbalétriers de Picardie, p. 204. Revue anglo-française, 1835, t. III, p. 122.
[22] Sans compter le nombre et le bon droit, P. de Brézé, Dunois et les hauts commissaires surent employer habilement des circonstances secondaires. Ainsi le sénéchal, par sa femme, née Jeanne Crépin, par ses possessions en Normandie, était apparenté ou allié à de nombreux personnages de cette province. Les Anglais eux-mêmes avaient, en Normandie, épousé des Françaises. Ces influences amiables servirent, sur plus d’un point, à prévenir des luttes matérielles et l’effusion du sang ; sur d’autres points, quelques sommes d’argent, quelques fonds secrets, habilement distribués, eurent raison de certains antagonismes ou plutôt de certaines cupidités. Auteurs cités. Notice sur Robert Blondel, 1850, p. 57. Biographie Didot, article Aux-Épaules (Richard). Anselme : Brezé. Bibliothèque de l’Ecole des chartes, t. VIII, p. 132 et suiv. Ms. Gaignières 896, 1, f° 5. Etc., etc.
[23] Berry, p. 439. Chartier, p. 127. Ms. 6198, f° 50 v°. Etc.
[24] Itinéraire. Ordonnances, t. XIX, p, 69 à 79. Ms. Moreau, n° 252, f° 51 et suiv. Registre des marchandises remises en compagnie française des marchands hansés de Paris par divers marchands de Rouen, Elbeuf, Arras, etc. ; Ms. Moreau 1062, au 8 octobre 1449. J. Chartier, notice, t. I, p. X et suiv. Assertio Normannie. Ms. lat. 6198 ; ouvrage original et riche de son propre fonds ; inédit. Recouvrement de la Normandie, ou mieux Chronique générale de Normandie, par le héraut Berry ; Ms. fr. 5028. Le recouvrement, qui termine l’ouvrage, a été inséré par l’auteur dans sa belle Histoire ou Chronique de Charles VII. Ce même morceau (le recouvrement) parait avoir servi de modèle, ou source principale, aux différents auteurs, même bourguignons ou normands, qui ont traité le même récit.
[25] Berry, p. 441. J. Chartier, t. II, p.157. Escouchy, p. 211. Du Clercq, p. 11. Chronique de Normandie, f°194. Histoire de la cathédrale de Rouen, t. II, p. 469.
[26] Notre-Dame de Bondevillle ?
[27] Les mêmes. J. Chartier, p. 139, 160. Le 13 octobre 1449, procession, à Paris, des enfants des petites Écoles. Ils se rendent de Notre-Dame à Saint-Innocent, pour implorer le secours divin en faveur des armes du roi, occupé à reconquérir la Normandie. L. L. 219, f° 668. Journal de Paris, p. 731. Histoire de l’instruction publique, p. 378. J. Chartier, t. II, p. 200, 201 ; t. III, p. 329. Itinéraire. Berry, p. 442. Cheruel, p. 123. Le Jouvencel, éd. Vérard, f° 9 v°.
[28] Cheruel, Chronique de Normandie ; auteurs cités.
[29] Les mêmes. Ms. fr. 4054, f° 150 v°. Ms. latin 6198, f° 57 v°. Basin, t. I, p. 224 à 227.
[30] Les mêmes. Ms. latin 6198, f° 62. Escouchy-Beaucourt, p. 221. Martial d’Auvergne, les Vigiles de Charles VII, 1724, in-8°, t. II, p. 64. Ms. latin 6198, f° 55 et suiv. Les auteurs du Gallia christiana s’expriment ainsi à l’article de l’archevêque de Rouen, Raoul Roussel : Ejus imprimis opera urbs Rotomagensis Carolo VII°, Francorum regi, suoque legitimo domino dedita est xiv cal. nov. (le 19 octobre 1449) et ipse post dies octo (le 27 octobre) eidem regi fidem juravit. (T. XI, col. 89.)
[31] Les mêmes. Basin, p. 228. Ms. latin 6198, f° 61 v°. 19e octob.1449 fuit reductio villæ Rothomagensis ab Anglis ; Registres capitulaires, cité par Fallue, Histoire de la cathédrale de Rouen, p. 473. — Le 23 octobre 1449, Compiègne célèbre par une procession et un sermon la prise de Rouen. Archives de Compiègne, C. 19. Lépinois, Bibliothèque de l’École des chartes, L. XXIV, p. 496. Le 20 octobre, feu de joie à Paris ; le 28, grande procession (Journal de Paris, p. 731). Le xxviije jour d’octobre 1449, payé à Guill. Peel la somme de huit livres et cinq sous tournois par ma dicte dame (Marie de Clèves, duchesse d’Orléans) pour ce qu’il apporta les premières nouvelles que Rouen estoit françois. Laborde, Ducs de Bourgogne, t. III des Preuves, p. 545, n° 6685.
[32] John Talbot, le sire de Roos, fils d’un premier lit de la duchesse, et autres personnages de marque, furent livrés comme otages jusqu’au parfait accomplissement de ces obligations. Les mêmes. Ms. fr. 5909, f° viijxxxv v°. Ms. fr. 4054, f° 158. Ms. lat. 6198, f° 62. J. J. 180, p. 26. Anoblissement des nommés Roux, Jean Basin et Le Normand, pour avoir contribué à la réduction de la Normandie. J. J. 180, chartes 9,46, 137 ; M. M. 835, f° 112, 195 ; Basin, t. IV, p. 188 et suiv. Siège de Rouen en 1449, tiré d’un manuscrit de la bibliothèque de Poitiers, publié par M. Mazure dans la Revue anglo-française, 1835, t. III, p. 111. Réduction de la ville de Rouen, etc., publié pour la première fois d’après un manuscrit de la bibliothèque de Rouen, par M. A. Potier, bibliothécaire de cette ville ; Rouen, 1841, 15 pages in-8° ; inséré dans Revue rétrospective normande, 1842, in 8°. Gallia christiana, t. XI, coll. 89 à 91 ; 186, 212.
[33] Auteurs cités. Il parait, par la déposition que Geoffroy Barnisson, orfèvre de Rouen, fit le huitième jour de novembre 1449, que les troupes du roi entrèrent à Rouen un dimanche, le 26 octobre et qu’elles pillèrent les maisons des Anglais. Ms. Blancs-Manteaux 48 b, f° 77 v°. Basin, t. IV, p. 332 et suiv. E. de Fréville, Documents relatifs à l’histoire de Rouen, 1860, in-8°, p. 6 et suiv. K. 68, B. 38.
[34] Escouchy-Beaucourt, p. 229 et suiv. Ms. latin 6198, f° 66.
[35] Ibid., p. 235. Lettres royaux du 5 octobre, données à Louviers ; Cousinot y est qualifié dès lors : bailli de Rouen et commissaire du roi en cette partie. Ms. Moreau 252, f° 51 et suiv.
[36] Ibid. Berry, p. 445 et suiv. J. Chartier, t. II, p. 161. Du Clercq, p. 14.
[37] Les mêmes. Cheruel, p. 130. Revue anglo-française, p. 115, 116. Chronique de Normandie, f° 109.
[38] Mêmes autorités. Escouchy, p.230. Basin, t. IV, p. 131. Indépendamment du cerf volant, le roi avait pour emblème le soleil d’or... Au plus près du roy estoit un escuyer qui portoit l’estendart du roy de France, lequel estoit de satin cramoisy semé de soleils d’or, et après lui les dits hommes d’armes qui estoient en la bataille au nombre de 600 lances, où pendoit à chacune d’icelles lances un panonceau de satin vermeil à un soleil d’or. Berry, p. 445.
[39] Les mêmes. Fréville. Fallue, Histoire de la cathédrale de Rouen, t. II, p. 469 et suiv. — Lettres données par le roi à Sainte-Catherine lez Rouen (du 1er au 8) novembre 1449. Ordonnances, t. XIV, p. 72.