HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE VI. — MÉTAMORPHOSE DE CHARLES VII - 1436-1444.

CHAPITRE IV. — Suite de la Praguerie. Assemblée de Nevers. Période fortunée de Charles VII. Voyage de Tartas. Campagne de Guyenne. Comminges. Armagnac. Siège de Dieppe. Traité de Tours. (Du 19 juin 1441 au 1er juin 1444).

 

 

Cependant les princes intriguaient toujours. Un premier échec n’avait pu suffire pour déraciner du sol cette oligarchie, si vivace depuis Charles VI, et que favorisait la vieille constitution féodale du royaume. L’arrivée de Charles, due d’Orléans, fut saluée comme un événement, par les membres vaincus de la Praguerie. Pendant que de vrais Français combattaient à Creil et à Pontoise, Charles d’Orléans, au lieu de se présenter devant le roi, voyageait en Perche et en Bretagne. Les tronçons de la guerre civile s’agitaient et se cherchaient. Le 16 juin 1441, Henri VI accorde à Jean duc d’Alençon et à Marie d’Armagnac, sa duchesse, un sauf-conduit pour aller, venir, tant en France qu’en Normandie, voler (chasser), etc. avec deux cents personnes de compagnie... Dans le même temps, une lettre de Garter, king-at-arms (roi d’armes de la Jarretière), était interceptée et traduite, en présence d’un secrétaire du roi Charles VII, par l’Écossais Nicol Chamber. De cette dépêche, qui subsiste en original, il résulte la preuve que dès lors le duc d’Alençon trahissait la France, et révélait à l’ennemi des faits de guerre préparés en Normandie contre les anglais[1].

Philippe le Bon prêtait, à ces manœuvres, une condescendance, dans laquelle l’abandon de la courtoisie, ou l’imprudence de sa vanité, avaient plutôt part que la perfidie. Le 24 décembre 1441, à Dijon, il dicta les instructions d’un nouveau congrès des princes et désigna pour cet objet

ses ambassadeurs. Pou après, Philippe reçut et festoya     dans cette ville, à l’hôtel du blaire, son gendre et sa fille, duc et duchesse de Bourbon. Le congrès s’ouvrit enfin à Nevers, en Bourgogne, au mois de février 1442[2].

Le prétexte de cette réunion était de procurer la paix du royaume. Charles VII avait repoussé victorieusement la force par la force. Lorsque ses parents eurent recours à la voie parlementaire, le roi, sans approuver ces conciliabules tenus hors de sou autorité et hors de son domaine, condescendit toutefois à les tolérer. Il y envoya même l’évêque de Clermont, vice-chancelier de France, et des commissaires. Les ducs de Bourgogne, de Bretagne, de Bourbon, d’Orléans, d’Alençon, les comtes de Dunois, de Nevers, d’Étampes et autres, participèrent à ce congrès, soit en personne, soit par délégués. Quelques vues générales, dépourvues de toute nouveauté, accompagnées de lieux communs sur les malheurs publics, furent mises en avant ; puis réfutées par les commissaires royaux. Les récriminations personnelles, les griefs et les intérêts particuliers des princes, fournirent la principale matière de leurs aigres et égoïstes motions. Cette assemblée enfin n’eut point d’autres fruits immédiats que des messages auprès du roi absent, des discussions et des négociations stériles[3].

Durant ce temps, en effet, le roi prêchait d’exemple : il marchait contre la guerre civile et les Anglais. Les princes revendiquaient ce qui leur était dû à raison de leur naissance. Charles VII s’entourait de tous les Français, princes, gentilshommes et autres, qui aimaient leur pays et qui le servaient de leur cœur, de leurs bras et de leur esprit. Vers mars-avril, Simon Charles, président des comptes, et Guichard de Chissé, furent nommés commissaires royaux, pour garder en l’absence du roi, les pays de la rivière de Seine et Ile de France. Le roi mit également provision, vis-à-vis de la Normandie, et dans les autres régions, à la sûreté du royaume. Pour lui, dès le mois de janvier, il quitta Saumur, ses quartiers d’hiver, confins de la Touraine, et passa en Poitou[4].

Le roi, chemin faisant, subjugua les restes de la ligue que n’avait cessé de fomenter La Trimouille. Il mit successivement dans sa main les places de Palluau et des Essarts en Poitou ; Mareil et Sainte-Hermine, que tenait La Trimouille ; puis Taillebourg ; les îles d’Oléron, Maremnes ; les forts de Mornac, Broue et Royan. Le sire de Pons, neveu de La Trimouille, vint faire sa soumission au roi. Maurice de Pluscallet, autre ligueur, fut envoyé captif à La Rochelle. Puis le roi visita cette place fidèle, qu’il enrichit de nouveaux privilèges. Il se rendit ensuite à Limoges et célébra la Pentecôte (20 mai) dans cette ville[5].

Après divers pourparlers, les ducs de Bourbon, d’Alençon, le duc, la duchesse d’Orléans et autres princes mécontents, vinrent trouver le roi à Limoges. Des instructions, des mémoires écrits, avaient été rédigés. Le duc d’Orléans porta auprès du roi la parole. Charles VII écouta longuement et patiemment les doléances des requérants. Il leur répondit de bouche, puis selon l’usage, par le chancelier de France. Les requêtes furent lues, examinées et contrôlées. Chacun des articles (dont nous possédons le texte), reçut au nom du roi, par apostille, soit une gracieuse et raisonnable adhésion, soit une réfutation péremptoire. Charles d’Orléans se sentait chargé du poids de l’âge, besogneux, impuissant. Ce prince expia au prix d’un insuccès final ce premier essai de vie politique.

Le duc avait souscrit envers Henri VI une rançon de quatre cent mille écus, sans compter celle de son frère[6] Charles VII, après l’avoir vaincu moralement et désarmé, l’enchaîna de ses bienfaits. Il lui donna cent soixante mille livres comptant, et leva une taille dans tout le royaume, à l’effet de subvenir aux nécessités financières de son cousin. Il lui assigna pour l’avenir et dès lors, une pension de dix mille livres tournois, qui fut bientôt portée à dix-huit mille. Le duc-poète renonça au rôle, trop lourd pour ses forces, qu’il s’était laissé imposer ; et, dès ce jour, il disparut à peu près complètement de la scène, ou de la vie publique[7].

Charles VII, dans la fleur de son âge viril, touchait au terme le plus brillant de sa carrière. La fortune le favorisait, mais il donnait à la fortune cette noble réplique, qu’inspirent aux généreux l’intelligence et le courage. Les deux Brezé, assistés d’un hardi capitaine nommé Robert de Floques, dit Floquet, et de Dunois, remportaient pour le roi des avantages marqués sur les marches de Normandie. Evreux, le 15 septembre 1441, était tombé au pouvoir des Français. La bravoure, qui sait entreprendre, avait pour modérateurs l’esprit de suite, le coup d’œil du politique, habile à temporiser et à féconder les fruits de la victoire. Peu à peu, les Anglais étaient refoulés aux deux extrémités maritimes du royaume[8]. Divers succès appuyèrent cet effet moral sur d’autres points du territoire[9]. Le théâtre le plus important de la lutte, indiqué par les conjonctures présentes, était la Guyenne. Charles VII s’y dirigea personnellement. Vers le mois de juillet 1441, les Anglais de Bordeaux avaient assiégé Tartas. Cette petite place, située entre Dax et Mont-de-Marsan, appartenait au sire d’Albret, vassal et allié du roi de France. Tartas se rendit, après six mois de siège, par capitulation. Un gouvernement mixte et provisoire y fut institué. Le fils puîné d’Albret demeura pour Mage. Après la Saint-Jean (24 juin) 1442, il devait rester anglais, comme la ville, à moins que, dans cet intervalle, Charles VII ne se fût montré le plus fort devant la place. En ce même temps (juin à décembre 1441), les princes ligués donnaient suite à leurs menées vis-à-vis de l’Angleterre. Les ducs de Bretagne, d’Orléans et d’Alençon, négociaient un traité entre leur allié le comte d’Armagnac, Jean IV, et le roi d’Angleterre Henri VI[10].

Nous avons peint ailleurs, pour n’y point revenir, le caractère politique et moral de ces grands vassaux du midi. Jean IV, en cette circonstance, déploya une rare audace, pour soutenir son rôle traditionnel de duplicité, entre les rois de France et d’Angleterre. Son frère Bernard, comte de la Marche (dont les vertus contrastaient avec la déplorable renommée des Armagnacs), servait au premier rang, parmi les conseillers de Charles VII. Son fils aîné le vicomte de Lomagne, secondait également le roi dans cette expédition militaire. Durant le même temps, Jean IV envoyait à Londres, son chancelier, Jean de la Batut ou de Batute, archidiacre de Rhodez, suivi d’une ambassade, pour traiter de paix, alliance, confédération et amitié avec Henri VI. Le comte enfin, comme gage de cette union, offrait au jeune roi anglais, l’une de ses filles en mariage[11].

L’ambassade d’Armagnac fut reçue à Londres en mai 1442. Le 10 juillet, lord Roos, Th. Beckington, secrétaire du roi, etc., s’embarquaient à Plymouth pour Bordeaux et parurent en Gironde le 14. Cette légation était chargée de convertir en réalités les ouvertures faites par Jean IV, et ces projets d’alliance. Cependant Charles VII quittait Limoges à la fin de mai, et, passant par Villefranche de Rouergue, il parvenait, vers le 8 juin, à Toulouse. Le roi avait réuni pour cette expédition tout ce que ses finances lui permettaient d’assembler de gens d’armes. Le connétable, mandé de Paris, se dirigea par une autre route : celle de Clermont en Auvergne, afin de ménager le pays. Les forces militaires et leurs chefs se concentrèrent à Toulouse[12].

Arrivé dans cette ville, le roi, ayant reçu les hommages des autorités, fit venir auprès de lui les comtes d’Armagnac, de Foix, d’Albret, de Comminges et d’Astarac. Charles VII conduisait, autour de sa personne, environ trente-deux mille hommes, bien montés ; de l’artillerie ; et tout un appareil imposant de campagne. C’étaient là des arguments décisifs : les grands vassaux du midi prêtèrent serment de fidélité au roi. La plupart, mis en demeure, acquittèrent immédiatement le devoir de leurs fiefs, en prenant hic et nunc du service sous la bannière de France[13].

A l’annonce de ces événements, l’Angleterre se mit cri devoir d’expédier de nouvelles troupes. Mais le gouvernement anglais, sous la minorité d’un prince faible d’esprit, était livré aux rivalités qui accompagnent ordinairement les régences. Au jour dit, le roi Charles parut devant Tartas, escorté de seize mille combattants. Les anglo-gascons qui détenaient la place n’essayèrent même pas de résister. Charles VII y rétablit immédiatement sa puissance. De là, le roi se porta successivement à Saint-Sever, Dax, Condom, Agen, Marmande, La Réole et Montauban.

Les lieux qu’on vient de nommer, à l’exception de Montauban, étaient au pouvoir des Anglais. Charles VII les réduisit sous son autorité, ainsi que les places de Tonneins, Millan, Malvesin, Roquetaillade et beaucoup d’autres. Le roi et le dauphin prirent part en général à toutes les opérations militaires. Cette brillante campagne se termina par le siège de La Réole, qui se rendit le 8 décembre 1442. Le roi, accompagné de la reine et de toute sa cour, vint prendre ses quartiers d’hiver à Toulouse et à Montauban[14].

Pendant que Charles VII reprenait aux Anglais ses villes de Guyenne, Jean d’Armagnac, de son château de Lectoure, entretenait une correspondance clandestine, par l’organe de Jean Batute, avec les ambassadeurs anglais de Bordeaux. Le comte avait auprès de lui deux filles en âge d’être mariées. Tout d’abord, les ambassadeurs eurent pour instructions, de se rendre, ou de dépêcher quelqu’un à Lectoure, chargé de voir et d’observer ces princesses, puis d’expédier immédiatement un courrier à Londres. Ce courrier devait porter au jeune roi une description, ou portrait écrit, de ces deux damoiselles, de manière à le renseigner exactement : touchant la tenue ordinaire de chacune d’elles ; leur physionomie, leur stature, leur beauté, la couleur de leur peau, leurs manières, et tous leurs traits physiques. Sur cet état, précis et certifié conforme, Henri VI devait prendre et faire connaître ultérieurement sa détermination[15].

Le 3 novembre 1442, un peintre portraitiste, envoyé par la cour de Westminster, débarquait à Bordeaux. Cet artiste, choisi sur la renommée qu’il s’était acquise, s’appelait maître Hans, nom qui semble désigner un sujet des États de Bourgogne. Maître Hans se rendit auprès du comte, porteur d’un message secret, renfermé dans l’intérieur de son bâton de voyage. Il dut exécuter, pendant l’hiver, le portrait réel et diplomatique de la princesse élue.

En effet, durant cet intervalle (juillet à décembre), Charles VII soumettait presque tout le pays des Landes jusqu’à Bayonne. Son armée avait pénétré entre la rive droite de la Garonne et la Dordogne, jusqu’au sud du Médoc. Plus de vingt villes, sises sur cette rive du fleuve, avaient reconnu son autorité. Jean IV était donc comme bloqué ou gardé à vue dans son château de Lectoure : et les soldats du roi, qui tenaient la campagne, surveillaient attentivement les communications de l’ennemi. Thomas Ramston, sénéchal de Bordeaux, avait été pris au début de l’expédition. Peu après, cent trente marins français, descendus de Talmont, ainsi que de Royan, et armés en course, venaient donner la chasse, jusque sous la vue de Bordeaux, à des navires anglais. Le 26 septembre, Robert Clifton, connétable de Bordeaux, mourut dans cette ville. L’archevêque de cette métropole (le célèbre Pey Berland), se rendit en Angleterre, pour certifier aux conseillers d’Henri VI la détresse intime et l’état désespéré de la Guyenne anglaise, investie et menacée de toute part[16].

Le moment, toutefois, n’était point venu encore. La Guyenne, pendant longtemps sevrée de ce qu’on pourrait appeler le courant de l’esprit français ou national, s’était façonnée, au joug des Lancastres. Des intérêts locaux, matériels, y prédominaient sur l’idéal politique. La féodalité conservait toutes ses racines, dans ces provinces, où le patriotisme commençait seulement à germer. Par les travaux ultérieurs de Charles VII, le lecteur pourra juger, combien une tentative plus hardie eût été, en 1442, téméraire et prématurée. Cet énergique et premier déploiement de force atteignait lui-même à un effet moral.

Maître Hans, s’il remplit jusqu’au bout l’objet de sa mission, peignit les trois portraits, sans profit pour le jeune roi qui les avait commandés. Les ambassadeurs anglais s’aperçurent enfin qu’ils étaient dupes de leur attente, et se rembarquèrent en janvier 1443. Ainsi, le projet d’alliance, conçu par les princes, était entièrement déjoué. Le roi, au contraire, grâce au concours de Bernard d’Armagnac, comte de la Marche, maria son connétable, avec une fille d’Albret. Cette union fut célébrée à Nérac près de Mont-de-Marsan, le 29 août 1442. Jean IV d’Armagnac et le roi d’Angleterre, chacun de leur côté, adressèrent des propositions de paix au-roi de France[17].

Charles VII, pendant le cours de cette campagne, subit un deuil, plus grave que celui dont il fut atteint le jouir où il perdit sa propre mère. Yolande d’Aragon, dont la vie et l’éloge ont été particulièrement signalés dans le tome I du présent ouvrage, mourut au château de Saumur le 14 novembre 1442. La reine des quatre royaumes, comme on l’appelait, était âgée de 62 ans. Souveraine nominale d’Aragon, Naples, Sicile et Jérusalem, l’histoire peut ajouter le nom de la France à cette énumération dé ses titres honorifiques. Si le regard des patriarches et des politiques est donné aux femmes, Yolande d’Aragon, en fermant ses yeux, put emporter dans la tombe une haute et légitime satisfaction de son œuvre. Le judicieux Berry lui consacre cette concise et juste mention : elle fut une fort bonne et sage dame[18].

Le roi séjourna près d’un an dans ce voyage du midi. Eu mai 1443, il reprit le chemin du Poitou et résida le reste de cette année sur les bords de la Loire, sa demeure de prédilection. Charles, durant cette période, donna ses soins aux affaires administratives ou civiles de son royaume. Son séjour à Toulouse et à Montauban fut signalé par divers édits, relatifs aux intérêts des villes du Languedoc. Telles sont les lettres données le 10 mars pour protéger les marchands de cette province contre les arrestations arbitraires, et d’autres lettres, du même jour, contre la piraterie.

Le roi intervint aussi, comme haut justicier, dans un litige très notable. La comtesse de Comminges ; âgée de quatre-vingts ans, était détenue prisonnière par son mari, prince de la maison de Foix, et de connivence avec les barons de sa parenté. Charles VII, après avoir mis ses panonceaux sur les tours des comtés de Foix et d’Armagnac, ajourna les partis à comparaître devant les juges de son parlement, à Toulouse. Il manda également les trois états de Comminges en sa présence. Là, il fit juger le débat selon les formes du droit, et mit en liberté la comtesse, qui vint terminer ses jours à la cour, sous la protection du roi[19].    

Nous ne pouvons indiquer que sommairement plusieurs autres règlements civils ; édictés par ce prince dans la seconde moitié de l’année. Mais une attention profonde est due à l’ordonnance promulguée le 25 septembre à Saumur, touchant le gouvernement des deniers publics[20].

Cet édit posa les grands principes qui devaient introduire l’ordre, la lumière et l’équité au sein de l’administration du Trésor royal. Il débute par un bref exposé de la situation, dans laquelle étaient tombées les Finances du royaume. Les ressources ordinaires (ou domaine) et les ressources extraordinaires (impôt) y sont clairement distinguées. Cette séparation était ancienne ; mais le fait nouveau et saillant consiste dans le programme des mesures qui devaient assurer, pour l’avenir, une meilleure gestion et des unes et des autres. En ce qui concerne le domaine, des aliénations abusives l’avaient singulièrement amoindri. Depuis longtemps, les officiers chargés de présider au péage des ponts, de percevoir les divers revenus de la couronne, négligeaient de réparer les immeubles et les laissaient tomber en ruine. Les cens et rentes avaient cessé d’être perçus. Des fondations pieuses attachées à ces mêmes tenures royales et connues sous le nom de fiefs et aumônes, n’étaient plus acquittées. Le roi rétablit l’ordre ; prescrit la revendication des revenus arriérés, ordonne les réparations et remet en valeur le domaine[21].

Pour ce qui est de l’impôt, la comptabilité reçoit des règlements d’une sagesse et d’une précision toutes nouvelles. Antérieurement, les libéralités accordées au nom du roi consistaient dans les mandements ou bons isolés, que l’importunité des ministres et des favoris dérobait pour ainsi dire, quelquefois en blanc, à l’inexpérience ou à la faiblesse confiante du monarque[22]. Désormais tous les dons, pour être valables, doivent figurer collectivement sur des tableaux, signés de la main du roi, sous la forme de rôles ou états d’ensemble. De même aussi, les trésoriers et receveurs sont tenus de fournir trois fois par an des résumés généraux de leur situation ; savoir : le premier, par prévision, au début clé l’exercice ; le deuxième, au milieu de l’année financière ; le troisième, à la fin de cette période. Il est ordonné aux autres comptables de fournir des étals analogues, à des intervalles plus rapprochés et même mensuellement. Les quittances en blanc sont formellement abolies et interdites, par un article spécial.

Telles sont les dispositions principales contenues dans cette ordonnance[23].

Marguerite de Comminges mourut à Poitiers, peu de temps après son arrivée à la cour. Jean IV d’Armagnac, instruit de son décès, s’empara aussitôt des places qui constituaient l’héritage de la comtesse. De plus, il détourna de ses devoirs et prit sous ses gages un capitaine espagnol, nommé Salazar, qui obéissait au roi Charles. Salazar, institué par Jean dans le Rouergue et l’Armagnac, y causa mille pilleries et désordres. Jean IV avait violé les sauvegardes royales. Charles VII lui envoya successivement des mandements nouveaux ; puis, le sénéchal de Toulouse ; puis, le sire de Trainel, bailli de Sens. Jean, se fiant à la distance et à ses manœuvres, désobéit à toutes les sommations. Il poursuivait toujours les négociations relatives au mariage de sa fille avec le roi d’Angleterre[24].

Charles VII, au printemps de l’année suivante, dirigea vers le midi son fils le Dauphin, suivi de quelques milliers de combattants. Louis, accompagné de Bernard, comte de la Marche, du maréchal de Culant, du sire d’Estissac, etc., investit la ville et le château de l’Ile-Jourdain, où s’était enfermé le comte. Salazar fut expulsé. Le dauphin s’empara au nom du roi, son père, de toutes les places du Commingeois, de Rouergue et de l’Armagnac, détenues jusque-là par les officiers du comte. L’Ile-Jourdain prise d’assaut, Jean IV devint prisonnier du roi, avec la comtesse d’Armagnac et ses deux filles. Louis dauphin retourna, vers le mois de mai 1444, à Tours, près de son père, chargé des dépouilles et des biens meubles les plus précieux enlevés au vaincu[25].

Depuis la Pucelle et surtout depuis le traité d’Arras, les affaires de l’Angleterre en France n’avaient poila cessé de décliner. Les Anglais tenaient toujours la campagne et remportaient, de temps à autre, quelques avantages. Ainsi, vers la fin de 1437. Le Crotoy, Longueville (après mars 1438), Gerberoy (10 novembre), tombèrent en leur pouvoir. Philippe le Bon renouvela vainement des tentatives aux environs de Calais et de Guisnes. Des efforts infructueux furent également essayés par les Français devant Avranches (1440 vers janvier) et devant Harfleur (avril et mois suivants). Mais le champ des hostilités se circonscrivait de plus en plus. La défense marchait en avant contre l’invasion, qui rétrogradait et s’acculait de jour en jour[26].

Montargis, Chevreuse, Dreux, Orville, etc., aux environs de Paris, furent rendus par composition en 1438. La ville de Meaux, qui avait coûté neuf mois de siége à Henri V, fut reprise en quinze jours, au mois d’août 1439, grâce à l’artillerie de Jean Bureau, sous les ordres du connétable. A la fin de 1440, les Français s’établirent fortement à Louviers et à Conches. Saint-Germain en Laye fut recouvré par Richemont. Enfin le siége mémorable de Dieppe termina favorablement cette période militaire[27]. En novembre 1442, lord Talbot, accompagné de son fils, le bâtard de Talbot et de W. Peyto, l’un de ses lieutenants, vint s’établir sur la montée ou falaise du Polet. Il construisit en ce point une forte bastille de bois, armée de deux cents pièces d’artillerie qui battaient de feux plongeants la tour du Polet et les murailles de la ville. Pendant ce temps, la place était investie par mer à l’aide d’une flottille d’attaque. Charles des Marets, avec une poignée de combattants et soutenu de la population civile, résista d’abord seul à cette entreprise[28].

Il fut ensuite secouru par le bâtard d’Orléans, Tugdual le Bourgeois et Guillaume de Ricarville. Charles VII, en dernier lieu, nomma son fils Louis au commandement de cette expédition. Le dauphin se rendit à Dieppe, accompagné de forces, de munitions considérables, et assisté des meilleurs capitaines. Le 15 août 1443, le siége de Dieppe fut levé en présence et à l’honneur du jeune prince[29].

De sérieuses négociations s’entamèrent en février 1444, de la part du gouvernement anglais, pour traiter de paix, ou pour le moins de trêves, avec la France. Villiam Pole, comte de Suffolk, l’un des chefs du parti qui dominait alors à la cour de Westminster, fut accrédité, à cet effet, comme ambassadeur. Le comte avait entretenu précédemment des rapports assez étroits avec le duc d’Orléans, durant sa captivité. Suffolk était accompagné de Me Adam Moleyns, évêque de Chichester et garde du sceau privé ; de Robert Roos, chevalier, et de Thomas Hoo, chancelier de France pour le roi d’Angleterre. Les conférences diplomatiques durent primitivement se tenir à Compiègne. En conséquence, le chancelier de France, R. de Chartres, se rendit à Paris dans le mois de mars. Il fit réunir, au Trésor des Chartes, les actes officiels qui témoignaient des rapports établis entre les deux royaumes depuis un siècle. Muni de ces documents, le chancelier retourna promptement auprès du roi, qui résidait à Tours. Mais, arrivé dans cette ville, il mourut subitement le 8 avril 1444[30].

Les premières conférences s’ouvrirent à Vendôme les 8 et 9 avril. Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne, ministre influent du nouveau conseil, dirigea ces négociations. Toutefois, le comte de Vendôme, et surtout le duc d’Orléans, furent nominalement préposés pour traiter au nom du roi. Suffolk ne tarda point à visiter en son château de Blois le duc Charles, son ancien hôte de captivité. Le 16 avril 1444, l’ambassade descendit la Loire dans des barques, depuis Blois jusqu’à Tours, accompagnée du duc Charles et de son frère le comte de Dunois. Arrivés aux portes de la ville, les envoyés d’Angleterre furent accueillis en grande pompe par le roi de Sicile ; par le duc de Calabre, son fils ; les ducs de. Bretagne et d’Alençon, les comtes du Maine, de Vendôme, de Richemont, Saint-Paul, Étampes, Tancarville, etc., etc. William Pole et ses compagnons pénétrèrent le lendemain auprès du roi, qui résidait au château de Montils, lès Tours. Charles VII reçut en audience solennelle, avec beaucoup de grâce, les envoyés de son neveu, qui lui présentèrent leurs lettres de créance. Les bases du traité étaient dès lors arrêtées[31].

Plusieurs semaines, cependant, s’écoulèrent encore en pourparlers, en actes de chancellerie et en préparatifs. Le 3 mai, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et ses ambassadeurs ou officiers vinrent prendre part au congrès. Le lendemain 4, Isabelle de Lorraine, reine de Sicile, quitta la ville d’Angers, où elle faisait sa demeure habituelle. La reine-duchesse vint prendre son gîte à une lieue de Tours, dans une abbaye de religieuses[32]. Elle était accompagnée de sa fille, qui fut, depuis, la célèbre Marguerite d’Anjou, destinée comme épouse au roi d’Angleterre. Durant ce temps, on faisait à Paris, pour rendre le ciel propice à cette alliance, une procession solennelle, accompagnée d’un mystère qui représentait l’histoire du Juif et de la sainte hostie, jadis poignardée par cet infidèle en l’église des Billettes[33].

Le roi de France avait plusieurs filles à marier. Mais une renommée fatale et impopulaire s’attachait dans l’opinion publique, et non sans cause, aux alliances de princesses françaises avec des princes anglais. Charles VII n’avait que trop éprouvé l’effet des prétentions qui étaient résultées de ces mariages. Docile aux leçons de l’expérience et de l’histoire, il ne voulut accorder que l’une de ses nièces, presque sans dot et sans apanage, au roi d’Angleterre[34].

Le 20 mai 1444, fut signé à Tours un traité de trêves entre les deux royaumes, accepté par les parties comme devant servir de prélude à un traité de paix. Cette abstinence de guerre, destinée à être renouvelée, devait être signifiée et mise à exécution dans le délai de quelques jours. Le premier terme assigné provisoirement à la convention, s’étendait jusqu’au 1er avril, avant Pâques, de l’année suivante, 1445 suivant la teneur de l’acte ; c’est-à-dire 1446, selon le comput moderne. Marguerite d’Anjou fut fiancée par le légat du pape[35], dans l’église de Saint-Martin de Tours, le 24 mai. William Pole, comte de Suffolk, l’épousa au nom du roi d’Angleterre, en présence des rois de France et de Sicile, de leur cour et des autres envoyés britanniques. Le 29 mai, l’ambassade prit congé de la cour de France pour retourner auprès du roi Henri. Les trêves avec l’Angleterre furent publiées successivement sur terre et sur laser, puis signifiées aux puissances étrangères ou alliées, à partir du le juin 1444[36].

 

 

 



[1] Biographie : Orléans (Charles). Ms. 82 Bréquigny (Moreau 706), p. 12 et s. Ms. Baluze 9037, 7, pièce 13. A. Champollion-Figeac, Louis et Charles d’Orléans, p. 339, 341. D. Morice, t. I, p. 538, 530.

[2] A Dijon, Hue de Boulogne, qui succédait à J. Van Eick, peignit les bannières destinées à la décoration de l’hôtel. La moitié de ces bannières était à la devise de Philippe : un fuzil (briquet à pierre) noir, enzply de flambes de rouge cler, et la pierre d’azur. L’autre moitié était à la devise du duc de Bourbon : ung pot d’azur, emply de feu grégeois, fait de rouge cler. (De la Fons-Melicoq, La Picardie, 1857, p. 27.) Ms. Collection de Bourgogne, citée, t. X, p. 448.

[3] D. Morice, ibid. D. Plancher, t, IV, p. 250. Collection de Bourgogne, vol. cité, p. 440. Ms. Bl.-Manteaux, t. XLVIII b, p, 10. Titres inclassés, Bibliothèque impériale, carton n° 1300 bis. Gachard, Dijon, p. 75, 76.

[4] Berry, Godefroy, p. 418. P. P. 113, f° 254. Artillerie et appointement nouvel, cité. 1442 Janvier : 1 à 7, le roi à Saumur ; 9 à 19, Bressuire. Février, Saint Jean d’Angely, Saintes. Mars-avril, Lusignan. Mai, Limoges. Juin, Toulouse et le Toulousain. (Itinéraire.)

[5] Berry, 417, 418, Ms. Bruneau, bibliothèque de La Rochelle ; communication de N. Jourdan, de La Rochelle. Mém. de la Soc. des Antiquaires de France, t. XI, p. 311. Le roi, étant à Limoges, rendit aux Niortais la mairie, ou gouvernement municipal, qu’il leur avait retiré lors de la Praguerie. Briquet, Hist. de Niort, t. I, p. 441. Ms. Fontanieu, 117, aux 26 et 28 mai 1442. Lettre de Charles VII, archives de Reims, 26 mai 1442 ; communiqué par M. L. Paris.

[6] Jean, comte d’Angoulême.

[7] Monstrelet-d’Arcq, VI, 27 et s. Isambert, Anciennes lois françaises, t. IX, p. 99. Ordonnances, XIII, 350. Biographie Didot : Orléans. Livre vert vieil 2e, f° 119. Berry, 418, 423. A. Champollion, p. 347. K. 690, ann. 1443.

[8] En Normandie et en Guyenne.

[9] Dossier Xaintrailles, au 18 décembre 1441. Mss. Gaignières, n° 649, 1 ; 649, 3 ; 649, 5 ; du 4 août 1441 au 3 janvier 1442. Ms. Fontanieu 119 : mai et 30 octobre 1442. Cabinet historique, 1560, p. 27, n° 16 ; p. 28, n° 19. J. Chartier, t. II, p. 18, 19, 32. Journal, p. 721 a. Basin, I, 147. Berry, 417, Monstrelet, VI, 57. Wavrin, I, 323 et s. Du Tillet, Recueil des traitez, p. 242. Ordonnances, XIII, 351 ; XVI, 571. Proceedings, t. V, p. 147 et s.

[10] Ms. s. fr. 2875, t. 1, f° 32. J. Charter, t. II, p. 10. Monstrelet, VI, 24. Wavrin, I, 320. D. Morice, t. I, p. 538. A Journal by one of the suite of Thomas Beckington, during on ambassy to negotiate, etc. ; with notes and illustrations by N. H. Nicolas esq. Londres 1828, in-8°. Journal d’une ambassade, etc. (traduction française abrégée du précédent), par M. G. Brunet de Bordeaux. Bordeaux, 1842, in-8°. Jean IV, comte d’Armagnac, avait épousé en 1407, Blanche de Bretagne, sœur de Jean VI, duc de Bretagne (mort le 29 août 1442). La seconde femme de Charles, duc d’Orléans (1410-1415), fut Bonne d’Armagnac, sœur de Jean IV. Enfin Jean, due d’Alençon, était le gendre de Jean IV, ayant épousé, le 30 avril 1437, Marie d’Armagnac, fille aînée de ce comte. Jean d’Alençon n’avait point eu d’enfants de Jeanne d’Orléans, sa première femme. La préoccupation de sa postérité joua, dans l’esprit superstitieux de ce prince, et durant toute sa vie, un rôle considérable. Nous avons la figure et le thème de l’horoscope qu’il se fit tirer à Paris, par un astrologue célèbre, lors de son mariage avec Marie d’Armagnac. Figura revolutionis nativitatis... Johannis de Alençonio, anno 1437 (1438) incompleto Vâ marcii... Iste annus debet esse aptus matrimonio quia... Venus est domina orbis revolutionis. Ms. lat. 7443, f° 83.

[11] Nicolas et Brunet, ibidem. Rymer, t. V, p. 112. 1441, septembre 1, traité d’alliance entre la cité de Bayonne et celle de Londres, renouvelé 15 juin 1442 ; Delpit, Documents anglais, p. 260, 262. D. Vaissète, t. IV, p. 406.

[12] Nicolas, p. 10 et 11. Brunet, p. 3. Itinéraire. Gruel, p. 393. Monstrelet, ibid., p. 50 et s. Ms. S. fr. 2875, t. I, f° 33 et s. ; t. VI, p. 160 à 202. Ms. latin 6020, f° 85 et s. Berry, p. 419 et s. Ordonnances, XIII, 354. D. Vaissète, t. IV, p. 497. Montlezun, Histoire de Gascogne, 1847, in-8°, t. IV, p. 264 et s.

[13] Ibid. Le roi, (dit Berry), avoit en sa compaignée quatre mille lances ; (4.000 X 3 coustilliers) = 12.000 et huict mille archers ; (8,000 X 1,½ coustilliers) = 12.000, et aultres huict mille combattants, tant arbalétriers que coustilliers ; = 8.000. Total des combattants, calcul moderne : 32.000 hommes.

Les divers éditeurs de Monstrelet, y compris le ms. fr. 2,682, f° 229 v°, font dire à ce chroniqueur : le roi povoit bien avoir le nombre de .IIII. xx. .M. chevaulx ; Panthéon, p. 830 : quatre-vingt mille. Mais c’est là sans aucun doute une erreur de copiste, que réfute suffisamment le texte de Berry. — Arguments décisifs ; cf. Brunet, p. 16. — Séjour du roi à Toulouse : Bertrandi, Les gestes des Tholosains, etc., 1517, in-4°, gothique, non paginé, feuillet marqué n.

[14] Stevenson, Henri VI, t. I, p. 430, 431. Sharon Turner, History of England, 1823, in-4°, t. III, p. 135. Berry, 419 et s. Itinéraire. Monstrelet VI, 53. Brunet, p. 6. Gruel, p. 399. Ms. Gaignières 754, au 11 août 1442 ; apud Lebeurier, Arrière-ban du bailliage d’Evreux, 1861, in-8°, p. 30. Ordonnances, XV, 562 (octroi à la ville d’Aurillac). Le 10 septembre à Agen, lettres de grâces données par le roi à la cathédrale de Mende. Il y fonde un anniversaire au jour de sa mort. J. 463, n° 64. Septembre : Aide mis sus par le roi sur les pays de Languedoil. Ms. Fontanieu 118 au 1er décembre 1442. Bibliothèque de l’École des Chartres, 4e série, t. V, p. 511. Montlezun, Histoire de Gascogne, vol. cité, p. 273 et s.

[15] Nicolas, p. 10 et passim. M. Nicolas et Brunet se sont trompés en donnant à Jean IV trois filles à marier en 1442. Jean n’en avait plus que deux : l’aînée ayant épousé le duc d’Alençon en 1431. (Anselme, Berry, p. 425). Ces deux écrivains ont commis aussi, je crois, quelque erreur dans l’interprétation de ces mots three likenesses. Il s’agit sans doute de trois portraits de la même personne ? Cette triple expédition s’explique par les périls multipliés que l’envoi devait courir, tant par terre, en pays ennemis, que par mer.

[16] Nicolas et Brunet, passim. Portraits diplomatiques : ils étaient, au moins depuis le quatorzième siècle, en usage. Nous possédons, au Louvre, l’un des spécimens historiques les plus intéressants en ce genre. C’est le portrait diplomatique d’Isabeau de Bavière, peint à Ingoldstat vers 1385, par un peintre, envoyé de Charles VI. — Dépêche secrète dans un bâton creux : cf. Cousinot p. 83, 84.

[17] Nicolas. Brunet, p. 17, etc. Art de vérifier les dates, 1784, t. I, p. 270. Gruel, p. 394. D. Morice, t. I, p. 541. Rymer, V, 118. A la date du 3 janvier 1443, l’un des trois portraits était exécuté (Nicolas, p. 94).

[18] Heures de René d’Anjou, Ms. Lavallière 285, au calendrier. Anselme. Berry, p. 422. Hiret, Antiquités d’Anjou, 1618, in-12, p. 190. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 189. Suivant cet éditeur, Yolande mourut au château de Tucé, près Saumur. (Ibid.) Charles VII, à Montauban, perdit aussi La Hire, qui mourut dans cette ville le 11 janvier 1443. Le roi appréciait ses grands faits de guerre et renta sa veuve, après avoir souvent doté le prodigue capitaine. Mais il ne put jamais se résoudre à lui confier une grande charge, ni de grand commandement. Monstrelet VI, 57. Biographie : La Hire.

[19] Itinéraire. J. 334, n° 49, 3 ; 51 ; 52. Cabinet des titres, dossiers Foix, 24 février 1443 ; Jambes, 6 juillet. Sis. s. fr. 1496, f° 1 et 2. Ms. Doat 127, f° 255 à 258. Ms. Fontanieu, 118, 119, aux 17 mars, 27 mai, 8 août 1443 et 26 février 1441. Ms. S. fr. 2875, t. VI, f° 174. Ordonnances, XIII, 358 à 314 ; XV, 441, 636 ; XVI, 20, 86 ; XVII, 183 ; XX, 58. Germain, Commerce de Montpellier, 1861, in-8°, t. II, p. 361-4. Lépinois, Histoire de Chartres, II, 95. Berry-Godefroy, p. 422-3. Marguerite de Comminges, mariée en troisièmes noces, sans enfants, à Mathieu de Foix. Ce comté, après le comte et la comtesse, devait faire retour à la couronne. D. Vaissète, t. IV, p. 497 à 501. P. P. 119, f° 257. Séjour du roi à Toulouse et à Montauban : N. Bertrandi, Les Gestes des Tholosains, etc., ft n. Gallia Christiana, t. XIII, colonne 242. Montlezun, Hist. de Gascogne, t. IV, f° 257, p. 274, 1443 avril 25 à 30 : le roi à Limoges ; les États de Limousin lui octroyent 11.672 livres. Dossier Xaintrailles, au 21 novembre 1443.

[20] Ordonnances, t. XIII, 1443, octobre 5 — draperie de Bourges, p. 378 ; — 11, parlement de Toulouse, p. 384 ; — 19, monnaies, p. 386 ; — novembre 19, généraux et clercs des monnaies, p. 388 ; — décembre, prohibition de la draperie anglaise, p. 389 ; — Université d’Angers, p. 390 ; — talmeliers de Bourges, p. 393. Poursuites contre des malfaiteurs à Avignon : Catalogue Joursanvault, t. I, n° 128. Réforme de la fête des fous à Troyes ; Boutiot, Recherches sur le théâtre au quinzième siècle, p. 423. Passaporto (3 agusto 1443) per gli ambasciatori del dura di Savoia nel loro ritorno di Poitiers. Archives de Gènes. (Extrait communiqué par M. Charles Casati, archiviste paléographe.)

[21] Ces mesures, relatives à la restauration du domaine royal, avaient été préparées par les ordonnances des 20 février 1438, n. s, et 16 juillet 1439 ; q. vid. : Ordonnances, XIII, p. 258 etc. et 299. Ce dernier acte dispose que le dénombrement des fiefs mouvants du roi (dénombrement qui n’avait point eu lieu à Paris depuis 1391), sera donné, à l’avenir, tous les trois mois.

[22] Au mois de juin 1426, quelque temps après la bataille de Verneuil, Charles VII, par une ordonnance expresse, révoqua tous les dons qu’il avait faits jusqu’à ce jour. Il déclara en outre retenir pour un an tous les gages de ses officiers. (Ordonnances, XIII, 117.) Les offices furent désertés. Mais les dons et mandements recommencèrent comme par le passé.

[23] Ordonnances, XIII, 372. Mémoire concernant le trésor royal. Ms. du dix-huitième siècle ; communiqué par M. P. Paris.

[24] J. J. 176, f° 163à 165. J. J. 177, acte 222. Berry 424 et s. Monstrelet. VI, 32. Wavrin, 1, 337. D, Vaissète, t. IV, p. 498. Legrand, Histoire de Louis XI, Ms. s. fr. 2875, t. I, f° 46 ; t. V, f° 160 à 176, 203. Ms. Gaignières 286, f° 69 v°. D. Housseau, t. IX, n° 3946. Bibliothèque de l’École des Chartes, 3e série, t. 1. p. 307 et s. Ms. Fontanieu 119, aux. 10 février, 25 mars 1444. Montlezun, 277, 279.

[25] Ibid. Divers actes administratifs de janvier à juin 1444 ; commerce, parlement, finances, immunités ecclésiastiques, privilèges de villes ; foires du Lendit, etc. Ms. Gaignières 649, 5. Livre vert vieil 2e, f° 147 ; (préfecture de police). J. J, 177, f° 4 v°. Ordonnances, XIII, 395 à 405 ; XV, 578 et 585 ; XVI, 666 ; XVII, 228. Charles, comte du Maine, épouse par contrat du 6 mars 1441, passé à Tours, Isabeau de Luxembourg : Portefeuille Fontanieu (originaux), n° 255 ; pièce 124. Lecourvaisier, p. 724.

[26] Ms. Gaignières 649, I, pièce 34. Cagny, ch. 165, 167. Rymer, V, 46. Proceedings, V, 90. Catalogue Teulet, p. 431. Catalogue Joursanvault, t. II, p.229, n° 3501 et s. Cheruel, Hist. de Rouen, etc., p. 120 et s. Lépinois, Hist. de Chartres, t. II, p. 91 et s. Monstrelet, V, 308 à 354. Berry, 399. J. Chartier, t. I, p. 2i5. D. Plancher, IV, 234. D. Morice, Preuves, t. II, col. 1324, etc. On trouve, pour la dernière fois, à la date du 9 mars 1438, sur les registres de l’Université de Paris, le nom de nation d’Angleterre devenue, depuis 1432, nation d’Allemagne (registre 8, f° 56).

[27] Faits cités et autres actions militaires : Ms. Fontanieu 117 au 27 octobre 1439 ; 11 juillet, 10 nov. 1440. Dossier Xaintrailles, au 18 décembre 1441. Ms. fr. 4767, f° 88 v°. Cagny, ch. 161, 169. Journal de Paris, p. 713 à 719. Biblioth. de l’Écol. des Chart., t. VI, p. 202-3. J. Chartier, t. I, p. 236, 250, 261 ; t. II, p. 7, 33-37, etc. Berry, p. 400 à 405. Le connétable se rend au siège de Meaux sur la révélation d’un chartreux breton du couvent de Paris, frère Hervé du Pont : Gruel, p. 387 et 391. Monstrelet, V, 334, 418 à 470. Wavrin-Dupont, I, 326. Basin, I, 123, 138, 152. Proceedings, V, 112. Stevenson, Henri VI, I, 442. D. Morice, t. I, p. 530. Notice sur Morhier, p. 31.

[28] Legrand, Histoire de Louis XI, Ms. s. fr. 2875, t. I, f° 38 à 43, et Preuves citées. Asseline, Histoire de Dieppe, p. 35. Desmarquets, Mémoires chronologiques, etc., sur Dieppe, 1185, in-8°, t. I, p. 55 et s. Les positions sont encore aujourd’hui très visibles à Dieppe, en montant au sommet des rues du Polet, dites de la Bastille, du Petit-Fort et de Quiqu’en-Grogne.

[29] Ibid. Suite des faits militaires, 1442-3 : Ms. D. Grenier, t. XX bis, f° 20 (comptes). Archives de Reims, lettre du roi, 26 novembre 1443. Ms. Fontanieu 119, aux 16 et 17 décembre 1443 et 26 février 1444. J. Chartier, II, 36, 41. Berry, 422, 424. Monstrelet, VI, 60 à 83 : Après la quelle besongne, le dit dauphin se fist déchaucier et ala à pieds nuds, jusques en l’église Saint-Jaque de Dieppe, où il remercia très humblement Dieu son créateur et le beneoit baron Saint-Jaque de la bonne fortune qu’il avoit obtenue contre les Anglois, p. 80. Wavrin, I, 326 et s. Basin, I, 149, 152. Olivier de la Marche (Panthéon), p. 377. Vitet, Hist. de Dieppe, 1844, p. 38. Le 27 juillet 1443, Louis dauphin, se rendant à Dieppe, passa par Compiègne. Cette ville, pour lui faire honneur, lui offrit une pièce de vin blanc. Le 3 septembre, Louis victorieux passa de nouveau par Compiègne. Les ajournés lui présentèrent trois septiers de vin vermeil. Une procession fut faite à Royallieu, en l’honneur de cette victoire. Archives de Compiègne : C. 17. Communication de M. H. de Lépinois, archiviste-paléographe.

[30] Rymer, t. V, p. 130 et s. Ms. Brienne, n° 30, f° 8.3. Ms. Fontanieu 119, au 26 février 1444. K. n° 16. P. P. 110, f° 259. Mss. fr. n° 2899, f° 78, et n° 4054, f° 14. Dessalles, Notice sur le trésor des Chartes, 1844, in-4°, p. 78. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 67 et s. Monstrelet-d’Arcq, t. VI, p. 94. Itinéraire. D. Gillesson, Compiègne, Ms. 75, t. V, p. 180. Warin, Archives de Reims, t. VII, p. 75, col. 2. Dans les usages suivis au quinzième siècle par le roi de France et par les grands barons, le chancelier, chef du conseil et de la magistrature, était moralement, plus encore que légalement, un personnage essentiellement inamovible. R. de Chartres avait servi Charles VII depuis la naissance de ce prince et mourut au service du roi. Il faut tenir compte de ces notions pour apprécier la persistance de B. de Chartres dans le conseil, après la rénovation qui suivit la chute de La Trimouille.

[31] Relation inédite de l’ambassade, tirée du Ms. Digby 196, f° 151 et s. ; bibliothèque Bodléienne d’Oxford ; transcrit et communiqué par le R. Stevenson, archiviste au général Record office d’Angleterre. Ms. fr. 4054, ibid. et f° 23. Catalogue Joursanvault, t. II, n° 3405, 3409. Basin, t. I, p. 154 et s. Berry, p. 425. G. Gruel, p. 395. Monstrelet, VI, 96 et s.

[32] Très probablement l’abbaye de Beaumont-lès-Tours. Indication de M. Mabille, de Tours, archiviste-paléographe. Voy. Carte de Cassini : Tours, Montils, Saint-Martin, Beaumont, etc., et les plans de Tours Saint-Martin, Saint-Julien ; cabinet des Estampes, topographie.

[33] Les ambassadeurs furent présentés à la reine et à la dauphine, au château de Montils-lès-Tours. Marie d’Anjou était assistée de quarante dames, parmi lesquelles ou avec lesquelles se trouvait Agnès Sorel, qui fut attachée dès lors à la reine d’Angleterre Marguerite d’Anjou. Peu après, Suffolk et Brezé firent exécuter à Tours, une joute à l’arc, entre les archers de l’ambassade et ceux de France. Le prix de mille écus fut gagné par les Écossais de la garde royale. Le 1er mai, après liner, la reine et la dauphine Marguerite d’Écosse montèrent à cheval, suivies de nombreux valentins et de valentines. Trois cents galants, nobles et hommes d’armes, avaient été admis à faire partie du royal cortége ; tous ensemble se rendirent aux champs, pour cueillir le Mai et le rapporter en ville. Ms. s. fr. 2340, f° 697. Ms. Digby, ibid. Journal de Paris, p.124. A. Duchesne, Histoire d’Angleterre, 1614, in-f°, p. 1099.

[34] Voy. Basin, p. 155, 156. Biographie Didot : Marguerite d’Anjou.

[35] Ce légat était sans doute Robert du Mont, qui fit restituer (lettres du 6 mai 1444), par Marmoutiers à Guillaume de la Saugère, abbé de Saint-Julien, certains biens appartenant à Saint-Julien. Barth. Hauréau, Gall. Christ., t. XIV, col. 251.

[36] Monstrelet. Ms. Digby. Rymer. Ms. 5414, A, f° 77. Ordonnances, XV, 243, 268. J. Chartier, t. II, p. 43. Journal de Paris, p. 724.

Mariage de Marguerite l’Anjou. — Item, le 24, jour de ce mois, le dit seigneur de Suffolk (Southfolke) et tous les ambassadeurs chevauchèrent jusqu’à l’église cathédrale (*) de Saint-Martin, en la dite cité de Tours, pour faire la fiançaille entre très révérend et puissant prince le roi d’Angleterre et de France, et la dite Marguerite, fille du roi et de la reine de Sicile et de Jérusalem. Après une brève attente, entra le roi Charles avec ledit roi de Sicile, se touchant ensemble par les mains, suivis des ducs de Bretagne, d’Alençon et autres. Aussitôt après [survinrent semblablement la reine de France et] la reine de Sicile, de même que les dits rois, avec la dauphine et la duchesse de Calabre, qui les suivirent. Puis, à peu de distance, le dauphin et Charles d’Anjou, amenant entre eux la dite Marguerite, la présentèrent au roi Charles. Ce prince alors, retirant son chaperon (**), la conduisit au légat du pape, qui fiança monseigneur de Suffolk, au nom du roi de France et d’Angleterre, avec la dite dame, qui l’accompagnait. Ces cérémonies faites et achevées, tout le peuple, rempli d’allégresse, cria Noël ! en frappant des mains l’une contre l’autre. La reine de France donc s’approcha de l’épousée et la plaça à la main droite de la reine de Sicile sa mère [qui elle-même occupait la droite]. Ainsi sortirent les rois et reines pour se rendre à l’abbaye de Saint-Julien, dans la dite ville, où un grand souper avait été préparé.

La reine d’Angleterre y garda son état, avec la reine de France, sur le côté droit ou main droite, et le légat prit la gauche. La dauphine, la duchesse de Calabre, s’assirent avec monseigneur de Suffolk aux tables latérales de la salle. Ainsi les deux reines étaient servies en même temps, de chaque tour de service (cursus), l’un après l’autre. Il y eut en effet diverses subtilités et travestissements (entremets). Tels étaient deux géants qui entrèrent, ayant deux grands arbres dans leurs mains. Après eux, venaient deux chameaux portant leurs tours sur leurs dos et la semblance de gens d’armes combattant, qui s’escrimaient mutuellement et l’un contre l’autre, de leurs lances. Aussitôt après le souper, les reines, les seigneurs et les dames dansèrent jusqu’à une heure avancée (intempestivum). Puis, tous montèrent à cheval et se retirèrent à leurs hôtels. (Ms. Digby. Traduit sur l’extrait latin communiqué par M. Stevenson.)

(*) L’église de Saint-Martin (où officia le légat et non l’archevêque) n’était point métropolitaine. Mais l’insigne rang de cette collégiale, avec son chapitre de rois et de princes, immédiatement soumise au Saint-Siège, a pu lui faire donner, surtout par un étranger, le titre de cathédrale.

(**) Le roi était donc entré dans l’église, coiffé de son chaperon. Relativement à cette particularité de mœurs, voyez Bulletin de la Société impériale des antiquaires de France, 1862, Note sur un ancien portrait de Charles VII, conservé au Louvre, p. 67 et s.