LIVRE IV. — JEANNE DARC - 1429-1431.
Deux hommes, dans ce procès, méritèrent le titre de justes. Le premier se nommait Jean Lohier, et le second, Nicolas de Houppeville ; tous deux jurisconsultes normands. L’un et l’autre, appelés dès le commencement de la cause, manifestèrent une improbation motivée. Ils se virent aussitôt en butte à des menaces. Nicolas de Houppeville fut jeté en prison et recouvra sa liberté, sur les instances d’un troisième assesseur, l’abbé de Fécamp. Celui-ci dut offrir, pour garantie, une obéissance plus soumise : contre sa conscience, il vota la condamnation de l’accusée. Jean Lohier prévint le sort qui l’attendait, par la fuite. Il quitta Rouen et se rendit à Rome, où ses lumières et son intégrité l’appelèrent au poste éminent de doyen ou président de la Rote[1]. Nicolas de Houppeville avait pour amis Jean de la Fontaine, examinateur des témoins, et plusieurs membres du chapitre métropolitain. Entre autres moyens de droit opposés à P. Cauchon, Nicolas de Houppeville lui reprochait ses lettres de territoire extorquées. Le chapitre de Rouen, en effet, n’était pas favorable, au fond, ni à P. Cauchon, ni à ce procès. Au mois d’octobre 1429, le siège métropolitain de Rouen devint vacant. Les chanoines redoutaient l’ambitieux et remuant Cauchon, qui convoitait cette prélature. Le chapitre offrit à Louis de Luxembourg ses suffrages et le pressa de les accepter. Bedford endormit ces négociations. Pour exercer sur les chanoines une pression plus sûre, lui-même se fit recevoir chanoine de Rouen. Le 23 octobre 1430, il prit possession de sa prébende, en grande pompe et solennité. Le 28 décembre suivant, P. Cauchon obtenait ses lettres de territoire[2]. Houppeville, atteint dans sa liberté, revendiqua l’official comme son juge. L’official et le promoteur furent arrêtés et emprisonnés, puis de même relaxés. Quant à Jean de la Fontaine, un jour il s’était rendu auprès de Jeanne, pour lui donner quelques avis favorables : les Anglais levèrent sur lui le bâton, l’épée dégainée. Jean de la Fontaine, chassé du château, se mit en sûreté par la fuite[3]. Le vice-inquisiteur, J. Lemaître, voyait avec la lumière d’un cœur droit l’innocence de la prévenue. Il ne partageait aucunement la passion de l’évêque. Ses lettres d’institution lui prescrivaient de poursuivre les corrupteurs de le foi, mais aussi, le cas échéant, de relever et d’absoudre. Condamner cette pieuse jeune fille était, à ses yeux, retourner contre la vertu, l’arme qu’il avait reçue de la religion pour frapper le crime. Dans sa perplexité, il fit, plus d’une fois, N. de Houppeville confident de ses scrupules et de ses terreurs. Mais, sous la main de fer de Cauchon, ce roseau pliait[4]. Partout il suivait Cauchon. Le timide jacobin se faisait accompagner, le plus souvent, par quelques religieux de son ordre. Tels étaient Isambard de la Pierre et Martin Ladvenu, assesseurs de la cause. Ces deux moines, tout en se courbant, ainsi que leur prieur, devant l’évêque, rendaient, comme leur prieur, un secret hommage au droit et à la morale. Tous deux usèrent parfois, envers Jeanne, de compassion, de condescendance et de quelque charité. Isambert et Martin, pour avoir donné à l’inculpée un avis loyal et utile, se virent menacés par Cauchon. J. Lemaître dut intervenir et défendit ses religieux. A son tour, il menaça Cauchon de déserter la cause, et les deux dominicains cessèrent d’être inquiétés. Que le vice-inquisiteur osât, en faveur de Jeanne, ce qu’il avait tenté, avec succès, pour ses deux confrères ; qu’il refusât à l’évêque de l’assister davantage : le procès se trouvait interrompu. Jeanne, soutenue par l’un des juges, appelait, de l’autre, à Rome. Là, sans même parler du fond de la cause, le nouveau pape ne pouvait appuyer l’évêque intrus contre l’ordre de saint Dominique et le Saint-Office : Jeanne était sauvée. Mais hélas ! le premier, le seul effort de J. Lemaître avait suffi pour épuiser tout son courage. Lui et ses religieux suivirent jusqu’au bout l’injuste évêque. Tous trois prêtèrent leur assistance, leurs votes, aux condamnateurs de l’héroïne. Lors de la dernière délibération, J. Lemaître siégeait encore comme juge à côté de P. Cauchon, et leurs deux noms sont unis dans l’intitulé de la sentence définitive[5]. Un autre assesseur, Jean Lefèvre, appartenait à l’ordre des Ermites de saint Augustin. Il déclara plus tard que Jeanne, sauf ses apparitions, lui semblait inspirée. Cela ne l’empêcha pas de voter la condamnation. Dans l’intervalle des deux procès, Lefèvre devint évêque de Dimitriade. Il déposa lors de la seconde instance, fit l’apologie de la Pucelle, fut nommé juge délégué de la cause et prononça, contre lui-même, la sentence de réhabilitation[6]. Nicolas Midi, fougueux ennemi de Jeanne dans le procès, était un docteur en théologie de l’École parisienne. Parti, sans bénéfices, de la capitale, il fut nommé, le 21 avril 1431, à la veille du vote, chanoine de Rouen, par le roi Henri VI. Tous les juges ou conseillers étaient à la solde de l’Angleterre, et beaucoup reçurent des présents ou gratifications spéciales[7]. Quelques-uns mirent à leur acharnement une véritable spontanéité. Jean d’Estivet, promoteur choisi par Cauchon, fut de ce nombre. Aux rigueurs de son ministère légal, il joignit toute la violence d’une rudesse mal dégrossie. Des textes authentiques nous ont conservé les ignobles spécimens de son langage. Il mourut, dit-on, aux faubourgs de Rouen, dans l’ordure d’un égout. Guillaume Érard[8] et Thomas de Courcelles comptèrent parmi les lumières de l’Université, ainsi que du royaume. Courcelles, gentilhomme picard, appartenait à une famille du parti bourguignon. Agé de trente ans environ, il avait la douceur et la modestie d’une jeune fille. Les yeux baissés, il vota contre Jeanne la torture, puis la mort. Au procès de réhabilitation, il balbutia, mentit et produisit à la lumière de l’histoire, un type bizarre, déplorable et singulier mélange d’intelligence, de fanatisme et d’hypocrisie[9]. Les interrogatoires de Jeanne se succédèrent du 21 février au 9 mai. Ils se tenaient parfois dans la prison, en présence d’un petit nombre d’assesseurs. D’autres fois, les assises avaient pour théâtre une salle du château dite Chambre de parement, au bout de la grande cour[10]. Ces séances commençaient à huit heures du matin et se prolongeaient jusque vers midi. Quelquefois elles se renouvelaient dans l’après dîner, ou après-midi, durant deux ou trois heures. La passion du juge et le zèle de ses complaisants se trahissaient par le nombre et le désordre précipité des questions, qui pleuvaient à la fois sur la prévenue : Beaux seigneurs, leur dit-elle un jour, faites l’un après l’autre ![11] Ces questions comprenaient la vie entière de l’accusée. Cependant, en dépit des efforts de l’accusation, elles se réduisirent à un petit nombre de points ; cercle borné dans lequel elles tournaient sans cesse. Le principal notaire de la cause, témoin à décharge lors de la révision, dit que les réponses de Jeanne étaient tantôt assez habiles, et tantôt assez naïves. Nous ne nous en fions complètement ni à son témoignage, ni au procès que lui et Th. de Courcelles nous ont laissé. Néanmoins, au nombre des lambeaux qui nous sont transmis, quelques-uns paraissent véridiques. Ceux-là semblent assez bien justifier les appréciations de Guillaume Manchon[12]. Les juges, au sujet de ses visions, lui demandèrent si, lorsque saint Michel lui apparaissait, cet archange était nu. Croyez-vous, répondit-elle, crue Dieu n’ait pas de quoi le vêtir ? Elle dit que la voix de ses saintes est belle, douce et humble, s’énonçant dans l’idiome français. — Et sainte Marguerite, lui demande le juge, parle-t-elle anglais ? — Comment, parlerait-elle anglais, puisqu’elle n’est pas du parti dés Anglais : — Question. Jeanne, êtes-vous en grâce ? — Réponse. Si je n’y suis pas, Dieu m’y mette, et si j’y suis, Dieu m’y conserve. Interroguée s’elle dist point que les pennonceaùlx qui estoient en, semblance des siens estoient eureux (c’est-à-dire ensorcelés), répond : elle leur disoit bien à la fois : Entrez hardiment parmy les Anglois, et elle-mesme y entroit. — Q. Pourquoi votre étendard occupait-il, au sacre, la première place ? — R. Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur ! Un cachet de vérité, qui montre Jeanne sous ses divers aspects, nous semble caractériser ces réponses[13]. L’esprit qui présidait à la procédure criminelle, cri matière de foi, respire clans deux ouvrages, composés l’un au quatorzième siècle et l’autre à la fin du quinzième. Le premier, véritable code de l’Inquisition, est le Directorium inquisitorum, rédigé par l’espagnol Nicolas Eymeric, en son vivant inquisiteur général de la foi dans le royaume d’Aragon. L’autre, Malleus maleficarum[14], a pour auteur ou compilateur un dominicain allemand, nommé Jacques ou Jacob Sprenger. Les principes et la marche indiqués par ces deux ouvrages furent suivis et appliqués de point en point, dans le procès de la Pucelle. Jeanne, après avoir été interrogée, fut prêchée et admonestée charitablement, par Cauchon, le 18 avril 1431. Elle était alors malade, et assez gravement pour inspirer aux Anglais de vives inquiétudes. Ceux-ci redoutaient sa mort naturelle, comme un contretemps imprévu, qui déconcertait leurs desseins. Car le meurtre de la Pucelle n’était pour eux qu’un but accessoire : le but principal consistait à la déshonorer (et par suite son parti), comme hérétique ou sorcière ; puis, après avoir obtenu ce résultat, ils voulaient la brûler. Conformément à leurs vœux, l’héroïne se rétablit. Cauchon, le 2 mai, fit comparaître Jeanne dans la Chambre de parlement ; au milieu d’une assemblée nombreuse d’assesseurs. Maître Jean de Châtillon, archidiacre d’Évreux, par ordre de l’évêque, sermonna de nouveau la prévenue[15]. Cependant les assesseurs, consultés, avaient accumulé leurs verdicts, tous plus ou moins favorables à l’accusation. Jeanne résistait. Le 9 mai, la prévenue fut extraite de sa prison et amenée, cette fois, dans la grosse tour du château. P. Cauchon présidait l’audience, assisté de l’inquisiteur et de divers conseillers. Les tourmenteurs jurés étaient également présents. Mandés par lés juges, ils se tenaient prêts à saisir l’accusée pour la mettre, séance tenante, à la torture. Jeanne fut de nouveau sommée de se rétracter. Elle persista. Quand même, dit-elle, vous me feriez déchirer les membres, je ne tiendrais pas un autre langage ; et si la douleur me l’arrachait, je protesterais ensuite n’avoir ainsi changé que dé force. La séance fut close pour délibérer, et Jeanne reconduite à sa prison[16]. Trois jours après (12 mai), le tribunal se réunit en conseil. L’évêque proposa cette question : s’il fallait soumettre l’accusée à la torture. Huit voix contre cinq se prononcèrent pour la négative. Ils de la Pierre, dominicain, vota dans ce dernier sens ; l’inquisiteur, de son côté, ajouta quelques mots équivoques et timides, mais où se trahit le sentiment que lui inspirait la victime. Jeanne fut exemptée de la torture. En ce moment, d’ailleurs, non seulement le second juge, J. Lemaître, hais encore divers assesseurs, inclinaient vers l’indulgence, ou mieux vers la justice à l’égard de la prévenue. J. de la Fontaine s’était enfui. Plusieurs chanoines de Rouen, soupçonnés d’impartialité, avaient été récemment, par ordre de Cauchon, arrêtés et emprisonnés[17]. Aussi bien, l’évêque de Beauvais comptait sur un coup de maître, dont il attendait l’effet ou le résultat, préparé de longue main. P. Cauchon et les Anglais n’avaient point osé juger la Pucelle à Paris. Les clercs de Rouen, ébranlés par le contact de l’héroïne, invoquaient eux-mêmes le verdict suprême de l’Université parisienne. Vers le commencement d’avril, la première phase de l’instruction était terminée. A cette époque, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, cordelier, Nicolas Midi et Gérard Feuillet, partirent de Rouen pour la capitale. Ces quatre assesseurs, docteurs en théologie, étaient des suppôts influents de l’École parisienne. Chargés des instructions de Cauchon, ils portèrent à l’Université les articles ou chefs d’accusation dressés par les juges de Rouen[18]. A la réception de ce message, le recteur[19] convoqua les Nations (ou faculté des arts), qui composaient le fonds principal de la communauté. Les articles forent, en outre, transmis aux Facultés de théologie et de droit canon, qui les examinèrent à huis clos. Le 19 mai 1431, lés ambassadeurs de Cauchon étaient de retour. A l’approbation de ces Facultés supérieures, homologuée par l’Université proprement dite, celle-ci avait joint deux lettres, œuvre de Cauchon, comme le reste. La première était adressée au roi d’Angleterre, et la seconde à l’évêque de Beauvais ; l’une et l’autre approuvaient, avec force louanges, le procès de Rouen. L’Université, en outre, y supplie le roi et l’évêque que très diligemment ceste matière soit par justice menée à fin briefvement. Jeanne fut ainsi, de fait, condamnée, absente, par l’Université de Paris ; mais à huis clos, sine strepitu judicii, et hors du péril ou de la pression de l’opinion publique[20]. Cette communication exerça, en effet, sur le procès de Rouen, une décisive influence. Le tribunal s’assembla de nouveau le 19 mai. Maître Jean de Châtillon fit ouvertement cette motion : que ceux qui jusque-là n’avaient point pleinement délibéré ou voté, étaient tenus de le faire conformément à la délibération de l’Université. Le 23, Jeanne fut amenée devant les juges, qui prononcèrent, en sa présence, la conclusion de la cause[21]. Si Jeanne Darc avait été une femme ordinaire, elle eût sans peine obtenu de ses ennemis un adoucissement à ses maux. Il lui eût suffi, pour cela, de s’incliner devant le sort des batailles et de s’engager à ne point reprendre les armes contre les Anglais. Ainsi le prouve la visite de Jean de Luxembourg, qui précéda l’ouverture du procès ; ainsi le témoignent divers indices qui se reproduisirent durant le cours des débats. Loin de là, Jeanne montra, pendant toute la durée de ce procès, une fière énergie. En vain les écritures des clercs ont-elles altéré le dialogue et obscurci le texte de ses réponses ; ils n’ont point réussi à masquer entièrement ou à défigurer le modèle. Dans leur peinture même, la véritable Jeanne reparaît et marque sa présence[22]. Cependant elle habitait une prison obscure et sordide, meublée du lit, où elle gisait, attachée par sa chaîne de fer à une poutre. De vils subalternes, des houcepailliers anglais la gardaient ; ils la réveillaient la nuit par des ricanements et des injures. L’asile même d’un cabanon fermé lui manquait. Ses juges lui refusèrent obstinément le service ou la compagnie d’une femme. Pas une âme à qui s’ouvrir librement de ses pensées ! Toute figure humaine était pour elle celle d’un ennemi, ou, qui pis est, celle d’un espion, d’un traître. Les moins pervers osaient à peine lui témoigner leur faible et stérile sympathie par quelques signes dérobés. Enfin, la nuit, plusieurs de ses gardiens tentèrent, à diverses reprises, de la violer[23]. Le 24 mai 1431, dans la matinée, P. Cauchon et J. Lemaître se rendirent au cimetière de l’abbaye de Saint-Ouen, sis à l’intérieur de la ville : deux échafauds y avaient été construits. Jeanne, en habits d’homme, fut amenée ; elle monta sur le premier échafaud, qui donnait accès à un petit nombre de personnes ; l’autre était une vaste tribune. Les deux jugés y prirent place, accompagnés du cardinal d’Angleterre, des évêques de Thérouanne, de Noyon et de Norwich[24], garde du sceau privé d’Angleterre ; les abbés de Saint-Ouen, de Fécamp, du Mont-Saint-Michel, etc., au nombre d’environ, cinquante, prélats ou assesseurs, s’y placèrent également. Une multitude de peuple et de clercs était venue prendre part à ce spectacle[25]. Conformément au code d’Eymeric, l’évêque avait fait libeller d’avance deux formules de sentence : la première était celle que le juge en matière de foi devait adresser aux prévenus d’hérésie, lorsqu’ils viennent à résipiscence ; l’autre était la sentence finale de condamnation. Après avoir ouvert la séance, P. Cauchon donna la parole à l’un des théologiens de Paris, Guillaume Érard ; celui-ci prit son thème dans le chapitre XV de saint Jean : Le sarment ne peut porter de fruit, etc. L’orateur de la cour d’Angleterre fit de son discours un glaive à double tranchant : d’un côté il frappa, dans la personne de Jeanne, l’hérétique ; l’autre n’épargnait point le roi Charles VII, qu’il représenta comme atteint de la même tache, pour avoir patronné la Pucelle. Au moment où le prédicateur attaquait le plus vivement le roi, Jeanne, s’oubliant elle-même : Vous le calomniez, dit-elle, il est bon catholique, lui... ; il n’a pas cru en moi[26]. Érard s’adressa ensuite directement à la Pucelle et la somma de se rétracter, en se soumettant à l’Église. Jeanne refusa, protestant qu’elle en appelait au pape et que Dieu avait conduit toutes ses actions. Trois fois la sommation publique lui fut renouvelée ou répétée sans plus de succès. Alors Cauchon prit en mains la sentence de condamnation et commença d’en lire la formule. Le bourreau avait été mandé tout exprès. Le cimetière s’ouvrait sur une rue de la ville. Là, dans sa charrette, cet exécuteur se tenait prêt à conduire la victime au supplice. En ce moment, un grand tumulte se produisit[27]. Le matin, Beaupère était venu trouver Jeanne dans sa prison, pour l’exhorter à se soumettre. L’inquisiteur et les Dominicains, amis de Jeanne, lui donnaient le même conseil. Érard et Loyseleur insistèrent ; ils lui promirent, pour prix de sa soumission, la vie sauve. Ce qui pouvait toucher Jeanne, s’il est possible, plus vivement encore, ils lui promirent qu’elle sortirait aussitôt des mains des Anglais pour entrer, selon le droit et la loi, dans les prisons de l’Église. L’huissier Jean Massieu offrait à la Pucelle un papier contenant la formule d’abjuration. Ces trois hommes l’entouraient sur l’échafaud et l’assiégeaient de leurs instances. L’évêque lisait toujours. Quelques mots de plus proférés par sa bouche, et tout était dit : il fallait signer à l’instant ou marcher au bûcher[28]. Jeanne hésita encore quelques secondes. Elle prit une plume, déclarant qu’elle ne savait pas écrire. L’un des clercs lui saisit la main pour la guider, et elle signa comme elle avait coutume : Jehanne. Immédiatement l’évêque s’interrompit. Après avoir consulté le cardinal d’Angleterre, il prit l’autre formule, ou sentence de mitigation.,Jeanne, aux termes de ce nouvel arrêt, que prononça l’évêque, était déchargée de la condamnation du Saint-Office et de l’excommunication. Déclarée toutefois coupable, malgré son repentir, les juges lui infligeaient, pour pénitence, de tenir prison perpétuelle, au pain de douleur et à l’eau de tristesse[29]. La Pucelle descendit de l’échafaud et dit aux clercs : Or ça, entre vous gens d’Église, menez-moi en vos prisons et que je ne soie plus en la main de ces Anglais ? Cependant le tumulte s’était accru. Les Anglais objurguaient les juges et se récriaient ; des pierres furent lancées ; l’évêque se vit apostrophé de traître. P. Cauchon, irrité, se défendit : séance tenante, il se justifia par un nouvel acte d’iniquité. Jeanne, sur son ordre, fut reconduite à la prison d’où elle sortait[30]. Le même jour, dans l’après-midi, J. Lemaître vint trouver la captive au château. Ce deuxième juge était accompagné de N. Midi, de Loyseleur, de Courcelles et de frère Isambard de la Pierre. Ils exhortèrent Jeanne de nouveau à se soumettre et à revêtir des habits de femme. Jeanne portait les cheveux taillés en rond au-dessus du bord supérieur de l’oreille. Elle fut invitée à se laisser raser complètement la chevelure ; Jeanne se soumit de point en point à toutes ces prescriptions[31]. Deux pensées, fermes et distinctes, paraissent avoir soutenu l’héroïne, à Rouen, durant tout le cours de la douloureuse épreuve qu’elle avait subie jusqu’à ce jour. La première était l’espérance de, s’échapper ; la seconde fut d’être admise dans les prisons ecclésiastiques. Jeanne eut le courage de déclarer ouvertement à ses juges qu’elle voulait et qu’elle espérait fuir[32]. Ce point nous conduit à une autre question que nous ne saurions passer sous silence. Quels efforts furent tentés, ou auraient pu l’être, par le gouvernement de Charles VII, pour le salut de la Pucelle[33] ? En dehors des négociations diplomatiques, sujet que nous avons déjà traité précédemment[34], une double voit ; pouvait, si je ne me trompe, et devait être suivie pour délivrer Jeanne Darc, même après l’ouverture des débats. Le premier moyen consistait dans la force des armes. Charles VII occupait Beauvais, ville épiscopale de Cauchon. La Hire était maître de Louviers, près Rouen. Le roi tenait Compiègne, etc. De ces divers points, les garnisons pouvaient se porter rapidement sur la Normandie supérieure. Ce voisinage inquiétait fort les Anglais. Le 13 avril 1431, lord Willoughby tenta un mouvement sur Louviers. Mais il fut obligé de battre en retraite. Tant que la Pucelle vivait, ils n’osaient point se remettre sérieusement en campagne[35]. A la date du 3 mars 1431, les habitants de Poitiers donnaient à l’une des tours de leurs murailles municipales, nouvellement construite, le nom de Tour de la Pucelle. Les archives de La Rochelle, de Tours, d’Orléans, de Compiègne, etc., témoignent assez combien le peuple des villes et des campagnes était demeuré fidèle dans ses sympathies, à celle que trahissaient les grands et la fortune. Charles VII n’eût-il point eu d’armée à sa solde, ces villes dévouées la lui eussent fournie. Un ordre du roi eût suffi pour la mettre en mouvement. Les milices urbaines, que dis-je, les populations entières que Jeanne avaient remplies d’enthousiasme, auraient marché à sa délivrance, hommes, femmes et enfants, comme les croisés firent jadis au tombeau de Jérusalem. Les indices que nous a laissés l’histoire, à cet égard, équivalent à des allégations formelles. Aussi n’hésitons-nous pas à affirmer, sans autres preuves, que la Trimouille dut nécessairement réprimer, à Tours et à Orléans, des tentatives spontanées de ce genre. Mais les milices communales ne pouvaient s’ébranler, sans un ordre du gouvernement. Elles ne le firent point parce que le gouvernement, c’est-à-dire La Trimouille, éprouvait à l’égard de la libératrice les sentiments que nous avons mis ci-dessus en lumière[36]. Un second moyen se présentait, qui n’offrait pas même les périls de la guerre et qui pouvait sauver Jeanne, sans coup, férir. Ce moyen consistait à intervenir judiciairement dans le procès. P. Cauchon était le suffragant de R. de Chartres. En dirigeant contre Jeanne une action illégale, l’évêque de Beauvais avait encouru la censure et la suspension. C’était à ce métropolitain qu’il appartenait canoniquement de poursuivre le coupable, son subordonné. A l’époque où s’ouvrit la cause, Martin V occupait à Rome le trône de saint Pierre. Charles VII, dès 1424, reconnut l’obédience de ce pontife. R. de Chartres lui-même avait été le chef de l’ambassade qui porta dès lors au saint-père les hommages du roi de France, fils aîné de l’Église[37]. Martin V, il est vrai, témoigna au roi d’Angleterre Henri V une condescendance favorable. Mais le pape, cependant, ne s’était jamais départi d’une certaine impartialité, que dictaient à la fois au saint-siège son intérêt et son devoir. Indignement trompé par la cour d’Angleterre, Martin V s’était tout récemment rapproché du roi de France et lui avait manifesté une explicite bienveillance. Dans le vicaire de Jésus-Christ, chef suprême de la hiérarchie religieuse, Charles VII trouvait donc un juge non seulement équitable et indépendant, mais favorablement disposé par des circonstances opportunes. Martin V mourut de mort subite (21 février 1431). En ce moment, une nouvelle ambassade de cardinaux franchissait les monts. Elle venait reprendre et poursuivre une œuvre de pacification déjà commencée, au nom de Rome, entre les couronnes de France et d’Angleterre. Le nouveau pontife, Eugène IV, continua la politique de Martin V, avec une nuance plus marquée de dispositions favorables à l’égard du prince français[38]. Le 1er mai 4431, Eugène IV, sur la recommandation de Charles VII, accorde à J. Ragongey, dominicain, un bénéfice à la nomination du pape dans l’un des hôpitaux français. On voit que des rapports suivis et amiables subsistaient, à cette date, entre le prince Valois et la cour de Rome. Jeanne elle-même, dans son procès, en appela au pape ; P. Cauchon méprisa cette exception comme frivole. L’évêque fit plus : il alla au-devant de l’inculpée ; il lui proposa de s’en référer, sur un point sensible de ses interrogatoires, à la décision de Regnauld de Chartres lui-même : tant P. Cauchon était assuré qu’il avait chez son métropolitain un complice, bien loin de trouver en lui un censeur redoutable[39] ! Ainsi Jeanne était abusée, immolée par cet ennemi hautain, qui se jouait de son martyre. Un piége perpétuel se cachait sous la question inquisitoriale, qui lui fut incessamment répétée : si elle voulait se soumettre à l’Église ? Quelle Église ? Ici se posait l’équivoque, l’énigme, que Jeanne, avec toute sa pénétration ; ne pouvait résoudre. Tardivement, des assesseurs lui expliquèrent ex professo la différence entre l’Église militante et l’Eglise triomphante. Cauchon sourit, en se donnant cette apparence de généreuse et pédantesque impartialité ; Cauchon ne redoutait, de la part de la prévenue, ni l’appel au métropolitain, ni l’appel au saint-siège. Le code d’Eymeric laissait, sur ce dernier point, à l’inquisiteur ou au juge, une puissance à peu près discrétionnaire. Mais, certain jour, frère Isambard de la Pierre expliquait à l’infortunée ce qu’était le concile !... Un mot de plus, et Jeanne appelait à ces grandes assemblées, qui, depuis vingt ans, jugeaient en dernier ressort les plus hautes dissensions de la chrétienté. Un mot de plus, et Jeanne introduisait cette sérieuse instance, auprès du concile de Bâle, en ce moment même convoqué. Taisez-vous, de par le Diable ! dit alors l’évêque au Dominicain, avec une émotion où l’emportement se mêlait à la terreur[40]. R. de Chartres avait donc toute l’autorité nécessaire pour intenter, auprès du tribunal de Rouen, une action efficace. Par son organe, le gouvernement de Charles Vil devait et pouvait aisément exercer un recours direct, soit au pape, soit au concile. L’enquête de Poitiers, que Jeanne invoqua dès le début de la cause, avait reçu la sanction de l’inquisiteur général de Toulouse ; la sanction de divers docteurs de l’Université, celle du clergé de Poitiers, et enfin la sanction de R. de Chartres lui-même. L’autre inquisiteur général de France[41], J. Graverand, était contraire à ce procès ; Gérard Machet, confesseur du roi, avait approuvé la Pucelle. La voix de Gerson et de plusieurs autres oracles de la théologie s’était fait entendre en sa faveur. Aucune instance de ce genre ne fut introduite. Jeanne devait périr sans qu’un seul clerc ou avocat de son parti se présentât, pour la défendre, à la barre du tribunal. Le registre de Poitiers non seulement ne fut point apporté à Rouen, mais disparut, et le pouvoir royal, en 1450, fut impuissant à retrouver ce document lors de la révision. Si Jeanne succomba, c’est que personne n’essaya de la sauver. La Trimouille, au temporel, pour le spirituel R. de Chartres, s’opposèrent à ce qu’un pareil effort fût tenté[42]. Durant ce temps, le roi Charles VII avait son séjour à Poitiers, puis à Chinon. Ce prince demeurait à peu près aussi étranger au gouvernement que l’avait été son père, Charles VI, pendant la dernière période de sa vie et de sa démence. Les intrigues des favoris, en se croisant autour du roi, sous l’omnipotence de la Trimouille, l’enfermaient d’un réseau toujours impénétrable. Charles continuait de ne pas voir, d’ignorer les affaires et de ne point régner. Probablement, il ne savait rien, ou peu de chose, touchant la cause qui se débattait à Rouen contre son honneur et à son évident préjudice, ni touchant la moribonde, qui lui avait conservé sa couronne[43]. Le jeudi 24 mai, dans l’après-midi, Jeanne s’était laissé raser la tête et avait pris l’habit de femme. Que se passa-t-il ensuite au sein de cette prison ? C’est ce que les documents ne nous révèlent point d’une manière claire, certaine et précise. Sur cette période, les deux procès se contredisent et contiennent l’un et l’autre diverses obscurités. Le récit qui va suivre nous paraît exprimer ce qu’il y a de plus vraisemblable. Jeanne, après cette concession, se sentit émue dans sa conscience et troublée. Elle demanda, dès lors, à être déferrée ; à pouvoir entendre les offices ; à être accompagnée de femmes ; à entrer, enfin, dans les prisons de l’Église. Ces demandes, toutes de droit strict, furent impudemment repoussées. Un redoublement de rigueur fut déployé contre elle : les rapports entre la détenue et ses geôliers devinrent plus aigres, plus acerbes ; la lutte tendait à une issue finale. Ce dénouement éclata le 27 mai[44]. Le dimanche 27 mai 1431 fut celui de la Trinité. Jour et nuit, la prisonnière était gardée à vue. Au moment de se lever, le matin, elle demanda qu’on lui retirât ses fers et qu’on lui donnât ses vêtements. Les habits d’homme, par elle quittés naguère, avaient été mis dans un sac. Pour toute réponse, les gardiens lui jetèrent ce sac sur son lit, en lui disant de s’habiller de la sorte. Jeanne objecta que ces vêtements d’homme lui étaient interdits et réclama son costume de femme ; mais ce dernier avait été enlevé à dessein. La matinée se passa en débats, en réclamations, en prières inutiles. Enfin, à midi, contrainte de se lever pour obéir à une nécessité naturelle, Jeanne se décida, plutôt que de rester nue, à reprendre ses habits d’homme, les seuls qu’on lui eût laissés[45]. Ce même jour dimanche, il y eut au château comme une émeute et un tumulte des Anglais autour de Jeanne. Ils répandirent à grands cris que la Pucelle venait de reprendre ses habits d’homme ; qu’elle était relapse[46]. Les Anglais conviaient les visiteurs à venir constater le fait ; plusieurs assesseurs s’y rendirent. Jeanne, à tous ceux qui purent l’approcher, expliqua la ruse odieuse dont elle était victime : mais les soldats choisissaient leurs témoins. Un des survenants, le prêtre Marguerie, se prit à dire : Il serait bon de faire une enquête sur la cause qui a mû Jeanne à revêtir ces habits. De telles paroles suffirent pour mettre cet ecclésiastique en danger de mort. Les Anglais dirigèrent leurs armes contre lui, et Marguerie prit aussitôt la fuite. D’autres clercs ou docteurs, envoyés par Cauchon, tels que Beaupère, Midi, le notaire Manchon, etc., furent témoins des mêmes faits[47]. Le lendemain, 28 mai, les deux juges, informés, se présentèrent à la prison, suivis de quelques assesseurs. Jeanne en larmes, portait sur son visage, sur toute sa personne, les traces visibles de la lutte et des violences qu’elle avait endurées. Elle était vêtue de chausses, pourpoint, huque et chaperon d’homme. Interrogée par les magistrats, la Pucelle répondit qu’elle avait repris ces vêtements de son gré, volontairement, et qu’elle y persistait. On lui avait, dit-elle, manqué de parole en lui refusant de la déferrer et de la laisser aller à l’office pour y communier. Elle ajouta que ses voix lui étaient apparues de nouveau ; que son abjuration avait été un acte de faiblesse arraché par la peur ; qu’elle se repentait de son abjuration ; que tous ses faits et dits antérieurs lui avaient été inspirés par Dieu. Enfin, elle préférait terminer son expiation tout d’un coup, c’est-à-dire par la mort, plutôt que de subir davantage les traitements qu’elle endurait[48]. P. Cauchon et sa suite se retirèrent. Les Anglais ne cherchaient qu’une occasion de mort. En sortant de la prison, l’évêque rencontra le comte de Warwick et une multitude d’Anglais : Farowelle ! Farowelle ![49] faictes bonne chère ; elle est prise, il en est faict. Telles furent les propres paroles de Cauchon. Le mardi 29, il réunit le tribunal dans la chapelle de l’archevêché. Les deux juges et près de quarante conseillers prirent part à la délibération. Sur le rapport de ce qui s’était passé la veille, Jeanne, à l’unanimité, fut déclarée coupable, relapse, et définitivement condamnée. L’appariteur Jean Massieu reçut ordre de citer Jeanne à comparaître le lendemain 30, à huit heures du matin, sur la place du Vieux-Marché, lieu ordinaire des exécutions, pour entendre prononcer sa sentence[50]. Le mercredi 30 mai 1431, à sept heures du matin, Jean Massieu pénétra auprès de la condamnée. Il lui signifia l’exploit de citation à comparaître, dans une heure, au lieu indiqué. L’appariteur fut bientôt suivi des deux juges, accompagnés de Courcelles, de Loyseleur et d’autres. Ils recommencèrent auprès de Jeanne leurs obsessions accoutumées, et l’interrogèrent encore au sujet de ses visions. Parmi ces prêtres et tous ces théologiens, il n’en était sans doute pas un qui n’admît comme possibles et même louables, ces illuminations intérieures de la foi. Tous légalisaient et canonisaient, selon leur pouvoir, de semblables manifestations, qui se produisaient pour ainsi dire quotidiennement dans la société religieuse du moyen âge. Mais chez Jeanne, leur ennemie, ils incriminaient ces mêmes manifestations, ils les livraient à la moquerie, ils en faisaient un grief de persécution mortelle. Mal rassurés, toutefois, dans leur conscience, ils venaient ordonner comme un supplément d’instruction. Il leur fallait une dernière sanction à ces prétextes et un surcroît de garanties contre ceux qui pourraient, quelque jour, demander compte aux juges de leur sentence. Les assesseurs firent coucher par écrit tout ce qu’ils voulaient que Jeanne répondît[51]. Au surplus, dans l’âme navrée de l’héroïne, la mesure était comble. La mort, inévitable gouffre qui l’attirait, lui semblait aussi un remède, un refuge. Elle avait fini par embrasser cette solution, et volontairement elle s’était donnée à la mort. Après l’appariteur, P. Cauchon, le matin, envoya auprès de Jeanne frère Martin Ladvenu, qui précéda l’évêque et les assesseurs. Ce dominicain était assisté d’un jeune religieux de son ordre nommé Jean Toutmouillé. Il dut à son tour informer la patiente que l’heure était venue, et qu’il fallait mourir. A ces mots, et en dépit d’elle-même, Jeanne s’émut profondément. Si jeune, mourir ainsi, par le feu ! A cette idée, la jeunesse et la vie se révoltèrent dans les flots tumultueux de ses veines. Ah ! ah ! s’écria-t-elle en portant avec désespoir ses mains, qui se crispaient, à sa chevelure rasée, me traite-t-on si cruellement ? Son titre virginal lui revenait à l’esprit comme un suprême moyen de défense, qu’elle revendiquait dans son naïf orgueil. Faut-il que mon corps pur, dit-elle, et immaculé, soit ainsi consumé, réduit en cendres ! Ah ! j’aimerais mieux être décapitée sept fois que d’être brûlée ![52] Martin Ladvenu la prit à part, et à deux reprises l’entendit en confession. Avec la permission de l’évêque, il lui donna ensuite l’eucharistie. Peu à peu, le calme se faisait chez la patiente ; les larmes succédaient aux spasmes fébriles de la chair et du sang. Il fallut quitter le château ; vers huit heures du matin, accompagnée de Jean Massieu et de Martin Ladvenu, elle se dirigea vers la place du Vieux-Marché à travers la ville. Jeanne fit ce trajet, selon toute apparence, dans la charrette des condamnés au dernier supplice. Elle était vêtue en femme, d’une robe longue (et de toile probablement), la tête coiffée d’un chaperon féminin, ou couvre-chef, qui cachait ses cheveux ras et se rabattait comme un voile sur son visage. Elle pleurait. Une forte escorte la suivait ; sept à huit cents hommes d’armes sur pied ne permettaient point que qui que ce fût l’approchât[53]. . Sur la place du Vieux-Marché, les Anglais avaient déployé un grand appareil. Des établies ou loges furent construites ad hoc et annexées aux bâtiments des halles. Trois échafauds s’élevaient sur cette place. Le plus vaste était destiné à recevoir les prélats, les assesseurs et les autorités de la capitale anglaise. Cauchon, Lemaître, le cardinal d’Angleterre, L. de Luxembourg, chancelier, l’évêque comte de Noyon, etc., etc., prirent séance sur cette estrade. La seconde devait servir à la prédication ou admonition publique. Le troisième échafaud était le bûcher[54]. Vers neuf heures, tous les acteurs de ce drame se trouvaient réunis. Une immense multitude remplissait l’espace demeuré libre. Jeanne étant montée sur le deuxième échafaud, Midi, docteur désigné par Cauchon, prit la parole. Le nouveau chanoine de Rouen prononça, comme l’avait fait Érard, un sermon dont il emprunta le texte au chapitre XII de la première aux Corinthiens : Si un membre, etc. Durant cette prédication, Jeanne, toujours plus calme à mesure qu’elle s’avançait vers la mort, Jeanne, résignée, pleurait et priait. Lorsque le théologien eut fini, l’évêque exhorta la patiente à son tour, et prononça la sentence définitive. Nous t’avons rejetée, dit-il, retranchée et abandonnée comme un membre pourri, pour que tu ne corrompes pas les autres ; nous te rejetons et retranchons de l’unité, ainsi que du corps de l’Église... Nous t’abandonnons à la justice temporelle, en la priant de modérer envers toi son jugement, et de t’épargner la mort, ainsi que la mutilation des membres. Midi reprit alors : Jeanne, va en paix, l’Église ne peut te défendre ; elle te laisse au bras séculier[55]. A ces mots du prédicateur, la séance fut levée pour les gens d’église. Le bras séculier, c’est-à-dire la justice laïque, était présente. Raoul Bouteillier, bailli de Rouen, Pierre Daron, son lieutenant, et Laurent Guesdon, assesseur en cour laïque, avaient seuls qualité pour prononcer la sentence, entraînant la mort physique ou mutilation des membres. Tous les trois, placés dans la grande tribune, faisaient partie de l’assistance. Par une dernière et éclatante violation du droit, cette sentence ne fut point délibérée ni prononcée. Le bailli, sur un signal des Anglais, dit seulement au bourreau : Qu’on l’emmène, ou : Tais ton devoir[56]. Malgré cet ordre, et malgré l’empressement des maîtres, Jeanne, pendant une demi-heure, demeura encore sur l’échafaud. Elle avait demandé une croix : deux bouts de bâton, croisés et liés ensemble par un Anglais, lui furent apportés. Jeanne prit ce symbole du sacrifice et le plaça sur son sein, entre ses vêtements et sa chair. D’après son désir, Jean Massieu se rendit à l’église de Saint-Sauveur, dont le portail s’ouvrait sur le Vieux-Marché. Il invita les clercs de cette paroisse à vouloir bien prêter leur croix processionnelle. Cependant, Jeanne, à genoux, pria publiquement et à haute voix. Elle dit que son roi était innocent des actions qu’elle avait entreprises. Elle demanda le pardon des offenses qu’elle avait pu commettre, soit envers ses amis, soit envers ses ennemis. Elle pardonna les of Buses qui lui avaient été faites. Enfin la croix de Saint-Sauveur arriva. Jeanne baisa le divin emblème ; il fallut descendre[57]. Un homme d’armes la livra au bourreau. Jeanne remonta dans la charrette, assistée des deux dominicains Ladvenu et Is. de la Pierre. Au moment où elle s’éloignait, un des assesseurs se fit jour à travers la mêlée du cortége. C’était Loyseleur, le prêtre qui avait trahi sa confession. Pressé par le remords, il se traînait vers la généreuse victime et venait implorer son pardon. Loyseleur fut écarté, repoussé, menacé par les Anglais[58]. L’héroïne traversa ainsi la place et fut menée au troisième échafaud. Tout était prêt depuis longtemps. Le bois seul, d’ordinaire, entrait dans la construction de ces appareils de supplice ; mais les Anglais avaient prescrit pour cette circonstance, un luxe et un développement matériel inusités. L’estache ou poteau contre lequel devait être liée la patiente était en plâtre et reposait sur un ouvrage de maçonnerie. Des degrés conduisaient à la plate-forme. Un immense amas de bois formait la base, et sur ce vaste théâtre, la victime pouvait être vue de tous les yeux. Le bourreau s’était muni de charbon, d’huile et de souffre. Mais la grandeur de l’édifice ne lui permettait pas de maîtriser aisément l’exécution[59]. Jeanne, toujours assistée de Ladvenu, monta sur la plate-forme et fut liée à l’estache. Vêtue de sa robe, elle avait échangé sa coiffure de femme contre une mitre de papier sur laquelle était écrit : hérétique, relapse, apostate, ydolastre. Un tableau, placé devant le bûcher, présentait cette inscription : Jehanne, qui s’est faict nommer la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse de peuple, devineresse, superstitieuse, blasphèmeresse de Dieu... invocateresse de déables, etc.[60] Cependant, les persécuteurs de la Pucelle avaient fini par se prendre au piège de leur propre triomphe. Cet accomplissement final de l’iniquité, cette terrible mise en scène causaient une impression opposée à celle qu’en attendaient les auteurs. Le cardinal d’Angleterre, vieillard blasé de plaisirs et usé, P. Cauchon, pleuraient. Tous ceux qui, même à travers le fanatisme de la passion ou des intérêts, conservaient quelque libre arbitre dans le cœur ou dans l’esprit, participaient à cette émotion[61]. Lorsque Jeanne vit briller les flammes, elle commanda au dominicain de descendre et de tenir haute devant elle la croix de Saint-Sauveur. Le religieux obéit à cette double prescription. Jeanne contempla cette croix jusqu’au dernier regard de ses yeux. Elle répétait le nom de Jésus au milieu de la fournaise grandissante. Une dernière fois elle cria : Jésus[62] !... Aussitôt qu’elle eut cessé de vivre, l’exécuteur, sur l’ordre des chefs, écarta les brandons ardents. La femme, alors, dépouillée par le feu de ses derniers voiles, fut exhibée, dans sa nudité funèbre, aux regards de la foule. Ainsi la mort et l’identité de la victime pouvaient compter autant de témoins pour en déposer, que le supplice avait eu de spectateurs[63]. Puis, les brandons furent rapprochés et rallumés, afin d’achever l’œuvre de destruction ; mais en vain : le bourreau lui-même, ému et troublé, ne put y réussir. Huile, souffre, charbon ne servaient de rien dans ses mains défaillantes ; les derniers restes d’un cadavre se jouaient du tortionnaire et de ses engins. C’en était assez pour fournir des reliques au culte de la postérité... Par ordre du cardinal d’Angleterre, ces vestiges furent réunis et jetés dans la Seine[64]. Quant à l’exécuteur, éperdu en sortant d’accomplir son office, il courut au couvent des dominicains, voisin du fleuve et du Vieux-Marché. Là, devant les confesseurs de la jeune martyre, il raconta ce qui s’était passé. Le bourreau protesta qu’un pareil fait n’avait pu être permis de Dieu sans miracle. Jean Thiessart, notaire du roi d’Angleterre, était présent au supplice. En se retirant chez lui, triste et gémissant, il dit : Nous sommes tous perdus, car nous avons brûlé une sainte[65]. |
[1] Procès, à la table : Duremort, Houppeville, Lohier.
[2] Procès, I, 21, 23 ; III, 171 et s. Gallia christiana, t. XI, col. 87. Archives capitulaires, citées par Chéruel : Histoire de Rouen, p. 193 ; Revue de Rouen, etc. 1845, p. 356.
[3] Procès, I, 351 et s. ; III, 171 et s. ; V, 272 et s. Dans le procès de condamnation, écrit après 1431, on ne voit pas figurer La Fontaine parmi les officiers de la cause, confirmés ou institués pour l’Inquisition.
[4] Procès, I, 36 ; II, 216, art. VIII ; 326 ; III, 171, 172, etc.
[5] Procès, à la table : Ladvenu, Magistri, Pierre (Isambard de la).
[6] Procès, au mot Fabri.
[7] L’argent de France, prélevé en Normandie, ne suffisait pas. Arrêté du conseil d’Angleterre (1er mars 1431), pour envoyer au roi d’Angleterre, en France, par Dieppe, 4.000 livres (Lettres des rois et reines, in-4°, t. II, p. 415). — Beaurepaire, archives de l’archevêché. Procès : Midi et passim.
[8] Vir clarissimæ virtutis et cælestis scientiæ, Launoit, Historia colleg. Navarr., t. II, p. 551. Recteur le 23 mars 1430, jusqu’au 24 juin. Courcelles lui succéda le 10 octobre. Vallet (de Viriville), Hist. de l’Inst. publique, p. 486.
[9] Velut latenti similis. (Ænee Sylvii Piccolomini, Opera omnia, Basileæ 1551, in-f° p. 6. c.) Hic jacet eminentissimæ scientiæ et magnæ claritatis dominus Thomas de Courcellis, sacræ paginæ professor, decanus, canonicus hujus insignis ecclesiæ... (Tombes de Notre-Dame de Paris. L. L. 488 bis, p. 113.) Biographie Didot : Courcelles.
[10] Voir le plan annexé au mémoire de M. de Daverdy, Notice des Manuscrits, t. III, p. 600.
[11] Procès, I, 48, 58 à 309 ; III, 136, 142 ; 155, etc.
[12] Procès, II, 342.
[13] Procès, I, 65, 86, 89, 97, 187.
[14] Malleus malefacarum, maleficus et earum heresim ut phramea potentissima conterens, etc., Paris, Jean Petit, 1520, in-8°, gothique.
[15] Procès, I, 337 à 399.
[16] Procès, I, 3161, 3711 et s. ; II, 203 ; III, 51, etc.
[17] I, 402 ; V, 272, etc. La question ou torture, dit M. de Beaurepaire, était étrangère à la coutume de Normandie et des tribunaux normands. (Recherches sur les prisons, p. 40.)
[18] J. Beaupère, recteur en 1412. Le 12 décembre, Jean sans Peur lui envoie une queue de vin de Beaune, pour se concilier ses bonnes grâces. Mémoires de Bauin, Ms. 372 de l’Institut, à la date. Procès, I, 354, 407 et s., 423 ; V, 203.
[19] Il se nommait Pierre de Gouda, natif de Leyde en hollande, province bourguignonne. (Registre 8 de l’université.)
[20] I, 404, 408, etc.
[21] Procès, I, 423, 429. Quétif, scriptores O. predicat., t. I, p. 782.
[22] Procès, I, 84, 38, 174, etc.
[23] Ms. lat. 3.970, de incommoditate carcerum, p. 192. Procès, II, 298, 306, 346 ; III, 145, 151, 150, etc.
[24] W. Lindwod.
[25] Plan de Rouen, apud Laverdy. Procès, I, 442.
[26] N. Eymerici, directoriurn inquisitorum, Romæ, 1578, in-f°, pratica officii, p. 265 et s. Procès, II, 353, etc.
[27] Plan de Rouen. Procès, I, 496 et s.
[28] Quétif, p. 781. Procès, II, 11, 21, 331 ; III, 52 et s.
[29] Procès, I, 450 ; III, 64, 65, 146, etc.
[30] II, 21 ; III, 61, 90, 156, etc.
[31] I, 452.
[32] I, 94, 120, 155, 163, etc.
[33] Cf. Laverdy, Notice des manuscrits, 1790, in-4°, tome III, p. 150 et s.
[34] Voy. Acte du parlement (tenu à Westminster), en date de mars 1431, peur traiter avec la France. Parliament rolls, in-f°, t. IV, p. 371.
[35] Procès, II, 3, 334, 318 ; III, 189. Catalogue Teulet, 13 avril et 31 mai 1431.
[36] Procès, V, 195.
[37] Procès, II, p. 210, art. VIII. Biographie Didot, Chartres (R. de). Gall. christ., t. IX, p. 336. Ms. Brienne, 115, p. 28. P. Cauchon, dit un savant historien, fut heureux d’avoir évité un procès, dont la suite infaillible eût été sa déposition ou destitution, si le malheur des temps eût pu souffrir qu’on l’eut instruit dans les formes. (H. Godefroy, Histoire de Beauvais, Ms. s. fr. 5, 2, t. III, p. 1337.) En 1433, l’évêque d’Avranches fut arrêté comme prévenu d’un crime politique et conduit à Rouen. Il revendiqua ses privilèges de clerc : Bedford le rendit à la juridiction de l’archevêque de Rouen, mais à condition que le métropolitain poursuivit son suffragant et lui fit son procès. (Beaurepaire, Prisons de Rouen, p. 37). Tel était le droit.
[38] Baronius, t. XXVIII, p. 84 et passim. Leibnitz, Mantissa ad cod juris gentium, 1700, in-f°, p. 76, § 67. Prœeedings, IV, 76. Bulle du 12 mars 1431, par laquelle Eugène IV notifie à Charles VII son avènement. ; Armoires Baluze, tome XVII, p. 277. Pii commentarii, 1614, in-f°, p. 158. Boutiot, Guerres des Anglais, p. 19. Garnefeldt, Vita beati Albergati, 1618, in-4°, p. 30 et s.
[39] Ripoll, Bullarium dominicanum, 1729, in-f°, t. III, p. 7, S. Procès, I, 184, 396 et s. ; 401, 445, etc. Quicherat, Aperçus, 125 et s.
[40] Procès, I, 116, 205 ; II, 304, 349. Directorium, p. 300, n° 123 : Si ex frivolis causis appellatum sit, quid facere debeat inquisitor ? P. 300, n° 124 : forma dandi apostolos negativos. Jean de Saint-Avit avait conclu par le renvoi de Jeanne devant le Concile. Son avis fut exclus. Procès, II, 5, 313.
[41] Il y en avait deux pour tout le royaume. L’inquisiteur général de Toulouse, en 1429, était sans doute l’ordinaire de Poitiers, où Jeanne fut examinée.
[42] Procès, I, 72, 73, 471, etc.
[43] Itinéraire. J. 366, n° 1 à 3. D. Grenier, tome XX bis ; comptes, f° 15 v°.
[44] Procès, I, 453 ; II, 5, 8, 18, etc.
[45] Procès, II, 14, 18, 19, 21, 224, 300. Cette heure de midi, qui est le terme des derniers offices du matin et de la grand’messe, doit être remarquée.
[46] La situation de relapse était une phase connue des procès en matière de foi. Elle annonçait la fin, la condamnation.
[47] Procès, II, 14, 21 ; III, 53, 62, 148, 158, 184, etc.
[48] Procès, I, 454 et s. ; II, p. 5, 8.
[49] Anglais : Farewell ; aujourd’hui, adieu. Ce mot avait alors le sens du latin ave ; en français, salut, Dieu gard ; littéralement : soyez en joie ; soyez bien.
[50] Procès, I, 459, et s. ; II, 5 ; III, 189, etc.
[51] Ibid., I, 458 et suiv. ; 477 et s. Voy. aussi Lettres de garantie du 12 juin 1431 : Procès, III, p. 240.
[52] Procès, I, 418 ; II, 3, 4.
[53] Procès, II, 14, 19, 32, 328 (elle avait repris l’habit de femme le 28 mai, page 334) ; 344 ; III, 113, 158, 162 ; IV, 36.
[54] Compte du domaine de la ville et de la vicomté de Rouen, 1431-2, dans Beaurepaire, Notes sur la prise du château de Rouen par Ricarville, 1850, in-8°, p. 5. Procès, I, 469 ; II, 6 ; III, 54, etc.
[55] Procès, I, 469 et s. ; II, 15 ; III, 159, etc.
[56] Ibid., II, 6, 334, 339, 351, 366 ; III, 150, 169, 170, 187-8. Beaurepaire, ibid., p. 3.
[57] Procès, II, 6, 7, 19, 344, 351, 369 ; III, 158, 159.
[58] III, 162, 169, 194.
[59] Procès, II, 7, 9 ; IV, 36. Beaurepaire, ibid., p. 5. Sauval, Antiquitez de Paris, III, p. 339.
[60] Procès, IV, 459. Bessin, concilia Rothomagensia, 1717, in-f°, t. I, p. 154, canon 6e : mitre des hérétiques. J. Chartier, in-16, t. III, p. 46, note 1.
[61] Procès, II, 6, 7, 347, 355, 366 ; III, 53, etc.
[62] Voir sur ce point (Culte du nom de Jésus, importé d’Italie par les Frères Mineurs), Revue archéologique, juin 1861, p. 431 et circà. Ms. Cordeliers n° 16, f° 484 v°.
[63] Procès, II, 6, 7, 337, 344, 347, 366 ; III, 53, 158, 159 ; IV, 471. — Jeanne, avons-nous dit, vit son portrait à Arras entre les mains d’un Écossais. Un Écossais (peut-être le même ?) suivit la Pucelle pendant tout le cours de son étonnante carrière. Après avoir assisté à la fin de l’héroïne, cet étranger retourna dans son pays natal, et devint religieux à l’abbaye de Dumferling. Il écrivit, à la requête de son abbé, une suite du Scotichronicon de Fordun, où il porte témoignage de la Pucelle. Cette suite, objet des recherches de plusieurs savants, n’a pu être retrouvée jusqu’ici. Voy. F. Michel, les Écossais en France et les Français en Écosse, 1862, in-8°, t. I, p. 175 et ses renvois.
[64] Et fut la pourre (poudre) de son corps gettée par sacgs en la rivière, affin que jamais sorcherie ou mauvaisté on n’en peuist faire ne propposer. Ms. Cordeliers, n° 16, f° 507 v°.
[65] Procès, II, 7, 9, 347, 366 ; III, 160, 182, 190 ; IV, 471, 474. Chronique de Tournay, p. 417.
Sur l’appareil du supplice. — Le Religieux de Saint-Denis nous a laissé, t. II, p. 662 et s., le récit descriptif et très circonstancié, d’une scène qui n’est point sans analogie avec le supplice de Jeanne Darc. II s’agit des deux Augustins dégradés, puis exécutés à mort, comme sorciers, à Paris, le 29 octobre 1398. Ces moines, après avoir été rasés, furent coiffés de mitres en papier portant leurs noms ; conduits par les rues dans une charrette à la place de Grève : là se trouvaient deux échafauds, etc. Un tableau du musée de Bruxelles, peint par Steuerbout, en 1468, représente le supplice du feu subi par une femme ; gravé Messager de Gand, 1833, p. 17 ; photographié Vierlands, 1862. L’exécution de la Pucelle a été représentée de tradition dans les Vigiles, de Martial, ms. de dédicace, vers 1490. Gravé Bordier et Charton, Histoire de France par estampes, éd. 1859, in-8°, t. I, p. 527. On peut consulter aussi, comme monuments figurés de tradition : Monumenta et Historia Joannis Hus, Nuremberg, 1558, in-f°, t. II, figure gravée sur bois ; en tête, avec cette légende : Hac fuit, etc. ; effigie de Jean Hus mitré sur le bûcher. Autre plus moderne encore : Mémoires pour servir à l’histoire des inquisitions, enrichis de plusieurs figures ; Cologne, 1716, in-12, t. I, page 119, figure 1 : habit d’une femme, qui doit être brûlée vive, et t. II, page 355.