HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE IV. — JEANNE DARC - 1429-1431.

CHAPITRE IV. — Jeanne Darc. Du 13 septembre 1429 au 24 mai 1430. Prise de la Pucelle.

 

 

L’échec éprouvé devant Paris, et la retraite du roi vers la Loire, constituaient une double faute : le préjudice que cette conduite devait lui causer ne tarda point à se faire sentir.

Charles VII avait institué comme chefs militaires Jean Foucault et A. de Loré à Lagny, et le comte de Vendôme, à Saint-Denis, sous l’autorité de Charles, comte de Clermont, lieutenant-général. Mais ces commandants n’avaient plus sous leurs ordres de forces suffisantes. Après le départ de la Pucelle, chacun d’eux fut attaqué dans sa position. Le comte de Vendôme abandonna Saint-Denis, qui retomba au pouvoir des Anglais. Les pilleries, la guerre civile, l’anarchie, avec tous les fléaux qu’elle entraîne, recommencèrent comme par le passé[1].

Le jeune prince de Bourbon, vaincu par ces difficultés, quitta son poste et se retira dans ses domaines. Regnauld de Chartres, demeuré à Senlis, siège de la lieutenance générale, était le principal ministre de ce gouvernement par délégation. Il dirigea sur Rouen un coup de main infructueux. Dans le même temps, le duc d’Alençon demandait à marcher en armes vers la Normandie : à cet effet, il sollicita du roi un nouveau commandement, pour lui et la Pucelle ; mais il ne put l’obtenir. Messire R. de Chartres, le seigneur de la Trimouille et le sire de Gaucourt, qui lors gouvernoient le corps du roy et le fait de sa guerre, ne voulurent oncques souffrir que la Pucelle et le duc d’Alençon fussent ensemble[2].

La lieutenance générale du duc d’Alençon fut définitivement transportée à Louis de Bourbon, comte de Vendôme. De ce temps, dit un chroniqueur attaché à la maison de Jean, duc d’Alençon, le comte de Vendôme, par le pourchas d’aulcuns qui avoient envie de la gloire d’icelui duc, fut fait lieutenant-général du roy... et en ce faisant fustfait injure au dit duc d’Alençon qui paravant avoit la dite charge[3].

Cette substitution mérite d’être notée attentivement. Le comte de Vendôme, lieutenant-général en Picardie, devenait ainsi le bras militaire de R. de Chartres, déjà investi de la plénitude des pouvoirs civils. Le rival de Jean, duc d’Alençon, en supplantant son prédécesseur, fit succéder l’hostilité sourde, que lui inspirait R. de Chartres envers la Pucelle, à la sympathie que le duc d’Alençon avait toujours montrée pour l’héroïne. On verra bientôt se déployer les graves conséquences de ce changement.

Sous le coup d’une semblable disgrâce, le duc d’Alençon se retira le cœur plein d’amertume : il ne pardonna jamais au roi ce grief. Tel fut, chez ce prince vindicatif, le levain d’une haine mortelle, qui, plus tard, devait l’égarer jusqu’à conspirer avec les Anglais. Amédée de Savoie, médiateur entre Charles VII et la Bourgogne, blâma de son côté la tentative faite sous les murs de Paris, comme un acte inconséquent et un coup fourré. Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford, partagea ce sentiment avec vivacité. Elle rapprocha le duc, son frère, de son époux, et les excita tous deux à s’unir contre la France[4].

Charles VII, à Gien (21-25 septembre), continuait de négocier avec Philippe le Bon. Le duc de Bourgogne lui avoit mandé de nouveau qu’il lui feroit avoir Paris, par le sire de Charny, qui en avoit apporté les nouvelles, et qu’il viendroit à Paris pour parler à ceulx qui tenoient son party. Et pour ceste cause, le roy lui envoya un sauf-conduit pour venir à Paris[5].

Le duc de Bourgogne revint en effet dans la capitale, où il fut l’objet d’une espèce d’ovation. Philippe, accompagné de la duchesse de Bedford, s’y réunit le 30 septembre avec le cardinal d’Angleterre et le régent. De nouvelles conférences s’ouvrirent, le 10 octobre, à Saint-Denis, entre R. de Chartres et le chancelier anglais, évêque de Thérouanne.

Trois jours après, le duc de Bourgogne, lieutenant-général, publia une dernière trêve, conclue dès le 28 septembre, qui comprenait dans l’armistice Paris, Saint-Denis, Vincennes, Charenton et Saint-Cloud[6].

Jean de Lancastre, par un accord amiable, abandonna complètement au duc le gouvernement de Paris et la régence, à l’exception de la Normandie. Bedford partit pour Rouen le 27 et les troupes anglaises évacuèrent la capitale. Mais le duc de Bourgogne y resta le maître au nom d’Henri VI. Puis il retourna (17 octobre) dans son pays de Flandres, pour y recevoir Isabelle de Portugal, avec laquelle il était sur le point de s’unir en troisièmes noces[7].

Le 30 octobre 1429, le roi envoya de Gergeau un message ou ambassade, comme on disait alors, aux bourgeois de Reims. Les commissaires royaux se nommaient Christophe d’Harcourt, Adam de Cambray, président au Parlement, le sire de Conflans et Pierre Durand, bailli de Châlons. Ils avaient spécialement pour charge de notifier aux bourgeois de Reims les trêves par nous dernièrement prinses avec nostre cousin de Bourgoigne. Ils devaient en outre leur enjoindre d’observer ces trêves et accord, sans y faire faulte, si chier, disoit le roy, que vous avez nostre bien et honneur[8].

Vers cette époque Laval au Maine, Torcy, Louviers, Château-Gaillard en Normandie, furent repris par des partisans, au nom du roi de France[9].

La Pucelle, cependant, ne supportait qu’avec impatience l’inertie dans laquelle les favoris de Charles VII avaient replongé ce prince. Jeanne obtint, comme une laveur, l’autorisation de poursuivre la guerre hors du théâtre de l’armistice. Elle quitta la cour, accompagnée du sire d’Albret, lieutenant-général en Berry, et de quelques troupes. Vers les premiers jours de novembre, ayant pris d’assaut la ville de Saint-Pierre le Moutier, elle soumit trois ou quatre places des environs, qui obéissaient au duc de Bourgogne[10].

Après avoir remporté ces avantages, la Pucelle, suivant la logique de ses plans, voulait retourner devant Paris. Les compagnons d’armes que lui avait donnés la Trimouille, la dissuadèrent de ce dessein : ils lui conseillèrent de se porter à La Charité. L’héroïne condescendit, sans le conseil de ses voix, et probablement sans pouvoir faire autrement, aux instances qui pesaient sur elle[11].

Le 9 novembre, Jeanne était à Moulins et se disposait à faire le siège de La Charité. Ce poste, occupé par les Bourguignons, avait pour capitaine un chef de corps francs, très redoutable, nommé Perrinet Grasset. Jeanne vint assiéger cette ville le 24. Les ministres du roi abandonnèrent la Pucelle dans le cœur de l’hiver, sans ressources, aux prises avec les difficultés de cette expédition. Jeanne invoqua de nouveau le patriotisme des villes. Elle écrivit aux bourgeois de Riom pour se procurer l’artillerie qui lui manquait. Orléans et Bourges furent mises également à contribution. Mais les secours qu’elle en tira et ses propres efforts demeurèrent impuissants[12].

D’après un écrivain bourguignon, Perrinet Grasset fit retirer les assiégeants, par une merveilleuse finesse. Cagny, de son côté, nous apprend que le siége fut levé pour ce que le roy ne fist finance d’envoyer à la Pucelle, vivres ni argent, pour entretenir sa compaignie. Toujours est-il que Jeanne, à sa grant desplaisance, quitta la place, après un mois de siége sans succès, et en y perdant l’artillerie qu’elle s’était procurée[13].

Ce second échec de La Charité est un des points obscurs que présente la biographie de la Pucelle. Charles d’Albret, qui tenait sous sa main l’héroïne, était frère utérin de la Trimouille... Nous ignorons à l’aide de quelle finesse Perrinet Grasset éloigna la libératrice. Mais nous apprenons, par un document particulier, que le 11 janvier 1430, la ville de Bourges ayant expédié à La Charité treize cents écus d’or, cette dernière place rentra sous l’autorité du roi de France[14].

Jeanne, au retour ou pendant le cours de cette entreprise infructueuse, fut anoblie, ainsi que sa famille. Les lettres royales qui lui octroyaient cette faveur sont datées de Mehun-sur-Yèvre, en décembre 1429, et contresignées La Trimouille. Les parents de la Pucelle, avec son assentiment, profitèrent de ce privilège, qui les élevait tout à coup de la classe des serfs aux rangs les plus favorisés de la société. Mais quant à l’Héroïne elle-même et personnellement, elle n’en tint aucun compte[15].

Fidèle aux grandes idées d’abnégation et de dévouement qui l’animaient, Jeanne, avant de se nantir, elle et sa famille, avait pensé d’abord à l’humble et patriotique village qui l’avait vue naître. Aussitôt après le sacre, elle sollicita et obtint du roi un acte authentique qui affranchît perpétuellement de tout tribut la commune de Greux-Donremy. Ces lettres furent données à Château-Thierry le 31 juillet 1429. Mais au blason royal qui lui avait été spontanément octroyé le 2 juin, Jeanne préféra toujours les religieux symboles dont elle-même avait décoré sa bannière[16]. Jeanne, anoblie par Charles VII, ou par la Trimouille, ne grandissait point devant l’histoire. Celle qui devait verser tout son sang pour son pays, ne songeait point, d’ailleurs, à faire lignée. L’héroïne du quinzième siècle se prononça en termes explicites sur cette concession, et protesta qu’elle y était demeurée complètement étrangère[17].

La Pucelle touchait alors, en quelque sorte, à l’apogée de sa carrière. Essayons, à notre tour, de peindre cette admirable physionomie dans la plénitude de sou existence.

Le côté le plus extraordinaire et qui domine tout, chez la Pucelle, dès la première vue, est l’aspect religieux. La religion, au quinzième siècle, n’était pas cette abstraction, un peu froide, qui règne parmi les esprits des temps modernes : elle se mêlait à toute chose et se confondait, sans exclusion, avec les réalités quotidiennes. La religion suppléait à la science ; où manquaient les lumières rationnelles, l’imagination et le sentiment y pourvoyaient. De là le rôle si fréquent que joue, dans le monde du moyen âge, le merveilleux, le miracle.

Le miracle, à cette époque, ne répugnait aucunement aux intelligences : il exerçait, au contraire, un attrait universel ; chacun le revendiquait, avec un succès sympathique et mutuel. Le merveilleux et le miracle habitaient donc, au XVe siècle, tous les esprits. Ils se retrouvent dans l’ensemble des témoignages qui nous sont restés sur la Pucelle. La Chronique de la Pucelle, écrite par un des personnages les plus graves, les plus éclairés de son temps, est pleine de merveilleux, de miracle. Le miracle et le merveilleux étaient enfin dans la croyance intime et dans l’âme de la Pucelle, ainsi que dans le milieu qui l’entourait.

Jeanne, chez qui le bon sens brillait de tant d’éclat, s’abandonnait, avec la puissance des riches natures, à cet autre instinct, à cet autre besoin non moins impérieux de l’âme humaine, le sentiment religieux. Elle s’abreuvait, sans réticence et sans réserve, à cette source abondante que le catholicisme ouvrit, comme une piscine, à ses premiers pas. Elle ne chercha point en dehors de ce paradis tout trouvé. Jeanne Darc, avons-nous dit, était assistée d’un conseil qu’elle appelait ses voix. Les témoignages qu’elle nous a laissés sur ce point offrent une netteté, une multiplicité, une invariable persistance, qui ne laissent aucune prise à l’équivoque. Or, comme la sincérité de la déposante s’élève à nos yeux au-dessus de tout soupçon, nous nous soumettons à tenir pour vrai le fait allégué par elle. D’après notre sentiment, la foi de Jeanne, et les circonstances que nous avons dites, suffisent pour rendre compte de ce fait à l’intelligence.

La Pucelle nous apparaît donc comme une femme profondément religieuse et d’une insigne piété, mais nullement comme une mystique et une thaumaturge. Plusieurs saintes ou dévotes, femmes d’église et de couvent, faiseuses de petits miracles, et adonnées à de petites pratiques, précédèrent la Pucelle, ou se manifestèrent en même temps qu’elle. De ce nombre était une nommée Catherine, de La Rochelle, que Jeanne rencontra près d’Orléans, à Gergeau. Sans que l’on mette sur le même rang ces diverses rivales, la Pucelle n’eut, si j’ose ainsi dire, qu’à, écarter du pied les moins nobles, pour que la confusion soit demeurée impossible[18].

La Pucelle ne prophétisait pas en vue de faire signes. Elle ne macérait point ses sens dans une idée de perfection solitaire, ni d’édification mystique. Ses signes, comme elle dit, furent de lever le siège d’Orléans, de faire sacrer le roi à Reims, de restituer la France au livre des nations. Par ce chemin plus rapide et nouveau, elle alla au cœur des masses, et s’acquit une admiration impérissable. Les sentiments qu’elle inspirait se firent jour, à son égard, dans la forme propre au temps où elle vécut. Après la délivrance d’Orléans, un magistrat français écrivait au duc de Milan que le jour où la Pucelle était née dans son village tous les habitants en avaient été avertis. Les coqs, cette nuit-là, comme des hérauts de bonne nouvelle, se mirent à chanter avec une allégresse inaccoutumée[19].

Quand elle était jeune, ajoute-t-il, et qu’elle faisait paître les agneaux de ses parents, jamais une de ses bêtes ne périt. D’autres disaient que quand elle estoit bien petite et qu’elle gardoit ses brebis, les oiseauls des bois et des champs, quand les appeloit, venoient mangier son pain dans son giron, comme privés. Ce sont là de nouvelles paraphrases sur les propriétés de la licorne et de la vierge. Après la bataille de Patay, on vit en Poitou des hommes armés de toutes pièces, chevaucher dans l’aer, sur ung grand cheval blanc... Tout le pays de Bretaigne en fut espaventé, car le duc naguères avait fait serment aux Anglois. Le roi a envoyé devers l’évêque dé Luçon pour sçavoir la vérité de cette besoigne[20].

Jeanne entretenait autour d’elle des clercs occupés à une correspondance étendue. On en peut juger par les lettres d’elle, qui nous sont restées. Bonne de Milan, mariée à un simple gentilhomme de sa cousine Isabeau de Bavière, se voyait frustrée des droits qu’elle prétendait à la riche succession des Visconti. L’héritière se pourvut, par une requête, auprès de dame Jehanne la Pucelle, Afin que celle-ci lui fît rendre son patrimoine. Le comte d’Armagnac était engagé dans de graves démêlés avec le pape Martin V. Bien que le schisme fût presque éteint, Jean d’Armagnac voulait se soustraire à l’obédience de Rome. Le comte désirait obtenir de la Pucelle une consultation publique et dont’ il espérait tirer profit. Donc, il lui demanda auquel des trois papes Benoît, Clément ou Martin, l’on devait obéir. La lettre du comte lui fut remise au moment où, déjà montée à cheval, elle partait, le 22 août 1429, de Compiègne[21].

Toutes les fois que l’objet de ces demandes rentrait dans le domaine de sa mission, Jeanne y répondait avec une sagesse et une perspicacité admirables. Quant au comte d’Armagnac, elle l’éconduisit très poliment. Jeanne lui fit savoir que quand elle serait à Paris, elle s’occuperait de son affaire et lui répondrait à loisir. Plus d’une consultation put être dérobée à sa complaisance et à sa bonne foi. Telle est, incontestablement, la lettre écrite en latin, sous son nom, contre les Hussites[22].

Les poètes principaux du quinzième siècle, R. Blondel, Alain Chartier, Astesan et plus tard Villon, (ballade des dames du temps jadis), s’émurent de son avènement et le célébrèrent. Gerson la bénit de sa voix mourante. Jacques Gelu, Henri de Gorckum et le docteur allemand, auteur de la Sybilla Francica, témoignèrent en sa faveur par de solennels écrits. Christine de Pisan, poète, femme d’un grand sens et du plus noble caractère ; lui consacra, comme Gerson, ses derniers accents[23].

Le bruit de la merveilleuse jeune fille, porté par la voix de la renommée, se répandait jusque chez les Grecs, aux confins de la chrétienté. Dès 1429, on la montrait, peinte, en Allemagne. L’empereur Sigismond, avec le magistrat de Ratisbonne, assista publiquement à cette exhibition. Uri fragment de tapisserie, récemment découvert, paraît avoir fait partie d’une série de tableaux analogues. On sait par les accusations de Rouen, que l’enthousiasme public se manifestait en l’honneur de l’héroïne soins la forme du culte religieux. Nous possédons en effet, parmi d’autres preuves comparables, le texte d’une collecte ou prière finale de l’office, dans laquelle son nom figure avec les honneurs qu’on rendait aux saints[24].

A cette époque, toute personne, recommandée à la haute estime publique par d’éminentes qualités de l’ordre moral, toute personne, vivant, comme on disait, en odeur de sainteté, se voyait adresser de semblables hommages. Jeanne accueillait ces démonstrations avec toute la modestie, tout le bon sens dont elle était capable. A chaque pas, elle combattait ces populaires superstitions et ces naïves idolâtries. Quelquefois elle s’en fâchait, séance tenante, comme d’un excès d’absurdité. Le plus souvent, elle reprenait doucement les délinquants ou délinquantes. A Poitiers, des bonnes femmes lui apportèrent leurs patenôtres et divers objets à toucher. Touchez-les vous-mêmes, leur dit-elle, ils en vaudront tout autant. Lorsque les habitants de Troyes lui ouvrirent leurs portes, certains soupçons restaient dans l’esprit de quelques-uns : Jeanne venait-elle de par Dieu ou de par le diable ? Tel était le doute dont ils étaient encore agités. Le cordelier négociateur, Frère Richard, se chargea de calmer ces derniers scrupules. Le jour où la Pucelle franchit l’entrée de la ville, Richard se présenta publiquement devant la libératrice, multipliant les signes de croix et jetant en l’air de l’eau bénite. Jeanne, par ce moyen, devait être exorcisée en tant que de besoin. La Pucelle dit alors dans son lorrain natal : Approchez hardiment, je ne me envouleray point[25].

Plusieurs historiens se sont enquis avec un zèle extrême, des conditions physiologiques, dans lesquelles vécut la Pucelle. A défaut de la personne, ils ont fouillé les textes. Ces auteurs ont recommencé, après la reine de Sicile, un genre d’investigation pour lequel ils ne présentaient ni l’excuse d’être du quinzième siècle, ni la qualité de matrones. Moins favorables en leur verdict que le jury féminin de Chinon, ils déclarent que Jeanne ne jouissait pas de tous les attributs de la santé. Ils ont même reconnu que l’héroïne avait puisé, dans je ne sais quel état pathologique la puissance supérieure dont elle fut douée.

Cette étrange conclusion, nous le savons, n’est point un fait isolé. Certains physiologistes, et ceux-là médecins, ont étendu de nos jours cette doctrine. Renouvelant un vieux paradoxe, ils ont affirmé que Socrate, ainsi qu’Homère, étaient fous. Suivant eux, les chefs-d’œuvre de l’esprit, humain sont le fruit de la phlegmasie. D’autres réfuteront et ont réfuté ces exagérations, avec une autorité à laquelle nous ne saurions prétendre[26].

Nous oserons toutefois protester, sinon de par la science, du moins au nom de l’histoire et du sens commun, contre de semblables égarements. Non, l’insalubrité n’est point une condition de l’héroïsme, ni la source du génie. Phidias et les Grecs ont jugé la thèse, il y a deux mille ans. Le beau est la splendeur du vrai. Sur le front du Jupiter Olympien, l’œil humain verra rayonner à jamais, dans la règle et l’harmonie de la forme, la règle et l’harmonie de l’intelligence.

Pour ce qui touche Jeanne Darc en particulier, nous ne suivrons même pas nos contradicteurs sur le terrain où ils se sont placés. Nous ne le ferons point, par respect pour le lecteur et pour la dignité humaine. Qu’il nous suffise et qu’il nous soit permis de le dire : les même textes, étudiés avec soin, n’ont nullement justifié à nos yeux les bizarres conclusions que l’on en a tirées. Jeanne, d’après la lettre intelligible de ces documents, vécut au physique ainsi qu’au moral, dans la plénitude des facultés que la nature ou la Providence ont données aux personnes de son sexe, y compris... la santé.

Aucune grâce extérieure ne manquait à cette femme élue, riche, entre toutes, par les dons de l’âme. Jeanne avait conscience des poétiques honneurs que les croyances de son temps attribuaient à son titre de vierge. Elle n’ignorait pas le pouvoir moral que ce titre lui conférait. Que lui importait d’ailleurs le roman vulgaire de la femme ? Son sublime regard avait lu dans le ciel une plus austère et plus haute destinée. Jeanne voua sa virginité, comme sa vie, non pas à une idée d’ascète, mais à sa patrie. Que l’on joigne à ces grands desseins le sentiment de la pudeur naturelle, la dignité de la personne, et nous en aurons assez dit sur ce point, où il ne convient pas d’insister.

Jeanne, bien loin des maussades rigueurs d’un ascète, portait, épanoui sur son allègre visage, le sourire de ses vingt ans. Avenante et gracieuse pour chacun, elle réconfortait les gens du peuple, entrait dans tous leurs sentiments, qu’elle avait connus. Elle se faisait sociable, secourable, aux plus humbles, aux plus petits. Jeanne recherchait néanmoins la compagnie des nobles et se plaisait aux relations polies. Elle avait comme toutes les jeunes femmes, le goût inné de l’élégance, et n’attendit point, pour le manifester, des lettres d’anoblissement[27].

Son état, ou train de maison, était celui d’une comtesse, ou mieux d’un comte. Cet état comprenait un maître d’hôtel, un écuyer, un aumônier, plusieurs chapelains, des secrétaires, des pages, des valets de chambre, de pied, etc. : attribut naturel des fonctions qu’elle remplissait. Elle se plaisait aux riches vêtements, aux belles armes, aux chevaux de prix. Les textes permettent de suivre la série de plus en plus élégante des costumes qu’elle revêtit successivement. A Vaucouleurs, elle quitta ses pauvres habits de paysanne. Dès lors, elle ne porta plus que le costume d’homme, condition nécessaire de sa masculine mission. La femme reparut peu à peu dans le choix des étoffes, dans le luxe et la grâce de l’ajustement. Elle portait volontiers des robes à la mode des gentilshommes, des robes de soie brochée ou de drap d’or, enrichies de fourrures[28].

Toute jeune, elle s’était exercée à monter les chevaux et, dit-on, au maniement des armes. Lorsqu’elle vint à Chinon, le duc d’Alençon la vit dans la prairie courir à cheval une lance : il fut si charmé de sa bonne mine qu’il lui donna un coursier ; ainsi leur amitié commença. En 1430, Jeanne avait à son service quinze chevaux de diverses qualités[29].

Nous avons vu la Pucelle employer, à Tours, le peintre du roi, qui peignit ses bannières : ce peintre avait une fille déjà grande et nommée Héliote ; Jeanne protégea Héliote, qui se maria en 1430. La Pucelle était alors à la cour. Elle écrivit à la municipalité Tourangelle d’allouer sur les fonds de la ville, à titre de libéralité, une somme de cent écus en faveur de la jeune fiancée, pour sa corbeille. La ville, attendu son extrême pénurie, n’alloua pas cette dépense. Mais elle pourvut au festin nuptial et le magistrat assista officiellement à cette noce, pour l’amour et l’honneur de ladite Pucelle[30].

Nous ne voulons point appuyer outre mesure sur ces légers traits. Le côté mondain de la Pucelle, négligé ou méconnu généralement, est un des aspects vrais de cette figure, qui appartient tout entière à l’histoire. De tels détails, à un autre titre, méritaient encore d’être notés. Ce luxe innocent de la jeune fille, comme on le verra bientôt, lui fut imputé à crime. Le lecteur, désormais, appréciera les faits qui servirent odieusement de prétexte à une semblable accusation.

Jeanne, pendant les loisirs forcés que lui faisaient les gouverneurs du roi, tenait ses yeux fixement tournés vers la capitale. Bien rassuré sur ces conseillers, Philippe le Bon avait quitté Paris le 17 octobre 1429, sans même y laisser de garnison. Les populations de la Champagne, en voyant le roi reprendre le chemin de la Touraine, étaient stupéfaites. Nous avons encore la correspondance qui s’établit, à cette occasion, entre la ville de Reims et le gouvernement de Charles VII[31].

Diverses lettres, écrites par cette ville, du 3 août au 5 septembre, témoignent au roi la douleur que fait concevoir à ses habitants une telle conduite. Ils représentent que l’ennemi est fort et que la retraite subite du roi expose inopinément les Rémois à tous les périls. Ils se plaignent que les gens de Poton de Saintrailles recommencent, à leurs portes, les pilleries.

Charles VII ou son conseil, au moment où ce prince retournait vers les bords de la Loire, promettait à Philippe le Bon de lui donner en apanage les comtés de Champagne et de Brie. Mais pendant que les conseillers du prince négociaient sur ce point, le gouvernement anglais les gagna de vitesse[32].

Par lettres datées du 8 mars 1430, en nostre manoir de Elcham, Henri VI, roi de France et d’Angleterre, donne à Philippe le Bon, en fief, les comtés de Champagne et de Brie. Cet octroi fut accompagné d’un autre don de 12.500 marcs ou livres anglaises. Une délibération spéciale du conseil privé, datée du lendemain 9, ordonna que cette somme, nonobstant la pénurie du trésor, serait immédiatement réunie et portée au duc en sa ville d’Arras, ou ailleurs[33].

La dernière trêve jurée n’expirait qu’à Pâques, 15 avril. Néanmoins, le duc de Bourgogne rouvrit immédiatement les hostilités contre Charles VII.

Reims fut de nouveau menacé, ainsi que diverses autres places de Champagne et de Picardie. A la date du 15 mars, le conseil de cette ville s’adresse, par une pressante dépêche, au comte de Vendôme et au chancelier-archevêque. Il leur mande que l’approche de Jean de Luxembourg est signalée. Douze jours après, 27, le capitaine de Reims avait fui, muni d’un sauf-conduit délivré par le duc de Bourgogne. Les habitants écrivaient au lieutenant-général pour faire arrêter le fugitif.

Instruite de ces faits, la Pucelle brisa sa chaîne. Depuis un mois, elle habitait avec le roi le château-fort de Sully, résidence féodale de la Trimouille. Du 29 au 31, elle partit, mais cette fois sans prendre même congé du roi. Elle partit comme un prisonnier, qui s’échappe et qui se rachète lui-même, d’une injuste ou tyrannique captivité[34].

Du 1er au 16 avril, deux à trois cents Picards, soldats de Philippe le Bon, sortirent de Rouen et vinrent se loger, près cette ville, à Saint-Denis-le-Thiboust. Des Français les surprirent la nuit et les mirent à. mort, presque jusqu’au dernier. Paris lui-même, toujours frémissant, s’agitait de nouveau. Vers les premiers jours de mars, une nouvelle conspiration s’ourdit entre des bourgeois de la capitale et des Français venus du dehors[35].

Dans ces entrevues secrètes, divers plans furent proposés. Sous peu de jours, des Écossais devaient se présenter à l’une des portes de la capitale. Ces étrangers, portant le costume anglais et la croix de Saint-André, amèneraient du bétail et de la marée. Pendant qu’ils se feraient ouvrir les portes, à titre de marchands, un gros de soldats embusqués dans la banlieue, fondrait sur la ville, et y pénétrerait à force ouverte. Durant le même temps, des affidés devaient ameuter le peuple, à la place Baudoyer, lire publiquement des lettres d’abolition et soulever la ville en faveur du roi Charles[36].

Cette conspiration comptait dans son sein des membres du parlement, du Châtelet ; des marchands, et autres gens de toute classe. Les conjurés du dedans communiquaient avec ceux du dehors, par le moyen de lettres que portait, des uns aux autres, Pierre Dallée, religieux mendiant de l’ordre des Carmes. Un nommé Jean de Calais vendit le complot à la police anglaise. Au jour dit, les assaillants de l’extérieur arrivèrent à leur poste et le mouvement militaire fut tenté. Mais le duc de Clarence, lieutenant de Bedford, s’empara des complices, qui devaient, à l’intérieur, provoquer l’insurrection[37].

Pierre Dallée fut mis au brodequin et la torture lui arracha de nombreuses dénonciations. On arrêta cent cinquante personnes. Les unes périrent à la question ; d’autres se rachetèrent à prix d’argent ; un certain nombre s’enfuirent. Le 8 avril 1430, Jean de la Chapelle, auditeur en la chambre des comptes et Renaud Savin, procureur au Châtelet, furent écartelés. Jean de Calais, révélateur (et probablement anglais), pour prix de sa délation, obtint l’impunité. Le même jour, Pierre Morand procureur au Châtelet, Jean le Français dit Baudran, Guillaume Perdriau tailleur d’habits et Jean le Rigueur boulanger, furent, pour le même fait, décapités aux Halles. Michel Piau, Jacques Perdriel, absents, furent déclarés bannis. La plupart des conjurés étaient possesseurs d’immeubles importants. Le gouvernement les distribua au bâtard de Clarence et à plusieurs autres de ses affidés[38].

Jeanne, dans les premiers jours d’avril, accourut à Lagny, parce que ceulx de la place fesoient bonne guerre aux Anglois de Paris et ailleurs. La Pucelle signala militairement son retour, par une rencontre, dans laquelle trois à quatre cents Anglais furent taillés en pièces. Elle s’établit d’abord à Lagny, puis à Compiègne ; et, de là, dirigea des excursions armées sur divers points, tels que Senlis, Crépy en Valois, Soissons et autres. Du 8 au 15 avril, elle combattait sous les murs de Melun. Cette ville ne tarda pas à redevenir française[39].

Le duc Philippe de Bourgogne, instruit de la présence de Jeanne sur les champs, se remit personnellement en campagne. Après avoir célébré les fêtes de Pâques (15 avril) à Péronne, il conduisit la nouvelle duchesse à Montdidier, où il passa quelques jours. Laissant alors Isabelle de Portugal en cette ville, le duc vint mettre le siège, vers le 21 avril, devant Gournay-sur-Aronde. Cette place appartenait au comte de Clermont, beau-frère de Philippe, Elle avait pour capitaine un brave chevalier, gentilhomme du pays, vassal du comte, oncle maternel d’Agnès Sorel, et nommé Tristan de Maignelais. Celui-ci, dépourvu de forces, traita de rendre la place au ter août suivant, dans le cas où il ne serait point secouru. En même temps, il souscrivit une trêve qui dura jusqu’au terme indiqué[40].

La guerre alors se ranima, dans la zone de l’Ile-de-France et pays adjacents, avec toute la rigueur qu’elle avait eue précédemment. Le sire de Montmorency reconquit ou recouvra sa baronnie. Les Armagnacs s’emparèrent (25 avril) de Saint-Maur-les-Fossés. Du reste, c’était toujours, parmi les milices du roi Charles, la même indiscipline. L’un de ses capitaines, Yvon du Puy-du-Fou, au mépris de la trêve encore subsistante, au mépris de la consigne royale, avait envahi la place forte appelée Maisy, entre Laon et Reims. Un autre, Rigaud de Vercel, fit main basse sur Dormans. Tous deux se mirent à ravager le pays de Reims, nouvellement conquis à la cause de Charles VII[41].

Du 21 avril au 10 mai environ, le duc Philippe s’arrêta pendant iule huitaine de jours à Noyon (cette ville était restée bourguignonne) ; et parcourut d’autres points environnants de la Picardie. Jean de Luxembourg et lui, de concert, s’acheminaient à main armée, vers Paris et devaient se rencontrera Compiègne. Le S mai, les habitants de Compiègne envoyèrent de l’artillerie et des munitions au château de Choisy-sur-Aisne ou Choisy-au-Bac, point important qui dominait leur ville[42].

Philippe le Bon vint en effet assiéger ce château, vers le 10 mai 1430. Le samedi 13 may, arriva à Compiègne Jeanne la Pucelle, pour secourir ceux qui estoient assiégez à Choisy. A laquelle on présenta trois pièces de vin, présent qui étoit grand, de prix excessif, et qui fait voir l’estime que l’on faisoit de la valeur de cette vierge. Ainsi s’exprime un historien inédit de la contrée. C’était la coutume au moyen âge, en Picardie, de présenter aux hôtes de distinction le vin de ville. La quantité du présent offert à la Pucelle montre qu’elle était honorée par les habitants à l’égal des têtes couronnées. Le don se rehausse encore ici par le prix de la matière, sous la menace et à la veille d’un siége[43].

Jeanne, cédant sans doute à une autre inspiration que la sienne propre, au lieu de marcher droit à Choisy, fut emmenée vers Soissons. Le programme était d’entrer d’abord dans cette ville, que naguères elle avait rendue française, puis de se porter à Choisy, à l’encontre du duc de Bourgogne. La Pucelle sortit de Compiègne accompagnée du chancelier de France et du comte de Vendôme, lieutenant général pour le roi. Arrivés devant Soissons, Guichard de Bournel, institué capitaine par le comte de Clermont, leur refusa l’entrée. Cependant, quand la nuit fut venue, Bournel introduisit dans la place le chancelier, le comte de Vendôme et la Pucelle, avec un petit nombre de gendarmes. Mais le reste de la troupe se vit barrer le passage[44].

Les gentilshommes qui la composaient se dispersèrent entre les rivières de Marne et de Seine. Une partie de ces licenciés, et les principaux, se retirèrent vers Senlis. La Pucelle, ainsi abandonnée, en présence de R. de Chartes, retourna d’abord à Compiègne qu’elle traversa de nouveau. Puis elle alla prendre sa demeure, près de Senlis, à Crépy[45].

A peine Jeanne était-elle sortie de Soissons, que le capitaine livra cette ville à Jean de Luxembourg : dont il fit, ajoute Berry, vilainement et contre son honneur. Bournel se rendit ensuite à Choisy et cette place, au lied de recevoir le renfort de la Pucelle, vit accourir le capitaine de Soissons, pour aider au duc de Bourgogne. Louis de Flavy, lieutenant de Guillaume de Flavy, commandait dans Choisy-sur-Aisne. Cette forteresse ne tarda point à succomber. Philippe le Bon la Fit aussitôt démolir et raser jusqu’aux fondements[46].

Peu de temps auparavant, la Pucelle avait déjà tenté un mouvement analogue. Vers les premiers jours de mai, elle était partie de Compiègne, accompagnée de Poton de Saintrailles, de Jacques de Chabannes, et autres capitaines, suivis d’environ deux mille combattants. Ils se dirigèrent vers Pont-l’Évêque au passage de l’Oise, gardé par les Anglais. B. de Chartres, cette fois, ne faisait point partie de l’expédition. Cette sortie n’eut point de résultat décisif et ne constitua qu’une brillante escarmouche, à l’honneur de l’héroïne[47].

Compiègne était regardé comme une porte essentielle de passage entre l’Ile de France et la Picardie : le duc Philippe voulait en avoir la clef ; par ce motif, il attachait un très grand prix à la possession de cette riche et belle ville. Les conseillers du roi, pour complaire au duc, lui firent bon marché sur ce point. Compiègne venait de céder à cet élan français, que suscitait partout la Pucelle. Le 18 août 1429, l’autorité de Charles VII y fut reconnue. Aucune cité picarde ne témoigna plus énergiquement sols adhésion au mouvement national : nulle part, la Pucelle n’excita un plus chaleureux enthousiasme. Cependant le 28 du même mois, Jeanne avait à peine mis le pied hors de cette ville, sa nouvelle conquête, que déjà lès conseillers du roi offraient Compiègne au duc de Bourgogne[48].

Lorsque Charles VII passa par cette place, les habitants demandèrent au roi, pour capitaine, un personnage militaire du pays, dans lequel ils avaient confiance et qui déjà en remplissait les fonctions. C’était un jeune homme, né à Compiègne, et appartenant à l’une des familles les plus considérables de la province. Il se nommait Guillaume de Flavy. Mais la Trimouille, premier ministre du roi de France, se réserva cet office : le gouverneur d’Auxerre se fit, nommer aussi (18 août 1429) capitaine de Compiègne. Flavy toutefois fut maintenu comme lieutenant. C’était le prélude de la cession au duc de Bourgogne[49].

Mais, lorsque, peu de jours après, il s’agit de réaliser ce marché, l’opposition vint de la part des habitants. Ils représentèrent au chancelier chargé de négocier la cession : qu’ils étoient les très humbles sujets du roi et désiroient le servir de corps et de bien, mais que, de se commettre audit seigneur duc de Bourgogne, ils ne le pouvoient... Vainement les ordres du ministre succédèrent à ses instances. Les habitants déclarèrent qu’ils étaient résolus de se perdre eulx, leurs femmes et enfans, plutôt que d’estre exposez à la mercy dudit duc[50].

Les conseillers alors firent accepter au duc comme compensation le pont Sainte-Maxence. Mais Philippe le Bon ne renonça point à Compiègne. Le duc offrit à Guillaume de Flavy une grande somme d’argent et un riche mariage, s’il voulait lui livrer cette place. Flavy n’était point un modèle d’honneur et de patriotisme ; néanmoins, il refusa. Philippe le Bon, dans ces circonstances, résolut de s’en emparer par la force des armes[51].

La Trimouille savait très bien que sa propre domination toucherait à sa fin, le jour où Charles VII commencerait de régner par lui-même. Dans cette vue, il avait établi, pour les pays d’outre Seine et Loire, le deuxième conseil royal, dont nous avons parlé. C’était simplifier ou diminuer d’autant, quant au jeune roi, la sollicitude et le poids dés affaires. Ce conseil, en effet, présidé par R. de Chartres, décidait des questions les plus importantes sans même en référer au conseil royal proprement dit, que dirigeait la Trimouille.

Toute autre personne que Jeanne, en se soustrayant an joug du favori, aurait pu songer à mettre à profit cette division des pouvoirs. Mais témoin du vice radical qui déchirait ce gouvernement sans autorité, Jeanne n’avait garde de pousser, elle aussi, à l’anarchie. Bien loin de là, elle vint immédiatement rallier, comme on l’a vu, le vice-roi, R. de Chartres. Peu de mois auparavant, ce même chancelier se présentait humblement devant le duc de Bourgogne, en lui prostituant, sans dignité, les offres et les avances les plus impolitiques[52].

Le 19 mars 1430, avant le départ de la Pucelle, le gouvernement royal proprement dit, ou la Trimouille, adressait, de Sully, à la ville de Reims, une première dépêche. Cette lettre, signée Charles, est une réponse aux appréhensions et aux demandes de secours que les bourgeois de Reims avaient itérativement exprimées. Elle conclut à endormir ces alarmes et à des promesses évasives. Le 6 mai 1430, après le départ de la Pucelle, R. de Chartres écrivit aux mêmes correspondants une autre missive, bien différente. Celle-ci est signée : par le roi, à la relation du conseil estant à Compiègne[53].

Sans doute, l’évidence des faits les plus récents, le dépit et l’humiliation du diplomate joué, purent contribuer à dessiller tardivement les yeux du chancelier. Mais la présence seule de la Pucelle prouve assez, pour tout esprit clairvoyant, la part que l’histoire, dans ce subit changement de conduite et de langage, doit attribuer à l’influence personnelle de l’héroïne. Jeanne était d’avis qu’il n’y avoit de paix possible avec le duc de Bourgogne, si ce n’est par le bout de la lance. Depuis longtemps, elle luttait pour faire prévaloir cette opinion, contre la politique sans noblesse et contre les fins de non recevoir intéressées des ministres. L’un de ces derniers, R. de Chartres, isolé, ne put résister, ostensiblement du moins, à l’ascendant de la conseillère, à qui le langage des événements prêtait d’ailleurs une aussi pressante éloquence[54].

La libératrice, on le voit, n’avait rien perdu des facultés supérieures de son esprit. Son prestige et la paissance de sa renommée étaient toujours immenses.

Le gouvernement anglais comptait beaucoup, pour la prospérité de ses affaires, sur l’arrivée en France du jeune Henri VI. Bedford ne cessait de hâter l’embarquement du royal héritier. Au moment de quitter le sol anglais, une résistance, un obstacle inouï se révéla. Les hommes d’armes engagés refusaient de partir : Bedford, pour les y contraindre, dut recourir à un édit spécial. Cet acte public, daté du 3 mai 1430, est dirigé contre les capitaines et soldats réfractaires, qui sont terrifiés par les enchantements de la Pucelle. Le 5 mai, Jean Boucher, chanoine d’Angers, se rendit en pèlerinage à Sainte-Catherine de Fierbois. Ce même jour, après avoir accompli son vœu, il y dit une messe, en l’honneur du roi, de la Pucelle, et de la prospérité du royaume[55].

Le bruit de son approche ranima dans Paris et ailleurs, ces sentiments, de terreur pour les uns, de sympathie enthousiaste chez les autres, qu’elle excitait de toutes parts. Sa foi, son courage, sa gaieté même et son enjouement se conservaient entiers et inaltérables[56].

Et pourtant, une ombre funèbre planait déjà sur ce jeune front. Depuis un an à peine, Jeanne avait pris possession de sa carrière ; c’en était assez pour que ses pieds se fussent heurtés contre le roc et les épines de la réalité humaine. Jeanne n’était plus cet être surhumain, cette vision des premiers jours. La crédulité du quinzième siècle, cette foi si puissante, montrait, comme toute médaille, ici-bas, son revers. Les ennemis de Jeanne aidant, l’héroïne avait perdu en partie cette auréole superstitieuse, à laquelle elle n’aspirait pas, mais dont l’affubla tout d’abord l’imagination publique.

Jeanne avait combattu, avait échoué (à La Charité et ailleurs). Jeanne avait souffert, elle avait pleuré, comme tous, et devant tous ! Ses voix l’inspiraient toujours. Devant Melun, aux fêtes de Pâques (15 avril), un pressentiment intime l’avait avertie qu’elle serait prise avant la Saint-Jean (24 juin). A quelle heure et comment ? Elle l’ignorait. Mais à partir de ce moment, elle se rapporta le plus, du fait de la guerre, à la voulenté des capitaines. Or ces capitaines devaient la trahir. L’idée de sa fin, de sa perte, assiégeait son esprit[57].

Depuis le premier jour, ce terme, cette fin, dans l’illumination intérieure, qu’elle voyait, de sa carrière, n’était-il pas le point visuel de la perspective et le dénouement ! Mais la divine messagère avait appris, depuis ce premier jour à connaître le mal, qui est parmi les hommes, l’ingratitude, les embûches. Autour d’elle, la trahison, qui rampait effectivement sous ses pas, se dressait visible pour les yeux de son âme.

A Compiègne, où elle fit successivement divers séjours, Jeanne logeait chez le procureur du roi. Elle partageait la couche de Marie Le Boucher, femme de ce fonctionnaire. Et faisoit souvent relever de son lict ladite Marie, pour aller advertir ledit procureur qu’il se donnât de garde de plusieurs trahisons des Bourguignons. Il faut entendre par ce dernier mot les créatures que le duc de Bourgogne entretenait à Compiègne, et qui, de concert avec R. de Chartres, tendaient à lui livrer cette ville[58].

Ces créatures, en effet, étaient propres à exciter très sérieusement la vigilance de Jeanne et des véritables amis de la cause nationale. Parmi ces ennemis, nous pouvons citer, comme un premier exemple, Jean Dacier, fanatique partisan des Anglais. Abbé de Saint-Corneille de Compiègne, il fut un des juges qui siégèrent à Rouen ci qui condamnèrent la Pucelle[59].

Mais ces nuages passaient sur le front de Jeanne sans en altérer la sérénité.

Le 20 mai 1430, Philippe vint mettre le siège devant Compiègne. Un corps d’auxiliaires anglais se réunit aux troupes ducales, composées de Bourguignons et de Portugais, munis d’artillerie. Jean de Luxembourg, Baudo de Noyelles, les comtes d’Arundel et de Montgomery assistaient le duc, comme lieutenants. Philippe s’établit à Loudun, au nord de Compiègne. Ses capitaines s’échelonnèrent au long de l’Oise avec leurs corps respectifs, à Clairoix, Margny et Venette. Ce dernier poste était occupé par les Anglais, au nombre d’un millier d’hommes. Le total des assiégeants s’élevait environ à quatre mille[60].

Dans ce péril, les assiégés s’adressèrent au roi de France. Pierre Crin, l’un des attournés ou gouverneurs de Compiègne, partit ce même jour, pour Gergeau, résidence de Charles VII, et vint réclamer du secours. Par ordre du roi ou de son conseil, le bâtard d’Orléans fut chargé de satisfaire à cette demande. Le bâtard se mit en route immédiatement et s’avança jusqu’à Crépy. De là, il dirigea sur Compiègne un lieutenant nommé Jamet ou Jacques du Tillay, avec soixante-dix hommes pour la garde et défense de la ville ![61]

En recevant cette aide dérisoire, les assiégés invoquèrent l’assistance de la Pucelle.

Le mercredi 24 mai 1430[62], veille de l’Ascension, Jeanne partit également de Crépy en Valois dés le plus grand matin, à l’heure de minuit. Elle avait avec elle de trois à quatre cents combattants. On lui représenta que c’était bien peu de forces, pour traverser de nombreux assiégeants. Par mon martin, dit-elle, nous suymes (nous sommes) assez ; je iray voir mes bons amis de Compiègne. Elle arriva, vers le soleil levant, sans encombre, et pénétra dans la ville. Là, d’après une tradition locale, qui subsiste encore et qui s’accorde avec les documents écrits, elle se rendit le matin à la paroisse de Saint-Jacques, pour y faire, à la vigile de cette grande fête, ses dévotions[63].

Toute la jeunesse de la ville, cent à six-vingts enfants, et d’autres personnes se pressaient dans l’église, attirés par sa présence. Après la messe qu’elle avait fait dire, et après avoir communié, elle se retira près de l’un des piliers. Puis, elle dit à ceux qui l’approchaient : Mes enfants et chers amys, je vous signifie que l’on m’a vendue et trahie, et que de brief seray livrée à mort. Si, vous supplie que vous priez Dieu pour moy[64]...

Vers le déclin du jour, Jeanne prit avec elle sa compagnie de gardes, commandée par le lieutenant, nommé Barette, et d’autres compagnons d’armes, jusqu’au nombre d’environ 500 hommes. Un boulevard ou redoute, avec barrière, avait été construit, en tête du pont, qui menait à la chaussée, hors de la ville. G. de Flavy mit cet ouvrage en état de défense et fit préparer sur l’Oise des bateaux, propres à favoriser également, au retour, la rentrée des troupes. Quant à lui, il resta dans Compiègne[65].

Toutes les portes de la ville demeurèrent fermées, à l’exception de celle du pont. Jeanne se dirigea vers Margny, par cette issue, qui resta ouverte pendant toute la durée de l’action. Il était environ cinq heures du soir. Le plan de la Pucelle était de se porter d’abord à Margny, où se tenait le maréchal bourguignon. Flavy, d’après ces conventions, devait suffire, avec la disposition des lieux, pour tenir en respect les Anglais à Venette. De Margny, l’expédition marcherait sur Clairoix et combattrait le duc de Bourgogne, qui, de Coudun, ne pouvait pas manquer d’accourir. Le premier de ces mouvements s’accomplit avec un entier succès. Le camp de Margny, pris à l’improviste, fut culbuté très brièvement. La lutte s’engagea bientôt avec ceux de Clairoix. Mais les Anglais, durant ce combat, parvinrent à se joindre aux Bourguignons el, prirent à revers les Français. La Pucelle, assaillie par un ennemi très supérieur en nombre, ne perdit point un instant son sang-froid[66].

Il n’en fut pas de même de ses soldats. Se voyant pour ainsi dire enveloppée, une partie de la troupe dit à la Pucelle : Mettez peine de recouvrer la ville, ou vous et nous, sommes perdus ! La Pucelle leur répondit : Taisez-vous, il ne tiendra qu’à vous qu’ils ne soient déconfis. Ne pensez que de férir sur eux ! Mais vainement. Elle fut refoulée et violemment entraînée du côté du pont. Toutes les forces des assiégeants, accumulées, se réunirent vers le même point. Jeanne et ses plus dévoués soldats supportèrent avec héroïsme le poids de cette presse, en retardant pied à pied le mouvement de retraite[67].

Dans ce tumulte, le boulevard et les barrières se trouvèrent forcés. Les piétons qui faisaient partie de l’expédition se jetèrent dans les barques et regagnèrent la ville. Mais Flavy, au moment où l’ennemi se précipitait en masse devant l’entrée de Compiègne, donna ordre de lever le pont et de baisser la herse. La retraite manqua désormais à l’héroïne. Pendant quelque temps, elle lutta comme une lionne. Mais elle trouva bientôt lé terme d’une résistance impossible[68].

Les efforts et l’universelle préoccupation de cette armée se dirigeaient vers elle et tendaient à s’emparer de sa personne. Jeanne portait sur son harnois un riche surtout ou tabard de soie rouge. Désignée de la sorte à tous les yeux, elle se vit traquée comme une proie, puis harcelée par autant de bras qu’il s’en pouvait réunir autour de son cheval. Un archer picard, redde homme et bien aigre, la saisit par son vêtement d’étoffe ; et la renversa ainsi sur le sol. Les efforts de ses gens, qui toujours l’entouraient, ne parvinrent point à la remonter. Cinq ou six ennemis à la fois lui demandèrent de se rendre.

L’un d’eux, nommé le bâtard de Wandonne, la pressa le plus vivement. Wandonne lui criait qu’elle se rendît à lui de préférence et lui donnât sa foi, attendu sa qualité de gentilhomme. Jeanne répondit : J’ai juré et donné ma foi à autre qu’à vous (c’est-à-dire à Dieu ou à Charles VII), et je lui en tiendrai mon serment ! Ce bâtard était un lieutenant, de Jean de Luxembourg : il se saisit de la prisonnière et la conduisit au comte Jean ; la Pucelle demeura sous la garde de ce dernier[69].

Jeanne Darc, on n’en saurait douter actuellement, fut trahie et livrée par Guillaume de Flavy[70].

Le capitaine de Compiègne ne pouvait être, pour la Pucelle, qu’un ami, ou un ennemi. Dans cette conjoncture, à l’égard d’une telle héroïne, l’indifférence, l’oubli, l’incurie est l’hypothèse la plus inadmissible. Si Flavy eût été l’ami de la Pucelle, il lui aurait laissé ouverte la porte de Compiègne ; car il s’agissait, pour Jeanne, du péril évident de sa personne. Or, Flavy devait sauver Jeanne, même au risque d’introduire avec elle les assiégeants dans la ville. Flavy était-il donc l’ennemi de Jeanne ? Examinons. Blanche de Nelle, veuve de Raoul de Flavy, épousa Hector père de Renaud de Chartres, chancelier de France. Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne, proche parent de Raoul, naquit vers 1395 : il fut le pupille et l’élève du chancelier, qui le lança dans la carrière. La famille de Chartres et la famille de Flavy possédaient en commun divers biens et seigneuries sis sur le- territoire de Compiègne. Tels étaient les liens qui rattachaient entre eux Guillaume de Flavy et R. de Chartres[71].

G. de Flavy était un agent et affidé de la Trimouille ; R. de Chartres le lui avait donné. En 1427, Flavy remplit, sous les ordres de la Trimouille, une mission politique, secrète et confidentielle, auprès du comte de Foix et de Champeaux, dans le Languedoc. En 1428, il fut capitaine de Beaumont-en-Argonne. En 1429, lieutenant de la Trimouille, et de sa compagnie, on le trouve au nombre des chefs de guerre triés, qui prirent part à la campagne du Sacre. En mai 1430, la Trimouille était capitaine titulaire de Compiègne, et Flavy son lieutenant. Tels sont les rapports qui liaient Flavy à la Trimouille[72].

Qu’on se rappelle maintenant la suite et l’enchaînement des faits : échec de la Pucelle devant Paris ; échec devant La Charité ; échec devant Soissons ; échec final devant Compiègne. Une seule main préside à ces quatre actes : c’est la main de la Trimouille. Devant Paris, la Trimouille était présent en personne. Devant La Charité, il était présent en la personne de son frère et son lieutenant, Charles d’Albret. Devant Soissons, il était présent en la personne de son alter ego, R. de Chartres. Devant Compiègne, il était présent en la personne de son lieutenant G. de Flavy, que surveillait immédiatement R. de Chartres.

Jeanne avait annoncé, le matin, qu’elle serait trahie. Guillaume ne tarda point à révéler en lui un véritable scélérat, qui mourut chargé de crimes. Trois chroniques contemporaines attestent cette trahison. La Trimouille fut cause de sa prise, dit le chroniqueur de Metz, en parlant de la Pucelle. Elle fut prise, dit la chronique de Normandie ; et ce firent faire par envie les capitaines de France, parce que si aucuns faits d’armes se faisoient, la renommée estoit par tout le monde que la Pucelle les avoit faits. La chronique de Tournai confirme indirectement ce témoignage. Elle attribue la perte finale de l’héroïne, à l’envie des capitaines de France, avec la faveur que aulcuns du conseil du roi avoient à Philippe, duc de Bourgogne et à Messire Jehan de Luxembourg[73].

En 1445, un avocat plaidant contre Guillaume de Flavy, lui reprocha publiquement ce crime, en plein parlement, et ne fut point démenti[74].

 

 

 



[1] Montreuil, p. 335 et s. J. Chartier, t. I, p. 112 et s. Monstrelet, chap. lxxij. Paris, le 18 sept. 9429 : Jean de Cantepie, homme d’armes à cheval des nobles du bailliage de Caen, donne quittance à P. Surreau, receveur général et payeur pour les Anglais, de 7 liv. 7 s. 11 d. t., pour la parpaye d’un mois fini le 15 de ce mois, à l’encontre des ennemis du roi n. s. (Henri VI), estans environ Paris. Montre faite devant le bailliage de Caen. Orig. parch. signature autographe. Cabinet des titres, dossier Cantepie. Sceau : trois pies chantantes, posées 2 et 1.

[2] Montreuil, p. 338. Les mêmes. Cagny, p. 30. La Trimouille, dans un document émané de lui, intente au connétable de Richemont cette accusation : Richemont, dit-il, a voulu soustraire ladite Pucelle de nostre compagnie. (Ms. Harlay, 47, f° 58.) Cette imputation, évidemment, est une calomnie que l’histoire doit retourner contre le calomniateur. La Trimouille exploitait et accaparait la Pucelle, tout en la jalousant. La retraite du comte de Clermont rie fut que momentanée ; le 20 décembre 1429, il était à Reims, avec le chancelier. (Varin, t. VII, p. 745.)

[3] Cagny, Ms. Duchesne, n. 48, f° 124. Jean Chartier, t. I, ch. 66, p. 116.

[4] Biographie Didot : Jean, duc d’Alençon. D. Plancher, t. IV, p. 133.

[5] Berry, dans Procès, t. IV, p. 48.

[6] Beauvillé, Histoire de Montdidier, t. I, p. 141. Du Tillet cité, p. 322. Félibien, Preuves, t. II, p. 591.

[7] ... Mais quand il (Philippe, continue le hérault Berry) fut à Paris, le duc de Bethefort et luy firent leurs alliances plus fort que devant n’avoient fait à l’encontre du roy. Et s’en retourna ledit duc à tout son sauf-conduit par les pays de l’obéissance du roy, en ses pays de Picardie et de Flandres. Procès, t. IV, p, 48. Journal du siège, ibid., p. 201. P. Cochon, p. 462 et s.

[8] Acte original sur parchemin ; sceau du secret ou du premier chambellan, en cire rouge ; catalogue d’autographes, cabinet Lajarriette ; n. 664 ; vendu aux enchères le 19 novembre 1860, à Paris.

[9] Montreuil, p. 337. J. Chartier, t. I, p. 113. P. Cochon, p. 462 et s. En l’an 1427 (1428), le 13e mars, les Angloys entrèrent à Laval, et en l’an 1429, 25e septembre, les François le recouvrèrent. Ms. s. fr. 1081, f° 1.

[10] J. Chartier, t. I, p. 117. Procès, t. III, p. 23, 217 ; t. IV, p. 31, 48.

[11] Procès, t. I, p. 109, 147, 169.

[12] Les mêmes. Procès, t. IV, p. 147 et s., t. V, p. 268 et 356. D. Plancher, t. IV, p. 134.

[13] Godefroy, p. 332, 331. J. Chartier, t. I, p. 117.

[14] Biographie Michaud, article Guillaume de Ballard ; tirage à part, p. 6. Généalogie de la maison de Bastard, 1847, in-4° ou gr. in-8°, p. 42.

[15] Charles du Lis, Opuscules sur Jeanne Darc, 1856, in-8°, p. 94. A. Vallet, Nouvelles recherches, etc., p. 9, 26. Procès, t. I, p. 117, 118, 302. Bibliothèque de l’École des chartes, article de M. A. de Barthélemy, sur la noblesse maternelle, 5e série, t. II, p. 123 et 149.

[16] ... Lorsque cette noble dame (Marie de Maillé) se fut donnée à Dieu, elle quitta le sceau dont elle s’était servie jusque-là. Elle en prit un autre, blasonné des armes du Christ et des signes de la Passion. (vie de la bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, morte en 1417, ap. Rolland, t. III de mars, p. 742)

[17] Procès, ibid. Bibliothèque de l’École des chartes, t. V, 3e sér., p. 273 et s. Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1854, p. 103 et s. Cet anoblissement, émané de la Trimouille, coïncide avec l’échec de La Charité, œuvre de la Trimouille. Le lecteur saura tirer la moralité de ce rapprochement.

[18] V. Quicherat, Procès, t. I, p. 106 et aperçus nouveaux, p. 74.

[19] Procès, I, 6 ; V, 27.

[20] Ibid., p. 116 et 122. Journal de Paris, Panthéon, p. 679. Une chronique bourguignonne, récemment découverte, dit, en parlant de la Pucelle : Et l’apelloient ly aucun du comun de France : l’angelicque ; et en faisoient et en cantoient pluisieurs canchons (chansons), fables et bourdes moult merveilleuses. Ms. de Lille, n° 26. Bulletin de la Soc. de l’hist. de France, 1857-8, p. 102.

[21] Procès, I, 246 ; V, 253. L’une de ces lettres est signée de sa main Jehanne, par le ministère d’un scribe, qui lui tenait et conduisait ses doigts. Vu l’original, qui se conserve à Riom ; fac-simile, Procès, V, 146.

[22] Procès, V, 156. Voir sur ce point la note fort judicieuse de M. Wallon, Hist. de Jeanne d’Arc, t. I, p. 317. On sait aujourd’hui que cette lettre a pour véritable auteur F. Pasquerel, aumônier de la Pucelle. Voy. Bibliothèque de l’École des chartes, 5e série, t. II, p. 81 et s.

[23] Procès, t. V, passim.

[24] Procès, V, 104, 270, etc. La statuette équestre de M. Currand porte sur le socle ces mots : la Pucelle d’Orliens. Par le style, la foi nie et les dimensions, elle répond au modèle des saints que l’on plaçait sur les autels. Voir (au musée de Cluny ?), la médaille de la collection Forgeais. Notice dans la Revue archéologique de juin 1861 : Notes sur deux médailles de plomb, etc.

[25] Je ne m’envolerai point. Procès, I, 100 ; III, 82, 87 et passim.

[26] La psychologie morbide dans ses rapports avec la philosophie de l’histoire ; examen critique, par le docteur Bertrand de Saint-Germain : Extrait de la Revue médicale, février 1860, Baillière, in-8°. Flourens, De la raison, du génie et de la folie, 1561.

[27] Hilarem gerit vultum, etc., etc. Procès, V, 120, et passim.

[28] Le jeudi [21 juillet 1429], fu le roy pour faire garir les malades à Marcous ; et chevaulçoit ladite pucelle devant le roy, toute armée de plain harnas, à estendart desployé ; et quant elle estoit désarmée, avoit elle estat et habis de chevalier : sollers lachiés dehors piet (souliers lacés extérieurement sur le pied) ; pourpoint et eauches (chausses) justes et ung chapellet (petit chapeau) sur le tieste ; et portoit très nobles habis de drap d’or et de soie bien fourrés. (Chronique des Cordeliers, n° 16, f° 486.) Procès, t. I, 294 ; IV, 449, 472. Le rouge parait avoir été constamment sa couleur de prédilection.

[29] Procès, I, 195, 214 ; IV, 361, 523, etc. A. Vallet, Recherches iconographiques, p. 2 et suiv.

[30] Bibliothèque de l’École des chartes, IV, p. 488. Procès, V, 154. Cabinet historique, p. 112 et s.

[31] Journal de Paris, Panthéon, p. 693. Archives de Reims, copies de M. L. Paris.

[32] Archives de Reims. Notes alléguées dans l’ouvrage intitulé : Principia typographica, par M. Sotheby. Londres 1858, in-f°, t. III, p. 40. La famille Cauchon, toute-puissante à Reims, intriguait perpétuellement en faveur des Anglais. (D. Marlot, t. IV, p. 176.)

[33] Registre du trésor des Chartes, 174, acte 357, f° 153. 41s. Fontanieu, vol. 113 à la date. Proceedings, etc., t. IV, p. 31, 921.

[34] Archives de Reims. Varin, t. VII, p. 603, 746. Procès, IV, 32, 299, V, 159 à 462. Itinéraire. Ordonnances, XIX, 629.

[35] P. Cochon, p. 365. Lettres de rémission dans le registre du trésor, n° 175, acte 353, f° 151, Cabinet historique, 1859, n° 4841.

[36] J. J. 174 ; lettres citées, en date du 5 avril. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 34. Quarante dixaines de la ville étaient du complot. Ms. Cordeliers, fin 16, f° 496, v°.

[37] Les mêmes. Journal de Paris, p. 684.

[38] Les mêmes. Félibien, t. II des Preuves, p. 591, 592. Sauval, Antiquités de Paris, t. III, p. 586-7. A peine les condamnés venaient-ils de subir ce supplice, qu’une nouvelle tentative se manifestait à Paris. (Journal, p. 685.) C’était la sixième conspiration formée contre le gouvernement anglais depuis son établissement en France.

[39] Procès, I, 115 ; Cagny (ibid., IV, 32) ; Chastelain (ibid. p. 441). J. Chartier, in-16, I, 120, 125 et suiv. Monstrelet, chap. 81, 84.

[40] Monstrelet, chap. 82, 91. Ms. Cordeliers, n° 16, f° 496 v°, 497. Beauvillé, I, 142. Vallet de Viriville, Agnès Sorel, p. 6.

[41] Duchesne, Hist. de la m. de Montmorency, p. 232. Varin, VII, 746 et suiv. P. Cochon, p. 465. Journal de Paris, p. 681 Archives de Reims : lettres citées (27 avril). G. Hermand, Histoire du Beauvaisis, Ms. s. fr. 5, 2. t. III, p. 1463 et s.

[42] Monstrelet, ch. 83. S. Remi, ch. 15. Dom Gillesson (bénédictin de S. Corneille en 1645), Antiquités de Compiègne, Ms. de la Biblioth. impériale : ronds de Compiègne, n° 75, t. V, p. 95.

[43] S. Remi. Gillesson, ibid.

[44] Berry dans Godefroy, p. 381.

[45] Berry. Cagny, p. 32.

[46] Berry. Monstrelet, ch. 83. Procès, IV, 96.

[47] Ms. Cordeliers, n° 16, f° 497. Monstrelet. S. Remi.

[48] Procès, V, 174.

[49] Procès, ibidem. Dom Gillesson, p. 3, 73, etc.

[50] Procès, IV, 175. Biographie Didot au mot Flavy.

[51] Monstrelet, chap. 72. D. Marlot, IV, 176. Varin, VII, 605.

[52] Berry dans Godefroy, p. 381. Monstrelet, ch. 73, etc.

[53] Le duc de Bourgogne (tels sont à près les termes de cette dépêche), s’est emparé de notre père et de nos villes. Il a livré Charles V1 et le royaume aux Anglais. Ce duc nous a par aucun temps amusé et déceu par trêves et abstinences, soubs ombre de bonne foy et sous prétexte de parvenir au bien de paix. Nous avons, en effet, trop longtemps écouté ses trompeuses paroles. Aujourd’hui, le masque tombe et le duc vient de reprendre les hostilités. Ses émissaires vont pénétrer parmi vous de nouveau et tenter de vous séduire. Ne prêtez aucune oreille à ses discours. Transmettez-nous directement toutes les lettres ou communications qu’il pourrait vous adresser, et ne souffrez pas que ces écrits circulent dans votre ville. (Archives de Reims, lettres citées.)

[54] Procès, I, 108.

[55] Rymer, t. IV, partie IV, p. 160. Bourassé, Miracles de sainte Catherine, p. 15 et 62.

[56] Cagny, Procès, p. 82 et 33. Chastelain loc. sup. cit., etc.

[57] Procès, t. I, P. 115 et s. 177, 300.

[58] La maison du procureur était à l’enseigne du Bœuf. (D. Grenier, t. 21, Hôtels et rues de Compiègne.) Notes manuscrites de Jean le Féron petit-fils de Marie le Boucher ; Bibliothèque de l’École des Chartes, 4e série, t, I, p. 553. Le 13 août 1429, Jean le Féron, aïeul de l’annotateur, était un des attournés de Compiègne. Avec le procureur du roi, François de Miraumont, il fut député vers le roi, pour négocier la reddition de la ville. D. Grenier, t. 20 bis ; Comptes, f° 12.

[59] Procès, I, 399. D. Berthaud, Hist. de Compiègne, dans Grenier, t. XX bis. Ibid. Comptes, f° 12. Il fut bruit qu’un nommé Baudon de la Fontaine vouloit livrer aux ennemis la ville de Compiègne. Et furent envoyés, au mois de novembre 1429, deux ou trois messagers à Soissons, pour savoir du capitaine de ladite ville de Soissons (qui avoit donné cet avis), la vérité du fait. D. Berthaud (ibid.). Baudon était le lieutenant de Flavy. Quant au capitaine de Soissons, on a vu sa propre conduite à l’égard de la Pucelle en mai 1430.

[60] D. Gillesson, p. 95. Monstrelet, ch. 83. Procès, V, 475. Journal de Paris, Panthéon, p. 685. La Picardie, revue 1857, p. 21. D. Grenier, t. LIV, p. 164 ; t. LXXXIX, p. 251. Chronique de Tournay, citée, p. 415.

[61] D. Grenier, t. XX bis : Comptes, f° 15, 16 v°. Cf. Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1861, p. 176.

[62] Et non le 23, comme le porte par erreur une lettre écrite précipitamment par le duc de Bourgogne.

[63] Chronique de Tournay, p. 415. Cagny, p. 32. Alain Bouchard, témoignage recueilli en 1498 de deux témoins octogénaires ; Bibliothèque de l’École de Charles, ub. sup. — Martin (bâton) ; d’où martinet.

[64] Ibid. Procès, IV, 272.

[65] Les mêmes. G. Chastelain, Procès, IV, 445. S. Remi, ibid., p. 538.

[66] Les mêmes. Cagny, p. 33. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 87.

[67] Procès (Cagny) ; p. 616 (Pie II). Ms. Gord., f° 498.

[68] Procès, ibid. J. Chartier in-16, I, 122 ; III, 207. Flavy fait tomber précipitamment la herse de la porte par inattention ou par dessein. (Cartier, Histoire du Valois, II, 443.)

[69] Les mêmes. Chastelain. D. Gillesson, V, 546, etc. Chronique de Lille, n° 26 (Bulletin, p. 104). Berry dans Godefroy, p. 382, etc.

[70] La question a été longtemps controversable et très controversée. J’ai, à mon tour, discuté cette thèse dans un fragment de mémoire lu à l’Académie des inscriptions ; séance du 3 mai 1861. Voy. Comptes rendus par M. Ab. Desjardins, p. 98 et Journal de l’instruction publique du 29 mai 1861. Je résume ici les preuves de cette assertion, qui me parait définitivement acquise à l’histoire.

[71] Anselme : Nelle, Chartres, Flavy. Cabinet des titres : Flavy. Fr. Duchesne, Histoire des chanceliers, 1680 in-f°, p. 588. D. Gillesson, t. V, p. 180. G. de Beaucourt, Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1861, p. 175.

[72] Dossier Flavy : actes orignaux, 4 et 7 novembre. 1427. Monstrelet d’Arcq, t. IV, p. 290-1. D. Grenier, t. LIV, p. 163. D. Gillesson, t. V, p. 76 et env. Delort, Essai sur Charles VII, p. 176.

[73] Biographie : Flavy. Chronique de Metz, preuves de D. Calmet 1745, etc., t. II, col. CC. Procès, t. IV, p. 323. Chron. de Normandie, f° 183. Chron. de Tournay, p. 416. Bibl. de l’École des Chartes, 1855, p. 553.

En ce temps, après la reddition de Troies, concquist ledit daulphin moulte de villes et forteresses, par le moien de la Pucelle, qui lors tolly tout le nom et les fais des capitaines et gens d’armes de sa compaignie (des capitaines du dauphin) ; dont aucuns d’iceulx n’estoient mie bien contens. Ms. Cordeliers n° 16, f° 435. Etc., etc.

[74] Il (Guillaume) ferma les portes à Jehanne la Pucelle, par quoy fut prise, et dit on que pour fermer lesdites portes, il eut plusieurs lingots d’or. Bulletin, p. 176.

Les archives municipales de Compiègne ne m’ont pas été accessibles. Ces archives, dit-on, ne contiennent aucun document relatif au fameux siège, si ce n’est ces mots : A..... pour fourniture de pieux, le jour où fut prise la Pucelle... Note sommaire relevée sur les registres des comptes par feu M. de Marsy, procureur impérial à Compiègne ; communiqué par M. Arthur de Marsy, élève de l’école des Chartes ; août 1862. Sur le bâtard de Wandonne. — A. Lionel de Wandonne (bourg et château de l’Artois) était pour J. de Luxembourg plus qu’un subordonné ; il était presque un frère d’armes. En 1423, P. de Saintrailles soutint une joute à outrance contre le bâtard de Wandonne, en présence de Richemont et de Philippe duc de Bourgogne. Jean de Luxembourg servit de lances Lionel pendant toute la journée. (Fenin-Dupont, p. 203). Jean de Luxembourg, testant le 17 avril 1430, avait nommé Lionel un de ses légataires et de ses exécuteurs testamentaires. (Duchesne, Histoire de la maison de Béthune, 1620, in-f°, p. 354 du texte et 219 des preuves). D’après les règles militaires, Lionel avait droit à la prise faite par ce redde homme, l’un de ses archers. De même aussi, Lionel était tenu de déférer cette prise à son capitaine Jean de Luxembourg.