LIVRE III. — DEPUIS L’AVÈNEMENT DE CHARLES VII AU TRONE (21 OU 22 OCTOBRE 1422), JUSQU’À LA VENUE DE LA PUCELLE (MARS 1429).
Le 9 mars 1425, par lettres du roi données à Chinon, Arthur de Richement, indépendamment de son commandement général à titre de connétable, reçut un état militaire ou commandement particulier. Il fut retenu, ou inscrit sur les comptes de la guerre, comme chef d’une compagnie de deux mille hommes d’armes et mille hommes de trait. Charles VII assigna le même jour, à madame de Guyenne, comtesse de Richement, pour son douaire, les revenus de Gien, Fontenay-le-Comte, Dun-le-Roi et Montargis. Le nouveau connétable entra immédiatement dans l’exercice actif de ses fonctions. Le 20 mars, il était à Nantes, organisant les milices de Bretagne[1]. Charles VII, dans le cours des négociations vis-à-vis du connétable, s’était engagé, sous serment, à renvoyer les favoris dont l’expulsion était réclamée par les ducs de Bourgogne et de Bretagne. Cette promesse avait été faite solennellement devant les états assemblés en Auvergne. La réforme des pilleries, que commettaient incessamment les gens de guerre, devait être l’un des premiers soins confiés à la vigilance du nouveau chef de l’armée. Les subsides avaient été votés sur ces assurances[2]. Arthur de Richemont se mit immédiatement à l’œuvre, pour réaliser loyalement ces améliorations. Cependant à peine avait-il quitté Chinon, que déjà les favoris du roi s’efforcèrent de contrecarrer le connétable et de violer ces promesses solennelles. Le plus ardent et le plus compromis parmi les conseillers du jeune roi, était Jean Louvet, président de Provence. Richemont, en s’absentant de la cour, y avait laissé deux amis, sur lesquels il comptait pour l’appuyer : l’évêque de Clermont (Martin Gouge de Charpaigne), et Jean de Comborn, seigneur de Treignac en Limousin. Aussitôt que Richemont fut parti pour la Bretagne, Louvet commença par éloigner ces deux derniers collègues. Il s’empara des subsides, et bien loin de favoriser la réforme, il s’entoura exclusivement d’Écossais, d’étrangers et des routiers les plus indisciplinés. Louvet, maître des finances et de la force armée, avait emmené à Poitiers Charles VII, qu’il tenait également sous sa main. Les troupes réunies autour de cette ville reçurent pour instructions de se tenir prêtes à combattre le connétable. En revenant de Bretagne, Arthur dé Richemont rencontra, dans la ville d’Angers, le sire de Treignac et l’évêque de Clermont, que Louvet avait expulsés de la cour comme traîtres[3]. L’énergique Breton résolut d’avoir raison de ces intrigues. Il poursuivit, sans se troubler, son œuvre, continua ses levées d’hommes et réunit de toute part la noblesse sous les armes. Fort du concours que lui prêtaient la reine Yolande et le duc de Bretagne, il écrivit aux bonnes villes qui soutenaient le parti français. Par ces moyens, il s’acquit prudemment le double appui de la force et de l’opinion publique. Les archives du Rhône nous ont conservé les pièces originales de cette correspondance[4]. Richemont, cependant, marchait vers le roi, pour s’entendre avec ce prince. Mais Louvet, à son approche, s’enfuit de logis en logis, emmenant avec lui le souverain, pour le soustraire à cette réunion. Enfin, dans les premiers jours de juin, Richemont vint s’établir à Bourges, après s’être également assuré l’adhésion de cette capitale. Jean Louvet et ses fauteurs, à bout de ressources, furent contraints d’accomplir les obligations convenues et de quitter la cour. Les conseillers désignés spécialement à l’animadversion des ducs de Bretagne et de Bourgogne, étaient précisément ceux qui figurent dans l’étrange traité du 7 février : T. Duchatel, J. Louvet, P. Frotier, G. d’Avaugour et le sire de Giac[5]. Nous connaissons déjà le premier de ces personnages pour son naturel bouillant et emporté. Tout récemment, il s’était acquis la renommée d’un acte de violence incroyable. D’après le bruit accrédité, T. Duchatel, dans la chaleur de la discussion, aurait tué de sa main, en plein conseil et sous les yeux du roi, l’un de ses collègues : Béraud III, comte et dauphin d’Auvergne[6]. Cette pétulance, toutefois, n’excluait pas, chez le prévôt de Paris, une certaine générosité de caractère. Arrivé à cette crise, il se résigna le premier. Il dit au connétable que jà à Dieu ne plût que pour lui demeurât à faire un si grand bien comme le bien de paix entre le roi et monseigneur de Bourgogne. De plus, il aida à mettre hors ceux qui s’en devoient aller et fit tuer à ses archers, devant lui, un capitaine lequel faisoit trop de maux et ne vouloit obéir. Lui-même se retira immédiatement en Provence, où il occupa, jusqu’à sa mort, le poste de sénéchal de Beaucaire[7]. G. d’Avaugour et Frotier (pensionnés ou nantis par le roi) s’éloignèrent également et en silence. Ils furent suivis, entre autres, dans la retraite, par Jean Cadart. C’était un médecin, genre de personnages, qui, de tout temps, obtinrent, auprès de Charles VII (comme de Louis XI), le plus grand crédit. Maître Jean Cadart, physicien de la reine en 1417, n’avait point sauvé de la mort le dauphin Louis, qui périt à cette époque, empoisonné, dit-on, par les Armagnacs. Cadart fut positivement accusé par les Bourguignons d’avoir trempé dans le meurtre de Jean sans Peur. Parmi ses compagnons de disgrâce, on le tenoit (dit un chroniqueur) le plus sage et mieux advisé : car il s’en alla riche de vingt cinq à trente mille escus[8]. Jean Louvet, le plus coupable de tous, se montra le plus opiniâtre. Présomptueux et médiocre, c’était une âme pétrie d’égoïsme et de cupidité. Dans la ruine de l’État, il avait su construire sa fortune privée. Louvet s’était établi, lui et sa famille, au cœur de la monarchie et il en avait sucé la substance. L’une de ses filles, nommée Jeanne, qui ne déplaisait pas au roi, fut placée, comme demoiselle d’honneur, auprès de Marie d’Anjou. Déjà la femme du président occupait un semblable emploi chez cette princesse. Jeanne épousa Louis de Joyeuse, écuyer du dauphin, prisonnier à Gravant en 1423[9]. L’aînée, Marie Louvette, fut la première femme de Jean, bâtard d’Orléans. Jean reçut à cette occasion les terres de Theis, la Pierre, Domène et Fallavier sises en Dauphiné[10]. Louvet devint successivement seigneur d’Eygalières, de Theis, de Fallavier (par lui cédés à son gendre), et de Mirandol. En 1425, il avait à sa discrétion les finances du royaume et les détournait impunément à son profit particulier. Le seigneur de Mirandol, en l’absence de Richemont, rompit les négociations ébauchées avec succès, vis-à-vis des ducs de Savoie et de Bretagne. Il se mit à traiter, sur de nouveaux plans, avec les Anglais[11]. Le 10 février 1425, Louvet fit signer au roi une ordonnance de la plus haute gravité. Cet acte sacrifiait les libertés gallicanes et rendait au souverain pontife la libre collation des bénéfices. En effet, le président de Provence avait alors besoin du pape, pour une affaire à lui personnelle. L’acte fut signé en blanc par le roi et scellé de même, puis rempli par le président. Un religieux du mont Saint-Michel, ancien prieur de Villemer[12] en Provence, créature du président, porta clandestinement cet acte au saint-père. Mais le parlement de Poitiers, sur la requête expresse du procureur général, refusa de l’enregistrer. Cette ordonnance ou convention subreptice fut annulée par ambassade spéciale envoyée à Rome l’an 1426[13]. Le sire de Mirandol ne céda point aux premières injonctions du connétable, ni à l’exemple de ses consorts. Le 12 juin 1425, le roi et lui étant à Selle, en Berry, il se fit charger d’une mission importante. Aux termes de ses provisions royales, le sire de Mirandol fut commis, avec Béraud III, comte dauphin d’Auvergne, pour terminer un litige, pendant entre la couronne et le sire de Saint-Vallier, évêque de Valence, au sujet des duchés de Valentinois et Diois. Louvet, dans ces lettres, était maintenu en possession de son autorité primitive et muni des pouvoirs les plus étendus[14]. Enfin le 5 juillet 1425, le roi, sur les instances de la reine Yolande, osa briser le ministre... absent. La disgrâce du favori lui fut signifiée en Dauphiné, où il s’était rendu pour accomplir sa mission. Il eut ordre de se retirer en Avignon. Louvet, escorté de son gendre le bâtard d’Orléans, regagna le séjour qu’il avait dans cette province. Dès le 16 novembre 1422, le sire de Mirandol s’était fait donner l’office de capitaine et viguier de Saint-André-lès-Avignon. Il disparut de la scène politique et s’enferma dans ce poste lucratif. Mais de là, il ne cessa point, par ses proches, de faire arriver jusqu’à lui les utiles témoignages de la faveur royale. Aussi, en fut envoyée Jeanne Louvette, femme du seigneur de Joyeuse, laquelle avoit esté longuement fort en. la grâce du roy, elle estant damoyselle en l’hostel de la royne[15]. Mais Louvet, en partant, avait laissé un alter ego en la personne de Giac. On se souvient du rôle équivoque joué par ce personnage, dans le drame de Montereau. Depuis cette époque, suspect aux Français comme Bourguignon, odieux, comme Français, au duc de Bourgogne, Giac avait su se maintenir à la cour. Il survécut même à l’expulsion de sa coterie. Tel était le naturel du roi qu’il lui fallait, de toute nécessité, un favori, c’est-à-dire un tuteur officieux, qui, assumant le soin des affaires, lui en épargnât le poids, ainsi que la fatigue de penser et d’agir. Pierre de Giac, accepté d’abord par Richemont, remplaça donc Louvet dans cet office. Bientôt Giac marcha sur les traces de son prédécesseur et le dépassa, autant que possible. Au mois d’octobre 1425, les trois états de Langue d’oïl s’assemblèrent. à Poitiers et votèrent un subside de 450.000 livres. Du 1er au 10 novembre suivant, une nouvelle assemblée se réunit, en présence du roi, à Mehun-sur-Yèvre. Elle accorda une aide de 250.000 livres pour la guerre ; plus, un don gratuit au roi, de 12.000 livres. Les pilleries des gens d’armes se perpétuaient et servaient toujours de prétexte, pour obtenir ces sacrifices, imposés à des populations exténuées[16]. Parmi les conseillers du roi qui prirent part aux états de Mehun, se trouvait Hugues de Combarel, évêque de Poitiers. Cet honnête prélat ; dans un discours qui précéda la délibération, parle, énergiquement sur la nécessité de mettre un terme à ces pilleries. Lorsque le roi, après le vote, fut rentré dans sa chambre, Giac manifesta tout haut son courroux contre l’évêque. Il dit que qui l’en croiroit, on jetteroit le dit Combarel en la rivière, avec les autres qui avoient été de son opinion. Giac, ainsi que Louvet, négligea toute réforme, appliquant arbitrairement à son profit des sommes considérables. Quant à la question de la discipline ou de l’organisation militaire, il maintint les mêmes abus[17]. Jean, comte de Foix, était venu servir le roi, qui lui confia le principal commandement des troupes. Jean cumulait cette charge militaire, avec la lieutenance générale du Languedoc. Le sire de Giac, par surcroît, lui fit donner le comté de Bigorre et s’acquit de la sorte l’amitié du comte Jean. Ce prince avait amené avec lui un contingent de Béarnais : mais ces étrangers ne se réunirent point face à face avec les Anglais, pour combattre. Jamais ils ne dépassèrent la Croix-Verte de Saumur et vécurent sur les Français comme en pays conquis. Les Écossais, de leur côté, continuaient de se livrer à mille désordres. Sous prétexte de défenseurs et d’armée, le pays était de plus en plus la proie du brigandage[18]. Pierre de Giac avait épousé en premières noces Jeanne de Naillac, dame de Châteaubrun, damoiselle de la reine Isabeau de Bavière. Parvenu au rang de premier ministre et de favori, Giac convoita pour épouse Catherine de l’Ile-Bouchard, veuve du comte de Tonnerre et marraine du dauphin Louis. Il empoisonna Jeanne de Naillac, qui était enceinte ; et quand elle eut bu les poisons, il la fit monter derrière lui à cheval. Dans cet état, Jeanne chevaucha quinze lieues et mourut incontinent. Le sire de Giac, alors, épousa la comtesse de Tonnerre[19]. Arrogant et hautain, Pierre de Giac traitait avec une tyrannique violence, ceux de ses propres collègues, dont il jalousait l’honnêteté. Au mois d’août 1426, Robert Lemaçon, seigneur de Trèves, membre du grand conseil, fut appréhendé au corps, en plaine campagne, par des créatures de Giac. Après avoir été battu et détroussé, ce vieillard fut placé sur un cheval et parcourut une traite de dix-sept lieues, comme avait fait Jeanne de Naillac. De là, on le transporta au château d’Usson en Auvergne, où il fut détenu plus de trois mois, en dépit de lettres du roi et de la reine, qui vainement écrivirent au châtelain pour faire délivrer ce ministre[20]. Le désordre et la dissension régnaient avec Giac. Les sires d’Arpajon et de Séverac comptaient au nombre des principaux capitaines. L’un et l’autre, jusque-là, s’étaient aimés comme frères[21]. Mais à la suite de certaine querelle individuelle, tous deux avaient entrepris l’un contre l’autre une guerre privée. Le hasard les réunit inopinément à la cour. Arpajon rencontra Séverac, à Mehun-sur-Yèvre, qui sortait de la chambre du roi. Tous deux se heurtèrent poitrine contre poitrine. Ils se reconnurent alors et s’embrassèrent mutuellement, en pleurant à chaudes larmes. Le 27 décembre 1425, Hugues d’Arpajon fit au maréchal une réparation publique en présence de Charles de Bourbon, du connétable et de toute la cour. Dès lors, oubliant leurs divisions pour ne plus se rappeler que leur amitié ancienne, ils se réconcilièrent et s’unirent fraternellement, en présence du commun péril, comme deux bons compagnons d’armes[22]. Mais de tels sentiments ne prévalaient pas toujours. Deux gentilshommes du Berry, Jean, baron de Linières, grand queux de France, et le seigneur de Culant, se trouvaient également en litige. Pour éviter la voie de fait, ou ordalie de la guerre privée, ils furent cités judiciairement devant le roi. Tous deux comparurent au château de Mehun-sur-Yèvre. La cour se divisa entre les deux plaideurs ou champions. Georges de la Trimouille, seigneur de Sully, appuyait Culant[23] ; Giac soutenait Linières. Un débat s’émut, en présence du roi, dans lequel le sire de Giac traita la Trimouille avec une insultante hauteur. La Trimouille à son tour le démentit ; dont le rov fut très mal content[24]. Dès lors, il n’y eut plus de sûreté pour la Trimouille. Georges se retira de la cour, résolu de se venger. Peu de temps après, le roi et son favori habitaient Issoudun. C’était dans les premiers jours de février 1427. Arthur de Richemont se distingua toute sa vie, par sa rigueur à sévir contre les infractions militaires, civiles ou religieuses. Cette vigilance, plus d’une fois impitoyable, lui valut le nom de Justicier. Du 1er au 11 février, il se rendit à Issoudun, suivi des seigneurs de la Trimouille, d’Albret, et d’une compagnie de gens d’armes. Le connétable s’était préalablement assuré le concours des proches parents du roi. Tous lui accordèrent hautement leur approbation, excepté le comte de Foix[25], et celui de Clermont, à qui Giac avait fait donner récemment le duché d’Auvergne[26]. Le matin au point du jour, Giac était couché dans sa chambre avec sa femme, Catherine de l’Ile-Bouchard. Tout à coup on frappe à sa porte. Qui est là ? demanda-t-il. On lui répondit que c’était le connétable. — Je suis un homme mort ! — La porte enfoncée, Giac fut pris à peine chaussé, vêtu de sa robe de nuit ; tandis que la dame, se levant toute nue[27], courait à son argenterie pour la sauver. Giac, dans cet équipage, fut placé sur un cheval qui avait été amené tout sellé à la porte de l’hôtel[28]. En entendant ce bruit, le roi se leva et s’arma, fort inquiet ; ses gardes étaient accourus à la porte : le connétable leur défendit de bouger, déclarant que ce qu’il faisait était pour le bien du roi. Alain Giron, capitaine breton, attendait sur la route, avec cent lances. Giac fut conduit à Bourges, puis à Dun-le-Roi, seigneurie du connétable, qui lui fit faire son procès par son bailli de Dun et autres gens de justice. Le favori, ajoute G. Gruel, chroniqueur de Richemont, confessa tant de maux que ce fut merveilles ; entre lesquels la mort de sa femme (Jeanne de Naillac), toute grosse et le fruit dedans. Et outre, confessa qu’il avoit donné au diable l’une de ses mains, afin de le faire venir à ses intentions. Et quand il fut jugé, il réquéroit Dieu qu’on lui coupât la dite main avant de le faire mourir. Et offroit à monseigneur le connétable, s’il lui plaisoit lui sauver la vie, de lui bailler comptant cent mille escus, sa femme (Catherine), ses enfants et ses places à hôtages, et de jamais n’approcher du roi de 20 lieues[29]. L’inexorable, justicier lui répondit que pour tout l’argent du monde, il ne le laisserait pas aller et qu’il avait mérité la mort. Richemont envoya le bourreau de Bourges à Dun-le-Roi, pour exécuter Giac. Celui-ci, peu de jours après[30], fut noyé dans la rivière, puis retiré de l’eau, rendu à sa famille, et enfin inhumé. Bientôt la Trimouille qui avait participé activement à cette expédition, épousa la veuve de Giac. Le roi, sous le premier coup de l’événement, se montra fort irrité. Il tint rigueur au connétable. Mais le comte instruisit par lettres, de ce qui se passait, les autorités de Lyon, et autres bonnes villes. Il les invita, en même temps, à écrire au roi pour lui témoigner, à l’égard de ce coup de main, leur entière approbation. Le roi se laissa convaincre par ces manifestations et s’apaisa complètement. Pour remplacer Giac, le connétable lui donna de sa main un nouveau favori, appelé le Camus de Beaulieu[31]. Jean Vernet ou du Vernet, dit le Camus de Beaulieu, était un obscur écuyer d’Auvergne. Richemont pensa niveler le terrain autour du roi, en plaçant auprès de lui un aussi nul personnage. Ce jeune homme, antérieurement, commandait une compagnie de gens d’armes préposés à la garde du corps du roi. Beaulieu prit avec la succession l’attitude de Giac. Il devint, coup sur coup, capitaine de Poitiers, grand maître de l’écurie du roi. Puis, l’orgueil de l’omnipotence lui troubla l’esprit. Il imita de tout point ses prédécesseurs. Beaulieu ne fut point de longue durée. Vers la fin de juin 1427, selon toute apparente, lé roi et lui se tenaient momentanément au Château de Poitiers, résidence du capitaine. Jean de Brosse, Seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère, depuis[32] maréchal de France, reçut du connétable l’ordre d’exécuter, cette fois sommairement et sans forme de procès, le favori[33]. Le gouverneur du roi avait lui-même un gouverneur ou favori, nommé Jean de la Granche. Ce gentilhomme probablement fut gagné. Le Camus, ce même jour, prit fantaisie d’aller faire une course au pré, pour se divertir. Il descendit de sen logis, suivi de La Granche, qui l’entraîna vers un lieu propice. Dès qu’ils y furent, quatre ou cinq compagnons, apostés par Boussac, parurent tout à coup. Cette action se passait derrière le Château, dans une petite prairie au bord de la rivière. Charles VII, demeuré au logis du capitaine, n’avait point perdu de vue les deux jeunes gens et assistait à cette scène. Du premier coup d’épée, l’un des hommes d’armes fendit la tête de Jean du Vernet. Un autre lui coupa le poignet. Le favori, tué raide, resta immobile sur la place[34]. La Granche reconduisit au château le mulet sur lequel Beaulieu était monté. Aussitôt Charles VII s’emporta en éclats de colère. Il ordonna immédiatement que les coupables fussent poursuivis. Des hommes montèrent à cheval. Mais on n’arrêta point les meurtriers. Aucuns furent soupçonnez, qui en étoient innocents, dit Montreuil : enfin il n’en fut autre chose. Un spécimen que nous citerons ici, fournira l’idée ou la mesure de l’ordre public qui régnait sous le gouvernement de Beaulieu. Vers la fin d’avril 1427, le comte de Clermont crut avoir à se plaindre de Martin Gouge de Charpaignes, évêque de Clermont et chancelier de France. La double qualité dont ce ministre était revêtu n’empêcha point le comte de faire arrêter, de sa propre autorité, le prélat, et de le jeter en prison. Le 5 mai, une députation, composée du premier président et de deux conseillers, fut envoyée par le parlement de Poitiers en ambassade. Cette légation se rendit auprès du prince pour solliciter de lui, au nom du roi, l’élargissement du chef de la justice[35]. Le comte de Clermont refusa. Charpaignes alors implora l’assistance du pape. Martin V adressa, dans ce dessein, une bulle à Charles de Bourbon et au maréchal de la Fayette, l’un de ses principaux officiers. Le saint-père invoqua en même temps le crédit et l’intervention de Jean Louvet, ainsi que du président du Dauphiné. Le comte de Clermont, vers le mois de septembre, se décida enfin ‘à libérer l’évêque, moyennant une forte rançon. Charles VII, pour aider le chancelier à payer cette somme, lui concéda l’autorisation, spéciale et momentanée, de faire fabriquer, à son profit, une certaine quantité d’espèces d’or et d’argent, dans l’un des hôtels de la monnaie royale[36]. La Trimouille survint alors auprès du roi et se substitua de lui-même au Camus de Beaulieu. Le prince Charles hésitait à l’admettre dans cette privauté. Si l’on en croit Gruel, ce fut le connétable qui fixa son indécision. Le roi lui dit : Beau cousin, vous le me baillez, mais vous en repentirez : car je le cognois mieux que vous !... Et sur tant demeura la Trimouille, qui ne fit point le roy menteur : car il fit le pis qu’il put à ‘mon dit seigneur le connétable[37]. Georges de la Trimouille, habile, audacieux, expérimenté, puissant par sa naissance, par ses alliances, par d’immenses établissements, dépassait aussi de beaucoup en perversité, les Louvet, les Giac et les Beaulieu. L’exemple de ces favoris ne lui inspira aucunement le dessein de mieux faire. Il ne tarda pas à s’attirer l’animadversion du connétable. Mais il prit tout d’abord contre lui de solides garanties. Il s’établit, envers le connétable, et envers tous autres, dans un tel état de défense, qu’il le tint durant six années en échec. Durant six années, la Trimouille fut le véritable roi de France. Son règne se compose d’une longue suite de méfaits, privés et publics, accomplis sous la sauvegarde de l’intimidation que la Trimouille exerçait, de son omnipotence et de l’impunité. La Trimouille, tout d’abord, supplanta le comte de Richemont dans le gouvernement du Berry, qu’il fit retirer au connétable pour se l’octroyer[38]. Il sut ensuite l’éloigner de la cour. Il inspira en même temps au roi contre Richemont une sorte d’antipathie aveugle, mêlée d’aversion et de terreur. Durant ces six années, l’énergie bretonne du connétable s’usa dans un conflit scandaleux, immoral et stérile. Pendant que la France perdait en quelque sorte son dernier sang, le connétable de France, paralysé, persécuté par le favori, s’épuisait à se défendre contre ses embûches. En de telles conjonctures, Arthur de Richemont, doué heureusement d’une invincible persévérance, fit pour ainsi dire de son activité deux parts. Il employa la première à exercer son office, c’est-à-dire à soutenir la lutte contre les Anglais. Il ne le put qu’en bravant, à force de courage et de patience, le mauvais vouloir, l’opposition sourde, indirecte et souvent déclarée du premier ministre. La seconde part de ses efforts s’absorba dans les vicissitudes d’une guerre ouverte et privée, entre lui et la Trimouille. Le 4 août 1427, Arthur de Richemont et Charles de Bourbon, comte de Clermont, s’unirent par un traité d’alliance mutuelle, offensive et défensive. Vers la fin d’octobre suivant, les deux contractants tentèrent de se réunir en Poitou. Bernard d’Armagnac, comte de Pardiac, personnage hautement recommandable, avait accédé à cette ligue. Les trois princes, Richemont, Clermont et Pardiac, étaient animés d’un commun ressentiment, que leur inspirait la conduite de la Trimouille. Tous trois voulaient associer leurs efforts afin de le combattre. Les princes mécontents se donnèrent rendez-vous à Châtellerault, pour le jour de la Toussaint : 1er novembre[39]. Mais la Trimouille occupait le Poitou, tant par ses propres vassaux que par les gens d’armes du roi. Il défendit aux villes et aux garnisons de donner accès aux conjurés. Lorsque le connétable se présenta pour entrer à Châtellerault, il s’en vit refuser l’entrée. Arthur de Bretagne fut obligé de se retirer, après avoir, en signe de menace et d’autorité, jeté par-dessus la barrière une masse d’huissier d’armes. Le 28 octobre, il logea sur les champs entre Châtellerault et Chauvigny, à deux lieues de cette dernière place, chez un gentilhomme, qui lui donna l’hospitalité. Les princes se réunirent le lendemain à Chauvigny, et, de concert, ils se rendirent à Chinon, où résidait madame de Guyenne[40]. Le roi, à cette époque, habitait le château de Lusignan. Des négociations s’entamèrent à Chinon, par l’entremise de Raoul de Gaucourt et de l’archevêque de Tours (Philippe de Coëtquis), ambassadeurs du roi et de la Trimouille. Les princes, de leur côté, tout en traitant avec ces négociateurs, envoyèrent leurs propositions au roi par des fondés de pouvoir. Mais la Trimouille ne voulut entendre à aucun accommodement. Le 20 novembre 1427, Arthur de Richemont se trouvait en sa seigneurie de Parthenay, où il s’était retiré. L’hiver se passa dans une sorte d’armistice entre les parties[41]. Cependant la Trimouille, de son côté, rappelait Jean de Blois, seigneur de Laigle, l’un des acteurs de la conjuration des Penthièvre. Jean de Blois, accueilli à la cour, devint membre du grand conseil. Appuyé par la Trimouille, il tenta un coup de main sur Limoges et fit une rude guerre au connétable dans ces parages. Le 28 février 1428, la Trimouille signait à Blois un traité de confédération avec le comte de Foix. Madame de Guyenne, ou comtesse de Richemont, résidait toujours au château de Chinon. Cette place était commise ou engagée parle roi au connétable, qui se fiait, pour la garde du poste et de la duchesse, à Guillaume Belier, capitaine du château. Mais ce dernier fut gagné par la Trimouille[42]. Le 12 mars 1428, madame de Guyenne vit arriver, non sans quelque sentiment de surprise et de crainte, au château de Chinon, le roi Charles VII. Ce prince était accompagné de la Trimouille, de messire Guillaume d’Albret, de Regnauld de Chartres, archevêque de Reims et chancelier de France, de R. de Gaucourt ; de Jean de Harpedanne, seigneur de Belleville, allié du roi[43] ; de Robert le Maçon, sire de Trèves, et autres membres du grand conseil. Le roi rassura sa belle-sœur et l’entretint avec beaucoup de douceur et de courtoisie. Il lui donna toutefois à entendre, devant tout le conseil, que sa présence à Chinon ou en quelque autre demeure du roi qu’elle choisirait, serait tenue au roi pour agréable, mais à une condition : c’est que là duchesse n’y reçût point le connétable. La fière épouse de Richemont répliqua que jamais ne voudroit demeurer en place où elle ne pût voir monseigneur son mari. Peu de jours après, Marguerite de Bourgogne, prenant congé du roi, alla rejoindre, à Parthenay, son époux[44]. Le roi, vers le commencement de juillet 1428, était à Loches. Profitant de ce séjour, les princes tentèrent une entreprise armée contre le favori. Il s’agissait de prendre Bourges, d’enlever la Trimouille et de se rendre maîtres du gouvernement. Les ligueurs s’étaient assurés l’adhésion du roi Jacques de Hongrie, comte de la Marche, ainsi que du comte d’Armagnac. Aidés par les habitants de Bourges, qui les favorisaient, ils entrèrent sans difficulté dans la ville. Déjà, ils s’étaient emparés de la Monnaie royale et autres établissements publics de la monarchie. Mais lorsqu’ils voulurent prendre possession du Château, ils éprouvèrent une vigoureuse résistance. Jean, sire de Prie, grand panetier de France, assisté des seigneurs de la Borde et de Bonnay, commandait cette place. Aux sommations des princes, il répondit que son poste lui avait été confié par le roi et qu’il ne le rendrait à nulle autre personne[45]. Les alliés mirent alors le siége devant la grosse tour, vers le Bourbonnais. Jean de Prie, dans une escarmouche, fut tué d’un gros trait ou vireton et remplacé par le seigneur de la Borde. Les alliés, dès le principe, avaient écrit au connétable de venir en toute hâte leur prêter main-forte. Arthur quitta Parthenay, suivi de ses troupes. Mais le chemin de Poitou en Berry lui avait été barré par le gouvernement. Richemont prit alors un détour pour gagner la route d’Auvergne. Nouvel échec : il ne put aller au delà de Limoges, où les partisans de la Trimouille le contraignirent à s’arrêter[46]. Cependant la Trimouille ne demeurait point inactif. Absent lui-même de Bourges, il avait déjoué les poursuites dirigées contre sa personne. Il réunit des renforts et conduisit le roi devant la ville assiégée. En présence du roi et de forces imposantes, les princes se virent contraints de se désister. Des propositions de traité furent acceptées avec empressement des deux parts. Le 26 juillet 1428, la place fut remise pour le roi à Jean de Bonnay, chevalier, nommé capitaine de Bourges. Le lendemain 27, Charles VII, par lettres données au château lès Bourges, accorda aux comtes de Clermont et de Pardiac, une rémission ou abolition complète, au sujet de l’entreprise qu’ils avaient tentée. Mais le connétable fut exclu formellement de cette transaction[47]. Ainsi, pour Charles VII, âgé, en 1428, de vingt-cinq ans, l’enfance paraissait se prolonger au delà du terme que les lois naturelles assignent, d’ordinaire, au développement de l’homme. Déjà la vie physique du sang affluait, chez lui, en des organes adultes. Mais la conscience et le jugement ne s’élevaient pas pour en régler les flots tumultueux. La France, un royaume, une nation sur le penchant de sa ruine, était livrée à ces débiles mains ! Les ministres, ses favoris, ressemblaient à des jouets, tour à tour choyés avec une éphémère passion, puis perdus, et pleurés avec des larmes non moins puériles. Par intervalles, le bras du justicier apparaissait et enlevait ces pygmées. Richemont, toutefois, n’était qu’un bras. L’âme, l’intelligence, qui présidait à ces retours de raison, étaient celles d’une femme, à laquelle les annalistes n’ont point fait, selon nous, jusqu’ici une juste part. Le lecteur a déjà nommé Yolande d’Aragon. Reine de Naples, de Sicile, de Jérusalem, duchesse d’Anjou, comtesse du Maine, de Provence, héritière d’Aragon : chacun de ces fiefs, en quelque sorte, fut pour elle, soit une couronne à préserver, soit un domaine à conquérir. Maint homme eût succombé sous le poids de ces soins multiples. Seule et veuve, entourée de mineurs, Yolande suffit à tout et porta ce fardeau sans fléchir. La tutelle de la France lui échut par surcroît. L’histoire peut décerner à Yolande un titre que des politiques, moins habiles qu’elle, portaient alors en Angleterre : le titre de protectrice du royaume. Les lois de l’État n’attribuaient à la belle-mère du roi aucune part dans le gouvernement des affaires publiques. Aucune responsabilité officielle ne lui incombait sous ce rapport. Les liens féodaux qui la" rattachaient à la couronne faisaient de cette princesse une simple vassale et une sujette. Son influence fut donc constamment bénévole et intermittente. Yolande apporta le concours de ses avis, quand ils lui furent demandés. Elle intervint encore, lorsque l’évidence du mal et l’imminence du péril équivalaient, pour son dévouement, à un cri d’alarme. Nous ajouterons que cette influence fut généralement des plus heureuses. Une série d’actes peu nobles, impolitiques, mesquins, ou désastreux, marqué cette période dans l’histoire du jeune roi fainéant et de ses favoris. Lorsque, de loin en loin, une mesure honorable, utile, prévoyante, vient à interrompre cette suite monotone, interrogez les documents, remontez aux sources historiques : ils vous révéleront la main, l’initiation, le nom d’Yolande, comme ayant inspiré ou dicté ces mesures exceptionnelles. Tel fut’ notamment le choix de Richemont, pour tenir la place inamovible de connétable. Acte souverainement habile, qui fut l’œuvre propre d’Yolande ; œuvre énergiquement poursuivie par elle à travers les favoris ou gouverneurs, et qui devait avoir, dans tout le règne, une conséquence infinie[48]. Cette situation de conseillère bénévole et intermittente, Yolande la remplit avec un tact féminin, avec des fruits dignes de remarque. Il y avait une mère dans cette inspiratrice éclairée. Autant que les faits et les documents peuvent nous renseigner sur ces détails intimes, Yolande eut pour Charles VII, enfant de la démence, de maternels et nécessaires ménagements. Elle possédait cette dextérité de touche, qui commence, puis s’arrête, pour reprendre à point. Yolande fit plus que de conseiller le jeune roi ; elle sut, rare succès ! trouver le chemin de son cœur. Par cette éducation délicate, par cette culture habile, elle conserva, en la réchauffant, cette nature bizarre, mais non commune, que la Providence destinait à une tardive fructification[49]. |
[1] Ms. Gaignières, 771, f° 91. Preuves de Bretagne, t. II, col. 1164 et 1166. Le roi, par lettres datées de Poitiers, le 24 octobre 1425, donne à Richemont les terres et seigneuries de Parthenay, Vouvent, Mervent et Secondiagny, dans la Gâtine de Poitou. (Cousinot, p. 198. Bél. Ledain, p. 224.)
[2] Gruel, p. 362. Revue du Lyonnais, 1859, p. 328.
[3] Ibid.
[4] Berry, 373. Archives départementales à Lyon : B. B. 1. Une partie de ces documents a été publiée par l’archiviste du Rhône, M. Gauthier, Revue du Lyonnais, 1859, p. 323 et suiv.
[5] Ibid. Voyez ci-dessus, le texte du traité.
[6] On lit dans les registres du conseil du Parlement, à la date du 3 mars 1425 : Ce jour vindrent [à Paris] nouvelles de la mort du comte dauphin d’Auvergne, que on disoit avoir esté tué par Tanguy Duchastel, en ung conseil tenu présent le daulphin, et de ce avoit le duc de Bedford reçu lettres du duc de Bretagne, faisans mention de ce, ainsi que disoient ceulx qui avoient veu et leu les dites lettres. X. X. 1480, f° 317. Voy. Barante, Ducs de Bourgogne, t. V, p. 210. Il est constant néanmoins que le comte Béraud ne périt pas ainsi. Béraud, veuf de Jeanne de la Tour, se remaria le 14 juillet 1426, et mourut le 28 du même mois. (Baluze, Histoire de la maison d’Auvergne, 1708, in-fol., t. I, p. 208, etc. Cf. Art de vérifier les dates, à l’article de ce personnage.)
[7] Gruel, p. 303. Montreuil, p. 230. Berry, p. 373.
[8] Raoulet, p. 188. Jean Chartier, t. III, p. 285, 311. D. Plancher, t. IV, p. 219. Cousinot, p. 199. Montreuil, p. 230.
[9] Le roy, pour le récompenser de ses pertes et services, lui donna 2.000 livres de pension et le château de Solret, pour en jouir sa vie durant et celle de sa femme. Le même prince érigea ensuite la baronnie de Joyeuse en vicomté, par lettres du mois de juillet 1432. Anselme grande édition, t. III, p. 887.
[10] J. J. 187, f° 32.
[11] Revue du Lyonnais, p. 329. Cabinet des titres, dossier Louvet, 3 janvier 1425 et passim. Biographie Didot, article Louvet.
[12] Ou Villemur ?
[13] Ms. des Blancs-Manteaux, t. VIII, p. 102 et 103. Du Tillet, Libertés gallicanes, 1602, in-4°, p. 132 et suiv. Cette ordonnance a été à juste titre exclue du grand recueil. Cf. Ordonnance du 24 nov. 1426 (t. XIII, p. 123).
[14] Ms. Legrand, t. VI, p. 2. Charles VII et ses conseillers, p. 11. Biographie Didot : Louvet. Bibliothèque de l’École des Chartes, t. VIII, p. 142,
[15] Cabinet des titres, dossier Louvet. P. P. 118, f° 12. Ms. Legrand, t. VI, p, 3 et suiv. Ms. Gaignières, 771, f° 91. Chorier, Hist. du Dauphiné, t. II, p. 433. Gruel, p. 363. Berry, Charles VII, p. 373. — Lettres du roi (17 juin 1427) qui accordent à nostre bien amée la dame de Mirandol, femme de nostre amé et féal conseiller et chambellan Jehan Louvet, chevalier, dit le Président, seigneur du dit lieu de Mirandol, la somme, de 500 livres tournois, laquelle nous lui avons donnée et donnons de grâce espécial par ces présentes, tant pour considération des agréables services et plaisirs qu’elle a fais, le temps passé, à nostre très chière et très amée compaigne la royne, lorsqu’elle estoit en sa compaignie, comme pour lui aider à avoir des atours et autres menues choses qui sont nécessaires à dames et qui appartiennent à leur estat, et pour certaines autres causes et considérations qui à ce nous ont meu et meuvent. Original, parchemin, avec la quittance de Louvet pour ladite somme. 2 oct. 1427. (Cabinet des titres, dossier Louvet.) Annales et chroniques de Nicolle Gilles, 1551, in-fol, f° lxx v°.
[16] D. Vaissète, liv. XXXIV, chap. XXXVI. Dossier Giac, pièce originale du 2 avril 1426. De Mayer, États généraux, t. IX, p. 145, 148 et suiv.
[17] Montreuil, p. 237. Fr. Duchesne, Histoire des chanceliers de France. Paris, 1650, in-fol, p. 465. Dans la première sepmaine de janvier (1426), vint un grant planté, à Paris, de laboureurs, pour larrons, brigands, qui estoient entour, à douze, à seize, à vingt lieues de Paris environ, et faisoient tant de maux que nul ne le diroit. Et si, n’avoient nul aveu et nul estendard. Et estoient pauvres gentilshommes qui, ainsi, devenoient larrons de jour et de nuit. Le prévôt de Paris se mit en marche contre eux à la tête des archers et arbalétriers de la soixantaine, ou garde de la ville. En huit jours, il prit plus de deux cents de ces malfaiteurs. Deux charretées des plus gros, furent amenés à Paris pour y être emprisonnés. (Journal de Paris, Panthéon, p. 669 b.)
[18] Montreuil, ibid. Gruel, p. 364. Le 18 novembre 1425, Jean, comte de Foix, obtient le don du comté de Bigorre, avec la châtellenie de Lourdes. Doat, vol. 214, f° 254. Ms. de D. Vic, n° 89, p. 49. D. Vaissète, Hist. du Languedoc, liv. XXXIV, chap. XXXIV. — Lettres données par le roi à Mehun-sur-Yèvre, le 10 décembre 1425. Gratification de 200 livres tournois accordée à Étienne Petit, secrétaire du roi et du sire de Giac, qui, naguère, en remplissant une mission pour le roi, avait été détroussé par les Écossais. (Cabinet des titres, dossier Giac.)
[19] Gruel, p. 364. Montreuil, p. 239. Berry, p. 374.
[20] M. 394 : Titres originaux d’Auvergne. Biographie Didot, article Lemaçon.
[21] Hugues III, seigneur d’Arpajon, vicomte de Lautrec, marié à Jeanne de Séverac. Amaury de Séverac, maréchal de France.
[22] Montreuil, p. 236. Gaujal, Études historiques sur le Rouergue, 1859, in-8°, t. IV, p. 131.
[23] Jean de Culant avait épousé Marguerite de Sully. (Anselme.)
[24] Montreuil, 238. Raynal, Hist. de Berry, II, 10.
[25] Le 29 janvier 1427, Giac fait donner par le roi 2.000 livres à Mathieu de Foix, comte de Comminges, frère du comte Jean. Ms. Fontanieu, p. 115, à la date.
[26] Gruel, p. 364. Revue du Lyonnais, p. 335. — Au fond, le comte de Clermont lui-même était avec Richemont. Le 20 janvier 1427, Richemont et Clermont se concertaient ensemble à Moulins. (Archives de Lyon. B. B. 1. Voy. D. Plancher, t. IV, Preuves, p. lix.)
[27] Gruel et Berry s’accordent sur ce trait : toute nue. La dame de l’Ile-Bouchard était des plus grandes dames, et pouvait (en février) porter au lit une chemise. Mais l’usage général, au XVe siècle, prévalait encore de dormir tout nus et sans chemise. La chemise était un vêtement de jour. Voir, dans les peintures du temps, les personnes couchées.
[28] Gruel, p. 265. Berry, p. 374.
[29] Gruel, p. 365. Montreuil, p. 239. Raoulet, p. 189.
[30] L’exécution de Giac était connue à Lyon le 20 février 1427. (Revue du Lyonnais citée, p. 338, 342.)
[31] Les mêmes. Revue, p. 342. Cousinot, p. 200. J. Chartier, t. I, p. 22 et 54.
[32] Le bâton de maréchal fut, en 1427, pour Sainte-Sévère, le prix de cette mission. Cousinot, chap. 221.
[33] Cabinet des titres : Vernet. Biographie Didot : Beaulieu. Itinéraire de Charles VII. Charles VII et ses conseillers, au nom de Beaulieu. Anselme, Beaulieu. Jean Chartier, t. I, p. 23, 54. Annales de Nicolas Gilles, feuillet lxx, v°.
[34] Gruel, p. 366. Raoulet, p. 189. Berry, p. 374. Le Château de Poitiers était situé à l’une des extrémités de la ville, et bordé de prairies au confluent du Clain et de la Boivre. Voir la planche de Chastillon, intitulée le Chasteau de l’antique ville de Poitiers.
[35] Gallia christiana, t. II, col. 292. Lhermite et Blanchard, Éloges des présidents, etc., p. 76. Duchesne, Chanceliers, p. 465-6.
[36] P. 1352, f° 197 v°, 199 v°.
[37] Gallia, ibidem, instrum. col. 98, 99. — Gruel, p. 366.
[38] La Thaumassière, Histoire du Berry, p. 46 et suiv.
[39] Actes de Bretagne, t. II, col. 1199. Gruel, p. 268.
[40] Gruel, ibid. D. Morice, t. I, p. 503. Archives du Rhône, B. B. 1.
[41] Itinéraire. Gruel, Mémoire politique adressé au roi par les trois princes (P. 1388). Ils proposent une réunion solennelle des états dans des conditions nouvelles de liberté pour la délibération. Cette assemblée serait tenue sous les auspices de la reine de Sicile, etc. Après diverses remises, les états généraux s’assemblèrent, en effet, à Chinon, du 1er au 10 octobre 1428. Ordonnances, t. XIII, p. 140. Ms. 1143, s. fr., f° 89.
[42] Charles VII et ses conseillers, au mot Penthièvre. Ordonnance du 2 décembre 1427 (t. XIII, p. 134). D. Morice, t. I, p. 504. Communication de M. l’abbé Arbellot sur l’histoire de Limoges. Lettres de rémission en faveur de la Trimouille : J. J. 177, f° 139, 140. Archives des Basses-Pyrénées, E. 439 : Communication de l’archiviste, M. Paul Raymond. Gruel, p. 368.
[43] Marguerite de France ou de Valois, fille d’Odette de Champdivers et de Charles VII, en 1425, habitait le Dauphiné. Le 15 août de cette année, Charles VII, malgré sa détresse, manda au trésorier de cette province de payer à ladite Marguerite 400 livres tournois, pour elle aider à avoir de la robe et quérir ses nécessités. La même année, il la fit venir auprès de lui à Mehun-sur-Yèvre, où elle entra, comme damoiselle, en l’hôtel de la reine. Au mois de janvier 1428, le roi la légitima, et lui donna pour époux en chevalier, le seigneur de Belleville (Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, aux enfants de Charles VII).
[44] Gruel, p. 368.
[45] Itinéraire. D. Plancher, t. IV, p. 123. Gruel, p. 368. La Thaumassière, Histoire du Berry, p. 158 et suiv. Montreuil, p. 250.
[46] Gruel, p. 369 ; Berry, p. 315. Charles VII et ses conseillers, p. 40.
[47] La Thaumassière, p. 158, 587. Raynal, t. II, p. 158. Ms. Gaignières, 771, 1, p. 546. Dom Wrire, t. I, p. 504, 505.
[48] Les lettres de provision du connétable sont d’une teneur remarquable, et qui semble dictée avec une élévation inaccoutumée. Voir le texte dans Godefroy, Charles VII, p. 792, ou dans le Gruel du Panthéon, p. 361. Comparez l’acte du 8 février, que Richemont eut la condescendance de souscrire quelques jours auparavant, et que nous avons rapporté ci-dessus, dans le chapitre précédent.
[49] Charles VII s’exprime en ces termes dans un acte de 1443, peu de temps après la mort d’Yolande : ..Feue de bonne mémoire la royne Yolande.. nous a en notre jeune âge, fait plusieurs Brans plaisirs et services en maintes manières que nous avons et devons avoir en perpétuelle mémoire.. Laquelle notre dite bonne mère, après que nous fûmes déboutez de notre ville de Paris, nous reçut libéralement en ses pays d’Anjou et du Maine, et nous donna plusieurs avis, ayde, secours et services, tant de ses biens, gens et forteresses, pour résister aux entreprises de nos ennemis et adversaires les Anglais, que autres.. (P. P. 2298, à la date du 22 février 1443.)