I Documents relatifs à Gaillardet et Guillaume Soreau ou Sorel, de 1430 à
1444.
A. Extrait du Compte sixième
de Jean Seaume, receveur général de tontes les financer et trésorier des
guerres ès paya de Languedoc et duché de Guyenne, du ter septembre 1430 an
dernier août 1431 ; fragment original ; ms. 1147, s. f. de la
bibliothèque impériale. Folio 1 verso, Recepte. De
Jacques de Courcelles, receveur ordinaire en la sénéchaussée de Toulouse, le XVe
jour de septembre, l'an mil CCCCXXX, sur ce qu'il povoit et pourroit devoir à
cause de sa dicte recepte ordinaire, ijc réaulx d'or, par Gaillardet de Soreau, escuier, peur don à lui fait
par le roy œstre sire, pour ce : ijc réaulx d'or. De lui,
le XXe jour dudit mois de septembre, cinquante livres tournois par maistre Jehan
Mellin[1], clerc de la chambre des
comptes au roy nostre sire sur ce qui lui povoit et pourroit estre deu à
cause de ses gages du dit office ; pour ce : 6 l. t. B. Extrait de divers titres
manuscrits, savoir 1°
Registre domanial aux archives générales de l'empire, ne 15512, folio 27 ;
renvoyant au folio 165 verso du mémorial II Bourges, (perdu) ; 2° Recueil intitulé Mélanges, ms. s. f. de la bibliothèque
impériale, n° 882. Il contient une chronologie des officiers de la cour des
comptes. Au chapitre des clercs des comptes, on lit : N°
145 (ms. 882) : Jean Mellin fut clerc des comptes du roi du 15 août 1425 au
mois de mai 14.34, qu'il fut nommé à l'évêché de Pamiers. N°
155. Guillaume Sorel, nommé Clerc des comptes en remplacement de Jean Mellin,
fut reçu le 27 juillet 1456[2] ; il exerça jusqu'en 1444. Je
réserve comme absolument incertaine à mes yeux la question de savoir si
Gaillardet et Guillaume Soreau appartenaient ou n'appartenaient pas à la
famille d'Agnès Sorel. L'insuffisance des notions que j'ai pu recueillir
jusqu'ici ne me permet pas de décider cette question. II Extraits de la chronique de Jacques du Clercq, relatifs à Agnès Sorel.
Les
mémoires de Jacques du Clercq s'étendent de 1448 à 1467. Mais dans plusieurs
passages rétrospectifs, il parle par occasion de la belle Agnès. Nous
reproduirons ci-après le texte complet de ces passages, d'après la dernière
édition de ce chroniqueur, publiée par M. Buchon dans le Panthéon littéraire,
1838, grand in-8°. Livre III, XVIII, sous l'année 1455, page 90-91. Icelle
dame de Villeclerc — Antoinette de Maignelay, dame de Villequier —, avoit
esté niepce d'une damoiselle qu'on appeloit la belle Agnès laquelle avoit
esté totalement en la grâce du roy, et dit-on qu'icelle Agnès mourut par
poison moult josne. Livre III, chapitre XX, 1456, page 95 : Comment
Loys daulphin de Tienne vint à refuge au duc de Bourgoingne, etc. ….. Et
volloient aulcuns dire aussy que le dict daulphin avoit jà piéçà faict mourir
une damoiselle nommée la belle Agnès, la quelle estoit la plus belle femme du
royaulme et totalement en l'amour du roy son père. Après la mort de la
quelle, comme dessus est dict, le roy retint à sa cour sa niepce nommée la
demoiselle de Villeclère….. Du quel gouvernement le daulphin avoit esté et
estoit moult desplaisant, etc. Livre IV, chapitre mai, 1461, page 175 : Comment
Charles, roy de France, alla de vie à trespas. ….. Icelluy
roy Charles, ains qu'il euist paix au dict duc (Philippe
le Bon) menoit
moult saincte vie et disoit ses heures canuniaulx ; mais despuis la paix
faine au dict duc, jà soit cc qu'il continuast au service de Dieu, il
s'accointa d'une josnes femme venue de petit lieu d'envers Thour, nommée
Agnès, la quelle despuis feut appelée la belle Agnès ; la quelle belle Agnès menoit
plus grand estat que la royne de France. Et se tenoit peu ou néant la dicte
royne Marie avec le dict roy Charles, combien qu'elle feust moult bonne et
très-humble dame, et, comme on disoit, estoit saincte femme. Icelle belle
Agnès estoit, sy comme on disoit, une des belles femmes du royaulme ; mais
elle ne dura guières et mourut, et disoit–on qu'elle feut empoisonnée. III Extraits des mémoires
de Pie II, relatifs à lignés Sorel.
Pii
secundi pontificia maximi commentarii rerum memorabilium quæ temporibus suis
contigerunt à
Joanne Gabellino[3], editi, Francofurti 1614,
in-folio ; au livre VI, chapitre intitulé : Libido Caroli VII
a delphini fui gesta,
page 160. L'auteur
remonte jusqu'au règne de Charles VI et descend ensuite, d'après l'ordre
chronologique, le cours des événements. Filius ei (Carolo VII) unicus erat ex Maria
Rhenati Andegavensis sorore Ludovicus, acris ingenii adolescens cui et
delphinatus Viennensis jure obvenerat, ut est apud reges Francie
primogeniture. Propter quem avunculi ejus Caroli Andegavensis ingens
habebatur apud regem auctoritas et consilium ejus præferebatur. Non loquenti sibi quispiam contradicere audebat, qui, et reginil sorore, et
nepote regni herede, tumens atque insolescens, cunctis importabilis
videbatur, maxime vero Alençonii et Borboni ducihus et bastardo Borboniensi.
Qui simul conjurantes eliciendi Caroli unicam viam censent, si delphinum ei
infensum reddant[4]. Rex in libidine promus,
noria ln dies connubiis jungebatur et relicta uxore legitima, aliena fœdare matrimonia et virgines corrumpere non verebatur. Multa erant
in palatio scorta regia, magno empta pretio. Carolus amicorum conciliator,
non tam sanguinis propinquitate quam lenociniis regiis gratiam retinebat. Hunc
inimici ad Ludovicum deferunt, matris injuriam et avunculi turpitudinem
detegunt. Marcescere regem inter meretrices, negligi regnum, cuncta ruera dicunt.
Audeat jam tandem aliquid facies adolescens, aut Carolum e palatio deturbet,
aut abeat ipso a rege ; sic futurum ut ejus desiderio concubine expellantur
et regina sui thalami compos fiat. Accedebant et matris lacrymæ, quæ per
singulos dies se spretam relictamque lamentabatur, non ignara germanum esse
qui sibi pellices opponerot. Ferunt delphinium, his motum, unam ex illis nudo
insectatum ense occidere voluisse, illamque necem haud alibi effugere quam in
cubiculo regio potuisse, atque hinc primum inter patrem et filium manifestas
inimicitias exarsisse ; Ludovicum insalutato patre ad Nivernenses[5] secessisse, regemque
raptim comparato exercitu in Alençonium duxisse et expugnatis
non magno negotio plerisque munitionibus,
ducem in deditionern accepisse. Exin contra filium profecnum cum civitates
Niverniæ Delphinum adversus patris imperium tueri
non auderent, cum ut a se abiret rogaverunt. Ille in Borbonium se recepit ;
nec diu post, metuens Borbonii dux regis iram, filium patri conciliavit. Quæ
res bastardo ejus fratri haud feliciter cessit, qui, paulo post, captus et in
profluentem, demersus, violati paterni juris in filium pœnas dedit. Duo duces
in gratiam rediere : ut semper adversus imbecilles desæviunt leges.
Alençonius cum postea ad Anglicos deficere cogitaret, comprehensus est et
capitali sententia damnatus. Verum propter sanguinem regium ex quo prodierat,
servata vita, usque ad mortem regis in carcere contabuit. Quod de pellice
delphini gladio insectata diximus, quidam postea gestum tradunt, cum ille, a
rege, secunda discessit. L'auteur,
quelques pages plus loin, reprend le même sujet en remontant aux origines[6]. Delphinus iterum, nova in patrem ira percitus, ab eo discessit.
Indignationis causam fuisse commemorant, quam supra diximus de pellice matri
molesta. Agnes quædam cognomento bella, non abjecto loco nata, ad curiam
regis venit, Isabellam Rhenati conjugem ex provincia secuta ; abeunte domina[7], inter ancillas Mariæ
reginæ, remansit, non sine infamia vulgati corporis. Hanc rex, cum esset fade
pulcherrima et sermone blando, amare occœpit, brevique tempore adeo perdite
arsit, ut nec ad horam ea carere posset : in mensa, in cubiculo, in consilio
lateri ejus semper adhæsit. Si quis aliquando vel confessor, vel alius
auctoritate potens, regem de adulterio coarguit, negabat consuetudinem stupri
se habere, verum oblectari facetiis et
blandimentis fœminæ ; licere sibi, ut ceteris regibus, fatuum aliquem penes
se habere, cum quo, laxandi animi gratia versaretur, nec distare femina, an
masculus esset ; sibique feminam obtigisse, quæ suis deliramentis multos
immisceret jocos : — atque bis nugis excusari volebat. Sed minime illam ut
fatuam habuit, cui et optima prædia et dona multa concessit atque in palatio,
post reginam secundo loco, honoravit et duas ex substulit Mies, quas postea
Ludovicus regnum adeptus tanquam sororem complexus est et mox alteram nuptui
tradidit. Agnes igitur, ut plerique tradunt secundi dissidii occasio fuit, quæ
vix, ut diximus, delphini manus evasit. Quidam turpiorem asserunt causam.
Jacobus, Scotorum rex, qui Carolo esset amicissimus et Anglis infensissimus,
sepeque Francorum regno sese commodissimum prebuisset, quatuor filles jam
viro maturas et forma prestantes ad amicum misit viris tradendas, quando per
se dere dotem nequiret. Carolus natu majorem Ludovico tradidit ; aliæ aliis nupsere,
præter unam quæ morbo quodam correpta, blesa et semimuta effecta est.
Sigismundus Austriæ unam earum duxit. Illud constat Delphinum postea uxorem
odio habuisse, illamque morbum tisicum inridisse ; ex quo decessit. Sivo hœc,
sive illa, aut altera causa fuit, Ludovicus in delphinatum secessit, etc.[8] IV Chapitre de la chronique de Charles VII par Jean Chartier, relatif à
Agnès Sorel.
Je
donne ici une nouvelle édition de ce morceau, d'après un manuscrit peu connu escript
et fini à Paris le XVIIIe jour de novembre, jour et feste de Saint-Climent,
l'an mil CCCC soixante et unie par moy cy-dessoubz nommé Estienne Roux,
escrivain[9]. Ce manuscrit, divisé par
chapitres, offre un texte plus pur et plus fidèle que celai de Godefroy. Il
appartient à la bibliothèque de Rouen, fonds des capucins, U. 112 ; 81. DE LA BELLE AGNÈS. En
icelle abbaye de Jumièges trouva le roy une damoiselle nommée la belle Agnès,
qui là estoit venue, comme elle disoit, pour advenir le roy et luy dire que
aulcuns de ses gens si le vouloient trahir et livrer ès mains de ses anciens
ennemis les Anglois ; de quoy le roy ne tint guères de conte et ne s'en fit
que rire. Et pour ce que la dite Agnès avoit esté au service de la reyne par
l'espace de cinq ans ou environ, ou quel elle avoit eu toutes sortes de
plaisances mondaines et tous les passe-temps et joyes du monde, c'est à
sçavoir de porter grands et excessifs atours, tenue jolie de robes,
fourrures, colliers d'or et de pierreries et avoir eu tous ses autres désirs
et plaisirs comme estant jeune et jolie. Par quoy ce fut une commune renommée
que le roy la maintenoit et entretenoit en concubinage ; car aujourd'huy le
monde est plus enclin à penser et dire mal que bien. Pour quoy je,
chroniqueur dessus nommé, désirant escryre le vray, m'en suis bien deuement
informé pour sa fiction descouvrir et açavoir la vérité et conduite du cas.
Et ray trouvé tant par le récit de chevaliers, escuyers, conseillers,
physiciens ou médecins et sururgiens, comme par le rapport d'autres de divers
estats, examinez par serment, comme à mon office appartient, afin d'ester et
lever l'abbus du peuple, que, pendant les dits cinq ans que la dite
damoiselle demoura avecques la Royne, ainsi que dit est, °neves le roy ne
laissa de coucher avec la dite royne, dont il eust quantité de beaulx enfans
d'elle. Mesure que c'étoit souvent contre sa voulonté que la dite Agnès
portait si grand estat ; mais pour ce que c'estoit le bon plaisir d'icelle
royne, il temporisait au mieulx qu'il pouvoit ; combien qu'il cognoissoit et
apercevait bien que la chose luy redondoit et tournoit à opprobre. Et client
en oultre les interroguez sur ceste matière, que, quand le Roy alloit voir
les dames et damoiselles et mesmement en l'absence de la royne, ou qu'icelle
belle Agnès le venoit voir, il y avoit toujours grande multitude de gens
présens et que oncques ne la vidrent toucher par le roy au dessoubz du menton
; mais s'en retournoit, après les esbatemens licites et bonnestes faits comme
à Roy appartient, chacun en son logiz par chacun soir ; pareillement la dite
Agnès au sien ; et que l'amour que le roy avait en son endroit, comme chacun
disoit, estoit pour les folies de jeunesse, esbatemens, joyeusetez, avec son
langaige bonneste et bien poly qui estaient en elle, et aussi que entre les
belles, c'estoit la plus jeune et la plus belle du monde ; car pour telle
estoit elle tenue. Il
n'est pas, aussi, vraysemblable que le roy fast au ait esté de tel
gouvernement ; car le temps durant, il a mis justice en nature, qui estait
périe de longue main ; il a osté toute pillerie estons en son royaume ; a
pourveu à la division de l'église universelle, tellement que paix, union et
bonne concorde, par son moyen et pourchas y ont esté mis et observés. Pourquoy
Dieu l'a voulu rémunérer en la recouvrance de son pays de Normandie, occupé,
détenu et empesché violemment et contre raison par ses anciens ennemis les
Anglois ; et, sur iceux il a autant exploité, en deux ans, comme les dits
Anglais avaient sur luy pu conquester en l'espace de trente ans. En
oultre dient iceux déposans que la dite Agnès avoit toujours esté de vie bien
charitable, large et libérale en au m osnes, tandis qu'ilz l'ont cogneue ; et
distribuait du sien largement au povres églises et aux[10] Mendiens, et que se aulcune
chose en copulation charnelle elle a commis aveeques le t'op, dont on ne se
peust appercevoir, si avoit ce esté cauternent et en cachette, elle estant
lors ou service de la Royne de Sicile, sçavoir auparavant qu'elle fùt, vint
et passast ou service de la royne de France, avecques laquelle elle a esté
résidente quelques années. Bien
est vray que la dite Agnès eust une fille, laquelle ne vesquit guères[11] et quelle disait estre et appartenir
au roy et luy donnoit, comme au mieux et plus apparent ; niais le roy s'en
est toujours fort excusé et n'y réclama oncques rien. Aussi y avait-il
d'autre bien grants seigneuries en mémo temps qu'elle avec cette rogne de
Sicile, parquoy elle pouvoit bien l'avoir empruntée et gaignée d'ailleurs. Ces
proclamations de mauvais exemple et publications de mal ainsi venues à la
cognoissance de la dite Agnès, qu'on surnommoit madamoiselle de Beaulté, par
tristesse, desplaisance et indignation, comme il est à présumer, avec autres
courroux provenus de diverses ymaginacions, elle print le flux au ventre,
dont elle fut fort malade, comme je porte par la déposition de maistre Denis[12]...., Augustin, docteur en
théologie, son confesseur. Elle eut ensuite moult belle contricion et
repentance de ses péchez : et luy souvint de Marie-Magdeleine, qui fut une
grande pécheresse ou péché de la chair, et invocoit Dieu moult dévotement et
la vierge Marie en son aide. Puis, comme bonne catholique, après la réception
de ses sacrements, demanda ses heures pour dire les vers de sainct Bernard,
qu'elle avoit escripts de sa propre main. Après, elle fit plusieurs vœux ;
les quels furent mis par escript qui se pouvoient bien monter, tant pour
aumosnes que pour payer ses serviteurs, comme soixante mille écus. Et fist
ses exécuteurs noble homme Jacques Cuer, conseiller et argentier ou trésorier
du roy et honorables et saiges personnes maistre Robert Poictevin, fusicien[13] et maistre Etienne Chevalier,
sécretaire et aussi trésorier du roy. De plus, elle ordonna que le roy seul
et pour le tout fust par dessus les trois susdits. Depuis,
voyant et sçachant ladite Agnès sa maladie engréger de plus en plus, dit à
Monseigneur de Tancarville, et à Madame la séneschalle de Poictou et à l'un
des escuyers du roy nommé Gouffier et à toutes ses damoiselles, que c'estoit
peu de chose et ordre et fétide, de nostre fragilité. Adonc requist audit]
maistre Denis son confesseur, qu'il la voulust absouldre de peine et de
coulpe, par vertu d'une absolution, qui lors estoit à Loches, comme elle
disoit. Co que son dit confesseur fist à sa relacion et sur sa parole. Puis,
après qu'elle oust fait un fort hault cry, réclamant et invoquant la benoiste
vierge Marie, se sépara l'âme du corps, le lundy la° jour de février, l'an
mil quatre cent quarante-neuf, sur les six heures après midy, laquelle fut
depuis ouverte et son cueur porté et mis en terre en la dite abbaye, pourquoy
elle avoit fait en icelle de fort grans dons. Pour ce qui est du corps, il
fut mené et conduit en sépulture à Loches, fort honnorablement en l'église
collégial de Nostre Dame, ou elle avoit fait plusieurs belles fondacions et
donations. Dieu lui face mercy à l'âme. Amen'. V 1446, juin 22. Lettres de rémission accordées par Charles VII étant à
Chinon, en faveur de Person Sureau.
Ce
n'est point sans une longue hésitation que je me suis résolu à insérer ici la
pièce qui va suivre. Ce document ne se rattache au sujet de cet opuscule que
par un lien très-indirect, et encore plus incertain. J'espère cependant que
l'on voudra bien approuver cette reproduction, eu égard aux considérations
qui vont être ci-après développées. Il s'agit d'un nommé Persan Sureau, jeune
garçon du village de Parfondeval, en Picardie, qui, dans une querelle,
s'était rendu coupable de meurtre sans préméditation ou par imprudence.
Sureau, pour ce fait, fut condamné à mort par le bailli de Rozoy, qui
exerçait sur les lieux la justice seigneuriale, au nom du suzerain immédiat,
Charles de Bourgogne, comte de Nevers, seigneur de Dom, etc. Au moment même où
le condamné marchait au supplice, une jeune fille, qui se trouvait sur son
passage, s'émut de pitié en faveur du jeune Person. Usant d'une coutume alors
en vigueur dans le pays, et ayant force de loi, quoique non écrite, elle
revendiqua le condamné, s'engageant à le prendre pour époux et sollicita
incontinent sa délivrance, La requête de la jeune fille, d'abord repoussée
par le bailli, fut du moins accueillie comme appel. Il y eut sursis à
l'exécution : puis la cause fut renvoyée au roi qui, par lettres délibérées
en son grand conseil, jugea souverainement l'affaire et, brisant la sentence
seigneuriale, accorda la rémission demandée. Agnès Sureau[14], Soreau ou Sorel, était alors à
la cour, jouissant auprès du roi de cette incessante intimité que retracent
les mémoires de Pie II, et parvenue au plus haut degré de son influence. Elle
aussi, vers le mémo temps, savait user de clémence, comme dame justicière de
ses domaines, envers les malheureux, dignes de pitié, qu'avaient frappés les
rigueurs alors impitoyables de la justice[15]. Le prévenu ou requérant,
Person Sureau, était un compatriote[16] et un homonyme de la favorite.
On remarquera aussi le court intervalle qui sépare la date du meurtre : 10
avril, du 8 juin, qui est celle des lettres de grâce. Cet heureux et prompt
dénouement en faveur de Person Sureau fut-il dû à l'intervention d'Agnès ?
Aucun indice authentique ne vient d'autre part à l'appui de cette conjecture.
Il y a plus. On connaît plusieurs autres actes du pouvoir royal intervenus à
des époques très-distantes de 1446, en de semblables causes[17]. Les lois de la critique et de
la vérité nous obligent donc à reconnaître quo le conseil de Charles VII, en
dehors de toute influence extérieure, trouva dans les traditions mêmes de sa
jurisprudence, et dans les tendances judiciaires de la monarchie en matière
de justice seigneuriale, les éléments de cette nouvelle décision, nous a
semblé toutefois que le rapprochement de ces circonstances méritait d'être
explicitement signalé. Qu'il nous soit permis de présenter enfin une dernière
excuse. Abstraction faite de toute relation avec la biographie d'Agnès Sorel,
ce document inédit nous parait offrir en lui-même un intérêt très-sérieux au
point de vue de l'histoire judiciaire. Voici
le texte de ces lettres de rémission, qui se trouvent au registre du Trésor
des Chartes JJ. 178, f° 1. Charles,
par la grâce de Dieu roy de France ; savoir faisons à tous présens et à
venir. Nous avons recen l'umble supplication de Person[18] Sureau, povre jeune filz, de
rage de XVIII ans ou environ, prisonnier détenus ès prisons de Rosoy[19], contenant que le dixiesme jour
du mois d'avril l'an mil CCCCXLV[20], avant Pasques derrenier passé[21], après ce qu'il eust disné avec
sa mère en leur hostel en la ville de Parfondeval[22], il s'en ala esballe en la d.
ville avec plusieurs autres gens, où il fut environ une heure ; et tant, que
ung sien frère, nommé Girardin, le vint quérir pour parler à ung autre sien
frère nommé Jehan Sureau, qui estoit cependant venu en l'ostel du d.
suppliant et de sadite mère ; et après ce que le d. suppliant fut arrivé
illec el qu'il eut salué son dit frère et convenu ensemble d'aucunes Leurs
besoingncs et affaires, ledit Jehan Sureau dist au dit suppliant telles
paroles ou semblables en substance : Tu viens
de jouer en la ville : y est point ce bon varlet Bertran Duchemin, qui me
couppa mon pouce ? A
quoy le dit suppliant respondit : Si est
: je l’ay veu l'aval en ceste ville, garny d'un espié[23]. Et lors le dit Jehan dist au
d. suppliant : Je t'avoye dit que s'il venoit
en ceste ville, que tu le me faisses savoir ; mais tu n'en as riens fait. Le quel suppliant luy
respondit et dist : mon père nous a deffendu
au lict de mort que jamais ne feissions aucun desplaisir à homme Pour ceste
cause. Le quel
Jean, qui estoit fort indigné et couroussé de ce que ledit Bertran Duchemin,
Thomas Menesson, Perrat Lefoulon et ung nommé Jehan Moriset en un certain
débat, qui trois ou quatre ans[24] avoit esté entre aulx, lui
avoient ou l'un d'eux couppé le pouce de l'une de ses mains tout jus, de la
quelle main à ceste cause il estoit et est encores impotent, dist au dit
suppliant : se on vous avoit fait autel mal
comme me ont fait les d. Bertran Duchemin, Thomas Mennesson, Perrat Lefoulon
et Morisot, je me tueroye avant[25] que
je ne vous en vengasse, et vous ne m'en faites riens. A quoy le dit suppliant,
voyant que son dit frère estoit fort indigné et courroussé contre le dit
Bertran Duchemin et autres dessus nommez, en sel excusant lui dist qu'il
n'avolt que faire de noise et ne vouloit que faire son labour et sa besongne.
Et lors le dit khan Sureau dist au dit suppliant et à ung de ses autres
frères qui là estoient, qu'ils prinssent leurs espiez[26] et alassent avec lui Jusques au
dit lieu de Rosoy ; ce qu'ils lui accordèrent en entencion de le convoyer
seulement. Et après ce qu'ilz furent environ ung quart de lieue loing du dit
Froideval[27] en alant à Grand-Rieu, le dit
suppliant montra au dit Jehan, son frère, une pièce de terre, contenant trois
jallois ou environ, appartenant à leur mère, que icellui suppliant avoit
labourée et demanda à son dit frère s'il la vouloit avoir et tant moins de
neuf jallois, qu'il lui devoit faire et labourer pour ung cheval qu'il avoit
acheté de lui. Le quel Jehan lui respondit qu'il m'où tilleuls qu'il lui
utast labourer une pièce de terre nommée Anthoigne, assise ou terrouer du dit
lieu de Rosoy, contenant six quartelz ou environ. Lequel suppliant lui dist
qu'il estoit content de y aler le lande-main au matin et commencèrent à
parler du dit Bertran et lors le dit suppliant dist qu'il pensoit qu'il ne
vendroit pas par là et qu'il luy avoit oy dire qu'il yroit boire à Doys[28] avec le fils du procureur du
seigneur du dit lieu ; en entention de destourber son dit frère de faire
desplaisir au dit Bertran. Et en ce disant le dit Jehan se retourna et dist
au dit suppliant son frère : véez le cy qui
vient vers nous. Le
suppliant ne le véoit pas, par ce qu'il avoit te doz tourné vers lui ; et
quant il fut environ trois ou quatre pas près d'eulz, le dit Jeban dist au
dit Bertran : Es-tu là, bon varlet ? Le quel respondit : pour Dieu, mercy ; hélas ! je ne te feiz oncques
desplaisir, et en
disant ces paroles le dit Bertran commença à courir au long d'une haye qui là
estoit et le dit Jehan après. Et le dit suppliant, meu d'amour naturel,
courut après son dit frère d'autre part de la baye pour adevancer le dit
Bertran, pour secourir son dit frère se besoing en avoit ; et après ce qu'ilz
eurent couru environ le giet d'une pierre, le dit Jehan abattit le dit
Bertran de son espié dedans Icelle haye et quant le dit suppliant le vit
abattu, il passa la baye et ala près du dit Bertran et son dit frère et par
chaleur et templacion de l'ennemy[29], donna au dit Bertran ung coup
seulement de son espié sur la jambe. Et ce fait le dit Jehan frappa le dit
Bertran de la pointe de son espié en la cuisse en disant : ribault, tu me diras le quel de vous me a fait ce
desplaisir de moy avoir couppé mon pouce ? Le quel lui respondit et dist : je ne te l'ay pas fait ! Et lors le dit Jehan qui fort estoit eschauffé et
indigné lui dist : tu me diras qui le m'a
fait ? Le quel lui
respondit que ce avoit fait son nepveu Jehan Morizet, demourant au dit Deys.
Et ce fait, ilz se partirent d'ilec et s'en nièrent au dit Froideval[30] et y laissèrent le dit Bertran.
Le quel ce jour mesmes ale de vie à trespassement. Pour et occasion du quel
cas, le dit suppliant a esté prins et emprisonné ès prisons du dit Rosoy,
pour nostre très chier et très amé cousin le comte de Nevers et de Rethest,
ès quelles il a je esté longuement[31] détenu prisonnier en grant
misère et pov roté et depuis condempné à recevoir mort pour le dit cas. Et
ainsi que on le menoit à la justice, une jeune fille servant[32], de bonne vie renommée, oyant
les plaintes que avoit le dit suppliant, qui tousjours e esté de bonne vie et
renommée et bon laboureur, meut de pitié et amour naturelle, requist à la
justice du dit Rousoy que on lui voulsist rendre le dit suppliant et elle
l'espouseroil. Dont le bailly du dit Rousoy ou son lieutenant fut reffusant.
Du quel reffus la dicte jeune fille appela. Et pour ce a esté icellui
suppliant remené ès prisons du dit Rousoy, ès quelles il est encores en grant
misère et povrcté et en aventure de brief finer misérablement ses jours, se
par nous ne lui est sur ce impartie nostre grâce, si comme il dit, en nous
humblement suppliant que, ces choses considérées, et que, en ceste partie, le
dit suppliant n'a pas esté ingresseur et ne ala pas aux champs avecques son
dit frère en entencion de trouver le dit feu Bertran, mais pour convoyer
seulement son dit frère, le quel il avoit tousjours démeu et appaisié le
mieulz qu'il avoit pefi, comme dit est et que ce qu'il frappa le dit Bertran
fut par chaleur et par temptacion de l'ennemy et ne lui donna pas le coup de
la mort[33] et qu'en autres choses il a
tousjours esté bon filz, paisible, de bonne vie, renommée et honneste
conversation et bon laboureur, saris avoir esté reprins, actains, ne
convaincu d'aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, que sur ce lui
vueillons pourveoir de nostre dite grâce et miséricorde. POURQUOY, Nous, ces choses considérées,
voulons en ceste partie miséricorde préférer à rigueur de justice, au dit
suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné et par ces
présentes, de nostre grâce espécial, plaine puissance et auctorité royal,
quittons, remettons et pardonnons le fait et cas dessusdit avec toute peine,
offense et amende corporelle, criminelle et civile en quoy, pour cause et
occasion du dit cas, il puet estre encouru envers nous et justice, et le
restituons à sa bonne'fame et renommée, au pais et à ses biens non confisquez
; satisfaction faicte à partie, civilement tant seulement, se faicte n'est ;
et, sur ce, imposons silence perpétuel à nostre procureur, parmi ce qu'il
sera tenu de espouser et prendre à femme la dicte jeune fille. Si donnons en
mandement par ces présentes à nostre bailli de Vermendois et à tous noz
antres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenants présents et à venir et
à chacun d'eux, si comme à lui appartiendra, que de nostre présente grâce,
rémission et pardon ilz lacent, seuffrent et laissent le d. suppliant joir et
user plainement et paisiblement, sans lui faire mettre ou donner, ne souffrir
estre fait, mis, ou donné aucun des-tourbier ou empeschement, en corps ne en
biens, en aucune manière au contraire. Le quel se fait, mis, ou donné lui
estoit, mectez ou faictes mettre tantost et sans délay à plaine délivrance.
Et afin, etc. Nous avons, etc. Sauf. etc. Donné à Chinon le XXIIe jour de
juing l'an de grace mil CCCCLVI, et de nostre règne le XXIIII. Ainsi signé : Par le Roy à la relation du conseil
GUERNADON. Visa : contentur.
E. DUBAN. VI Legs testamentaire d'Agnès Sorel en faveur de l'église de Saint-Aspais de
Melun.
La
petite pièce ci-après m'a été communiquée récemment par mon honorable
confrère, M. Eugène Grésy, membre de la société des antiquaires de France.
Elle peut être jointe en appendice aux documents de ce genre que j'ai tenté
de réunir dans la bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 3e série, t. I, p. 318
et suivantes. Recepte de la fabrique
Saint-Aspais de Melun,
1449-1450. De
messire Etienne Chevalier, seigneur 'des comptes et général contrôleur des
finances du roy nostre sire, exécuteur du testament de feue damoiselle Agnès
Sourelle, la somme de trente écus d'or, valant trente-trois livres parisis. VII Lettres du roi Charles VII données en décembre 1451. Il amortit en faveur
de l'église de Notre-Dame de Loches, les terres de Fromenteau et de Bigorne,
achetées au prix de deux mille écus d'or, légués à celle église par Agnès
Sorel.
Je
place également ici la pièce suivante, que j'ai naguères trouvée dans les
registres du Trésor des Chartes. Nous connaissions déjà par les papiers de
dom Housseau[34] ce qui fait le principal objet
de Ce document, c'est-à-dire le legs de deux mille écus et l'acquisition de
ces deux terres. Mais nous ne connaissions pas cet acte mérite, cet
amortissement, dont le texte renferme plus d'une particularité intéressante.
On y remarque, par exemple, ces expressions : le lieu où elle est enterrée, sans
aucune mention de monument. Il faut croire d'après cela, qu'en décembre 1451,
le tombeau de Loches n'était point encore en place. Charles,
par la grâce de Dieu, roy de France, it tous présens et à venir. Nous avons
receu la supplication de noz chers et bien ornez les prieur et chappitre de
l'église collégial de Notre-Dame de Loches, contenant que les exécuteurs du
testament ou ordonnance de derrenière voulenté de feu nostre chière et bien
ornée en son vivant damoiselle et dame de Beaulté, de Roqueserière,
d'Issoldun et de Vernon-sur-Seine, baillèrent ausdiz supplians la somme de
deux mille escus d'or pour dire et célébrer chacun jour une messe à note par
les petiz enfans de ruer de ladicto église et ung Subvenile sur le lieu où
elle est enterrée, avec quatre obitz solempnelz ditz et continuez par chacun
an par les dits suppliants pour l'âme d'elle, de ses prédécesseurs et pour
estre recommandez ès prières et bienfaiz d'icelle église ; de la quelle somme
de deux mille escus les dis supplians ont acheté de Ector de la laine
escuier, ou nom et comme procureur de Raouline d'Afay[35] sa femme, les lieux et terres
nobles de Fromenteau et de Bigorne, situez près Chastillon-sur-Yndre, avec
tous les cens rentes. dismes, mestairies, estangs prez, vignes, bois,
buissons, et toutes el chacunes les choses qui y sont et en deppendent, qui
aujourduy pavent valoir de quatre vins à cent livres de rente par an ; mais
iceulx supplions doubtent que sans avoir de nous puissance de tenir comme amorties
les choses des-susdites, soient contrains par noz justiciers, officiers et
commis à ce, ou autres, de les mettre hors de leurs mains, en nous requérans
humblement que sur ce leur vueillons pourveoir de nostre grâce et remède.
Pourquoy. nous ces choses considérées, ayons regart aux causes pour les
quelles les dis lieux et terres ont esté achetées par les dis supplions, et
considérons les grana pertes et dommages que la dicte église a eues et
soustenues par la fortune de la guerre ; voulons pour ce Incliner à le
requeste desdis supplions, avons admorty et admortissons de grâce espécial,
plaine puissance et auctorité royal, par ces présentes, les lieux et terres
nobles de Froumenteau et de Bigorne et autres choses dessus dictes, en
quelque valeur ou estimacions qu'ils soient de présent ou puissent estre ou
temps avenir, sans pour ce nous payer aucune finance. La quelle pour
certaines causes à ce nous mouvons, nous leur avons donnée et quictée,
donnons et quictons de nostre grâce espécialle par ces présentes et voulons
et ordonnons que dores navant lesdits supplions et leurs successeurs en
icelle église, tiennent et possèdent les dits lieus de Froumenteau et de
Bigorne et leurs appartenances, rentes et revenues dessusdits, comme amorties
et à Dieu dédiées, sans cc que par nous ou par nos successeurs ou leurs
commis et députez de par nuls ou autres, de quelque auctorité qu'ils soient,
puissent estre d'ores en avant contrains à icelles mettre hors de leurs
mains, comme non admorties, ne pour ce en paier aucune finance. La quelle,
telle que pour ce nous peut estre deue, nous, pour certaines causes à ce nous
mouvans, leur avons donnée et quittée, donnons et quictons par ces dites
présentes ; par les quelles donnons en mandement à noz amen et féaulx gens de
noz comptes et trésoriers et les généraulx conseillers ou commissaires sur le
fait et gouvernement de noz finances et des nouveaulx-acquests, au bailli de
Touraine, des ressorts et exemptions d'Anjou et du Maine et à tous nos autres
justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, présens et à venir, et à
chacun d'eulx, si comme à luy appartiendra, que, de nos présens grâces, don,
concession et amortissement ils facent seuffrent et laissent les d. supplians
joli' et user plainement et paisiblement, sans les troubler, molester, ou
empescher en aucune manière au contraire. Car ainsi nous plaist il et voulons
estre fait, non obstans les ordonnances par nous faictes sur le fait de nos
finances à Bourges en l'an mil CCCCXLVIII et de ce ne soit levée
descharge de nostre trésor ; usage, stile, coustume, ou édit, fait ou à
faire, au contraire. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Montilz lès Tours ou
mois de décembre, l'an de gràce mil CCCC cinquante et ung et de nostre règne le XXXe. Ainsi
signé : CHARLES.
Par le roy, Maistre Estienne Chevalier et autres présens. — K. CHALIGAUT. Visa. Contentur. CHALIGAUT[36]. VIII Lettres de Louis XI données le 18 mai 1462, en faveur de Pierre de Brézé,
faisant mention du mariage de Charlotte de France avec Jacques de Brézé.
Ces
lettres paraissent inédites. Elles peuvent servir à fixer d'une manière plus
satisfaisante que par le passé, la date de ce mariage. En rapprochant ce
document de ceux qui étaient connus, il est constant, que cette union fut
accomplie, comme nous l'avons indiqué, vers le mois d'avril ou en avril 1462.
Quant à l'objet principal de l'acte, il offre un témoignage de la réconciliation
toute récente qui s'était opérée entre Louis XI et le premier ministre de son
père. En considération dudit mariage, le roi modère de cent livres parisis de
rente è un épervier, le devoir annuel, de diverses seigneuries. On reconnaîtra
le roi chasseur à cette dernière redevance. Loys
par la grâce de Dieu roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres
verront salut, sçavoir faisons qu'en faveur du mariage qui naguères a été
fait de notre très chère et très a mée sœur naturelle Charlotte de France et
du fils de notre amé et féal chevalier Pierre de Brézé, comte de Maulevrier,
et pour certaines autres grâces et causes et raisons à ce nous mouvons, nous
avons remis, quitté, donné et délaissé, donnons, quittons et délaissons, de
grâce spéciale, par ces présentes au dit Pierre de Brézé et à ses hoirs,
successeurs, et qui de lui auront cause . la somme de cent livres parisis de
rente, que le dit de Brézé nous était tenu payer par chacun an le premier
jour de may, à cause des terres et seigneuries de Nogent le roi, Ennet[37], Breval et Montchauvet, et
icelle rente leur avons modéré et modérons par ces présentes, à un épervier
bien réclamé[38], qu'ils seront tenus en bailler
par chacun an doresnavant perpétuellement, à nous et à nos successeurs roys
de France. Si donnons en mandement par ces mêmes présentes à nos aurez et
féaux conseillers, les gens tenant et qui tiendront notre cour du parlement,
les gens de nos comptes et trésoriez et à tous nos autres justiciers ou à leurs
lieutenants, présens et avenir, et à chacun d'eux si comme à luy
appartiendra, que, en faisant jouir le dit Pierre de Brézé chevalier, et ses
dits hoirs successeurs et qui de luy auront cause, de notre présente
quittance et modification, ils les tiennent ou fassent tenir quittes et
décharger doresnavant perpétuellement des dites cent livres parisis de rentes
à nous deubs par led. de Brézé à cause des d. terres et seigneuries de Nogent
le roy, Ennet, Breval et Montchauvet, en baillant à nous et à nos d.
successeurs led. épervier bien réclamé pour chacun an comme dit est, sans
leur faire ou donner, ne souffrir estre fait ou donné, ores ne pour le temps
à venir, aucun des-tourbier ou empechement au contraire ; et par rapportant
lesd. présentes ou vidimus d'icelles, fait sous scel avec reconnoissance sur
ce suffisant du dit de Brézé, pour une fois seulement, nous voulons et
mandons à tous nos officiers à qui ce pourroit toucher, en astre tenus
quittes et deschargés en leurs comptes par nos d. gens de comptes et par tout
ailleurs ou il appartiendra, sans aucune difficulté ; non obstant quelconques
ordonnances, faites par nous ou nos prédéceseurs, de non alienner aucune
chose de notre domaine, restrictions, mandemens et deffenses à ce contraires.
En temoin de ce, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes. Donné à
Bordeaux le dix huitième jour de mav, l'an de grace mil quatre cent soixante
deux et de notre règne le premier. Signé LOYS et sur le repli : Par le
roy, les comtes de Crussol, du Lay[39], de Montglat, M. George Havart
et autres présens. Bonald. Et scellés sur double queue du granit sceau de
cire jaune. Et sur les d. lettres est écrit : Lecta, publicata et registrata in parlamento præsenti, et
non contradicente procuratore generali domini nostri regis ; die decima nona
decembris anno domini millesimo quadringentesimo sexagesimo tertio. Signé CHANTREAU.
Similiter lecta, publicata et registrata in camera compotorum domini
nostri regis, pro domino Petro de Brézé milite in albo norninato et ejus
heredibus.duntaxat die vicesimil decembris quo supra ; signé BADOUILLIER. Collationné
par nous conseiller maitre à ce commis PORLIER. (Tiré
du mémorial M. fol. 128, direction générale des archives, registre P. 2299, f°
347.) IX Tradition du seizième siècle sur l'âge auquel mourut Agnès Sorel.
Vers 1560,
le poète Baïf visita Jumièges. Reçu au Mesnatabelle, villa de l'abbaye, où
était morte Agnès Sorel, il' composa sur cette femme célèbre un petit poème
daté de cette localité. Ce morceau, d'un tour charmant, nous est resté. La
famille d'Agnès en ligne masculine n'était point encore éteinte. Entouré des
souvenirs qui subsistaient sur les lieux, Baïf dédia ce petit poème au
seigneur de Sorel. On me permettra de reproduire ci-après les vers qui
terminent cet opuscule. Ils expriment cette tradition, relative à auquel la
mort vint surprendre la belle Agnès. Bien que l'écho de ce souvenir nous soit
apporté par un poète, je ne pense pas qu'on puisse, à raison de cette
circonstance, en contester la valeur. Baïf ici fait œuvre d'un témoin qui
répète et non de poète qui invente. Ce passage de Baïf me parait être un lien
entre les textes originaux relatifs à la jeunesse d'Agnès lorsqu'elle mourut,
et l'attestation du prieur Marye, qui fixe à quarante ans l'âge qu'elle avait
atteint à l'époque de son décès. Voici ces vers : Mais
las ! elle ne put rompre sa destinée, Qui pour trancher ses jours revoit ici
menée, Où
la mort la surprit. . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . .Ô mort, cette beauté Devoit
de sa douceur fléchir ta cruauté. Mais
la lui ravissant en la fleur de son âge, Si
grand que tu cuidois n'a esté ton outrage : Car
si elle oust fourni l'entier nombre des jours Que
luy pouvait donner de nature le cours, Ses
beaux traits, son beau teint et sa belle charnure, De
la tarde vieillesse allaient sentir l'injure : Et
le renom de belle, avecque sa beauté, Luy
Fust pour tout jamais par les hommes ciste ; Mais
jusques à la mort l'ayant vu toujours telle Ne
lui purent osier le beau renom de belle : Agnès
de belle Agnès retiendra le surnom Tant que de la beauté, beauté sera le nom. FIN DE L'OUVRAGE
|
[1]
Je cite cet article pour éclairer le rapprochement quo l'on pourra faire de la
pièce B suivante.
[2]
Cette date nous reporte à l'époque où Paris, siège ordinaire des cours
souveraines, fut recouvré par Charles VII : (les Anglais furent chassés de
cette ville au mois d'avril 1436). On me permettra de rapprocher ici une autre
indication analogue. Jean Darc, oncle de la Pucelle selon toute apparence, fut
à la môme époque (1436 après la prise de Paris) reçu arpenteur du roi pour le
département de France. (Voyez Charles du Lis, Traits
sommaire, etc., de la Pucelle, nouvelle édition ; Paris, 1858,
in-12, Aubry, éditeur, page 28, note 2.)
[3]
Secrétaire du pape. L'ouvrage parut sous les auspices de François Piccolomini,
archevêque de Sienne, descendant de Pie II, d'après un manuscrit original
conservé dans la famille (Pii,
etc., préface).
[4]
Cette entreprise, connue sous le nom de la Praguerie, eut lieu en janvier-mars 1440 (nouveau
style).
[5]
L'assemblée de Nevers en 1642.
[6]
Page 163.
[7]
Ce départ s'effectua en 1435.
[8]
On remarque dans ce récit une partialité notable en faveur de Louis XI contre
Charles VII. Pie II, en effet, ne pardonnait pas à ce dernier prince la
pragmatique-sanction, que Charles VII avait promulguée en 1438 et qu'il fit
respecter avec énergie jusqu'à sa mort. Pie II fut plus heureux auprès de Louis
XI, et par ses caresses il obtint de Louis la rétractation de ce concordat
célèbre. Voyez sur ces faits la chronique de Gaguin, livre X, chapitre IX, et
l'histoire des libertés gallicanes, de Dupuy.
[9]
Ces trois mots sont écrits dans l'original sous une forme énigmatique.
[10]
Ordres ou religieux.
[11]
Je rappellerai ici quelques faits propres à édifier le lecteur pour
l'appréciation de ce morceau. Le ms. de Jean Chartier date de 1471 et parait
d'ailleurs avoir été composé en suivant le cours des événements. Ces mots : laquelle ne vequit gueres, ne peuvent s'appliquer
à Charlotte, morte comme un sait en 1476. Ils conviennent encore moins pour le
sens aux deux autres sœurs de Charlotte, les comtesses de Taillebourg et de
Bueil. Jean Chartier n'a donc pu vouloir designer ainsi que la quatrième fille
d'Agnès. Il résulte, en eau, des pièces judiciaires alléguées au procès du
Jacques Cœur que cette quatrième fille ne vécut que six mois, de février à
juillet 1450 (voyez ms. s. f. n° 850, feuillet 44 verso). Jean Chartier
cependant insinue que peut-être elle était née du temps qu'Agnès appartenait à
la reine de Sicile. Robert Gaguin a ôté dupe de ce langage, lorsqu'il dit en
citant Jean Chartier : De ceste belle Agnez en mon
temps fut constante renommée que Charles moult rayma, dont elle enfanta une
fille de très briefve vie, combien que Charles totalement dényast qu'elle cust
été de luy engendrée. (Voyez La Mer des croniques et mirouer
historial de France, jadis composée en latin par... frère R. Gaguin…
nouvellement translatée en françoys, etc... Paris, 1518, in-4°, folio CLXX.)
[12]
Le nom patronymique est resté en blanc dans le ms.
[13]
Médecin de la reine.
[14]
Sa famille portait pour armes d'argent en sureau de synork.
[15]
Témoin la lettre suivante écrite par Agnès Sorel el dont l'original nous a été
conservé.
Monsieur le Prévost, j'ay
entendu que quelques-uns de la parroisse de la Cheenaye ont esté par vous
adjœrnez sur le suspecon d'avoir pries certain beys de la forest du dit lieu et
à eulx ont esté unes journées sur ce assignées pour entendre une information
faicte sur leur inocence. Sur quoy, ayant sceu qu'aucuns des dictes gens sont
povres, misérables personnes et que ils aient Brant misère à gaiguier leur vie
et gouvernement d'eulz, leurs femmes et enfants, ne sens en riens qu'il soit
suivy oulire à la dicte informacion et journées et que les dictes gens soient
empesehiez aulcunement en corps ni en leurs biens ; suais pour culs au
contraire soit mise la dicte afère à nient et en ce faisant sans slélay me
ferez service aggréable. Priant Dieu, monsieur le prévost, qu'il vous doint
bonne vie et sons tienne en sa garde. Du Plessis ce vizi° jour de juing.
Vostre bonne mestresse.
AGNÈS.
(Cabinet de M. Chambry). Voyez Agnès Sorel, étude
sur le quinzième siècle, etc. Paris, Dumoulin, 1855, in-8°, page 21.
[16]
Agnès comme on l'a vu, était Picarde non pas de naissance mais d'extraction,
par l'une et l'autre ligne, paternelle et maternelle.
[17]
Sous les dates de 1341, 1342, 1349. Voyez aussi sous la date de 1430 le fait
raconté dans le Journal d'un Bourgeois de Paris, édition Godefroy,
Historiens de Charles VI, 1653, in-f°, page 513. Cette coutume singulière était
spécialement usitée en Picardie. M. Melleville, auteur d'une histoire de Laon,
a réuni sur ce sujet des observations intéressantes qu'il a consignées dans les
Mémoires de la société archéologique de l'Aisne ; (communication faite par
l'auteur à cette société en 1853). On peut consulter également, pour cette
intervention de fiancées volontaires, Michelet, Origines du droit français, et
Grimm (Jacob, Deutsch Rechts Alterthümer, 1828, in-8°).
[18]
Diminutif de Pierre : Perron, Pierson, Person,
Petit-Pierre, fils de Pierre.
[19]
Rosoy-sur-Serte, aujourd'hui chef-lieu de canton, 1695 habitants,
arrondissement de Laon (Aisne).
[20]
1446 (nouveau style).
[21]
17 avril.
[22]
Village à cinq kilomètres au N.-E. de Rosoy. On disait à midi.
[23]
Epieu.
[24]
Auparavant.
[25]
Plutôt que de ne pas vous venger.
[26]
Epieux, arme habituelle à cette époque parmi les paysans de la contrée.
[27]
Sic pour Parfondeval.
[28]
Aujourd'hui Dohis, au nord de Parfondeval ; tandis que Rosoy est au midi, dans
la direction opposée.
[29]
Le diable.
[30]
Sic. Nouvelle erreur ou distraction du scribe pour Parfondeval.
[31]
D'après cette clause ou circonstance, les lettres de grâce durent être
accordées dans un très-bref délai au pétitionnaire.
[32]
Une servante.
[33]
Jean, frère de Person Sureau, paraît avoir joué, dans ce meurtre, le rôle de
principal acteur ou coupable. Lui-même péril dans une querelle, victime d'un
semblable assassinat. C'est ce que nous apprennent d'autres lettres de
rémission, également très-curieuse comme peinture de mœurs. Ces lettres,
dounées à Vendôme par le roi Charles VII en septembre 1458, se trouvent au
registre du Trésor des Chartes, JJ. 187, f° 171-172.
[34]
Voyez Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 3e série, tome I, page 319,
note 4, et page 321, note 1.
[35]
Ou Asay.
[36]
Registre du Trésor des Chartes, n° 185, f° 187.
[37]
Anet.
[38]
Dressé. V. le Ménagier de Paris, 1865, in-8°, t. II, p. 297.
[39]
Pour du Lau. Antoine de Châteauneuf,
sire du Lau, conseiller, chambellan du roi et sénéchal de Guyenne.