Expédition de Jean
sans Terre dans le Poitou. — Siège de la Roche-aux-Moines. — Défaite du roi
d'Angleterre. — Sa fuite. — Soumission de l'Anjou et du Poitou par le prince
Louis. — Philippe-Auguste se rend à Péronne. — Dénombrement dos forces des
confédérés. Arrivée de Philippe à Tournay. — Mouvement des confédérés. — Les
rois disposent leurs corps d'armée dans un ordre régulier. — Bataille de
Bouvines. — Détails. — Rentrée triomphale de Philippe à Paris. — Résultats de
la bataille de Bouvines. — Philippe dans le Poitou. — Trêve accordée à Jean
sans Terre. — Confiscation des comtés de Flandre et de Boulogne.
Pendant
que son rival déployait la plus grande activité pour détourner le péril dont
la France était menacée, « le roi Jean, voyant les flots abaissés à la suite
des frimas de l'hiver, rassembla ses troupes et ses milices d'hommes de race
anglaise, et porta lui-même ses armes dans les contrées lointaines où les
Français ne pussent arriver facilement[1]. » En effet, on venait
d'apprendre que ce lâche monarque avait débarqué à la Rochelle avec une
nombreuse armée, et que les comtes d'Eu et de la Marche, Jean de Porcelin et
Savary de Mauléon, et d'autres barons de cette terre toujours inconstante
dans sa foi, mais toujours belliqueuse, s'étaient empressés de lui rendre
hommage et d'embrasser sa cause. Avant que le prince Louis eût pu se mettre
en campagne, le Plantagenêt soumit le Poitou presque en entier et passa dans
l'Anjou. Bientôt maître de quelques places et de l'antique cité d'Angers,
dont il fit relever les fortifications, il marcha sans hésiter vers la
Bretagne, prit sur sa route Beaufort et Ancenis, remplit toute la province
d'épouvante, et alla investir Nantes. Cette ville, que la Loire enrichissait
d'innombrables marchandises, n'était inférieure à aucune autre dans toute
l'étendue du royaume. Repoussé
par Pierre de Mauclerc, qui s'y était jeté à la tête de ses valeureux
Bretons, il simula une retraite pour triompher de ses ennemis. Tandis que le
duc de Bretagne ralliait sa petite armée et la mettait en sûreté derrière les
murailles de Nantes, Robert de Dreux, proche parent du roi Philippe, ne
voulant pas se retirer sans gloire, s'abandonna imprudemment à la poursuite
des Anglais avec quelques chevaliers. Il eut bientôt atteint les fuyards, et
son glaive se rougit du sang d'un grand nombre de Poitevins. Enfin, fatigué
d'un si grand carnage, il revenait sur ses pas, lorsque tout à coup Robert et
ses dix compagnons d'armes sont entourés par une foule d'hommes couverts
d'armes brillantes et que le roi d'Angleterre avait cachés au milieu des
broussailles. Ces nobles guerriers, dont les forces étaient épuisées, furent
obligés de se rendre. On les chargea de fers, et bientôt après Jean les
envoya dans son royaume, afin de les tenir éloignés de leur patrie. Tout fier
de ce dernier exploit, il se rabattit vers la Roche-aux-Moines, château situé
sur la Loire, entre Angers et Nantes, et assiégea cette forteresse. A la
nouvelle des progrès du roi Jean dans le midi de la France, le prince Louis
quitta Chinon, dont il avait fait sa place d'armes, erse Mit en marche avec
trois mille cavaliers et sept mille fantassins, fournis par Orléans, Tours,
Bourges et les autres villes des cieux rives de la Loire. Pendant qu'il s'avançait
en toute hâte, les Anglais faisaient les plus grands efforts afin de
s'emparer de la Roche-aux-Moines. Les arbalètes et les arcs lançaient
toujours des flèches, et de nombreuses machines ne cessaient point de battre
les murailles. De leur côté, les assiégés se défendaient avec la plus grande
vigueur, faisaient pleuvoir une grêle de traits du haut de leurs tours et
tomber des planches et de grosses pièces de bois, ne ménageant ni les poutres
ni les charpentes des maisons, s'inquiétant peu du dommage qu'ils se faisaient
à eux-mêmes. Il y avait dans l'armée des assaillants un certain Enguerrand,
homme très-grand de corps, au front large, dont les yeux rouges semblaient
lancer des traits de feu, aux cheveux noirs, à la face livide. Il avait la
poitrine forte, les épaules élevées comme des tours, le crâne aplati, les
joues bouffies, la bouche fendue et difforme, le nez crochu, les membres
robustes et tels que peuvent les avoir les géants ; son cœur inhumain était
d'une telle férocité, qu'il semblait ne mettre aucune différence entre la mort
d'un homme et celle d'un animal. Brigand, vivant de rapines et toujours porté
à de nouvelles violences, il avait souvent brisé les portes des églises, ce
qui l'avait rendu plus fameux encore par le surnom de Brise-Moutiers. Cet
homme clone s'avançait précédé d'un écuyer qui portait son bouclier aux
larges parois, recouvert d'une peau de taureau sept fois repliée, et sous
l'abri duquel Enguerrand faisait éprouver de grandes pertes aux défenseurs du
château. Voilà qu'un des assiégés, nommé Pons, inventa pour se débarrasser de
ce terrible adversaire un moyen qui lui réussit. Il se mit à tresser avec du
lin une ficelle très-forte et en môme temps presque imperceptible. Il l'attacha
ensuite à une flèche qu'il lança d'un bras vigoureux contre le bouclier, où
elle demeura profondément attachée. L'attirer à lui, l'enlever à l'écuyer
avec une adresse admirable et laisser ainsi à découvert le corps du
formidable colosse fut l'affaire d'un instant. Arrivé sur le bord du fossé,
Enguerrand est exposé aux coups de ses ennemis, et bientôt il tombe frappé
mortellement d'un trait d'arbalète. Pons alors pousse un cri de joie auquel
répondent ses braves compagnons, et du haut des remparts insulte à la fureur
de Jean sans Terre : « Roi, s'écrie-t-il, éloigne-toi d'ici et
laisse-nous en paix, de peur qu'il ne t'arrive de périr d'une mort semblable[2]. » Irrité
de la perte d'un de ses plus vaillants capitaines, des railleries et de la
résistance des assiégés, le roi anglais les menaça des plus sévères châtiments
s'ils ne se hâtaient de lui ouvrir leurs portes et de livrer la forteresse.
Afin de leur inspirer plus de terreur, il fit dresser des potences autour de
la place et poursuivit le siège pendant vingt et un jours. Mais ses
défenseurs ne cédèrent ni à la crainte ni aux menaces, et se montrèrent de
plus en plus déterminés à la résistance. Sur ces entrefaites on vint annoncer
aux Anglais que le fils de Philippe-Auguste approchait à la tête d'une
brillante troupe de chevaliers. A cette nouvelle le roi rangea son armée en
bataille. Il avait des forces supérieures ; mais leur nombre n'effrayait
point les Français, et leur digne chef fit signifier ce court message à son
ennemi avant d'en venir aux mains avec lui : « Prépare-toi au combat, ou
abandonne le siège. » L'Anglais lui répondit : « Si tu viens, tu nous
trouveras prêts à combattre ; et plus tu arriveras promptement, plus
promptement tu te repentiras d'être venu. » Louis avait avec lui Henri
Clément le maréchal, Guillaume des Roches et son gendre Amaury. Ces trois
chevaliers, renommés par leur bravoure, amenaient quatre mille hommes
d'armes. Ils riaient beaucoup dans le camp, en présence de tous les autres
barons, de la réponse arrogante de Jean, ne sachant à quoi attribuer cet élan
de valeur, car sa lâcheté leur était connue. Les
seigneurs qui avaient suivi le roi d'Angleterre ne montraient ni le même
courage ni la même fidélité. Ainsi Aimery de Thouars le quitta pour aller
défendre son beau château, après lui avoir conseillé de ne pas continuer le
siège de la Roche-aux-Moines et de ne pas s'exposer à connaître ce que
pouvait dans une bataille la valeur des Français. Jean se disposa néanmoins à
combattre ; déjà les trompettes appelaient ses barons aux armes, lorsque les
Poitevins, auxquels leur chef n'inspirait ni estime ni confiance, lui dirent
qu'ils n'étaient pas préparés à se battre en rase compagne. Attaqués par les
Français, ils se défendaient cependant avec courage, lorsqu'à la vue des
bannières de Louis et des braves guerriers qui l'entouraient, ce roi, naguère
plein d'ardeur pour le combat, fut saisi d'une terreur panique, jeta ses
armes et traversa la Loire sur une barque pour fuir plus vite. Les
Anglais-Poitevins, apprenant la retraite de leur suzerain, se débandèrent de
toutes parts, coururent sur ses traces à travers la campagne et tentèrent de
franchir le fleuve. Plusieurs milliers d'entre eux, surchargés par le poids
de leurs armures, périrent dans les eaux. Les Français s'élancent aussitôt à
la poursuite de l'ennemi, l'atteignent sur les bords de la Loire, frappent de
leurs massues, de leurs glaives, de leurs lances, et tuent un grand nombre de
ceux qui cherchaient un asile dans les cavernes et les lieux solitaires. Parmi
les nobles poitevins restés morts sur le champ de bataille, on compta Pains,
seigneur de Rochefort, puissant par ses vassaux, illustre par ses aïeux, dont
le château inexpugnable n'avait pas voulu se soumettre au roi Philippe ;
Hugues de Limoges, que les serfs et les vilains avaient surnommé le Brun,
noble de nom et de naissance, et possesseur d'immenses richesses[3]. Les vainqueurs s'emparèrent
des pierriers, des mangonneaux, de toutes les machines de guerre dressées
contre les remparts de la Roche-aux-Moines, et se retirèrent chargés de précieuses
dépouilles. « Des calices d'or, des vases d'argent, les brillants vêtements
des seigneurs, des ornements teints en écarlate et recouverts d'étoffes de
soie, beaucoup de pièces de monnaie fabriquées avec des métaux resplendissants,
les tentes du roi tissues en fil de diverses couleurs, des vases de cuisine,
des mortiers en cuivre, des plats de composition d'or et d'argent, des
chaudières de bronze, enfin des armes répandues çà et là dans les champs,
tombèrent entre les mains avides du peuple et furent enlevés aussitôt. » Louis
et ses chevaliers traversèrent la Loire sur des bateaux venus de tous les
ports voisins et se mirent à la poursuite de Jean sans Terre. Emporté par une
fuite rapide, le biche monarque s'était déjà réfugié derrière les murs de
Parthenay en Poitou. Il y resta clans l'inaction, n'osant plus tenir la
campagne et reparaître devant les Français. Le fils de Philippe ne put
l'atteindre ; mais il parcourut avec son armée tout le pays qui avait
accueilli le roi anglais, recouvra presque toutes les places dont il s'était
emparé et y laissa de fidèles garnisons. Sa colère tomba principalement sur
la châtellenie de Thouars, qu'il ravagea par le fer et la flamme, et sur la
capitale de l'Anjou, trop souvent portée à changer de maître. Il en rasa les
murailles, et fit rentrer sous la domination de son père toutes les
dépendances du comté d'Angers. Les étrangers qu'il y trouva et qui avaient
soutenu le parti de Jean fut chargés de fers. Quant aux indigènes, le prince
leur accorda la paix, à condition que désormais ils demeureraient constamment
attachés aux intérêts de la France. Tandis
que Louis, son fils aîné, portait ses armes dans le Midi, triomphait du roi
d'Angleterre, qui se retirait sur les côtes de l'Océan pour y attendre les
résultats de l'invasion projetée avec ses alliés, Philippe-Auguste se
dirigeait vers le Nord, où la guerre devait prendre un caractère plus
imposant que sur les rives de la Loire. Il avait devancé ses rivaux et
convoqué tous ses vassaux avant que les confédérés eussent pu se mettre en
mouvement. Le rendez-vous général de l'armée de France était à Péronne. C'est
là qu'emportés par un irrésistible élan de nationalité, se rassemblèrent
autour de l'oriflamme, mystérieuse bannière enlevée à la châsse des martyrs
qu'elle ombrageait, la vaillante chevalerie, le puissant baronnage et les
milices des bourgeois appelées de chaque ville, de chaque bourgade et de
chaque manoir par le tocsin bondissant dans les beffrois de toutes les
communes. Déjà
l'empereur Othon avait assis son camp sur les bords de l'Escaut et à
Mortagne. Mais comme cette ville ne pouvait contenir toutes les forces
féodales qui se rendaient sous le gafanon de leur suzerain, les autres chefs
placèrent leurs tentes de jonc et de paille dans des lieux plus éloignés. Les
uns se protégeaient contre le soleil ou la pluie, seulement par des branches
d'arbres ; les autres s'emparaient des cabanes dans les campagnes, après en
avoir chassé les habitants. Sur la
frontière même de la Flandre était campé le duc de Brabant, Henri, tout. à la
fois beau-père d'Othon et gendre de Philippe-Auguste. Il commandait à mille
lances que lui avait fournies le Brabant, dont le peuple est terrible dans
les combats et accoutumé au maniement des armes. Derrière
ce premier camp s'étendaient les chevaliers des deux Lorraines, hommes à
l'air simple, mais à l'esprit rempli de finesse et de fourberie, sortis de la
belle et fertile contrée située entre le pays des Gaules et celui des
Teutons, de ces lieux où la Moselle, voisine de la Meuse, arrose de ses eaux
limpides les villes de Toul, de, Metz et de Trèves. Henri
III, duc de Limbourg et sire des Ardennes, conduisait de nombreux soldats,
habiles tireurs d'arbalètes ; mais son fils Galerand n'avait point suivi les
étendards de l'Empereur, il avait embrassé la cause du roi de France. Les
lourds gens d'armes de la Saxe marchaient avec leur duc Albert. C'est avec
orgueil qu'ils voyaient Othon, leur compatriote, élevé à l'Empire ; aussi
étaient-ils tous prêts à verser leur sang pour sa défense. Les enfants de la
Westphalie et des contrées que baigne la Rœr obéissaient à Conrad, sire de
Dortmund. Le Tecklembourg avait envoyé le comte Othon, et le pays d'Utrecht
Guillaume le Velu, comte de Frise et de Hollande, dont les hardis et barbares
chevaliers se promettaient le pillage du plantureux pays de France. Un parent
du roi, Philippe de Courtenay, comte de Namur, encore à la fleur de l'âge,
avait aussi amené son contingent aux confédérés. Ce prince devait recevoir
plus tard de la main du pape le diadème impérial, sans parvenir à s'asseoir
sur le trône de Constantinople. Hugues de Boves, préférant l'exil aux
douceurs de la paix, conduisait les bandes nombreuses des routiers endurcis
aux armes ; il était étroitement uni au comte de Boulogne, que la
confiscation de ses fiefs et châtellenies avait empêché de faire ses
convocations féodales. Quatre-vingt-dix
mille Anglais, chevaliers, archers, hommes des communes et servants de
bataille, avaient débarqué sur les côtes de Flandre ; ils attendaient avec
impatience le moment d'inonder la France de leurs épais bataillons, et de
venger les défaites successives du fils de Henri II. Le
comte de Flandre avait réuni sous ses bannières tous ses chevaliers possédant
fiefs et châtellenies et, les courageuses milices des communes d'Ypres, de
Gand, de Lille, de Bruges, d'Oudenarde et de Courtrai, et les Belges et les Blavotins
furieux, et les terribles Isengrins. Ces villes et ces peuples n'avaient
point oublié la dévastation de leur pays par le roi de France et les
châtiments qu'ils en avaient reçus l'année précédente, en retour de leurs
fautes. Les'
forces réunies des confédérés s'élevaient, selon les chroniqueurs, à plus de
deux cent mille combattants ; elles étaient suivies d'un grand nombre de
chariots, parmi lesquels plusieurs étaient remplis de cordes et de chaînes
destinées aux vaincus. Malgré l'infériorité numérique de son armée, Philippe,
ainsi qu'il avait été décidé au parlement de Soissons, n'attendit pas
l'attaque, et le lendemain de la Madeleine (26 juillet) il se mit en mouvement, quitta
Péronne et entra dans la Flandre, portant partout le fer et la flamme, sans
que les alliés essayassent de l'arrêter. Il était campé sous les remparts de
Tournay, lorsque les ennemis partirent des environs de Mortagne, où ils
s'étaient rassemblés, et débouchèrent par Courtrai, Mons et Lille, afin de l'envelopper.
Ils s'arrêtèrent à deux lieues des Français et hésitèrent quelque temps à
prendre l'offensive. Le roi proposa d'aller les attaquer ; mais son conseil
l'en dissuada, vu la situation avantageuse de leur camp et la supériorité de
leurs forces. Leduc de Brabant, qui ne se trouvait qu'à regret dans les rangs
de la ligue, l'avait d'ailleurs informé, par un courrier, de la difficulté
des chemins, que d'épaisses plantations de saules et un marais fangeux
rendaient impraticables aux chevaux et aux chariots. Il fut donc ordonné
qu'on retournerait en arrière et que l'on prendrait la route du Hainaut, afin
d'obliger les confédérés de quitter leur camp pour voler à la défense de
cette province. Instruit de ce mouvement, l'Empereur s'imagina que les
Français s'abandonnaient à la fuite, et voulut qu'on les poursuivît en ordre
de bataille (27 juillet). Pendant
que les troupes de Philippe-Auguste défilaient par la route de Lille et que
les ennemis s'avançaient avec précipitation, Guérin, frère profès de
l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem et évêque de Senlis, homme rempli de
prudence et de valeur, s'écarta du gros de l'armée, à la tête de trois mille
sergents à cheval et arbalétriers. Suivi du vicomte de Melun, il alla
examiner quelle était la marche des confédérés. Du haut d'un tertre il
aperçut une multitude de soldats qui se répandaient avec ardeur dans la
plaine ; il lui était impossible de les embrasser d'un seul coup d'œil ;
l'éclat des boucliers le disputait à celui des astres, les casques répétaient
la lumière du soleil, et le balancement des gonfanons agitait l'air. Alors
Guérin dit au vicomte de Melun : « Ils viennent, croyant ne pouvoir nous
atteindre assez vite au gré de leurs désirs ; toi, reste ici, pour mieux
reconnaître leurs mouvements et leurs intentions, tandis que j'irai prévenir le
roi, qui n'a confiance qu'en moi. » A la
nouvelle que l'ennemi s'avançait en masse, Philippe-Auguste donna l'ordre de
s'arrêter et manda les barons afin de prendre leur conseil. Ils dirent qu'il
ne fallait pas songer à livrer bataille un jour-de dimanche, qui n'était pas
destiné à répandre du sang, que les confédérés n'oseraient pas violer par une
bataille le saint temps de repos, et voulurent que l'on continuât le chemin.
Comme le roi adopta cet avis, on chevaucha jusqu'à un petit pont nommé le
pont de Bouvines, entre le lieu appelé Sanghin et la ville de Cisoing. Déjà
la plus grande partie des troupes avait passé ce pont, qui traverse la
rivière de Marque. Le roi, fatigué de la marche, s'était désarmé et se
reposait un peu sous l'ombrage d'un frêne, près d'une petite chapelle dédiée
à monseigneur saint Pierre, lorsque arrivèrent haletants deux messagers de
l'arrière-garde, criant à merveilleux cris que l'ennemi venait, que le
vicomte de Melun et les hommes légèrement armés étaient en grand péril, et
qu'ils ne pourraient soutenir longtemps la vive attaque des confédérés. A ces
mots le roi se leva, entra dans la chapelle, et après une courte prière il
sortit, se fit armer hâtivement, et monta à cheval d'un air tout joyeux,
comme s'il eût été convié à une noce ou à quelque fête. Les hérauts d'armes
criaient de toutes parts dans la plaine : « Aux armes, barons ! aux armes ! »
Les trompettes et les clairons commencèrent à retentir, et les chevaliers,
qui avaient déjà passé le pont, à revenir sur leurs pas. On rappela
l'oriflamme de Saint-Denis, qui devait marcher en avant de toutes les autres
bannières au front de la bataille. Mais, comme elle tardait, on ne l'attendit
point ; le roi partit à grande course de cheval et se plaça à la première
ligne, de sorte qu'il n'y avait personne entre lui et les ennemis. Othon
et les siens parurent surpris et effrayés de la subite volte-face des
Français ; ils firent un mouvement, se replièrent sur la droite et
s'étendirent vers l'ouest ; ils couvraient la partie la plus élevée de la
plaine, au nord de l'armée du roi, de sorte qu'ils avaient devant les veux le
soleil, qui ce jour-là était plus ardent qu'il n'avait été précédemment.
Philippe déploya ses troupes au midi de celles de l'ennemi, front à front, le
soleil à dos, sur une ligne de mille quarante pas de long, à peu près égale à
celle des confédérés. Au centre et au premier front se tenait le roi, près
duquel étaient rangés côte à côte Guillaume des Barres, Barthélemi de Roie,
Gauthier le Jeune, Pierre de Mauvoisin, Gérard Latruie, Étienne de Longchamp,
Guillaume de Mortemar, Jean de Rouvray, Guillaume de Garlande, Henri comte de
Bar, et beaucoup d'autres qu'il serait trop long d'énumérer, tous gens de
cœur et dont plusieurs s'étaient unis par un serment solennel pour défendre
jusqu'à la mort la personne du roi. A la droite du champ on distinguait Eudes
duc de Bourgogne, le comte de Beaumont, et Gaucher de Châtillon, comte de
Saint-Pol, l'un des plus grands capitaines de son siècle, le vicomte de Melun
et l'évêque de Senlis, Guérin, à qui Philippe avait confié le soin de ranger
les bataillons. L'avant-garde, devenue l'aile gauche, était sous les ordres
des comtes de Dreux et d'Auxerre, premiers princes du sang. Le comte de Dreux
s'était placé en face de Renaud de Boulogne et des Anglais, contre lesquels
il nourrissait une ancienne haine. Armé de toutes pièces, le belliqueux
évêque de Senlis visitait avec rapidité les uns et les autres, les
encourageait à combattre vigoureusement pour l'honneur de la patrie et du
roi, et à se souvenir de leurs ancêtres, qui, victorieux dans tous les
combats, avaient toujours détruit les ennemis, et surtout à prendre garde que
l'armée des confédérés, plus nombreuse, ne cherchât à les envelopper. «
Seigneurs chevaliers, leur criait-il, le champ est grand : élargissez vos
rangs ; ordonnez-vous en telle sorte que vous puissiez combattre tous
ensemble et tous sur un même front. » L'aile
gauche de l'armée ennemie était conduite par le comte de Flandre, l'aile
droite par les comtes de Salisbury et de Boulogne. Othon, couvert d'or et
revêtu des ornements impériaux, se tenait de même au centre de son armée, où
flottait son étendard entouré de faisceaux d'armes et traîné sur un char dont
la surface resplendissait d'or. On voyait un aigle de bronze doré, d'une
grandeur prodigieuse, tenant dans ses serres un dragon se gonflant de la
queue et des ailes, montrant ses dents horribles et tournant vers les
Français sa gueule béante. Au moment d'en venir aux mains, le roi, parcourant
les rangs, adressa ce bref et simple discours à ses barons et à toute l'armée
: « En Dieu est placé tout notre espoir et notre confiance. Le roi Othon et
tous les siens sont excommuniés par notre seigneur le pape ; ils sont les
ennemis de la sainte Église et les destructeurs de ses biens. Les deniers qui
paient leur solde, ils les ont enlevés aux clercs, aux églises et aux pauvres
de Dieu, dont les plaintes élevées jusqu'aux cieux les forceront à succomber
sous nos coups. Mais nous, quoique pécheurs, nous jouissons de la communion
de l'Église, avec laquelle nous sommes en paix et qui nous assiste de ses
prières, et nous défendons, selon notre pouvoir, les libertés du clergé.
Ayons donc courage et confiance en la miséricorde de Dieu, qui nous donnera
la victoire sur nos ennemis et les siens[4]. » De longues acclamations
accueillirent ces paroles du roi, auquel les chevaliers demandèrent sa
bénédiction. Alors Philippe éleva la main, pria Dieu de les bénir tous ; puis
les trompettes sonnèrent. Au premier bruit des instruments militaires, le
chapelain du roi, Guillaume le Breton, qui nous a donné une description fort
détaillée de cette bataille, et qui se tenait derrière lui, et un autre
clerc, entonnèrent ensemble le psaume Béni soit le Seigneur mon Dieu, qui
instruit mes mains au combat, et continuèrent jusqu'à la fin. Ils chantèrent
ensuite : Que Dieu se lève, jusqu'à la fin ; puis, Seigneur, en ta vertu le
roi se réjouira, jusqu'à la fin, aussi bien qu'ils purent ; car les larmes
s'échappaient de leurs yeux et les sanglots se mêlaient à leurs chants[5]. Cent
cinquante sergents d'armes à cheval, tirés du corps des milices de Soissons,
tous roturiers eurent la gloire d'engager la grande bataille de Bouvines.
Animés d'une courageuse ardeur, ils se précipitent audacieusement sur les
nobles hommes de Flandre et de Germanie, qui se trouvaient vis-à-vis d'eux.
Ceux-ci demeurèrent d'abord immobiles à leur poste, honteux d'être attaqués
par des sergents et non par des chevaliers. Mais lorsqu'ils se virent
pressés, leurs chevaux blessés et renversés par ces intrépides bourgeois de
Soissons, ils les chargèrent avec furie, les démontèrent et les tuèrent
presque tous. Délivrés de cette poignée d'hommes, les orgueilleux Flamands
vinrent provoquer les barons de France, et l'un d'entre eux, Eustache de
Maquilin, d'illustre origine, s'avance au milieu de la plaine, suivi de ses
nombreux compagnons, et, d'une voix superbe, s'écrie à plusieurs reprises :
Mort aux Français ! Déjà de
tous côtés retentissait le bruit horrible des clairons, quand Michel des
Harmes sort des rangs et se précipite contre Eustache, qui continuait à crier
: Mort aux Français ! et lui transperce son bouclier. Eustache fond sur son
adversaire, le presse et cherche à le frapper de sa lance ; il atteint le
cheval, qui tombe et roule avec son maitre. Alors Hugues de Malaune, Pierre
de Reims, et la troupe des Champenois, et le comte de Beaumont, et le comte
de Sancerre, et Gauthier de Châtillon, et Matthieu de Montmorency, volent au
secours du brave chevalier. Le comte Ferrand s'élance avec ses milliers
d'escadrons pour s'opposer à leurs rudes coups, et bientôt l'aile droite des
Français et la gauche des confédérés sont aux prises. L'ordre de bataille est
rompu, les rangs se mêlent, le combat s'engage corps à corps, les lances se
brisent, les glaives et les poignards se heurtent, et les haches d'armes
levées se promènent sur les hauts cimiers ; mais le fer ne peut atteindre les
guerriers lors même qu'au milieu de cet effroyable tourbillon d'hommes et de
chevaux ils sont renversés dans la poussière, « tant ils ont couvert leurs
membres de plis de fer, et enfermé leur poitrine sous des cuirasses, des
pièces de cuir, et d'autres sortes d'armures. » Cependant
Michel des Harmes se relève de dessous son cheval avec l'aide de ses
compagnons, remonte sur un nouveau coursier qu'il rencontre privé, comme
beaucoup d'autres, de son maître, et se jette encore sur Eustache de Maquilin
; il le serre dans ses bras vigoureux, lui enlève son casque, et après lui
avoir découvert le visage et la gorge, afin d'ouvrir un passage à son glaive,
il le frappe en disant : « Reçois la mort que ton orgueil promettait aux
Français. » Au milieu des cris de carnage et de sang, un jeune chevalier de
Flandre, Buridan, s'écriait, comme s'il se fût diverti dans un joyeux tournoi
: Que chacun se souvienne maintenant de sa dame. II fut bientôt fait
prisonnier ainsi que Gauthier de Ghistelle. Le duc de Bourgogne, transporté
de fureur, agitait son glaive d'un bras agile parmi les épais bataillons de
la Flandre et du Hainaut. Mais, tandis que clans l'excès de son audace il
renverse tous ceux qui s'offrent à ses coups, et qu'il se jette, tête
baissée, sur les ennemis, son fidèle coursier, percé de mille glaives et
affaibli par l'effusion de son sang, tombe et entraîne son noble maître dans
sa chute. Malgré ses efforts et sa valeur, le duc eût péri si une troupe de
Bourguignons ne se fût empressée de lui porter secours. Comme ses vassaux le
priaient de prendre quelque repos : « Il n'en sera rien, leur répondit-il
j'ai perdu le destrier qui me conduisait à l'ennemi, mon honneur exige que je
cherche à le venger. » Il dit, et s'élance de nouveau dans les rangs des coalisés. Aussitôt
les chevaliers flamands volent à sa rencontre avec non moins d'ardeur. Les
Bourguignons suivent leur seigneur, et comme lui ils se signalent par un
courage à toute épreuve. Des deux côtés les combattants s'engagent sur toute
la plaine, et se pressent tellement qu'il leur est difficile de se servir de
leurs armes. Ce fut une rude bataille. Vous eussiez vu dans cette épaisse
mêlée les vêtements de soie attachés au haut des armures pour faire
reconnaître chaque chevalier à des signes certains, frappés et déchirés en
mille lambeaux par les flèches, les masses, les lances et les glaives. Le
comte de Saint-Pol se faisait remarquer au milieu de ses illustres compagnons
par des exploits presque incroyables. En hutte aux soupçons du roi, qui se
défiait d'un grand nombre de ses barons, il avait déclaré à l'évêque de
Senlis qu'il s'allait montrer un bon traître. « Semblable à l'épervier
qui disperse les canards effrayés, » il chasse devant lui tous ceux qu'il
rencontre. Le glaive à la main, il s'ouvre un passage à travers les rangs
ennemis, écarte ceux qui le serrent de près à droite et à gauche, et répand
de tous les côtés la terreur et la mort. Épuisé de fatigue, le comte s'était
retiré un peu à l'écart des batailles, lorsqu'il vit un de ses fidèles arrêté
et fait prisonnier par les Flamands ; alors, baissant la tête et embrassant
le cou de son cheval d'Ibérie, il se précipite de nouveau dans la mêlée, et
arrive auprès de son chevalier. Au même instant il se redresse, tire son
épée, disperse les ennemis qui l'entourent et le frappent à la fois d'une
douzaine de lances, sans qu'aucune puisse le blesser, grâce à la bonté de ses
armes, délivre le prisonnier et le ramène avec lui sain et sauf. Après
trois heures de combat et plus, les gens de Flandre, sur lesquels avait pesé
tout le faix de la bataille, se montraient moins animés, et le comte Ferrand
lui-même, au milieu du désordre d'une armée à demi vaincue, voyait se
dissiper ses flatteuses espérances. Il soutint cependant jusqu'à l'extrémité
l'honneur de la journée. Haletant et couvert de blessures, il se traînait à
peine, lorsqu'il fut aperçu par Hugues de Mareuil et Gilles d'Athies. Ces
deux chevaliers coururent aussitôt vers lui, et le comte accepta la lutte.
Mais, abattu à terre et navré de mainte grande plaie, il leur remit son épée,
se rendit à discrétion et fut lié avec beaucoup de Flamands, ses chevaliers.
Tous ceux qui suivaient sa bannière, le voyant prisonnier, prirent la fuite,
furent tués ou pris. Les
plus grands efforts des alliés furent dirigés vers le centre de bataille, où
étaient revenues en toute hâte les légions des communes qui avaient dépassé
le pont de Bouvines, et voulaient participer à la gloire de cette journée.
Toutes ces milices, et principalement les bourgeois de Corbie, d'Amiens,
d'Arras, de Beauvais, de Compiègne, accoururent au commencement de l'action
avec l'oriflamme de Saint-Denis au milieu d'elles, outre-passèrent les
batailles (escadrons)
de chevaliers, et se mirent devant le roi à l'encontre d'Othon et de ses
hommes, près de l'enseigne royale au champ d'azur et semé de fleurs de lis
d'or, que portait Galon de Montigny, chevalier d'une fortune médiocre, mais
d'une valeur éprouvée. Malgré leur courage, les légions des communes furent
aisément écartées par les hommes d'armes d'Othon, et des deux côtés la
noblesse en vint aux mains. Les Allemands, bardés de fer, attaquaient les
Français avec fureur, et s'efforçaient de pénétrer jusqu'au roi ; mais
Guillaume des Barres et tous les chevaliers préposés à sa garde lui firent un
rempart de leurs corps. Philippe,
pour qui tout le monde tremblait, ne put cependant souffrir l'inaction à
laquelle on semblait vouloir le condamner. Impatient de combattre, il se jeta
l'épée à la main dans la mêlée, et en dépit des efforts de ses chevaliers,
qui s'exposaient aux plus grands périls et dont cent vingt périrent sous ses
yeux, il fut bientôt environné et vivement pressé par les gens de pied.
Tandis qu'il se défendait avec une indomptable valeur, qu'il immolait les
plus audacieux, quelques-uns d'entre eux passèrent derrière lui et le
trébuchèrent jusqu'à terre de son cheval avec des lances et des crocs de fer
; son excellente armure l'empêcha seule d'être tué. A la vue du roi renversé
et foulé aux pieds des chevaux, Pierre Tristan et Galon de Montigny se
précipitèrent au-devant de lui pour le garantir. Le dernier élevait et
agitait l'étendard royal, afin d'avertir l'armée du danger que courait le
suzerain et d'appeler secours. En même temps ils écartaient à grands coups d'épée
tous ceux qui osaient l'approcher. Le sire de Boulogne, animé d'une
inconcevable fureur, s'élançait cependant vers lui pour l'achever, lorsqu'un
respect dont il ne fut pas le maître, et qui glaça son courage, arrêta son
bras prêt à frapper. Il tourna ses armes d'un autre côté et alla se mesurer
avec le comte de Dreux. Au
moment où Galon de Montigny donnait le signal de détresse, Guillaume des
Barres, le digne successeur des Renaud et des Roland, tenait Othon par son
heaume et lui portait des coups terribles. Il était sur le point de s'emparer
de l'Empereur, lorsqu'on entendit crier : Aux Barres ! aux Barres ! secours
au roi ! Il riche aussitôt sa noble proie, vole au secours de Philippe et
arrive au corps de bataille avec les milices des communes. Le preux chevalier
se porte alors en avant et dissipe les ennemis, « faisant si grande place à
l'entour, que l'on y pouvoit mener un char à quatre roues, tant il
éparpilloit et abattoit de gens devant lui[6]. » Déjà le roi avait été
dégagé, et il s'était élancé sur le cheval de Pierre Tristan. Devenu par sa
chute plus terrible encore et plus dangereux, il se jeta de nouveau sur
l'ennemi avec une foule de chevaliers rassemblés autour de lui par le péril
auquel il venait de s'exposer et l'honneur de combattre sous ses yeux. Pendant
ce temps, d'éclatantes actions se passaient à l'aile gauche, aux prises avec
l'aile droite des coalisés. Là étaient Renaud de Boulogne et bon nombre de
routiers du Brabant. Tantôt le bras du comte était armé d'une énorme lance de
frêne, tantôt il maniait le poignard de miséricorde ou brandissait sa longue
épée. Le brillant cimier de son casque agitait dans les airs une double
aigrette en fanons de baleine, bizarre ornement qui relevait encore sa haute
taille. A ses côtés marchaient Hugues de Boves, Arnould d'Oudenarde, le comte
de Salisbury et l'élite des chevaliers anglais. Du côté des Français
s'avancent, pour combattre cette troupe vaillante, le belliqueux évêque de
Beauvais, que Renaud accusait d'être l'auteur de son exil de la cour de
France, Thomas de Saint-Valery, à la tête des gens de Gamaches et du Vimeux,
les fils de Robert et le comte de Ponthieu. Ces guerriers, rejetant la lance
et tirant le glaive, se chargèrent avec fureur, et la mêlée devint si
épaisse, que l'aile gauche ne tarda pas à se confondre avec le corps de
bataille. Othon, rempli de fureur, y promenait sa terrible hache d'armes et
la faisait retomber de ses deux mains sur les Français. Il renversait les
uns, blessait les autres, sans pouvoir briser entièrement leurs forces ni porter
l'effroi dans leurs âmes. Il cherchait le roi Philippe, afin de se mesurer
avec lui, et Philippe, à son tour, s'efforçait de l'atteindre et ne formait
d'autre vœu que de pouvoir le rencontrer seul à seul. Guillaume, seigneur de
Longchamp, dont la taille est gigantesque et la force encore plus grande, le
précède ; une longue épée à la main, il fait un horrible carnage parmi les
Saxons. Mais tandis qu'il frappe sans prendre un instant de repos tous ceux
qui lui résistent, un homme de Flandre lui lance son bâton pointu comme le
fer d'une alèse ; il passe à travers les ouvertures du casque qui transmettent
les rayons de la lumière. Blessé mortellement, Guillaume tombe de cheval et
rend le dernier soupir. Le
chevalier des Barres entreprend aussitôt de venger sa mort ; méprisant des
ennemis trop faibles et trop faciles à vaincre, il se jette dans la bataille
et se dirige vers l'endroit où flottait l'étendard impérial. Othon devient à
son tour le but de toutes les attaques des plus braves chevaliers français.
Pierre de Mauvoisin est déjà parvenu jusqu'à lui ; il saisit son cheval par
la bride et s'efforce en vain de le tirer hors de la presse. Au même instant
accourt Gérard Scropha ; il porte à Othon un grand coup de coutelas dans le
milieu de la poitrine, mais sa pesante armure de fer repousse la pointe aiguë
des épées, Gérard redouble furieux ; alors le cheval de l'Empereur, levant la
tête, reçoit à travers l'œil, et jusqu'à la cervelle, l'estocade destinée à
son maître. L'animal, forcené de douleur, se cabre, emporte violemment Othon
hors de la mêlée, et tombe mort à quelque distance en le faisant rouler avec
lui dans la poussière. Mais l'un de ses fidèles, Girard de Hostmar, arrive en
toute hâte, lui donne son coursier et le protège de son corps. L'Empereur
remonte en selle, ne retourne point au combat, à l'exemple de Philippe, son
noble rival ; passant d'une extrême confiance à l'excès de la crainte, il se
met à fuir loin du champ de bataille. Pendant
ce temps, Girard se précipite au-devant de l'intrépide des Barres et l'arrête
un instant dans sa marche. Mais des Barres a vu Othon ; il s'élance à sa
poursuite et ne lui donne aucun repos. Enfin l'agile chevalier atteint le
fugitif ; il saisit le derrière de son armure, au-dessus de ses larges
épaules, enfonce sa main vigoureuse entre le casque et le cou. Tandis qu'il
s'efforce de détacher le casque de la tête, afin de lui couper la gorge avec
son poignard, Guillaume le Velu, comte de Frise, Girard de Renderadt, Othon
de Tecklenbourg, le chevalier de Dortmund et une troupe de Saxons arrivent au
secours de l'Empereur. Tous leurs efforts réunis ne peuvent triompher de
Guillaume des Barres ; alors ils plongent leurs glaives dans les flancs du
coursier qui le porte, et parviennent de cette manière à dégager de ses mains
opiniâtres leur seigneur exposé au plus grand danger. Ainsi délivré, Othon
prend de nouveau la fuite, abandonnant son aigle et son char impérial.
Furieux de voir sa proie lui échapper, des Barres se raffermit sur ses pieds
au milieu des chevaliers qui l'enveloppent ; il se débat comme un lion,
frappe tour à tour de son poignard ou de son épée, et résiste de toute la
vigueur de son courage à leurs impétueux efforts. Il se défendait depuis
longtemps seul contre tous, et déjà il avait abattu une foule d'ennemis,
quand parut le sire de Saint-Valery, suivi de deux mille hommes de pied. Le
petit nombre de chevaliers allemands qui restaient encore furent entourés, et
des Barres, s'élançant sur un cheval, poussa en avant, et les eut bientôt
dispersés. Mais tous ne se sauvèrent pas impunis ; car les Français firent
successivement prisonniers Guillaume le Velu, Conrad le Westphalien, Girard
de Renderadt, le comte de Tecklenbourg, le seigneur d'Ostemale et beaucoup
d'autres chevaliers distingués par leur noblesse. Les rangs du parti d'Othon
commencèrent à s'éclaircir : les ducs de Brabant et de Limbourg, que la force
seule avait attachés à ses intérêts, et qui dans le fond de leur cœur
penchaient pour le roi, se hâtèrent de l'imiter et se retirèrent en
diligence. Alors le camp des Impériaux devint une déroute : l'étendard
d'Othon fut pris, le dragon brisé, et l'aigle d'or, que les Allemands avaient
regardé comme le présage de leur triomphe, déposé aux pieds de Philippe, les
ailes arrachées et rompues. Dans
l'endroit seul où combattaient le comte de Boulogne et les Anglais, la
victoire se montrait encore indécise. Ils avaient d'abord vivement assailli
les gens de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux, et leur avaient fait
éprouver quelque perte. A ce spectacle, l'évêque de Beauvais, frère du comte
de Dreux, ne put modérer son impatiente ardeur, et poussa droit au comte de
Salisbury, prince doué d'une force prodigieuse et d'une rare bravoure. Dans
la crainte de contrevenir aux saints canons qui défendaient aux
ecclésiastiques de verser le sang, il ne se servait ni de la lance ni de
l'épée ; mais il tenait à la main une massue de fer avec laquelle il
assommait tous les hommes assez hardis pour s'approcher à la portée de son
bras redoutable. Il frappa le général des Anglais sur le sommet de la tête,
brisa son casque et lui fit mesurer la terre de toute la longueur de son
corps. L'évêque avait auprès de lui un châtelain du nom de Jean, sire de
Nivelle ; il lui commanda d'arrêter Salisbury prisonnier et de recevoir la
récompense de ce fait d'armes. Il en renversa ensuite beaucoup d'autres avec
la même massue et contraignit à la fuite les plus vaillants, auxquels la vue
de leur comte enchaîné avait inspiré un sentiment d'effroi. Le fameux chef
des routiers, Hugues de Boves n'eut
pas honte de tourner le dos. Il avait dit avant le combat au comte de
Boulogne, qui montrait le danger d'attaquer au milieu de la plaine les
Français, dont il connaissait la bravoure et les exploits : « Tu fuiras comme
un lièvre timide ; pour moi, je resterai mort ou chargé de fers. » Hugues se
laissa néanmoins entraîner dans la déroute, et Renaud ne quitta point le
champ de bataille ; il avait disposé une troupe de sergents à pied en un
double cercle hérissé de longues piques : c'était de cette formidable
enceinte qu'il s'élançait pour répandre la mort dans les rangs des Français.
Était-il vivement poursuivi, ou voulait-il prendre un instant de repos, il y
trouvait un asile sûr, inaccessible aux chevaliers, dont la plupart avaient
brisé leurs lances. Enfin le roi, voulant se délivrer de ce corps
d'intrépides combattants, envoya contre lui trois mille piquiers français.
Ceux-ci jetèrent bientôt le désordre dans ces rangs pressés, les enfoncèrent
et en firent un horrible carnage. La
perte de son asile, le fracas des armes, les cris des mourants et des fuyards
qui retentissent dans la plaine, excitent la fureur de Renaud et le rendent
plus redoutable. Accompagné de six chevaliers demeurés fidèles à leur
seigneur lige, il se rua en désespéré au milieu des escadrons du roi. Devant
le comte fuyaient des troupes entières, lorsque son cheval, blessé à mort,
s'abattit sous lui. Dans ce moment un homme des communes accourt, le poignard
de miséricorde à la main, et cherche un défaut dans l'armure pour y plonger
le fer. Il n'en trouve pas ; mais, ayant coupé les fils d'argent qui
retenaient le casque, il écarte les deux fanons de haleine, arrache le
casque, marque d'une large blessure le front du comte mis à découvert,
ensanglante son beau visage et le menace de lui couper la gorge. Renaud lui
résiste encore de la main et s'efforce de repousser la mort. Par bonheur pour
lui, survient Guérin, l'évêque de Senlis. « Sire évêque, lui crie Renaud, ne
permettez pas que je sois ainsi assassiné ; ne souffrez pas que ce maudit
sergent se puisse réjouir d'être l'auteur de ma mort. » Guérin lui répondit :
« Il n'en sera pas ainsi, noble comte ; » et il ordonna au sergent de se
retirer. Il fit ensuite relever le blessé, dont le visage et les membres
étaient inondés de sang, et l'aida, aux applaudissements de tous, à remonter
à cheval. L'évêque le confia ensuite à la garde de Jean de Nivelle, le
chargeant d'aller offrir au roi cet agréable présent[7]. Tous
les chevaliers ennemis étaient tués, prisonniers ou en déroute ; cependant
sept cents fantassins brabançons, enrôlés sous la bannière du comte de
Salisbury, paraissaient encore disposés à se défendre. Thomas de Saint-Valery
se précipita sur cette troupe belliqueuse avec cinquante chevaliers et deux
mille hommes de pied, les enfonça, les rompit et les força de se sauver en
désordre. Il en avait massacré le plus grand nombre. Les joyeuses fanfares
des trompettes et des clairons annoncèrent alors aux Français leur victoire.
Telle fut la fin de la mémorable journée de Bouvines, dont le souvenir est
demeuré à juste titre si national, et dans laquelle le peuple prouva qu'il
devait compter pour quelque chose dans les nobles destinées de la France.
Ainsi fut vaincue et dissipée la plus redoutable armée qui eût paru dans
l'Occident depuis un siècle, après une lutte de six heures et des événements
si différents. De cette armée dont les chefs s'étaient partagé la France,
trente mille hommes restèrent, dit-on, sur le champ de bataille, et cinquante
mille entre les mains des vainqueurs. Malgré
leur fatigue, les Français ne songèrent plus qu'à ramasser du butin. Celui-ci
se plaît à s'emparer d'un coursier ; d'autres enlèvent dans les champs les
armes abandonnées ; l'un s'empare d'un bouclier, l'autre d'un glaive ou d'un
casque, un troisième de vêtements et d'armures. Plus heureux encore sont ceux
qui prennent quelques-uns de ces chars remplis de vases d'or, ck toutes
sortes d'ustensiles et de vêtements en soie. Chacun de ces chars, porté sur
quatre roues, est surmonté d'une chambre qui ne diffère en rien de la chambre
nuptiale d'une nouvelle mariée : tant ces chambres tressées en osier brillant
renferment dans leurs vastes contours d'effets, de provisions de bouche et de
précieux ornements ! A peine seize chevaux attelés peuvent-ils suffire pour
enlever les dépouilles dont ils sont chargés. Quant au char sur lequel Othon
avait dressé son dragon, il tombe sous les coups de la hache, et ses débris
deviennent la broie des flammes. Le roi ne voulut point faire servir l'aigle
à son triomphe ; il le fit restaurer et l'envoya au compétiteur d'Othon, à
Frédéric II, auquel il dut apprendre que les faisceaux de l'Empire passaient
entre ses mains par une faveur du Ciel[8]. Comme
la nuit approchait, les barons abandonnèrent ce vaste théâtre de carnage, sur
lequel plana bientôt le silence de la mort. Quand ils furent rentrés sous
leurs tentes, le roi manda par-devant lui tous les nobles hommes faits
prisonniers durant la bataille. On compta cinq comtes : Ferrand de Flandre,
Renaud de Boulogne, Guillaume de Salisbury, Othon de Tecklenbourg et Conrad
de Dortmund ; vingt-cinq seigneurs portant bannières, et beaucoup d'autres
revêtus de l'ordre de chevalerie. Philippe leur accorda à tous la vie,
quoique ceux qui étaient ses hommes liges fussent coupables et dignes de la
mort. Ils furent chargés des fers qu'ils destinaient aux Français, placés sur
(les charrettes, pour être conduits sous bonne garde en diverses prisons. Le
roi envoya Renaud à Péronne, où il fut plongé dans un cachot obscur de la
tour et garrotté avec des chaînes de fer entrelacées ensemble avec une
merveilleuse habileté, et si courtes, qu'il pouvait à peine faire un
demi-pas. Philippe donna le général des Anglais, Guillaume Longue-Épée, au
comte de Dreux, afin qu'il l'échangeât avec son fils Robert, pris à Nantes et
retenu depuis longtemps en prison au-delà de la mer. Quant à Ferrand, il le
traîna enchaîné à sa suite. La
France salua d'un long frémissement de joie la victoire de Bouvines. Partout
éclatèrent les transports les plus vifs, partout le retour du roi offrit le
spectacle d'une marche triomphale. « En tous les lieux où s'étend le sol de
notre vaste royaume, qui contient dans son sein tant de bourgs, tant de
châteaux, tant de villes, tant de comtés, tant de duchés, dans toutes ces
provinces soumises à tant d'évêques, dont chacun administre la justice dans
son diocèse, et fait publier ses édits dans d'innombrables domaines, toute
cité, tout village, ressent avec la même ardeur les joies d'une victoire
commune. Sur tous les points du royaume on n'entend résonner que les mêmes
acclamations ; toutes les bouches célèbrent à la fois la gloire, l'honneur du
roi ; partout les clairons retentissent et proclament hautement les
sentiments publics ; chevaliers, citoyens, habitants des champs, tous
brillent sous des vêtements de soie, de lin très-fin ou de pourpre. Les
flambeaux de cire ne cessent de briller et chassent les ténèbres ; la nuit,
subitement transformée en jour, resplendit d'éclat et de lumière[9]. Les clercs chantaient par les
églises doux chants en louanges de Notre-Seigneur ; les cloches sonnaient à
carillon par les abbayes et par les églises ; les moutiers étaient
solennellement ornés dedans et dehors de draps de soie ; les rues et les
maisons des bonnes villes étaient vêtues et parées de riches garniments
; les voies et les chemins étaient jonchés de rameaux d'arbres verts et de
fleurs nouvelles[10]. Sur le
passage de la pompe triomphale, où l'on voyait flotter l'oriflamme de
Saint-Denis et l'étendard royal mêlés aux bannières des communes, tout le
peuple, petits et grands, hommes et femmes, vieux et jeunes, accouraient en
grande compagnie ; les vilains et les moissonneurs s'assemblaient, leurs râteaux
et leurs faucilles sur les épaules (car c'était au temps de la récolte des
blés), pour contempler Ferrand enchaîné. Le comte, à l'égard duquel
s'accomplissait d'une si triste manière la prophétie faite à la vieille
Mathilde sa tante, était placé sur une litière traînée par deux chevaux bais,
que dans la langue populaire on nommait aussi ferrands. Les vilains,
les vieilles et les enfants l'accablaient de leurs sanglantes railleries et
riaient aux éclats de voir deux ferrands emporter un troisième ferrand,
et Ferrand bien enferré. Philippe-Auguste
entra dans Paris au son des cloches et des instruments de guerre, revêtu de
ses ornements royaux et traîné sur un char magnifique, au milieu des joyeuses
acclamations des bourgeois et de tous les écoliers de l'université, qui
étaient allés à sa rencontre. Ils célébrèrent sa victoire par des chants et
des hymnes d'allégresse, et firent une fête sans égale. « Les écoliers
dépensèrent moult en festins et bombances, » et les réjouissances publiques
durèrent sept jours et sept nuits. Pendant ce temps, les milices communales,
dont la valeur avait jeté un si vif éclat pendant la bataille, remirent leurs
prisonniers au prévôt de Paris ; plus de cent chevaliers, sans compter les
petites gens, étaient tombés entre leurs mains. De ces nobles hommes, les uns
furent conduits dans les diverses prisons du royaume, les autres renfermés au
grand et au petit Châtelet, sous la surveillance des archers du roi. Philippe
en donna un certain nombre aux communes, comme récompense de leurs services.
Il ordonna d'emprisonner dans la tour du Louvre le pauvre Ferrand, qui
s'était flatté de l'espoir d'entrer en triomphe à Paris. Après quoi, voulant
que la postérité conservât à jamais le souvenir d'une si glorieuse victoire,
il fonda en dehors des murailles de la cité de Senlis une abbaye dite de la
Victoire, sous l'invocation de saint Victor de Paris, et la dota de grands
biens et de nombreux privilèges. La
journée de Bouvines, une des journées mémorables de notre histoire, fut un
événement national. Toutes les classes du peuple français, même le clergé,
eurent leurs représentants sur le champ de bataille. Ses résultats furent
immenses. Cette victoire porta au plus haut degré l'ascendant moral de la
France ; baptême de la gloire pour la royauté, elle l'affermit, elle resserra
son alliance avec les communes, sanctionna la sentence des pairs contre le
roi Jean et les récentes conquêtes de Philippe, donna pour l'avenir une
terrible leçon à la féodalité, dont l'indépendance venait de succomber, et
confondit à jamais les espérances des princes qui avaient rêvé le
démembrement de la France. Après
les fêtes destinées à célébrer son triomphe, le roi se rendit en toute bitte
dans le Poitou avec ses chevaliers, afin de réprimer l'insubordination des
vassaux des provinces méridionales et d'achever l'œuvre commencée par le
prince Louis. La présence du vainqueur de Bouvines suffit pour ramener à son
parti presque tous les seigneurs que Jean sans Terre en avait détachés. Par
la médiation de Pierre Mauclerc, duc des Bretons, il les reçut à foi et
hommage, ainsi que le vicomte de Thouars, dont il avait d'abord résolu de se
venger. Il ne lui manquait pour couronner ses succès que d'investir le roi
d'Angleterre dans Parthenay, où la nouvelle de la défaite des confédérés
l'avait accablé de douleur et rempli de crainte. Il se trouvait alors dans
une triste position, à dix-sept milles seulement du camp des Français, entre
les mains desquels Dieu semblait vouloir le livrer. Il résolut d'obtenir la
paix, et envoya son favori, le comte de Chester, à Philippe, pour entamer des
négociations. Comme ce monarque était peu disposé à épargner un ennemi
irréconciliable, Jean ne crut pouvoir échapper au danger qu'en interposant
l'autorité du pape, dont il se disait le vassal. Le légat intervint, et alors
le roi montra une modération inattendue : satisfait des avantages durables qu'il
avait obtenus, il consentit à une trêve de cinq ans, moyennant le paiement de
60.000 livres sterling. Chaque parti dut garder ses prisonniers et rentrer
dans les limites antérieures à l'invasion du prince anglais : ainsi le roi de
France conservait toutes ses conquêtes. Les comtes de Flandre et de Boulogne ne purent obtenir du vainqueur des conditions aussi favorables. La cour des pairs prononça la confiscation de leurs seigneuries, et le roi, malgré toutes les instances des parents de Renaud, ne voulut point lui donner la liberté. Il assura même la possession de Boulogne et de Calais à Philippe son fils, né d'A gués de Méranie, par le mariage de ce prince avec la fille du comte. Il traita la Flandre avec moins de rigueur. La comtesse Jeanne, s'étant rendue à Paris, accompagnée des principaux châtelains du pays, se jeta aux pieds du roi, et lui demanda avec larmes et soumission de briser les fers de son époux, et l'assura qu'il paierait ce bienfait par une éternelle fidélité. Philippe se laissa fléchir, accorda mainlevée de la confiscation, et consentit à recevoir rançon pour le comte Ferrand et les autres prisonniers, en stipulant toutefois que les forteresses de Valenciennes, d'Ypres, d'Oudenarde et de Cassel seraient détruites aux propres frais des habitants, et que les fortifications de toutes les autres villes de Flandre ne pourraient être augmentées sans son consentement. Jeanne accepta ces dures conditions, auxquelles les Flamands refusèrent d'obéir ; et comme elle n'aimait pas son mari, elle ne réclama pas l'exécution de la parole royale, et Ferrand resta encore plus de douze ans prisonnier. Son allié Othon ne pouvait lui être d'aucun secours. Abandonné de ses partisans après sa honteuse défaite, qui avait été le triomphe du pape, il s'était retiré dans son duché héréditaire de Brunswick. Il y vécut obscurément trois à quatre ans encore, gardant jusqu'à la fin les insignes de l'Empire, mais ne songeant plus à inquiéter la France ou à défendre ses prétentions à la couronne contre son heureux compétiteur. |
[1]
La Philippide, chant Xe.
[2]
Chronique de Saint-Denis. — La Philippide, chant Xe.
[3]
Chronique de Saint-Denis. — La Philippide, chant Xe.
[4]
Chronique de Saint-Denis. — La Philippide, chant Xe.
[5]
Guillaume le Breton, Vie de Philippe-Auguste.
[6]
Chronique de Saint-Denis.
[7]
La Philippide, chant XIe. — Chronique de Saint-Denis.
[8]
La Philippide, chant XIe.
[9]
La Philippide, chant XIIe.
[10]
Chronique de Saint-Denis.