SOMMAIRE : Proscription des remontrances courageuses du parlement. — États généraux de 1588, meurtre des Guises. — Insurrection de Paris, fédération municipale coutre la royauté. — Alliance du parti royal et du parti calviniste. — Assassinat de Henri III ; Henri de Bourbon reconnu pour roi. — États généraux de la Ligue. — Henri IV dans Paris ; son caractère. — Sa politique intérieure et extérieure. — État des classes roturières à la fin du XVIe siècle. De l'état de société secrète pour la défense du catholicisme la Ligue avait passé à l'état de parti révolutionnaire préludant, par la négation des droits de l'héritier présomptif du trône, à de futures attaques coutre le roi. Sa première démonstration hostile eut lieu en 1585. Une armée fut rassemblée, et plusieurs provinces se soulevèrent au nom du cardinal de Bourbon, oncle du roi de Navarre, se disant premier prince du sang parce qu'il était prince catholique[1], et ayant derrière lui le duc de Guise, véritable chef de la révolte[2]. Henri III était sommé respectueusement, mais sous peine de guerre avec la France orthodoxe, d'accomplir le vœu des états généraux, la réunion de tous ses sujets au culte catholique romain. Il céda, et le traité conclu avec les révoltés fut accompagné d'un édit qui révoquait tous les édits de pacification accordés jusque-là aux calvinistes[3]. L'exercice de tout autre culte que la religion catholique était défendu sous peine de mort. Les ministres devaient sortir du royaume dans le délai d'un mois, et les autres protestants dans le délai de six mois, sous la même peine. Cette proscription fut encore aggravée, et un nouvel édit, imposé par le parti ligueur, réduisit de six mois à quinze jours le délai assigné aux religionnaires pour abjurer ou quitter la France[4]. Tous les biens des réfractaires et de quiconque les assisterait directement ou indirectement devaient être saisis et appliqués aux frais de la guerre que le roi allait recommencer avec toutes ses forces unies aux forces de la Ligue. Ainsi s'ouvrit la plus longue et la plus sanglante des guerres civiles du siècle, celle dont Henri IV porta le poids pendant dix ans avec une constance héroïque. Elle fut inaugurée en quelque sorte par une bulle d'excommunication qui le déclarait déchu de tout droit à la couronne de France, et qui annulait à son égard, pour le présent et pour l'avenir, tout devoir et tout serment de fidélité[5]. A la question de tolérance d'un nouveau culte se mêlait, dans ce débat à main armée, la question de suprématie temporelle du pape sur le royaume ; une même attaque était dirigée contre le principe humain de la liberté de conscience et contre le principe national de l'indépendance de la couronne, et la majorité des Français, par haine de l'un, semblait prête à sacrifier l'autre. Mais, dans cet égarement général, il restait encore des
yeux pour voir à quel abîme on marchait, et des consciences pour le dire. Ce
fut des sommités du tiers état, de la haute magistrature, que vint, comme un
cri d'alarme, la protestation du bon sens et du patriotisme. Le 18 juillet
1585, lorsque Henri HI alla en personne au parlement pour y faire lire et
publier son premier édit de proscription, la cour n'inscrivit l'acte sur ses
registres qu'après de vives remontrances ; trois mois plus tard, quand vint
le second édit, et qu'avec sa promulgation fut requis, par une insigne
lâcheté du roi, l'enregistrement de la bulle qui déclarait déchu de ses droits
l'héritier légitime du trône, il y eut de nouvelles remontrances plus pressantes
et plus énergiques. Sire, disait la cour
suprême dans un langage digne du chancelier de l'Hôpital, le crime que vous avez voulu châtier est attaché aux
consciences, lesquelles sont exemptes de la puissance du fer et du feu...
Quand tout le parti des huguenots serait réduit à
une seule personne, il n'y aurait nul de nous qui osât conclure à la mort
contre elle, si son procès ne lui était solennellement fait, et si elle n'était
dûment atteinte et convaincue de crime capital et énorme. Qui sera-ce donc
qui, sans forme de justice aucune, osera dépeupler tant de villes, détruire
tant de provinces, et convertir tout ce royaume en un tombeau ? Qui osera
prononcer le mot pour exposer tant de millions d'hommes, femmes et enfants, à
la mort, sans cause ni raison apparente, vu qu'on ne leur impute aucun crime
que d'hérésie, hérésie encore inconnue ou pour le moins indécise, hérésie
qu'ils ont soutenue contre les plus fameux théologiens de votre royaume, en
laquelle ils sont nés et nourris depuis trente ans par la permission de Votre
Majesté et du feu roi votre frère[6]... Quant à la bulle du pape, à cette sentence de mort civile prononcée par le Saint-Siège au nom de son droit divin de juridiction sur tous les princes[7], le parlement la signalait avec indignation comme un attentat contre la souveraineté du roi et l'indépendance du royaume. Il rappelait au faible Henri III l'exemple de ses devanciers et la tradition de ceux qui avaient en garde le dépôt des lois du pays. Nous ne trouvons point, disait-il, par nos registres ni par toute l'antiquité, que les princes de France aient jamais été sujets à la justice du pape, ni que les sujets aient pris connaissance de la religion de leurs princes[8]. N'osant porter au roi le reproche de lâcheté, il se l'adressait à lui-même pour sa connivence avec l'erreur de ceux qui s'étaient flattés d'amener les protestants à renoncer à leur culte, et d'abattre ce parti sans une grande effusion de sang. Il déclarait que c'était assez de honte pour lui que d'avoir prêté son ministère à la révocation de tant d'édits solennellement jurés ; que son obéissance, pour ne pas devenir stupidité, s'arrêterait là ; et il terminait sa remontrance par ces graves et nobles paroles : Faites nous cette grâce, Sire, de reprendre en vos mains les états dont il a plu à Votre Majesté et aux rois vos prédécesseurs de nous honorer, afin que vous soyez délivré des importunes difficultés que nous sommes contraints de faire sur de tels édits, et nos consciences dé- chargées de la malédiction que Dieu prépare aux mauvais magistrats et conseillers... Il est plus expédient à Votre Majesté d'être sans cour de parlement que de l'avoir inutile, comme nous sommes, et il nous est aussi plus honorable de nous retirer privés en nos maisons, et de pleurer en notre sein les calamités publiques avec le reste de nos concitoyens, que d'asservir la dignité de nos charges aux malheureuses intentions des ennemis de votre couronne[9]. Cet avertissement fut inutile au roi comme à la nation ; personne ne savait plus où se reprendre : les uns étaient aveuglés de fanatisme, d'autres séduits par les promesses des ambitieux, d'autres enlacés dans les réseaux d'une association dont la puissance dominait celle de l'État. Vingt-cinq ans de guerre civile n'avaient pas suffi pour briser la fougue des passions, et donner à tous la leçon suprême, celle de la nécessité. Jamais la cause de la liberté de conscience n'avait paru si complètement perdue ; elle se soutint par l'héroïsme que le désespoir inspira aux bandes protestantes. Leur chef, Henri de Navarre, contraint de combattre pour son droit en même temps que pour sa religion, fit des prodiges de courage et d'habileté dans cette œuvre double qui semblait ne pouvoir aboutir qu'à des situations incompatibles. Modéré autant qu'intrépide, il avait toujours le mot de paix à la bouche et dans le cœur ; après la victoire la plus complète[10], il ne demandait rien que le rétablissement des anciens édits de tolérance. De son côté, le chef de la Ligue, aidé de la faveur populaire, poursuivait rapidement l'exécution du plan hardi qu'il avait conçu : s'emparer des conseils du roi et avoir la main sur sa personne, le garrotter par l'intervention des états généraux, être une sorte de maire du palais jusqu'au moment d'usurper le trône sous ombre de volonté nationale. Henri III, tenu en échec par cette fortune grandissant toujours, ne savait qu'hésiter ou plier ; le sentiment de sa dignité perdue le torturait parfois, mais ne le relevait pas ; incapable de faire un noble effort, il cédait sans fin[11], se réservant le dernier recours des lâches, la trahison et l'assassinat. Tels sont les éléments dont se composa l'un des plus grands drames de notre histoire, celui qui rend célèbre l'année 1588, qui s'ouvre à Paris par l'émeute des barricades, et se dénoue aux seconds états de Blois par le meurtre du duc et du cardinal de Guise. La convocation des états généraux de 1588 fut un acte du roi contre lui-même. Cette assemblée, venue à la suite d'une émeute victorieuse, et représentant, non fa France entière, mais la France exclusivement catholique, eut pour mission et pour but de fonder la prédominance des états sur le pouvoir royal[12]. Il y a deux parts dans son histoire, l'une qui précède, l'autre qui suit l'assassinat des Guises et l'arrestation de plusieurs députés des trois ordres[13]. Dans la première de ces deux époques, les états, ayant le tiers à leur tête, soutiennent contre le roi une lutte de principes sur la question de la souveraineté ; ils déclarent qu'ils veulent procéder par résolution et non par supplication ; ils attribuent aux seuls édits faits avec leur concours le titre de lois fondamentales. Malgré la retenue de leurs paroles et leur apparente soumission à l'ancien ordre monarchique, ils menacent la royauté d'en constituer un tout nouveau, de la mettre en tutelle permanente sous la représentation nationale, et de déléguer pour le présent cette tutelle au chef de la Ligue. La seconde époque, où l'assemblée se débat entre la crainte et la colère, ne présente, au lieu de cette hostilité agressive, qu'une opposition d'inertie sous laquelle couve, dans le cœur de chacun, l'impatience d'être congédié pour se rendre sur un terrain propice à la rébellion ouverte[14]. Ce fut le tiers état qui joua ici le premier rôle ; il était la puissance du jour ; il prit l'initiative des propositions hardies envers la royauté, ou violentes contre les huguenots. Son cahier renferme les demandes suivantes : que les ordonnances faites à la requête des états soient déclarées immuables, et n'aient pas besoin d'être vérifiées en cour de parlement ; que pour tout autre édit, les cours souveraines aient toute liberté de remontrances, et ne soient jamais forcées d'enregistrer[15] ; que les parlements ne puissent vérifier aucun édit, sans qu'auparavant il ait été communiqué aux procureurs-syndics des états, dans les pays d'états, et que toutes les provinces du royaume puissent élire à cet effet des procureurs-syndics ; qu'il n'y ait plus de levées d'argent, pour quelque cause et sous quelque forme que ce soit, sans le consentement des états généraux[16] ; que les hérétiques soient punis selon les ordonnances de François Ier et de Henri II, et que des mesures rigoureuses soient prises contre les fauteurs d'hérésie ; que le roi de Navarre soit déclaré incapable de succéder à la couronne, et que tous ses biens soient confisqués[17]. Parmi les demandes qui ne tenaient rien des passions du moment, on peut noter celles-ci, renouvelées pour la plupart du cahier de 1576 et de celui de 1560 : le rétablissement des élections ecclésiastiques, malgré le concordat de François Ier, le maintien scrupuleux de l'élection pour les emplois de judicature, la poursuite d'office contre les seigneurs coupables d'exactions sur les habitants de leurs domaines, la restitution du droit de justice civile aux corps municipaux, l'égalité des poids et mesures[18]. En général, les propositions du tiers état se distinguent moins fortement qu'autrefois de celles des deux autres ordres ; on voit qu'il y a, sur beaucoup de points, parité de sentiments et d'idées. De plus, le cahier de 1588 n'offre pas, en ce qui regarde le droit et l'administration, la même abondance d'objets que les cahiers de 1560 et 1576[19], soit que deux réunions d'états, si près l'une de l'autre, eussent laissé peu de choses nouvelles à voir et à conseiller, soit que les élus du tiers état ligueur aient été, par cela même, plus remplis du besoin d'action immédiate que du sens réfléchi d'où procède le travail d'analyse en matière de législation. Après le meurtre du duc de Guise, Henri III, délivré en idée, s'était écrié : Maintenant je suis roi ! Il croyait avoir frappé de mort toute la Ligue ; il fut bientôt détrompé. Pendant qu'il perdait le temps à faire devant les états des harangues et des apologies, l'insurrection provoquée par son crime éclatait à Paris, et se propageait d'une ville à l'autre. Bientôt des provinces entières furent entraînées dans ce mouvement, et, de la Picardie à la Bretagne, de la Bretagne à la Provence, une fédération municipale s'organisa contre la royauté. Le projet de gouvernement révolutionnaire conçu par les comités de la Ligue fut exécuté sous l'empire de passions ardentes jusqu'à la frénésie, exaltées jusqu'au dévouement[20]. On tournait les yeux vers les cantons suisses, et l'on parlait de se constituer en république à leur exemple[21] ; la démocratie parisienne, maîtresse du parlement par un coup d'État, supprimait le nom du roi dans les actes judiciaires, et nommait de sa propre autorité un lieutenant général du royaume[22]. Cependant, au lieu d'agir et de monter à cheval, Henri III, retombé dans sa mollesse, expédiait du château de Blois des proclamations inutiles et des ordres qui ne parvenaient pas ; entouré par la révolte, comme par un cercle de fer qui se resserrait de plus en plus, il se trouva enfin réduit à n'avoir en sa puissance que les deux rives de la Loire, entre Tours et Beaugency. Alors il prit une résolution qui donnait la mesure de sa détresse ; il fit, sous le nom de trêve, un pacte d'alliance avec le prince qu'il avait déshérité et proscrit, et il mit sa couronne sous la garde des religionnaires dont il s'était fait gloire de poursuivre l'extermination[23]. Quatre mois après le meurtre du chef de la Ligue, Henri de Valois et Henri de Bourbon eurent, au Plessis-lez-Tours, une entrevue où ils scellèrent, en s'embrassant, l'union du parti royal et du parti calviniste. Leurs deux armées n'en formèrent plus qu'une seule, qui bientôt se porta vers Paris, où la Ligue était maîtresse, et d'où elle agissait sur les provinces. Arrivés sous les murs de la ville, qui fut frappée de terreur à leur approche, les rois campèrent, l'un, celui de France, à Saint-Cloud, l'autre, celui de Navarre, à Meudon. Les apprêts du siège étaient terminés à la fin de juillet, et l'assaut devait avoir lieu le 2 août ; mais Henri III ne vit pas ce jour. Il fut tué d'un coup de couteau par un jeune moine dominicain poussé au régicide par son fanatisme ligueur, des prédications furieuses, d'adroites manœuvres et la consternation qu'il voyait régner dans Paris[24]. Ainsi la Ligue rendit à Henri III crime pour crime, et le même coup vengea sur lui l'assassinat des Guises et les meurtres de la Saint-Barthélemy. Du reste, ce prince eut une mort qui rachetait jusqu'à un certain point les faiblesses de son règne, il n'hésita pas à ce dernier moment sur ses devoirs de roi et de patriote ; il voulut jeter les fondements de la réconciliation nationale. Il fit appeler le roi de Navarre, et lui dit : Mon frère, la couronne est vôtre après que Dieu aura fait sa volonté de moi. Puis, s'adressant aux princes et aux nobles qui entouraient son lit, il leur commanda de jurer au successeur légitime obéissance et fidélité ; tous, mettant le genou en terre, firent ce serment[25]. Ce fut le 4 août 1589, qu'après avoir signé la promesse de maintenir sans altération la religion catholique[26], Henri de Bourbon fut solennellement reconnu pour roi par les chefs de l'armée royale, et ce fut le mars 1594, que, vainqueur de la Ligue et devenu lui-même catholique, il entra militairement dans Paris. Il fallut plus de quatre années de combats, une constance à toute épreuve et une admirable prudence, des victoires signalées et une transaction décisive[27], pour que le principe du droit héréditaire, allié aux intérêts de l'indépendance nationale, prévalût contre l'association du principe de l'orthodoxie avec les doctrines de la souveraineté du peuple. On sait quelles furent les vicissitudes de cette grande lutte, soutenue intrépidement de part et d'autre devant l'opinion publique, et dont cette opinion était à la fois le juge et le prix. Au-dessus des événements variés qui en marquent le cours, il y a un fait qui domine, c'est le retour graduel de la bourgeoisie à l'esprit de tolérance de 1560, avec plus de réflexion, avec la maturité de jugement que donnent l'expérience et le malheur. A mesure que le prince réduit à être conquérant de son propre royaume gagnait une de ces victoires glorieuses d'humanité autant que d'héroïsme, le zèle fanatique perdait du terrain, et, abandonnant les classes moyennes de la nation, se retirait dans les classes inférieures. C'est en elles que se prolongèrent le sombre enthousiasme et l'énergie des premiers jours de la lutte, ce sont elles qui, par un régime de compression et de terreur, imposèrent à Paris la prodigieuse patience avec laquelle cette grande cité souffrit les fatigues et les misères d'un siège de quatre ans ; elles enfin qui, livrées en aveugles au protectorat du roi d'Espagne, donnèrent le monstrueux spectacle d'un parti démocratique qui n'était pas un parti national. La Ligue avait eu la prétention de transporter la royauté et de la rendre, au moins une fois, élective ; elle échoua dans ce dessein, et ne réussit qu'à empêcher le roi héréditaire de régner, tant qu'il ne fut pas catholique. Son dernier acte d'autorité fut une convocation d'états généraux faite sans mandement royal. Indiquée et ajournée plusieurs fois depuis l'année 1590, cette assemblée révolutionnaire, qui se disait nationale et sur laquelle pesaient le patronage et l'ambition de l'Espagne, se réunit enfin à Paris le 28 janvier 1593[28]. Les députés qui y vinrent en petit nombre[29] ne tardèrent pas à se trouver en face de l'intérêt étranger se couvrant de l'intérêt de la foi catholique pour demander avec hauteur le sacrifice des lois fondamentales et de l'indépendance du pays. Ils eurent à entendre successivement trois propositions du roi d'Espagne : la première, de reconnaître pour reine par droit de naissance l'infante Isabelle sa fille, petite-fille de Henri II[30] ; la seconde, qu'un prince du sang impérial, fiancé à l'infante[31], fût élu pour roi ; la troisième, que l'infante épousât un prince français, et que tous les deux fussent déclarés conjointement propriétaires de la couronne[32]. En dépit de leurs obligations envers l'Espagne et du besoin que l'union catholique avait de son assistance, les députés ligueurs se sentirent Français, et rougirent à de pareilles demandes. Ils repoussèrent les deux premières propositions, et éludèrent la troisième, en disant que l'heure n'était pas venue de procéder à l'élection d'un roi[33] ; ils ne firent rien, et ce fut tout leur mérite. Mais le parlement, ou, pour mieux dire, les membres de cette cour qui, par zèle d'orthodoxie ou par crainte de la Ligue, étaient demeurés dans Paris[34], osèrent davantage. Faisant acte de souveraineté à la face des états et contre eux, ils rendirent une sentence qui déclarait nul tout acte fait ou à faire pour l'établissement de prince ou princesse étrangers, et protestèrent qu'ils mourraient tous plutôt que de rompre ou de changer cet arrêt[35]. Un mois après, en abjurant le calvinisme dans la basilique de Saint-Denis, Henri de Bourbon écarta l'obstacle que les mœurs nationales opposaient à ce qu'il fût roi de fait comme il l'était de droit, et bientôt les états de la Ligue, s'éteignant d'eux-mêmes, laissèrent libres toutes les voies légales à l'occupation du trône[36]. Henri IV, c'est l'Hôpital armé ; sa victoire fut, après trente-quatre ans d'hésitation publique, de tentatives prématurées et de violents retours en arrière, celle des principes de l'immortel chancelier de Charles IX. Le roi qui délivra les consciences de l'oppression religieuse et le pays de l'influence étrangère fut un de ces grands réparateurs venus après les grands désordres, pour relever les ruines amoncelées, et faire germer les semences de bien éparses parmi les décombres. Une fois qu'il eut conquis la paix an dedans et au dehors, douze ans lui suffirent pour effacer la trace des guerres civiles, renouveler la face du pays par une prospérité toujours croissante, et fonder sur de nouvelles bases la politique nationale. Il avait une intelligence universelle, un esprit souple et pénétrant, des résolutions promptes et une fermeté inébranlable dans ce qu'il avait résolu. A la sagesse des hommes pratiques, à cet instinct qui va droit à l'utile et au possible, qui prend ou rejette sans prévention et sans passion, au commandement le plus absolu, il joignait la séduction des manières et une grâce de propos inimitable. Ses hautes vertus mêlées d'étranges faiblesses ont fait de lui un type unique de roi à la fois aimable et imposant, profond de sens et léger de goûts, plein de grandeur d'Ame et de calcul, de sympathies populaires et d'orgueil de race, et toujours, et avant tout, patriote admirable. Il y a trois choses dans l'œuvre du vainqueur de la Ligue : l'établissement définitif de la liberté de conscience et de l'état civil des dissidents, la restauration et le progrès de tout ce qui constitue la richesse publique, enfin la conception d'une politique française, fondée sur le maintien des nationalités et l'équilibre des puissances européennes. Aucun des anciens édits de tolérance n'avait eu le caractère de loi perpétuelle ; c'étaient des actes provisoires, des traités de paix conclus dans l'attente d'une réunion des deux cultes par un concile général ou national. Or, les deux cultes n'avaient pu ni se fondre ensemble, ni se détruire l'un l'autre ; il fallait que leur séparation et avec elle leurs droits respectifs fussent proclamés et sanctionnés par un décret irrévocable. Tel fut l'objet du célèbre édit signé à Nantes le 15 avril 1598, et auquel cette ville a donné son nom. Résumant les édits antérieurs dans leurs dispositions essentielles et vraiment praticables, il garantit, d'une part, aux personnes l'entière liberté de conscience, de l'autre, aux religions, des privilèges limités pour chacune d'elles selon la mesure de ses forces et sa situation dans le pays[37]. Par cette transaction dernière entre la justice naturelle et la nécessité sociale, les réformés obtinrent définitivement le droit d'habiter dans tout le royaume sans être astreints à faire aucune chose contre leur conscience ; l'admissibilité à tous les emplois publics avec dispense à l'entrée en charge de toute cérémonie et forme de serment contraire à leur culte ; le droit de n'être jugés que par des tribunaux mi-partis de protestants et de catholiques ; celui de publier des livres de leur religion, de fonder des collèges, écoles et hôpitaux, et avec cela, d'être admis comme étudiants dans les universités et les autres écoles du royaume, ou, comme pauvres ou malades, dans les anciens hospices. L'exercice privé du nouveau culte fut déclaré libre pour chaque famille, mais l'exercice public n'en fut permis que dans les lieux où l'avait autorisé l'édit de 1577, avec une ville de plus ou un moindre lieu par bailliage[38]. Cette charte de droits qui transportait à l'État l'unité dont le privilège avait, depuis tant de siècles, appartenu à l'Église, devint, sous le fils et le petit-fils de Henri IV, la loi civile des deux cultes rivaux. Elle les régit dans une paix, sinon sincère du moins apparente, jusqu'au jour où elle fut brisée par un vertige du pouvoir royal, qui, ramenant, après quatre-vingt-onze ans de tolérance, le fanatisme et les proscriptions du mie siècle, imprima une tache ineffaçable sur l'un des plus grands règnes de notre histoire[39]. A part l'édit de Nantes et une loi remarquable contre le duel[40], toute la législation de Henri IV roule sur des matières d'économie publique, et là sa passion du bien-être général, son intelligence des conditions de prospérité pour le pays, son génie créateur et l'activité de son esprit se montrent d'une façon merveilleuse. On sait quel nom l'histoire associe au sien dans une gloire commune, celle d'avoir fait renaître et développé avec une énergie alors sans exemple les forces productives de la France. Maximilien de Béthune, marquis de Rosny, duc de Sully, créé surintendant des finances en 1596[41], fut l'homme d'action qui, dans cette entreprise où les obstacles étaient sans nombre, mit une volonté intrépide et une persévérance à toute épreuve au service de la pensée du roi. Premier ministre en fait sinon en titre, il porta la réforme et la vie dans toutes les branches de l'administration. Non-seulement il releva les finances de l'abîme où les avait fait descendre l'énorme déficit du dernier règne[42], augmenté par cinq ans d'anarchie et par les capitulations d'argent au prix desquelles avait eu lieu la soumission des grands de la Ligue, non-seulement il remplit de nouveau le trésor vide, mais, remontant jusqu'aux sources de la richesse publique, il les agrandit et les multiplia. L'agriculture, encouragée avec un zèle qui gagna la noblesse elle-infime, prit un essor inconnu jusque-là ; toutes les parties de l'aménagement du sol, les eaux et les bois, le défrichement des terrains vagues, le desséchement des marais, furent l'objet de mesures qui provoquaient, par imitation, de grandes entreprises particulières. La protection du gouvernement s'étendit à tous les genres de manufactures, et l'industrie de la soie fut propagée dans tout le royaume. En lame temps des sommes considérables étaient employées aux routes, aux ponts, aux levées, au creusement de canaux navigables, et le dessein de faire communiquer l'une avec l'autre les deux mers qui baignent la France s'élaborait dans les entretiens du grand roi et du grand ministre[43]. S'il faut admirer à l'intérieur l'esprit d'ordre, de suite et de progrès qui caractérise le gouvernement de Henri IV, ses plans de politique extérieure sont peut-être encore plus dignes d'admiration. Il entreprit à la fois de préserver la France du danger continuel dont la menaçait la prépondérance de la maison d'Autriche, et de lui faire à elle-même une situation prépondérante, en reconstituant l'Europe d'après un nouveau principe, celui de l'indépendance et de l'équilibre des États. Le système de balance politique réalisé un demi-siècle plus tard par le traité de Westphalie fut une création de sa pensée ; il le conçut dès l'abord sous des formes idéales qui le passionnaient, mais que son sens pratique lui faisait regarder comme secondaires, et dépendantes de ce qui, dans l'exécution, serait possible ou opportun[44]. La mort le surprit au moment où il allait partir pour commencer la guerre colossale dont le succès devait aplanir le terrain sur lequel il voulait édifier. Le crime d'un fanatique fit descendre dans la tombe, avec le roi martyr de la liberté de conscience, de vastes desseins qui, encore secrets et seulement mesurés par la grandeur des préparatifs, tenaient, d'un bout de l'Europe à l'autre, les esprits en suspens, et remplissaient les imaginations d'une attente mystérieuse. Quand on arrive à cette triste page de notre histoire, quand on relit la fin soudaine et violente d'une si noble vie et d'une si grande destinée, il est impossible de ne pas s'arrêter ému, de ne pas ressentir, à la distance de plus de deux siècles, quelque chose de l'angoisse des contemporains, qui virent tout à coup la France tomber, par la mort d'un seul homme, de l'ordre dans le chaos, de l'énergie politique dans l'affaissement, de la liberté d'action dans les entraves qu'apporte aux États l'influence de l'étranger. Le règne de Henri IV est une de ces époques décisives où finissent beaucoup de choses et où beaucoup de choses commencent. Placé sur la limite commune de deux grands siècles, il recueillit tous les fruits du travail social et des expériences de l'un, et jeta dans leur moule toutes les institutions que devait perfectionner l'autre[45]. La royauté, dégagée de ce que le moyen âge avait laissé de confus dans son caractère, apparut alors clairement sous sa forme moderne, celle d'une souveraineté administrative, absolue de droit et de fait jusqu'en 1789, et, depuis, subordonnée ou associée à la souveraineté nationale. Alors se réglèrent d'une manière logique les départements ministériels, et leurs attributions s'étendirent à tout ce que réclament les besoins d'une société vraiment civilisée. Alors enfin le progrès de la nation vers l'unité s'accéléra par une plus grande concentration du pouvoir, et le progrès vers l'égalité civile par l'abaissement dans la vie de cour des hautes existences nobiliaires, et par l'élévation simultanée des différentes classes du tiers état. Trois causes concoururent à diminuer pour la haute bourgeoisie l'intervalle qui la séparait de la noblesse : l'exercice des emplois publics, et surtout des fonctions judiciaires, continué dans les mêmes familles, et devenu pour elles comme un patrimoine par le droit de résignation[46] ; l'industrie des grandes manufactures et des grandes entreprises qui créait d'immenses fortunes, et ce pouvoir de la pensée que la renaissance des lettres avait fondé au profit des esprits actifs. En outre, la masse entière de la population urbaine avait été remuée profondément par les idées et par les troubles du siècle ; des hommes de tout rang et de toute profession s'étaient rapprochés les uns des autres dans la fraternité d'une même croyance et sous le drapeau d'un même parti. La Ligue surtout avait associé étroitement et jeté pêle-mêle dans ses conseils l'artisan et le magistrat, le petit marchand et le grand seigneur ; l'union dissoute, les conciliabules fermés, il en resta quelque chose dans l'âme de ceux qui retournèrent alors à la vie de boutique ou d'atelier : un sentiment de force et de dignité personnelle qu'ils transmirent à leurs enfants. Quant à la population des campagnes, elle parait, au XVe siècle, généralement affranchie de la rude et humiliante condition du servage ; ses obligations envers les propriétaires du sol s'étaient fixées et modérées de plus en plus, et, dès la fin du XVe siècle, son admission à une part de droits politiques avait marqué par un signe frappant le progrès accompli dans sa condition civile. Dès lors en effet, à chaque convocation d'états généraux, il y eut des assemblées primaires, composées des habitants de toutes les paroisses, et concourant, par leurs délégués, à la formation des cahiers et à l'élection des députés du tiers état. Les délégués de chaque paroisse dressaient le cahier de ses doléances et le portaient au chef-lieu du bailliage cantonal ; là, réunis aux délégués du chef-lieu, ils élisaient des personnes chargées de fondre en un seul cahier les doléances des paroisses et de les porter à la ville siège du bailliage supérieur, où de nouveaux délégués, élus de la même manière et réunis aux mandataires de la ville, rédigeaient, par une nouvelle compilation, le cahier provincial de l'ordre plébéien, et nommaient ses représentants aux états généraux[47]. Cette innovation, qui date de l'assemblée de 1484, fit désormais un seul corps politique de toutes les classes du tiers état, et mit fin à la tutelle officieuse que les députés des bonnes villes avaient exercée jusque-là en faveur des gens du plat pays[48]. Ceux-ci se trouvèrent en possession du droit de parler pour eux-mêmes, et c'est d'eux que venaient directement les remontrances qui les concernent dans les cahiers de 1484, 4560, 1576 et 1588[49]. Pour revenir à la bourgeoisie, ce noyau du tiers état, sa condition, si on l'observe depuis le XIVe siècle, présente la singularité de deux mouvements contraires, l'un de progrès, l'autre de décadence. Pendant que les emplois judiciaires et administratifs, le commerce, l'industrie, la science, les lettres, les beaux-arts, les professions libérales et les professions lucratives l'élevaient en considération, et créaient pour elle, sous mille formes, des positions importantes, ce qui dans l'origine avait fait sa force et son lustre, la liberté municipale déclinait rapidement. La législation du XVe siècle avait enlevé aux magistrats des villes l'autorité militaire, celle du XVIe leur enleva la juridiction civile, restreignit leur juridiction criminelle, et soumit à un contrôle de plus en plus rigoureux leur administration financière. Le privilège de communauté libre et quasi souveraine, qui avait protégé la renaissance et les premiers développements de l'ordre civil, fut traité de la même manière que les privilèges féodaux, et passa comme eux sous le niveau du pouvoir royal, dont chaque envahissement était alors un pas vers la civilisation et vers l'unité nationale. Mais la noblesse perdait, et ses pertes étaient irréparables ; la bourgeoisie perdait, et ses pertes n'étaient qu'apparentes ; si on lui fermait le chemin battu, de nouvelles et plus larges voies s'ouvraient aussitôt devant elle. L'élévation continue du tiers état est le fait dominant et comme la loi de notre histoire. Cette loi providentielle s'est exécutée plus d'une fois à l'insu de ceux qui en étaient les agents, à l'insu ou même avec les regrets de ceux qui devaient en recueillir le fruit. Les uns pensaient ne travailler que pour eux-mêmes, les autres, s'attachant au souvenir des garanties détruites ou éludées par le pouvoir, croyaient reculer pendant qu'ils avançaient toujours. Ainsi a marché le tiers état depuis son avènement jusqu'aux dernières années du XVIIIe siècle ; vint alors un jour où l'on put dire qu'il n'était rien dans l'ordre politique[50], et, le lendemain de ce jour, ses représentants aux états généraux, se déclarant investis de la souveraineté nationale, abolissaient le régime des ordres, et fondaient en France l'unité sociale, l'égalité civile et la liberté constitutionnelle. |
[1] La représentation admise eu ligne collatérale pour la succession au royaume de France faisait passer le neveu avant l'oncle, quoique celui-ci fût plus proche d'un degré.
[2] Voyez le manifeste intitulé : Déclaration des causes gui ont mit monsieur le cardinal de Bourbon, et les pairs, princes, seigneurs, villes et communautés catholiques de ce royaume, de s'opposer à ceux qui par tous moyens s'efforcent de subvertir la religion catholique et l'Etat. Mémoires de la Ligue, t. I, p. 56 et suivantes. — Les provinces et villes soulevées étaient la Champagne, la Picardie, la Normandie, la Bretagne et la Bourgogne, Rheims, Chalons, Soissons, Péronne, Amiens, Abbeville, Mézières, Toul, Verdun, Rouen, Caen, Dijon, Mâcon, Auxonne, Orléans, Bourges, Angers et Lyon.
[3] Édit de juillet 1585. Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 595. — Mémoires de la Ligue, t. I, p. 178.
[4] Déclaration du 16 octobre 1585. Mémoires de la Ligue, t. I, p. 227.
[5] La sentence fulminée par Sixte V frappait également le prince de Condé, hérétique, fils d'un hérétique, converti au catholicisme, puis retourné à sa religion comme le roi de Navarre. — Sixti V declaratio, etc., Goldasti, Monarchia sancti imperii, t. III, p. 125.
[6] Mémoires de la Ligue, t. I, p. 223.
[7] Sixti V declaratio, etc., Goldasti, Monarchia sancti imperii, t. III, p. 124.
[8] Mémoires de la Ligue, t. I, p. 225. — La cour ne peut délibérer plus longuement l'homologation d'une telle bulle, si pernicieuse au bien de toute la chrétienté et à la souveraineté de votre couronne, jugeant dés à présent qu'elle ne mérite aucune récompense que celle qu'un de vos prédécesseurs nous fit faire à une pareille bulle qu'un prédécesseur de ce pape lui avait envoyée, à savoir, de la jeter au feu en présence de toute l'Église gallicane. (Ibid., p. 226.)
[9] Mémoires de la Ligue, t. I, p. 226 et 227. — Dans ce passage et dans les citations précédentes, la langue du XVIe siècle a été çà et là un peu rajeunie.
[10] Bataille de Coutras, le 20 octobre 1587.
[11]
Nostre volonté et intention est de commencer à tenir
les estats libres et généraux des trois ordres de nostredit royaume, au 15
aoust prochain en nostre ville de Bloys, où nous entendons que se trouvent
aucun des plus notables personnages de chacune province, bailliage et
séneschaussée pour en pleine assemblée... proposer
librement... ce qui sera plus propre et
convenable pour du tout esteindre et abolir les divisions qui sont entre nos
subjects, rucsmement entre les catholiques, et parvenir à un bon et asseuré
repos, avec lequel nostre saincte religion catholique soit si bien restablie,
et toutes hérésies repurgées et extirpées de nostre royaume, que nos subjects
n'ayent plus d'occasion d'y craindre changement tant de nostre vivant qu'après
nostre décez. (Mandement au prévôt de Paris, dernier mai 1588, Recueil
des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 614.) — Et
premièrement nous jurons et renouvelions le serment par nous faict, en nostre
sacre, de vivre et mourir en la religion catholique, apostolique et romaine,
promouvoir l'advancement et conservation d'icelle, employer de bonne foy toutes
nos forces et moyens, sans espargner nostre propre vie, pour extirper de nostre
royaume, pays et terres de nostre obéyssance, tous schismes et hérésies
condamnées par les saints conciles et principalement par celuy de Trente, sans
faire jamais aucune paix ou trefve avec les hérétiques, ny aucun édict en leur
faveur.
Art. 2. Voulons et ordonnons
que tous nos subjects, princes, seigneurs, tant ecclésiastiques, gentilshommes,
habitons des villes et plut pays, qu'autres, de quelque qualité et condition
qu'ils soyent, s'unissent et joignent en ceste cause avec nous, et facent
pareil serment d'employer avec nous toutes leurs forces et moyens jusques à
leurs propres vies, pour l'extermination desdicts hérétiques.
Art. 3. Jurons aussi et promettons de ne les favoriser ny advancer de nostre vivant ; ordonnons et voulons que tous nos subjects unis jurent et promettent dès à présent et pour jamais, après qu'il aura pieu à Dieu disposer de nostre vie saus nous donner des enfants, de ne recepvoir à estre roy, prester obéyssance à prince quelconque qui soit hérétique ou fauteur d'hérésie. (Édit de renouvellement de l'union du roi avec les princes et soigneurs catholiques du royaume, juillet 1588, ibid., p. 616.)
[12] C'est le 12 mai qu'eut lieu le soulèvement nommé Journée des barricader ; l'ordonnance de convocation des états fut rendue le dernier jour du même mois. — Lettres furent de toutes parts expédiées par les provinces à ce que chacun s'avançât d'y envoyer ses députés, pourvu qu'ils fussent catholiques romains ; car autrement il n'était permis à aucun de la religion, ou soupçonné de favoriser ceux de la religion, de s'y trouver. (Des états généraux, etc., t. XIV, p. 275.) — L'assemblée s'ouvrit le 16 octobre : on y comptait 505 députés, savoir : 134 du clergé, 180 de la noblesse, et 191 du tiers état. — Voyez les noms de ces derniers, ci-après, Appendice II.
[13] La Chapelle-Marteau, président du tiers état ; Compans et de Neuilli, députés de Paris ; Leroi, député d'Amiens ; le comte de Brissac, président de la noblesse, et le sieur de Bois-Dauphin. Quatre députés du tiers état et trois du clergé, qui étaient sur la liste, s'échappèrent [23 décembre].
[14] Voyez le journal d'Étienne Bernard, député du tiers état de Bourgogne. Des états généraux, etc., t. XIV, p. 440 et suivantes. — La séance de clôture des états eut lieu le 16 janvier 1589.
[15] Cahier général du tiers état [1588]. Recueil des cahiers généraux des trois ordres, t. III, p. 186.
[16] Cahier général du tiers état, art. 67 et 223.
[17] Plaira à Votre Majesté déclarer Henri de Bourbon, roi de Navarre, comme hérétique et notoirement relaps, criminel de lèse-majesté divine et humaine au premier chef, inhabile et incapable de succéder à la couronne de France, privé de tous droits et prérogatives de prince et de pair, tant lui que ses hoirs procréés et à procréer. (Cahier général du tiers état, art. 2.) — Ibid., art. 3 et 4.
[18] Cahier général du tiers état, art. 14, 77, 193, 195 et 269.
[19] Il ne contient que 272 articles. Le cahier de 1560 en avait eu 351, et celui de 1576, 448.
[20] Voyez plus haut, chapitre précédent.
[21] M. de Mayenne s'achemine à Paris, non pour contester, mais seulement pour recevoir et donner ordre à tant de peuples et villes qui, comme à l'envy les uns des autres, se mettoient du party de l'union, aucuns sous les bonnes espérances qu'ils s'estoient imaginez de vivre à l'advenir à la manière des Suisses, et d'estre exempts de tailles et de payer les cens et devoirs à leurs seigneurs, d'autres d'animosité, de courroux et de despit cause de la bonne opinion qu'ils avoient de feu M. de Guise, et parmy ceux-là quelques-uns affectionnez à la religion catholique romaine (Palma Cayet, Chronologie novennaire, collect. Michaud, t. XII, p. 102). — Si d'un autre conté l'on propose de réduire ce royaume en république, connoissant qu'il est impossible de chasser le roy et en establir un autre, j'advoue que ce sera une chose plus aisée à faire, parce qu'il ne faut que luy desnier l'obéyssance et se gouverner sous l'authorité des quarante conseillers et des maires et eschevins des villes sans plus parler de roy, et se tenir bien alliez et confédérez les uns avec les autres pour se supporter et pour se deffendre contre luy. (Mémoires de Nevers, t. Ier, p. 919.)
[22] Le titre donne au duc de Mayenne était celui de lieutenant général de l'état royal et couronne de France.
[23] Les témoignages sont assez notoires... de quel zèle et bon pied j'ai toujours marché à l'extirpation de l'hérésie et des hérétiques, à quoi j'exposerai plus que jamais ma vie, jusques à une mort certaine, s'il en est besoin, pour la défense et protection de noire sainte foi catholique, apostolique et romaine, comme le plus superbe tombeau où je me pourrais ensevelir que dans la ruine de l'hérésie. (Harangue du roi, 16 octobre1588, Des états généraux, etc., t. XIV, p. 556.) — Voyez les l’étires d'armistice avec le roi de Navarre données à Tours, le 26 avril 1589. Recueil des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 645.
[24] Ceci arriva dans la matinée du 1er août ; le moine se nommait Jacques Clément.
[25] Palma Cayet, Chronologie novennaire, collection Michaud, t. XII, p. 150.
[26] Nous Henri, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, promettons et jurons, en foy et parole de roi, par ces présentes signées do notre main, à tous nos bons et fidels sujets, de maintenir et conserver en nostre royaume la religion catholique, apostolique et romaine en son entier sacs y innover ou changer aucune chose, soit en la police et exercice d'icelle, ou aux personnes et biens ecclésiastiques. (Déclaration et serment du roi à son avènement à la couronne ; Recueil des anciennes lois françaises, t. XV, p. 3.)
[27] Bataille d'Arques, le 13 septembre 1589 ; bataille d'Ivry, le 14 mars 1590 ; abjuration du roi à Saint-Denis, le 15 juillet 1593.
[28] Voyez les procès-verbaux des états généraux de 1593, publiés par B. Auguste Bernard, dans la Collection des documents inédits sur l'histoire de France.
[29] Ils étaient environ cent trente, la plupart du tiers état ; Paris seul avait douze représentants de cet ordre. — Voyez ci-après, Appendice II.
[30] Isabelle-Claire-Eugénie, née du mariage de Philippe II avec Élisabeth de France.
[31] L'archiduc Ernest d'Autriche, frère de l'empereur Rodolphe II et neveu de Philippe II.
[32] In solidum. Voyez les procès-verbaux des états généraux de 1593, p. 242, 252, 287, 555, et, dans le même recueil, Appendice I, le journal d'Odet Soret, député du tiers état de Normandie.
[33] Sur la proposition qui a esté faicte ausdictz estats par monsieur le duc de Férie et autres ministres du roy catholique de créer et establir présentement une royauté, lesdicts estats estiment qu'il seroit non-seulement hors de propos, mais encore périlleux, et pour la religion et pour l'estat, de faire ceste eslection et déclaration en un temps où nous sommes si peu fortifiez et d'hommes et de moyens. (Délibération du 4 juillet, Procès-verbaux des états généraux de 1593, p. 552.)
[34] Une partie du parlement de Paris siégeait alors à Tours, par suite d'un édit de translation donné par Henri III, en février 1589.
[35] Délibération du parlement du 28 juin 1593. Procès-verbaux, etc., appendice VIII, p. 740, 748.
[36] Il n'y eut pas de clôture officielle pour les états de 1593. Les députés quittèrent leur poste l'un après l'autre ; les procès-verbaux des séances s'arrêtent, pour le clergé, au 13 juillet ; pour la noblesse, au 8 août, et pour le tiers état, au 22 décembre.
[37] Maintenant qu'il plaît à Dieu commencer à nous faire jouir de quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir mieux employer qu'à vaquer à ce qui peut concerner la gloire de son sainct nom et service, et pourvoir qu'il puisse être adoré et prié par tous nos subjects ; et s'il ne lui a pieu permettre que ce soit pour encore en une meule forme et religion, que ce soit au moins d'une meule intention et avec telle reigle qu'il n'y ait point pour cela de trouble et de tumulte entre eux, et que nous et ce royaume puissions toujours mériter et conserver le filtre glorieux de très-chrestien... Nous avons jugé nécessaire de donner maintenant sur le tout à toua nosdits subjects une loy générale, claire, nette et absolue, par laquelle ils soient réglés sur tous les différends qui sont cy devant sur ce survenus entre eux et y pourront encore survenir cy-après, et dont les uns et les autres gent sujet de se contenter, selon que la qualité du temps le peut porter. (Préambule de l'édit de Nantes, Recueil des anciennes lois françaises, t. XV, p. 171.)
[38] Édit de Nantes, art. 6, 7, 8, 9,10, 11, 21, 22, 24, 27, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 43, 64, 66 et 67.
[39] Révocation de l'édit de Nantes par l'ordonnance de Louis XIV du 17 octobre 1685. Voyez ci-après, chap. IX.
[40] Édit de juin 1609, Recueil des anciennes lois françaises, t. XV, p. 351.
[41] Il remplaça les huit intendants contrôleurs généraux des finances et fut nommé successivement grand voyer de France, grand maître de l'artillerie et surintendant des bâtiments et fortifications.
[42] Voyez, sur l'état des finances en 1576 et en 1588, l'Histoire de France de M. Henri Martin, t. X, p. 541, et t. XI, p. 137.
[43] Le projet d'unir la Seine à la Loire et celle-ci à la Saône fut en partie exécuté par l'ouverture du canal de Briare ; un second projet, celui de joindre l'Aude à la Garonne, demeura sans exécution. — Voyez l'ordonnance de mai 1597 sur les eaux et forets, l'entretien des chemins publics et des rivières, etc. ; les édits d'avril 1599 et de janvier 1607, pour le desséchement des marais ; l'édit de mai 1599, qui crée un office de grand voyer de France ; les lettres d'août 1597, établissant une fabrique de cristal à Melun ; l'édit d'août 1603, pour l'établissement à Paris d'une manufacture de draps et toiles d'or, d'argent et de soie ; la déclaration du 16 novembre 1605, pour l'établissement dans tous les diocèses d'une pépinière de mûriers blancs, et l'édit de janvier 1607, qui établit dans plusieurs villes du royaume des manufactures de tapisseries. Rec. des anc. lois françaises, t. XV, p. 141, 212, 313, 222, 164, 283, 291 et 322. — Une assemblée de commerce, sorte d'états généraux de l'industrie, fut convoquée à Paris en 1604. Voyez Archives curieuses de l'histoire de France, t. XIV, p. 219 et suivantes.
[44] Voyez, dans les Économies royales de Sully, le projet de formation d'une république chrétienne, t. I, p. 243, 353, 437 ; t. II, p. 150, 212, 220, 323, 339 et 418. Collec. Michaud, 1re série, t. XIV et XV.
[45] Voyez la Monographie politique de Henri IV, par M. de Carné, Études sur les fondateurs de l'unité nationale en France, t. II, p. 1 et suivantes.
[46] Le titulaire d'un office de judicature ou de finance pouvait le résigner à une personne de sa famille ou à toute autre personne capable de le remplir. Il fallait que la résignation eût lieu quarante jours au moins avant la mort du titulaire, sans quoi elle était nulle, et la charge retournait aux mains du roi. Henri IV exempta de celte gène tous les officiers ; il leur con céda la propriété héréditaire de leurs charges, moyennant un droit annuel équivalant au soixantième de la valeur de chaque office.
[47] Voyez l'Histoire des états généraux, par M. Thibaudeau, t. I, p. 282, et t. II, p. 14 et suivantes.
[48] Voyez plus haut, chap. II et chap. III.
[49] On trouvera ci-après, Appendice III, un cahier de village dressé en 1576.
[50] Voyez le célèbre pamphlet de Sieyès : Qu'est-ce que le tiers état ?