SOMMAIRE : Rôle historique du tiers état. — Origine de notre civilisation moderne. — La société gallo-romaine et la société barbare. — Les villes et les campagnes ; déclin des unes, progrès dans les autres. — Réduction de l'esclavage antique au servage de la glèbe. — Fin de la distinction des races. — Réaction des classes urbaines contre le régime seigneurial. Formes de municipalité libre. — Naissance de la bourgeoisie. — Influence des villes sur les campagnes. Il n'y a plus de tiers état en France, le nom et la chose ont disparu dans le renouvellement social de 1789 ; mais ce troisième des anciens ordres de la nation, le dernier en date et le moindre en puissance, a joué un rôle dont la grandeur, longtemps cachée aux regards les plus pénétrants, apparaît pleinement aujourd'hui. Son histoire, qui désormais peut et doit être faite, n'est au fond que l'histoire même du développement et des progrès de notre société civile, depuis le chaos de mœurs, de lois et de conditions qui suivit la chute de l'empire romain, jusqu'au régime d'ordre, d'unité et de liberté de nos jours[1]. Entre ces deux points extrêmes, on voit se poursuivre à travers les siècles la longue et laborieuse carrière par laquelle les classes inférieures et opprimées de la société gallo-romaine, de la société gallo-franke et de la société française du moyen âge, se sont élevées de degré en degré jusqu'à la plénitude des droits civils et politiques, immense évolution qui a fait disparaître successivement du sol où nous vivons toutes les inégalités violentes ou illégitimes, le maitre et l'esclave, le vainqueur et le vaincu, le seigneur et le serf, pour montrer enfin à leur place un même peuple, une loi égale pour tous, une nation libre et souveraine. Tel est le grand spectacle que présente notre histoire au point où la Providence l'a conduite, et là se trouvent pour nous, hommes du XIXe siècle, de nobles sujets de réflexion et d'étude. Les causes et les phases diverses de ce merveilleux changement sont de tous les problèmes historiques celui qui nous touche le plus ; il a été depuis vingt-cinq ans l'objet de recherches considérables ; et c'est à en préparer la solution qu'est destiné un recueil que je commence[2], mais dont l'étendue exige une suite d'efforts trop longue pour la vie d'un seul homme. Venu le premier de ceux qui mettront la main à cette œuvre, je n'ai vu qu'une partie des innombrables documents que j'ai pour tâche de rassembler ; il serait téméraire à moi de vouloir deviner quelle signification doit avoir leur ensemble aux yeux de la science à venir, et je ne l'essayerai pas. Je me bornerai à présenter quelques aperçus provisoires, à marquer, selon mes propres études et l'état de la science contemporaine, les époques les plus distinctes et les points de vue les plus saillants de ce qui sera un jour l'histoire complète de la formation, des progrès et du rôle social du tiers état. C'est de la dernière forme donnée aux institutions civiles et politiques de l'Empire, de celle qui eut Constantin pour auteur, que procède ce qu'il y a de romain dans nos idées, nos mœurs et nos pratiques légales ; là sont les origines premières de notre civilisation moderne. Cette ère de décadence et de ruine pour la société antique fut le berceau de la plupart des principes ou des éléments sociaux, qui, subsistant sous la domination des conquérants germains, et se combinant avec leurs traditions et leurs coutumes nationales, créèrent la société du moyen âge, et, de là, se transmirent jusqu'à nous. On y voit la sanction chrétienne s'ajoutant à la sanction légale pour donner une nouvelle force à l'idée du pouvoir impérial, type de la royauté des temps postérieurs[3] ; l'esclavage attaqué dans son principe, et miné sourdement ou transformé par le christianisme ; enfin le régime municipal, tout oppressif qu'il était devenu, s'imprégnant d'une sorte de démocratie par l'élection populaire du Défenseur et de l'évêque. Quand vint sur la Gaule le règne des Barbares, quand l'ordre politique de l'empire d'Occident s'écroula, trois choses restèrent debout, les institutions chrétiennes, le droit romain à l'état d'usage, et l'administration urbaine. Le christianisme s'imposa aux nouveaux dominateurs, le droit usuel maintint parmi les indigènes les mœurs et les pratiques de la vie civile, et la municipalité, gardienne de ces pratiques, les entoura en leur prêtant, comme une garantie de durée, la force de son organisation. Après la fin des grandes luttes du IVe et du Ve siècle, soit entre les conquérants germains et les dernières forces de l'empire, soit entre les peuples qui avaient occupé différentes portions de la Gaule, lorsque les Franks sont restés seuls maîtres de ce pays, deux races d'hommes, deux sociétés qui n'ont rien de commun que la religion, s'y montrent violemment réunies, et comme en présence, dans une même agrégation politique. La société gallo-romaine présente, sous la même loi, des conditions très-diverses et très-inégales ; la société barbare comprend, avec les classifications de rangs et d'états qui lui sont propres, des lois et des nationalités distinctes. On trouve dans la première des citoyens pleinement libres, des colons, ou cultivateurs attachés aux domaines d'autrui, et des esclaves domestiques privés de tous les droits civils ; dans la seconde, le peuple des Franks est partagé en deux tribus ayant chacune sa loi particulière[4] ; d'autres lois, entièrement différentes, régissent les Burgondes, les Goths et les autres populations teutoniques soumises de gré ou de force à l'empire frank, et, chez toutes aussi bien que chez les Franks, il y a au moins trois conditions sociales : deux degrés de liberté et la servitude. Entre ces existences disparates, la loi criminelle du peuple dominant établissait, par le tarif des amendes pour crime ou délit contre les personnes, une sorte de hiérarchie, point de départ du mouvement d'assimilation et de transformation graduelle qui, après quatre siècles écoulés du Ve au Xe, fit naître la société des temps féodaux. Le premier rang dans l'ordre civil appartenait à l'homme d'origine franke et au Barbare vivant sous la loi des Franks ; au second rang était le Barbare vivant sous sa lei originelle ; puis venait l'indigène libre et propriétaire, le Romain possesseur, et, au même degré, le Lite ou colon germanique ; puis le Romain tributaire, c'est-à-dire le colon indigène ; puis enfin l'esclave sans distinction d'origine[5]. Ces classes diverses que séparaient, d'un coté, la distance des rangs, de l'autre, la différence des lois, des mœurs et des tangues, étaient loin de se trouver également réparties entre les villes et les campagnes. Tout ce qu'il y avait d'élevé, à quelque titre que ce fût, dans la population gallo-romaine, ses familles nobles, riches, industrieuses, habitaient les villes, entourées d'esclaves domestiques ; et, parmi les hommes do cette race, le séjour habituel des champs n'était que pour les colons demi-serfs et pour les esclaves agricoles. Au contraire, la classe supérieure des hommes de race germanique était fixée à la campagne, où chaque famille libre et propriétaire vivait sur son domaine du travail des lites qu'elle y avait amenés, ou des anciens colons qui en dépendaient. Il n'y avait de Germains dans les villes qu'un petit nombre d'officiers royaux et des gens sans famille et sans patrimoine, qui, en dépit de leurs habitudes originelles, cherchaient à vivre en exerçant quelque métier. La prééminence sociale de la race conquérante s'attacha aux lieux qu'elle habitait, et, comme on l'a déjà remarqué, passa des villes aux campagnes[6]. Il arriva même que, par degrés, celles-ci enlevèrent aux autres la tête de leur population, qui, pour s'élever plus haut et se mêler aux conquérants, imita autant qu'elle put leur manière de vivre. Cette haute classe indigène, à l'exception de ceux, qui parmi elle, exerçaient les fonctions ecclésiastiques, fut en quelque sorte perdue pour la civilisation ; elle inclina de plus en plus vers les mœurs de la barbarie, l'oisiveté, la turbulence, l'abus de la force, l'aversion de toute règle et de tout frein. Il n'y eut plus de progrès possible dans les cités de la Gaule pour les arts et la richesse ; il n'y resta que des débris à recueillir et à conserver. Le travail de cette conservation, gage d'une civilisation à venir, fut, de ce moment, la Liche commune du clergé et des classes moyenne et inférieure de la population urbaine. Pendant que la barbarie occupait ou envahissait toutes les sommités de l'ordre social, et que, dans les rangs intermédiaires, la vie civile s'arrêtait ou déclinait graduellement, au degré le plus bas, à celui de la servitude personnelle, un mouvement d'amélioration, déjà commencé avant la chute de l'empire, continua et se prononça de plus en plus. Le dogme de la fraternité devant Dieu et d'une même rédemption pour tous les hommes, prêché par l'Église aux fidèles de toute race, émut les cœurs et frappa les esprits en faveur de l'esclave, et de là vinrent soit des affranchissements plus nombreux, soit une conduite plus humaine de la part des maîtres, Gaulois ou Germains d'origine. En outre, ces derniers avaient apporté de leur pays, où la vie était rude et sans luxe, des habitudes favorables à un esclavage tempéré. Le riche barbare était servi par des personnes libres, par les fils de ses proches, de ses clients et de ses amis ; le penchant de ses mœurs nationales, contraire à celui des mœurs romaines, le portait à reléguer l'esclave hors de sa maison, et à l'établir, comme laboureur ou comme artisan, sur une portion de terre à laquelle il se trouvait fixé, et dont il suivait le sort dans l'héritage et dans la vente[7]. L'imitation des mœurs germaines par les nobles gallo-romains fit passer beaucoup d'esclaves domestiques de la ville à la campagne, et du service de la maison au travail des champs. Ainsi casés, comme s'expriment les actes des VIIIe et IXe siècles[8], leur condition devint analogue, bien que toujours inférieure, d'un côté à celle du lite germanique, de l'autre à celle du colon romain. L'esclavage domestique faisait de la personne une chose, et une chose mobilière ; l'esclave attaché à une portion de terre entrait dès lors dans la catégorie des immeubles ; en même temps que cette dernière classe, celle des serfs proprement dits, s'accroissait aux dépens de la première, la classe des colons et celle des lites durent s'augmenter simultanément, par toutes les chances de ruine et de mauvaise fortune qui, à une époque de troubles continuels, affectaient la condition des hommes libres. De plus, ces deux ordres de personnes, que distinguaient non-seulement des différences légales, mais encore la diversité d'origine, tendirent à se rapprocher l'un de l'autre et à confondre par degrés leurs caractères essentiels. Ce fut, avec le rapprochement opéré dans les hautes régions sociales entre les Gaulois et les Germains, le premier pas vers la fusion des races, qui devait, après cinq siècles, produire une nation nouvelle. Au cœur même de la société barbare, ce qui avait primitivement fait sa puissance et sa dignité, la classe des petits propriétaires, diminua et finit par s'éteindre en tombant sous le vasselage ou dans une dépendance moins noble qui tenait plus ou moins de la servitude réelle. Par un mouvement contraire, les esclaves domiciliés sur quelque portion de domaine et incorporés à l'immeuble, s'élevèrent, à la faveur de cette fixité de position et d'une tolérance dont le temps fit un droit pour eux, jusqu'à une condition très-voisine de l'état de lite et de l'état de colon devenus eux-mêmes, sous des noms divers, à peu près identiques. Là se fit la rencontre des hommes libres déchus vers la servitude, et des esclaves parvenus à une sorte de demi-liberté. Il se forma ainsi, dans toute l'étendue do la Gaule, une masse d'agriculteurs et d'artisans ruraux, dont la destinée fut de plus en plus égale, sans être jamais uniforme, et un nouveau travail de création sociale se fit dans les campagnes pendant que les villes étaient stationnaires ou déclinaient de plus eu plus. Cette révolution lente et insensible se lia, dans sa marche graduelle, à de grands défrichements du sol exécutés sur l'immense étendue de l'eau et de terrains vagues qui, du fisc impérial, avaient passé dans le domaine des rois franks, et dont une large part fut donnée par ces rois en propriété à l'Église et en bénéfice à leurs fidèles. L'Église eut l'initiative dans celte reprise du mouvement de vie et de progrès ; dépositaire des plus nobles débris de l'ancienne civilisation, elle ne dédaigna point de recueillir, avec la science et les arts de l'esprit, la tradition des procédés mécaniques et agricoles. Une abbaye n'était pas seulement un lieu de prière et de méditation, c'était encore un asile ouvert contre l'envahissement de la barbarie sous toutes ses formes. Ce refuge des livres et du savoir abritait des ateliers de tout genre, et ses dépendances formaient ce qu'aujourd'hui nous appelons une ferme modèle[9] ; il y avait là des exemples d'industrie et d'activité pour le laboureur, l'ouvrier, le propriétaire. Ce fut, selon toute apparence, l'école où s'instruisirent ceux des conquérants à qui l'intérêt bien entendu fit faire sur leurs domaines de grandes entreprises de culture ou de colonisation, deux choses dont la première impliquait alors la seconde. Sur chaque grande terre dont l'exploitation prospérait, les cabanes des hommes de travail, lites, colons ou esclaves, groupées selon le besoin ou la convenance, croissaient en nombre, se peuplaient davantage, arrivaient à former un hameau. Quand ces hameaux se trouvèrent situés dans une position favorable, près d'un cours d'eau, à quelque embranchement de routes, ils continuèrent de grandir, et devinrent des villages où tous les métiers nécessaires à la vie commune s'exerçaient sous la même dépendance. Bientôt la construction d'une église érigeait le village en paroisse, et par suite la nouvelle paroisse prenait rang parmi les circonscriptions rurales[10]. Ceux qui l'habitaient, serfs ou demi-serfs attachés au même domaine, se voyaient liés l'un à l'autre par le voisinage et la communauté d'intérêts ; de là naquirent, sous l'autorité de l'intendant unie à celle du prêtre, des ébauches toutes spontanées d'organisation municipale, où l'Église reçut le dépôt des actes qui, selon le droit romain, s'inscrivaient sur les registres de la cité. C'est ainsi qu'en dehors des municipes, des villes et des bourgs, où subsistaient, de plus en plus dégradés, les restes de l'ancien état social, des éléments de rénovation se formaient pour l'avenir, par la mise en valeur de grands espaces de terre inculte, par la multiplication des colonies de laboureurs et d'artisans, et par la réduction progressive de l'esclavage antique au servage de la glèbe. Cette réduction, déjà très-avancée au te siècle, s'acheva dans le cours du Xe. Alors disparut la dernière classe de la société gallo-franke, celle des hommes possédés à titre de meubles, vendus, échangés, transportés d'un lieu à l'autre comme toutes les choses mobilières. L'esclave appartint à la terre plutôt qu'il l'homme ; son service arbitraire se changea en redevances et en travaux réglés ; Il eut une demeure fixe, et, par suite, un droit de jouissance sur le sol dont il dépendait[11]. Ce fut le premier trait par où se marqua dans l'ordre civil l'empreinte originale du monde moderne ; le mot serf prit de là son acception définitive ; il devint le nom générique d'une condition mêlée de servitude et de liberté, dans laquelle se confondirent l'état de colon et l'état de lite, deux noms qui, au Xe siècle, se montrent de plus en plus rares et disparaissent totalement. Ce siècle où vint aboutir tout le travail social des quatre siècles écoulés depuis la conquête franke, vit se terminer par une grande révolution la lutte intestine des mœurs romaines et des mœurs germaniques. Celles-ci l'emportèrent définitivement, et de leur victoire sortit le régime féodal, c'est-à-dire une nouvelle forme de l'État, une nouvelle constitution de la propriété et de la famille, le morcellement de la souveraineté et de la juridiction, tous les pouvoirs publics transformés en privilèges domaniaux, l'idée de noblesse attachée à l'exercice des armes, et celle d'ignobilité à l'industrie et au travail. Par une singulière coïncidence, l'établissement complet de ce régime est l'époque où finit dans la Gaule franke la distinction des races, où disparaissent, entre Barbares et Romains, entre dominateurs et sujets, toutes les conséquences légales de la diversité d'origine. Le droit cesse d'être personnel et devient local ; les codes germaniques et le code romain lui-même sont remplacés par des coutumes ; c'est le territoire, non la descendance, qui distingue les habitants du sol gaulois ; enfin, au lieu de nationalités diverses, on ne trouve plus qu'une population mixte à laquelle l'historien peut donner dès lors le nom de française. Cette nouvelle société, fille de la précédente, s'en détacha fortement par sa physionomie et ses instincts ; son caractère fut de tendre au fractionnement indéfini sous le rapport politique, et à la simplification sous le rapport social. D'un côté, les seigneuries, États formés au sein de l'État, se multiplièrent ; de l'autre, il y eut effort continu et en quelque sorte systématique pour réduire toutes les conditions à deux classes de personnes : la première, libre, oisive, toute militaire, ayant, sur ses fiefs grands ou petits, le droit de commandement, d'administration et de justice ; la seconde, vouée à l'obéissance et au travail, soumise plus ou moins étroitement, sauf l'esclavage, à des liens de sujétion privée[12]. Si les choses humaines arrivaient toujours au but que marque leur tendance logique, tout reste de vie civile se serait éteint par l'invasion d'un régime qui avait pour type la servitude domaniale. Mais ce régime, né dans les campagnes sous l'influence des mœurs germaniques, rencontra dans les villes, où se continuait obscurément la tradition des mœurs romaines, une répugnance invincible et une force qui plus tard, réagissant sur elle-même, éclata en révolutions. La longue crise sociale, qui eut pour dernier terme l'avènement de la féodalité, changea, dans toutes les choses de l'ordre civil et politique, la jouissance précaire en usage permanent, l'usufruit en propriété, le pouvoir délégué en privilège personnel, le droit viager en droit héréditaire. Il en fut des honneurs et des offices comme des possessions de tout genre ; et ce qui eut lieu pour la tenure noble se fit en même temps pour la tenure servile. Selon la remarque neuve et très-judicieuse d'un habile critique des anciens documents de notre histoire, le serf soutint contre son maitre la lutte soutenue par le vassal contre son seigneur, et par les seigneurs contre le roi[13]. Quelque grande que fût la différence des situations et des forces, il y eut, de ces divers côtés, une Mme tentative, suivie de succès analogues. Au VIIIe siècle, les serfs de la glèbe pouvaient être distribués arbitrairement sur le domaine, transférés d'une portion de terre à l'autre, réunis dans la mérite case ou séparés l'un de l'autre, selon les convenances du maître, sans égard aux liens de parenté, s'il en existait entre eux ; deux siècles plus tard, on les voit tous casés par familles ; leur cabane et le terrain qui l'avoisine sont devenus pour eux un héritage. Cet héritage, grevé de cens et de services, no peut être ni légué ni vendu, et la famille serve a pour loi de ne s'allier par des mariages qu'aux familles de même condition attachées au même domaine. Les droits de mainmorte et de formariage restèrent au seigneur comme sa garantie contre le droit de propriété laissé au serf. Tout odieux qu'ils nous paraissent, ils eurent, non-seulement leur raison légale, mais encore leur utilité pour le progrès à venir. C'est sous leur empire que l'isolement de la servitude cessa dans les campagnes, remplacé par l'esprit de famille et d'association, et qu'à l'ombre du manoir seigneurial, se formèrent des tribus agricoles, destinées à devenir la base de grandes communautés civiles. En lisant avec attention les chartes et les autres documents historiques, on peut suivre, du commencement du IXe siècle à la fin du Xe, les résultats successifs de la prescription du sol entre les mains de ceux qui le cultivaient ; on voit le droit du serf sur sa portion de terre naître, puis s'étendre et devenir plus fixe à chaque nouvelle génération. A ce changement qui améliore par degrés l'état des laboureurs et des artisans ruraux, se joint dans la même période l'accélération du mouvement qui, depuis trois siècles, changeait la face des campagnes, par la formation de villages nouveaux, l'agrandissement des anciens et l'érection d'églises paroissiales, centres de nouvelles circonscriptions à la fois religieuses et politiques. Des causes extérieures et purement fortuites contribuèrent à ce progrès ; les dévastations des Normands et la crainte qu'elles inspiraient firent ceindre de murailles et de défenses les parties habitées des grands domaines ; d'un côté, elles multiplièrent les châteaux ; de l'autre, elles accrurent beaucoup le nombre des bourgs fortifiés. La population laborieuse et dépendante s'aggloméra dans ces lieux de refuge, dont les habitants passèrent alors de la vie rurale proprement dite à des commencements plus ou moins grossiers de vie urbaine. Le régime purement domanial s'altéra par le mélange de certaines choses ayant le caractère d'institutions publiques ; pour le soin de la police et le jugement des délits de peu d'importance, les villageois servirent d'aides et d'assesseurs à l'intendant, et cet officier, pris parmi eux et de même condition qu'eux, devint une sorte de magistrat municipal. Ainsi, du droit de propriété joint à l'esprit d'association, sortirent pour ces petites sociétés naissantes les premiers éléments de l'existence civile ; l'instinct du bien-être qui ne se repose jamais les conduisit bientôt plus avant. Dès le commencement du xe siècle, les habitants des bourgs et des bourgades, les vilains, comme on disait alors, ne se contentaient plus de l'état de propriétaires non libres, ils aspiraient à autre chose ; un besoin nouveau, celui de se décharger d'obligations onéreuses, d'affranchir la terre, et avec celle-ci les personnes, ouvrit devant eux une nouvelle carrière de travaux et de combats. Parmi les notions qui à cette époque formaient ce qu'on peut nommer le fonds des idées sociales, il y avait, en regard de la liberté noble, toute de privilège, dérivée de la conquête et des mœurs germaniques, l'idée d'une autre liberté, conforme au droit naturel, accessible à tous, égale pour tous, à laquelle on aurait pu donner, d'après son origine, le nom de liberté romaine. Si ce nom était hors d'usage[14], la chose elle-même, c'est-à-dire l'état civil des personnes habitant les anciennes villes municipales, n'avait point encore péri. Tout menacé qu'il était par la pression toujours croissante des institutions féodales, on le retrouvait dans ces villes, plus ou moins intact, et, avec lui, comme signe de sa persistance, le vieux titre de citoyen. C'est de là que venait, pour les villes de fondation récente, l'exemple de la communauté urbaine, de ses règles et de ses pratiques, et c'est là que s'adressait, pour trouver des encouragements et une espérance, l'ambition des hommes qui, sortis de la servitude, se voyaient parvenus à mi-chemin vers la liberté. Quels étaient, au Xe siècle, dans les cités gallo-frankes, la puissance et le caractère du régime municipal ? La solution de ce problème est l'un des fondements de notre histoire ; mais l'on ne peut encore la donner précise et complète. Un point se trouve mis hors de doute, c'est qu'alors la population urbaine joignait à sa liberté civile immémoriale une administration intérieure, qui, depuis les temps romains et par différentes causes, avait subi de grands changements. Ces modifications très-diverses et, pour ainsi dire, capricieuses quant à la forme, avaient, pour le fond, produit partout des résultats analogues. Le régime héréditaire et aristocratique de la curie s'était, par une suite d'altérations progressives, transformé en gouvernement électif, et, à différents degrés, populaire. La juridiction des officiers municipaux outrepassait de beaucoup ses anciennes limites ; elle avait pris des accroissements considérables en matière civile et criminelle. Entre le collège des magistrats et le corps entier des citoyens, on ne voyait plus, existant de droit, une corporation intermédiaire ; tous les pouvoirs administratifs procédaient uniquement de la délégation publique, et leur durée se trouvait, en général, réduite au terme d'un an. Enfin, par suite de la haute influence que dès l'époque romaine les dignitaires de l'Église possédaient sur les affaires intérieures des villes, le Défenseur, magistrat suprême, était tombé sous la dépendance de l'évêque ; il était devenu à son égard un subalterne, ou avait disparu devant lui ; révolution opérée sans aucun trouble, par la seule popularité de l'épiscopat, et dont la pente naturelle tendait à constituer, au détriment de la liberté civile et politique, une sorte d'autocratie municipale[15]. Une certaine confusion s'introduisant peu à peu dans les idées sur la source de l'autorité et de la juridiction urbaines, on cessa de voir nettement de qui elles émanaient, si c'était du peuple ou de l'évêque. Une lutte sourde commença dès lors entre les deux principes de la municipalité libre et de la prépondérance épiscopale ; puis la féodalité vint, et agit de toute sa force au profit de ce dernier principe. Elle donna une nouvelle forme au pouvoir temporel des évêques ; elle appliqua au patronage civique, dégénéré en quasi-souveraineté, les institutions et tous les privilèges de la seigneurie domaniale. Le gouvernement des municipes, en dépit de son origine, se modela graduellement sur le régime des cours et des châteaux. Les citoyens notables devenaient vassaux héréditaires de l'église cathédrale, et, à ce titre, ils opprimaient la municipalité ou en absorbaient tous les pouvoirs. Les corporations d'arts et métiers, chargées par abus de prestations et de corvées, tombaient dans une dépendance presque servile. Ainsi, la condition faite aux hommes de travail sur les domaines des riches et dans les nouveaux bourgs qu'une concession expresse n'avait pas affranchis, tendait, par le cours même des choses, à devenir universelle, à s'imposer aux habitants, libres jusque-là, des anciennes villes municipales. Il y eut des cités où la seigneurie de l'évêque s'établit sans partage et resta dominante ; il y en eut où le pouvoir féodal fut double, et se divisa entre la puissance ecclésiastique et celle de l'officier royal, comte ou vicomte. Dans les villes qui furent le théâtre plus ou moins orageux de cette rivalité, l'évêque, sentant le besoin d'une alliance politique, se détacha moins de la municipalité libre ou se replia sur elle. Il lui prêta son appui contre les envahissements du pouvoir laïque ; il se fit conservateur du principe électif, et ce concours, s'il n'arrêta pas la décadence municipale, devint plus tard un moyen de réaction civile et de rénovation constitutionnelle. Le Xe siècle et le siècle suivant marquent, pour la population urbaine, le dernier terme d'abaissement et d'oppression ; elle était, sinon la classe la plus malheureuse, du moins celle qui devait souffrir le plus impatiemment le nouvel état social, car elle n'avait jamais été ni esclave ni serve, elle avait des libertés héréditaires et l'orgueil que donnent les souvenirs. La ruine de ces institutions, qui nulle part ne fut complète, n'eut point lieu sans résistance ; et quand on remue à fond les documents de notre histoire, on y rencontre, antérieurement au XIIe siècle, la trace d'une lutte bourgeoise contre les pouvoirs féodaux. C'est durant cette ère de troubles et de retour à une sorte de barbarie, que s'opéra la fusion, dans un même ordre et dans un même esprit, de la portion indigène et de la portion germanique des habitants des villes gauloises, et que se forma entre eux un droit commun, des coutumes municipales, composées à différents degrés, suivant les zones du territoire, d'éléments de tradition romaine et de débris des anciens codes barbares. Cette crise dans l'état de la société urbaine reste vivant du inonde romain n'était pas bornée à la Gaule ; elle avait lieu en Italie avec des chances bien meilleures pour les villes de ce pays, plus grandes, plus riches, plus rapprochées l'une de l'autre. C'est là que dans la dernière moitié du XIe siècle, à la faveur des troubles causés par la querelle du sacerdoce et de l'empire, éclata le mouvement révolutionnaire qui, de proche en proche ou par contre-coup, fit renaître, sous de nouvelles formes et avec un nouveau degré d'énergie, l'esprit d'indépendance municipale. Sur le fonds plus ou moins altéré de leurs vieilles institutions romaines, les cités de la Toscane et de la Lombardie construisirent un modèle d'organisation politique, où le plus grand développement possible de la liberté civile se trouva joint au droit absolu de juridiction, à la puissance militaire, à toutes les prérogatives des seigneuries féodales. Elles créèrent des magistrats à la fois juges, administrateurs et généraux ; elles eurent des assemblées souveraines où se décrétaient la guerre et la paix ; leurs chefs électifs prirent le nom de Consuls[16]. Le mouvement qui faisait éclore et qui propageait ces constitutions républicaines, ne tarda pat à pénétrer en Gaule par les Alpes et par la voie de mer. Dès le commencement du XIIe siècle, on voit la nouvelle forme de gouvernement municipal, le consulat, apparaître successivement dans les villes qui avaient le plus de relations commerciales avec les villes d'Italie, ou le plus d'affinité avec elles par les mœurs, l'état matériel, toutes les conditions de la vie civile et politique. Des villes principales où elle fut établie, soit de vive force, soit de bon accord entre les citoyens et le seigneur, la constitution consulaire s'étendit par degrés aux villes de moindre importance. Cette espèce de propagande embrassa le tiers méridional de la France actuelle, pendant que, sous une zone différente, au nord et au centre du pays, la même impulsion des esprits, les mêmes causes sociales, produisaient de tout autres effets. A l'extrémité du territoire, sur des points que no pouvait atteindre l'influence italienne, un second type de constitution, aussi neuf, aussi énergique, mais moins parfait que l'autre, la commune jurée, naquit spontanément par l'application faite au régime municipal d'un genre d'association dont la pratique dérivait des mœurs germaines[17]. Appropriée à l'état social, au degré de civilisation et aux traditions mixtes des villes de la Gaule septentrionale, cette forme de municipalité libre se propagea du nord au sud, en même temps que l'organisation consulaire se propageait du sud au nord. Des deux côtés, malgré la différence des procédés et des résultats, l'esprit fut le même, esprit d'action, de dévouement civique et d'inspiration créatrice. Les deux grandes formes de constitution municipale, la commune proprement dite[18] et la cité régie par des consuls, eurent également pour principe l'insurrection plus ou moins violente, plus ou moins contenue, et pour but l'égalité des droits et la réhabilitation du travail. Par l'une et par l'autre, l'existence urbaine fut non-seulement restaurée, mais renouvelée ; les villes acquirent la garantie d'un double état de liberté ; elles devinrent personnes juridiques, selon l'ancien droit civil, et personnes juridiques selon le droit féodal ; c'est-à-dire qu'elles n'eurent pas simplement la faculté de gérer les intérêts de voisinage, celle de posséder et d'aliéner, mais qu'elles obtinrent de droit, dans l'enceinte de leurs murailles, la souveraineté que les seigneurs exerçaient sur leurs domaines. Les deux courants de la révolution municipale, qui marchaient l'un vers l'autre, ne se rencontrèrent pas d'abord ; il y eut entre eux une zone intermédiaire, où l'ébranlement se fit sentir sans aller jusqu'à la réforme complète, au renouvellement constitutionnel. Dans la partie centrale de la Gaule, d'anciens municipes, des villes considérables, s'affranchirent du joug seigneurial par des efforts successifs, qui leur donnèrent une administration plus ou moins libre, plus ou moins démocratique, mais ne tenant rien ni de la commune jurée des villes du Nord, ni du consulat des villes du Midi. Quelques-unes reproduisirent dans le nombre de leurs magistrats électifs des combinaisons analogues à celles qu'avait présentées le régime des curies gallo-romaines ; d'autres affectèrent dans leur constitution un mode uniforme, le gouvernement de quatre personnes choisies chaque année par la généralité des citoyens, et exerçant le pouvoir administratif et judiciaire seules ou avec l'assistance d'un certain nombre de notables[19]. Il y avait là des garanties de liberté civile et de liberté politique ; mais quoique ces villes, moins audacieuses en fait d'innovation, eussent réussi à dégager de ses entraves le principe de l'élection populaire, l'indépendance municipale y demeura sous beaucoup de rapports faible et indécise ; la vigueur et l'éclat furent pour les constitutions nouvelles, pour le régime consulaire et la commune jurée, suprême expression des instincts libéraux de l'époque. Cette révolution complète, à laquelle échappèrent de vieilles cités municipales, pénétra sous l'une ou l'autre de ses deux formes dans beaucoup de villes de fondation postérieure aux temps romains. Quelquefois même, quand la cité se trouvait côte à côte avec un grand bourg né sous ses murs, il arriva que ce fut dans le bourg, et pour lui seul, que s'établit soit le consulat, soit le régime de l'association jurée[20]. Alors, comme toujours, l'esprit de rénovation souffla où il voulut, sa marche sembla réglée sur certains points, et sur d'autres capricieuse ; ici il rencontra des facilités inespérées, là des obstacles inattendus l'arrêtèrent. Les chances forent diverses et le succès inégal dans la grande lutte des bourgeois contre les seigneurs ; et non-seulement la somme des garanties arrachées de force ou obtenues de bon accord ne fut point la même partout, mais, jusque sous les mêmes formes politiques, il y eut pour les villes différents degrés de liberté et d'indépendance. On peut dire que la série des révolutions municipales du mie siècle offre quelque chose d'analogue au mouvement qui, de nos jours, a propagé en tant de pays le régime constitutionnel[21]. L'imitation y joua un rôle considérable ; la guerre et la paix, les menaces et les transactions, l'intérêt et la générosité eurent leur part dans l'événement définitif. Les uns, du premier élan, arrivèrent au but ; d'autres, tout près de l'atteindre, se virent ramenés en arrière ; il y eut de grandes victoires et de grands mécomptes, et souvent les plus nobles efforts, une volonté ardente et dévouée, se déployèrent sans aucun fruit ou n'aboutirent qu'à peu de chose[22]. Au-dessus de la diversité presque infinie des changements qui s'accomplissent au XIIe siècle dans l'état des villes grandes ou petites, anciennes ou récentes, une même pensée plane, pour ainsi dire, celle de ramener au régime public de la cité tout ce qui était tombé par abus ou vivait par coutume sous le régime privé du domaine. Cette pensée féconde ne devait pas s'arrêter aux bornes d'une révolution municipale ; en elle était le germe d'une série de révolutions destinées à renverser de fond en comble la société féodale, et à faire disparaître jusqu'à ses moindres vestiges. Nous sommes ici à l'origine du monde social des temps modernes ; c'est dans les villes affranchies, ou plutôt régénérées, qu'apparaissent, sous une grande variété de formes, plus ou moins libres, plus ou moins parfaites, les premières manifestations de son caractère. Là, se développent et se conservent isolément des institutions qui doivent un jour cesser d'être locales, et entrer dans le droit politique ou le droit civil du pays. Par les chartes de communes, les chartes de coutumes et les statuts municipaux, la loi écrite reprend son empire ; l'administration, dont la pratique s'était perdue, renaît dans les villes, et ses expériences de tous genres, qui se répètent chaque jour dans une foule de lieux différents, servent d'exemple et de leçon à l'État. La bourgeoisie, nation nouvelle dont les mœurs sont l'égalité civile et l'indépendance dans le travail, s'élève entre la noblesse et le servage, et détruit pour jamais la dualité sociale des premiers temps féodaux. Ses instincts novateurs, son activité, les capitaux qu'elle accumule, sont une force qui réagit de mille manières contre la puissance des possesseurs du sol, et, comme aux origines de toute civilisation, le mouvement recommence par la vie urbaine. L'action des villes sur les campagnes est l'un des grands faits sociaux du XIIe et du XIIIe siècles ; la liberté municipale, à tous ses degrés, découla des unes sur les autres, soit par l'influence de l'exemple et la contagion des idées, soit par l'effet d'un patronage politique ou d'une agrégation territoriale. Non-seulement les bourgs populeux aspirèrent aux franchises et aux privilèges des villes fermées, mais, dans quelques lieux du nord, on vit la nouvelle constitution urbaine, la commune jurée, s'appliquer, tant bien que mal, à de simples villages ou à des associations d'habitants de plusieurs villages[23]. Les principes de droit naturel qui, joints aux souvenirs de l'ancienne liberté civile, avaient inspiré aux classes bourgeoises leur grande révolution, descendirent dans les classes agricoles, et y redoublèrent, par le tourment d'esprit, les gènes du servage et l'aversion de la dépendance domaniale. N'ayant guère eu jusque-là d'autre perspective que celle d'être déchargés des services les plus onéreux, homme par homme, famille par famille, les paysans s'élevèrent à des idées et à des volontés d'un autre ordre ; ils en vinrent à demander leur affranchissement par seigneuries et par territoires, et à se liguer pour l'obtenir. Ce cri d'appel au sentiment de l'égalité originelle : Nous sommes hommes comme eux[24], se fit entendre dans les hameaux et retentit à l'oreille des seigneurs, qu'il éclairait en les menaçant. Des traits de fureur aveugle et de touchante modération signalèrent cette nouvelle crise dans l'état du peuple des campagnes ; une foule de serfs, désertant leurs tenures, se livraient par bandes à la vie errante et au pillage ; d'autres, calmes et résolus, négociaient leur liberté, offrant de donner pour elle, disent les chartes, le prix qu'on voudrait y mettre[25]. La crainte de résistances périlleuses, l'esprit de justice et l'intérêt, amenèrent les mitres du sol à transiger, par des traités d'argent, sur leurs droits de tout genre et leur pouvoir immémorial. Mais ces concessions, quelque larges qu'elles fussent, ne pouvaient produire un changement complet ni général ; les obstacles étaient immenses, c'était tout le régime de la propriété foncière à détruire et à remplacer ; il n'y eut point à cet égard de révolution rapide et sympathique comme pour la renaissance des villes municipales ; l'œuvre fut longue, il ne fallut pas moins de six siècles pour l'accomplir. |
[1] Je ne veux pas dire que la société civile en France n'ait reçu des deux autres ordres aucun élément de progrès, je veux dire seulement que la série de ses progrès se marque, avant tout, par les changements successifs arrivés dans la condition des différentes classes d'hommes qui, du me siècle à 1789, ont porté ensemble le nom collectif de tiers état.
[2] Le Recueil des monuments inédits de l'histoire du tiers état, faisant partie de la Collection de documents inédits sur l'Histoire de France, publiée par les soins du ministre de l'instruction publique. Voyez ci-après Appendice Ier.
[3] Selon le droit romain, la souveraineté des empereurs dérivait du peuple par délégation perpétuelle ; selon le christianisme, elle venait de Dieu. C'est ce dernier principe qui, depuis le règne de Constantin, fit prévaloir l'hérédité dans les successions impériales. Voyer le Mémoire de mon frère Amédée Thierry sur l'Administration centrale dans l'empire romain. Revue de législation et de jurisprudence, septembre 1843.
[4] La loi des Franks saliens ou loi salique, et la loi des Franks ripuaires, ou loi des Ripuaires.
[5] Leg. salic., tit. XLIII, § I,, apud Script. rer. gall. et francic., t. IV, p. 220. — Leg. Ripuar., tit. VII, ibid., p. 257. — Ibid., tit. XXXVI, §§ I, II et IV, ibid., p. 241. — Leg. salic., tit. XLIII, § III, ibid., p. 220. — Leg. Ripuar., tit. XXXVI, § III, ibid., p. 241. — Leg. salic., tit. XLIII, § IV, ibid., p. 220. — Caroli Magni capitul., anni DCCCXIII, ibid., t. IV, p. 688. — Leg. salic., tit. XLIII, § VIII, ibid., t. IV, p. 220. — Ibid., tit. XL, § III, p. 209.
[6] Histoire de la civilisation en France, par M. Guizot, 3e édit., t. IV, p. 224.
[7] Voyez le rapport de M. Michelet sur le concours du prix d'histoire ayant pour sujet cette question : Causes qui ont amené l'abolition de l'esclavage (Mémoires de l'Académie des sciences morales et politiques, t. III, p. 655). — Voyez aussi les Dissertations jointes par M. Pardessus à son Recueil des textes de la loi salique, dissertations IVe et VIIe.
[8] Voyez la nouvelle édition du Glossaire de Du Cange, par M. Menschel, t. II, p. 214, au mot Carati.
[9] Voyez le Mémoire de M. Mignet sur cette question : Comment l'ancienne Germanie est entrée dans la société civilisée de l'Europe occidentale. Mémoires de l'Académie des sciences morales et politiques, t. III, p. 673.
[10] Voyez trois dissertations de M. le comte Beugnot sur les Municipalités rurales en France. Revue française, août, septembre et octobre 1838.
[11] Voyez le Mémoire de MM. Wallon et Yanoski sur les causes qui ont amené l'abolition de l'esclavage, travail couronné en 1839 par l'Académie des sciences morales et politiques.
[12] Adalberonis carmen ad Robertum regem, apud Script. rer. gall. et francic., t. X, p. 69.
[13] M. Guérard, Prolégomènes du cartulaire de l'abbaye de Saint-Père de Chartres. Collection des cartulaires de France, t. I, p. XI. — Voyez le grand travail du même auteur sur la condition des personnes et des terres, depuis les invasions des Barbares jusqu'à l'institution des communes, ouvrage placé en tête de l'édition du Polyptyque d'Irminon, abbé de Saint-Germain-des-Prés.
[14] On ne l'employait, au Xe siècle, que dans la langue du droit ecclésiastique où les mots Libertas romana signifiaient l'immunité au moyen de laquelle une abbaye, avec ses domaines, était soustraite à la juridiction ordinaire, et relevait seulement de l'église de Rome.
[15] La qualification de seigneur, Dominus, Domnus, fut donnée aux évêques dans leurs villes bien avant les temps féodaux. Un acte passé en 804 devant la curie d'Angers présente comme synonymes les titres de Defensor et de Vice-domus ; on lit d'abord : Adstante vir laudabile Wifredo defensore, vel cuncta curia... et à la fin Signum Wifredo vice-domo. Voyez Martène, Amplissima collectio, p. 58 et 59.
[16] Voyez les Considérations sur l'Histoire de France, en tête des Récits des temps mérovingiens, chap. VI.
[17] Voyez les Considérations sur l'Histoire de France, chap. VI, p. 164 et suivantes, in-8°, 1852.
[18] Ce mot n'avait point dans le moyen âge la généralité de sens que nous lui prêtons aujourd'hui ; il désignait d'une manière spéciale la municipalité constituée par association et par assurance mutuelle sous la foi du serment. Voyez les Considérations sur l'Histoire de France, chap. VI, p. 174 et suivantes.
[19] Les dix prud'hommes d'Orléans et de Chartres semblent une réminiscence du rôle que jouaient les dix premiers sénateurs, Decemprimi, Decaproti, dans la municipalité romaine. Le gouvernement de quatre prud'hommes, qui fut celui de Bourges et de Tours, jouit d'une grande faveur sur une bande de territoire prolongée de l'est à l'ouest dans la Touraine, le Berry, le Nivernais, la Bourgogne et la Franche-Comté.
[20] On peut citer, pour le premier cas, Périgueux et le Puy-Saint-Front ; pour le second, Tours et Châteauneuf.
[21] Voyez les Lettres sur l'Histoire de France, lettre XIV.
[22] Voyez l'histoire de la commune de Vézelay, Lettres sur l'Histoire de France, lettres XXII, XXIII et XXIV.
[23] Voyez les lettres de Philippe-Auguste, données sous les dates de 1184, 1185, 1186, 1196, 1205, 1216 et 1221. (Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XI, p. 231, 237, 245, 277, 291, 308 et 315.)
[24] Wace, Roman de Rou, t. I, p. 306.
[25] RICORDUS, De Gestis Philippi Augusti, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVII, p. 11. — Charte du chapitre de Sainte-Croix d'Orléans, confirmée par lettres de Louis VIII [1214] ; Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XI, p. 322.