Depuis la bataille de l'Étendard jusqu'à l'insurrection des Poitevins et des Bretons contre le roi Henri II. 1137-1169L'amitié qui, au moment de la conquête de Guillaume, s'était formée tout à coup entre le peuple anglo-saxon et celui d'Écosse, attiédie depuis par plusieurs circonstances, n'avait cependant jamais été entièrement rompue. Le jour où Malcolm Kenmore, le beau-frère du roi Edgar, fut contraint de s'avouer vassal du Conquérant, une sorte de barrière morale s'éleva, il est vrai, entre les rois écossais et les Anglais de race ; mais Malcolm lui-même et ses successeurs supportèrent impatiemment cette condition de vasselage que la force leur avait imposée. Plus d'une fois, voulant s'y soustraire, ils devinrent agresseurs des Anglo-Normands, et descendirent au sud de la Tweed ; plus d'une fois aussi, les Normands passèrent ce fleuve par représailles, et le serment de sujétion féodale fut rompu et renouvelé tour à tour, au gré des chances de la guerre. D'ailleurs, jamais les rois d'Écosse ne mirent au nombre des devoirs qu'ils avaient contractés en acceptant le titre d'hommes liges, l'obligation de fermer leur pays aux émigrés anglo-saxons. La multitude d'hommes de tout rang et de tout état qui, après une lutte inutile contre les envahisseurs, s'expatrièrent sur le territoire écossais, vint y augmenter considérablement l'ancienne masse de population germanique établie entre la Tweed et le Forth[1]. Les rois qui succédèrent à Malcolm ne se montrèrent pas moins généreux que lui envers ces réfugiés. Ils leur donnèrent des terres et des emplois et les admirent dans leur conseil d'État, où peu à peu la vraie langue écossaise, la langue gallique ou erse, fut supplantée par le dialecte anglo-danois parlé sur les basses terres d'Écosse. Par suite de la même révolution, les rois écossais se défirent des surnoms patronymiques qui rappelaient leur origine celtique, et ne gardèrent que de simples noms propres, soit saxons, soit étrangers, comme Edgar, Alexandre, David, etc. Cette hospitalité que les chefs de l'Écosse accordaient aux hommes de race saxonne fuyant devant les Normands, ils l'offrirent aussi, comme on l'a déjà vu, aux hommes de race normande mécontents du lot qui leur était échu dans le partage de la conquête, ou bannis de l'Angleterre par sentence de leurs propres chefs. Ces fils des conquérants vinrent en grand nombre chercher fortune où les vaincus avaient trouvé recours. La plupart étaient des soldats éprouvés. Les rois écossais les prirent à leur service, joyeux d'avoir des chevaliers normands à opposer aux Normands de par delà la Tweed. Ils les admirent dans leur intimité, leur confièrent de grands commandements, et même, pour rendre leur cour plus agréable à ces nouveaux hôtes, ils s'étudièrent à introduire dans le langage teutonique, qu'on y parlait, un grand nombre de mots et d'idiotismes français[2]. La mode et l'usage naturalisèrent peu à peu ces locutions exotiques sur tout le pays situé au sud du Forth, et la langue nationale y devint, en assez peu de temps, un composé bizarre de tudesque et de français presque également mélangés. Cette langue, qui est encore aujourd'hui le dialecte populaire des habitants du midi de l'Écosse, ne conserva qu'une faible quantité de mots celtiques, soit erses, soit bretons, la plupart destinés à représenter des objets propres au pays, tels que les divers accidents d'un sol extrêmement varié. Mais, malgré le peu de figure que faisaient dans le nouveau langage les débris de l'ancien idiome des plaines écossaises, on pouvait facilement reconnaître, à l'esprit et aux mœurs de la population de ces contrées, que c'était une race celtique, où d'autres races d'hommes étaient venues se fondre, sans la renouveler entièrement. La vivacité d'imagination, le goût pour la musique et la poésie, l'habitude de redoubler, en quelque sorte, le lien social par des liens de parenté qui se notent et se réclament jusqu'au degré le plus éloigné, sont des traits originels qui distinguaient, et distinguent encore, les habitants de la rive gauche de la Tweed, de leurs voisins méridionaux. A mesure qu'on avançait vers l'ouest, dans les plaines d'Écosse, ces traits de physionomie celtique paraissaient marqués plus fortement, parce que le peuple y était plus éloigné de l'influence des villes royales de Scone et d'Edinburgh, où affluait la multitude des émigrants étrangers. Dans la province de Galloway, par exemple, l'autorité administrative n'était encore regardée, au douzième siècle, que comme une fiction de l'autorité paternelle, et nul homme envoyé par le roi pour gouverner cette contrée ne pouvait y exercer en paix le commandement, s'il n'était agréé comme tête de famille ou chef de clan par le peuple qu'il devait régir[3]. Si les habitants ne jugeaient pas à propos de décerner ce titre à l'officier du roi, ou si l'ancien chef héréditaire de la tribu ne lui cédait pas volontairement son privilège, la tribu ne le reconnaissait point, malgré sa commission royale, -et lui-même était bientôt forcé de résigner ou de vendre cette commission au chef préféré par le peuple[4]. Dans les lieux où les émigrés de l'Angleterre, soit saxons, soit normands, obtenaient des domaines territoriaux, sous condition de foi et de service ; ils avaient coutume de bâtir une église, un moulin, une brasserie et quelques maisons pour leur suite, que les Saxons appelaient the hirede, et les Normands la ménie. La réunion de tous ces édifices, entourés d'une palissade ou d'un mur, se nommait l'enclos, the tun, dans la langue des basses terres d'Écosse. Les habitants de ces enclos, maîtres et valets, propriétaires et fermiers, composaient une sorte de petite cité, unie comme un clan celtique, mais par d'autres liens que la parenté, par le service et le salaire, l'obéissance et le commandement. Le chef, dans sa tour carrée, bâtie au milieu des demeures plus humbles de ses vassaux ou de ses laboureurs, ressemblait en apparence au Normand d'Angleterre, dont le château fort dominait les huttes de ses serfs. Mais entre la condition réelle de l'un et de l'autre la différence était grande. En Écosse, la subordination du pauvre au riche n'était point servitude : on donnait, il est vrai, à ce dernier le nom de lord en langue teutonique[5], et de sire en langue française ; mais, comme il n'était ni conquérant, ni fils de conquérant, on ne le haïssait point, et l'on ne tremblait point devant lui. Une sorte de familiarité rapprochait l'habitant de la tour de celui de la cabane ; ils savaient que leurs ancêtres ne leur avaient point légué d'injures mortelles à venger l'un sur l'autre. Quand la guerre les rassemblait en armes, ils ne formaient pas deux peuples séparés, l'un de cavaliers, l'autre de fantassins ; l'un couvert d'armures complètes, l'autre à qui les éperons étaient interdits sous peine de châtiments ignominieux. Chacun, armé, selon sa richesse, d'une cotte de mailles ou d'un pourpoint doublé, montait son propre cheval bien ou mal enharnaché. En Écosse, la condition de laboureur sur le domaine d'autrui n'était point humiliante comme en Angleterre, où le mot normand vilain est devenu, dans le langage vulgaire, la plus odieuse des épithètes. Un fermier écossais était appelé communément le bonhomme, the gude-man. Son lord n'avait à prétendre de lui que des rentes et des services établis de gré à gré, il n'était point taillé haut et bas comme en pays de conquête[6] : aussi ne vit-on jamais en Écosse aucune insurrection de paysans ; le pauvre et le riche sympathisaient ensemble, parce que la pauvreté et la richesse n'avaient point pour cause première la victoire et l'expropriation. Les races d'hommes, comme les différents idiomes, s'étaient mélangées dans tous les rangs, et la même langue se parlait au château, à la ville et dans la chaumière. Cette langue, que sa ressemblance avec celle des Anglo-Saxons faisait nommer anglisc ou anglaise, avait un sort bien différent en Écosse et en Angleterre. Dans ce dernier pays, elle était l'idiome des serfs, des gens de métier ; des gardeurs de troupeaux, et les poètes, qui chantaient pour les hautes classes, ne composaient qu'en pur normand ; mais au nord de la Tweed, l'anglais était la langue favorite des ménestrels attachés' à la cour ; il était poli, travaillé, gracieux, recherché même, tandis que de l'autre côté, du même fleuve, il devenait rude et sans grâce comme les malheureux qui le parlaient. Le petit nombre de poètes populaires qui, au lieu de rimer en français pour les fils des Normands, s'obstinèrent à rimer en anglais pour les Saxons, sentaient cette différence, et se plaignaient de ne pouvoir employer, sous peine de n'être point compris, le beau langage, les tours hardis et la versification compliquée des Écossais méridionaux. J'ai mis, dit l'un d'eux, dans mon anglais simple, pour l'amour des gens simples, ce que d'autres ont écrit et dit plus élégamment ;car ce n'est point pour orgueil et noblesse que j'écris, mais pour ceux qui ne sauraient entendre un anglais plus recherché 2[7]. Dans cet anglais poli des basses terres d'Écosse furent habillées les vieilles traditions bretonnes, qui restèrent dans la mémoire des habitants des bords de la Clyde, longtemps après que la langue bretonne eut péri dans ces contrées. Sur les basses terres du sud-ouest, Arthur et les autres héros de la nation cambrienne étaient plus populaires que les héros des anciens Scots, que Gaul-Mac-Morn et Fin-Mac-Gaul, ou Fingal, père d'Oshinn[8], chantés en langage gallique dans les montagnes et dans les îles[9]. La population qui parlait ce langage presque entièrement semblable à celui des indigènes de l'Irlande était encore, au douzième siècle, la plus nombreuse en Écosse, mais la moins puissante politiquement, depuis que ses propres rois avaient déserté son alliance pour celle des habitants du sud-est. Elle le savait, et se souvenait que les plaines occupées par ces nouveaux venus avaient été jadis la propriété de ses aïeux ; elle les haïssait comme usurpateurs, et ne leur donnait point le nom de Scots, sous lequel les étrangers les confondaient avec elle, mais celui de Sassenachs, c'est-à-dire Saxons, parce que, de quelque origine qu'ils fussent, tous parlaient la langue anglaise. Longtemps les enfants des Galls regardèrent comme de simples représailles les incursions de guerre et de pillage faites sur les basses terres d'Écosse : Nous sommes les héritiers des plaines, disaient-ils, il est juste que nous reprenions nos biens[10]. Cette hostilité nationale, dont les habitants de la plaine redoutaient vivement les effets, les rendit toujours disposés à provoquer, de la part des rois d'Écosse, toutes sortes de mesures arbitraires et tyranniques pour ruiner l'indépendance des montagnards. Mais il semble qu'il y ait dans les mœurs, comme dans la langue des populations celtiques, un principe d'éternité qui se joue du temps et des efforts des hommes. Les clans des Galls se perpétuèrent sous leurs chefs patriarcaux, auxquels les membres du clan, portant tous le même nom, obéissaient comme des fils à leur père. Toute tribu n'ayant point de patriarche et ne vivant point en famille était considérée comme vile ; peu d'entre elles encouraient ce déshonneur, et, pour l'éviter, les poètes et les historiens, grands auteurs de généalogies, avaient toujours soin de faire descendre chaque nouveau chef du chef primitif, de l'aïeul commun de toute la tribu[11]. Pour signe de cette filiation, qui jamais ne devait s'interrompre, le chef actuel joignait à son nom propre un surnom patronymique que tous ses prédécesseurs avaient porté avant lui, et que ses successeurs devaient prendre de même. Suivant l'étiquette celtique, ce surnom leur tenait lieu de titre. Jamais le style féodal des actes publics d'Écosse n'eut cours dans les montagnes ni dans les îles, et le même homme qui, à la cour des rois, s'intitulait duc ou comte d'Argyle, de retour dans le pays d'Argyle, au sein de sa tribu, redevenait Mac-Callam-More, c'est-à-dire le fils de Callam le Grand[12]. Toutes les peuplades répandues sur la côte occidentale de l'Écosse, depuis la pointe de Cantire jusqu'au cap du Nord, et dans les îles Hébrides, qu'on appelait aussi îles des Galls[13], vivaient en sociétés séparées, sous cette autorité patriarcale ; mais, au-dessus de tous leurs chefs particuliers, il existait, dans le douzième siècle, un chef suprême que, dans la langue des basses terres, on appelait le lord, le seigneur, ou le roi des îles. Ce roi de toute la population gallique d'Écosse avait sa résidence à Dunstaffnage, sur un rocher de la mer occidentale, ancien séjour des rois scots, avant leur émigration vers l'est ; quelquefois aussi il habitait le fort d'Artornish, sur le détroit de Mull, ou bien l'île d'Ilay, la plus fertile, sinon la plus grande des Hébrides. Là se tenait une haute cour de justice, dont les membres s'asseyaient en cercle sur des sièges taillés dans le roc. On y voyait aussi une pierre de sept pieds carrés, sur laquelle montait le roi des îles, au jour de son couronnement. Debout sur ce piédestal, il jurait de conserver à chacun ses droits, et de faire, en tout temps, bonne justice ; ensuite on lui remettait entre les mains l'épée de son prédécesseur ; l'évêque d'Argyle et sept prêtres le sacraient en présence de tous les chefs de tribus des îles et du continent[14]. Le pouvoir du roi des îles Hébrides s'étendit quelquefois sur celle de Man, située plus au sud, entre l'Angleterre et l'Irlande, et quelquefois cette île eut un roi à part, issu de race irlandaise, ou fils d'anciens chefs scandinaves, qui s'y étaient reposés après leurs courses de mer. Les rois des îles de l'ouest reconnurent pour suzerains tantôt les rois d'Écosse et tantôt ceux de Norvège, selon qu'ils y furent engagés par l'intérêt ou contraints par la force[15]. L'aversion naturelle des Galls contre les Écossais des basses terres tendait à maintenir l'indépendance de cette royauté purement gallique, qui existait encore dans toute sa plénitude vers le temps où cette histoire est parvenue ; alors le roi des îles traitait de puissance à puissance avec celui d'Écosse, son rival en temps ordinaire, mais son allié naturel contre un ennemi commun, par exemple, contre les rois d'Angleterre ; car l'instinct de haine nationale, qui avait tant de fois poussé les anciens Scots vers la Bretagne méridionale, n'avait point encore péri chez les montagnards écossais[16]. Sur les basses terres d'Écosse, une guerre contre les Anglo-Normands ne pouvait manquer d'être extrêmement populaire ; car les Saxons d'origine, qui habitaient ce pays, brûlaient de venger leurs propres malheurs et les malheurs de leurs aïeux, et, par un concours bizarre de circonstances, les Normands réfugiés en Écosse désiraient eux-mêmes se mesurer avec ceux de leurs compatriotes qui les avaient bannis d'Angleterre[17]. Le désir de reprendre les domaines qu'ils avaient usurpés autrefois, non moins vif chez eux que n'était dans le cœur des Anglo-Saxons celui de recouvrer leur patrie et leurs biens héréditaires, faisait que, dans le conseil des rois d'Écosse, où les nouveaux citoyens siégeaient en grand nombre, l'opinion presque universelle était pour la guerre avec les conquérants de l'Angleterre. Galls, Saxons, Normands, hommes des montagnes et de la plaine, quoique par des motifs différents, s'accordaient tous sur ce point ; et c'est probablement cet accord unanime, bien connu des Anglais de race, qui encouragea ces derniers à compter sur l'appui de l'Écosse, dans le grand complot tramé et découvert en l'année 1137. Depuis longtemps il arrivait en foule auprès des rois écossais, neveux du dernier roi anglo-saxon, des émissaires du peuple anglais, les conjurant, par la mémoire d'Edgar leur oncle, de venir au secours de la nation opprimée, dont ils étaient parents. Mais les fils de Malcolm Kenmore étaient rois, et, comme tels, peu disposés à se commettre, sans de puissants motifs d'intérêt personnel, dans une révolte nationale. Ils restèrent sourds aux plaintes des Anglais et aux suggestions de leurs propres courtisans, tant que vécut le roi Henri Ier, avec lequel ils avaient aussi quelque lien de parenté par sa femme Mathilde, fille de Malcolm. Lorsque Henri fit jurer aux chefs normands de donner, après sa mort, le royaume à la fille qu'il avait eue de Mathilde, David, alors roi d'Écosse, fut présent à cette assemblée, et ii y prêta serment comme vassal de Henri Ier ; mais après que les seigneurs d'Angleterre, manquant à leur parole, au lieu de Mathilde, eurent choisi Étienne de Blois, le roi d'Écosse commença à trouver que la cause des Saxons était la meilleure[18] : il promit de les assister dans leur projet d'exterminer tous les Normands, et peut-être, en récompense de cette promesse vague, stipula-t-il, comme ce fut le bruit du temps, qu'on le ferait roi d'Angleterre si l'entreprise' réussissait. L'affranchissement des Anglais n'eut point lieu, comme on l'a vu plus haut, grâce à la vigilance d'un évêque. Cependant le roi d'Écosse, qui ne s'était lié à ce peuple que parce qu'il avait, de son côté, des projets de guerre contre les Anglo-Normands, rassembla une armée et marcha vers le sud. Ce ne fut pas au nom de la race saxonne opprimée qu'il fit son entrée en Angleterre, mais au nom de Mathilde, sa cousine, dépossédée, disait-il, par Étienne de Blois, usurpateur du royaume[19]. Le peuple anglais n'avait guère plus d'amour pour la femme de Geoffroy d'Anjou que pour le Blaisois Étienne, et cependant les populations les plus voisines des frontières de l'Écosse, les hommes du Cumberland, du Westmoreland et de toutes les vallées où coulent les rivières qui vont grossir les eaux de la Tweed, poussés par le simple instinct qui nous porte à saisir avidement tous les moyens de salut, reçurent les Écossais comme des amis et se joignirent à eux[20]. Ces vallées, d'un accès difficile et à peine soumises par les Normands, étaient, en grande partie, peuplées de Saxons dont les pères avaient été bannis au temps de la conquête[21]. Ils vinrent au camp des Écossais en grand nombre et sans ordre, sur de petits chevaux de montagne, qui étaient leur seule propriété. En général, à l'exception des cavaliers d'origine normande ou. française que menait avec lui le roi d'Écosse, et qui portaient des armures de mailles complètes et uniformes, le gros de ses troupes offrait une variété désordonnée d'armes et d'habillements. Les habitants de l'est des basses terres, hommes de descendance danoise ou saxonne, formaient la grosse infanterie, armée de cuirasses et de fortes piques ; les habitants de l'ouest, et surtout ceux du Galloway, qui conservaient encore une vive empreinte de leur descendance bretonne, étaient, comme les anciens Bretons, sans armes défensives, et portaient de longs javelots dont le fer était aigu et le bois mince et fragile ; enfin les vrais Écossais de race, montagnards et insulaires, étaient coiffés de bonnets ornés de plumes d'oiseaux sauvages, et avaient de larges manteaux de laine rayée serrés autour du corps par un baudrier de cuir auquel ils suspendaient une large épée ; ils portaient au bras gauche un bouclier rond de bois léger, recouvert d'un cuir épais ; et quelques tribus des îles se servaient de haches à deux mains, à la manière des Scandinaves ; l'armure des chefs était la même que celle des hommes du clan ; on ne les distinguait qu'à leurs longs plumets, plus légers et flottant avec plus de grâce. Les troupes du roi d'Écosse, nombreuses et en grande partie irrégulières, occupèrent sans résistance tout le pays situé entre la Tweed et la limite septentrionale de la province d'York. Les rois normands n'avaient point encore bâti dans cette contrée les forteresses imposantes qu'ils y élevèrent dans un temps postérieur, et ainsi aucun obstacle n'arrêta le passage des fourmis écossaises, comme les appelle un vieil auteur[22]. Il parait que cette armée commit beaucoup de cruautés dans les lieux qu'elle traversa ; les historiens parlent de femmes et de prêtres massacrés, d'enfants jetés en l'air et reçus à la pointe des lances ; mais, comme ils s'expliquent avec peu de précision, on ne sait si ces excès tombèrent seulement sur les hommes de descendance normande et furent les représailles des Anglais de race, ou si l'aversion native de la population gallique contre les habitants de l'Angleterre s'exerça indifféremment sur le serf et le maître, le Saxon et le Normand[23]. Les seigneurs du nord, et surtout l'archevêque d'York, nommé Toustain, profitèrent du bruit de ces atrocités, répandu vaguement et d'une manière peut-être exagérée, pour prévenir, dans l'esprit des habitants saxons des rives de l'Humber, l'intérêt naturel que devait leur inspirer la cause des ennemis du roi normand[24]. Afin de déterminer leurs sujets à marcher avec eux contre le roi d'Écosse, les barons normands flattèrent avec adresse d'anciennes superstitions locales ; ils invoquèrent les noms des saints de race anglaise, qu'eux-mêmes avaient traités autrefois avec tant dé mépris ; ils les prirent, en quelque façon, pour généralissimes de leur armée, et l'archevêque Toustain leva lés bannières de saint Cuthbert de Durham, de saint Jean de Beverley et de saint Wilfrid de Rippon. Ces étendards populaires, qui depuis la conquête devaient avoir peu-vu le jour, furent tirés de la poussière des églises pour être transportés à Elfer-tun, aujourd'hui Allerton, à trente-deux milles au nord d'York, lieu où les chefs normands résolurent d'attendre l'ennemi. C'étaient Guillaume Piperel et Gaultier Espec, du comté de Nottingham, avec Guilbert de Lacy et son frère Gaultier, dit comté d'York, qui devaient commander la bataille. L'archevêque ne put s'y rendre pour cause de maladie, et il envoya à sa place Raoul, évêque de Durham, probablement expulsé de son église par l'invasion dés Écossais[25]. Autour des bannières saxonnes élevées dans le camp d'Allerton par les seigneurs de race étrangère, un instinct demi-religieux, demi-patriotique, fit accourir en grand nombre les habitants anglais des villes voisines et du plat pays. Ils ne portaient plus la grande hache de combat, l'arme favorite de leurs aïeux, mais étaient armés de grands arcs et de flèches longues de deux coudées. La conquête avait opéré ce changement de deux manières différentes : d'abord, ceux des indigènes qui s'étaient pliés à servir en guerre les rois normands, pour le pain et la soldé, avaient dû s'exercer à la tactique normande ; et quant à ceux qui, plus indépendants, s'étaient voués à la vie de partisans sur les routes, et de francs-chasseurs dans les forêts, ils avaient dû pareillement quitter les armes propres au combat de près, pour d'autres plus capables d'atteindre à la course les chevaliers de Normandie et les daims du roi. Les fils des uns et des autres ayant été, dès leur enfance ; exercés au tir de l'arc, l'Angleterre était, en moins d'un siècle, devenue le pays des bons archers, comme l'Écosse était le pays des bonnes lances. Pendant que l'armée écossaise passait la rivière de Tees, les barons normands se préparaient avec activité à recevoir son attaque. Ils dressèrent sur quatre roues un mât de navire, au sommet duquel fut placée une petite boite d'argent qui contenait une hostie consacrée, et autour de la boite furent suspendues les bannières qui devaient exciter les Anglais à bien combattre[26]. Cet étendard, d'une espèce assez commune au moyen âge, occupait le centre de l'armée en bataille. Les chevaliers anglo-normands prirent leur poste alentour, après s'être confédérés par la foi et le serment, et avoir juré de rester unis pour la défense du territoire, à la vie et à la mort[27]. Les archers saxons flanquaient le corps de bataille et formaient l'avant-garde. Au bruit de l'approche des Écossais, qui s'avançaient avec rapidité, le Normand Raoul, évêque de Durham, monta sur une éminence, et parla ainsi en langue française[28] : Nobles seigneurs de race
normande, vous qui faites trembler la France et avez conquis l'Angleterre,
voici que les Écossais, après vous avoir fait hommage, entreprennent de vous
chasser de vos terres[29]. Mais si nos pères, en petit nombre, ont soumis une grande
partie de la Gaule, ne vaincrons-nous pas ces gens à demi nus, qui n'opposent
à nos lances et à nos épées que la peau de leurs corps, ou un bouclier de
cuir de veau ? Leurs piques sont longues, il est vrai, mais le bois en est
fragile et le fer de mauvaise trempe. On les a entendus, dans leur jactance,
ces habitants du Galloway, dire que le breuvage le plus do&x était le
sang d'un Normand. Faites en sorte que pas un d'eux ne retourne vers les siens
se vanter d'avoir tué des Normands[30]. L'armée écossaise, ayant pour étendard une simple lance à banderole, marchait divisée en plusieurs corps. Le jeune Henri, fils du roi d'Écosse, commandait les hommes des basses terres et les volontaires anglais du Cumberland et du Northumberland ; le roi lui-même était à la tête de tous les clans des montagnes et des îles, et les chevaliers d'origine normande, armés de toutes pièces, formaient sa garde[31]. L'un d'entre eux, appelé Robert de Brus, homme d'un grand âge, qui tenait pour le roi d'Écosse, en raison de son fief d'Annandal[32], et n'avait d'ailleurs aucun motif personnel d'inimitié contre ses compatriotes d'Angleterre, s'approcha du roi au moment où il allait donner le signal de l'attaque, et lui parlant d'un air triste : Ô roi, dit-il, songes-tu bien contre qui tu vas combattre ? C'est contre les Normands et les Anglais, qui toujours t'ont si bien servi de conseils et d'armes, et sont parvenus à te faire obéir de tes peuples de race gallique. Tu te crois donc bien sûr maintenant de la soumission de ces tribus ? tu espères donc les maintenir dans le devoir avec le seul appui de tes hommes d'armes écossais ? Mais souviens-toi que c'est nous qui d'abord les avons mis sous ta main, et que de là vient la haine dont ils sont animés contre nos compatriotes[33]. Ce discours parut faire une grande impression sur le roi[34]. Mais Guillaume, son neveu, s'écria avec impatience : Voilà des paroles de traître[35]. Le vieux Normand ne répondit à cet affront qu'en abjurant, suivant la formule du siècle, son serment de foi et d'hommage, et il piqua des deux vers le camp des ennemis[36]. Alors les montagnards qui entouraient le roi d'Écosse élevèrent la voix et crièrent l'ancien nom de leur pays, Alben ! Alben ! Albanie ! Albanie ![37] Ce fut le signal du combat. Les gens du Cumberland et des vallées de Liddel et de Teviot chargèrent d'une manière ferme et rapide le centre de l'armée normande, et, selon l'expression d'un ancien narrateur, Je rompirent comme une toile d'araignée[38] ; mais, étant mal soutenus par les. autres corps écossais, ils n'arrivèrent point jusqu'à l'étendard des Anglo-Normands. Ceux-ci rétablirent leurs rangs et repoussèrent les assaillants avec perte. A une seconde charge, les longs javelots des Écossais du sud-ouest se brisèrent contre les hauberts de mailles et les écus des Normands[39]. Alors les montagnards tirèrent leurs grandes épées pour combattre de près ; mais les archers saxons, se déployant sur les côtés, les assaillirent d'une grêle de flèches, pendant que les cavaliers normands les chargeaient de front, en rangs serrés et la lance basse[40]. Il faisait beau voir, dit un contemporain, les mouches piquantes sortir en bourdonnant des carquois des hommes du sud, et tomber dru comme la pluie[41]. Les Galls, hardis et braves, mais peu faits pour les évolutions régulières, se dispersèrent du moment qu'ils se sentirent incapables d'entamer les rangs de l'ennemi[42]. Toute l'armée d'Écosse, obligée de faire retraite, rétrograda jusqu'à la Tyne. Les vainqueurs ne la poursuivirent point au delà de ce fleuve, et le pays qui s'était insurgé à l'approche des Écossais demeura, malgré leur défaite, affranchi de la domination normande. Durant un assez long espace de temps après cette journée, le Westmorelancl, le Cumberland et le Northumberland firent partie du royaume d'Écosse ; le nouvel état de ces trois provinces empêcha l'esprit et le caractère anglo-saxon de s'y effacer autant que dans les autres parties de l'Angleterre. Les traditions nationales et les chants populaires survécurent et se perpétuèrent au nord de la Tyne[43] : c'est de là que la poésie anglaise, méprisée et oubliée clans les lieux qu'habitaient les Normands, redescendit plus tard sur les provinces méridionales. Pendant que ces choses se passaient au nord de l'Angleterre, la nation des Gallois, qui avait promis secours aux Saxons dans leur grand complot de délivrance, exécutant sa promesse, malgré le mauvais succès de l'entreprise, commença sur toute la ligne de ses frontières l'attaque des châteaux forts bâtis par les Normands. Les Cambriens, race d'hommes impétueuse et passionnée, se portèrent avec une sorte de fanatisme national à cette agression soudaine ; il n'y eut quartier pour aucun homme parlant- la langue française : barons, chevaliers et soldats impatronisés sur les terres galloises ; prêtres et moines intrus dans les églises, et dotés sur les terres des Gallois, tous furent tués ou chassés des domaines qu'ils occupaient[44]. Les Cambriens se montrèrent cruels dans ces représailles ; mais eux-mêmes avaient subi des cruautés inouïes de la part des Anglo-Normands. Hugues le Loup et Robert de Maupas avaient presque dépeuplé d'habitants indigènes la contrée de Flint, voisine du comté de Chester ; Robert de Ruddlan les avait enlevés de leurs maisons pour en faire des serfs ; et les historiens du temps disent de Robert de Belesme, comte de Shrewsbury, qu'il avait déchiré les Gallois avec des ongles de fer[45]. Les conquérants de l'Angleterre, non contents de posséder les terres fertiles de ce pays, avaient de bonne heure envahi avec une égale avidité les marais et les rochers de la Cambrie[46]. Ceux des chefs de bandes qui s'établirent dans les provinces de l'ouest sollicitèrent presque tous du roi Guillaume ou de ses fils, comme une sorte de supplément de solde, la licence de conquérir sur les Gallois ; c'est l'expression des anciens actes[47] : beaucoup d'hommes obtinrent cette permission ; d'autres la prirent d'eux-mêmes ; et sans lettres de marque, coururent sus aux Cambriens, qui résistèrent bravement, et défendirent pied à pied leur territoire. Les Normands s'étant rendus maîtres des extrémités orientales du pays de Galles, y bâtirent, suivant leur coutume, une ligne de châteaux forts[48]. Cette chaîne de forteresses s'était graduellement resserrée ; et lorsqu'en l'année 1138, les Gallois entreprirent de la rompre, presque tout le sud du pays, les vallées de Glamorgan et de Brecknock, et le grand promontoire de Pembrocke, étaient déjà détachés de l'ancienne Cambrie. Divers accidents avaient contribué à faciliter ces conquêtes. D'abord. sous le règne de Guillaume le Roux, une guerre civile entre les Gallois méridionaux — événement trop commun chez ce peuple — introduisit dans le pays de Glamorgan, comme auxiliaires soldés de l'une des parties belligérantes, une compagnie d'aventuriers normands conduits par Robert, fils d'Aymon. Ce Robert — le même dont la fille ne voulait point accepter un mari qui n'eût pas deux noms[49] —, après avoir combattu pour un chef gallois, et reçu sa solde, retournant sur ses domaines de Glocester, se mit à songer à l'effet terrible qu'avaient produit sur les Cambriens ses hommes et ses chevaux vêtus de fer[50]. Cette réflexion lui suggéra le projet de visiter en conquérant le même chef dont il avait été le soldat. Il rassembla une bande plus nombreuse, entra dans la vallée de Glamorgan, et s'empara des lieux les plus voisins de la frontière normande[51]. Les envahisseurs se partagèrent le pays, suivant leurs grades. Robert, fils d'Aymon, eut pour son lot trois villes, et devint comte de toute la terre conquise. Parmi ses principaux compagnons, l'histoire cite Robert de Saint-Quentin, Richard de Granville, Pierre le Sourd et Jean le Flamand[52]. Ils eurent chacun des villages entiers ou de vastes domaines, et, de pauvres soudoyers qu'ils étaient, ils devinrent pour la postérité la tige d'une nouvelle race de nobles et [puissants barons. Vers le même temps, Hamlin, fils de Dreux le Balaon, bâtit un château à Abergavenny, et un certain Guillaume, qui en éleva un à Monmouth, prit le nom de Guillaume de Monemue, suivant l'euphonie normande[53] : ce Guillaume, pour le salut de son âme, fit don d'une église galloise aux moines de Saint-Florent de Saumur ; dans le même voisinage, Robert de Candos ou Chandos établit et dota des moines venus de Normandie[54]. Durant les guerres qu'une nombreuse faction de Normands fit à Guillaume le Roux et à Henri Ier, en faveur de leur frère aîné Robert, les deux rois appelèrent à leur secours tout ce qu'il y avait de soldats de fortune. Ceux qui, de l'autre côté du détroit, se rendirent à cet appel exigèrent, pour la plupart, comme les soldats du Conquérant, la promesse d'un domaine territorial, dont ils firent d'avance hommage aux rois. D'abord, on assigna, pour le payement de ces dettes, les terres à confisquer sur les Normands du parti contraire, et quand elles n'y suffirent plus, on donna aux aventuriers des lettres de marque sur les Gallois[55]. Plusieurs capitaines de compagnies franches qui reçurent leurs gages de cette manière distribuèrent entre eux, avant de les avoir conquis, les cantons les plus voisins du territoire de Glamorgan, et en joignirent, selon la mode du siècle, le nom à leur nom propre ; puis, quand le temps de leur service en Angleterre fut terminé, ils firent route vers l'ouest, afin de se mettre, comme ils disaient, en possession de leurs héritages[56]. Sous le règne de Guillaume le Roux, Bernard de Neuf-Marché s'empara ainsi du territoire de Brecknock, et après sa mort, il le laissa, disent les actes, à sa fille Sybille en légitime propriété[57]. Au temps du roi Henri Ier, un certain Richard, Normand de naissance, et comte d'Eu, en Normandie, envahit le Canton maritime de Pembrocke, avec une petite armée de Brabançons, de Normands, et même d'Anglais, que les maux de la conquête dans leur patrie réduisaient au métier d'aventuriers et de conquérants du pays d'autrui. Richard d'Eu reçut, dans cette campagne, de ses Flamands et de ses Anglais, le surnom teutonique de Stronghow, c'est-à-dire fort tireur d'arc, et, par un hasard singulier, ce sobriquet, inintelligible pour les Normands, demeura héréditaire dans la famille du comte normand[58]. Le Fort-Tireur et ses compagnons d'armes se rendirent par mer à la pointe la plus occidentale de la grande province de Divet, et refoulèrent vers l'est la population cambrienne des côtes, massacrant tout ce qui leur résistait. Les Brabançons étaient alors la meilleure infanterie de toute l'Europe, et le pays, peu montagneux, leur permettait de se prévaloir contre les indigènes de leur forte et pesante armure[59]. Ils le conquirent rapidement, s'en partagèrent les villes, les maisons et les domaines, et bâtirent des châteaux pour se garantir des incursions des vaincus[60]. Les Flamands et les Normands, qui tenaient le premier rang dans l'armée conquérante, furent les mieux favorisés dans le partage, et leur postérité forma la race des nouveaux riches et des nouveaux nobles du pays. Plusieurs siècles après, ces nobles et ces riches faisaient encore remarquer par leurs noms à tournure française, précédés de la particule de ou du mot fils ou fitz, selon la vieille orthographe[61]. Les descendants des Anglais, enrôlés dans cette expédition, composèrent la classe moyenne des petits propriétaires et des fermiers libres ; leur langue devint la langue vulgaire du territoire conquis, et en bannit l'idiome gallois, circonstance qui fit donner au pays de Pembrocke le nom de petite Angleterre[62]. Un monument curieux de cette conquête subsista longtemps dans le pays : c'était une grande route tracée le long des hauteurs, d'un sommet à l'autre ; cette route, construite par les envahisseurs, pour faciliter leur marche et assurer leurs communications, garda durant plusieurs siècles le nom de chemin des Flamands[63]. Encouragés par l'exemple de Richard Strongbow, comte de Pembrocke, d'autres aventuriers abordèrent par mer dans la baie de Cardigan, et un certain Martin de Tours, ou des Tours, envahit le territoire de Keymes, avec Guy de Brionne et Guérin du Mont-Cénis, qu'on appelant en normand Mont Chensey[64]. Martin de Tours prit le titre de seigneur de Keymes, comme administrateur souverain de la contrée où ses hommes d'armes s'établirent[65]. Il y ouvrit un asile pour tous les hommes, Français, Flamands et Anglais de naissance, qui voudraient venir augmenter sa colonie, lui jurer foi et hommage contre les Gallois, et recevoir des terres sans condition de service, avec le titre d'hôtes libres de Keymes[66]. La ville que ces aventuriers fondèrent fut appelée le Bourg Neuf, et le lieu où le chef de guerre, devenu seigneur du pays, bâtit sa principale demeure, s'appela longtemps Château-Martin[67]. Pour sanctifier son invasion, Martin bâtit une église et un prieuré qu'il peupla de clercs, appelés à grands frais de l'abbaye de Saint-Martin de Tours. Il les préféra, soit parce que la ville de Tours était son lieu natal, soit parce que le nom de cette ville se retrouvait dans son propre nom[68]. A sa mort, on l'ensevelit dans un tombeau de marbre, au milieu du chœur de la nouvelle église, et les clercs tourangeaux de la seigneurie de Keymes recommandèrent aux bénédictions de tout chrétien la mémoire de leur bienfaiteur, qui, disaient-ils, avait, par sa conquête, ravivé la religion du Christ à peu près ignorée des Gallois[69]. Cette accusation hypocrite, dont les conquérants de l'Angleterre s'étaient fait un prétexte pour la dépossession de tout le haut clergé de race anglaise, fut renouvelée dans l'invasion du pays, de Galles par les rois et les évêques anglo-normands. L'église galloise, que les envahisseurs calomniaient, se trouva démembrée avec le pays et, en quelque sorte, privée de sa tête par l'annexion de la province de Pembrocke au royaume d'Angleterre. C'est en effet dans cette province qu'était située la ville épiscopale de Menew ou Saint-David, héritière du titre de métropole de toute la Cambrie, qu'avait possédé primitivement la ville de Caerleon sur l'Usk[70]. Dès que ce siège, dont l'antique primatie garantissait l'indépendance religieuse des Cambriens, fit partie des possessions normandes, il tomba, et avec lui tous les évêchés du pays de Galles, sous la juridiction primatiale de l'archevêché de Canterbury ; et, par là, furent enlevés au peuple et au clergé gallois les fruits de la lutte nationale qu'ils avaient soutenue durant cinq siècles contre les prétentions d'une métropole anglo-saxonne[71]. Les archevêques de Saint-David se virent contraints, par mandement royal, d'aller se faire sacrer en Angleterre et de faire aveu d'obéissance canonique à l'archevêque de Canterbury. En outre, ils cessèrent d'être élus librement par le chapitre de leur église, et ne furent dès lors que des intrus imposés par une puissance étrangère et choisis, pour son intérêt, non parmi les prêtres indigènes, mais dans le clergé anglo-normand[72]. L'étranger promu à la dignité d'archevêque de Saint-David travaillait, par tous les moyens, à faire élire des étrangers comme suffragants de sa métropole, et ainsi, dans les provinces encore libres du pays de Galles, il y avait une intrusion d'évêques ignorant les mœurs et la langue du pays, soulevant par leur seule présence l'antipathie populaire et les vieilles passions patriotiques des Cambriens[73]. Mais ce n'était pas tout, et les clercs anglo-normands, devenus évêques dans un pays qu'ils n'aimaient pas et qu'ils méprisaient comme pauvre, y portaient la disposition d'esprit la plus propre à les rendre odieux. Ambitieux d'imiter le luxe et la pompe du haut clergé de l'Angleterre, ils dissipaient les revenus de leur église et en aliénaient les possessions ; ils s'entouraient d'une clientèle de vassaux militaires, qui semblait pour les indigènes une menace ou un commencement d'invasion[74]. Ceux-ci ne voyaient plus dans leur évêque un pasteur des âmes, mais un dilapidateur des biens ecclésiastiques et un commissaire chargé de préparer les voies pour la conquête du pays. De là une situation violente et des troubles à la fois religieux et politiques dont la fin était l'expulsion du prélat de naissance étrangère, et dont un exemple suffira. Sous le règne de Henri Ier, la ville de Bangor, jadis célèbre par la grandeur de son monastère, reçut pour évêque un Normand appelé Hervé. Cet homme, qui jouissait en Angleterre d'une grande considération, se trouva, dés son arrivée dans le pays de Galles, en complète mésintelligence avec ses diocésains. Au lieu de les reprendre doucement de ce qu'il blâmait en eux, il affecta envers eux une sévérité dure et hautaine[75]. Les Gallois ainsi provoqués résistèrent obstinément, et alors l'évêque Hervé, dit un récit contemporain, tira contre eux le glaive à deux tranchants, les excommuniant et tâchant de les réduire par la force, au moyen d'une troupe de gens de guerre qu'il entretenait et que ses parents venus avec lui commandaient[76]. Cette prise d'armes de l'évêque fut suivie d'une rébellion à main armée, d ans laquelle un de ses frères fut tué et lui-même en péril de mort. Contraint d'abandonner un poste qu'il ne pouvait plus défendre, Hervé retourna en Angleterre demander au roi Henri sa bienveillance et un asile[77]. Le roi lui accorda le séjour du monastère d'Ely, se proposant d'établir dans ce lieu un siège épiscopal qu'il lui destinait. Il l'envoya à Rome, chargé de dépêches pour ce projet, et l'évêque dépossédé rapporta des lettres du pape Pascal II qui, à cause des difficultés de l'affaire, priait le roi de ne pas en attendre l'issue et de pourvoir d'un siège quelconque cet homme recommandable par sa vie et par sa science, victime de la persécution et de la férocité des barbares[78]. Pourtant la nation galloise était alors, en Europe, l'une de celles qui méritaient le moins un pareil nom[79]. Malgré le mal que les Anglo-Normands lui faisaient chaque jour, ceux qui venaient la visiter sans armes, comme simples voyageurs, étaient accueillis et fêtés partout avec empressement ; on les admettait, dès le premier abord, dans l'intimité des familles, on leur faisait partager le plus grand plaisir du pays, qui était la musique et le chant. Ceux qui arrivent aux heures du matin, dit un auteur du douzième siècle, sont amusés jusqu'au soir par la conversation des jeunes femmes et par le son de la harpe[80]. Il y avait une harpe dans chaque maison, si pauvre qu'elle fût ; et la compagnie, assise en rond autour du musicien, chantait alternativement des stances quelquefois improvisées ; on se donnait des défis pour l'improvisation et le chant, d'homme à homme, et quelquefois de village à village[81]. La vivacité d'esprit naturelle aux races celtiques se
manifestait en outre chez les Cambriens par leur goût excessif pour la
conversation et par la promptitude de leurs répliques. Tous les Gallois, sans exception, même dans les rangs les
plus bas, dit l'ancien auteur déjà cité, ont reçu de la nature une grande
volubilité de langue et une extrême assurance à répondre devant les princes
et les grands ; les Italiens et les Français paraissent avoir la même faculté
; mais on ne la trouve ni chez les Anglais de race, ni chez les Saxons de la
Germanie, ni chez les Allemands. On alléguera sans doute, pour cause du
manque de hardiesse des Anglais, leur servitude actuelle ; mais telle n'est
point la vraie raison de ces différences, car les Saxons du continent sont
libres, et l'on remarque en eux le même défaut[82]. Les Gallois, qui n'entreprirent jamais d'invasions hors de leur pays, à la manière des peuples germaniques, et qui, suivant un de leurs proverbes nationaux, souhaitaient que chaque rayon du soleil fût un poignard pour percer l'ami de la guerre[83], ne faisaient jamais de paix avec l'étranger, tant qu'il occupait leur territoire, y fût-il cantonné depuis longues années, y eût-il des châteaux, des bourgs et des villes. Le jour où l'un de ces châteaux était détruit de fond en comble était un jour de joie universelle où, selon les paroles d'un écrivain gallois, le père privé d'un fils unique oubliait son malheur[84]. Dans la grande prise d'armes qui eut lieu en l'année 1138, les Normands, attaqués sur toute la ligne de leurs marches, depuis lé golfe de la Dée jusqu'à la Saverne, perdirent plusieurs postes, et, pour quelque temps, furent obligés de prendre à leur tour une attitude défensive[85]. Mais l'avantage obtenu par les Cambriens ne pouvait être d'une grande importance, parce qu'ils ne poursuivaient point la guerre au delà des limites de leurs montagnes et de leurs vallées. Leur attaque, quelque vive qu'elle fût, donna ainsi moins d'alarmes aux conquérants de l'Angleterre que l'invasion du roi d'Écosse, et fut encore moins utile au peuple saxon, qui avait mis en elle son espérance[86]. Le roi Étienne n'eut pas besoin de quitter sa résidence du sud pour marcher à la rencontre, soit des Écossais, soit des Gallois. Mais, peu de temps après, les partisans normands de Mathilde, fille de Henri Ier, lui donnèrent plus d'inquiétude. Appelée en Angleterre par ses amis, Mathilde débarqua le 22 septembre de l'année 1139, se jeta dans le château d'Arondel sur la côte de Sussex, et de là gagna celui de Bristol, que tenait son frère Robert, comte de Glocester[87]. Au bruit de l'arrivée de la prétendante, beaucoup de mécontentements et d'intrigues secrètes se dévoilèrent. La plupart des chefs du nord et de l'ouest firent leur renonciation solennelle à l'hommage et à l'obéissance d'Étienne de Blois, et renouvelèrent le serment qu'ils avaient prêté à la fille du roi Henri[88]. Toute la race normande d'Angleterre parut divisée en deux factions qui s'observaient avec défiance avant d'en venir aux mains. Le voisin, disent les historiens du temps, soupçonnait son voisin, l'ami son ami, le frère son frère[89]. De nouvelles bandes de soldats brabançons, engagés, soit par l'un, soit par l'autre des deux partis rivaux, vinrent, avec armes et bagages, par différents ports et diverses routes, aux rendez-vous assignés par le roi et par Mathilde[90] : de part et d'autre, on leur avait promis pour solde les terres de la faction ennemie. Afin de soutenir les frais de cette guerre civile, les fils des Normands se mirent à vendre et à revendre leurs domaines, leurs villages et leurs bourgs d'Angleterre, avec les habitants, corps et biens[91]. Plusieurs firent des incursions sur les domaines de leurs adversaires, et y enlevèrent les chevaux, les bœufs, les moutons et les hommes de race anglaise, qu'on saisissait jusque dans les villes et qu'on emmenait garrottés[92]. La terreur était telle parmi eux, que, si les habitants de quelque cité ou de quelque bourg voyaient approcher de loin seulement trois ou quatre cavaliers, ils prenaient aussitôt la fuite[93]. Cet effroi exagéré provenait des bruits sinistres qui couraient sur le sort des hommes que les Normands avaient saisis et enfermés dans leurs châteaux[94]. Car ils enlevaient, dit une chronique saxonne, tous ceux qui leur paraissaient avoir quelque bien, hommes et femmes, de jour comme de nuit ; et quand ils les tenaient emprisonnés, pour en tirer de l'or et de l'argent, ils leur infligeaient des tortures comme jamais martyr n'en éprouva. Les uns étaient suspendus par les pieds, la tête au-dessus de la fumée ; d'autres étaient pendus par les pouces, avec une lourde charge aux pieds ; à quelques-uns ils serraient la tête avec des cordes, jusqu'au point d'enfoncer le crâne ; d'autres étaient jetés dans des cachots remplis de serpents, de crapauds et de toutes sortes de reptiles ; d'autres étaient mis en chambre de crucette[95], c'est-à-dire dans un coffre court, étroit, peu profond, garni de cailloux a pointus, et où le patient se trouvait serré jusqu'à la rupture des membres[96]. Dans la plupart des châteaux il y
avait un trousseau de chaînes d'un poids si lourd, que deux ou trois hommes
pouvaient à peine le soulever[97] ; le malheureux qu'on en chargeait était tenu debout par
un collier de fer scellé dans un poteau, et ne pouvait ni s'asseoir, ni se coucher,
ni dormir. Ils tuèrent par la faim plusieurs milliers de personnes. Ils
imposèrent tributs sur tributs aux bourgs et aux villes, et ils appelaient
cela tenserie[98]. Lorsque les bourgeois n'avaient plus rien à leur donner,
ils pillaient et incendiaient la ville. On eût pu voyager tout un jour sans
trouver une âme dans les bourgs, ni à la campagne un champ cultivé. Les pauvres
mouraient de faim, et ceux qui autrefois avaient eu quelque chose mendiaient
leur pain de porte en porte. Quiconque put s'expatrier abandonna le pays.
Jamais plus de douleurs et de maux ne fondirent sur cette terre, et les
païens, dans leurs invasions, en avaient moins fait qu'eux. Ils n'épargnaient
ni les cimetières ni les églises, prenaient tout ce qu'il y avait à prendre,
et puis mettaient le feu à l'église. C'était en vain qu'on labourait la terre
; autant eût valu labourer le sable, et l'on disait tout haut que le Christ
et ses saints dormaient[99]. C'était aux environs de Bristol, où l'emperesse Mathilde et ses Angevins avaient établi leur quartier général, que régnait la plus grande terreur. Tout le jour on voyait amener à la ville des hommes liés et bâillonnés, soit avec un bâton, soit avec un mors de fer[100]. Il en sortait incessamment des troupes de soldats déguisés, qui, sous l'habit anglais, cachant leurs armes et leur langage, se répandaient dans les lieux populeux, se mêlaient à la foule, dans les marchés et dans les rues, puis tout à coup s'emparaient de ceux dont l'aspect semblait annoncer quelque aisance, et lès conduisaient à leur quartier pour les y mettre à rançon[101]. Ce fut contre Bristol que le roi Étienne dirigea d'abord son armée. Cette ville forte et bien défendue résista, et les soldats royaux s'en vengèrent en dévastant et brûlant les environs[102]. Le roi attaqua ensuite, un à un, avec plus de succès, les châteaux 'normands situés sur la frontière du pays de Galles, dont presque tous les seigneurs s'étaient déclarés contre lui. Pendant qu'il était occupé de cette guerre longue et pénible, l'insurrection éclata du côté de l'est ; les terres marécageuses d'Ely, qui avaient servi de refuge aux derniers des Saxons libres, devinrent un camp pour les Normands de la faction angevine. Baudoin de Reviers et Lenoir, évêque d'Ely, élevèrent contre le roi Étienne des retranchements de pierre et de ciment aux lieux mêmes où Hereward avait bâti un fort de bois[103]. Ces lieux, toujours considérés comme redoutables par l'autorité normande, à cause ides facilités qu'ils offraient pour s'y réunir et s'y défendre, avaient été mis par Henri Ier sous le pouvoir d'un évêque dont la surveillance devait se joindre à celle du comte et du vicomte de la province[104]. Le premier évêque du nouveau diocèse d'Ely fut ce même Hervé que les Gallois avaient expulsé de Bangor ; lé second fut Lenoir, qui découvrit et dénonça la grande conspiration des Anglais, en l'année 1137. Ce ne fut point par zèle personnel pour le roi Étienne, mais par patriotisme, comme Normand, qu'il servit alors ce roi contre les Saxons ; et dès que les Normands se furent déclarés contre Étienne, Lenoir se joignit à eux, et entreprit de faire des îles de son diocèse un rendez-vous pour les amis de Mathilde[105]. Étienne attaqua ses adversaires dans ce camp de la même manière que Guillaume le Conquérant y avait autrefois attaqué les réfugiés saxons. Il construisit. des ponts de bateaux, sur lesquels passa la cavalerie, et mit en pleine déroute les troupes de Baudoin de Reviers et de l'évêque Lenoir[106]. L'évêque s'enfuit vers Glocester, où se trouvait alors la fille de Henri Ier avec les principaux de ses partisans. Tous ceux qu'elle avait dans l'ouest, encouragés par l'absence du roi, réparaient les brèches de leurs châteaux, ou, transformant en forteresses les clochers des grandes églises, les garnissaient de machines de guerre ; ils creusaient alentour des fossés, dans le terrain mé.ine des cimetières, de façon que les cadavres étaient mis à découvert et les ossements dispersés[107]. Les prélats normands ne se faisaient aucun scrupule de prendre part à ces opérations militaires, et n'étaient pas les moins actifs ni les moins occupés à torturer les Anglais pour leur faire donner rançon. On les voyait, comme dans les premiers temps de la conquête, montés sur des chevaux de bataille, couverts d'armes, la lance ou le bâton au poing, diriger les travaux et les attaques, ou tirer le butin au sort[108]. L'évêque de Chester et celui de Lincoln se faisaient remarquer parmi les plus belliqueux. Ce dernier rallia les troupes battues au camp d'Ely, et recomposa, sur la côte de l'est, une armée que le roi Étienne vint attaquer, mais avec moins de succès que la première fois ; ses troupes, victorieuses à Ely, se débandèrent près de Lincoln : abandonné de ceux qui l'entouraient, le roi se défendit seul quelque temps ; mais, à la fin, obligé de se rendre, il fut conduit à Glocester, aux quartiers de la comtesse d'Anjou, qui, de l'avis de son conseil de guerre, l'enferma au donjon de Bristol[109]. Cette défaite ruina la cause royale. Les Normands du parti d'Étienne, le voyant vaincu et captif, passèrent en foule du côté de Mathilde[110]. Son propre frère, Henri, évêque de Winchester, se déclara pour la faction victorieuse ; et les paysans saxons, qui haïssaient également les deux partis, profitèrent du désastre des vaincus pour les dépouiller et les maltraiter dans leur déroute[111]. La petite-fille de Guillaume le Conquérant fit son entrée triomphale dans la cité de Winchester : l'évêque Henri la reçut aux portes, à la tête du clergé de toutes les églises. Elle se mit en possession des ornements royaux, ainsi que du trésor d'Étienne[112], et convoqua un grand conseil de prélats, de comtes, de barons et de chevaliers. L'assemblée décida que Mathilde prendrait le titre de reine, et l'évêque qui la présidait prononça la formule suivante : Ayant invoqué premièrement, et comme il convient, l'aide de Dieu tout-puissant, nous élisons pour dame de l'Angleterre et de la Normandie la fille du glorieux, riche, bon et pacifique roi Henri, et lui promettons foi et soutien[113]. Mais l'heureuse fortune de la reine Mathilde la rendit bientôt dédaigneuse et arrogante ; elle cessa de prendre conseil de ses anciens amis, et traita peu gracieusement ceux d'entre ses adversaires qui voulaient se rapprocher d'elle[114]. Les auteurs de son élévation, s'ils lui faisaient quelque demande, essuyaient souvent des refus, et quand ils s'inclinaient devant elle, dit un vieil historien, elle ne se levait point pour eux[115]. Cette conduite refroidit le zèle de ses plus dévoués partisans, et la plupart, s'éloignant d'elle, sans pourtant se déclarer pour le roi détrôné, attendirent en repos l'événement[116]. De Winchester, la nouvelle reine se rendit à Londres. Elle était fille d'une Saxonne ; les bourgeois saxons, par une sorte de sympathie nationale, la virent plus volontiers dans leur ville que le roi de pure race étrangère[117] ; mais l'empressement de ces serfs de la conquête toucha peu le cœur altier de l'épouse du comte d'Anjou, et la première parole qu'elle fit adresser aux gens de Londres fut la demande d'un énorme taillage[118]. Les bourgeois, que les dévastations de la guerre et les exactions d'Étienne avaient réduits à un tel point de détresse, qu'ils craignaient une famine prochaine, supplièrent la reine d'avoir pitié d'eux, et d'attendre, pour imposer de nouveaux tributs, qu'ils fussent relevés de leur misère présente[119]. Le roi ne nous a rien laissé, lui dirent d'un ton soumis les députés des citoyens. — J'entends, reprit avec dédain la fille de Henri Ier. Vous avez tout donné à mon adversaire ; vous avez conspiré avec lui contre moi, et vous voulez que je vous épargne ![120]... Obligés de payer le taillage ; les bourgeois de Londres saisirent cette occasion pour présenter à la reine une humble requête Noble dame, lui dirent-ils, qu'il nous soit permis de suivre les bonnes lois du roi Edward, ton grand-oncle, au lieu de celles de ton père le roi Henri, qui sont mauvaises et trop dures pour nous[121]. Mais, comme si elle eût rougi de ses aïeux maternels et renié sa descendance anglo-saxonne, Mathilde s'irrita de cette requête, traita d'insolents ceux qui osaient la lui adresser, et proféra contre eux de grandes menaces. Blessés au fond du cœur, mais dissimulant leur peine, les bourgeois retournèrent à leur salle de conseil[122], où les Normands, devenus moins ombrageux, leur permettaient alors de s'assembler pour faire entre eux, de gré à gré, la répartition des tailles ; car le gouvernement avait pris la coutume d'imposer les villes en masse, sans s'occuper de la manière dont l'impôt serait rempli par les contributions individuelles. La reine Mathilde attendait en pleine sécurité, soit dans la tour du Conquérant, soit dans le nouveau palais de Guillaume le Roux, à Westminster, que les députés des habitants vinssent lui offrir à genoux les sacs d'or qu'elle avait demandés, quand tout à coup les cloches de la ville sonnèrent l'alarme : une grande foule se répandit dans les rues et sur les places[123]. De chaque maison sortait un homme armé du premier instrument de combat qu'il avait trouvé sous sa main. Un ancien auteur compare la multitude qui s'amassait en tumulte aux abeilles sortant de la ruche[124]. La reine et ses barons normands et angevins se voyant surpris, et n'osant risquer dans des rues étroites et tortueuses un combat où la supériorité de l'armure et la science militaire ne pouvaient être d'aucun usage, montèrent promptement à cheval et s'enfuirent[125]. Ils avaient à peine passé les dernières maisons du faubourg, qu'une troupe d'Anglais, accourus vers leurs logements, en brisa les portes, et, ne les y trouvant point, pilla tout ce qu'ils avaient laissé[126]. La reine galopait sur la route d'Oxford avec ses barons et ses chevaliers ; de distance en distance, quelqu'un d'entre eux se détachait du cortège pour s'enfuir plus sûrement tout seul par des chemins de traverse et des sentiers détournés[127] ; elle entra dans Oxford avec son frère, le comte de Glocester, et le petit nombre de ceux qui avaient choisi cette route comme la plus sûre, ou qui avaient oublié leur propre danger pour le sien[128]. En réalité, ce danger était peu de chose ; car les habitants de Londres, satisfaits d'avoir chassé de leurs murs la nouvelle reine d'Angleterre, ne se mirent point à la poursuivre. Leur soulèvement, né d'un accès d'indignation, sans projet conçu d'avance, sans liaison avec d'autres mouvements, n'était point le premier acte d'une insurrection nationale. L'expulsion de Mathilde et de ses adhérents ne tourna point au profit du peuple anglais, mais des partisans du roi Étienne. Ceux-ci rentrèrent bientôt à Londres, occupèrent la Cité et la garnirent de leurs troupes, sous couleur d'alliance avec les citoyens[129]. L'épouse du roi prisonnier se rendit à Londres et y établit ses quartiers ; tout ce qu'obtinrent alors les bourgeois, ce fut d'être enrégimentés au nombre de mille hommes, portant le casque et le haubert, parmi les troupes qui se rassemblèrent au nom d'Étienne, et de servir, comme auxiliaires des Normands, sous Guillaume et Roger de La Chesnaye[130]. L'évêque de Winchester, voyant le parti de son frère reprendre ainsi quelque forée, déserta le parti contraire, et se déclara de nouveau pour le prisonnier de Bristol ; il arbora la bannière du roi sur le château de Winchester et sur sa maison épiscopale, qu'il avait fortifiée et crénelée comme un château[131]. Robert de Glocester et les partisans de Mathilde vinrent en faire le siège. La garnison du château, bâti au milieu de la ville, mit le feu aux maisons pour gêner les assiégeants ; et, pendant ce temps, l'armée de Londres, attaquant ces derniers à l'improviste, les obligea de se retrancher dans les églises, qu'on incendia pour les en faire sortir[132]. Robert de Glocester fut fait prisonnier, et ceux qui le suivaient se dispersèrent. Barons et chevaliers jetèrent leurs armes, et, marchant à pied pour n'être point reconnus, traversèrent, sous de faux noms, les villes et les villages[133]. Mais, outre les partisans du roi qui les serraient de près, ils trouvèrent sur leur chemin d'autres ennemis, les paysans saxons, acharnés contre eux dans leur déroute, comme naguère ils l'avaient été contre la faction opposée[134] ; ils arrêtaient ces fiers Normands, que, malgré leurs efforts pour se déguiser, on reconnaissait au langage, et les faisaient courir devant eux à grands coups de fouet[135]. L'archevêque de Canterbury, d'autres évêques et nombre de seigneurs furent maltraités de la sorte et dépouillés de tous leurs habits[136]. Ainsi, cette guerre fut à la fois pour les Anglais de race un sujet de misère et de joie, de cette joie frénétique qu'on éprouve au milieu de la souffrance, en rendant le mal pour le mal. Le petit-fils d'un Homme mort à Hastings se voyait maitre de la vie d'un baron ou d'un prélat normand, et les Anglaises qui tournaient le fuseau au service des hautes dames normandes, riaient d'entendre raconter les souffrances de la reine Mathilde à son départ d'Oxford, comment elle s'était enfuie avec trois chevaliers, la nuit, à pied, par la neige, et comment elle avait passé, en grande alarme, près des poste ennemis, tremblante au moindre bruit d'hommes et de chevaux ou à la voix des sentinelles[137]. Peu de temps après que le frère de Mathilde, Robert, comte de Glocester, eut été fait prisonnier, les deux partis conclurent un accord par lequel le roi et le comte furent rendus l'un pour l'autre, de manière que la dispute revint à ses premiers termes[138]. Étienne sortit de la tour de Bristol, et reprit l'exercice de la royauté ; son gouvernement s'étendit alors sur la portion du pays où dominaient ses partisans, c'est-à-dire sur les provinces du centre et de l'est de l'Angleterre. Quant à la Normandie, aucun de ses ordres n'y parvint ; car, durant sa captivité, tout le pays s'était rendu au comte Geoffroi, mari de Mathilde, lequel, peu de temps après, du consentement des Normands, céda à son fils aîné Henri le titre de duc de Normandie[139]. Le parti d'Étienne perdit ainsi l'espérance de se recruter outre-mer ; mais comme il était maître des côtes, il eut le moyen d'empêcher que de semblables renforts ne parvinssent à ses adversaires, resserrés dans la contrée de l'ouest. Leur seule ressource fut de solder des corps de Gallois, qui, bien que mal armés, arrêtèrent quelque temps par leur bravoure et leur tactique bizarre la marche des partisans du roi[140]. Pendant que la lutte se prolongeait assez mollement de part et d'autre, Henri, fils de Mathilde, parti de Normandie avec une petite armée, réussit à débarquer en Angleterre. Au premier bruit de son arrivée, beaucoup de gens commencèrent à abandonner la cause d'Étienne ; mais, dès qu'ils apprirent que Henri n'avait que peu de monde et peu d'argent, beaucoup revinrent au roi, et la désertion s'arrêta[141]. La guerre se poursuivit sous le même aspect qu'auparavant ; il y eut des châteaux pris et repris, des villes pillées et brûlées. Les Anglais, fuyant de leurs maisons par force ou par crainte, allaient bâtir de petites cabanes sous les murs des églises ; mais ils ne tardaient pas à en être expulsés par l'un ou l'autre parti, qui transformait l'église en forteresse, crénelait le haut des tours et y braquait ses machines de guerre[142]. Le fils unique du roi Étienne, nommé Eustache, qui s'était plus d'une fois signalé par son courage, mourut, après avoir pillé un domaine consacré à saint Edmund, roi et martyr ; sa mort fut, selon les Anglais de naissance, la suite de l'outrage qu'Eustache avait osé faire à ce saint de race anglaise[143]. Étienne, n'ayant plus de fils auquel il pût désirer de transmettre la royauté, fit alors proposer à Henri d'Anjou, son rival, de terminer la guerre par un accord ; il demandait que les Normands d'Angleterre et du continent le laissassent régner en paix durant sa vie, à condition qu'après lui le fils de Mathilde serait roi. Les Normands y consentirent, et la paix l'ut rétablie. La teneur du traité, juré par les évêques, les comtes, les barons et les chevaliers des deux partis, s'offre sous deux faces très-différentes dans les historiens du temps, selon la faction qu'ils favorisent. Les uns disent que le roi Étienne adopta Henri pour son fils, et qu'en vertu de cet acte préalable, les seigneurs jurèrent de donner en héritage au fils adoptif le royaume de son père[144] ; d'autres, au contraire, prétendent que le roi reconnut positivement le droit héréditaire du fils de Mathilde sur le royaume, et qu'en retour ce dernier lui octroya bénévolement de régner le reste de sa vie[145]. Ainsi des contemporains, également dignes de foi, font provenir de deux principes entièrement opposés la légitimité qu'ils accordent au petit-fils de Henri Ier. Lesquels doit-on croire en cela ? Ni les uns, ni les autres ; et la vérité est que les mêmes barons qui avaient élu Étienne malgré le serment prêté à Mathilde, qui ensuite élurent Mathilde malgré le- serment prêté à Étienne, par un nouvel acte de volonté, désignèrent, pour succéder à Étienne, le fils de Mathilde, et non sa mère. De cette volonté toute-puissante dérivait la légitimité royale[146]. Peu de temps avant son expédition en Angleterre, Henri avait pris pour femme l'épouse divorcée du roi de France, Éléonore ou Aliénor, ou plus familièrement Aanor, fille de Guillaume, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, c'est-à-dire souverain de toute la côte occidentale de la Gaule, depuis l'embouchure de la Loire jusqu'au pied des Pyrénées[147]. Suivant les usages de ce pays, Éléonore y jouissait de tout le pouvoir qu'avait exercé son père ; et, de plus, son mari, quoique étranger, pouvait entrer avec elle en partage de la souveraineté. Le roi Louis VII eut ce privilège tant qu'il resta uni à la fille du comte Guillaume, et il entretint des officiers et des garnisons dans les villes de l'Aquitaine ; mais, aussitôt qu'il l'eut répudiée, il lui fallut rappeler ses sénéchaux et ses hommes d'armes[148]. Ce fut en Palestine, où Éléonore avait suivi son mari partant pour la croisade, que leur mésintelligence éclata. Persuadé, soit à tort, soit à raison, que la reine le trompait pour un jeune Sarrasin, Louis sollicita et obtint de l'autorité ecclésiastique la rupture de son mariage[149]. Il se tint, à Beaugency-sur-Loire, un concile devant lequel la reine de France fût obligée de comparaître. L'évêque qui portait la parole comme accusateur annonça que le roi demandait le divorce, et parce qu'il ne se fiait point en sa femme, et jamais ne serait assuré de la lignée qui viendrait d'elle2[150]. Le concile passa outre sur cette scandaleuse requête, et déclara le mariage nul sous prétexte de parenté, s'apercevant un peu tard qu'Éléonore était cousine de son mari à l'un des degrés prohibés[151]. L'épouse répudiée se mit en route pour retourner dans son pays, et s'arrêta quelque temps à Blois. Durant son séjour dans cette ville, Thibaut, comte de Blois, tâcha de lui plaire et d'obtenir sa main. Indigné du refus qu'il essuya, le comte résolut de retenir en prison dans son château la duchesse d'Aquitaine[152], et même de l'y épouser de force, comme s'exprime un vieil historien[153]. Elle soupçonna ce mauvais dessein, et, partant de nuit, descendit la Loire jusqu'à Tours, ville qui faisait alors partie du comté d'Anjou. Au bruit de son arrivée, le second fils du comté d'Anjou et de l'impératrice Mathilde, nommé Geoffroy, épris du même désir que Thibaut de Blois, vint se placer en embuscade à un port de la Creuse, qu'on appelait le Port de Piles, sur la limite commune du Poitou et de la Touraine, pour arrêter le cortège de la duchesse, l'enlever elle-même et l'épouser[154] ; mais Éléonore, dit l'historien, en fut avertie par son bon ange, et prit subitement un autre chemin pour aller à Poitiers[155]. C'est là que Henri, fils aîné de Mathilde et du comte d'Anjou, plus courtois que son frère, se rendit pour solliciter l'amour de la fille des ducs d'Aquitaine. Il fut agréé, conduisit sa nouvelle épouse en Normandie, et envoya dans les cités de la Gaule méridionale des baillis, des justiciers et des d'arrhes normands. Au titre de duc de Normandie il joignit dés lors ceux de duc d'Aquitaine et de comte de Poitou[156], et, son père ayant déjà l'Anjou et la Touraine, leur souveraineté s'étendait sur tonte la partie occidentale dé la Gaule, entre la Somme et les Pyrénées, à l'exception de la pointe de Bretagne. Les terres du roi de France, bornées par la Loire, la Saône et la Meuse, étaient loin d'avoir une pareille étendue. Ce roi s'alarma de voir s'accroître à un tel point la puissance normande, rivale de la sienne depuis sa naissance, et encore plus depuis la conquête de l'Angleterre. Il avait fait de grands efforts pour prévenir l'union du jeune Henri avec Éléonore d'Aquitaine, et l'avait sommé, comme son vassal pour le duché de Normandie, dé ne point contracter mariage sans l'aveu de son seigneur suzerain[157]. Mais les obligations de l'homme lige envers le suzerain, même quand les deux partis les avaient expressément avouées et consenties ; n'avaient guère de valeur entre gens d'égale puissance. Henri rie tint nul compte de la défense de se marier, et Louis VII fut obligé de se contenter des nouveaux serments d'hommage que lui prêta le futur roi d'Angleterre pour lé comté de Poitou et le duché d'Aquitaine[158]. Des serments de ce genre, vagues dans leur teneur, prêtés de mauvaise grâce et en quelque sorte pour la forme ; étaient depuis longtemps le seul lien qui existât entre les successeurs des anciens rois franks et les chefs souverains du pays compris entre la Loire et les deux Mers ; car la domination franke n'avait pu prendre racine dans ces contrées aussi fortement que dans celle qui était voisine de la Germanie. Au septième siècle, les peuples de l'Europe qui entretenaient quelques relations avec la Gaule avaient déjà coutume de la désigner tout entière par le nom de France, mais au sein même du territoire gaulois, ce nom était loin d'avoir une pareille universalité. Le cours de la Loire formait la limite méridionale de la Gaule franke, ou du pays français ; et au delà se trouvait le pays romain, différent de l'autre par la langue et les mœurs, surtout par la civilisation[159]. Dans la contrée du sud, les habitants, grands ou petits, riches ou pauvres, étaient presque entièrement de pure race gauloise, ou du moins la descendance germanique n'y était point accompagnée de la même supériorité de condition sociale qui s'y attachait dans le nord. Les hommes de race franke qui étaient venus dans la Gaule méridionale, soit en conquérants, soit comme agents et commissaires des conquérants, établis au nord de la Loire, ne réussirent point à se propager comme nation distincte au sein d'une population nombreuse et réunie dans de grandes villes : aussi les habitants de la France et de la Bourgogne employaient-ils d'ordinaire le nom de Romains pour désigner ceux du Midi[160]. Plusieurs des successeurs de Chlodowig ajoutèrent à leur titre de roi des Franks celui de prince du peuple romain[161] ; au déclin de cette première dynastie, la population dé l'Aquitaine et de la Provence prit dans son propre sein des ducs et des comtes indigènes, ou, ce qui est plus remarquable, contraignit les descendants de ses gouverneurs de race tudesque. à se révolter avec elle. Mais cet affranchissement de la Gaule méridionale était à peine accompli, que l'avènement d'une seconde race de rois vint rendre à la nation franke son ancienne énergie, et la pousser de nouveau à la conquête du Midi. Redevenus maîtres de ces belles contrés, les Gallo-Franks y placèrent des gouverneurs et des juges[162] qui enlevaient, sous forme de tribut, tout l'argent du pays ; mais, à la première occasion favorable, les méridionaux refusaient de payer, se soulevaient et chassaient les étrangers. Alors les Franks descendaient du nord pour revendiquer leur droit de conquête ; ils venaient sur les bords de la Loire, soit à Orléans, soit à Tours, soit à Nevers, tenir leur champ de mai en armes[163]. La guerre commençait entre eux et les habitants du Limousin ou de l'Auvergne, qui étaient l'avant-garde de la population gallo-romaine. Si les Romains — pour parler le langage de l'époque — se sentaient trop faibles, ils proposaient au chef des gens de France de lui payer l'impôt chaque année, en conservant d'ailleurs l'indépendance politique[164]. Le prince. frank soumettait cette proposition à ses leudes[165], dans leur assemblée, tenue en plein air ; si cette assemblée votait contre la paix, l'armée continuait sa marche, arrachant les vignes et les arbres à fruit, enlevant les hommes, le bétail et les chevaux[166]. Quand la cause du Midi avait été complètement vaincue, les gouverneurs, juges ou comtes franks se réinstallaient dans les villes, et, pour un temps plus ou moins long, en tête des actes publics figuraient les formules suivantes : Sous le règne du glorieux roi Pepin ; sous le règne de l'illustre empereur Karl. Karl, ou Charlemagne, établit roi en Aquitaine, du consentement de tous les seigneurs franks, son fils Lodewig, que les Gaulois nommaient Louis[167]. Ce Louis devint, à son tour, empereur ou leeisar des Franks, et, sous ce titre, régna à la fois en Germanie, en Italie et en Gaule. De son vivant, il voulut faire jouir ses fils de cette autorité immense, et le partage inégal qu'il établit excita entre eux la discorde. Les Gaulois méridionaux s'empressèrent de prendre parti dans ces, querelles, pour les envenimer et contribuer à l'affaiblissement de leurs maîtres. En attendant le moment de s'insurger sous des chefs de leur race et de leur langue, ils donnèrent a royauté de leur pays à des membres de la famille impériale, mais à ceux que ni l'empereur ni l'assemblée souveraine des Franks ne voulaient y voir régner[168] ; il en résulta de longues guerres et de nouvelles dévastations pour les villes de l'Aquitaine. La grande lutte pour la royauté, qui s'éleva sur la fin du neuvième siècle, et se prolongea durant cent ans, donna quelque relâché aux Aquitains. Indifférents aux deux partis rivaux, n'ayant mil intérêt commun ni avec la famille de Charlemagne ni avec les rois de nouvelle race, ils se tinrent à l'écart ; et profitèrent de la dispute comme d'un prétexte pour résister également au pouvoir des uns et des autres. Lorsque les Gallo-Franks, renonçant à l'obéissance de l'Austrasien Karl, dit le Gros, eurent fait roi le Neustrien Eudes comte de Paris, on vit s'élever en Aquitaine un roi national, appelé Ranulf, qui, peu de temps après, sous les titres plus modestes de duc des Aquitains et de comte des Poitevins ; régna, en toute souveraineté, depuis la Loire jusqu'aux Pyrénées. Le roi Eudes partit de France pour aller soumettre ; mais il n'y réussit pas. A leur résistance matérielle les habitants du Midi joignaient une sorte d'opposition morale ; ils se faisaient en apparence les défenseurs des droits de la vieille famille dépossédée, par la seule raison que les Français ne voulaient plus reconnaitre ces droits. Presque tous les chefs indépendants de l'Aquitaine, du Poitou et de la Provence, imaginèrent des lors de se prétendre issus de Charlemagne par les femmes, et firent grand bruit de cette descendance hypothétique, pour s'autoriser à donner aux rois de la troisième dynastie la qualification d'usurpateurs[169]. Après que Charles le Simple[170], héritier légitime de Charlemagne, eut été emprisonné à Péronne, son nom fut mis en tête des actes publics en Aquitaine, comme s'il eût toujours régné ; puis, quand son fils eût recouvré le pouvoir, les Aquitains ne souffrirent pas qu'il exerçât sur eux, soit directement, soit indirectement, la moindre autorité. La victoire des Français sur la seconde et dernière dynastie germanique fit décidée à perpétuité par l'élection de Hugues, surnommé Capet ou Chapet dans la langue romane d'outre-Loire[171]. Les méridionaux ne prirent aucune part à cette élection, et ne reconnurent point le roi Hugues : celui-ci, à la tête de son peuple d'entre Meuse et Loire, fit la guerre à l'Aquitaine ; mais, après beaucoup d'efforts, il ne parvint qu'à établir sa suzeraineté sur les provinces les plus voisines de la Loire, sur le Berry, la Touraine et l'Anjou[172]. Pour prix de son adhésion, le comte de ce dernier pays obtint le titre héréditaire de sénéchal du royaume de France ; et, dans les festins solennels, il eut la chaise de servir à cheval les mets de la table du roi. Mais l'attrait de pareils honneurs ne séduisit point les comtes ni les ducs des territoires plus méridionaux ; ils soutinrent le combat, et la grande masse de population qui parlait le langage d'oc ne reconnut, ni en fait ni en apparence, l'autorité des rois de la contrée où l'on disait oui. Le midi de la Gaule, partagé en diverses principautés, suivant les divisions naturelles du territoire où l'ancienne circonscription des provinces romaines, parut ainsi, vers le onzième siècle, affranchi de tout reste de la sujétion que les Franks lui avaient imposée, et le peuple d'Aquitaine n'eut dès lors pour souverains que des hommes de sa race et de son langage. Il est vrai qu'au nord de la Loire, depuis la fin du dixième siècle, une même langue était aussi commune aux rois, aux seigneurs et au peuple ; mais dans ce pays, où la conquête n'avait jamais été démentie, les seigneurs n'aimaient point le peuple ; ils sentaient au dedans sans peut-être s'en rendre compte, que leur rang et leur puissance provenaient d'une source étrangère. Quoique détachés pour jamais de leur vieille souche tudesque, ils n'avaient point renoncé aux mœurs de la conquête : eux seuls jouissaient, dans le royaume, de la propriété territoriale et de la franchise personnelle. Au contraire, dans les petites souverainetés méridionales, quoiqu'il y eût des rangs parmi les hommes, quoiqu'il y eût des classes élevées et des classes inférieures, des châteaux et des chaumières, de l'insolence dans la richesse et de la tyrannie dans le pouvoir, le sol appartenait au corps du peuple, et nul ne lui en contestait la pleine propriété, le franc-aleu, comme on disait au moyen âge. C'était la masse populaire qui avait, à plusieurs reprises, reconquis ce sol sur les envahisseurs d'outre-Loire. Les duchés, les comtés, les vicomtés, toutes les seigneuries étaient plus ou moins nationales : la plupart s'étaient élevées dans des temps de révolte contre la puissance étrangère, et avaient été légitimées par l'adhésion du peuple. Mais, inférieur aux pays méridionaux en organisation sociale, en liberté civile et en traditions de gouvernement, le royaume de France était puissant par son étendue et formidable au dehors ; aucun des États qui se partageaient avec lui l'ancien territoire gaulois ne l'égalait en force, et ses chefs faisaient souvent trembler les ducs et les comtes du Midi au milieu de leurs grandes cités, enrichies par les arts et le commerce ; souvent, pour s'assurer une plus longue paix avec la France, ils offraient leurs filles en mariage, et par une fausse politique donnaient aux princes français entrée chez eux à, titre de parents et d'alliés. C'est ainsi que l'union de la fille du duc Guillaume avec le roi Louis VII ouvrit, comme on l'a vu, les villes de l'Aquitaine et du Poitou à des garnisons étrangères. Lorsque, après le divorce d'Éléonore, les Français se furent retirés, son second mariage amena des Angevins et des Normands, qui disaient comme les Français oui et nenny, au lieu d'oc et no[173]. Peut-être y avait-il entre les Angevins et les méridionaux un peu plus de sympathie qu'entre ces derniers et les Français, parce que la civilisation croissait en Gaule à mesure qu'on avançait vers le sud. Mais la différence de langage, et surtout d'accentuation, devait rappeler sans cesse aux Aquitains que Henri, fils de Mathilde, leur nouveau seigneur, était encore un étranger. Peu de temps après le mariage qui le fit duc d'Aquitaine, Henri devint comte d'Anjou, par la mort de son père, mais sous la condition expresse dé remettre cette province à son jeune frère le jour où lui-même deviendrait roi. Il en prêta le serment avec un appareil lugubre sur le cadavre du mort, mais ce serment fut violé, et Henri garda le comté d'Anjou, lorsque les barons normands, plus fidèles que lui à leur parole, l'eurent appelé en Angleterre pour succéder au roi Étienne[174]. Dès qu'il eut pris possession de la royauté, il qualifia Étienne d'usurpateur, et s'occupa d'abolir tout ce qui s'était fait de son vivant[175]. Il chassa d'Angleterre les Brabançons qui s'y étaient établis après avoir servi la cause royale contre Mathilde. Il confisqua les terres que ces hommes avaient reçues en solde, et démolit leurs châteaux forts et ceux des partisans du dernier roi, voulant, disait-il, en réduire le nombre à ce qu'il était sous le roi Henri, son aïeul[176]. Les compagnies d'auxiliaires étrangers, venues en Angleterre durant la guerre civile, avaient commis beaucoup de pillages sur les Normands du parti contraire à celui qu'elles servaient ; leurs chefs avaient enlevé des domaines et des maisons, et les avaient ensuite fortifiés contre les seigneurs normands dépossédés, imitant les pères de ces derniers, qui avaient de même fortifié leurs habitations conquises sur les Anglais[177]. L'expulsion des Flamands fut pour toute la race anglo-normande un sujet de joie pareille à ce que l'expulsion de cette même race eût été pour les Saxons : Nous les vîmes tous, dit un auteur du siècle, passer la mer pour retourner du camp à la charrue, et redevenir serfs, après avoir été maîtres[178]. Quiconque, vers l'année 1140, à l'invitation du roi Étienne, avait dételé ses bœufs pour passer le détroit et venir à la bataille de Lincoln, était ainsi traité d'usurpateur par ceux dont les ancêtres avaient dételé, en 1066, pour suivre Guillaume le Bâtard. Les conquérants de l'Angleterre se regardaient déjà comme possesseurs légitimes ; ils avaient effacé de leur esprit tout souvenir de leur usurpation violente et de leur ancienne fortune, s'imaginant que leurs nobles familles n'avaient jamais exercé d'autre emploi que celui de gouverner les hommes. Mais les Saxons avaient plus de mémoire ; et, dans les plaintes que leur arrachait la dureté de leurs seigneurs, ils disaient de plus d'un comte et de plus d'un prélat de race normande : Il nous harcèle et nous pique comme son aïeul piquait les bœufs de l'autre côté de la mer[179]. Malgré cette conscience de sa propre situation et de l'origine de son gouvernement, la race saxonne, fatiguée par la souffrance, se laissait aller à une résignation apathique. Le peu de sang anglais que l'impératrice Mathilde avait transmis à Henri II était, disait-on, un gage assuré de sa bienveillance pour le peuple[180], et l'on oubliait comment cette même Mathilde, plus Saxonne pourtant que son fils, avait traité les bourgeois de Londres. Des écrivains, soit simples et de bonne foi, soit payés pour préconiser d'avance le nouveau règne, publièrent que l'Angleterre possédait enfin un roi anglais de nation ; qu'elle avait des évêques, des abbés, des barons et des chevaliers issus de l'une et de l'autre race, et qu'ainsi la haine nationale était désormais sans motif[181]. Nul doute, en effet, que les femmes saxonnes, enlevées et mariées de force, soit après la bataille de Hastings, soit après les déroutes d'York et d'Ely, n'eussent, au milieu du désespoir, donné des fils à leurs maîtres ; mais ces fils de pères étrangers se croyaient-ils les frères des bourgeois et des serfs du pays, et le désir d'effacer auprès des Normands de race pure la tache de leur naissance ne devait-il pas, au contraire, les rendre plus orgueilleux envers leurs compatriotes maternels ? Il était vrai aussi que, dans les premiers temps de l'invasion, Guillaume le Conquérant avait offert des femmes de sa nation et même de sa famille à des chefs saxons encore libres ; mais ces sortes d'unions furent peu nombreuses, pt, dès que la conquête parut achevée, nul Anglais ne se trouva plus assez noble pour qu'une Normande l'honorât de son lit. D'ailleurs, quand il eût été constant que beaucoup d'Anglais de naissance, en reniant la cause de leur pays, en désapprenant leur langue, en jouant le rôle de flatteurs et de parasites, se fussent élevés aux privilèges des hommes de race étrangère, cette fortune individuelle n'atténuait point, pour la masse des vaincus, les tristes effets de la conquête. Peut-être même le mélange des races était-il alors en Angleterre plus favorable aux oppresseurs qu'aux opprimés ; car, à mesure que les premiers perdaient, si l'on peut s'exprimer ainsi, leur caractère d'étrangeté, le penchant à la résistance s'affaiblissait dans le cœur des autres. Une réaction violente, seul recours efficace contre les injustices de la conquête, devenait moins possible. Aux chaînes de la domination usurpée se joignaient des liens moraux, le respect des hommes pour leur propre sang, et ces affections bienveillantes qui nous rendent si patients à supporter le despotisme domestique. Aussi Henri II vit-il sans déplaisir.des moines saxons, dans la dédicace de leurs livres, lui étaler sa généalogie anglaise, et, sans faire mention ni de son aïeul Henri Ter, ni de son bisaïeul le Conquérant, le louer d'être issu du roi Alfred. Tu es fils, lui disaient-ils, de la très-glorieuse impératrice Mathilde, dont la mère fut Mathilde, fille de Marguerite, reine d'Écosse, dont le père fut Edward, fils du roi Edmund Côte-de-Fer, l'arrière-petit-fils du noble roi Alfred[182]. Soit par hasard, soit à dessein, il circulait aussi dans le même temps de fausses prédictions qui annonçaient le règne de Henri d'Anjou comme une époque de soulagement, et, en quelque sorte, de résurrection pour le peuple anglais. L'une de ces prophéties était attribuée au roi Edward à son lit de mort, et l'on disait qu'il l'avait prononcée afin, de rassurer ceux qui craignaient alors pour l'Angleterre les projets ambitieux du duc de Normandie[183]. Quand l'arbre vert, leur avait-il dit, après avoir été coupé au pied et éloigné de sa racine à la distance de trois arpents, s'en rapprochera de lui-même, fleurira et portera des fruits, alors un meilleur temps viendra[184]. Cette allégorie, faite après coup, s'interprétait sans grande peine. L'arbre coupé, c'était la famille d'Edward, qui avait perdu la royauté à l'élection de Harold ; après Harold étaient venus Guillaume le Conquérant et son fils Guillaume le Roux : ce qui complétait le nombre de trois rois étrangers à l'ancienne famille ; car il faut remarquer qu'on supprimait le roi Edgar, parce qu'il avait encore des parents en Angleterre ou en Écosse, et qu'en fait de descendance du noble roi Alfred, l'Angevin Henri leur eût paru fort inférieur. L'arbre s'était rapproché de sa racine quand Mathilde avait épousé Henri Ier ; il avait fleuri par la naissance de l'impératrice Mathilde, et enfin porté des fruits par celle de Henri II... Ces misérables contes ne sont dignes de figurer dans l'histoire qu'à cause de l'effet moral qu'ils ont pu produire sur les hommes d'autrefois. Ils avaient pour but de détourner de la personne du roi la haine que les Saxons nourrissaient contre tous les Normands ; mais rien ne pouvait faire que Henri II ne fût pas le représentant de la conquête, et l'on avait beau le surnommer mystiquement la pierre angulaire où s'unissaient les deux murailles, c'est-à-dire les deux races[185], il n'y avait point d'union possible au milieu d'une telle inégalité de droits, de biens et de puissance. Quelque difficile qu'il, fût déjà pour un Anglo-Saxon du douzième siècle de reconnaître comme successeur naturel des rois de race anglaise, un homme qui ne savait pas même comment on disait roi en anglais[186], les conciliateurs obstinés des Saxons avec les Normands mirent en avant des assertions beaucoup plus extraordinaires : ils entreprirent d'ériger le Conquérant lui-même en héritier légitime du roi Alfred. Une très-vieille chronique, citée par un auteur déjà ancien, raconte que Guillaume le Bâtard était le propre petit-fils du roi Edmund Côte-de-Fer[187]. Edmund, dit cette chronique, eut deux fils, Edwin et Edward, et de plus, une fille unique dont l'histoire tait le nom, à cause de sa mauvaise vie ; car elle entretint un commerce illicite avec le pelletier du roi. Le roi, courroucé, bannit d'Angleterre son pelletier, avec sa fille, qui était alors enceinte[188]. Tous deux passèrent en Normandie, où, vivant de la charité publique, ils eurent successivement trois filles. Un jour qu'ils étaient venus mendier à Falaise, à la porte du duc Robert, le duc, frappé de la beauté de la femme et de ses trois enfants, lui demanda qui elle était : Je suis, dit-elle, Anglaise et de sang royal[189]. A cette réponse, le duc la traita honorablement, prit le pelletier à son service, et fit élever dans son hôtel une de leurs filles, qui devint sa maîtresse et la mère de Guillaume, dit le Bâtard, lequel, pour plus de vraisemblance, demeurait toujours le petit-fils d'un pelletier de Falaise, bien que, par sa mère, il fût Saxon et issu des rois saxons[190]. La violation du serment que Henri II avait, comme on l'a vu plus haut, prêté à son frère Geoffroy, lui attira, peu de temps après son arrivée en Angleterre, une guerre sur le continent. A l'aide des partisans de ses droits sur le comté d'Anjou, Geoffroy s'était mis en possession de plusieurs places fortes. Henri envoya contre lui une armée d'hommes de race anglaise. Les Anglais, par suite de l'antipathie qu'ils nourrissaient depuis la conquête contre les populations de la Gaule, poursuivirent vivement la guerre, et firent triompher en peu de temps le frère ambitieux et injuste[191]. Geoffroy vaincu fut contraint d'accepter, en échange de ses terres et de son titre de comte, une pension de mille livres anglaises et de deux mille livres d'Anjou[192] : il était redevenu simple baron angevin, lorsque, par un hasard heureux pour lui, les habitants de Nantes le prirent pour comte de leur ville et de leur territoire[193]. Par cette élection, ils se détachèrent du gouvernement de la Bretagne armoricaine, auquel ils avaient été jadis incorporés par con quête, mais qu'ils avaient préféré à la domination des rois franks, sans pourtant l'aimer de grande affection, à cause de la différence des langues. Agrandie par des guerres heureuses, dans l'intervalle du neuvième au onzième siècle, la Bretagne fut, dès le siècle suivant, travaillée de divisions intestines provenant de cette prospérité même. Ses frontières, qui s'étendaient jusqu'au delà du cours de la Loire, renfermaient deux populations de race différente, dont l'une parlait l'idiome celtique, l'autre la langue romane de France et de Normandie ; et, selon que les comtes ou ducs de tout le pays jouissaient de la faveur de l'une de ces deux races d'hommes, ils étaient mal vus de l'autre. Les Nantais, qui choisirent pour comte Geoffroy d'Anjou, appartenaient naturellement au premier de ces deux partis, et ils n'appelèrent le prince angevin à les gouverner que pour se soustraire au pouvoir d'un seigneur de pure race celtique[194]. Geoffroy d'Anjou ne vécut pas longtemps dans sa nouvelle dignité, et, à sa mort, la ville passa, sinon librement, du moins sans répugnance, sous la suzeraineté de Conan, comte héréditaire de Bretagne, et possesseur en Angleterre du château de Richemont, bâti, au temps de la conquête, par le Breton Alain Fergan[195]. Alors le roi Henri II, par une prétention toute nouvelle, réclama la ville de Nantes comme portion de l'héritage de son frère ; il traita d'usurpateur le comte de Bretagne[196], confisqua la terre de Richemont, puis, traversant le détroit, vint avec une grosse armée contraindre les bourgeois de Nantes à le reconnaitre pour seigneur et à désavouer le comte Conan. Incapables de résister aux forces du roi d'Angleterre, les bourgeois obéirent malgré eux le roi mit garnison dans leurs murs, et occupa tout le pays compris entre la Loire et la Vilaine[197]. Ayant ainsi pris pied sur le territoire breton, Henri II porta plus loin ses vues, et fit avec ce même Conan, à qui il venait d'enlever la ville de Nantes, un pacte menaçant pour l'indépendance de toute la Bretagne. Il fiança le plus jeune de ses fils, Geoffroy, âgé de huit ans, à la fille de Conan, appelée Constance, et alors âgée de cinq ans[198]. D'après ce traité, le comte breton s'engageait à faire héritier de son pouvoir le futur mari de sa fille, et le roi, en retour, garantissait à Conan la possession viagère du comté de Bretagne, lui promettant aide, secours et appui envers et contre tous[199]. Ce traité, qui devait avoir pour résultat infaillible d'étendre un jour la domination des Anglo-Normands sur toute la Gaule occidentale, mit en grande alarme le roi de France ; il négocia auprès du pape Alexandre III, afin de l'engager à interdire l'union de Geoffroy et de Constance pour cause de parenté, attendu que Conan était le petit-fils d'une fille bâtarde de l'aïeul de Henri II ; mais le pape ne reconnut point cette parenté, et les noces prématurées des deux époux se firent en l'année 1166[200]. Peu de temps après, une insurrection nationale éclata en Bretagne contre le chef qui trafiquait, avec un roi étranger, de l'indépendance du pays. Conan appela Henri II à son secours ; et, aux termes de leur traité d'alliance, les troupes du roi entrèrent par la frontière de Normandie, sous prétexte de défendre contre les révoltés le comte légitime des Bretons[201]. Henri s'empara de la ville de Dol et de plusieurs bourgs, où il mit garnison. Bientôt après, moitié de gré, moitié par force, le comte Conan abdiqua le pouvoir entre les mains de son protecteur, lui laissant exercer l'autorité administrative et lever des tributs par toute la Bretagne. Les timides et les faibles allèrent trouver le roi angevin dans son camp, et, suivant le cérémonial du siècle, lui firent hommage de leurs terres ; le clergé s'empressa de complimenter en langue latine l'homme qui venait au nom de Dieu visiter et consoler la Bretagne[202]. Mais le droit divin de l'usurpation étrangère ne fut pas reconnu universellement, et les amis de la vieille patrie bretonne, se rassemblant de tous les cantons, formèrent contre le roi Henri une confédération par serment, à la vie et à la mort[203]. Le lien de la nationalité était déjà trop affaibli en Bretagne pour que ce pays pût tirer de lui-même assez de ressources dans sa rébellion. Les insurgés pratiquèrent donc des intelligences à l'extérieur ; ils s'entendirent avec les habitants du Maine, leurs voisins, qui, depuis le règne de Guillaume le Bâtard, obéissaient contre leur gré aux princes normands[204]. Beaucoup de. Manceaux entrèrent dans la ligue jurée en Bretagne contre le roi d'Angleterre, et tous les membres de cette ligue prirent pour patron le roi de France, rival politique de Henri II, et le plus puissant de ses rivaux. Le roi Louis VII promit des secours aux Bretons insurgés, non par amour pour leur indépendance, que ses prédécesseurs avaient attaquée, durant tant de siècles, avec tant d'acharnement, niais par haine du roi d'Angleterre, et par envie d'acquérir lui-même en Bretagne la suprématie qu'y perdrait son ennemi[205]. Pour atteindre ce but à peu de frais, il ne fit aux confédérés que de simples promesses, leur laissant tout le fardeau de l'entreprise' dont il devait partager les profits. Attaqués bientôt par toutes les forces du roi Henri ; les insurgés bretons furent vaincus, perdirent les villes de Vannes, de Léon, d'Auray et de Fougères, leurs châteaux, leurs domaines, leurs soldats, leurs femmes et leurs filles, que le roi prit pour otages et qu'il se fit un jeu de déshonorer par séduction ou par violence[206] : l'une d'entre elles, la fille d'Eudes, vicomte de Porrhoêt, était sa parente au second degré[207]. Vers le même temps l'ennui de la domination du roi d'Angleterre se fit sentir aux habitants de l'Aquitaine, surtout à ceux du Poitou, et de la Marche de France, qui, sur un pays montagneux, avaient plus d'âpreté dans l'humeur et plus de moyens pour soutenir une guerre patriotique[208]. Quoique mari de la fille du comte de Poitou, Henri II était un étranger pour les Poitevins, et ceux-ci souffraient de voir des officiers de race étrangère violer ou détruire les coutumes de leurs pays par des ordonnances rédigées en langue angevine ou normande. Plusieurs de ces nouveaux magistrats furent chassés, et l'un d'entre eux, originaire du Perche, et comte de Salisbury, en Angleterre, fut tué à Poitiers par le peuple[209]. Il se forma une grande conspiration sous la conduite des principaux seigneurs et des hommes riches du nord de l'Aquitaine, le comte de la Marche, le duc d'Angoulême, le vicomte de Thouars, l'abbé de Charroux, Aymery de Lezinan ou Luzignan, Hugues et Robert de Silly[210]. Les conjurés poitevins se placèrent, comme avaient fait les Bretons, sous le patronage du roi de France, qui leur demanda des otages, et s'engagea, en retour, à ne point faire de paix avec le roi Henri sans les y comprendre[211] ; mais ils furent écrasés comme les Bretons, pendant que Louis VII restait simple spectateur de leur guerre avec le roi angevin. Les plus considérables d'entre eux capitulèrent avec le vainqueur, les antres s'enfuirent sur les terres du roi de France, qui, pour leur malheur, commençait à se lasser d'être en guerre avec le roi Henri et désirait conclure une trêve. Ces deux princes, après avoir longtemps travaillé à se nuire, se réconcilièrent en effet dans la petite ville de Montmirail en Perche[212]. Il y fut décidé que le roi de France garantirait à l'autre roi la possession de la Bretagne, et lui rendrait les réfugiés de ce pays et ceux du Poitou ; qu'en revanche le roi d'Angleterre s'avouerait expressément vassal et homme lige du roi de France, et que la Bretagne serait comprise clans le nouveau serment d'hommage[213]. Les deux rivaux se donnèrent la main et s'embrassèrent cordialement ; puis, en vertu de la souveraineté nouvelle que le roi de France lui reconnaissait sur les Bretons, Henri II institua duc de Bretagne, d'Anjou et du Maine, son fils aîné, qui, en cette qualité, prêta serment de vasselage entre les mains du roi de France[214]. Dans cette entrevue, le roi angevin étala des sentiments de tendresse exagérés jusqu'au ridicule envers l'homme qui, la veille, était son plus mortel ennemi. Je mets, lui disait-il, à votre disposition, moi, mes enfants, mes terres, mes forces, mes trésors, pour en user, en abuser, les garder ou les donner à plaisir et à volonté[215]. Il semblait que sa raison fût un peu troublée par la joie d'avoir en sa puissance les émigrés poitevins et bretons. Le roi Louis les lui livra sous la condition dérisoire qu'il les reprendrait en grâce et leur rendrait leurs biens[216]. Henri le promit, et leur donna même publiquement le baiser de paix, pour garantie de cette promesse, mais la plupart finirent leur vie en prison ou au milieu des supplices. Lorsque les deux rois se furent séparés dans cette apparence d'harmonie parfaite, qui pourtant ne fut pas de longue durée, Henri, fils aîné du roi d'Angleterre, remit à son jeune frère, Geoffroy, la dignité de duc de Bretagne, ne gardant que le comté d'Anjou. Geoffroy fit hommage à son frère, comme celui-ci l'avait fait au roi de France ; puis il se rendit à Rennes pour y tenir sa cour et recevoir les soumissions des seigneurs et des chevaliers du pays[217]. C'est ainsi que les deux ennemis héréditaires de la liberté des Bretons leur enlevèrent, de commun accord, la souveraineté de leur terre natale ; le prince angevin se fit seigneur direct, le prince français seigneur suzerain, et cette grande révolution eut lieu sans violence apparente. Conan, le dernier comte de pure race bretonne, ne fut point déposé, mais son nom ne reparut plus dans les actes publics ; dès lors, à proprement parler, il n'y eut plus de nation en Bretagne ; il y eut un parti français et un parti angevin ou normand, qui travaillèrent en sens divers pour l'une ou pour l'autre puissance. La vieille langue nationale, abandonnée par tous ceux qui voulaient plaire à l'un ou à l'autre des deux rois, s'altéra peu à peu dans la bouche des pauvres et des paysans ; eux seuls y tinrent fidèlement et la conservèrent, à travers les siècles, avec la ténacité de mémoire et de volonté qui est propre aux hommes de race celtique. Malgré la désertion de leurs chefs nationaux vers l'étranger, soit normand, soit français, et la servitude publique et privée qui en fut la suite, les gens du peuple en basse Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays des enfants de la terre natale. Ils ne les ont point haïs de cette haine violente qu'on portait ailleurs à des seigneurs issus de race étrangère ; et sous les titres féodaux de baron et de chevalier, le paysan breton retrouvait encore les tierns et les mac-tierns — chefs et fils de chefs — des temps de son indépendance : il leur obéissait avec zèle dans le bien comme dans le mal, s'engageait dans leurs intrigues et leurs querelles politiques, souvent sans les comprendre, mais par habitude et par le même instinct de dévouement qu'avaient pour leurs chefs de tribus les Gallois et les montagnards d'Écosse. Les populations voisines des terres de France, comme les Bretons et les Poitevins, ne furent par les seules qui, dans leurs querelles avec le roi d'Angleterre, voulurent faire alliance et cause commune avec son rival politique. Après la rupture de la paix de Montmirail, Louis VII reçut d'un pays avec lequel il n'avait eu jusque-là aucune espèce de relations, et dont il soupçonnait à peine l'existence, des dépêches conçues en ces termes : Au très-excellent roi des Français, Owen, prince de Galles, son homme lige et son fidèle ami, salut, obéissance et dévouement. La guerre que le roi d'Angleterre avait longtemps méditée contre moi vient d'éclater l'été passé sans aucune provocation de ma part ; mais grâce à Dieu et à vous, qui occupiez ailleurs ses forces, il a perdu plus d'hommes que moi sur les champs de bataille. Dans son dépit, il a méchamment démembré les otages qu'il tenait de moi, et se retirant sans conclure ni paix ni trêve, il a donné ordre à ses gens d'être prêts pour Pâques prochain à marcher de nouveau contre nous. Je supplie donc votre clémence de m'annoncer par le porteur des présentes si vous êtes dans l'intention de guerroyer alors contre lui, afin que, de mon côté, je vous serve en lui faisant tort selon vos souhaits. Faites-moi savoir ce que vous me conseillez, et quels secours aussi vous voudrez bien me fournir ; car, sans aide et conseil de votre part, je doute que je sois assez fort contre notre ennemi commun[218]. Cette lettre fut apportée par un clerc gallois qui la présenta au roi de France dans sa cour plénière. Mais le roi, ayant fort peu, en sa vie, entendu parler du pays de Galles, soupçonna le messager d'imposture, et ne voulut point le reconnaître, ni lui ni les dépêches d'Owen. Owen fut donc obligé d'écrire une seconde missive pour certifier le contenu de la première. Vous n'avez pas cru, disait-il, que ma lettre fût vraiment de moi ; pourtant c'était la vérité, je l'affirme et j'en atteste Dieu[219]. Le chef cambrien continuait à se qualifier du nom de fidèle et de vassal du roi de France. Ce trait mérite d'être cité, parce qu'il enseigne à ne point prendre à la lettre, sans un sérieux examen, les formules et les locutions du moyen âge. Souvent les mots vassal et seigneur exprimaient un rapport réel de subordination et de dépendance, mais souvent aussi ils n'étaient, dans le langage, qu'une simple forme de politesse, surtout quand le faible réclamait l'alliance d'un homme puissant. Le duché d'Aquitaine ou de Guienne, selon la langue vulgaire, ne s'étendait que jusqu'aux limites orientales de la seconde des anciennes provinces aquitaniques ; et ainsi les villes de Limoges, de Cahors et de Toulouse n'y étaient point comprises. Cette dernière ville, ancienne résidence des rois visigoths et des chefs gallo-romains, qui après eux avaient gouverné les deux Aquitaines unies pour résister aux Franks, était devenue la capitale d'un petit État séparé, qu'on appelait le comté de Toulouse. Il y avait eu de grandes rivalités d'ambition entre les comtes de Toulouse et les ducs de Guienne, et, de part et d'autre, diverses tentatives pour soumettre à une autorité unique tout le pays situé entre lé Rhône, l'Océan et les Pyrénées. De là étaient nés beaucoup de différends, de traités et d'alliances, tour à tour conclus et défaits, au gré de la mobilité naturelle aux hommes du Midi. Devenu duc d'Aquitaine, le roi Henri H se mit à fouiller dans les registres de ces conventions antérieures, et y trouvant par hasard un prétexte pour attaquer l'indépendance du comté de Toulouse, il fit avancer des troupes, et mit le siège devant la ville. Le comte. de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, leva contre lui sa bannière, et la commune de Toulouse, corporation de citoyens libres, leva aussi la sienne[220]. Le conseil commun de la cité et des faubourgs — c'était le titre que prenait le gouvernement municipal des Toulousains — entama, de son chef, des négociations avec le roi de France[221], pour obtenir de lui quelques secours. Ce roi marcha vers Toulouse par le Berry, qui lui appartenait en grande partie, et le Limousin, qui lui livra passage ; il contraignit le roi d'Angleterre à lever le siège de la ville, et y fut accueilli avec grande joie, disent les auteurs du temps, par le comte et par les citoyens[222]. Ces derniers, réunis en assemblée solennelle, lui décernèrent une lettre de remercîment, où ils lui rendaient grâce de les avoir secourus Comme un patron et comme un père, expression de reconnaissance affectueuse qui n'impliquait de leur part aucun aveu de sujétion civile ou féodale[223]. Mais cette habitude d'implorer le patronage d'un roi contre un autre devint une cause de dépendance, et l'époque où le roi d'Angleterre, comme duc d'Aquitaine et comte de Poitou, obtint de l'influence sur les affaires du midi de la Gaule, commença pour ses habitants une nouvelle époque de décadence et de malheur. Placés dès lors entre deux puissances rivales et également ambitieuses, ils s'attachèrent tantôt à l'une, tantôt à l'autre, au gré des circonstances, et furent tour à tour soutenus, délaissés, trahis, vendus par toutes les deux. Depuis le douzième siècle, les méridionaux ne se sentirent bien que quand les rois de France et d'Angleterre étaient en querelle. Quand donc finira la trêve des sterlings avec les tournois ? disaient-ils dans leurs chansons politiques[224], et ils avaient sans cesse les yeux fixés vers le nord, se demandant : Que font les deux rois ?[225] Ils haïssaient les étrangers ; et une turbulence inquiète, un amour désordonné de la nouveauté et du mouvement les poussaient vers leur alliance, tandis qu'intérieurement ils étaient travaillés de querelles domestiques et de petites rivalités d'homme à homme, de ville à ville, de province à province. Ils aimaient passionnément la guerre, non par l'ignoble soif du gain, ni même par l'impulsion élevée du dévouement patriotique, mais pour ce que les combats ont de pittoresque et de poétique, pour le bruit, l'appareil et les émotions du champ de bataille, pour voir les armes reluire au soleil et entendre les chevaux hennir au vent[226]. Un seul mot d'une femme les faisait courir, à la croisade sous la bannière de l'Église romaine, et ils se laissaient aller, par fougue d'opposition, à la plus violente et à la plus fatale des révoltes contre cette Église[227]. A cette légèreté de caractère, ils joignaient les grâces de l'imagination, le goût des arts et des jouissances délicates ; ils avaient l'industrie et la richesse ; la nature leur avait tout donné, tout, hors la prudence politique et l'union, comme issus d'une même race et enfants d'une même patrie : leurs ennemis s'entendaient pour leur nuire, et eux ne s'entendaient point polir s'aimer, se défendre et faire cause commune. Ils en ont durement porté la peine, en perdant leur indépendance, leurs richesses et jusqu'à leurs lumières. Leur langue, la seconde langue romaine, presque aussi polie que la première, a fait place, dans leur propre bouche, à un langage étranger, dont l'accentuation leur répugne, tandis que leur idiome national, celui de leur liberté et de leur gloire, celui de la belle poésie dans le moyen âge, est devenu le patois des journaliers et des servantes. Mais aujourd'hui les regrets causés par ces changements seraient inutiles : il y a des ruines que le temps a faites et qu'il ne relèvera jamais. |
[1] Voyez t. I, liv. IV.
[2]
Les chartes des rois d'Écosse, à la fin du dixième siècle, portaient pour
suscription : N. omnibus per regnum suum Scotis et
Anglis salutem. Dans le douzième siècle, elles portèrent : Omnibus fidelibus Francis et Anglis et Scotis. (Monast. anglic., Dugdale,
passim.)
[3] Ken-Kinneol, Charta Alexandri II,
apud Grant's Descent of the Gaels, p. 378.
[4] Charta Thomæ Fleming. (Ken-Kinneol, Charta Alexandri II, apud Grant's Descent
of the Gaels, p. 377.)
[5] Laird, suivant l'orthographe et la prononciation écossaises.
[6] Walter Scott's Minstrelsy of the
scottish border, t. I, p. 81 et 109.
[7] Robert of Brunne's prologue to his Chronicle, p. XCVII, ed. Hearne.
[8] Ou Ossian. La prononciation est la même.
[9] Walter Scott's Minstrelsy
of the scottish border, t. III, p. 243. — Voyez Sir Tristrem edited
by Walter Scott, Edinburgh, 1806.
[10] Lady of the Lake, notes, p. 202 ; Walter Scott's poetical works, published by
Galignani. Paris, 1827. — Johann. de Fordun, Scoti-chronicon, lib. II,
p. 79, ed. Hearne.
[11] Lady of the Lake, notes, p. 192 ; Walter Scott's poetical works.
[12] Lady of the Lake, notes, p. 185 ; Walter Scott's poetical works.
[13] Inais
Gail.
[14] Walter Scott's Lord of the Isles,
notes, p. 314-316.
[15] Robertus de Monte, sub anno 1166,
apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 256, in nota ad cale.
pag. — Charta regis Manniæ, apud Monast. anglic., Dugdale, t. II,
p. 427.
[16] Johann. de Fordun, Scoti-chronicon,
lib. II, p. 79, ed. Hearne.
[17] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 939.
[18] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 939.
[19] Matth. Paris, t. I, p. 76. —
Henrici Huntind., Hist., lib. VIII, apud Rer. anglic. Script., p.
388, ed. Savile.
[20] Hist. Ricardi Hagustaldensis, sub anno 1138, apud Hist. anglic.
Script., t. I, col. 316, ed. Selden.
[21] Walter Scott's Minstrelsy of the
scottish border, introduction, p. II.
[22] Matth. Paris, t. I, p. 130.
[23] Henrici Huntind. Hist., lib.
VIII, apud Rer. anglic. Script., p. 388, ed. Savile. — Matth. Paris, t.
I, p. 76. — Chron. normann., apud Script. rer. normann., p. 977.
— Johann. Hagustaldensis, apud Script. rer. gallic. et francic., t.
VIII, p. 85.
[24] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 341, ed. Selden.
[25] Matth. Paris, t. I, p. 76.
[26] Matth. Paris, t. I, p. 76. —
Ailred. Rievall., de Bello Standardi, apud Hist. anglic. Script.,
t. I, col. 337, ed. Selden.
[27] Florent. Wrigorn., Chron.
continuat., p. 760.
[28] Matth. Paris, t. I, p. 76.
[29] Matth. Paris, t. I, p. 76.
[30] Ailred. Rievall., de Bello Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 340, 341. — Le texte porte le nom de Français qui, ainsi qu'on l'a vu, servait comme l'autre à désigner les conquérants de l'Angleterre.
[31] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 343. — Johann.
Hagustald., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 86.
[32] Monast. anglic., Dugdale, t. II, p. 148.
[33] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 343-344, cd.
Selden.
[34] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 343, ed. Selden.
[35] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 343, ed. Selden.
[36] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 343, ed. Selden.
[37] Chron. Johan. Bromton ; apud Hist. anglic. Script., t. I, col.
1027.
[38] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 345, ed. Selden.
[39] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 345, ed. Selden.
[40] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 345, ed. Selden.
[41] Ailred. Rievall., de Bello
Standardi, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 345, ed. Selden.
[42] Johann. Hagustald., apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 86.
[43] Jamiesson's Popular songs,
vol. II, p. 97.
[44] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 930. — Monast. angtic.,
Dugdale, t. II, p. 62 et 63.
[45] Orderic. Vital. Hist. ecclessiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 670 et 768.
[46] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 930.
[47] Monast. anglic., Dugdale, t. I, p. 724 et passim. — Orderic. Vital. Hist.
ecclesiast., apud. Hist. normann. Script., p. 521, 522.
[48] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 930.
[49] Voyez plus haut, t. I, liv. VII.
[50] Cambrian, Biography, p. 197, au mot Einion ab Collioyn, et p. 97, au mot Iestyn ab Gwrgaut.
[51] Cambrian Biography, p. 197.
[52] Cambrian Biography, p. 198.
[53] Monast. anglic., Dugdale, t. I, p. 556 et 600.
[54] Monast. anglic., Dugdale, t. II, p. 904.
[55] Girald. Cambrens., Itinerar. Cambriæ.
[56] Girald. Cambrens., Itinerar. Cambriæ.
[57] Monast. anglic., Dugdale, t. I, p. 320.
[58] Monast. anglic., Dugdale, t. I, p. 722. — Girald. Cambrens., Hibernia expugnata,
apud Camden, Anglica, Normannica, etc.,
p. 761.
[59] Girald. Cambrens., de Illaudabilibus
Walliæ, cap. VIII ; Anglia sacra, t. II, p. 452.
[60] Girald. Cambrens., Itinerar.
Cambriæ, p. 848, ed. Camden.
[61] Cambrian register, for 1796, p. 68.
[62] Cambrian register, for 1796, p. 63. — Girald. Cambrens., Itinerar. Cambriæ, p.
851, ed. Camden.
[63] Vetus Charta, apud the Cambrian register, for 1796, p. 124.
[64] Cambrian register, for 1796, p. 124.
[65] Cambrian register, for 1796, p. 125.
[66] Cambrian register, for 1796, p. 158.
[67] Villam... de Novo Burgo... Castrum Martini ; en anglais moderne, Castle-Martin. (Cambrian register, p.
126.)
[68] Monast. anglic., Dugdale, t. I, p. 444 et 445.
[69] Monast. anglic., Dugdale, t. II, p. 63. — On trouve un témoignage tout contraire de Giraldus Cambrensis, dans sa description du pays de Galles, au chapitre intitulé : De antiqua fidei fundatione, christianitatis amore et devotione. — Voyez Camden, Anglica, Normannica, etc., p. 891.
[70] Voyez plus haut, livre I. — Girald. Cambrens., Itinerar. Cambriæ, apud Camden, Anglica, Normannica, etc., p. 836 et 855.
[71] Girald. Cambrens., de Jure et statu Menevens. eccles. ; Anglia sacra, t. II, p. 574.
[72] Girald. Cambrens., Itinerar. Cambriæ, ed. Camden, p. 856. — Eadmeri Hist. nov., p. 116, ed. Selden.
[73] Girald. Cambrens., de Jure et statu Menevens. eccles. ; Anglia sacra, t. II, p. 574.
[74] Girald. Cambrens., de Bernardo
Menevensi episcopo ; Itinerar. Cambriæ, ed. Camden, p. 856. — Roger.
de Hoved., Annal., pars posterior, apud Rer. anglic. Script., p.
544, ed. Savile.
[75] Ex hist. eliensi ms. ; Seldeni notœ ad Eadmeri Hist. nov., p. 209.
[76] Ex hist. eliensi ms. ; Seldeni notœ ad Eadmeri Hist. nov., p. 209.
[77] Ex hist. eliensi ms. ; Seldeni notœ ad Eadmeri Hist. nov., p. 209.
[78] Pascalis papæ II Epistola,
Seldeni notæ ad Eadmeri Hist. nov., p. 210.
[79] Girald. Cambrens, Descriptio
Cambriæ, cap. XVIII, apud. Camden, Anglica, Normannica, etc., p.
891.
[80] Girald. Cambrens., Cambriæ
descriptio ; Camden, Anglica, Hibernica, etc., p. 888.
[81] Pennant's Tour in Wales.
[82] Gerald. Cambrens., Cambriæ
descriptio ; Camden, Anglica, Hibernica, etc., p. 891.
[83] Cambro-Briton, vol. II, p. 13.
[84] Cambro-Briton, vol. I, p. 137.
[85] Gesta Stephani regis., apud Script. rer. normann., p. 931. — Florent. Wigorn., Chron.
continuat., p. 666.
[86] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast.,
lib. XIII ; apud Script. rer. normann., p 912.
[87] Gervas. Cantuar., Chron.,
apud Hist. anglic. Script., col. 1349, ed. Selden.
[88] Gervas. Cantuar., Chron.,
apud Hist. anglic. Script., col. 1349, ed. Selden.
[89] Gervas. Cantuar., Chron.,
apud Hist. anglic. Script., col. 1350, ed. Selden.
[90] Gervas. Cantuar., Chron., apud
Hist. anglic. Script., col. 1349, ed. Selden.
[91] Florent. Wigorn. Chron.
continuat., p. 672.
[92] Florent. Wigorn. Chron.
continuat., p. 673.
[93] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 239.
[94] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 238.
[95] Ce mot, étranger à l'idiome anglo-saxon, appartenait au langage des Normands, et provenait du verbe crucir, qui signifie torturer.
[96] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 238.
[97] Sac, alias sache, signifie procès ou question judiciaire, lis, questio judicaria ; tege, teag, signifie lien. Voyez le Glossaire saxon d'Edward Lye.
[98] Tenserie voulait dire châtiment ; c'était un mot dérivé de l'ancien verbe français tenser ou tencer. — Voyez plus haut, livre V.
[99] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 239.
[100] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 941.
[101] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 941.
[102] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 941.
[103] Thomæ Eliensis, Hist. eliensis ;
Anglia sacra, t. I, p. 620.
[104] Petri Blesensis Ingulfi continuat.,
apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 117, ed. Gale.
[105] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 949.
[106] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 950. — Thomæ Eliensis, Hist.
eliensis ; Anglia sacra, t. I, p. 620.
[107] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 949.
[108] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 952.
[109] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 952.
[110] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 952.
[111] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 952.
[112] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[113] Acta concilii Winton., apud Wilkins, Concilia Magnæ Britariniæ, t. I, p. 420.
[114] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[115] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[116] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[117] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[118] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[119] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[120] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[121] Florent. Wigorn. Chron.
continuat., p. 677.
[122] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[123] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 955.
[124] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 955.
[125] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 955.
[126] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 955.
[127] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[128] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[129] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 954.
[130] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 956.
[131] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 956.
[132] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 956.
[133] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 957.
[134] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 957.
[135] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 957.
[136] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 957.
[137] Gesta Stephani regis ; apud Script rer. normann., p. 959.
[138] Gesta Stephani regis ; apud Script rer. normann., p. 959.
[139] Guilielm. Neubrig., de Reb.
anglic., p. 98, ed. Hearne.
[140] Gesta Stephani regis ; apud Script rer. normann., p. 965.
[141] Gesta Stephani regis, apud Script. rer. normann., p. 973. — Gervas. Cantuar. Chron.,
apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1366, ed. Selden.
[142] Gesta Stephani regis, apud Script, rer. Normann., p. 961 et 951.
[143] Chron. normann., apud. Script. rer. normann., p. 989.
[144] Guillelm. Neubrig., de Reb.
anglic., p. 102, ed. Hearne.
[145] Chron. Normann., apud Script. rer. normann., p. 989.
[146] Instrumentum pacis ; Chron. Joban. Bromton, apud Hist. anglic. Script.,
t. I, col. 1037, ed. Selden.
[147] Guillelm. Neubrig., de Reb.
anglic., p. 105, ed. Hearne. — Script. rer. gallic. et francic., t.
XIV, p. 11, note a, ad. cale. pag.
[148] Chron. turon., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[149] Hist. Ludovici VII, apud Script rer. gallic. et francic., p. 127. — Chron. turon. apud ibid., t. XII, p. 474.
[150] De Potter, Esprit de l'Église, t. VI, p. 33.
[151] Hist. Ludovici VII, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 127.
[152] Chron. turon., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[153] Chron. turon., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[154] Chron. turon., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[155] Chron. turon., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[156] Chron. turon., apud Script rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474. — Guillelm. Neubrig., de Reb. anglic., p. 105, ed. Hearne.
[157] Chron. turon., apud Script rer. gallic. et francic., t. XII, p. 474.
[158] Gisleberti Hannoniæ Chron., apud Script rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 565.
[159] Gisleberti Hannoniæ Chron., apud Script. rer. gailic. et francic., t. XIII-XVIII, passim.
[160] Fredegarii Chron., apud Script. rer. gailic. et francic., t. II, p. 458 et passim.
[161] Vita S. Martini Vertav., apud Hist. franc. Script., t. I, p. 655, ed. Du Chesne.
[162] Fredeg. Chron. continuat., apud Script. rer. gallic. et francic., t II, p. 456.
[163] Fredeg., Chron. continuat., apud Script. rer. gallic. et francic., t. V, p. 6 et 7.
[164] Fredeg., Chron. continuat., apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 456.
[165] Leod, lied, liet, leute, peuple, gens...
[166] Fredeg., Chron. continuat., apud Script. rer. gallic. et francic., t. V, p. 3-7.
[167] Fredeg., Chron. continuat., apud Script. rer. gallic. et francic., t. V, passim.
[168] Nithardi, Hist., lib. II, cap. VIII, apud Script, rer. gallic. et francic., t. VII, p. 19 et 20.
[169] Dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc, t. II, liv. XI.
[170] Voyez livre II, t. I.
[171] Hue Chapet. (Chroniques de Saint-Denis ; Recueil des hist. de la France, t. X, p. 303.)
[172] Dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc, t. II, livre XII.
[173] Voyez Raynouard, Choix des poésies originales des troubadours, t. IV, passim.
[174] Gervas. Cantuar., Chron.,
apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1376, ed. Selden.
[175] Charta, Henri II. — Chron.
Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 1046.
[176] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col.
1043.
[177] Gervas. Cantuar., Chron.,
apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1376, ed. Selden.
[178] Radulphi de Diceto, Imag. histor.,
apud ibid., col. 528.
[179] Roger. de Roved., Annal.,
pars posterior, apud Rer. anglic. Script., p. 703, ed. Savile.
[180] Matth. Paris, t. I, p. 92.
[181] Ailred. Rievall., de Vita
Edwardi Confess., apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 401, ed.
Selden.
[182] Ailred. Rievall., Genealog. reg.
Angl., apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 350, ed. Selden.
[183] Voyez liv. III, t. I.
[184] Ailred. Reivall., de Vita
Edwardi Confess., apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 402, ed. Selden.
[185] Ailred. Rievall., Genealog. reg.
Angl., apud Hist. anglic. Script., t. I, Col. 370, ed. Selden.
[186] Voyez plus bas, livre XI.
[187] Thomæ Rudborne, Hist. major
Winton ; Anglia sacra, t. I, p. 246.
[188] Thomæ Rudborne, Hist. major
Winton ; Anglia sacra, t. I, p. 246.
[189] Thomæ Rudborne, Hist. major
Winton ; Anglia sacra, t. I, p. 246.
[190] Thomæ Rudborne, Hist. major
Winton ; Anglia sacra, t. I, p. 246.
[191] Johan. Saresb. Fragm., apud Script. rer. gallic et francic., t. XIX, p. 12.
[192] Robert de Monte, apud Script. rer. gallic et francic., t. XIII, p. 299.
[193] Guilielm. Neubrig., de Reg.
anglic., p. 126, ed. Hearne.
[194] Chron. britann., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 560.
[195] Chron. britann., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 560. — Voyez livre IV, t. I.
[196] Gullielm. Neubrig., de Reb.
anglic., p. 126, ed. Hearne.
[197] Gullielm. Neubrig., de Reb.
anglic., p. 126, ed. Hearne.
[198] Chron. britann., apud. Script rer. gallic. et francic., t. XII, p. 560.
[199] Chron. britann., apud. Script rer. gallic. et francic., t. XII, p. 560.
[200] Summarium Epist. Lombardi
ad Alexandrum III papam, apud Script rer.
gallic. et francic., t. XVI, p. 282.
[201] Summarium epist. Lombardi ad Alexandrurn III papam, apud Script rer. gallic. et francic., t. XVI, passim.
[202] Charta, apud Script rer. gallic. et francic., t. XII, p. 560, in nota, ad cale. pag.
[203] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 310 et 311.
[204] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 310. — Voyez livre V, t. I.
[205] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 312.
[206] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 310 et 312. — Epist. Johan Saresb., apud ibid., t. XVI, 591.
[207] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 310 et 312. — Epist. Johan Saresb., apud ibid., t. XVI, 591.
[208] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 311.
[209] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 311.
[210] Robert. de Monte, apud Script. rer. gallic. et frantic., t. XIII, p. 311.
[211] Robert. de Monte. apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 311.
[212] Epist. Johan. Saresb., apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 595.
[213] Epist. Johan. Saresb., apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 596.
[214] Epist. Johan. Saresb., apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 596.
[215] Epist. Johan. Saresb., apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 595.
[216] Epist. Johan. Saresb., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 596.
[217] Epist. Johan. Saresb., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 596 et seq.
[218] Epist. Owini ad Ludovic. VII, apud Script.
rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 117.
[219] Epist. Owini ad Ludovic. VII, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVI, p. 117.
[220] Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 739.
[221] Communis consilii Tolosæ
ad Ludoricum epist,, apud ibid., t. XVI, p.
69.
[222] Communis consilii Tolosæ
ad Ludoricum epist,, apud ibid., t. XIII, p.
739.
[223] Communis consilii Tolosæ
ad Ludoricum epist,, apud ibid., t. XVI, p.
69.
[224] Bertrand de Born., Raynouard, Poésies des troubadours, t. IV, p. 264.
[225] Bertrand de Born., Raynouard, Poésies des troubadours, t. IV, passim.
[226] Bertrand de Born., Raynouard, Poésies des troubadours, t. IV, p. 264.
[227] Voyez l'Histoire de la secte des Albigeois, par M. Schmidt.