HISTOIRE DES GAULOIS

Première partie

CHAPITRE VII.

 

 

QUARANTE-CINQ ans [Polybe, II] s’étaient écoulés depuis l’extermination du peuple sénonais, et la terreur dont cet exemple des vengeances de Rome avait frappé les nations cisalpines n’était pas encore effacée. La jeunesse, il est vrai, murmurait de son inaction ; elle se flattait de reconquérir aisément le territoire enlevé à ses pères, et de laver la honte de leurs défaites ; et les chefs suprêmes, ou rois du peuple boïen, At et Gall[1], tous deux ardents ennemis des Romains, et ambitieux de se signaler, favorisaient hautement ces dispositions belliqueuses. Mais les anciens, dont les conseils nationaux étaient composés, et la masse du peuple, désapprouvaient les menées des rois Boïens et l’ardeur des jeunes gens, qu’ils traitaient d’inexpérience et de folie [Polybe, l. c.]. Après un demi-siècle de tranquillité, ils craignaient d’engager de nouveau une lutte, qui paraissait devoir être d’autant plus terrible, que la république romaine, depuis les dernières guerres, avait fait d’immenses progrès en puissance. At et Gall cherchèrent des secours au dehors ; à prix d’argent, ils firent descendre en Italie plusieurs milliers de montagnards des Alpes [Ibid.], dans l’espoir que leur présence donnerait de l’élan aux peuples cisalpins ; et, à la tête de ces étrangers, ils marchèrent sur Ariminum [236 av. J.-C.], celle des colonies romaines qui touchait de plus près à leur frontière. Déjà la jeunesse boïenne s’agitait et prenait les armes, quand les partisans de la paix, indignés que ces rois précipitassent la nation, contre sa volonté, dans une guerre qu’elle redoutait, se saisirent d’eux et les massacrèrent [Ibid.]. Ils tombèrent ensuite sur les montagnards, qu’ils contraignirent à regagner leurs Alpes en toute hâte; de sorte que la tranquillité était déjà rétablie, lorsque l’armée romaine, accourue à la défense d’Ariminum, arriva sur la frontière boïenne [Ibid.].

Cependant ces mouvements inquiétèrent le sénat ; il défendit par une loi, à tous les marchands soit romains, soit sujets ou alliés de Rome, de vendre des armes dans la Circumpadane ; il suspendit même, si l’on en croit un historien [Zonar, VIII], tout commerce entre ce pays et le reste de l’Italie. Au mécontentement violent que de telles mesures durent exciter sur les rives du Pô, d’autres mesures encore plus hostiles vinrent bientôt mettre le comble ; celles-ci étaient relatives au partage de l’ancien territoire sénonais.

Rome, longtemps absorbée par les soins de la guerre punique, n’avait encore établi que deux colonies dans le pays enlevé aux Sénons : c’étaient Séna, fondée immédiatement après la conquête, et Ariminum, postérieur à la première de quinze années[2]. Les terres non colonisées restaient, depuis cinquante ans, entre les mains de riches patriciens, qui en retiraient l’usufruit, et même s’en étaient approprié illégalement la meilleure partie. Le tribun Flaminius ayant éveillé sur cette usurpation l’attention des plébéiens, malgré tous les efforts du sénat, une loi passa, qui restituait au peuple les terres distraites et en réglait la répartition, par tête, entre les familles pauvres[3]. Des triumvirs partirent aussitôt pour mesurer le terrain, fixer les lots, et prendre toutes les dispositions nécessaires à l’établissement de la multitude qui devait les suivre. L’arrivée de ces commissaires jeta l’inquiétude parmi les Cisalpins, et, en dépit d’eux-mêmes, les tira de leur inaction.

Le mal que leur avait fait une seule des colonies déjà fondées était incalculable. Ariminum, ancienne ville ombrienne, que les Sénons avaient jadis laissé subsister au milieu d’eux, avait été transformée par les Romains en une place de guerre formidable, sans cesser d’être le principal marché de la Cispadane : sentinelle avancée de la politique romaine dans la Gaule[4], Ariminum était, depuis trente-cinq ans, un foyer de corruption et d’intrigues qui malheureusement avaient porté fruit. De l’argent distribué aux chefs et des promesses qui flattaient la vanité nationale, avaient gagné les Cénomans à l’alliance de Rome [Polybe, II]. Sous main, ils la secondaient dans ses projets d’ambition ; et, jusqu’à ce qu’ils pussent trahir leurs compatriotes ouvertement, et sur les champs de bataille, ils les vendaient dans l’ombre, semant la désunion au sein de leurs conseils, et révélant à l’ennemi leurs projets les plus secrets. Par le moyen de ces traîtres et des Vénètes, dévoués de tout temps aux ennemis de la Gaule, l’influence romaine dominait déjà la moitié de la Transpadane.

Dans la Cispadane, les intrigues de Rome avaient échoué ; mais ses armes poussaient avec activité, depuis six ans, l’asservissement des Ligures de l’Apennin, et, de ce côté, n’inquiétaient pas moins la confédération boïenne que du côté de l’Adriatique[5]. Ces dangers de jour en jour plus pressants et ceux dont le nouveau partage était venu subitement menacer la Gaule, justifiaient les prévisions, ou tout au moins l’humeur guerrière d’At et de Gall. Les Boïes reconnurent leur faute, et travaillèrent à former entre toutes les nations circumpadanes une ligue offensive et défensive ; mais les Vénètes rejetèrent hautement la proposition d’en faire partie [232 av. J.-C.] ; les Cénomans se montrèrent tièdes et incertains ; quant aux Ligures, épuisés par une longue guerre, ils avaient besoin de repos. Les Boïes et les Insubres restaient seuls. Ils furent donc contraints de recourir à ces mêmes Transalpins qu’ils avaient si durement chassés, quelques années auparavant. Au nom de la ligue insubro-boïenne, ils envoyèrent des ambassadeurs à plusieurs des peuples établis sur le revers occidental et septentrional des Alpes [Polybe, II], peuples auxquels les Gaulois d’Italie appliquaient la dénomination collective de Gaisda[6], dont les Romains avaient fait Gœsatœ. Voici quelles étaient la signification et l’origine de ce surnom.

Les Gaulois d’Italie, dans le cours de trois siècles, avaient adopté successivement une partie de l’armure italienne, et perfectionné leurs armes nationales ; mais, sur ce point, comme sur tout le reste, leurs voisins des vallées des Alpes n’avaient rien changé aux usages antiques de leurs pères. A l’exception du long sabre de cuivre ou de fer, sans pointe, et à un seul tranchant, le montagnard allobroge ou helvétien ne connaissait pas d’autre arme que le vieux gais gallique, dont il se servait d’ailleurs avec une grande habileté ; cette circonstance avait fait donner, par les Cisalpins, aux bandes qu’ils tiraient des montagnes, le nom de gaisda, c’est-à-dire, armées du gais. Plus tard, par extension et par abus, ce mot s’employa pour désigner une troupe soldée, d’au-delà des Alpes, quelles que fussent sa tribu et son armure. C’était l’acception qu’il portait du temps de Polybe, et Gésate ne signifiait plus dès lors qu’un soldat stipendiaire[7].

Nous ignorons auxquelles des tribus, armées du gais, les députés cisalpins s’adressèrent ; mais rien ne fut épargné pour aiguillonner des hommes sauvages et belliqueux. Deux chefs ou rois, Concolitan[8] et Anéroëste, reçurent des présents considérables en argent, et de grandes promesses pour l’avenir. Les ambassadeurs étaient chargés de rappeler aux Gésates, que jadis une bande descendue de leurs montagnes avait assisté les Sénons au sac et à l’incendie de Rome, et occupé sept mois entiers cette ville fameuse, jusqu’à ce que les Romains offrissent de la racheter à prix d’or ; qu’alors les Gaulois l’avaient rendue, mais bénévolement, de leur plein gré, et étaient rentrés dans leurs foyers, sans obstacle, joyeusement, et chargés de butin [Polybe, II]. L’expédition qu’ils venaient proposer serait, ajoutaient-ils, bien plus facile et bien plus lucrative ; plus facile, puisque la presque totalité des Cisalpins s’armait en masse pour y prendre part ; plus lucrative, parce que Rome, depuis ses anciens désastres, avait amassé des richesses prodigieuses. L’éloquence des ambassadeurs eut tout succès ; Anéroëste et Concolitan se mirent en marche ; et jamais, dit Polybe [II], armée plus belle et plus formidable n’avait encore franchi les Alpes.

Le rendez-vous était sur les bords du Pô ; Lingons, Boïes, Anamans, Insubres, s’y rassemblèrent de toutes parts ; les Cénomans seuls manquèrent à l’appel des nations gauloises. Une députation du sénat romain les avait déterminés à jeter enfin le masque [Ibid.] ; ils s’étaient armés, mais pour se réunir aux Vénètes et menacer le territoire insubrien de quelque irruption, durant l’absence des troupes nationales. Cette trahison obligea les confédérés à diviser leurs forces ; ils ne mirent en campagne que cinquante mille hommes d’infanterie et vingt mille de cavalerie ; le surplus restant pour la défense des foyers [Ibid.]. L’armée active fut partagée en deux corps, le corps des Gésates, commandé par les rois Anéroëste et Concolitan, et celui des Cisalpins, commandé par l’Insubrien Britomar[9].

A la nouvelle de ces préparatifs, dont les Cénomans envoyaient à l’ennemi des rapports fidèles, une frayeur générale s’empara de Rome, et le sénat fit consulter les livres sibyllins, ce qui ne se pratiquait que dans l’attente de grandes calamités publiques : ces livres, vendus autrefois au roi Tarquin l’Ancien par la sibylle ou prophétesse Amalthée, étaient réputés contenir l’histoire des destinées de la république. Ils furent feuilletés avec soin ; mais pour comble d’épouvante, on y trouva une prophétie qui semblait annoncer que, deux fois, les Gaulois prendraient possession de Rome. Le sénat s’empressa de consulter le collège des prêtres sur le sens de cette prophétie menaçante : il lui fut répondu, que le malheur prédit pouvait être détourné, et l’oracle rempli, si quelques Gaulois étaient enterrés vifs, dans l’enceinte des murailles, car, par ce moyen, ils prendraient possession du sol de Rome. Soit superstition, soit politique, le sénat accueillit cette absurde et atroce interprétation. Une fosse maçonnée fut préparée dans le quartier le plus populeux de la ville, au milieu du marché aux bœufs [Tite-Live, XXII, 57]. Là furent descendus, en grande pompe, avec l’appareil des plus graves cérémonies religieuses, deux Gaulois, un homme et une femme, afin de représenter toute la race ; puis la pierre fatale se referma sur eux. Mais les bourreaux eurent peur de leurs victimes assassinées ; pour apaiser, comme ils disaient, leurs mânes, ils instituèrent un sacrifice qui se célébrait sur leur fosse, chaque année, dans le mois de novembre[10].

Cependant des levées en masse s’organisaient dans tout le centre et le midi de la presqu’île, car les peuples italiens croyaient tous leur existence en péril. De toutes parts, on amenait à Rome, comme dans le boulevard commun de l’Italie, des vivres et des armes, et l’on ne se souvenait pas, dit un historien [Polybe, II], d’en avoir jamais vu un tel amas. La république fut bientôt en mesure de mettre sur pied sept cent soixante-dix mille soldats. Une partie fut cantonnée dans les provinces du centre ; cinquante mille hommes, sous la conduite d’un préteur, furent envoyés en Étrurie pour garder les passages de l’Apennin ; le consul Æmilius Pappus partit, avec une armée consulaire, pour défendre la frontière du Rubicon ; le second consul, Atilius Regulus, qui se rendait d’abord en Sardaigne, afin d’y apaiser quelques troubles, devait ensuite débarquer en Étrurie, et rejoindre l’armée de l’Apennin ; enfin, vingt mille Cénomans et Vénètes avaient l’ordre de se porter dans l’ancien pays sénonais, pour renforcer les légions d’Æmilius et inquiéter la frontière boïenne[11]. Sans être effrayée de ces dispositions, l’armée gauloise traversa l’Apennin, par des défilés qu’on avait négligé de garder, et descendit inopinément dans l’Étrurie.

En mettant le pied sur le territoire ennemi, les rois de l’armée gauloise, Concolitan, Anéroëste et Britomar, jurèrent solennellement, à la tête de leurs troupes, et firent jurer à leurs soldats, qu’ils ne détacheraient pas leurs baudriers, avant d’être montés au Capitole ; et ils prirent à grandes journées la route de Rome [Florus, II, 4]. Les ravages qu’ils exercèrent sur leur passage furent terribles ; ils emportaient jusqu’aux meubles des maisons ; ils traînaient après eux les troupeaux, et la population garrottée, qu’ils faisaient marcher sous le fouet. Rien ne les arrêtait, parce que l’armée romaine d’Étrurie les attendait encore aux passages septentrionaux de l’Apennin, quand déjà ils avaient pénétré au cœur de la province. Ils n’étaient plus qu’à trois journées de Rome, lorsqu’ils apprirent que le préteur, averti enfin, les suivait à marche forcée. Craignant de se laisser enfermer entre cette armée et la ville, ils firent volte-face, et s’avancèrent à leur tour au-devant du préteur. L’ayant rencontré entre Arrétium et Fésules, vers le coucher du soleil, ils campèrent, séparés de lui seulement par un intervalle étroit. Dès que la nuit fut venue, ils allumèrent des feux, comme pour bivouaquer, mais tout à coup ils se retirèrent dans le plus grand silence, avec toute leur infanterie, et transportèrent leur camp près de Fésules, ordonnant à la cavalerie de rester en présence de l’ennemi jusqu’au point du jour, et de se diriger alors aussi vers Fésules en se faisant poursuivre par les Romains. Le stratagème eut un plein succès. Au lever du soleil, les Romains, n’apercevant plus l’infanterie gauloise, attribuèrent sa retraite à la peur, et attaquèrent la cavalerie qui se mit à fuir, en les attirant du côté de Fésules ; l’infanterie se montra alors et tomba sur eux à l’improviste. La confiance et le nombre étaient pour les Gaulois ; ils accablèrent l’armée romaine, et lui tuèrent six mille hommes. Le reste s’étant rallié et retranché sur une hauteur voisine, les Gaulois songèrent d’abord à l’y forcer ; mais comme eux-mêmes étaient accablés de fatigue, à cause de la marche de la nuit, ils se contentèrent de placer en observation une partie de leur cavalerie, et allèrent prendre du repos[12].

Cependant le consul Æmilius, averti des mouvements des Gaulois, avait passé précipitamment l’Apennin ; fort à propos, il arriva près de Férules, dans la nuit qui suivit ce combat, et dressa son camp non loin de la colline où les légions du préteur s’étaient retranchées. A la vue des feux allumés dans le camp du consul, elles devinèrent ce que c’était, et reprirent courage ; elles parvinrent même à communiquer avec lui, par le moyen d’une forêt qui longeait le pied de la colline, et dont la cavalerie gauloise interceptait mal les avenues. Le consul promit au préteur de le débloquer dès le point du jour ; il passa la nuit en préparatifs de combat ; et le soleil était à peine levé qu’il partit à la tête de sa cavalerie, tandis que l’infanterie le suivait en bon ordre.

Mais les Gaulois aussi avaient remarqué les feux du consul, et conjecturé ce que ces feux signifiaient : ils avaient tenu conseil. Anéroëste leur avait remontré que, possesseurs d’un aussi riche butin, ils ne devaient pas s’exposer au hasard d’une bataille qui pouvait le leur enlever tout entier ; qu’il valait beaucoup mieux retourner sur les rives du Pô, y mettre ce butin en sûreté, et revenir ensuite se mesurer avec les Romains ; que la guerre en serait plus facile et moins chanceuse [Polybe, II]. La plupart des chefs se rangèrent à cet avis ; et, tandis que l’armée d’Æmilius se portait vers la colline pour faire sa jonction avec le préteur, par un mouvement contraire, l’armée gauloise se dirigea vers la mer pour gagner de là la Ligurie.

Après avoir rallié les troupes du préteur, Æmilius poursuivit les Gaulois, qu’il atteignit bientôt, parce que la multitude des captifs, les troupeaux et les bagages de tout genre qu’ils traînaient avec eux, embarrassaient leur marche. Ils éludèrent avec soin une action décisive, que d’ailleurs le consul ne désirait pas très vivement ; il se contenta de les harceler, épiant l’occasion de les surprendre et de leur enlever quelque portion de leur butin. Les marches et les contremarches auxquelles la poursuite du consul les obligeait, les firent dévier de la direction qu’ils s’étaient proposée, et les jetèrent fort avant vers le midi de l’Étrurie. Ils n’atteignirent guère le littoral, qu’à la hauteur du cap Télamone [Ibid.].

Le hasard voulut que, dans ce temps-là même, le second consul, Atilius Regulus, après avoir étouffé les troubles de la Sardaigne, vînt débarquer à Pise. Informé que les Gaulois avaient passé l’Apennin, il se porta en toute hâte du côté de Rome, en longeant la mer d’Étrurie, de manière qu’il marchait, sans le savoir, au-devant de l’ennemi. Ce fut dans le voisinage de Télamone que quelques cavaliers, de la tête de l’armée gauloise, donnèrent dans l’avant-garde romaine ; pris et conduits devant le consul, ils racontèrent le combat de Fésules, leur position actuelle et celle d’Æmilius. Regulus alors, comptant sur une victoire infaillible, commanda à ses tribuns de donner au front de son armée autant d’étendue que le terrain pourrait le permettre, et de continuer tranquillement la marche ; lui-même, à la tête de sa cavalerie, courut s’emparer d’une éminence qui dominait la route. Les Gaulois étaient loin de soupçonner ce qui se passait ; à la vue des cavaliers qui occupaient la hauteur, ils crurent seulement que L. Æmilius, pendant la nuit, les avait fait tourner par une division de ses troupes ; et ils envoyèrent quelques corps de cavalerie et d’infanterie pour le débusquer de la position. Leur erreur ne fut pas longue ; instruits à leur tour par un prisonnier romain du véritable état des choses, ils se préparèrent à faire face aux deux armées ennemies à la fois. Æmilius avait bien ouï parler du débarquement des légions d’Atilius, mais il ignorait qu’elles fussent si proche ; et il n’eut la pleine connaissance du secours qui lui arrivait que par le combat engagé pour l’occupation du monticule. Il envoya alors vers ce point de la cavalerie et marcha avec ses légions sur l’arrière-garde gauloise [Polybe, II].

Enfermés ainsi, sans possibilité de battre en retraite, les Gaulois donnèrent à leur ligne un double front. Les Gésates et les Insubres, qui composaient l’arrière-garde, firent face au consul Æmilius ; les troupes de la confédération boïenne et les Tauriskes, à l’autre consul : les chariots de guerre furent placés aux deux ailes, et le butin fut porté sur une montagne voisine gardée par un fort détachement. Les Insubres et les Boïes étaient vêtus seulement de braies ou de saies légères [Ibid.] ; mais, soit par bravade, soit par un point d’honneur bizarre, les Gésates mirent bas tout vêtement, et se placèrent nus au premier rang, n’ayant que leurs armes et leur bouclier [Ibid.]. Durant ces préparatifs, le combat, commencé sur la colline, devenait plus vif d’instants en instants, et comme la cavalerie, envoyée de côté et d’autre, était nombreuse, les trois armées pouvaient en suivre les mouvements. Le consul Atilius y périt ; et sa tête, séparée du tronc, fut portée par un cavalier aux rois gaulois[13]. Cependant la cavalerie romaine ne se découragea point et demeura maîtresse du poste. Æmilius fit avancer alors son infanterie, et le combat s’engagea sur tous les points. Un moment, l’aspect des rangs ennemis et le tumulte qui s’en échappait frappèrent les Romains de terreur : Car, dit un historien [Polybe, II], outre les trompettes, qui y étaient en grand nombre, et faisaient un bruit continu, il s’éleva tout à coup un tel concert de hurlements, que non seulement les hommes et les instruments de musique, mais la terre même et les lieux d’alentour semblaient à l’envi pousser des cris. Il y avait encore quelque chose de bizarre et d’effrayant dans la contenance et les gestes de ces corps énormes et vigoureux qui se montraient aux premiers rangs sans autre vêtement que leurs armes ; on n’en voyait aucun qui ne fût paré de chaînes, de colliers et de bracelets d’or. Et si ce spectacle excita d’abord l’étonnement des Romains, il excita bien plus leur cupidité et les aiguillonna à payer de courage pour se rendre maîtres d’un pareil butin.

Les archers des deux armées romaines s’avancèrent d’abord, et firent pleuvoir une grêle de traits. Garantis un peu par leurs vêtements, les Cisalpins soutinrent assez bien la décharge ; il n’en fut pas de même des Gésates, qui étaient nus, et que leur étroit bouclier ne protégeait qu’imparfaitement. Les uns, transportés de rage, se précipitaient hors des rangs, pour aller saisir corps à corps les archers romains ; les autres rompaient la seconde ligne, formée par les Insubres, et se mettaient à l’abri derrière. Quand les archers se furent retirés, les légions arrivèrent au pas de charge ; reçues à grands coups de sabre, elles ne purent jamais entamer les lignes gauloises. Le combat fut long et acharné, quoique les Gésates, criblés de blessures, eussent perdu beaucoup de leurs forces. Enfin la cavalerie romaine, descendant de la colline, vint attaquer à l’improviste une des ailes ennemies, et décida la victoire ; quarante mille Gaulois restèrent sur la place ; dix mille furent pris [225 av. J.-C.]. L’histoire leur rend cette justice, qu’à égalité d’armes, ils n’eussent point été vaincus [Polybe, II]. En effet leur bouclier leur était presque inutile, et leur épée, qui ne frappait que de taille, était de si mauvaise trempe que le premier coup la faisait plier ; et, tandis que les soldats gaulois perdaient le temps à la redresser avec le pied, les Romains les égorgeaient [Ibid.]. Le roi Concolitan fut fait prisonnier ; Anéroëste, voyant la bataille perdue, se retira dans un lieu écarté avec les amis dévoués à sa personne, les tua d’abord de sa main, puis se coupa la gorge[14]. On ne sait ce que devint Britomar.

Le consul Æmilius fit ramasser les dépouilles des Gaulois et les envoya à Rome ; quant au butin que ceux-ci avaient enlevé dans l’Étrurie, il le rendit aux habitants. Il continua sa marche jusqu’au territoire boïen dont il livra une partie au pillage ; après quoi il retourna à Rome. Il y fut reçu avec d’autant plus de joie que la frayeur avait été plus vive. Le sénat lui décerna le triomphe ; et Concolitan, ainsi que les plus illustres captifs gaulois furent traînés devant son char, revêtus de leurs baudriers. Pour accomplir, dit un historien [Florus, II, 4.], le vœu solennel qu’ils avaient fait de ne point déposer le baudrier, qu’ils ne fussent montés au Capitole. Les enseignes, les colliers et les bracelets d’or conquis sur les vaincus furent suspendus par le triomphateur dans le temple de Jupiter.

Pour mettre à profit sa victoire, la république envoya immédiatement dans la Cispadane les deux consuls nouvellement nommés [224 av. J.-C.], Q. Fulvius et T. Manlius. La confédération boïenne était découragée et hors d’état de résister : les Anamans, les premiers, se soumirent, et leur exemple entraîna les Lingons et les Boïes. Ils livrèrent des otages et plusieurs de leurs villes, entre autres Mutine, Tanétum et Clastidium, qui reçurent des garnisons ennemies.

L’année 223 [av. J.-C.] fut marquée avec distinction dans les annales romaines ; elle vit les enseignes de la république franchir le Pô pour la première fois, et flotter sur le territoire insubrien ; ce furent les consuls, L. Furius et C. Flaminius, qui effectuèrent ce passage, près de l’embouchure de l’Adda. Les Anamans, nouveaux amis de Rome, avaient ouvert le chemin et diminué les difficultés du passage [Polybe, II]. Néanmoins l’impétuosité téméraire de Flaminius occasionna de grandes pertes aux légions. Au-delà du Pô, les consuls, assaillis brusquement, tandis qu’ils faisaient retrancher leur camp, éprouvèrent un nouveau revers ; leurs meilleures troupes périrent ou dans ce combat, ou dans la traversée du fleuve [Ibid.]. Affaiblis et humiliés, ils furent contraints de demander la paix ; et après quelques négociations, ils signèrent un traité en vertu duquel il leur fut permis de sortir sains et saufs du territoire insubrien [Ibid.]. Flaminius et son collègue se retirèrent chez les Cénomans où ils passèrent quelque temps à faire reposer leurs soldats ; lorsqu’ils se virent en état de tenir la campagne, ils prirent avec eux une forte division de Cénomans ; et, de concert avec ces traîtres, Flaminius se mit à saccager les villes de l’Insubrie, et à égorger la population qui, sur la foi du traité, avait mis bas les armes, et s’était dispersée dans les champs [Ibid.].

Une si criante perfidie révolta le peuple insubrien ; il se prépara aux derniers efforts. Pour déclarer que la patrie était en péril, et que la lutte qui s’engageait était une lutte à mort, les chefs se rendirent en pompe au temple de la déesse de la guerre[15], et déployèrent certaines enseignes consacrées, qui n’en sortaient jamais que dans les grandes calamités nationales ; on les surnommait, pour cette raison, les immobiles ; elles étaient fabriquées de l’or le plus fin [Polybe, II]. Dès que les immobiles flottèrent au vent, la population accourut en armes ; au bout de peu de jours, cinquante mille hommes furent réunis ; mais ils n’étaient pas organisés, qu’il fallut déjà livrer bataille.

Le sénat approuvait complètement la honteuse guerre gui se faisait dans la Transpadane, et la perfidie de Flaminius ; toutefois ce consul lui était personnellement odieux, comme ayant provoqué le partage des terres sénonaises, et il eût voulu lui enlever la gloire d’ajouter une province à la république. Dans ce but, il fit parler les dieux, et épouvanta le peuple par des prodiges. Le bruit courut que trois lunes avaient paru au-dessus d’Ariminum, et qu’un des fleuves sénonais avait roulé ses eaux teintes de sang [Plutarque, in Marcello]. On consulta là-dessus les augures, et la nomination des consuls fut reconnue illégale. Le sénat leur envoya immédiatement l’ordre de se démettre, et de revenir à Rome, sans rien entreprendre contre l’ennemi. Mais Flaminius, informé par ses amis qu’il se tramait contre lui quelque chose, soupçonna le contenu de la dépêche, et résolut de ne l’ouvrir qu’après avoir tenté la fortune. Ayant fait partager ce dessein à son collègue, ils pressèrent leurs préparatifs de bataille. Les deux armées se trouvaient alors en présence sur les bords du Pô[16].

Certes, depuis le commencement de la guerre,  les Cénomans, par leur trahison, avaient rendu aux Romains d’assez grands services, et s’étaient assez compromis aux yeux de leurs frères, pour que les consuls pussent se fier à eux dans le combat qui allait se livrer. Pourtant les consuls, on ne sait sur quel soupçon, en jugèrent autrement. Ils envoyèrent la division cénomane de l’autre côté du fleuve, sous prétexte de garder la tête du pont, qui le traversait dans cet endroit, et de servir de réserve aux légions ; mais à peine eut-elle touché l’autre rive, que Flaminius fit couper le pont. L’armée romaine, adossée au fleuve, se trouva par là dans l’alternative de vaincre ou d’être anéantie, puisque son unique moyen de retraite était détruit ; mais Flaminius jouait le tout pour le tout [Polybe, II]. Ce fut le génie de ses tribuns qui le sauva. Ayant remarqué dans les précédents combats l’imperfection et la mauvaise trempe des sabres gaulois, qu’un ou deux coups suffisaient pour mettre hors de service, ils distribuèrent au premier rang des légions ces longues piques ou hastes qui étaient l’arme ordinaire du troisième, et firent charger d’abord à la pointe des hastes. Les Insubres, qui n’avaient que leur sabre pour détourner les coups, l’eurent bientôt ébréché et faussé [Ibid.]. A ce moment les Romains, jetant bas les piques, tirèrent leur épée affilée et à deux tranchants, et frappèrent de pointe la poitrine et le visage de leurs ennemis désarmés. Huit mille Insubres furent tués, seize mille furent faits prisonniers. Flaminius ouvrit alors les dépêches du Sénat, et prit la route de Rome, avec une grande victoire pour sa justification. M. Cl. Marcellus et Cn. Cornélius furent choisis pour continuer la guerre, dès le printemps suivant, en qualité de consuls[17].

Les Insubres mirent à profit le repos de l’hiver [223 av. J.-C.], en fortifiant leurs villes, et en faisant venir des auxiliaires Transalpins ; le roi Virdumar[18] leur amena trente mille Gésates. Aussitôt que la saison le permit, les consuls passèrent le Pô, et vinrent assiéger Acerres, bourg situé au confluent de l’Adda et de l’Humatia. Les Insubres ne s’étaient point attendus que les hostilités commenceraient de ce côté ; de sorte que les assiégeants eurent tout le temps de se retrancher dans une position imprenable, où l’armée Insubrienne n’osa pas les attaquer. Pour les attirer sur un terrain plus égal, Virdumar, prenant avec lui dix mille de ses Gésates, presque tous cavaliers, traversa le Pô, et tomba sur le territoire des Anamans, qui, cette fois, comme dans la précédente campagne, avaient livré passage aux consuls ; leurs terres furent saccagées pendant plusieurs lieues d’étendue ; et Virdumar enfin investit Clastidium, que les Anarnans avaient cédée à la république, et dont celle-ci avait fait une place d’armes. Cette diversion obligea les Romains de diviser aussi leurs forces. Scipion fût laissé devant Acerres, avec le tiers de la cavalerie et la presque totalité de l’infanterie. Marcellus, à la tête de la cavalerie restante et de six cents hommes d’infanterie légère, se porta sur Clastidium à marches forcées. Les Gaulois ne lui laissèrent pas le temps de se reposer ; voyant le petit nombre de ses fantassins, et ne tenant pas grand compte de sa cavalerie, parce que, dit un historien [Plutarque, in Marcello], habiles cavaliers eux-mêmes, ils se croyaient la supériorité de l’adresse, comme ils avaient celle du nombre ; ils voulurent en venir aux mains sur-le-champ.

Marcellus craignait d’être débordé, à cause de son peu de troupes ; il étendit le plus qu’il put ses ailes de cavalerie, jusqu’à ce qu’elles présentassent un front à peu près égal à celui de l’ennemi. Pendant ces évolutions, son cheval, effrayé par les cris et les gestes menaçants des Gaulois, tourna bride brusquement, et emporta le consul malgré lui. Dans une armée aussi superstitieuse que l’armée romaine, un tel accident pouvait être pris à mauvais présage, et glacer la confiance du soldat ; Marcellus s’en tira avec une présence d’esprit remarquable. Comme si ce mouvement eut été volontaire, il fit achever à son cheval le cercle commencé, et revenant sur lui-même, il adora le soleil[19] ; car c’était là, chez les Romains, une des cérémonies de l’adoration des dieux. Il voua aussi solennellement à Jupiter Feretrius[20] les plus belles armes qui seraient conquises sur l’ennemi. Au moment où il faisait ce vœu, Virdumar, placé au front de la ligne gauloise, l’aperçut ; jugeant, par le manteau écarlate et par les autres signes distinctifs du commandement suprême, que c’était le consul, il poussa son cheval dans l’intervalle des deux armées, et brandissant un gais long et pesant, il le provoqua au combat singulier. Ce roi, dit le biographe de Marcellus [Plutarque], était de haute stature, dépassant même tous les autres Gaulois. Il était revêtu d’armes enrichies d’or et d’argent, et rehaussées de pourpre et de couleurs si vives, qu’il éblouissait comme l’éclair.

Frappé de cet éclat, le consul parcourut des yeux le front de bataille ennemi, et n’y trouvant pas d’armes plus belles : Ce sont bien là, dit-il, les dépouilles que j’ai vouées à Jupiter. En disant ces mots, il part à toute bride, frappe de sa lance le Gaulois, qui n’était point encore sur ses gardes, le renverse, lui porte un second, un troisième coup, et met pied à terre pour le dépouiller. Jupiter ! s’écria-t-il alors, en élevant dans ses bras les armes ensanglantées ; toi qui contemples et diriges les grands exploits des chefs de guerre, au milieu des batailles, je te prends à témoin que je suis le troisième général qui, ayant tué de sa propre main le général ennemi, t’a consacré ses dépouilles opimes. Accorde-moi donc, Dieu puissant, une fortune semblable dans tout le cours de cette guerre [Plutarque, in Marcello]. Il avait à peine achevé que la cavalerie romaine chargea la ligne gauloise, où la cavalerie et l’infanterie étaient entremêlées ensemble. Le combat fut long et acharné, mais la victoire resta au consul. Beaucoup de Gésates périrent dans l’action ; les autres se dispersèrent[21].

De Clastidium, Marcellus se reporta sur Acerres. Durant son absence, la garnison d’Acerres, après avoir abandonné cette ville, s’était repliée sur Mediolanum, capitale et la plus forte place de l’Insubrie. Le consul Scipion l’y avait suivie, mais les Gaulois s’étaient conduits avec tant de bravoure, que, d’assiégés, ils s’étaient rendus assiégeants, et bloquaient les légions dans leur camp. A l’arrivée de Marcellus les choses changèrent. Les Gésates, découragés par la défaite de leurs frères et la mort de leur roi, voulurent à toute force retourner dans leur pays. Réduit à ses seules ressources, Mediolanum succomba, et les Insubres furent bientôt contraints d’ouvrir toutes leurs autres places. La république leur imposa une indemnité considérable en argent, et confisqua plusieurs portions de leur territoire afin d’y établir des colonies[22]. Marcellus fut reçu avec enthousiasme par le peuple et par le sénat ; et la cérémonie de son triomphe fut la plus brillante qu’on eût encore vue dans Rome.

Le triomphe, comme on sait, était chez les Romains le plus grand de tous les honneurs militaires ; il consistait en une marche solennelle du général vainqueur et de son armée au temple de Jupiter capitolin. Romulus, fondateur et premier roi de Rome, en avait institué l’usage en promenant sur ses épaules, à travers les rues de sa ville naissante, les armes et les vêtements d’un ennemi qu’il avait terrassé [Dionysius, II]. Lorsque le général en chef de l’armée romaine, comme avait fait Romulus, tuait de sa propre main le général en chef de l’armée ennemie, cette circonstance rehaussait l’éclat de la solennité, et les dépouilles conquises prenaient le nom de dépouilles opimes[23]. Dans la série presque innombrable des triomphes décernés par la république, elle ne s’était encore présentée que deux fois ; tout ce que l’appareil des fêtes romaines avait de plus magnifique fut donc déployé pour célébrer la victoire de Claudius Marcellus, troisième triomphateur opime[24].

Le cortège partit du Champ-de-Mars, se dirigeant par la Voie des triomphes et par les principales places, pour se rendre au Capitole : les rues qu’il devait traverser étaient jonchées de fleurs ; l’encens fumait de tous côtés[25] ; la marche était ouverte par une troupe de musiciens qui chantaient des hymnes guerriers, et jouaient de toutes sortes d’instruments. Après eux, s’avançaient les boeufs destinés au sacrifice; leurs cornes étaient dorées; leurs têtes ornées de tresses et de guirlandes: suivaient, entassés dans des chariots rangés en longues files, les armes et les vêtements gaulois, ainsi que le butin provenant du pillage des villes boïennes et insubriennes[26] ; puis les captifs de distinction vêtus de la braie et de la saie, et chargés de chaînes : leur haute stature, leur figure martiale et fière attirèrent longtemps les regards de la multitude romaine. Derrière les captifs, marchaient un pantomime habillé en femme et une troupe de satyres dont les regards, les gestes, les chants, la brutale gaieté insultaient sans relâche à leur douleur. Plus loin, au milieu de la fumée des parfums, paraissait le triomphateur traîné sur un char à quatre chevaux. Il avait pour vêtement une robe de pourpre brodée d’or ; son visage était peint de vermillon comme les statues des Dieux, et sa tête couronnée de laurier[27]. Mais ce qu’il y eut, dans toute cette pompe, de plus superbe et de plus nouveau, dit l’historiographe de Marcellus [Plutarque], ce fut de voir le consul portant lui-même l’armure de Virdumar ; car il avait fait tailler exprès un grand tronc de chêne, autour duquel il avait ajusté le casque, la cuirasse et la tunique du roi barbare. L’épaule chargée de ce trophée qui présentait la figure d’un géant armé, Marcellus traversa la ville. Ses soldats, cavaliers et fantassins, se pressaient autour et à la suite de son char, chantant des hymnes composés pour la fête, et poussant, par intervalles, le cri de triomphe ! triomphe ! que répétait à l’envi la foule des spectateurs.

Dès que le char triomphal commença à tourner du Forum vers le Capitole, Marcellus fit un signe, et l’élite des captifs gaulois fut conduite dans une prison, où des bourreaux étaient apostés et des haches préparées[28] ; puis le cortège, suivant la coutume, alla attendre au Capitole, dans le temple de Jupiter, qu’un licteur apportât la nouvelle que les barbares avaient vécu[29]. Alors Marcellus entonna l’hymne d’action de grâce, et le sacrifice s’acheva. Avant de quitter le Capitole, le triomphateur planta, de ses mains, son trophée dans l’enceinte du temple, dont il avait fait creuser le pavé [Plutarque, in Marcello]. Le reste du jour se passa en réjouissances, en festins ; et le lendemain, peut-être, quelque orateur du sénat ou du peuple recommença les déclamations d’usage contre cette race gauloise qu’il fallait exterminer, parce qu’elle égorgeait ses prisonniers, et qu’elle offrait à ses dieux le sang des hommes.

 

 

 



[1] Atèe et Galatus, Ăτης xαί Гάλατος, dans Polybe, II, p. 109. At ou Atta, père : Galatos ou Galatus est l’altération grecque de Gall.

[2] La colonie de Séna date de l’an 283 av. J.-C. ; Ariminum, de l’an 268.

[3] Polybe, II, p. 109. — Cicéron, de Senectute, p. 411.

[4] Specula populi romani. Cicéron, pro Man. Fonteio, p. 219.

[5] Tite-Live, Épitomé XX. — Florus, II, c. 3. — Paul Orose, IV, c. 17. — Zonar, VIII.

[6] Gaisde, en langue gallique, signifie encore aujourd’hui, armé. Armstrong’s dict.

[7] Polybe, II, p. 109. — Quod nomen non gentis, sed mercenariorum Gallorum est. Paul Orose, IV, c. 12. — La ressemblance du mot Gœsatœ avec le mot grec ou plutôt persan, Gaza, qui veut dire trésor, richesses, donna lieu chez les Grecs à une étymologie absurde ; ils transformèrent Gœsatœ en Gazitœ et Gazetœ, qu’ils traduisaient par Chrysophoroi, qui porte ou emporte l’or, stipendiés, mercenaires. V. Etienne de Byzance et Polybe lui-même répété par Plutarque.

[8] Ceann-coille-tan : chef du pays des forêts, Polybe, l. c.

[9] Ce nom parait signifier le grand Breton. Mor, en langue gallique, mawr, en cambrien, voulait dire grand.

[10] Plutarque, in Marcell., p. 299. — Idem. Quæstion. roman., p. 283. — Dion Cassius ap. Vales, p. 774. — Paul Orose, IV, c. 13. — Zonar, VIII.

[11] Polybe, II, p. 12. — Diodore de Sicile, XXV, ecl. 3. — Tite-Live, epit. XX. — Plutarque, in Marcello, p. 299. — Paul Orose, IV, c. 13.

[12] Polybe, II, p. 113, 114. — Diodore de Sicile, eclog. 3, XXV.

[13] Polybe, loc. cit. — Paul Orose, IV, c. 13.

[14] Polybe, II, p. 18. — Diodore de Sicile, XXV, ecl. 3.

[15] Polybe lui donne le nom grec de Minerve, Áθηνά ; on croit qu’elle portait dans les idiomes gaulois celui de Buddig ou Buadhach, que les Romains orthographiaient Boadicea.

[16] Plutarque, ibid. — Paul Orose, IV, c. 13

[17] Polybe, II, p. 121. — Plutarque, in Marcello, p. 300. — Florus, II, c. 4. —Paul. Orose, IV, c. 13. — Fast. Capitol.

[18] Feardha-mar, brave et grand. On trouve en latin ce nom sous les deux formes : Virdumarus et Viridomarus.

[19] Plutarque, in Marcello, p. 301. — Frontin, Stratag., IV, c. 5.

[20] Feretrius à feriendo : le dieu qui frappe ou qui fait frapper. Plutarque, in Romulo. — Omine quòd certo dux ferit ense ducem, Propert., IV, v. 46. — Vel à ferendo ; quòd ei spolia opima afferebantur ferculo vel feretro gesta. Tite-Live, I, 10.

[21] Polybe, II, p. 122. — Plutarque, in Marcello, p. 300. — Tite-Live, Epitom., XX. — Florus, II, c. 4. — Paul Orose, IV, c. 13. — Valère Maxime, III, c. 2. — Virgile, Æneid., VI, v. 855 et sqq.

[22] Polybe, II, p. 122. — Plutarque, in Marcello, p. 301.

[23] Spolia opima (ab ope vel opibus) Festus. — Tite-Live, IV, 20.

[24] Plutarque, l. c. — Tite-Live, Ep. 20. — Virgile, Æneid., VI, v. 859. — Propert., IV, 2.

[25] Ovide, Trist., IV, 2, 4.

[26] Tite-Live, XXXIII, 24 ; XXXVIII, 5, 8 ; XXXIX, 5, 7 ; XL, 43 ; XLV, 40. – Virgile, Æneid., VIII, 720.

[27] Tite-Live, II, 47 ; X, 8. — Dionys., v. 47. — Plinius, XV, 30, v. 39. — Plutarque, in Æmil.

[28] Cicéron, Verr., v. 30. — Tite-Live, XXXVI, 13. — Dion, XL, 41 ; XLIII, 19.

[29] Josèphe, de Bello Jud., VII, 24.