LES DOUANES CHEZ LES ROMAINS

 

CHAPITRE VIII. — MODE DE PERCEPTION DES PORTORIA.

 

 

Les portoria, comme les autres revenus du Trésor, compris sous la dénomination générale de vectigalia, furent d'abord perçus par les questeurs[1], avec le concours d'agents auxiliaires, qui n'étaient autres probablement que des esclaves publics. Mais, dès que Rome cessa d'être une cité pour devenir une grande puissance territoriale, le petit nombre des fonctionnaires subalternes attachés au roi ou aux magistrats qui le remplacèrent, ne suffit plus à assurer le recouvrement de l'impôt, et l'on confia cette délicate fonction à des fermiers ou publicains, dont les pouvoirs publics ont toujours été impuissants à réprimer les exactions. Cette organisation vicieuse se rencontre à toutes les époques de l'histoire romaine. A partir du IIe et du IIIe siècle, on organisa, il est vrai, sur certains points, le système de la perception directe ou régie de l'impôt ; mais ces réformes partielles n'eurent pas pour résultat d'améliorer le sort des contribuables.

L'importance du sujet nous oblige à diviser ce chapitre en trois sections : dans la première, nous étudierons la mise en ferme des revenus publics ; dans la deuxième, l'organisation des Sociétés de publicains et les règles de droit spéciales à ces Sociétés ; la troisième sera consacrée à l'examen des cas dans lesquels des impôts indirects ont été mis en régie, c'est-à-dire recouvrés par des fonctionnaires publics.

1° MISE EN FERME DES REVENUS PUBLICS.

La première question qui se pose, mais à laquelle il est impossible, dans l'état des sources, de donner une réponse exacte, est celle de savoir à quelle époque remonte l'usage d'affermer les revenus de l'Etat.

M. G. Hahn, qui a traité cette question dans un mémoire présenté à l'Université de Leipzig[2], pense que les vectigalium locationes se pratiquaient dès l'époque des derniers rois. Il fonde son opinion sur les trois considérations suivantes : 1° le silence des auteurs à l'égard des changements qu'une telle réforme eût apportés dans l'administration du Trésor public ; 2° les difficultés qu'aurait présentées la perception directe des impôts depuis que le territoire romain avait commencé à s'étendre ; 3° enfin, le désordre qu'aurait apporté dans les finances le renouvellement annuel des magistrats chargés de leur gestion.

Ecartons d'abord ce dernier argument ; car si l'annualité des charges s'était opposée à ce que le recouvrement de l'impôt fût confié à des fonctionnaires publics, elle eût amené la mise en ferme du tributum, comme celle des vectigalia. Or, personne n'ignore que le tributum a toujours été perçu par les agents des questeurs ou des préfets qui leur ont succédé. Nous ne contestons pas la justesse des deux premiers arguments. La réforme financière dont il est question dut s'opérer avant que Rome eût, suivant l'expression moderne, un budget considérable ; mais, pendant de longues années après l'expulsion des rois, jusqu'en l'an 397 de Rome, la République n'eut d'autre revenu indirect que le produit de quelques péages et des pâturages publics. On a donc pu se passer des Sociétés de publicains, non seulement sous les derniers rois, mais encore longtemps après leur chute. C'est ce que confirme, d'ailleurs, un passage d'Ovide, où le poète rapporte que les particuliers ayant pris l'habitude d'envoyer leurs bestiaux dans les pâturages publics, sans en faire la déclaration au magistrat chargé de la surveillance du domaine de l'Etat, les édiles de la plèbe mirent fin à cet abus en frappant d'amendes ceux qui cherchaient ainsi à éluder le paiement de la redevance exigible[3]. Or, les premiers édiles plébéiens ont été nommés en l'an 260 u. c. Il est donc certain qu'à cette date on n'affermait pas encore les revenus de la République.

Il reste à déterminer une date à partir de laquelle il soit certain que les impôts aient été mis en ferme.

Jusqu'en l'an 460 u. c. on n'aperçoit chez les historiens aucune trace de l'existence de sociétés de publicains ; mais Tite-Live nous apprend que, cette année, quelques fermiers des pâturages publics (pecuarii) furent condamnés à des amendes dont on employa le produit au pavage d'une route[4]. Il est vrai que tous les auteurs ne sont pas d'accord pour traduire pecuarius par fermier des pâturages publics. Burman, qui s'est occupé le premier de la question, dit, après avoir cité ce texte de Tite-Live, que plus tard seulement, les pâturages furent loués à des publicains[5]. Pour suivre cette opinion, il faudrait admettre que les pecuarii ne sont autres que les propriétaires de bestiaux. Or il est facile d'établir que, dans deux passages relatifs à une époque plus récente, Tite-Live se sert du mot pecuarii pour désigner les fermiers des pâturages publics[6]. Il suffit pour cela de constater qu'à cette dernière époque l'existence des sociétés de publicains n'est plus douteuse et que, dans une circonstance, on suivit à l'égard de certains de ces pecuarii la même procédure que contre des entrepreneurs de transports qui s'étaient rendus coupables de baraterie[7]. S'il s'était agi en effet de propriétaires qui conduisaient sans déclaration leurs bestiaux dans les pâturages de l'État, les édiles se seraient bornés à leur infliger des amendes en vertu de leur jus muletæ dictionis au lieu de les citer devant l'assemblée du peuple. Comment, d'ailleurs, ces magistrats auraient-ils pu faire élever un temple avec le produit de trois amendes infligées à de simples particuliers ? Ajoutons enfin que, par analogie avec les expressions de scriptuarius, decumanus qui servaient à désigner les publicains chargés du recouvrement de la Scriptura et de la dîme, celle de pecuarius s'applique naturellement au fermier qui exploite les pâturages publics.

Cette acception du mot pecuarius est, d'ailleurs, indiquée par Asconius qui fut contemporain de Tite-Live[8].

Nous pensons ainsi avoir acquis la preuve qu'en l'an 460 u. c. les revenus de l'État étaient affermés à des traitants.

L'époque à laquelle commença à fonctionner le système de la ferme des impôts doit donc se placer entre les années 260 et 460 u. c.

Remarquons enfin que ce mode de perception dont l'histoire des finances romaines nous montre tous les défauts, était très répandu dans l'antiquité. On le retrouve en usage en Grèce, en Asie[9], en Gaule[10], en Égypte[11], chez des peuples dont la civilisation était plus ancienne que celle des Romains.

La seconde des deux grandes questions qui dominent cette matière est celle-ci : quelle fut aux différentes époques la durée des baux consentis par les représentants de l'État aux fermiers de l'impôt ?

De nombreux textes établissent que, sous la République et le Haut-Empire, ces baux étaient passés pour un lustre[12]. Nous sommes ainsi amenés à nous demander quelle était la durée du lustre, c'est-à-dire de l'intervalle normal qui devait séparer deux recensements. Les meilleurs auteurs se sont divisés sur ce point. Suivant M. Mommsen, le lustre fut, à l'origine, de quatre ans ; la clôture s'en effectuait quinto quoque anno, c'est-à-dire au moment où commençait la cinquième année. Mais la règle établie par Servius Tullius ne fut pas strictement observée[13] et la durée du lustre devint quinquennale. Cette opinion repose sur le témoignage d'un auteur qui a écrit un traité sur les différents modes de décompter le temps en usage chez les anciens. Censorinus dit, en effet, que l'on devait terminer les opérations du recensement, condere lustrum quinto quoque anno, et il entend évidemment dire par là que la durée du lustre était de quatre ans, car après avoir cité la τετραετηρίδα, l'une des grandes années du calendrier grec, il ajoute : quinto quoque anno redibat[14].

D'un autre côté les exemples abondent pour prouver que, bien avant la fin de la République, l'espace de temps compris normalement entre deux recensements était de cinq ans[15].

M. Mommsen pense que le changement qu'il constate est dû aux manœuvres intéressées des publicains qui, afin de prolonger la durée de leurs baux, auraient obtenu que le terme en fût fixé à l'expiration et non au commencement de la cinquième année.

Quelle que soit la valeur que l'on accorde à cette dernière conjecture, les faits qu'elle tend à expliquer n'en paraissent pas moins établis.

Ce système est cependant combattu par d'éminents auteurs, entre autres par M. de Boor, dans l'opinion duquel la durée d'un lustre aurait été de trois années pleines[16].

A l'appui de sa thèse, M. de Boor cite trois cas (l'un d'eux est, il est vrai, douteux) dans lesquels l'intervalle qui s'est écoulé entre deux censures n'a pas excédé trois ans. Il établit, en outre, qu'Appius Claudius qui avait été nommé censeur en 442 et se prétendait fondé, malgré la loi Æmilia, à exercer ses fonctions jusqu'à l'expiration du lustre obtint le consulat en 447. Or, comme il ne pouvait être élevé à cette dernière magistrature au moment même où il abandonnait la censure, on doit admettre que sa gestion n'a pas excédé trois années pleines.

Cette conclusion peut être vraie ; mais, en tous cas, il ne s'ensuivrait pas que cette période de trois ans fût la durée exacte du lustre. N'est-il pas plus naturel de reconnaître que, malgré son intention de ne pas se démettre de la Potestas censoria, Ap. Claudius y fut amené par son désir de briguer le consulat[17] ?

Le système de M. de Boor est, d'ailleurs, en opposition formelle avec le témoignage de Tite-Live qui rapporte qu'antérieurement à la loi Æmilia la censure était quinquennale[18] et qui place dans la bouche d'Ap. Claudius cette réponse aussi précise que hautaine : Triennium et sex menses ultra quam licet Æmilia lege, censurant geram, et salle geram[19].

Ajoutons que les fastes de la censure d'où N. de Boor tire son principal argument condamnent également son opinion ; car, depuis l'année 545 jusqu'à l'année 600 u. c. l'intervalle entre chaque recensement fut toujours de cinq ans.

Nous admettrons donc avec M. Mommsen que, sauf au début de l'institution du cens, le lustre fut une période quinquennale.

Mais cet intervalle entre les recensements ne fut pas constamment observé, car il n'y en eut que 75 pendant une période de six siècles et demi[20].

Il résulte de différents textes déjà cités que c'était aux censeurs qu'appartenait le soin d'affermer les revenus de l'État. Mais les baux n'étant faits que pour la durée exacte d'un lustre, il arrivait fréquemment qu'il n'y avait pas de censeurs en fonctions au moment de leur renouvellement. Dans ce cas, les consuls y procédaient eux-mêmes, reprenant ainsi la plénitude de leurs attributions administratives[21].

Afin de prévenir les abus qui peuvent résulter des marchés passés de gré à gré par les fonctionnaires publics, on mettait en adjudication la ferme des revenus de l'État. C'est ainsi que l'on concédait au plus offrant et dernier enchérisseur[22] le droit de percevoir différents impôts, entre autres les portoria, d'exercer les monopoles que l'État s'était réservés et d'exploiter les mines, carrières, fabriques de poix, salines, pêcheries, pâturages et autres parties de la fortune publique[23].

Avant de procéder aux adjudications, les censeurs rédigeaient des cahiers des charges (leges censoriæ) fixant les conditions du marché et réglant les rapports des fermiers avec le Trésor public, d'une part, et avec les redevables de l'autre.

Ces leges censoriæ puisaient leur force dans le jus edicendi des censeurs, grâce auquel ils purent créer, à côté du droit commun, une sorte de législation spéciale offrant aux publicains des voies d'exécution spéciales[24].

Après la confection et la publication de ces cahiers des charges, les censeurs ouvraient les enchères publiques. L'opération s'effectuait sub hasta[25] et devait avoir lieu, même pour les revenus des provinces, sur le forum romain[26]. Les enchères commençaient par celles des pêcheries du Lac Lucrin dont le nom était considéré comme d'un heureux augure[27]. Il n'est pas possible de préciser l'époque à laquelle les censeurs procédaient aux adjudications ; elle devait vraisemblablement précéder de plusieurs mois, c'est-à-dire du temps nécessaire à l'organisation du personnel destiné à assurer le recouvrement de l'impôt, la date à laquelle les contrats passés avec les fermiers entraient en vigueur. Quant à cette date, elle peut être fixée aux ides de mars[28]. Sous la République, les censeurs excluaient à leur gré telles ou telles personnes du droit de prendre part aux adjudications. Nous voyons, en effet, P. Caton et L. Valérius écarter des enchères les spéculateurs imprudents qui, après s'être portés adjudicataires pour un prix fort élevé, avaient obtenu du Sénat l'annulation de leurs baux[29]. Un second exemple, rapporté comme le premier par Tite-Live, montre encore mieux jusqu'où allait le pouvoir arbitraire des censeurs. Ils interdirent, dit-il[30], l'accès des enchères et ne permirent même pas d'avoir un intérêt pécuniaire dans ces spéculations, à ceux qui, sous la précédente censure, avaient pris en adjudication les impôts ou les travaux publics.

De telles clauses furent probablement rares dans les édits des censeurs qui durent se borner, comme les préteurs, à reproduire, en les complétant, les édits de leurs prédécesseurs ; car ils arrivèrent à établir en cette matière une législation fixe dont nous retrouvons les principales règles citées dans les écrits des jurisconsultes et les constitutions impériales. Les différentes causes d'exclusion que l'on rencontre à partir de l'époque classique sont motivées par l'insuffisance des garanties que présentent certaines catégories de personnes. Telles sont :

1° Les tuteurs et curateurs auxquels une constitution des empereurs Sévère et Antonin interdit de prendre à ferme les revenus du fisc ou les domaines du Prince[31].

Cette prohibition paraît avoir été édictée surtout dans l'intérêt du fisc dont l'hypothèque tacite aurait pu être primée par celle du pupille ou du mineur de 25 ans ; mais elle sert en même temps les intérêts de ces derniers.

En raison même du motif qui l'a fait créer, cette interdiction cesse lorsque disparaît l'hypothèque du pupille, c'est-à-dire lorsque le tuteur a rendu ses comptes, ou, même avant la reddition de comptes, lorsque le pupille vient à mourir ; car il ne transmet pas son hypothèque à ses héritiers[32]. Le fait de dissimuler, au moment où il contracte avec le fisc, sa situation de tuteur ou de curateur, constitue, pour le fermier public, le crime de faux. Aussi, encourt-il, en vertu de la loi Cornelia de falsis, la déportation et la confiscation de tous ses biens[33].

Ainsi que le fait remarquer Cujas, la constitution des empereurs Sévère et Antonin n'interdit pas aux tuteurs ou curateurs de devenir fermiers des taxes municipales ; car les cités sont, au point de vue juridique, traitées comme les personnes naturelles, et ne jouissent pas, en général, des privilèges accordés au fisc[34].

2° Les décurions[35]. Le but fiscal de la mesure qui leur interdisait les fonctions de publicain, apparaît à première vue ; mais il importe cependant de distinguer les considérations qui l'ont inspirée, de celles qui ont fait écarter des enchères les tuteurs ou curateurs.

Les décurions répondant du recouvrement de l'impôt foncier et de la capitation, il importait que leur fortune ne fût pas compromise dans des spéculations toujours dangereuses. IL s'agissait donc plutôt de prévenir l'insolvabilité des membres de la curie, que celle des fermiers publics. Aussi, contrairement à ce que nous avons vu pour les tuteurs et curateurs, l'interdiction s'étendait-elle, pour les décurions, à la ferme des impôts municipaux et même de ceux de leur propre cité[36]. Et, par une réciprocité bien logique, un publicain ne pouvait être admis dans la curie[37].

La constitution par laquelle les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose rappellent qu'une incompatibilité absolue existait entre les fonctions de publicain et celles de décurion, nous apprend que cette règle n'était pas applicable au diocèse d'Egypte.

Cujus exceptionis ratio in obscuro est, dit Jacques Godefroy[38]. Le motif de cette disposition n'apparaît pas, en effet, dans les textes que le savant commentateur du code Théodosien avait consultés. Mais nous croyons l'apercevoir dans les ostraca publiés, il y a quelques années, par M. Frœhner[39]. Ces documents nous montrent, en effet, que le recouvrement des impôts directs était confié, en Egypte, à des traitants. Les magistrats municipaux n'ayant plus, dès lors, à répondre sur leurs biens personnels de la solvabilité des contribuables, il était de l'intérêt même du Trésor de les admettre à se présenter aux adjudications publiques.

3° Les mineurs de vingt-cinq ans. Ils auraient, en effet, pu obtenir contre le fisc la restitutio in integrum, si l'adjudication avait été onéreuse pour eux[40].

4° Les sénateurs et les fonctionnaires impériaux. Il suffit de parcourir les discours et la correspondance de Cicéron pour se convaincre que jamais les membres de l'Ordre sénatorial n'avaient des intérêts dans la ferme des impôts. L'abstention des sénateurs dans les spéculations de ce genre était, en effet, indispensable au prestige du Sénat.

Indépendamment de ces considérations, plusieurs textes établissent que cette règle a existé aux différentes époques de l'histoire : dans son commentaire des Philippiques, Asconius rapporte qu'Antoine s'était rendu adjudicataire d'une redevance perçue à l'occasion des courses en chars[41]. Nous ne connaissons pas exactement le caractère de cette redevance ; mais il nous suffira de savoir qu'en vertu d'une exception consacrée par une loi, un sénateur pouvait en devenir concessionnaire. De là résulte nécessairement l'interdiction pour les sénateurs d'affermer les autres revenus de l'État.

Suivant le témoignage de Dion Cassius, Hadrien renouvela cette interdiction[42].

Sous le Bas-Empire elle fut étendue non seulement aux grands fonctionnaires, mais aux officiales rerum privatarum de tous rangs[43].

5° Les Déliteurs du fisc ou d'une cité. — L'intérêt qu'il y avait à ne traiter qu'avec des fermiers solvables faisait écarter des enchères les anciens adjudicataires qui n'avaient pu satisfaire régulièrement à leurs obligations et, d'une façon générale, tous les déliteurs du fisc ou d'une cité. La règle fléchissait cependant, lorsque ces déliteurs fournissaient des cautions telles que l'État n'eût rien à craindre de leur insolvabilité[44].

6° Les non-citoyens. — La qualité de citoyen romain paraît avoir été exigée de tout temps chez les fermiers de l'impôt. Nous ne parlons, bien entendu, que des impôts mis en adjudication par les censeurs ou les magistrats qui leur ont succédé dans ces fonctions.

Les cités libres ou fédérées faisaient percevoir à leur gré les contributions qu'elles s'imposaient pour subvenir à leurs besoins et satisfaire à leurs obligations envers Rome[45]. Il en était de même de certaines cités stipendiaires qui, indépendamment des taxes indirectes auxquelles elles pouvaient être soumises, payaient une redevance fixe dont les magistrats locaux devaient assurer le recouvrement. Quant à la Sicile, elle jouissait pour ses dîmes d'un régime tout spécial[46]. Cette contribution remontait à une époque antérieure à la conquête des Romains, et ces derniers n'avaient rien changé à son mode de recouvrement. Les questeurs se bornaient à assurer le versement de la redevance dans les caisses du Trésor romain. Ce privilège était si bien établi et probablement si cher aux Siciliens que, certaines dîmes de moindre importance que celle du blé ayant été, par exception, mises en adjudication à Rome, on se demanda officiellement si l'on devait, pour les enchères, suivre la loi de Hiéron ou celle des censeurs ; et le Sénat décida, par respect pour les droits des Provinciaux, que l'on observerait la première[47]. Or, il est évident qu'en vertu de cette loi, les Siciliens pouvaient seuls, à l'exclusion même des citoyens romains, devenir adjudicataires de leurs dîmes, privilège auquel ils devaient attacher d'autant plus de prix que les provinciaux n'avaient, en fait, aucune garantie contre l'arbitraire des publicains romains.

Après cette brève énumération des cas auxquels ne s'appliquaient pas les prescriptions des leges Censoriæ, il nous reste à établir que les personnes qui ne jouissaient pas du droit de cité romaine ne pouvaient acquérir, même en province, la ferme d'un impôt.

Remarquons d'abord que les publicains étaient presque toujours des chevaliers romains. Cicéron, qui appuyait sa politique sur l'ordre équestre et qui tenait à ménager ce parti, était toujours disposé à prendre en main la cause des sociétés de publicains qui se composaient, disait-il, de l'élite des chevaliers. Chaque fois que, dans sa correspondance ou dans ses discours, il parle d'une de ces sociétés, il est facile de reconnaître qu'elle ne comprenait exclusivement que des citoyens romains.

Dans une attaque contre les publicains de Syrie, un certain Domitius prend à parti l'ordre équestre tout entier auquel il reproche des défaillances dans l'administration de la justice[48]. Ces publicains de Syrie étaient donc des chevaliers.

Dans une lettre écrite à son frère Quintus, alors proconsul en Asie, Cicéron explique qu'en dehors des provinciaux qui sont d'un caractère doux et faciles à administrer, il n'existe dans son gouvernement que deux catégories de citoyens romains, les publicains et les marchands[49]. On ne peut indiquer d'une façon plus précise la différence de nationalité existant, en province, entre les contribuables et les fermiers de l'impôt.

Un autre passage de la même lettre a cependant laissé supposer à quelques auteurs qu'à une époque antérieure, les Grecs avaient été admis à prendre en adjudication, dans leur pays, les revenus du Trésor romain[50].

Tel n'est pas, à notre avis, le caractère de l'organisation financière donnée par Sylla aux provinces d'Asie. Nous croyons plutôt qu'il avait divisé ce territoire en un certain nombre de cités auxquelles il avait imposé un vectigal certum et que les magistrats indigènes avaient été incapables d'assurer le paiement de cette redevance, sans soulever les plus vives réclamations de la part de leurs compatriotes. On sait, en effet, que les Rhodiens chargés du recouvrement de l'impôt dans les villes de la Carie et les îles rattachées à la circonscription financière de Rhodes, commettaient de telles exactions que les habitants de ces contrées supplièrent le Sénat de faire percevoir l'impôt par des Romains plutôt que par des Rhodiens. Ils ne peuvent donc, dit Cicéron, se plaindre des publicains. Or, n'est-il pas évident que si les provinciaux avaient pu prendre part, comme les citoyens romains, aux adjudications ouvertes parles censeurs, les Cauniens et les insulaires ne se seraient pas soustraits aux exactions des Rhodiens en obtenant d'être placés sous le régime commun des provinces ?

M. Frœhner remarque, d'autre part, qu'en Egypte les fermiers étaient toujours grecs ou romains et jamais indigènes[51]. Un privilège existait-il donc en faveur des Grecs ? Il n'y a pas lieu de le supposer. Le fait que constate M. Frœhner confirme plutôt qu'il ne contredit notre opinion. Les documents dont cet auteur a publié le texte et le commentaire datent en général du lie siècle de notre ère. Or, à cette époque, beaucoup de Grecs avaient acquis le droit de cité romaine et jouissaient naturellement dans les provinces des privilèges réservés aux citoyens romains. Il n'est donc pas étonnant qu'à ce titre, ils se soient livrés aux spéculations auxquelles donnait lieu le recouvrement des impôts.

Il semble bien résulter des rapprochements qui précèdent que les citoyens romains seuls pouvaient devenir adjudicataires des revenus de l'État.

Tout doute à cet égard doit d'ailleurs disparaître en présence du passage suivant du quatrième commentaire de Gaïus : item lege censoria data est pignoris capio publicanis vectigalium publicorum populi romani adversus eos, qui aliqua loge vectigalia deberent[52].

Les citoyens romains ayant seuls le jus lege agendi, la pignoris capio n'aurait pu être accordée aux publicains si leurs fonctions n'avaient pas été exclusivement réservées aux personnes jouissant du droit de cité.

Nul ne peut devenir fermier de l'impôt malgré lui[53]. Telle est la règle qui préside aux adjudications. Mais afin d'éviter les dangers qui peuvent résulter d'une collusion entre les personnes qui concourent habituellement aux adjudications, les empereurs décidèrent que ceux qui auraient réalisé de grands bénéfices dans l'exploitation d'un impôt pourraient être contraints à souscrire un nouveau bail aux mêmes conditions que le précédent[54].

Nous avons vu plus haut que pendant les derniers siècles de la République et toute l'époque classique, la durée des baux était fixée à cinq ans[55]. Sous le Bas-Empire elle fut réduite à trois ans[56].

2° ORGANISATION DES SOCIÉTÉS DE PUBLICAINS ET RÈGLES DE DROIT SPÉCIALES A CES SOCIÉTÉS.

Tant que le territoire romain ne s'étendit pas au-delà de l'Italie et que l'État n'eut à affermer que le revenu des pâturages publics et de quelques péages, la fortune d'un seul citoyen put suffire à assurer le recouvrement des taxes auxquelles étaient assujettis les propriétaires de bestiaux et les marchands ; mais dès que la République eut conquis de vastes contrées et que ses magistrats mirent en adjudication la ferme des impôts de toute une province, il fallut, pour assumer les charges et la responsabilité d'aussi vastes entreprises, disposer de capitaux considérables.

Les fermiers devaient, d'une part, entretenir un nombreux personnel d'agents de tous rangs dont les attributions ne différaient pas sensiblement de celles des fonctionnaires de nos administrations financières, et, d'autre part, garantir vis-à-vis de l'État le versement régulier du prix de la location. Or, les censeurs qui présidaient aux adjudications étaient personnellement intéressés à ce que les fermiers présentassent des garanties de solvabilité incontestables ; car une partie des redevances payées par ces derniers était affectée à l'exécution de grands travaux d'utilité publique dont l'achèvement constituait, pour les magistrats qui les avaient entrepris, un titre à la reconnaissance de leurs concitoyens.

Il fallait donc, pour se livrer aux spéculations auxquelles donnait lieu l'exploitation des impôts et des revenus du domaine de l'État s'assurer du concours d'un certain nombre de personnes jouissant d'une grande fortune. Ces personnes qui couraient ainsi les risques d'une entreprise dont tant de causes diverses pouvaient rendre l'issue malheureuse et mettaient leurs capitaux à la disposition de l'adjudicataire, réclamaient naturellement, comme compensation, une part des bénéfices qui pouvaient résulter de l'exploitation.

De là des engagements réciproques qui amenèrent la formation des sociétés de publicains.

L'origine de ces sociétés fut donc la réunion sur une même tête de la qualité de caution et de celle d'associé. Aussi retrouve-t-on dans certains textes les expressions de præs socius[57] et de prædes socii[58].

Une seule personne, le manceps, se porte adjudicataire de l'impôt ou de la partie du domaine public dont le revenu est mis aux enchères par les censeurs ou les magistrats municipaux. Mais elle doit, pour être agréée par ces magistrats présenter des cautions remplissant les conditions de solvabilité déterminées par le cahier des charges de la location.

Au début, ces cautions contractaient vis-à-vis de l'État ou de la cité un engagement garantissant le paiement de la redevance à laquelle était assujetti le manceps et s'associaient avec ce dernier d'après les règles du droit commun. A ce double lien correspondait l'expression de præs socius à laquelle on substitua, dans le langage ordinaire du droit, celle de Socius.

En vertu du droit qui leur était attribué de régler les conditions d'admissibilité aux adjudications et d'agréer les cautions qui leur étaient présentées par les adjudicataires, les censeurs excluaient à leur gré, telle ou telle catégorie de citoyens de toute participation directe ou indirecte dans la ferme des impôts ou les entreprises de travaux publics.

Le texte de Tite-Live, qui révèle l'une des dispositions les plus arbitraires que l'on ait rencontrées dans les édits des censeurs, nous apprend que l'on pouvait être intéressé de façons différentes dans ces grandes spéculations.

Les censeurs Claudius Pulcher et Sempronius Gracchus ne se bornèrent pas, en effet, à écarter des enchères les personnes qui avaient passé des marchés avec leurs prédécesseurs pour le recouvrement des impôts ou l'exécution des travaux publics, ils leur interdirent d'avoir un intérêt dans les nouveaux marchés, soit à titre de socius, soit à titre d'affinis[59].

Ainsi que le remarque M. Xénopoulos[60], il existe une corrélation évidente entre la situation des affines et celle des sous-traitants qui partem redimunt. Les uns et les autres ne contractent aucun engagement avec la cité. Ils ne sont liés que vis-à-vis des adjudicataires. S'agit-il d'une association formée pour la location des ultro tributa ? les sous-traitants n'entrent pas en relation d'affaires avec la cité, l'adjudicataire et ses prædes socii répondent seuls envers elle de l'exécution des travaux. La société a-t-elle pour but le recouvrement des impôts ? la situation des affines est absolument différente de celle du manceps ou des prædes. Ils ont cependant une part dans les revenus de la ferme ; mais ils ne sont pas engagés vis-à-vis de la cité et ne sont jamais appelés à donner leur avis sur les mesures à prendre dans l'intérêt commun. En résumé, ils ne jouent dans l'association qu'un rôle passif[61].

A une époque très ancienne, les prædes socii eurent également un rôle purement passif. Ils étaient tenus de garantir, envers la cité, les engagements du manceps, sans avoir aucun droit correspondant à cette obligation. Ils n'étaient, en réalité, que des cautions. Mais, de bonne heure, le préteur leur accorda, en considération des services que rendaient à l'État ces associations de fermiers, des droits qu'ils ne tenaient pas du contrat intervenu entre eux et le manceps, contrat par lequel ce dernier leur promettait vraisemblablement, en compensation des risques qu'ils couraient comme cautions, une part dans les bénéfices de l'exploitation.

La loi 1 au Digeste : De loco publico fruendo, en fournit un exemple. Par son édit, le préteur fait défense de troubler dans la jouissance paisible d'un terrain public celui qui le détient en vertu d'un bail ou son associé. En cas de trouble, le conductor peut exercer l'interdit de loco publico fruendo. La même protection est accordée au socius conductoris.

Le reste du texte va nous prouver qu'il ne s'agit pas ici d'un associé du droit commun. Ulpien dit, en effet, au § 2 de la loi : Sed si simul veniant ad interdictum movendum, ipse qui conduxerit et socius ejus, magis est, ut ipse conductor præferatur.

Il résulte de ce texte : 1° Que le conductor et son socius ne sont pas deux copreneurs solidaires. L'expression ipse qui conduxerit ne permet pas de le supposer ; dans cette hypothèse, d'ailleurs, aucun des deux copreneurs n'aurait un droit supérieur à celui de l'autre ;

2° Que ce socius n'est pas simplement un tiers ayant formé avec le preneur un contrat de société pour l'exploitation du fonds ; car il ne pourrait tenir que du preneur lui-même le droit de mettre en mouvement l'interdit. Or la loi décide que ce droit lui est propre.

Il existe donc un rapport de droit entre la cité et le socius conductoris. Et, comme il s'agit ici de la location d'un terrain appartenant à l'État, tout indique que ce rapport de droit n'est autre que l'obligation de garantie qui est l'accessoire nécessaire de tous les contrats passés avec des fermiers publics. Ce socius a, dès lors, comme le præs socius que nous avons déjà rencontré la double qualité d'associé et de caution du preneur[62].

Du moment que cet associé obtint du préteur le pouvoir de mettre en mouvement l'interdit de loco publico fruendo, il cessa de jouer dans l'association un rôle passif, et un droit spécial fut créé pour les sociétés de publicains.

Quant à la formation de ces sociétés, elle était subordonnée à l'agrément des magistrats qui présidaient aux adjudications, car la bonne administration des finances de la République exigeait que ces magistrats fussent appelés à se prononcer sur le choix des membres de l'association, au même titre que sur l'acceptation d'une caution.

Les sociétés de publicains se trouvant ainsi constituées par décision des magistrats[63], il n'existait aucun motif de leur refuser la qualité de personnes morales. Gaïus nous apprend, en effet, qu'elle leur fut accordée[64].

Il est difficile de préciser l'époque à laquelle ces sociétés cessèrent d'être régies par les règles relatives aux sociétés privées pour s'organiser en universitates et constituer, en dehors des membres qui les composaient, des sujets de droit capables de propriété. Tout indique cependant qu'elles existaient à l'état de personnes juridiques dès la fin de la République. Varron mentionne, en effet, l'existence de sociétés possédant des esclaves et exerçant le droit d'affranchissement[65]. D'autre part, en ce qui concerne l'action à exercer en cas de détournement d'archives, Labéon assimile ces sociétés aux cités[66].

Ces grandes sociétés financières, bien que constituées en universitates, diffèrent essentiellement par leur nature et leur but des autres personnes morales telles que les municipes, les collèges de prêtres, les corporations d'artisans et les églises. L'existence de ces dernières est illimitée. Elles ne disparaissent qu'à la suite de grands bouleversements politiques ou d'une décision des pouvoirs publics prononçant la dissolution des corporations considérées comme dangereuses pour la sûreté de l'État[67].

La durée d'une société fondée pour le recouvrement de l'impôt est, au contraire, limitée à celle du bail qu'elle a souscrit, à moins qu'elle n'en obtienne le renouvellement.

Cette distinction étant établie, il nous reste à examiner quelles sont les règles de droit relatives aux personnes juridiques en général.qui s'appliquent aux sociétés de publicains.

De même que les cités ont à leur tête des magistrats qui, à l'image de ceux de Rome, sont investis d'un pouvoir annuel, chaque société est administrée par un magister dont les pouvoirs paraissent également limités à un an[68].

Ce magister est à la fois le chef du personnel employé au recouvrement de l'impôt et le représentant de la société à Rome. Dans ses rapports avec les tiers son rôle est celui de l'actor universitatis[69]. Il n'est pas le représentant des différents membres de la société, mais celui de la société considérée comme sujet de droit[70]. Qu'il porte le titre de magister, actor ou syndicus, il est investi d'une fonction semblable à celle d'un procurator[71], ses pouvoirs ne durent que pendant le temps déterminé par la décision qui les lui a confiés[72] et peuvent lui être retirés en vertu d'une décision contraire[73]. Mais l'acte qui lui confère ses pouvoirs étant censé recevoir une certaine publicité, il n'est pas tenu, comme le simple procurator, de fournir, lorsqu'il agit au nom de la société, la cautio de rato. Cette caution peut cependant être exigée de lui, quand il existe des doutes sur la validité de sou mandat[74].

Le magister societatis résidant à Rome, il était indispensable que la société eût d'autres représentants au chef-lieu de la province dont elle avait affermé l'un des impôts et dans quelques-unes des villes où se tenaient les conventus. Ces représentants, qui avaient, en quelque sorte, comme supérieur hiérarchique le magister, portaient le titre de promagistri. Mais nous ne croyons pas comme Burmann qu'ils fussent simplement les délégués en province du magister societatis[75]. Cicéron les montre, en effet, plaidant au nom des publicains devant le tribunal de Verrès[76] : Or, le fait de représenter la société en justice suppose nécessairement qu'ils avaient été investis par l'assemblée des socii du titre d'actor universitatis, car le magister ne pouvait plaider par procureur[77].

Chacune de ces sociétés constituées en personnes morales a des biens distincts de ceux des membres qui la composent, une caisse, arca communis[78], des esclaves et des affranchis. Si elle est condamnée, les voies d'exécution sont les mêmes contre elle que contre une personne naturelle. Si, par suite de l'absence de son représentant, elle est indefensa, le préteur remplace la délivrance de l'action par la missio in possessionem des res communes[79].

Enfin, de même qu'un tiers capable de plaider pour autrui et fournissant la cautio judicatum solvi peut se présenter pour défendre un citoyen qui ne comparait pas in jure, sous les mêmes conditions une personne étrangère à l'universitas peut en prendre la défense[80]. Dans ce cas, l'actio judicati ne se donne naturellement que contre le defensor extraneus.

L'étude des voies d'exécution ouvertes contre les sociétés de publicains nous amène à examiner la question suivante :

Les créanciers de ces sociétés n'ont-ils d'action que contre les biens communs, ou peuvent-ils poursuivre le recouvrement de leurs créances sur les biens personnels des socii ?

La réponse à cette question comporte une distinction : en règle générale, les biens communs répondent seuls de l'exécution des obligations incombant à une universitas. Nec quod debet universitas singuli debent, dit Ulpien[81].

Il n'en est pas de même lorsque la créance a pour origine l'exercice de l'actio adverses publicanos. Nous aurons l'occasion d'étudier cette aclion en détail dans un des chapitres suivants ; mais il convient de remarquer, dès à présent, que celui qui triomphe en l'exerçant devient non seulement créancier de la société mais des socii considérés individuellement. C'est ce que prouve le texte suivant d'Ulpien dont l'interprétation littérale ne parait laisser aucun doute :

Quod ait in dominos, sic accipiendum est in socios vectigalis, licet domini non sint[82].

On ne peut, en effet, supposer que l'expression de socii vectigalis soit employée par le jurisconsulte dans le sens de societas vectigalis comme municipes dans le sens de municipium[83]. Car le second membre de la phrase licet domini non sint [servorum societatis] indique suffisamment qu'il ne s'agit pas ici de la personne juridique formée par la réunion des socii qui, pris individuellement, n'étaient pas les maîtres des esclaves de la société.

Quant au paiement des redevances, il était garanti par les engagements que les prædes socii contractaient envers le magistrat chargé de procéder à la mise en adjudication des impôts[84] et par l'hypothèque tacite du fisc sur les biens de ses débiteurs[85].

A la différence des autres personnes juridiques (cités, collèges ou corporations) qui peuvent être considérées comme perpétuelles, les sociétés de publicains sont soumises à deux causes de dissolution :

1° L'arrivée du terme de la période pour laquelle a été faite l'adjudication[86].

2° La perte de la chose[87], c'est-à-dire la suppression de l'impôt affermé ou l'évacuation par les armées romaines de la province dans laquelle cet impôt était perçu.

Par dérogation aux règles du droit commun, dérogation fondée sur des motifs d'utilité publique, les sociétés dont il s'agit ne se dissolvent pas par la perte d'un de leurs membres[88]. De bons auteurs[89] ont, il est vrai, pensé que cet événement ne laissait subsister la société qu'à la condition que les membres survivants s'adjoignissent, comme coassocié, l'héritier du défunt. Cette solution semble résulter de la loi 59 de Pomponius au titre Pro socio, si l'on fait rapporter le membre de phrase commençant pas ces mots : sed ita demum à celui qui le précède. Mais elle ne peut qu'être écartée en présence de la loi 63 § 8 du même titre. Ce dernier texte indique, en effet, que la société fonctionne même après le décès d'un membre dont l'héritier n'a pas été admis au nombre des socii[90]. Il fait connaître, en outre, la situation de l'héritier qui n'a pas été admis ou qui s'est refusé à occuper dans la société la position qui appartenait à son auteur.

Cet héritier participe aux profits et aux pertes, non seulement dans les affaires engagées avant la mort du sociétaire auquel il succède, mais jusqu'à l'expiration du bail passé avec les représentants de l'État.

Au delà de ce terme, il n'est naturellement tenu à aucune participation dans les affaires de la société si celle-ci, au lieu de se dissoudre, se rend de nouveau adjudicataire de l'impôt dont le recouvrement lui avait été antérieurement concédé[91]. Il n'en serait pas de même, à notre avis, si le renouvellement du bail, an lieu d'être librement accepté par la société, lui était imposé[92].

La question de savoir à quelles conditions l'héritier d'un associé peut être lui-même associé a de tous temps préoccupé les commentateurs.

Dans une glose de la loi 59, Accurse la résout en ces termes :

Tria videntur exigenda ut societas transeat ad heredem : primum est ut aliqui publica conducant vectigalia ; 2° secundum est ut sic conduxerint quod heredes succedant in conductione et societate ; 3° tertium est ut persona succedens idonea sit ; 4° potest addi et quartum ut ipsi socii non tantum cum locatore vectigalium sed etiam inter se paciscantur quod heredes in societate succedant.

La première et la troisième de ces conditions sont exigées par des textes formels. L'héritier d'un associé ne peut devenir lui-même associé que s'il s'agit d'une société vectigalienne et s'il est agréé par les coassociés du défunt, adscriptus ou adscitus inter socios, c'est-à-dire s'il est jugé apte à remplir dans l'administration de la société le rôle de son auteur[93].

Quant à l'insertion dans le contrat d'association et dans le cahier des charges d'une clause autorisant l'héritier à remplacer dans la société l'associé qui viendrait à décéder, elle violerait la liberté de tester de ceux qui, en souscrivant à cette condition, auraient désigné leur héritier, et, dans le cas contraire, le principe en vertu duquel on ne s'associe pas à une personne incertaine[94]. Nous ne suivrons donc pas sur ce dernier point l'opinion d'Accurse, bien qu'elle semble confirmée par une scholie des Basiliques[95].

Les sociétés vectigaliennes étant, avant tout, des associations financières, la répartition des bénéfices doit se faire d'après les règles du droit commun, c'est-à-dire par parts égales entre les membres lorsque les conventions ne l'ont pas réglé autrement[96].

Au moment de la dissolution, chacun des socii retire son apport ou une somme proportionnelle à cet apport[97].

Quant aux al fines, nous pensons avec M. Xénopoulos qu'ils jouent, en toute circonstance, le rôle de créanciers de la société[98].

Nous savons qu'à l'époque de Cicéron les sociétés de publicains avaient leur siège à Rome, que leur magister y avait ses bureaux et y convoquait l'assemblée des socii pour décider des affaires importantes. C'était là, en effet, que se faisaient les adjudications et que les grands intérêts de ces sociétés se discutaient devant le Sénat.

Cette situation ne se modifia vraisemblablement pas sous le Haut-Empire, aussi longtemps que les adjudications continuèrent à se faire à Rome et que le Sénat eut une influence réelle ou apparente dans l'administration des finances de l'État. Mais, lorsque tous les habitants de l'Empire eurent acquis le droit de cité et, comme conséquence, la faculté de devenir fermiers des impôts, lorsque le soin de présider aux adjudications fut confié aux gouverneurs des provinces et que toutes les questions relatives aux impôts et à l'administration des provinces eurent passé des attributions du Sénat dans celles du comes sacrarum largitionum l'organisation des sociétés de publicains dut subir des modifications correspondant à celles qui s'étaient produites dans le fonctionnement des pouvoirs publics.

Il n'y a donc pas lieu de supposer que les compagnies de fermiers, chargées de l'exploitation des revenus des provinces aient continué pendant la période de la monarchie à avoir leur siège dans la capitale de l'Empire.

Ce n'est, d'ailleurs, pas sous le Bas-Empire qu'il convient d'étudier l'organisation de ces grandes compagnies. Nous continuerons donc à nous placer à l'époque de Cicéron dont les plaidoiries contiennent tant de détails sur cette matière.

Tandis que le magister centralisait à Rome les opérations de la société dont il était le représentant, le service de la perception était dirigé en province par des pro magistri qui étaient vraisemblablement des associés[99]. Sous les ordres de ces pro magistri se trouvaient les chefs de stations, villici, statores, et toute la série des agents subalternes, tabularii, arcarii, vicarii villici[100].

Ces employés que les contribuables désignaient indifféremment sous le nom de portitores étaient généralement des esclaves ou des affranchis de la société et quelquefois des hommes libres qui lui louaient leurs services, qui operas publicanis dabant[101].

Aucune institution semblable à l'administration des postes n'existant à l'époque de la République et les courriers organisés par Auguste ne transportant que la correspondance du chef de l'État et de ses fonctionnaires[102], chaque société de publicains était obligée d'entretenir pour les besoins de son service un certain nombre de tabellarii. Cicéron qui était le protecteur de la plupart de ces sociétés disposait de leurs courriers pour sa correspondance personnelle[103].

Le personnel subalterne des compagnies de fermiers ne comprenait pas, comme celui des administrations des douanes modernes, toute une armée d'agents chargés d'empêcher l'importation ou l'exportation clandestine des marchandises prohibées ou sujettes à des droits. Sous la République, les impôts de douane étaient assez faibles pour que les négociants ne fussent pas tentés de chercher à les éluder, au risque de voir leurs marchandises saisies par les publicains, et, d'un autre côté, le brigandage, que l'on ne parvint jamais à réprimer complètement en Italie et dans les provinces, rendait dangereuse l'expédition d'un convoi par les chemins ou sentiers détournés que l'on aurait dû employer pour éviter les bureaux de perception.

Les fermiers n'avaient donc qu'à assurer la perception des droits sur les routes fréquentées par les marchands et à surveiller les abords des stations qu'ils y avaient établies. Afin de leur permettre de triompher de la résistance des contribuables récalcitrants, résistance qui n'aurait pas manqué de se produire si les publicains n'avaient pas pu compter, à chaque instant, sur l'appui de la force publique, les gouverneurs des provinces plaçaient à côté des bureaux de perception des postes de troupe chargés de prêter main-forte, le cas échéant, aux portitores.

En agissant ainsi, les gouverneurs des provinces accordaient simplement aux publicains la protection par laquelle l'État doit assurer à chacun le libre exercice de ses droits.

Aussi Cicéron reproche-t-il en termes très vifs à Gabinius d'avoir fait retirer ces postes et compare-t-il la situation résultant, pour les fermiers du portorium dans la province d'Asie, des ordres du proconsul à celle qui leur aurait été faite par une invasion de l'ennemi[104].

En résumé, l'État n'étant pas directement intéressé à la répression de la contrebande, ses agents n'intervenaient pas, sous la République, du moins, dans la perception de l'impôt et dans la surveillance de la frontière. Ils n'avaient d'autre mission que de protéger les publicains contre les violences et les résistances auxquelles ils pouvaient être exposés de la part de certains contribuables[105].

Lorsqu'au contraire, l'exportation ou l'importation d'une marchandise était interdite par mesure politique, c'étaient des magistrats ou des fonctionnaires qui étaient chargés d'assurer l'exécution de la décision prise par les pouvoirs compétents. Cicéron rapporte qu'une mesure de ce genre fut adoptée pendant son consulat. L'exportation de l'or et de l'argent ayant paru constituer un danger pour la fortune publique en Italie, on en décréta la prohibition et le questeur Vatinius fut envoyé à Pouzzoles pour y veiller[106]. Il existait cependant dans cette ville un poste de publicains[107].

Sous l'Empire, un certain nombre de marchandises étaient considérées comme contrebande de guerre. Le soin d'en empêcher l'exportation était confié aux stationarii dont les attributions générales correspondaient assez exactement à celles qu'ont de nos jours la police et la gendarmerie[108].

Enfin au Bas-Empire, on rencontre certaines catégories de fonctionnaires (limenarchæ[109] custodes littorum[110]) qui étaient spécialement chargés de la surveillance des ports et des côtes.

A côté des fermiers, les empereurs avaient créé, dans les différentes circonscriptions financières, des procurateurs dont les attributions, qui n'ont d'ailleurs été définies par aucun texte, paraissent avoir été à la fois judiciaires et administratives.

Nous traiterons dans un des chapitres suivants de leurs attributions judiciaires.

Au point de vue administratif, ils avaient mission de contrôler tous les actes de la gestion des publicains auprès desquels ils étaient placés[111] et probablement de faire connaître le chiffre de leurs recettes. Ce dernier renseignement était, en effet, nécessaire pour décider s'il y avait lieu d'imposer aux fermiers l'obligation de continuer leur exploitation aux conditions fixées par la précédente adjudication[112].

3° DES IMPOTS INDIRECTS QUI FURENT PERÇUS PAR DES FONCTIONNAIRES IMPÉRIAUX.

Le premier exemple de perception d'impôts indirects par des fonctionnaires remonte à Caligula.

On sait que ce prince, qui avait gaspillé en un an les richesses amassées par Tibère, recourait aux procédés les plus bizarres pour se procurer de l'argent. Le nombre des taxes nouvelles qu'il créa est si considérable que les historiens renoncent à les énumérer. Quelques-unes, telles que l'impôt sur les portefaix et les filles publiques, ressemblaient à cet impôt si odieux du Bas-Empire que l'on désignait sous le nom de chrysargyrum ou lustralis collatio[113]. D'autres consistaient en impôts indirects ou de consommation[114].

Suivant l'usage dont ne s'étaient jamais départis les magistrats de la République ni les deux premiers empereurs, il commença par confier à des publicains le recouvrement de ces nouvelles taxes. Mais, constatant que ceux-ci réalisaient des bénéfices considérables et que, par suite, une partie de l'impôt lui échappait, il les fit percevoir directement par les centurions et les tribuns de ses cohortes prétoriennes[115]. Il pratiquait ainsi à Rome le système d'exactions que certains proconsuls de la République avaient inauguré dans les provinces[116].

Bien qu'aucun texte ne l'établisse d'une façon formelle, il y a tout lieu de croire que Vespasien, qui était très fiscal, ne dédaigna pas le système de perception imaginé par Caligula.

Au IIe siècle, la vicesima libertatis et la vicesima hereditatis cessèrent d'être mises en ferme ; leur recouvrement fut confié à des fonctionnaires impériaux qui portaient les titres de Procurator XX libertatis et Procurator XX hereditatis.

La transformation du système de perception de ces deux impôts est attestée par un grand nombre de documents épigraphiques[117] ; elle résulte, du reste, en ce qui concerne la vicesima hereditatis, d'un texte Macer, jurisconsulte contemporain d'Antonin Caracalla[118].

Dans son traité ad legem vicesimam hereditatium, ce jurisconsulte dit, en effet, que le procurator Cæsaris ne peut transiger sans l'autorisation du prince. Or, le fait de réglementer les conditions dans lesquelles un fonctionnaire peut transiger avec les redevables relativement au paiement d'un impôt, suppose nécessairement que cet impôt n'est pas affermé.

Les exemples qui précèdent et le développement du fonctionnarisme sous l'Empire accusent nettement une tendance à substituer le système de la perception directe à celui de la mise en ferme des impôts. Voyons dans quelle mesure le portorium a obéi à cette tendance.

A l'époque du Bas-Empire, le recouvrement du portorium parait avoir été, suivant les circonstances, confié à des fermiers ou à des agents du fisc ; car, tandis que les nombreux textes du Digeste, du code de Justinien et des Basiliques qui traitent des rapports des contribuables avec les publicains, prouvent que cet impôt pouvait encore être affermé au VIe et même au Xe siècle, une constitution de Constantin fournit l'exemple d'impôts de douane perçus par des stationarii ou des milites urbani[119].

Sous le Haut-Empire, il n'est pas douteux que les publicains aient conservé leurs anciens privilèges ; mais, même à celte époque, la perception du portorium a été dans certaines provinces confiée à des fonctionnaires impériaux.

L'inscription suivante trouvée, il y a quelques années, à Si-Amor-Djedidi, l'ancienne colonia Zamensis, en fournit la preuve[120] :

Du moment qu'un avocat du fisc figurait dans les instances relatives à la perception de la quadragesima Galliarum, il est évident que cet impôt n'était pas affermé. Une société de publicains se serait fait représenter par son actor ou syndicus, mais non par un fonctionnaire impérial.

Du reste, dans les monuments épigraphiques où il est fait mention d'un avocat du fisc spécialement attaché à certain service financier, il s'agit toujours de revenus publics qui n'étaient pas affermés[121].

L'inscription funéraire de Q. Julius Maximus n'est pas, datée. Mais l'expression singularis integritatis vir nous autorise à la considérer comme n'étant pas antérieure au IIIe siècle.

La quadragesima Galliarum a-t-elle cessé d'être affermée à partir de cette époque ou n'a-t-elle été mise en régie qu'accidentellement, à la suite, par exemple, d'offres insuffisantes faites à l'époque du renouvellement des baux par les sociétés de publicains ? C'est une question qu'il nous semble bien difficile de résoudre en l'état actuel des sources. Nous inclinerions cependant vers la première solution. Car plusieurs inscriptions, qui paraissent être du iii siècle ou de la fin du ne, font mention d'esclaves ou d'affranchis des empereurs attachés à un bureau du quarantième des Gaules[122].

Il ne serait pas impossible, il est vrai, qu'un esclave ou qu'un affranchi de l'empereur eût été appelé à s'occuper de la perception du portorium dans les Gaules ; car on sait que si les procuratores augusti assuraient la perception des impôts en régie, ils surveillaient celle des impôts affermés. Or, ces procurateurs devaient avoir sous leurs ordres des employés subalternes, esclaves ou affranchis de l'empereur. Mais il serait étonnant que les commis du procurateur chargé simplement de surveiller la gestion des fermiers, aient porté les titres de villicus ou de præpositus stationis.

Ne semble-t-il pas, du reste, que dans une inscription récemment découverte en Tunisie on ait donné à un personnage le titre de procurator Augusti inter mancipes XL Galliarum et negotiantes pour le distinguer des procurateurs qui étaient chargés de faire percevoir l'impôt ?[123]

 

 

 



[1] M. Humbert, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio (v° Ærarium).

[2] G. Hahn, De censorum locationibus. Leipzig, 1879.

[3] Ovide, Les Fastes, V, vers 283 et suivants.

[4] Tite-Live, X, 27.

[5] Burman, De vectigalibus populi romani, page 43.

[6] Tite-Live, XXXIII, 42 ; XXXV, 10.

[7] Tite-Live, XXV, 3, 4 et 5.

[8] Asconius, In divinat., édition de 1644, page 29. — In Verrem de jurisdictione Siciliensi, même édition, page 264.

[9] Vigié, Des Douanes dans l'empire romain, extrait du Bulletin de la Société languedocienne de géographie, année 1883, page 22.

[10] Cæsar, De Bello gallico, I, 18.

[11] Robiou, Mémoire sur l'économie politique de l'Égypte au temps des Lagides, page 158.

[12] Varron, De lingua Latina, VI, 11. — Cicéron, Ad. Att., VI, 2. — Loi 30, § 1, Digeste, XXXII et loi 3, § 6, Digeste, XLIX, 14.

[13] Censorinus, De die natali, 18.

[14] Censorinus, De die natali, 18.

[15] Cicéron, De legibus, 3. — Asconius, In divinat, édition de 1644, page 20.

[16] De Boor, Fasti censorii, page 39 et suivantes.

[17] Tite-Live, IX, 42.

[18] Tite-Live, IX, 33.

[19] Tite-Live, IX, 34.

[20] Censorinus, De die natali, 18.

[21] Burman, De vectigalibus populi romani, page 112.

[22] Loi 9 princ., Digeste, XXXIX, loi 4, Code Justinien, 61. — Tite-Live, XXXIX, 44.

[23] Loi 17, Digeste, L. 16 ; loi 13 princ., Digeste, XXXIX, 4.

[24] Gaïus, IV, 28.

[25] Tite-Live, XXXIX, 44.

[26] Cicéron, De lege agr., I, 3 ; II, 21. — Burman, De vectigalibus populi romani, page 103.

[27] Festus, v° Lacus Lucrinus.

[28] Loi 15, Digeste, XXXIX, 4.

Macrobe, Saturnales, I, 12. Ce texte semble dire que les locations s'effectuaient aux ides de mars ; mais il est évident que ces opérations ne pouvaient se terminer en une journée. Nous pensons donc qu'il s'agit ici, comme dans le texte d'Alfénus Varus, du point de départ de la durée des baux ; et cette interprétation nous parait d'autant plus exacte que le jour des ides était un jour d'échéances. (G. Hahn, op. cit., page 14.)

[29] Tite-Live, XXXIX, 44.

[30] Tite-Live, XLIII, 16.

[31] Loi 49, Digeste, XIX, 2 ; loi unique, Code Justinien, V, 41 ; loi 1, § 9 et 10, Digeste, XLVIII, 10.

[32] Loi I, § 11, Digeste, XLVIII, 10 ; loi 42, Digeste, XXVI, 7 ; loi 19, § 1, Digeste, XLII, 5.

[33] Loi I, § 13, Digeste, XLVIII, 10.

[34] Cujas, in tit., XLI, lib. V, Cod. ; loi 15, Digeste, L, 16 ; loi 2, Code Justinien, XI, 30.

[35] Loi 97, Code Théodosien, XII, I ; loi 4, Digeste, L, 2 ; loi 2, § 1, Digeste, L, 8.

[36] Loi 6, § 2. Digeste, L, 2.

[37] Loi 6, § 10, Digeste, L, 6.

[38] In tit. 1, lib. XII, édition de Lyon, tome V, page 444.

[39] Frœhner, Revue archéologique, Ostraca, n° 27, 29, 37, 41 et 42.

[40] Loi 45, § 14, Digeste, XLIX, 14.

[41] Asconius, In oratione Ciceronis contra Antonium, édition précitée, page 152.

[42] Dion Cassius, LXIX, 16.

[43] Code Justinien, XI, 73 ; loi 6, Code Théodosien, X, 3.

[44] Loi 9, §§ 2 et 3, Digeste, XXXIX, 4.

[45] Lex antonia de Termessibus. Lex Salpensana. Lex Malacitana.

[46] Cicéron, In Verrem, III, 6.

[47] Cicéron, In Verrem, III, 7.

[48] Cicéron, Ad Quint. frat., II, 13.

[49] Cicéron, Ad Quint. frat., I, 1, 2.

[50] Cicéron, Ad Quint. frat., I, 1, 11.

[51] Frœhner, Ostraca inédits du musée du Louvre, extrait de la Revue archéologique, année 1885, Nouvelle série, tome XII, page 47.

[52] Gaïus, IV, 28.

[53] Loi 9, § 1, Digeste, XXXIX, 4.

[54] Loi 11, § 5, Digeste, XXXIX, 4, et loi 3, § 6, XLIX, 14.

[55] Loi 7, Code Justinien, IV, 65.

[56] Loi 4, Code Justinien, IV, 61.

[57] Cicéron, Pro domo, XVIII.

[58] Lex Malacitana, cap. LXV.

[59] Tite-Live, XLIII, 16.

[60] A. Xénopoulos, De societatum publicanorum romanorum historia ac natura juridiciali, Berlin, 1871, pages 41 et suivantes.

[61] Cicéron, In Verrem, II, 71. Cicéron désigne sous le nom générique de socii les intéressés d'un ordre secondaire, c'est-à-dire les affines. Quant aux decumani, ce ne sont évidemment pas, au cas particulier, comme le fait remarquer M. Salkowski, les fermiers des dîmes, puisque la société dont s'occupe Cicéron dans ce passage de son discours était concessionnaire des douanes et des pâturages de Sicile. Ce sont simplement les prædes socii de l'époque précédente, devenus les administrateurs des sociétés dont ils faisaient partie. Cicéron leur donne indistinctement le nom de decumani, parce que les dîmes, étant le plus ancien impôt de Sicile, le nom de decumanus y était considéré comme synonyme de celui de Publicanus.

Nous ne conclurons pas de là, avec M. Xénopoulos, qu'Asconius se trompe lorsqu'il dit : Mancipes sunt publicanorum principes Romani homines, qui, quæstus sui causa si decumas redimunt, decumani appellantur, si portum aut pascua publica, portitores aut pecuarii, quorum ratio scriptura dicitur. Il n'est guère admissible qu'Asconius, qui était un érudit, ait commis une erreur en cette matière. Ce qu'il est, au contraire, permis de supposer, c'est qu'Asconius, en sa qualité de grammairien, donnait le sens absolument exact des mots, sens dont on s'écartait probablement dans le langage courant ou dans les discours. La vérité est donc, selon nous, que les expressions de decumani, portitores, pecuarii, s'appliquaient à toutes les personnes qui jouaient un rôle actif dans l'administration de la ferme, c'est-à-dire au manceps, aux prædes socii et même aux esclaves que les fermiers employaient au recouvrement des impôts. Le langage de Cicéron est donc d'accord avec la définition de son commentateur lorsqu'il oppose les decumani (associés actifs) aux socii (associés passifs).

[62] Xénopoulos, De societatum publicanorum romanorum historia ac natura juridiciali, page 34.

[63] Tacite, Annales, XIII, 50.

[64] Loi 1 princ., Digeste, III, 4.

[65] Varron, De Lingua latina, VIII, 83.

[66] Loi 31, Digeste, XLVII, 2.

[67] Asconius, In Cornelianam, édition Orelli et Baiter, page 75.

[68] Cicéron, In Verrem, II, 74.

[69] Loi 9, Digeste, XLVI, 8 ; loi 14, Digeste, II, 14.

[70] Loi 2, Digeste, III, 4.

[71] Loi 6, § 3, Digeste, III, 4.

[72] Loi 3, Digeste, III, 4.

[73] Loi 6, § 3, in fine, Digeste, III, 4.

[74] Loi 6, § 3, Digeste, III, 4.

[75] Burman, De vectigalibus populi romani, page 134.

[76] Cicéron, In Verrem, II, 70.

[77] Loi 74, Digeste, III, 3.

[78] Loi 1, § 1, Digeste, III, 4.

[79] Loi 1, § 2, Digeste, III, 4.

[80] Loi 1, § 3, Digeste, III, 4.

[81] Loi 7, § 1, Digeste, III, 4.

[82] Loi 3, § 1, Digeste, XXXIX, 4.

[83] Loi 2, Digeste, III, 4.

[84] Burmann, De vectigalibus populi romani, page 135.

[85] Lois 46, § 4, et 47, princ., Digeste, XLIX, 14.

[86] Loi 65, § 6, Digeste, XVII, 2.

[87] Loi 63, § 10, Digeste, XVII, 2.

[88] Loi 59, princ., Digeste, XVII, 2.

[89] Antonius Matthæeus, De Auctionibus, lib. II, cap. VIII, § 7.

[90] Burman, De vectigalibus populi romani, pages 131 et 132. Salkowski, Quæstiones de jure societatis præcipue publicanorum, Berlin, 1859, pages 114 et suivantes.

[91] Loi 85, § 6, Digeste, XVII, 2.

[92] Loi 11, § 5, Digeste, XXXIX, 4 et loi 3, § 6, XLIX, 14.

[93] Loi 59 princ. et 63, § 8, Digeste, XVII, 2.

[94] Cujas, Obscr., X, 25.

[95] Basiliques, XII, 1, 61, sch. 15 de Cyrille. Il nous semble difficile de distinguer si ce texte est emprunté aux travaux de Cyrille l'Ancien, auteur d'un grand traité sur les pactes antérieur à la compilation de Justinien, ou à ceux d'un second Cyrille qui écrivit après cet empereur un commentaire du Digeste. L'un et l'autre vivaient à une époque où la ruine du commerce et la misère générale rendaient à peu près improductifs les impôts indirects. On conçoit que la disparition des grandes sociétés de publicains, conséquence naturelle de la situation économique de l'empire, ait enlevé tout intérêt à l'étude des règles spéciales au fonctionnement de ces sociétés et que les jurisconsultes byzantins ne les aient pas sainement analysées.

[96] Ganis, III, 150. Loi 29 princ., Digeste, XVII, 2.

[97] Accarias, Précis de droit romain, tome II, n° 629, in fine.

[98] Xénopoulos, De societatum publicanorum romanorum historia ac natura juridiciali, pages 73 et suivantes.

[99] Cicéron, Ad. Att., XI, 10. Ce Térentius [cité dans la lettre] n'était évidemment pas un simple employé des fermiers.

[100] Cagnat, Impôts indirects chez les Romains, pages 87 et suivantes.

[101] Valère Maxime, VI, 9, 8 et loi 34, § 1, Digeste, IV, 6.

[102] Naudet, De l'administration des postes chez les Romains, Paris, 1858, pages 5 et suivantes.

[103] Cicéron, Ad. Att., V, 15, 3.

[104] Cicéron, De Prov. cons., V.

[105] Dion Cassius, XLVIII, 43.

[106] Cicéron, In Vatinium, V, 12.

[107] Tite-Live, XXXII, 7.

[108] Loi 1, Code Justinien, XII, 22.

[109] Paul, Sent., I, 6, § 3 et loi 18, § 10, Digeste, L, 4.

[110] Loi 17, Code Théodosien, XIII, 5.

[111] Cagnat, Impôts indirects chez les Romains, pages 90 et suivantes.

[112] Loi 11, § 5, Digeste, XXXIX, 4.

[113] Suétone, Caligula, XL.

[114] Suétone, Caligula, XL.

[115] Suétone, Caligula, XI.

[116] Cicéron, In Pisonem, 36.

[117] Cagnat, Impôts indirects chez les Romains, pages 158 et suivantes, 191 et suivantes ; Vigié, Étude sur les impôts indirects romains, pages 38 et 39.

[118] Loi 13, Digeste, II, 15.

[119] Loi 5, Code Justinien, IV, 61. Le sens que nous attribuons à ce texte est continué par l'existence d'un fonctionnaire portant le titre de vectigalium præpositus (loi 17, Code Théodosien, XIII, 5.)

[120] Cette inscription a été publiée et commentée par M. Poinssot dans le Bulletin des antiquités africaines, janvier 1884, page 77, et par M. Héron de Villefosse dans le Bulletin de la Société des antiquaires, année 1884.

[121] Corp. inscrip. lat., VIII, 1439 et IX, 2565.

[122] Corp. Inscrip. lat., V, 5090, 7211 et 7643 ; Orelli, 459.

[123] Bulletin épigraphique, année 1884, page 155.