LES DOUANES CHEZ LES ROMAINS

 

CHAPITRE VII. — DES PERSONNES EXEMPTES DU PORTORIUM.

 

 

En principe tout le monde était également soumis au paiement du portorium[1]. Mais, en dehors même des exceptions basées sur la nature ou la destination de certaines marchandises, il existait quelques catégories de personnes jouissant, en matière de portorium, d'une immunité complète ou partielle. Ces personnes étaient :

1° L'Empereur et les princesses de la famille impériale portant le titre d'Augusta[2].

On pourrait, à la rigueur, se dispenser de citer cette immunité, car elle n'est que la conséquence de celle dont profitait le fisc.

2° Les ambassadeurs des nations étrangères qui entretenaient avec l'Empire des relations d'amitié. Mais cette faveur ne leur était accordée que pour les objets qu'ils exportaient et sous réserve des prohibitions de sorties énumérées plus haut[3].

3° Les navicularii. Les membres de cette importante corporation sur laquelle reposait tout le poids du service de l'annone jouissaient d'une immunité complète en matière de portorium[4]. Toutefois, pour que cette immunité ne devînt pas une source d'abus, ils n'étaient admis à en profiter qu'à la charge de prouver que les marchandises qu'ils importaient ou exportaient, étaient destinées aux établissements commerciaux qu'ils dirigeaient[5].

4° Les vétérans. L'exemption du portorium el des différents impôts qui pesaient sur le commerce constituait l'un des privilèges des vétérans[6]. Comme il importait d'attacher par des faveurs à des occupations honnêtes des hommes trop enclins au brigandage, ce privilège ne leur fut jamais retiré[7].

5° Les enfants des vétérans. La même immunité fut accordée dans la première partie du IVe siècle aux enfants des vétérans[8] ; mais elle leur fut vraisemblablement retirée par Justinien ou par l'un de ses prédécesseurs, car la constitution qui la consacre n'a pas été insérée au code rédigé pendant le règne de cet empereur.

6° Les militaires. Ceux-ci ont joui pendant toute la durée de l'empire de certains privilèges en matière de portorium ; mais ces privilèges n'ont jamais été aussi étendus que ceux accordés aux vétérans. A l'époque de Néron, ils étaient déjà dispensés de l'impôt pour tous les objets qu'ils transportaient sans en faire le commerce[9]. A leur, égard, mais à leur égard seulement, il serait donc exact de dire que les objets destinés ad usum proprium étaient, par opposition aux objets destinés au négoce, affranchis des droits d'importation, d'exportation ou de transit[10].

La constitution par laquelle les empereurs Valentinien et Valens consacrent les immunités accordées par leurs prédécesseurs aux militaires et aux fonctionnaires du palais, ne contient pas, comme Tacite, cette restriction : nisi in iis quœ veno exercerent[11]. Il ne faudrait cependant pas en conclure que ces empereurs ou leurs prédécesseurs aient accordé aux militaires en activité de service la même immunité qu'aux vétérans.

Les motifs qui justifient la faveur faite aux vétérans, perdent toute valeur lorsqu'il s'agit de militaires qui n'ont pas encore obtenu leur libération. Si l'on a jugé nécessaire de pousser les anciens soldats à se livrer au commerce plutôt qu'au brigandage, il n'a jamais dé paraître utile que des gens dont on devait chaque jour réclamer des services fussent occupés par les soins à donner à une entreprise commerciale. Tel est, du moins, l'esprit des textes relatifs à la lustralis collatio, textes desquels il résulte que les militaires étaient soumis à cette taxe, lorsqu'ils exerçaient, en même temps que leurs propres fonctions, la profession de commerçants, tandis que les vétérans en étaient exempts jusqu'à concurrence de quinze solides[12].

La constitution par laquelle les empereurs Valentinien, Valens et Gratien astreignent les militaires au paiement du portorium, lorsqu'ils se livrent au commerce, n'a donc très vraisemblablement introduit aucune innovation en cette matière[13].

Mais ces avantages, même réduits aux proportions indiquées par Tacite, les militaires et les fonctionnaires du palais qui leur étaient assimilés ne les conservèrent pas jusqu'à la fin de l'empire. En insérant dans leur recueil la constitution de Valentinien et de Valens citée plus haut, les compilateurs du code de Justinien ont eu soin de supprimer le passage relatif à la concession de ces avantages, et ont accentué le sens de leur correction en ajoutant à l'ancien texte ces mots : Exceptis naviculariis, cum sibi rem gerere probabuntur[14].

Un seul privilège reste aux militaires, celui de n'être pas exposés à la peine du commissum lorsqu'ils omettent de faire aux publicains la déclaration des marchandises qu'ils transportent[15].

 

 

 



[1] Loi 6 princ., Code Justinien, IV, 61.

[2] Loi 6, § 1, Digeste, XLIX, 16.

[3] Loi 8, Code Justinien, IV, 61.

[4] Loi 23, Code Théodosien, XIII, 5.

[5] Loi 6, § 2 in fine, Code Justinien, IV, 61.

[6] Loi 2, Code Théodosien, VII, 20 ; loi 1, §§ 3, 4, 5, 6 et 7, Code Justinien, XII, 46.

[7] Loi 7, Code Théodosien, VII, 20 ; loi 3, Code Justinien, XII, 46.

[8] Loi 9, Code Théodosien, VII, 20. Dans cette constitution, les empereurs Valentinien, Valens et Gratien, se servent de l'expression : Veteranis nostris vel agnatis, mais il n'est pas douteux qu'agnati soit ici pris dans le sens de liberi : adgnatos veteranorum vocat liberos, de qua voce alibi vid. l. 1 de collegiatis et l. 10 de diversis officiis. (Jacques Godefroy, Ad hanc legem, not. e.)

[9] Tacite, Annales, XIII, 51.

[10] Le passage de Tacite suffirait à prouver que le texte de Symmaque, que nous avons analysé plus haut, ne doit pas être pris à la lettre.

[11] Loi 3, Code Théodosien, XI, 12.

[12] Lois 2, 13 et 14, Code Théodosien, XIII, 1.

[13] Loi 7, Code Justinien, IV, 61, et loi 6, Code Théodosien, IV, 12.

[14] Loi 6, Code Justinien, IV, 61.

[15] Loi 3, Code Justinien, IV, 61.