HISTOIRE GÉNÉRALE DE NAPOLÉON BONAPARTE

GUERRE D'ÉGYPTE. - TOME SECOND

 

CHAPITRE IX.

 

 

Bonaparte fait occuper le port de Suez. — Arrivée d'un agent de Tippo-Saïb. —Bonaparte expédie des bâtiments pour avoir des nouvelles d'Europe. — Projet de rétablir une marine à Alexandrie. — Politique de Bonaparte concernant l'islamisme. — Menou se fait mahométan. — Bonaparte protège les Cophtes et les religieux du Mont-Sinaï. — Il pardonne aux habitants du Kaire et établit le divan. — Culte des ognons. — Psylles. — Voyage de Bonaparte à Suez et aux sources de Moïse. — Il retrouve les traces du canal des deux mers. — Il revient au Kaire et ordonne une expédition pour occuper Cosseïr.

 

L'histoire nous apprend que l'Inde est un des pays les plus anciennement habités. Les traditions les plus antiques représentent les Indiens comme le peuple dont la civilisation, les lumières, les arts et les manufactures remontent aux siècles les plus éloignés. Ces avantages réunis appelèrent de bonne heure chez ce peuple les nations moins favorisées de la nature, moins avancées dans les arts, et cependant aussi avides des jouissances du luxe et des produits de 1 industrie. Il exista de tout temps des relations commerciales entre l'Inde et les pays situés sur les bords de la Méditerranée, et ceux qui occupent le nord de l'Europe. Ces communications changèrent de direction, selon que les peuples qui s'adonnèrent à la navigation et au commerce changèrent eux-mêmes et se succédèrent sur les différents points du globe.

On ne suivra point ces variations ni les quatre routes bien distinctes par lesquelles on communiquait avec l'Inde. Nous nous occuperons seulement de celle qui passait par le golfe Arabique et l'Égypte. Elle avait trois directions. L'une traversait l'isthme et se rendait d'Aïlath à Rhinocolure[1], l'autre passait de la côte Arabique au Nil, et existe encore de Cosseïr à Qéné ; enfin la troisième, et c'est la plus courte, allait du fond du golfe Arabique au bord du Nil. La distance directe de Suez au Kaire n'est pas de 30 petites lieues : c'est cette étendue que les anciens eurent naturellement le projet de traverser par eau, en y creusant un canal ; c'est celle que suivent de préférence les caravanes qui vont chercher les marchandises à la Mekke ou à Suez pour les déposer au Kaire.

Jusqu'à l'an 622 de notre ère, on n'a sur la navigation du canal aucun fait bien positif ou qui n'ait été. le sujet d'une grande controverse, mais les détails historiques et circonstanciés qu'on trouve dans Maqrizy et dans El-Makya y doivent enfin lever tous les doutes sur son existence et sa durée. On voit dans ces auteurs arabes qu'un canal antérieurement dérivé du Nil à Fostat, et aboutissant dans le canal des Rois, que le calife Omar venait de recreuser, portait dans la Mer-Rouge ; ce canal aurait été navigable pendant plus d'un siècle.

Le canal déjà fort encombré par l'insouciance des gouverneurs arabes, plus disposés peut-être alors à favoriser l'Égypte que la Mekke, parce qu'il n'était destiné qu'à exporter les denrées du pays au détriment des Égyptiens, comme faisaient les beys à l'égard de Constantinople, fut enfin fermé du côté de la mer par l'ordre du calife Abou-Cafar-el-Mansour, dans l'intention de couper les vivres à un rebelle de la Mekke qui voulait s'ériger en souverain de cette ville. Depuis plus de mille ans, le canal resta dans l'oubli.

La découverte du cap de Bonne-Espérance ouvrit également à toutes les nations une nouvelle voie pour le commerce de l'Inde, une voie où il n'avait plus à lutter contre les caprices, les méfiances et les avanies des peuples mahométans. Cependant dans les XVIe et XVIIe siècles, les Turcs eurent la pensée de rétablir le canal de Suez ; mais ils n'y donnèrent aucune suite.

Avant la, guerre, le commerce de l'Inde par l'Égypte se soutenait encore à côté de celui qui se fait par l'Atlantique. La ville du Kaire traitait pour environ i5o millions d'affaires, et la plus grande partie de ce commerce consistait en objets apportés de Suez et de Gedda, et en argent ou marchandises d'Europe pour en faire l'échange.

Le but principal de l'expédition d'Égypte, annoncé par le Directoire, étant de nuire au commerce de l'Angleterre et d'attaquer sa puissance jusque dans l'Inde, Bonaparte porta ses premiers regards vers Suez et sur l'ancienne communication des deux mers. Il fallait avant tout s'emparer de l'isthme. Le désert qui sépare la Mer-Rouge du Kaire était habité par des tribus d'Arabes assez nombreuses, qui y exerçaient une souveraineté absolue, puisque la caravane de la Mekke était obligée de leur payer un droit de passage. Une expédition fut ordonnée pour occuper la ville de Suez ; le général Bon en fut chargé.

Il partit du Kaire le 13 frimaire avec un petit corps de troupes, l'enseigne de vaisseau Collot pour être commandant d'armes du port, dix matelots, un moallem destiné aux fonctions d'inspecteur des douanes et huit ou dix de ses gens. Des officiers de l'artillerie et du génie devaient bientôt suivre pour y commander ces deux armes. La première opération, recommandée au général Bon, était de faire remplir toutes les citernes, et de conclure un accord avec les Arabes de Tor pour qu'ils continuassent à fournir toute l'eau existant dans les citernes en réserve. Il lui était ensuite ordonné de retrancher Suez en entier ou en partie, de manière à être à l'abri des attaques des Arabes, et d'avoir une batterie de gros canons qui battît la mer. Si avec deux pièces qu'il emmenait et celles qu'il trouverait dans la place, il n'en avait pas assez, on lui en enverrait d'autres. Il devait vivre dans la meilleure intelligence avec les patrons des bâtiments venant de Yambo et de Gedda, et leur écrire pour les assurer qu'ils pouvaient en toute sûreté continuer leur commerce, et qu'ils seraient spécialement protégés ; se procurer parmi les bâtiments qui venaient à Suez une ou deux des meilleures felouques et les faire armer en guerre ; envoyer, 24 heures après non arrivée, par des Arabes et en duplicata, un mémoire sur sa situation militaire, celle des citernes, du pays et le nombre de bâtiments ; expédier tous les jours un exprès arabe avec promesse d'être bien payé au Kaire quand il y apporterait les lettres ; donner toutes les nouvelles qu'il pourrait recueillir sur la Syrie, Gedda et la Mekke. L'intention du général en chef était que le général Bon restât à Suez assez de temps pour fortifier cette place, de manière à ce que la compagnie des janissaires, commandée par Omar, les marins et les canonniers, pussent la défendre contre les Arabes, et si ces forces n'étaient pas suffisantes, le général en chef se proposait de les renforcer avec quelques troupes grecques[2].

Eugène Beauharnais faisait partie de cette expédition. Plein d'une sollicitude paternelle pour ce jeune homme, Bonaparte lui écrivit[3] : J'ai vu avec plaisir par votre lettre que vous étiez entré a Suez a la tête de l'avant-garde. Marchez toujours avec l'infanterie ; ne vous fiez point aux Arabes, et couchez sous la tente. Écrivez-moi par toutes les occasions. Je vous aime.

Des convois, expédiés sur les traces du général Bon, lui conduisirent du riz, du biscuit, de l'eau-de-vie, de l'avoine pour les chevaux, des matelots, des outils, des sapeurs, des ouvriers de toute espèce et l'adjudant-général Valentin. Bonaparte, lui recommandant de renvoyer au Kaire les chameaux qui portaient tous ces objets, lui écrivit[4] :

Ayez soin surtout que les chameaux des Arabes soient parfaitement libres : il faut faire ce que veulent ces gens-là. Laissez passer les lettres pour Gedda sans les décacheter ; laissez aller et venir chacun librement. Le commerce est souvent fondé sur l'imagination. La moindre chose est un monstre pour ces gens-ci qui ne connaissent pas nos mœurs. Si vos rhumatismes, au lieu de se guérir, continuaient à empirer, vous laisseriez le commandement à l'adjudant-général Valentin, et vous reviendriez au Kaire. J'ai ordonné au kiaya des Arabes de me faire venir deux bouteilles d'eau de la source chaude qui se trouve à deux journées de Suez, sur la côte de la Mer-Rouge.

J'ai reçu votre lettre avec le croquis que vous m'avez envoyé, écrivit Bonaparte à Eugène Beauharnais[5] ; il est très-bien fait. Par le numéro de votre dernière lettre, j'ai vu que j'avais reçu les trois autres. Ayez-soin de ne pas coucher à l'air, ni les yeux découverts. Je vous embrasse.

Un guerrier entreprenant, Tippo-Saïb, roi de Mysore, faisait alors trembler les Anglais dans l'Inde. Le Directoire avait ordonné au contre-amiral Sercey, commandant la division de frégates stationnée à l'Ile-de-France, d'aller croiser à l'entrée de la Mer-Rouge. Bonaparte espérait que cette escadre s'avancerait jusqu'au fond du golfe Arabique, et il l'attendait à Suez. Il écrivit au général Bon[6] : Il serait nécessaire que vous fissiez sonder la rade pour savoir si les frégates que j'attends de l'Ile-de-France pourraient, étant arrivées à Suez, s'approcher de la côte jusqu'à 200 toises, de manière à être protégées par les batteries.

Le bruit de l'expédition des Français s'étant répandue dans l'Orient, on vit arriver à Suez un prétendu agent de Tippo-Saïb ; mais, en se présentant au général Bon, il dit qu'il avait perdu ses dépêches. Cependant Bonaparte lut avec le plus vif intérêt ce que ce général lui manda sur l'envoyé de Tippo-Saïb, et écrivit au Directoire[7] : Un bâtiment arrivé à Suez a amené un Indien qui avait une lettre pour le commandant des forces françaises en Egypte ; cette lettre s'est perdue. Il paraît que notre arrivée en Egypte a donné aux Indes une grande idée de notre puissance et a produit un effet très-défavorable aux Anglais ; on s'y bat.

Cet Indien, arrivant sans dépêches, pouvait bien n'être aussi qu'un espion envoyé par les Anglais pour sonder les projets de Bonaparte.

Dans sa mission à bord du commodore Hood, le lieutenant des guides Guibert, parlant des fréquents envois d'officiers que Bonaparte faisait en France, avait cité son frère Louis, parti depuis 25 jours. Le fait était vrai. Il avait mis à la voile sur un aviso, le 11 brumaire, portant des dépêches pour le Directoire. Cependant il n'arrivait point de nouvelles de France. Le besoin s'en faisait encore plus sentir depuis qu'on avait appris par les Anglais que la Porte avait déclaré la guerre.

L'ordonnateur en chef Sucy ne s'était point entièrement rétabli de la blessure qu'il avait reçue au combat de Chebreis ; on lui conseilla l'usage des eaux minérales ; le général en chef l'autorisa à retourner en France, et le chargea de dépêchés pour le Directoire et d'y ajouter verbalement tout ce qu'il savait de la situation des affaires en Égypte. Dans sa lettre, Bonaparte disait[8] : Nous attendons toujours avec une vive impatience des courriers d'Europe. J'envoie en France une quarantaine de militaires estropiés ou aveugles. Ils débarqueront en Italie ou en France. Je vous prie de les recommander à nos généraux et à nos ambassadeurs en Italie, dans le cas où ils débarqueraient dans un port neutre.

L'ordonnateur Sucy fut remplacé par d'Aure, qui, quoique âgé de 23 ans, était Je plus ancien commissaire des guerres de l'armée. On appelait alors un homme de 30 ans, ancien. Sucy partit d'Alexandrie le 2 nivôse. Forcé de relâcher à Augusta, en Sicile, il y fut impitoyablement massacré le 6 pluviôse, ainsi que la plupart des militaires infirmes qui étaient avec lui.

Le général en chef chargea le contre-amiral Gantheaume d'expédier quatre bâtiments à Malte au contre-amiral Villeneuve, à Corfou, à Ancône aux commandants des forces navales, et à Toulon au commandant d'armes. Ces expéditions avaient pour objet de faire connaître la situation de l'armée et de rapporter des nouvelles de France, d'Europe, de Turquie. Il entrait dans les plus petits détails sur les routes que devaient tenir ces bâtiments pour échapper aux croisières ennemies. L'expédition adressée au contre-amiral Villeneuve avait encore un autre but. Bonaparte désirait d'abord qu'il envoyât des nouvelles par des frégates qui pourraient venir à Damiette où les ennemis ne croisaient pas, ou mettre un canot à la mer avec 50 hommes armés depuis Alexandrie jusqu'à la bouche d'Omfareg, où la côte était libre. Mais comme Alexandrie n'était bloquée que par deux vaisseaux et une ou deux frégates, Bonaparte pensait que Villeneuve venant avec trois ou quatre vaisseaux et deux ou trois frégates qu'il avait à Malte, pourrait enlever la croisière anglaise, et que les bâtiments de guerre armés dans le port d'Alexandrie sortiraient pour concourir à cette opération[9].

Dans cette manœuvre du contre-amiral Villeneuve, il y avait encore une arrière-pensée du général en chef ; c'était le projet qu'il avait conçu, après la bataille navale d Abouqyr, de reformer une nouvelle escadre dans le port d'Alexandrie et d'y réunir les forces navales qui se trouvaient éparses à Corfou, à Malte, et à Ancône.

Il écrivit donc à Marmont de réunir chez lui dans le plus grand secret, le contre-amiral Perrée, le chef de division Dumanoir, et le capitaine de vaisseau Barré, pour délibérer sur plusieurs questions et en dresser procès-verbal.

1° Si la première division de l'escadre sortait, pourrait-elle, après une croisière, rentrer dans le Port-Neuf ou dans le Port-Vieux, malgré la croisière actuelle des Anglais ?

Le Guillaume-Tell paraissant avec le Généreux, le Dego et l'Arthémise, et les trois vaisseaux vénitiens laissés à Toulon et actuellement réunis à Malte, et la croisière anglaise étant obligée de se sauver, se chargeait-on de faire entrer le contre-amiral Villeneuve dans le port ?

3° Si la première division sortait, pour favoriser sa rentrée malgré la croisière anglaise, ne serait-il pas utile, indépendamment du fanal allumé au phare, d'établir un nouveau final sur la tour du Marabou ? Y aurait-il quelques autres précautions à prendre ?

Si, dans la solution de ces trois questions, il y avait différence d'opinions, le procès-verbal devait contenir l'avis de chacun.

Après que le conseil aurait1 répondu à ces trois questions, et que le procès-verbal serait clos, il était ordonné à Marmont de poser encore les suivantes :

Si l'escadre du contre-amiral Villeneuve partait le' 15 frimaire de Malte, de quelle manière s'apercevrait-on de son arrivée à la hauteur de la croisière ? Quels secours les forces navales actuelles du port pourraient-elles lui procurer ? De quel ordre aurait besoin le contre-amiral Perrée pour se croire suffisamment autorisé à sortir ?

Combien de temps faudrait-il pour jeter les bouées et désigner la passe ?

Les frégates le Carrère, le Muiron et le vaisseau le Causse seraient-ils dans le cas de sortir ?

Les frégates la Junon, l'Alceste, le Carrère, la Courageuse, le Muiron, les vaisseaux le Causse, le Dubois, renforcés chacun par une bonne garnison de l'armée de terre et de tous les matelots européens qui existaient à Alexandrie, seraient-ils dans le cas d'attaquer la croisière anglaise, si elle était composée de deux vaisseaux et d'une frégate[10].

Le résultat de la délibération fut sans doute conforme aux vues du général en chef.

Bonaparte envoya un sabre au contre-amiral Perrée, en remplacement de celui, qu'il avait perdu au combat de Chebreis, et comme un témoignage de sa reconnaissance pour les services qu'il avait rendus à l'armée dans la conquête de l'Égypte[11].

Il écrivit au chef de division Dumanoir de faire partir le plus promptement possible un bâtiment pareil à celui sur lequel s'était embarqué Louis ; Bonaparte, approvisionné pour un mois d'eau et deux de vivres, qui prendrait à son bord le citoyen . . . . . chargé d'une mission. L'ordre pour le commandant du bâtiment, et qu'il ne devait ouvrir qu'à trois lieues en mer, portait qu'il se dirigerait sur Malte, en passant hors de vue de toute terre ; s'il apprenait que le port fut bloqué, d'aborder de préférence à la cale de Marsa-Sirocco, où il y avait des batteries qui le mettraient à l'abri de toute insulte ; d'y débarquer l'officier qu'il avait à son bord ; d'instruire le commandant de la marine à Malte, et le contre-amiral Villeneuve de tout ce qu'il aurait vu en mer et du nombre des vaisseaux qui étaient devant Alexandrie, et de demander les ordres du commandant de la marine ; de rapporter les dépêches du général commandant à Malte et du contre-amiral Villeneuve, et, s'il ne pouvait pas aborder à Alexandrie, d'aborder à Damiette ou sur tout autre point de la côte, depuis le Marabou jusqu'à Omfareg, à 30 lieues de Damiette ; de ne rester que 24 heures à Malte.

Je compte, ajoutait Bonaparte[12], sur votre zèle pour une mission aussi importante, qui, indépendamment des nouvelles de l'Europe, doit nous faire venir des objets essentiels pour l'armée. Vous chargerez sur votre bâtiment les armes que Le commandant de Malte vous remettra.

L'officier chargé de dépêches, arrivé à Malte, remettait des lettres du général en chef au contre-amiral Villeneuve et au général commandant. Le commandant de la marine lui donnait sur-le-champ un bâtiment pour le conduire dans un port d'Italie qu'il jugerait le plus sûr, d'où il prendrait la poste pour se rendre en toute diligence à Paris, et remettrait les dépêches au gouvernement. Il y restait 8 à 10 jours, après quoi il revenait en toute diligence s'embarquer dans un port du royaume de Naples ou à Ancône, et aborder avec son bâtiment à Damiette. Avant de partir, il aurait soin de voir un des frères de Bonaparte, membre du Corps législatif, qui lui remettrait tous les papiers qui auraient paru depuis messidor[13].

La dépêche au contre-amiral Villeneuve était ainsi conçue[14] :

Je n'ai point reçu de vos lettres, citoyen général, je vous envoie un aviso. Faites-moi connaître par son retour quelle est votre position, et ce que vous pourriez avoir appris des mouvements et du nombre des ennemis dans la Méditerranée. Les ennemis n'ont que deux vaisseaux de guerre et deux frégates devant Alexandrie.

Vous devez avoir actuellement trois. ou quatre vaisseaux et trois ou quatre frégates de Malte ; nous désirons bien vous voir arriver ici.

Nous aurions besoin de 5 ou 6.000 fusils ; chargez-en un millier sur l'aviso que je vous expédie, et envoyez-nous le reste sur des bâtiments qui viendront aborder à Damiette.

Vous devez avoir reçu du contre-amiral Gantheaume des lettres qui ont dû vous faire connaître lé besoin où nous sommes d'avoir des nouvelles d'Europe, et de recevoir notre convoi.

 

Bonaparte écrivit au Directoire[15] :

Je vous expédie un officier de l'armée avec ordre de ne rester que 7 à 8 jours à Paris, et de retourner au Kaire. Je vous envoie différentes relations de petits évènements, et divers imprimés. L'Egypte commence à s'organiser. Nous sommes toujours sans nouvelles de France ; pas un courrier depuis messidor. Cela est sans exemple, dans les colonies même. Mon frère, l'ordonnateur Sucy, et plusieurs courriers que je vous ai expédiés, doivent être arrivés. Expédiez-nous des bâtiments sur Damiette. Les Anglais avaient réuni une trentaine de petits bâtiments, et étaient à Abouqyr : ils ont disparu. Ils ont trois vaisseaux de guerre et deux frégates devant Alexandrie.

Le général Desaix est dans la Haute-Égypte, poursuivant Mourad-Bey, qui, avec un corps de Mamlouks, s'échappe et fuit devant lui.

Le général Bon est à Suez.

On travaille avec la plus grande activité aux fortifications d'Alexandrie, Rosette, Damiette, Belbeïs, Salhieh, Suez et du Kaire.

L'armée est dans le meilleur état, et a peu de malades. Il y a en Syrie quelques rassemblements de forces turques. Si sept jours de désert ne m'en séparaient pas, j'aurais été les faire expliquer.

Nous avons des denrées en abondance, mais l'argent est très-rare, et la présence des Anglais rend le commerce nul.

Nous attendons des nouvelles de France et d'Europe ; c'est un besoin vif pour nos âmes ; car si la gloire nationale avait besoin de nous, nous serions inconsolables de n'y pas être.

 

Une autre expédition fut dirigée sur Derne ; c'était le brick le Lodi ; il portait le citoyen Arnaud, qui avait eu des relations avec ce pays et qui en parlait la langue. Je compte, écrivit Bonaparte à Gantheaume, que l'absence de ce bâtiment ne sera pas de l5 jours. Le commandant, sous quelque prétexte que ce soit, ne doit point cingler vers l'Europe. Cela serait regardé par le gouvernement comme une lâcheté et une trahison dont un Français ne peut être soupçonné. Le général en chef écrivit à Arnaud[16] : Le brick vous ramènera à Alexandrie, et, à peine débarqué, vous viendrez au Kaire sans communiquer à personne les nouvelles que vous aurez pu apprendre. Je compte sur votre zèle et vos lumières. Je saurai vous tenir compte du service qu'en cette occasion vous aurez rendu à la République. Cette expédition ne fut pas heureuse ; elle fut retardée par une maladie d'Arnaud.

Les pressentiments de Bonaparte sur la conduite du commandant du Lodi, d'autant plus singuliers qu'en arrivant en Egypte il avait soutenu un combat glorieux, se réalisèrent. Sennequier mena Arnaud à Tripoli où il remplit sa mission ; mais au lieu de le ramener en Egypte, il le jeta, on ne sait pourquoi, à Mesurât où il fut pris par les Arabes, et conduit dans le désert de Banca, et il cingla en Europe avec le Lodi.

Le général en chef fit expédier à Zante le brick le Rivoli pour explorer aussi ce côté-là. Il écrivit au commissaire du gouvernement de ne pas retenir ce brick plus de 3 ou 4 heures, tant il était impatient d'avoir des nouvelles[17].

Vers cette époque, le bruit se répandit à Londres que Bonaparte avait été assassiné ; l'ambassadeur anglais l'avait écrit de Vienne. Le canon de la tour tira en signe de réjouissance. On se préparait à jouer une pièce improvisée sur ce sujet, lorsque des lettres de Constantinople annoncèrent que Bonaparte était ressuscité.

Bonaparte abjura-t-il la religion dans laquelle il était né, et se fit-il musulman ? Qui peut en douter après avoir lu ses professions de foi favorables à l'islamisme si souvent répétées ? Restait-il chrétien le général qui se vantait aux Turcs d'avoir renversé le trône pontifical, l'ordre de Malte ; qui professait hautement l'unité de Dieu, et un saint respect pour le prophète Mahomet ? Il assistait donc à la célébration de son culte ; il suivait donc la loi du Koran ; il revêtait l'habit turc et portait le turban ; et sans doute il se fit même circoncire.

Voilà ce que répandaient en Europe les pamphlets diplomatiques soldés par la coalition, et ce qu'on trouve dans quelques libelles qui ont usurpé le titre d'histoires.

Le Koran n'admet point la soumission et l'obéissance des musulmans à une puissance infidèle. Les Égyptiens étaient subjugués, ils n'étaient pas soumis. Bonaparte proposa aux cheyks de la grande mosquée de publier un fetham pour ordonner au peuple de lui prêter serment d'obéissance. Cette proposition les mit dans un grand embarras. Pourquoi, lui répondit le cheyk Cherkaoui, vieillard respectable, ne vous feriez-vous pas musulman avec toute votre armée ? Alors 100.000 hommes accourraient sous vos drapeaux, vous rétabliriez la patrie arabe et soumettriez l'Orient. Bonaparte objecta la circoncision dont Dieu avait rendu les Français incapables, et l'abstinence du vin dont ils ne pouvaient se passer. On discuta longtemps. On prit des délais pour délibérer. Les cheyks décidèrent qu'on pouvait se passer de la circoncision, et quant au vin, que le musulman qui en buvait allait en enfer. Bonaparte les invita à y réfléchir plus mûrement ; et il fut enfin résolu par eux qu'on pouvait se faire musulman sans se faire circoncire, ni s'abstenir du vin ; qu'il fallait seulement faire de bonnes œuvres en proportion du vin qu'on buvait. Alors, leur dit Bonaparte, nous sommes tous musulmans et amis du prophète. Ils le crurent ou feignirent d'autant plus volontiers de le croire que l'armée ne professait aucun culte. Il fit tracer le plan d'une mosquée plus grande que celle de Jémil-Azar, annonçant qu'il la ferait bâtir comme un monument de la conversion de l'armée, et ne voulant dans le fait que gagner du temps. Les cheyks donnèrent le fetham d'obéissance, et déclarèrent Bonaparte ami du prophète et placé sous sa protection.

Paraître mahométan, c'est tout ce que fit Bonaparte, c'était ce qu'une haute sagesse et une habile politique commandaient. On se conciliait ainsi les imans, les muphtis, les ulémas, et le peuple à l'exemple des ministres de sa religion, Si l'armée n'avait pas paru disposée a embrasser l'islamisme, si elle avait arboré la croix et professé le christianisme, 25 à 30.000 français ne se seraient pas maintenus en Égypte. On aurait vu, comme au temps des croisades, se renouveler les fureurs du fanatisme et la guerre d'extermination.

Du reste, le changement de religion, inexcusable peut-être pour des intérêts privés, fut de tout temps justifié par la politique. Paris vaut bien une messe, dit fort sensément Henri IV ; et tel catholique du même pays que le Béarnais n'hésita point à se faire luthérien pour régner sur les Scandinaves.

Croit-on, dit Napoléon[18], que l'empire d'Orient et peut-être la sujétion de toute l'Asie n'auraient pas valu des pantalons et un turban ? Je prenais l'Europe à revers ; la vieille civilisation était cernée : qui eût alors songé à inquiéter le cours des destinées de la France et de la régénération du siècle ? qui eût pu y parvenir ? qui eût osé l'entreprendre ?

Menou seul se fit mahométan, prit le nom d'Abdallah, et épousa une Égyptienne. Cette étrange résolution lui attira dans le temps du ridicule, parce qu'elle était isolée, et dans la suite beaucoup de blâme. Ne pouvant lui trouver un but raisonnable, on lui en supposa de toute espèce. Le bruit se répandit alors dans l'armée que ce général, voulant trouver un moyen licite de gagner de l'argent, pour payer les nombreux créanciers qu'il avait laissés à Paris, avait ambitionné de commander l'escorte de la caravane de la Mekke ; il fallait être musulman, et il espérait que Bonaparte lui donnerait les fonctions d'émir-haggi. Dans la correspondance de Menou avec le général en chef, on ne trouve pas un seul mot qui ait trait à un semblable projet, ni à son mariage, ni à son changement de religion. Dans cette circonstance, la conduite de Menou fut toute politique. Il crut faire un acte de dévouement au succès de l'expédition pour laquelle il était passionné ; mais cet acte, peut-être utile au général dans ses rapports avec les habitants, fut sans influence sur l'entreprise. Sa femme était, disait-il, une schériffe, descendante de Mahomet. Il l'épousa, suivant l'usage du pays, sans la connaître et sans l'avoir vue. Le hasard ne le servit pas trop mal ; c'était une bonne personne.

Les journaux français publièrent, pendant l'expédition d'Egypte, un Entretien de Bonaparte dans l'une des pyramides avec plusieurs imans et muphtis. Parmi les personnes attachées à l'expédition, les unes ont attesté que cet entretien avait eu lieu, les autres ont dit que c'était une pure fiction, et se sont fondées sur ce que, à la date que porte cet entretien, 25 thermidor (12 août), Bonaparte était en route de Salhieh pour le Kaire. Cette dernière version est la seule qui soit exacte. Quoi qu'il en soit, cet entretien, dont la rédaction a sans aucun doute ensuite été soignée, porte le cachet de la couleur locale, et a un genre de grandeur et de mysticité où se déploient à l'envi la politique des prêtres de Mahomet et celle du général en chef[19].

Quoique Bonaparte voulût paraître mahométan aux yeux des sectateurs de l'islamisme, il n'en protégea pas moins tous les cultes. Les chrétiens cophtes profitèrent de la présence de l'armée pour lui demander l'abolition des restrictions apportées a l'exercice de leur religion.

Il répondit à l'intendant général[20] :

J'ai reçu la lettre que m'a écrite la nation cophte. Je me ferai toujours un plaisir de la protéger : désormais elle ne sera plus avilie, et, lorsque les circonstances le permettront, ce que je prévois n'être pas éloigné, je lui accorderai le droit d'exercer son culte publiquement, comme il est d'usage en Europe, en suivant chacun sa croyance. Je punirai sévèrement les villages qui, dans les différentes révoltes, ont assassiné des Cophtes. Dès aujourd'hui, vous pourrez leur annoncer que je leur permets de porter des armes, de monter sur des mules ou sur des chevaux, de porter des turbans et de s'habiller de la manière qui peut leur convenir. Mais si tous les jours sont marqués de ma part par des bienfaits, si j'ai à restituer a la nation cophte une dignité et des droits inséparables de l'homme, qu'elle avait perdus, j'ai le droit d'exiger, sans doute, des individus qui la composent, beaucoup de zèle et de fidélité au service de la République.

Je rends justice à votre zèle et à celui de vos collaborateurs, ainsi qu'à votre patriarche dont les vertus et les intentions me sont connues, et j'espère que, dans la suite, je n'aurai qu'à me louer de toute la nation cophte.

 

Une caravane de 4 à 500 hommes et autant de chameaux, venant de Tor et du Mont-Sinaï, arriva aux portes du Kaire. Elle envoya à Bonaparte une députation de 24 Arabes, accompagnés d'un moine qui leur servit d'interprète. Il leur donna audience. Ils demandèrent la permission de vendre leurs marchandises au Kaire ; elle leur fut accordée. Suivant l'usage de l'Orient, ils offrirent au général en chef un présent. C'étaient des raisins excellons, des poires et des pommes estimées au Kaire, et provenant du couvent grec du Mont-Sinaï, Ces Arabes approvisionnaient surtout la ville de charbon de bois. Ils n'étaient pas venus depuis l invasion des Français, et reprenaient leur commerce, rassurés par la protection que Bona-r parte lui accordait. La caravane resta campée hors de la ville ; on alla la visiter. Les Français et les Arabes se traitaient amicalement. On leur demanda ce qu'ils pensaient de Bonaparte ; ils répondirent : Son bras est fort, et ses paroles sont de sucre.

Le moine qui les accompagnait avait été chargé par les religieux du Mont-Sinaï de réclamer du général en chef sa protection et la confirmation des privilèges accordés à leur monastère par différents souverains musulmans, depuis Mahomet jusqu'au sultan régnant. Il présenta plusieurs des actes qui constataient ces concessions. Le premier était une copie de celui qu'Aly, qui fut depuis le quatrième des califes, avait écrit de sa propre main par l'ordre de Mahomet, l'an 623, de l'ère chrétienne, 2e de l'hégire. On pouvait douter de l'authenticité de ce document, car, en l'an 2 de l'hégire, on était encore loin de prévoir la fortune du prophète ; à peine avait-il obtenu ses premiers succès contre une poignée de Coreishites. Il était difficile de croire que les religieux eussent renoncé dès lors à la protection d'Héraclius, leur empereur, pour recourir à celle de Mahomet, qui ne devait paraître encore qu'un enthousiaste turbulent et obscur. Du reste, ce n'était pas le premier exemple de fausses chartes produites par l'église chrétienne. Les firmans des divers sultans donnaient pour motifs des concessions, qu'il était de leur devoir, d'après le précepte divin, d'étendre leur bienfaisance sur tous leurs sujets indistinctement ; que les religieux du Mont-Sinaï étaient établis sur cette montagne vénérable où Dieu avait parlé au seigneur Moïse, suivaient une loi révélée, et étaient fidèlement attachés à l'empire.

Bonaparte, à l'exemple de tous les sultans, confirma, par l'arrêté suivant, les religieux du Mont-Sinaï dans tous leurs privilèges.

Bonaparte, général en chef, voulant favoriser le couvent du Mont-Sinaï,

1° Pour qu'il transmette aux races futures la tradition de notre conquête ;

2° Par respect pour Moïse et la nation juive dont la cosmogonie nous retrace les âges les plus reculés ;

3° Parce que le couvent du Mont-Sinaï est habité par des hommes instruits et policés au milieu de la barbarie des déserts où ils vivent ;

Ordonne :

Art. Ier Les Arabes bédouins, se faisant la guerre entre eux, ne peuvent, de quelque parti qu'ils soient, s'établir et demander asile dans le couvent, ni aucune subsistance, ni autres objets.

II. Dans quelque lieu que résident les religieux, il leur sera permis d'officier, et le gouvernement empêchera qu'ils ne soient troublés dans l'exercice de leur culte.

III. Ils ne seront tenus de payer aucun droit ni tribut annuel, comme ils en ont été exemptés suivant les différents titres qu'ils en conservent.

IV. Ils sont exempts de tout droit de douane pour les marchandises et autres objets qu'ils importeront et exporteront pour l'usage du couvent, et principalement pour les soieries, satins, et les produits des fondations pieuses, des jardins, des potagers qu'ils possèdent dans les îles de Chio et de Chypre.

V. Ils jouiront paisiblement des droits qui leur ont été assignés dans diverses parties de la Syrie et au Kaire, soit sur les immeubles, soit sur leurs produits.

VI. Ils ne paieront aucune épice, rétribution, ni autres droits attribués aux j liges dans les procès qu'ils pourront avoir en justice.

VII. Ils ne seront jamais compris dans les prohibitions d'exportation et d'achat de grains pour la subsistance de leur couvent.

VIII. Aucun patriarche, évêque, ou autre ecclésiastique supérieur, étranger à leur ordre, ne pourra exercer d'autorité sur eux ou dans leur couvent, cette autorité étant exclusivement remise à leurs évêques et au corps des religieux du Mont-Sinaï.

IX. Les autorités civiles et militaires veilleront à ce que les religieux du Mont-Sinaï ne soient pas troublés dans la jouissance desdits privilèges[21].

 

Par la proclamation suivante aux habitants du Kaire, Bonaparte leur annonça le pardon définitif de leur révolte.

Des hommes pervers avaient égaré une partie d'entre vous ; ils ont péri. Dieu m'a ordonné d'être clément et miséricordieux pour le peuple ; j'ai été clément et miséricordieux envers vous.

J'ai été fâché contre vous de votre révolte ; je vous ai privés pendant deux mois de Votre divan ; mais aujourd'hui je vous le restitue : votre bonne conduite a effacé la tache de votre révolte.

Schéryfs, ulémas, orateurs de mosquées, faites bien connaître au peuple que ceux qui, de gaîté de cœur, se déclareraient mes ennemis, n'auraient de refuge ni dans ce monde ni dans l'autre. Y aurait-il un homme assez aveugle pour ne pas voir que le destin lui-même dirige toutes mes opérations ? Y aurait-il quelqu'un assez incrédule pour révoquer en doute que tout, dans ce vaste univers, est soumis à l'empire du destin ?

Faites connaître au peuple que, depuis que le monde est monde, il était écrit qu'après avoir détruit les ennemis de l'islamisme, fait abattre les croix, je viendrais du fond de l'Occident remplir la tâche qui m'a été imposée. Faites voir au peuple que, dans le saint livre du Koran, dans plus de 20 passages, ce qui arrive a été prévu, et que ce qui arrivera est également expliqué.

Que ceux que la crainte seule de nos armes empêche de nous maudire, changent ; car, en faisant au ciel des vœux contre nous, ils sollicitent leur condamnation ; que les vrais croyants fassent des vœux pour la prospérité de nos armes.

Je pourrais demander compte à chacun de vous des sentiments les plus secrets du cœur ; car je sais tout, même ce que vous n'avez dit à personne : mais un jour viendra que tout le monde verra avec évidence que je suis conduit par des ordres supérieurs, et que tous les efforts humains ne peuvent rien contre moi : heureux ceux qui, de bonne foi, sont les premiers à se mettre avec moi[22].

 

C'était le langage d'un inspiré ; le prophète lui-même n'aurait pas mieux parlé ; ou plutôt c'était, Napoléon le dit lui-même, du charlatanisme et dit plus haut, destiné à être traduit, en beaux vers, par un des cheyks les plus habiles. Les Français ne faisaient qu'en rire[23].

Cette proclamation était suivie d'un arrêté, portant création d'un grand divan, composé de 60 membres et d'un petit divan de 14 membres nommés par le grand, sauf l'approbation du général en chef. Il établit auprès du grand divan un commissaire français, Gloutier, et un commissaire turc, Julfukiar. Le grand divan ne pouvait se réunir que lorsqu'il était convoqué. Le petit divan se réunissait tous les jours pour s'occuper sans relâche de tous les objets relatifs à la justice, au bonheur des habitants et aux intérêts de la République Française. Les traitements étaient ainsi fixés par mois :

Le président

100

talaris.

Les autres membres

80

Les secrétaires

25

L'huissier

60

parahs.

Le chef des bâtonniers

40

Les autres bâtonniers

15

Plusieurs habiles critiques ont révoqué en doute le culte des ognons, attribué aux Égyptiens ; quelques-uns même l'ont nié totalement. On peut croire en effet que les anciens voyageurs, qui en ont parlé, se sont trompés, et qu'ils ont pris pour le culte de cette racine les réjouissances qui en accompagnaient la récolte, à peu près comme si l'on prenait pour le culte des raisins ou des blés, les fêtes champêtres qui ont lieu en France, aux vendanges et aux moissons.

Les jours employés à tirer les ognons de la terre étaient encore, lors de l'expédition des Français, regardés comme des fêtes dans quelques parties de l'Egypte, telle que Rahmanieh. Son territoire était le seul de la province de Bahyreh, et même des provinces environnantes, où la culture de l'ognon fût étendue ; et ils jouissaient d'une si grande réputation, qu'à la Mekke les marchands de légumes prétendaient vendre des ognons de Rahmanieh. C'était vers le commencement de juin que les cultivateurs en faisaient la récolte, elle durait cinq jours, et c'étaient cinq jours de fête. Les habitants des villages environnants arrivaient en grand nombre au lieu du travail : les uns venaient y faire des provisions, d autres y apportaient quelques marchandises et principalement des gâteaux j des dattes sèches et du chorbeh.

La secte des psylles remonte, dans l'Égypte, à la plus haute antiquité. On en introduisit un jour chez le général en chef. On leur fit plusieurs questions relativement aux mystères de leur secte, et a la relation qu'elle avait avec les serpents auxquels ils paraissent commander. Ils montraient plus d'audace que d'intelligence dans leurs réponses. On en vint à l'expérience. Pouvez-vous connaître, leur dit le général, s'il y a des serpents dans ce palais, et, s'il y en a, pouvez-vous les obliger à sortir de leur trou ? Ils répondirent affirmativement à ces deux questions. On les mit à l'épreuve ; ils se répandirent dans les appartenons ; un moment après, ils déclarèrent qu'il y avait un serpent. Ils recommencèrent leurs recherches pour découvrir où il était, prirent quelques convulsions en passant devant une jarre, placée à l'angle d'une des salles du palais, et indiquèrent que l'animal était là ; effectivement on l'y trouva. Ce fut un vrai tour de Comus ; on se regarda, et on convint qu'ils étaient fort adroits[24].

Le général en chef ayant résolu de se rendre à Suez, partit du Kaire le 4 nivôse (24 décembre). Les généraux Berthier, Dommartin et Caffarelli, le contre-amiral Gantheaume, le commissaire-ordonnateur d'Aure, Monge, Berthollet, Dutertre, Descotils, Costaz et l'ingénieur Lepère l'accompagnèrent. Plusieurs négociants, que des intérêts de commerce appelaient à Suez, profitèrent de cette occasion favorable pour s'y rendre.

On passa la nuit du 4 au 5 nivôse auprès du Berket-el-Haggi — lac des pèlerins —, où se trouvait un poste fortifié, occupé par les Français.

Le 5 au soir, la caravane s'arrêta auprès de l'arbre de Djamaat qu'on aperçoit seul et plusieurs heures avant d'y arriver, au milieu d'une plaine couverte de cailloux. Le chemin de ce désert était tracé sans interruption par des ossements d'hommes et d'animaux de toute espèce qui y avaient péri à défaut de vivres ou d'eau. Cette plaine est le point le plus élevé de la route qui conduit du Kaire à la Mer-Rouge, et le froid y était si vif qu'en reposant on était bientôt engourdi et gelé. Il fallait se promener ou s'agiter sans cesse ; cette localité ne présentait guère de moyens pour allumer du feu, car on se fit un devoir de respecter l'arbre de Djamaat. C'était un if sous lequel Bonaparte dressa sa tente, pour en écarter ceux que la tentation aurait portés à mutiler ce bel arbre, point de repos agréable aux voyageurs, dans cette contrée stérile. On parvint cependant à allumer quelques feux avec des ossements.

On quitta l'if de Djamaat le 6 nivôse, à trois heures du matin. Bonaparte qui, pendant la journée de la veille, avait réglé sa marche sur celle de la caravane, s'en détacha avec sa suite, résolu d'arriver à Suez dans la journée même. Le gros de la caravane coucha auprès du puits d'Ageroud, près duquel se trouve aussi un château fortifié. Ce puits, profond de 50 à 60 brasses, fournit une eau salée que les hommes ne peuvent boire, mais qui est bonne pour les chameaux et les chevaux arabes. Une enceinte flanquée de deux tours est construite autour des sources ; non loin de là aussi est le château qui tombe en ruines. Ce sont des constructions arabes qui avaient eu pour objet d'assumer la jouissance du puits dont les eaux servent à abreuver les bestiaux de la caravane de la Mekke. Un mois ou deux avant le passage des pèlerins on y envoyait des chameaux pour tourner une roue à chapelet, qui élevait l'eau du puits et la versait dans des rigoles d'où elle se rendait dans trois réservoirs spacieux en maçonnerie et enduits d'un ciment imperméable. Ces constructions faites dans le désert, loin de toutes les ressources, ont une certaine grandeur. Le général en chef ordonna de faire au mécanisme du puits toutes les réparations nécessaires pour le mettre en état de servir.

D'Ageroud à Suez il y a environ cinq heures de marche ; une heure avant d'arriver, on trouve le Byr-Suez — puits de Suez —, dont les eaux sont un peu moins salées que celles d'Ageroud.

Le 7 nivôse, des capitaines venus de l'Hedjas et de l'Yémen, en rade à Suez, furent présentés au général en chef. L'un d'eux, venu de Mascate, confirma la nouvelle des prises faites sur les Anglais, par les croisières de l'Ile-de-France, et apprit que les dispositions de l'iman de Mascate étaient favorables aux Français. Six frégates françaises, commandées par le contre-amiral Sercey, avaient fait pour plus de 20.000.000 de prises aux Anglais.

Bonaparte entendit tous ces capitaines, leur fit connaître que l'intention de la République était que les négociants et les navigateurs fussent protégés de toutes les manières, et les congédia après avoir donné en leur présence un ordre pour modérer les droits de douanes sur les cafés. Parceval de Grandmaison, membre de l'Institut, était directeur des douanes à Suez, et la légion maltaise en formait la garnison.

Un capitaine, venant d'Yambo, arriva en rade par un gros temps et échoua au point qu'on ne voyait plus que les matures de son bâtiment. Il se crut ruiné et ne fit rien pour réparer ce malheur. Les Français parvinrent à mettre à flot son navire, et à sauver une partie de la cargaison. Le tout lui fut restitué gratuitement, à sa grande surprise, car il ne pouvait concevoir un tel désintéressement.

Après avoir ordonné la reconnaissance du port, des côtes et de la navigation du golfe, pour la défense de Suez, et avoir fait des dispositions pour modérer les droits excessifs imposés sur Je commerce, faciliter les importations et les exportations, et pour rétablir des relations utiles avec les Arabes des tribus voisines, Bonaparte voulut passer en Asie, visiter les sources de Moïse, situées à trois lieues sud-est de Suez, dans l'Arabie-Pétrée, et reconnaître la rive orientale de la Mer-Rouge, du côté des montagnes de Tor. Il fallait faire une route de sept à huit lieues en contournant le fond du golfe. Bonaparte, accompagné d'une suite et d'un détachement de cavalerie, traversa la mer a gué, vis-à-vis un monticule de ruines, que d'Anville prétend être l'emplacement d'Arsinoé. Les autres personnes, faisant partie de cette expédition, s'embarquèrent.

Protégé dans sa marche par un banc de sable et de roche, et guidé par des Arabes montés sur des dromadaires, Bonaparte arriva sans accident sur l'autre rive, distante d'environ cinq quarts de lieue. Cependant les chevaux avaient de l'eau jusqu'au ventre. Il y en eut même qui nagèrent. C'était, disait-on, l'endroit où Moïse passa avec les Israélites pour échapper à l'armée de Pharaon.

Après quelques heures de marche sur des sables mouvants, on atteignit les sources de Moïse, situées à peu de distance de la mer. On trouva que l'eau de ces sources était légèrement saumâtre, et néanmoins potable. En considérant les décombres d'anciennes fabriques et les vestiges de fondations d'aqueducs, de citernes, et d'une petite enceinte fortifiée, on ne put pas douter qu'il n'eût existé autrefois dans cet endroit, ainsi que l'avaient pensé différents voyageurs, un grand établissement d'aiguade qui pouvait appartenir au temps où les Vénitiens faisaient le commerce des Indes par la Mer-Rouge. Les sources étaient au nombre de six, et leurs eaux étaient contenues dans de grands réservoirs d'où elles étaient conduites par un aqueduc jusqu'au rivage de la mer. Ce fut Bonaparte qui le découvrit, et, pour s'assurer de son état, il y fit faire des fouilles à des distances très-rapprochées, jusqu'à l'aiguade, et l'on reconnut qu'il était seulement encombré et susceptible d'être réparé à peu de frais. Il donna ses instructions pour en faire la topographie et le nivellement, et pour étudier tous les moyens de rendre ces sources utiles[25].

On dit qu'à son arrivée sur la rive arabique Bonaparte reçut une députation des cénobites du Mont-Sinaï, qui venaient le remercier de la protection qu'il leur avait accordée par son arrêté du 29 frimaire, et le supplier de vouloir bien s'inscrire sur l'antique registre de leurs garanties ; qu'il écrivit son nom à la suite de ceux d'Aly, de Saladin, d'Ibrahim et de quelques autres[26]. Ce fait qui, d'ailleurs, paraît peu vraisemblable à cause de la distance du Kaire au Mont-Sinaï, et du peu de temps qui s'était écoulé entre l'arrêté du 29 frimaire et le 7 nivôse, est tout à fait inexact.

On revint à Suez le même jour. Une partie de ceux qui avaient accompagné Bonaparte prit les devants pour contourner par terre la pointe du golfe. Le général en chef, pour abréger, voulut reprendre la route par laquelle il était venu. Il faisait nuit quant il arriva au gué. La marée montait et rendait ce chemin hasardeux. Le guide arabe dit qu'il connaissait un passage plus facile ; on le tenta. Mais l'Arabe perdit la tête et égara les Français dans un marais. Le général en chef courut quelque danger. S'il eût péri, c'eût été de la même manière que Pharaon, ce qui n'eût pas manqué, dit gaîment Napoléon, de fournir à tous les prédicateurs de la chrétienté un texte magnifique contre lui[27]. Le général Caffarelli se trouva dans le plus grand embarras. Il en fut heureusement tiré par la présence d'esprit et le courage d'un guide à cheval.

Le 10, on partit de Suez ; le gros de la caravane se dirigea sur Ageroud, et le général en chef, accompagné des généraux et de Monge, se porta au nord dans l'espoir de retrouver sur la plage, au fond du golfe, les vestiges de l'ancien canal des deux mers. On retrouva en effet la tête de ses digues, le général en chef les remarqua le premier. Elles étaient peu sensibles à leur naissance à cause des sables qui avaient comblé le canal dans quelques parties. Il en suivit les traces sur environ cinq lieues. C'était là le ternie de ses vestiges, parce qu'à cette distance il débouchait dans les lacs amers. Satisfait de cette découverte et voyant la nuit s'approcher, Bonaparte voulut rejoindre la caravane à Ageroud. Il prit les devants avec Berthier, et accompagné de deux guides à cheval. La position de ce lieu était inconnue, et, pour ne pas s'égarer, Bonaparte se dirigea du côté où le soleil se couchait. Après un trajet de trois lieues, il arriva heureusement à Ageroud et rejoignit la caravane chargée de l'eau et des vivres. Il eût couru plus de dangers, si la nouvelle de son voyage à Suez n'eût écarté les Arabes de ces parages. Pour signaler sa présence et le lieu du bivouac aux officiers qui étaient restés en arrière, dans l'obscurité de la nuit, il fit tirer le canon, allumer des feux sur les tours du château, et porter sur quelques points élevés de la route qu'il venait de parcourir des fanaux dont les caravanes sont toujours munies pour éclairer leur marche dans la nuit. Ces fanaux sont fort simples : c'est un réchaud cylindrique dans lequel on entretient un feu vif et brillant, en y brûlant des morceaux très-secs de sapin. Ces réchauds sont fixés à la partie supérieure d'un bâton de cinq à six pieds de hauteur qu'on fiche en terre lorsqu'on veut s'arrêter. Si la caravane marche de nuit, elle a à sa tête plusieurs hommes qui portent de pareils réchauds, qu'ils ont soin de tenir élevés, afin que leur flamme soit aperçue de chaque voyageur[28].

Tout le monde fut rallié dans la soirée. Le lendemain, la caravane se divisa en deux parties, l'une, composée de marchands, prit la route du Kaire, l'autre se dirigea vers Belbeïs. Le général en chef qui, avec un piquet de cavalerie, précédait sa troupe, donna sur une troupe d'Arabes conduisant des chameaux. On reconnut qu'ils étaient de la tribu des Billys, et on cessa la poursuite, parce qu'on était en paix avec eux.

La troupe continuait sa route au milieu d'un désert immense. Que vous semble de tout ceci ? citoyen Monge, dit le général en chef, interpellant ce mathématicien. — Mais, citoyen général, je pense que si jamais on voit ici autant de voitures qu'à l'Opéra, il faudra qu'il se soit passé de fameuses révolutions sur le globe[29]. Il y en avait cependant une à six chevaux, c'était celle du général en chef qui marchait en avant de la caravane et dont il ne se servit pas, car il voyagea toujours à cheval ; elle étonnait fort les Arabes.

Napoléon disait que le désert avait toujours eu pour lui un attrait particulier. Il ne l'avait jamais traversé sans une certaine émotion. C'était pour lui l'image de l'immensité. Il ne montrait point de bornes, n'avait ni commencement ni fin ; c'était un Océan de pied ferme. Ce spectacle flattait son imagination et il se complaisait a faire observer que Napoléon veut dire lion du désert[30].

Bonaparte arriva à Belbeïs le 12 nivôse au soir ; il employa la journée du 13 à visiter les fortifications, les divers établissements, et passa la revue des troupes. On aperçut du haut des remparts une troupe d'Arabes de la tribu des Soharrâh, ennemis acharnés des Français, qui venaient souvent inquiéter les communications et ravager le Charqyeh. Le chef d'escadron Croisier, aide-de-camp du général en chef, leur donna la chasse y leur prit 9 hommes et 30 chameaux chargés de dattes.

 

Le même jour, le général en chef écrivit au divan du Kaire.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite ; je l'ai lue avec le plaisir que l'on éprouve toujours lorsqu'on pense à des gens que l'on estime et sur l'attachement desquels on compte.

Dans peu de jours, je serai au Kaire.

Je m'occupe dans ce moment-ci à faire faire les opérations nécessaires pour désigner l'endroit par où l'on peut faire passer les eaux pour joindre le Nil et la Mer-Rouge. Cette communication a existé jadis, car j'en ai trouvé la trace en plusieurs endroits. J'ai appris que plusieurs pelotons d'Arabes étaient venus commettre des vols autour de la ville. Je désirerais que vous prissiez des informations pour connaître de quelle tribu ils sont ; car mon intention est de les punir sévèrement. Il est temps enfin que ces brigands cessent d'inquiéter le pauvre peuple qu'ils rendent bien malheureux. Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de vous faire du bien.

 

Le 14, Bonaparte partit, accompagné de Berthier et Caffarelli, pour aller à Abou-Keycheïd, chercher les vestiges du canal dont il avait visité l'extrémité orientale, en partant de Suez. Arrivé à ce point, il en trouva de nouveau les traces, et les suivit pendant plusieurs lieues dans la direction de l'ouest jusqu'à Abâseh où l'on suppose qu'il avait sa jonction avec la branche pélusiaque.

Il châtia, en route, un parti d'Arabes Soharrâh, non loin du village de Kâraïm, ainsi que ceux de la tribu qui avait pillé la caravane des haggis (pèlerins). Il retourna à Belbeïs d'où il partit le 17 nivôse pour se rendre au Kaire. Il fit encore quelques excursions dans le désert, et envoya de forts détachements pour soumettre les Soharrâh qui infestaient toujours cette contrée. On leur fit des prises considérables.

De retour au Kaire, occupé des reconnaissances qu'il avait faites pendant son voyage, et désirant vivement avoir des données plus positives, il chargea l'ingénieur Lepère d'y travailler et de les lui soumettre le plus tôt possible. Il fit fournir tout ce qui était nécessaire aux ingénieurs pour un assez long séjour dans le désert, et pour y faire les opérations de levée de plans et de nivellement. Suez fut choisi comme point de départ. Ce travail fut fait.

Le général en chef désirait que la position du puits d'El-Batar, qui se trouvait vers la moitié du chemin du Kaire à Suez, fût déterminée ; que les ingénieurs se munissent de tout ce qui serait nécessaire pour descendre dans ce puits ; qu'ils reconnussent si on avait creusé jusqu'au roc, et s'il serait possible de creuser davantage ; enfin qu'ils mesurassent la distance du Kaire à Suez par la route d'Ageroud et par celle de la vallée de l'Égarement[31].

Lepère partit avec plusieurs ingénieurs, sous l'escorte du général Junot qui allait commander à Suez. Le général en chef y envoya aussi le contre-amiral Gantheaume qui, étant simple commandant d'un vaisseau de la compagnie des Indes, y avait, en 1791, pénétré par la Mer-Rouge.

Il devait passer une inspection rigoureuse de tous les établissements de la marine ; donner les ordres pour que tous les magasins et établissements fussent conformes au projet qu'avait le général en chef d'organiser et de maintenir à Suez un petit arsenal de construction, et faire mettre en chantier une goélette.

Si les chaloupes canonnières que le général Bon avait dû faire armer étaient prêtes et en état de remplir une mission dans la Mer Rouge, il était ordonné à Gantheaume de partir avec elles ; de se rendre à Cosseïr ; de s'emparer de tous les bâtiments appartenant aux Mamlouks, qui sortiraient du port ainsi que du fart, qu'il ferait mettre, sur-le-champ, dans le meilleur état de défense ; de tâcher de correspondre avec le général Desaix ; de laisser en croisière, devant le port de Cosseïr, une partie des chaloupes canonnières ; de mener avec lui un commissaire de la marine et un officier intelligent qu'il y établirait ; de faire tous les règlements qui lui paraîtraient nécessaires pour l'établissement de la douane, la formation des magasins nationaux, la recherche de tout ce qui appartenait aux Mamlouks, et pour le commerce ; d'écrire à Yambo, Gedda et Mokka, pour faire connaître que l'on pouvait venir, en toute sûreté, commercer dans le port de Suez ; que toutes les mesures avaient été prises pour l'organisation du port, et pour pouvoir fournir aux bâtiments tous les secours dont ils auraient besoin ; d'embarquer sur chacune de ses chaloupes canonnières 20 hommes, 10 canonniers qu'il laisserait en garnison à Cosseïr, si on n'y en trouvait pas ; de combiner sa marche de manière que, autant que les vents pourraient le permettre, il fût, de sa personne, de retour au Kaire du 15 au 20 pluviôse (du 3 au 8 février 1799)[32].

 

 

 



[1] Ρίνοκόλουρα, El-Arych.

[2] Lettre de Bonaparte, du 11 frimaire.

[3] Lettre du 21 frimaire.

[4] Lettres des 23, 25 et 28 frimaire.

[5] Lettre du 26 frimaire.

[6] Lettre du 28 frimaire.

[7] Lettre du 28 frimaire.

[8] Lettre du 5 frimaire.

[9] Lettre du 9 frimaire.

[10] Lettre du 12 frimaire.

[11] Lettre de Bonaparte à Perrée, du 26 frimaire.

[12] Lettre du 27 frimaire.

[13] Lettre de Bonaparte, du 27 frimaire.

[14] Lettre de Bonaparte, du 27 frimaire.

[15] Lettre du 27 frimaire.

[16] Lettre du 19 frimaire.

[17] Lettre du 21 frimaire.

[18] Las Cases, tome III, page 110.

[19] Voyez pièces justificatives, n° I.

[20] Lettre du 17 frimaire.

[21] Arrêté du 29 frimaire.

[22] Proclamation du 1er nivôse (21 décembre).

[23] Las Cases, tome III, page 110.

[24] Denon, tome I, page 109.

[25] Elles ont été décrites par Monge. Les bâtiments qui arrivent à Suez et les habitants de la ville viennent y chercher de l'eau.

[26] Las Cases, tome I, page 265.

[27] Las Cases, tome I, page 267.

Nous avons passé la Mer-Rouge à gué ; le retour a failli nous coûter la vie. Lettre du chirurgien en chef Larrey. (Moniteur du 30 floréal an VII.)

[28] C'est ainsi que Dubois-Aymé, dans son mémoire sur le séjour des Hébreux en Égypte, explique les miracles de la colonne de feu et de la nuée.

[29] Las Cases, tome V, page 78.

[30] Las Cases, tome V, page 78.

[31] Lettre de Bonaparte à Caffarelli, du 25 nivôse.

[32] Lettre de Bonaparte, du 26 nivôse.