HISTOIRE GÉNÉRALE DE NAPOLÉON BONAPARTE

GUERRE D'ÉGYPTE. - TOME PREMIER

 

CHAPITRE VI.

 

 

Nomination de l'émir-haggi. — Fête du Nil. — Fête du prophète. — Protestations pacifiques de Bonaparte envers la Porte et les puissances de l'Orient. — Mesures pour la santé et la salubrité publiques. — Institut d'Égypte. — Mesures relatives à divers services de l'armée et à la police du Kaire. — Koraïm décapité. — Fête du 1er vendémiaire an VII. — Assemblée du divan général. — Finances de l'Égypte.

 

La caravane de la Mekke avait à la fois un objet religieux et commercial. Elle partait des extrémités de l'empire de Maroc, recueillait dans sa route les pèlerins d'Alger, de Tunis et de Tripoli, et venait au Kaire pour achever son voyage avec la caravane d'Égypte, dont elle précédait ou suivait la marche, à une journée de distance. Il s'y joignait des négociants qui portaient en Arabie des marchandises fines, telles que des draps, de la cochenille, du girolle, etc., et en rapportaient du café, réputé le meilleur, parce qu'il ne passait pas la mer, des schals, des essences et généralement tout ce qui a une grande valeur et peu de poids.

Dans le principe, et sans doute lorsqu'elle n'était que religieuse, la caravane était respectée par les Arabes ; mais lorsqu'elle fut devenue commerciale, elle excita leur cupidité. Soliman la prit sous sa protection, chargea un fonctionnaire, l'émir-haggi — prince des pèlerins —, de l'escorter, et lui alloua sur son trésor un fond pour cette dépense. Cette protection ne fut pas toujours efficace. On n'en fut pas moins obligé de payer des subsides aux Arabes, pour que la caravane ne fût point inquiétée. Souvent ils se jouèrent de leurs promesses, et il fallut, quoiqu'on pactisât avec eux, maintenir et même successivement augmenter l'escorte.

C'était par cette caravane que l'on envoyait a la Mekke les fondations faites par les souverains de l'Égypte. 1° le kesouèn. On appelait ainsi les tentures destinées à revêtir le temple de la Mekke et à décorer le tombeau de Fatmeh à Médine. On les fabriquait dans la citadelle du Kaire. 2° le sorreh ; c'était un fond affecté au paiement des rentes et pensions, et dont le schérif de la Mekke faisait l'emploi.

Le général en chef nomma Mustapha-Bey, kiaya du pacha, émir-haggi, le revêtit d'une superbe pelisse verte, en présence du divan et des schérifs, et lui fit présent de diamants et d'un cheval harnaché. Il sortit de chez Bonaparte accompagné de plusieurs aides-de-camp, et fut salué de six coups de canon que répétèrent les batteries de la citadelle.

Pour plaire aux Égyptiens, les éblouir, entretenir l'enthousiasme de l'armée et lui procurer quelque distraction, le général en chef fit célébrer des fêtes et leur donna un grand éclat. Le débordement périodique du Nil, et l'ouverture des eaux lui en fournirent la première occasion. C est la fète la plus populaire, car l'Égypte n'existe que par ce fleuve, il en est le père nourricier, la providence. Il commence à s'élever vers le solstice d'été ; l'inondation croît jusqu'à l'équinoxe et diminue ensuite progressivement. C'est entre septembre et mars que se font les travaux de la campagne, les semences et les récoltes. Dès le commencement de la crue des eaux, le cheik, chargé du soin et de la garde du meqyas ou nilomètre, fait annoncer journellement ses progrès par des crieurs dans toutes les rues et aux portes des maisons : les habitans se font un plaisir de leur donner du pain et de l'argent. Le khalyg ou canal s ouvre au-dessous du Vieux-Kaire sur la petite branche du Nil, formée par l'île de Roudah, et traverse le Kaire. L'oualy est chargé de former une digue à 50 pas en dedans du khalyg pour empêcher le fleuve d'y pénétrer, jusqu'à ce que ses eaux soient suffisamment élevées. La rupture de la digue a lieu du 15 au 20 août. Le 30 thermidor, une barque peinte, décorée de pavillons et de banderoles, armée de quatre canons qui faisaient un feu continuel, partit de Boulaq et vint se placer à l'ouverture du canal. On tira un feu d'artifice sur ses bords dès que la nuit fut venue. Le peuple afflua dans les quartiers voisins se livrant à la gaîté ; les eaux se couvrirent de barques nombreuses. Les femmes elles-mêmes, cachées dans leur harem pendant le reste de l'année, participaient à l'allégresse commune en voguant, séparées des hommes, dans des nacelles où se faisaient entendre des chants et de la musique.

Le 1er fructidor (18 août), à 6 heures du matin, accompagné des généraux, de l'état-major, du kiaya, du divan, du mollah, de l'aga, du qady et de plusieurs autres fonctionnaires ou personnages distingués, Bonaparte se rendit à l'entrée du khalig. Un peuple immense couronnait tous les monticules qui bordent le Nil et le canal. La flottille était pavoisée ; une partie de la garnison sous les armes ; le coup-d'œil imposant. L'arrivée du cortège fut annoncée par des salves d'artillerie. Les musiques française et arabe exécutaient différents airs. Le cheyk du meqyas annonça que le Nil s'était élevé à la 15e coudée (25 pieds). Le procès-verbal en fut dressé et signé. On travailla à couper la digue ; l'effort du fleuve seconda les ouvriers, elle disparut, et la barque de l'oualy du Vieux-Kaire vogua la première sur les eaux qui roulèrent en torrent dans le canal. Hommes, femmes et enfants tous s'y précipitèrent, attribuant des vertus à ce bain tumultueux. Les femmes y jetaient des mèches de cheveux, des morceaux d'étoffe, attendant de ces offrandes la fécondité ou d'autres biens. Bonaparte jeta au peuple plusieurs milliers de médins et des pièces d'or au bateau qui le premier entra dans le canal. Il revêtit de la pelisse noire le mollah, de la pelisse blanche le nakib-redjah, et fit distribuer 38 caftans aux principaux officiers civils et militaires du pays. Le cortège retourna sur la place d'Esbekyeh, suivi par le peuple qui chantait les louanges du prophète et de l'armée française, et maudissait les beys et leur tyrannie : Oui, disait-il, vous êtes venus nous délivrer par l'ordre de Dieu miséricordieux ; car vous avez pour vous la victoire et le plus beau Nil qu'il y ait eu depuis un siècle[1]. Ce sont deux bienfaits que Dieu seul peut accorder.

La fête qu'on a célébrée ici pour l'ouverture du canal du Nil, écrivit Bonaparte aux généraux Vial et Menou[2], a été très-belle, et a paru faire plaisir aux habitans. Celle du prophète le sera encore davantage.

Elle fut en effet célébrée au Kaire avec une grande pompe et par les commandants dans plusieurs provinces. Elle commença le 2 fructidor et dura quatre jours. Il y eut grande parade des troupes de la garnison. Tous les officiers généraux et supérieurs allèrent faire visite et présenter leurs félicitations au cheik El-Bekry, reconnu pour le premier descendant de Mahomet, nommé le matin le Nakik-el-Ascheraf ou chef des cheyks, en remplacement d'Osman-Effendi qui avait pris la fuite. Bonaparte s'y rendit aussi. On commença par réciter une espèce de litanie comprenant la vie de Mahomet depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Une centaine de cheyks, assis en cercle sur des tapis et les jambes croisées, récitaient les versets en balançant fortement le corps en avant et en arrière et tous ensemble. Ensuite on servit un grand dîne où l'on fut assis sur des coussins. Il y avait de 100 à 120 convives répartis en 20 tables. Celle du général en chef et du cheyk El-Bekry était au milieu ; c'était un petit plateau de bois précieux et de marqueterie élevé à 18 pouces de terre. On servit successivement un grand nombre de plats ; c'étaient des pilaux de riz, des rôtis, des entrées, des pâtisseries, le tout fort épicé. Les cheyks dépeçaient tout avec leurs doigts ; aussi pendant le repas offrit-on trois fois à laver. On eut pour boisson de l'eau de groseille, de la limonade, plusieurs espèces de sorbets, et pour dessert beaucoup de compotes et de confitures. Le soir, toute la ville fut illuminée. On alla sur la place d'Esbekyeh, dont l'illumination en verres de couleur était fort belle. Il s'y trouva un peuple immense. On était placé en ordre par rangs de 20 à 100 personnes, qui récitaient debout des prières et des litanies avec des mouvements qui finissaient par devenir convulsifs.

Nous avons, écrivit Bonaparte à Menou[3], célébré ici la fête du prophète avec une pompe et une ferveur qui m'ont presque mérité le titre de saint.

Quoique les agents de la Porte en Égypte n'eussent pas répondu aux démarches pacifiques que Bonaparte n'avait cessé de faire auprès d'eux, depuis son arrivée devant Alexandrie, il n'en continua pas moins de manifester dans tout le Levant des sentiments de paix envers le grand-seigneur. Il fit tous ses efforts pour ouvrir des communications directes avec le cabinet ottoman, afin de prévenir une rupture. Il chargea le consul français à Tripoli de Barbarie de faire connaître au bey de cette régence que la République Française continuerait à vivre en bonne intelligence avec lui comme par le passé ; que tous les sujets du bey seraient également protégés en Égypte, espérant de son côté qu'il se comporterait envers la République avec tous les égards qui lui étaient dus ; qu'il célébrait la fête du prophète avec la plus grande pompe ; que la caravane de Tripoli allait partir ; qu'il l'avait protégée, et qu'elle n'avait eu qu'à se louer des Français ; d'engager le bey à envoyer beaucoup de vivres à Malte, des moutons à Alexandrie, et à faire savoir aux fidèles que les caravanes seraient protégées et que l'émir-haggi était nommé[4].

L'émir-haggi expédia un exprès à Constantinople. Bonaparte chargea Kléber de lui donner toutes les facilités nécessaires pour son passage.

Le général en chef s'adressa au grand-vizir par la lettre suivante[5] :

L'armée française que j'ai l'honneur de commander est entrée en Égypte, pour punir les beys mamlouks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français. Le citoyen Talleyrand-Périgord, ministre des relations extérieures à Paris, a été nommé, de la part de la France, ambassadeur à Constantinople, pour remplacer le citoyen Aubert Dubayet, et il est muni des pouvoirs et instructions nécessaires de la part du Directoire exécutif, pour négocier, conclure et signer tout ce qui est nécessaire, afin de lever les difficultés provenant de l'occupation de l'Égypte par l'armée française, et de consolider l'ancienne et nécessaire amitié, qui doit exister entre les deux puissances. Cependant, comme il pourrait se faire qu'il ne fût pas encore arrivé à Constantinople, je m'empresse de faire connaître à votre excellence l'intention où est la République Française, non-seulement de continuer l'ancienne bonne intelligence, mais encore de procurer à la Porte l'appui dont elle pourrait avoir besoin contre ses ennemis naturels, qui, dans ce moment, viennent de se liguer contre elle.

L'ambassadeur Talleyrand-Périgord doit être arrivé. Si, par quelque accident, il ne l'était pas, je prie votre excellence d'envoyer ici, au Kaire, quelqu'un qui ait votre confiance, et qui soit muni de vos instructions et pleins pouvoirs, ou de m'envoyer un firman, afin que je puisse envoyer moi-même un agent, pour fixer invariablement le sort de ce pays, et arranger le tout à la plus grande gloire du sultan, et de la République Française, son alliée la plus fidèle, et à l'éternelle confusion des beys et Mamlouks, nos ennemis communs.

Je prie votre excellence de croire aux sentiments d'amitié et de haute considération, etc.

 

Lorsque les troupes françaises obligèrent Ibrahim-Bey d'évacuer la province de Charqyeh, Bonaparte lui avait écrit qu'il acceptait pour médiateur le pacha d'Égypte, et qu'il vînt le trouver. Il écrivit directement au pacha pour lui renouveler son désir de le voir revenir au Kaire pour y reprendre ses fonctions, et le prier de ne pas douter de la considération que l'on aurait pour lui, et du plaisir qu'il aurait à faire sa connaissance[6].

Il écrivit au pacha de Damas plusieurs lettres pour l'assurer que les Français n'étaient pas ennemis des Musulmans, et le prier d'être persuadé du désir où ils étaient de vivre en bonne intelligence avec lui, et de lui donner tous les signes de la plus parfaite amitié[7].

Bonaparte confia au jeune Mailly de Château-Renaud, officier de l'état-major, la mission de porter à Lataquie un paquet pour Constantinople ; d'après ses instructions, rédigées avec le plus grand soin, il devait partir directement pour Lataquie sur une djerme qui lui serait fournie à Damiette ; avoir pour première attention d'éviter les croisières anglaises ; engager le patron à changer de route lorsqu'il s'en verrait menacé ; ne s'approcher même qu'avec précaution des petits bâtiments venant de la côte, et ne les héler que lorsqu'il serait sûr que ce n'étaient pas des corsaires ; les patrons de barque, reconnaissant facilement au large les djermes de leur pays. Il lui était recommandé, en cas de visite, de cacher soigneusement ses paquets, et de faire ce que la prudence lui dicterait ; et comme il portait l'habit oriental de ne parler qu'en langue turque avec son interprète arabe.

Parvenu à la marine de Lataquie, Mailly devait demander à parler à Codja-Hanna-Coubbé, intendant du gouverneur, et noliseur du brigantin français la Marie, arrivé à bon port à la rade de Damiette, le II fructidor, lui faire valoir la permission qu'avait donnée le général en chef à ce bâtiment, de faire son retour en riz, pour alimenter son échelle et la ville d'Alep ; demander de suite la permission de communiquer avec Geoffroy, proconsul de la République Française à Lataquie, résidant à un demi-quart de lieue de la marine, et, assisté de cet agent, se rendre chez le gouverneur, auquel il remettrait une lettre du général en chef.

Il fallait que Mailly prévît qu'il y avait des espions anglais à Lataquie, et que, pour mieux masquer l'expédition de son paquet pour Constantinople, il eût soin de dire au gouverneur, et de répandre dans le public que le général en chef avait envoyé sur toute la côte divers officiers pour engager les pachas à laisser toute liberté de commerce avec l'Égypte, et que sa mission particulière se bornait à Lataquie et à Alep. Pendant cette ouverture, le proconsul aurait la facilité d'envoyer sur-le-champ un messager qui se rendrait en deux jours à Alep. Choderlos, consul français, le garderait un jour ou deux tout au plus, pendant lesquels il donnerait au général en chef les nouvelles les plus authentiques qu'il aurait pu recueillir de la légation de Constantinople, ou par des correspondances particulières, sur la situation de cette capitale, les mouvements en Romélie, en Syrie, etc., et en général sur tout ce qui pourrait intéresser le général en chef.

Mailly attendrait chez le proconsul le retour du message ; se tiendrait très-réservé, sur les nouvelles d'Égypte, en tant qu'elles pourraient entraver sa mission ; et, dans le cas où il trouverait le peuple de Lataquie en fermentation, il pourrait dire comme de lui-même : Le bruit constant au Kaire est que l'expédition des Français est terminée, et, sans l'échec arrivé à notre escadre, notre armée se serait déjà retirée ; mais en attendant de nouvelles forces maritimes, les ports de l'Égypte sont ouverts aux négociants musulmans, et ceux de Lataquie peuvent en toute sûreté y envoyer leur tabac qui fait toute leur richesse.

Le messager étant de retour d'Alep, Mailly devait mettre sur-le-champ a la voile, tâcher de n'aborder aucune terre et de s'en retourner en droiture à Damiette, d'où il se rendrait sur-le-champ près du général en chef. Il mettrait la même prudence à cacher ses dépêches, et dans le cas où il se verrait forcé de les jeter à la mer, ou qu'elles fussent interceptées par les Anglais, son voyage ne serait pas inutile sous le rapport des nouvelles, en prenant à Lataquie la précaution de faire écrire en arabe les plus saillantes, et de les confier à son interprète, ou de les cacher dans un ballot de tabac[8].

Bonaparte expédiait beaucoup de bâtiments pour donner de ses nouvelles en France ; mais il n'en avait pas reçu depuis le 18 messidor.

Il écrivit au consul français à Tripoli, le 1er fructidor, pour l'instruire des progrès de l'armée, et, comme les Anglais étaient maîtres de la mer, il le priait d'expédier un courrier à Malte, ou à Civita-Vecchia, ou à Cagliari, d'où il gagnerait facilement Toulon ; de lui remettre une lettre dont il lui envoyait copie ; de dire que l'armée de terre était victorieuse et bien établie sans maladies et sans pertes de monde ; que le général en chef se portait bien et qu'on n'ajoutât pas foi en France aux bruits que l'on faisait courir ; de lui envoyer de Tripoli un courrier pour lui faire parvenir les nouvelles qu'il aurait reçues de France, et d'écrire à Malte pour qu'on lui envoyât toutes les gazettes qu'on y recevait ; de lui expédier indispensablement, au moins une fois par décade, un courrier qui irait par mer jusqu'à Derne et de là traverserait le désert ; qu'il rembourserait tous les frais ; qu'il n'osait aventurer de l'argent au travers du désert ; mais que s'il se trouvait à Tripoli un négociant qui eût besoin d'avoir 6.000 francs au Kaire, le consul pouvait les prendre et tirer une lettre de change sur le général en chef ; d'ailleurs il paierait bien tous les courriers qui lui apporteraient des nouvelles intéressantes[9].

Le brick le Lodi arriva à Alexandrie le 5 fructidor, mais il était parti de Toulon le 2 messidor. Il avait soutenu un combat glorieux contre le brick anglais l'Aigle, qui était allé couler bas à Porto-Longo. Il avait traversé la croisière anglaise, et, pour éviter d'être pris, s'était échoué sur la côte entre Abouqyr et Alexandrie, où l'adjudant-général Camin fut tué par les Arabes. Bonaparte écrivit à Sennequier[10], commandant de ce brick, pour louer sa conduite, et l'assurer qu'il récompenserait sa bravoure.

En faisant connaître au schérif de la Mekke l'entrée de l'armée française en Égypte, Bonaparte l'assura de la ferme intention où il était de protéger de tous ses moyens le voyage des pèlerins dans la ville sainte ; que les mosquées et toutes les fondations que Médine et la Mekke possédaient en Égypte continueraient à leur appartenir comme par le passé.

Par les lettres que vous écriront le divan et les différents négociants de ce pays, lui mandait Bonaparte, vous verrez avec quel soin je protège les imans, les schérifs et tous les hommes de loi ; vous y verrez également que j'ai nommé pour émir-haggi Mustapha-Bey, kiaya de Seïd-Aboubeker, pacha-gouverneur du Kaire, et qu'il escortera la caravane avec des forces qui la mettront à l'abri des incursions des Arabes.

Je désire beaucoup que, par votre réponse, vous me fassiez connaître si vous souhaitez que je fasse escorter la caravane par mes troupes, ou seulement par un corps de cavalerie de gens du pays 5 mais, dans tous 'es cas, annoncez a tous les négociants et fidèles que les Musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous, de même que les schérifs et tous les hommes qui emploient leur temps et leurs moyens à instruire les peuples, n'ont pas de plus zélés protecteurs, et que le commerce non-seulement n'a rien à craindre, mais sera spécialement protégé.

J'attends votre réponse par le retour de ce courrier.

Vous me ferez connaître également les besoins que vous pourriez avoir, soit en blé, soit en riz, et je veillerai à ce que tout vous soit envoyé[11].

 

Les cheyks et notables du Kaire écrivirent au schérif de la Mekke, ainsi que Bonaparte le lui avait annoncé, une longue lettre à la rédaction de laquelle il paraît qu'il ne fût pas étranger.

Ils y rappelaient la bataille des Pyramides où les Mamlouks avaient été défaits, la députation envoyée du Kaire au général en chef, l'empressement avec lequel il avait souscrit aux demandes qui lui avaient été faites pour que le culte mahométan continuât à être librement professé, et que la prière pour l'empereur des Ottomans fût faite comme à l'ordinaire.

Il se plut encore, disaient-ils, à informer la députation qu'il était pénétré de la vérité incontestable qu'il n'y a d'autre dieu que Dieu ; que les Français, en général, étaient remplis de vénération pour notre prophète et le livre de notre sainte loi, et que beaucoup d'entre eux étaient convaincus de la supériorité de l'islamisme sur toutes les autres religions ; et, en preuve, il cita la délivrance de tous les Musulmans qu'il trouva esclaves à Malte, quand il eut le bonheur de s'en emparer ; la destruction des églises chrétiennes et des croix, dans les états qu'il a conquis, et particulièrement dans la ville de Venise, où il a fait cesser les vexations qu'on faisait aux Musulmans ; le renversement du trône du pape qui légitimait le massacre des fidèles, et dont le siège était à Rome. Cet ennemi éternel de l'islamisme qui faisait croire aux chrétiens que c'était une œuvre méritoire, aux yeux de Dieu, de verser le sang des vrais croyants, n'existe plus, pour le repos des fidèles, sur lesquels le Tout-Puissant veille avec bonté.

Dans cette lettre, on retraçait encore tout ce que le général en chef avait fait pour prévenir le pillage de la caravane de la Mekke par les Arabes, et les secours qu'il avait accordés aux pèlerins échappés à la déprédation et à la mort ; la solennité qu'il avait donnée à l'ouverture des eaux du Nil, à la fête du prophète, la nomination de l'émir-haggi, et les précautions qu'il prenait pour la sûreté future de la caravane.

Le schérif Galib, fils de Mussayd, sultan de la Mekke, répondit à l'émir Bonaparte, le protecteur des ulémas et l'ami de la sacrée Caaba ; l'assura que les pèlerins qui viendraient la visiter n'avaient rien à craindra, l'invita à prendre quelque mesure pour encourager le commerce du café, les négociants de l'Hedjas n'étant point encore rassurés contre les vexations qu'ils éprouvaient de la part des Mamlouks ; à leur faire connaître les droits qu'ils auraient à payer, lui promettant qu'alors ils accourraient en foule.

Parmi les pachas de la Porte, celui avec lequel il importait le plus à Bonaparte de maintenir la paix, était le fameux Achmet, pacha de Saïde (Sidon) et de Saint-Jean-d'Acre, surnommé Djezzar, ou le boucher. Cet homme féroce et entreprenant, commandait avec le titre de vizir tout le pays situé entre le Nahr-el-Keb et Césarée, et avait une grande puissance. Il était à la fois son ministre, son chancelier, son trésorier et son secrétaire, souvent même son jardinier, son cuisinier, et quelquefois juge et bourreau. Il avait le vêtement d'un simple Arabe, et sa barbe blanche descendait sur sa poitrine. Il portait dans sa ceinture un poignard garni de diamants, comme marque d'honneur de son gouvernement. Il donnait ses audiences, assis sur une natte, dans une  chambre sans meubles, ayant près de lui un pistolet à quatre coups, une carabine à vent, une hache et un long sabre. Pendant la conversation, il découpait avec des ciseaux toutes sortes de figures en papier. Dans ses antichambres, on voyait des domestiques mutilés de toutes les manières ; l'un avait perdu une oreille, l'autre un œil, l'autre un bras. L'intérieur de son harem était inaccessible ; on ne connaissait point le nombre de ses femmes ; celles qui entraient une fois dans cette prison mystérieuse étaient perdues pour le monde. On leur donnait à manger par un tour, et c'était par là aussi que le médecin tâtait 4e pouls de celles qui étaient malades. Il tuait de sa propre main celles dont la fidélité lui était suspecte. Il avait alors près de soixante ans ; mais sa vigueur était encore celle d'un homme dans la force de l'âge.

Tel était l'homme, dit un Anglais[12], auquel l'Angleterre associa un de ses braves officiers, Sydney-Smith ; ce fut aux drapeaux ensanglantés de ce monstre que la Grande-Bretagne réunit son étendard.

Bonaparte envoya à Achmet-Pacha le chef de bataillon Beauvoisin pour lui remettre en main propre une lettre et lui en développer de vive voix le contenu.

Cette lettre était ainsi conçue :

En venant en Égypte faire la guerre aux beys, j'ai fait une chose juste et conforme à tes intérêts, puisqu'ils étaient tes ennemis. Je ne suis point venu faire la guerre aux Musulmans. Tu dois savoir que mon premier soin en entrant à Malte, a été de faire mettre en liberté 2.000 Turcs qui, depuis plusieurs années, gémissaient dans l'esclavage. En arrivant en Égypte, j'ai rassuré le peuple, protégé les muphtis, les imans et les mosquées. Les pèlerins de la Mekke n'ont jamais été accueillis avec plus de soin et d'amitié que je ne l'ai fait, et la fête du prophète vient d'être célébrée avec plus de splendeur que jamais.

Je t'envoie cette lettre par un officier qui te fera connaître de vive voix mon intention de vivre en bonne intelligence avec toi, en nous rendant réciproquement tous les services que peuvent exiger le commerce et le bien des États ; car les Musulmans n'ont pas de plus grands amis que les Français[13].

 

Djezzar-Pacha ne voulut ni recevoir Beauvoisin, ni répondre à Bonaparte, ainsi qu'on le voit par les deux lettres suivantes :

Beauvoisin, envoyé du général en chef Bonaparte, à El-Hadji-Achmet-Pacha, Djezzar.

J'ai l'honneur de vous informer que, dans ce moment, j'arrive dans le port de votre capitale, venant de la part du général en chef Bonaparte, votre intime ami. Je suis porteur d'une lettre pour vous 5 qui vous fera connaître les sentiments d'estime et d'attachement qu'il vous porte. Je me flatte que, conformément aux ordres qu'il m'a donnés, vous m'admettrez à votre audience, pour que je puisse dissiper tous les doutes et soupçons qu'on a cherché à répandre sur ses vues ultérieures, et raffermir entre vous la bonne harmonie et la bonne intelligence ; et, si vous jugez à propos de m'accorder cet honneur, mes vœux seront remplis, et je ne cesserai de prier Dieu pour la conservation de vos jours.

 

Au même.

Après vous avoir prié d'agréer les vœux que je fais pour votre prospérité, j'ai l'honneur de vous informer qu'en conséquence de la réponse que vous m'avez faite par l'entremise de votre serviteur le Reis-Mustapha, il ne me reste plus qu'à retourner vers le général en chef Bonaparte, votre ami particulier ; et en effet il ne m'appartient pas de vous demander les raisons pour lesquelles vous n'avez pas trouvé à propos de me recevoir et de me donner un moment d'audience. Je partirai avec un grand regret, celui de n'avoir pu moi-même vous témoigner les sentiments d'estime et d'amitié que le général en chef Bonaparte a et aura toujours pour vous. Je prendrai cependant la liberté de vous assurer que la République Française est disposée à resserrer les liens de bonne harmonie qui l'attachent à vous, et à vous en donner des preuves convaincantes toutes les fois qu'elle trouvera quelque chose à faire pour vous. Mais pour vous mettre plus à même de juger des sentiments distingués du général en chef envers vous, je dois vous envoyer la lettre qu'il vous a écrite, et, si vous le jugez à propos, vous me chargerez de lui en porter la réponse. Agréez les adieux que je vous fais d'ici, et les vœux que je ne cesserai de faire pour votre prospérité.

 

Djezzar, comme tous les Orientaux, se servait souvent d'allégories et de paraboles. Voici l'apologue par lequel il expliquait les raisons qui le rendaient ennemi des Français :

Un esclave noir, disait-il, après un long voyage où il avait souffert tous les genres de privations, arriva dans un petit champ de cannes à sucre. Il s'y arrêta, s'abreuva de cette liqueur délicieuse, et se détermina à s'établir dans ce champ. Un moment après passèrent deux voyageurs qui se suivaient. Le premier lui dit : salamaleck — le salut soit avec toi —. Le diable t'emporte, lui répondit l'esclave. Le second voyageur s'approcha de lui et lui demanda pourquoi il avait si mal accueilli un propos plein de bienveillance. — J'avais de bonnes raisons pour cela, répliqua-t-il ; si ma réponse eût été amicale, cet homme m'aurait accosté, se serait assis auprès de moi, il aurait partagé ma nourriture, l'aurait trouvée bonne, et aurait cherché à en avoir la propriété exclusive.

 

Les négociants français, établis à Jaffa, ayant fait part de leurs sollicitudes au général en chef, il leur répondit :

Je n'ai reçu qu'aujourd'hui, citoyens, votre lettre du 9 thermidor. Je vois avec peine la position dans laquelle vous vous trouvez ; mais les nouvelles ultérieures que l'on aura eues de nos principes, auront, j'en suis persuadé, dissipé toutes les alarmes qui vous entouraient.

Je suis fort aise de la conduite de l'aga gouverneur de la ville : les bonnes actions trouvent leur récompense, et celle-là aura la sienne.

Malheur, au reste, à celui qui se conduira mal envers vous ! Conformément à vos désirs, le divan, composé des principaux cheyks du Kaire, le kiaya du pacha, et le mollah d'Égypte, et celui de Damas, qui se trouvent ici, écrivent en Syrie, pour dissiper toutes les alarmes. Les vrais Musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous[14].

 

Les notables musulmans du Kaire écrivirent en effet en Syrie dans les mêmes termes qu'au schérif de la Mekke, et rappelèrent tous les titres que le général en chef s'était acquis à la confiance des vrais croyants.

Le climat de l'Égypte est sain ; mais la peste règne souvent sur ses côtes.

Le général en chef établit une administration destinée à faire exécuter, autant que les circonstances et les localités le permettraient, les règlements sanitaires du lazaret de Marseille, le plus vaste, le plus commode et le mieux administré de toute l'Europe. Il plaça à la tête de cette administration, sous le titre d'ordonnateur des lazareths, le citoyen Blanc, un des anciens conservateurs de celui de Marseille. Les autres employés furent choisis parmi les anciens capitaines du commerce, et les gardiens de santé parmi les marins de tout grade, habitués a la navigation du Levant. Déjà des mesures avaient été prises pour l'établissement de lazarets à Alexandrie, Rosette et Damiette. Le général en chef créa au Kaire un bureau de santé et de salubrité pour cette ville.

L'ophtalmie est une maladie du pays. Saint Louis ramena de son expédition une foule d'aveugles ; c'est pour eux que fut établi, à Paris, l'hospice des Quinze-Vingts.

Cette maladie fut la première qui se déclara dans l'armée. Les gens de l'art n'étaient pas plus d'accord sur les moyens de la traiter que sur les causes qui la produisaient. Des empiriques du pays surprenaient la crédulité des militaires qui en étaient atteints. La chaleur brûlante du jour, la réfraction des rayons du soleil par la blancheur des corps répandus sur le sol ; l'usage immodéré des liqueurs spiritueuses et des femmes ; la poussière entraînée par l'air ; surtout la suppression de la transpiration cutanée par le passage subit du chaud au froid ; l'humidité et la fraîcheur des nuits pour les militaires qui bivouaquaient, furent regardés par les chirurgien et médecin en chef comme les causes de l'ophtalmie. Ils publièrent des avis pour engager les militaires à prendre tous les moyens de se garantir de la fraîcheur des nuits. Traitée selon les préceptes de l'art, l'ophtalmie n'avait point de suites fâcheuses, et, quand elle était suivie de cécité, ce n'était que par la confiance du soldat dans les remèdes des empiriques, par sa négligence à se rendre à l'hôpital, et à observer le régime qui lui était prescrit.

Une des premières sollicitudes du général en chef fut d'établir des hôpitaux. Le Kaire offrait des ressources, mais tout était à créer. La maison d'Ibrahim-Bey fut érigée en hôpital pour 500 malades. Il y en eut aussi dans les principales villes, sans compter les hôpitaux régimentaires. Bonaparte rechercha et régla avec un grand soin tout ce qui pouvait prévenir les maladies ou en abréger la durée et les guérir. Les bains, la propreté, les mesures hygiéniques devinrent le texte habituel de ses ordres du jour ; on le verra se charger lui-même d'exécuter ses ordonnances, et affronter la contagion. Il visita le grand hôpital du Kaire, quelques jours après son établissement, et témoigna son mécontentement de la pénurie d'eau, d'eau-de-vie, de médicaments dans laquelle il l'avait trouvé. Il ordonna que les officiers fussent mis dans des chambres séparées, ce qui lui paraissait essentiel dans un pays où tout homme malade était obligé d'aller à l'hôpital ; et il requit deux moines de Terre-Sainte pour y être toujours de planton, afin de servir d'interprètes et de soigner les malades[15].

Depuis le 15 messidor jusqu'au 30 fructidor, il entra dans les hôpitaux 1.500 malades, et il n'en mourut qu'environ 60[16].

Vaincre, chasser les beys et les Mamlouks, soumettre les populations diverses, conquérir, ce n'était pas assez pour Bonaparte. Procurer aux Égyptiens quelques-uns des avantages de la civilisation, adoucir leur condition, en faire les alliés de ses armes, ramener sur les rivages du Nil les sciences et les arts qui en étaient depuis si longtemps exilés, telle était sa noble ambition. Il va donc ouvrir la carrière aux savants, aux artistes que la République Française a attachés à, l'expédition.

Il chargea Monge, Berthollet et Caffarelli-Dufalga de se concerter pour choisir au Kaire une maison dans laquelle on pût établir l'imprimerie française et arabe, un laboratoire de chimie, un cabinet de physique et un observatoire, où il y eût une salle pour l'institut, et de lui présenter une organisation avec l'état de la dépense[17].

Il arrêta qu'il serait établi au Kaire un institut pour les sciences et les arts, qui s'occuperait principalement, 1° du progrès et de la propagation des lumières en Égypte ; 2° de la recherche, de l'étude, et de la publication des faits naturels et historiques.

Il en nomma d'abord membres Monge, Berthollet, Caffarelli, Geoffroy, Desgenettes et Andréossy, et les invita à se réunir pour désigner les personnes qui devaient compléter l'institut, et pour faire un règlement d'organisation[18].

Il fut divisé en quatre sections, de mathématiques, de physique, d'économie politique, de littérature et beaux-arts, et composé de 36 membres[19].

Un des palais des beys fut consacré aux séances, à des collections de machines, d'instruments apportés de France, aux curiosités du pays, des trois règnes de la nature, et au logement des savants. Le jardin devint un jardin de botanique ; il était très-vaste, on y éleva un fort dit de l'Institut. Un laboratoire de chimie fut placé au quartier-général. Les mœurs simples des savants, leurs travaux, l'utilité dont ils étaient, leur acquirent de la considération dans l'armée et parmi les habitans. Les travaux sont connus ; nous nous bornerons donc à en rappeler quelques-uns lorsqu'il y aura lieu, et ici à rapporter quelques vues soumises à l'institut par le général en chef. Ce corps savant ouvrit sa première séance le 6 fructidor.

Monge fut d'abord nommé président, Bonaparte vice-président et Fourier secrétaire perpétuel. Le général en chef proposa ces questions :

1° Les fours employés pour la cuisson du pain de l'armée sont-ils susceptibles de quelques améliorations, sous le rapport de la dépense du combustible, et quelles sont ces améliorations ?

2° Existe-t-il en Égypte des moyens de remplacer le houblon dans la fabrication de la bière ?

3° Quels sont les moyens usités de clarifier et de rafraîchir l'eau du Nil ?

4° Dans l'état actuel des choses au Kaire, lequel est le plus convenable à construire, du moulin à eau ou du moulin à vent ?

5° L'Égypte présente-1-elle des ressources pour la fabrication de la poudre, et quelles sont ces ressources ?

6° Quelle est en Égypte la situation de la jurisprudence, de l'ordre judiciaire civil et criminel, et de l'enseignement ? Quelles sont les améliorations possibles dans ces parties, et désirées par les gens du pays ?

A la séance du 26 fructidor, Bonaparte remit sur le bureau un exemplaire de la Connaissance des temps pour l'an VII, et invita l'institut à s'occuper de la rédaction d'un almanach comprenant la division du temps selon l'usage des Français, celui des Cophtes et celui des Musulmans. Une commission fut nommée pour faire ce travail.

A la séance du 21 vendémiaire an VII, sur la proposition de Bonaparte, on discuta les questions suivantes, et on chargea des commissions de les examiner.

1° Recueillir les renseignements les plus exacts sur les moyens de cultiver la vigne, et désigner les parties du territoire les plus convenables à cette culture ;

2° Accorder un prix au projet le meilleur et le plus économique de fournir de l'eau à la citadelle du Kaire ;

3° Comment on pourrait utiliser l'immense amas de décombres qui formait en quelque sorte l'enceinte de cette ville.

4° Établir un observatoire, chercher les moyens d'en accélérer l'établissement, et choisir un emplacement convenable.

5° Le Meqyas ou Nilomètre du Kaire, pouvant donner lieu à des recherches intéressantes, sous le double rapport de la géographie ancienne et de son usage, décrire exactement ce monument ; rappeler les faits historiques dont il était l'objet, indiquer les changements qu'il avait éprouvés, ou ceux qui seraient dus à l'élévation du fond même du fleuve ; en même temps examiner si on pourrait placer avec avantage, dans cet endroit des machines mues par les courants d'eau.

6° Commencer le plus promptement possible une suite non interrompue d'observations thermométriques et hygrométriques, et des expériences sur les mouvements lents et les oscillations de l'aiguille aimantée.

7° Faire creuser des puits dans divers endroits du désert voisin, afin d'examiner avec soin la nature des eaux et toutes les circonstances accessoires.

8° Examiner dans le voisinage de l'aqueduc portant l'eau à la citadelle une quantité assez considérable de colonnes qui semblaient avoir été destinées autrefois à décorer un édifice public.

A la séance du 21 brumaire, sur la proposition de Bonaparte, l'Institut créa une commission pour examiner les procédés que suivaient les habitans du pays dans la culture du blé, et les comparer avec ceux qui étaient en usage en Europe.

L'Institut d'Égypte correspondait avec l'Institut national de France. A la séance du 16 frimaire, Bonaparte communiqua le résultat des différentes recherches faites sur l'état-civil, l'ordre judiciaire et le système religieux et politique de l'Égypte.

Le 26, il fut nommé président.

A compter de cette époque, on ne voit plus dans les procès-verbaux de l'Institut que Bonaparte ait même assisté à ses séances. Il en fut empêché, sans doute, par les opérations militaires qui interrompirent aussi à plusieurs reprises les travaux de ce corps savant.

On publia deux journaux au Kaire, l'un sous le nom de Décade Égyptienne contenant les travaux de l'Institut et de la commission des sciences et arts ? l'autre intitulé Courrier de l'Égypte, faisait connaître la situation politique intérieure et extérieure du pays ; c'était le journal officiel.

Tandis que les pouvoirs civils et militaires s'établissaient, Bonaparte, du Kaire, dirigeait leurs opérations et s'occupait de compléter l'organisation de l'armée, d'améliorer les divers services, distribuait le blâme et les récompenses, et assurait par des moyens de police la tranquillité de la capitale de l'Égypte. Tel fut le but d'une foule de dispositions isolées prises par le général en chef, et dont nous rapportons ici un choix, pour donner une idée de l'esprit dans lequel elles étaient conçues.

Pour monter la cavalerie et organiser les transports, le général en chef ordonna une réquisition de chevaux et de chameaux, et affecta à ces services ceux qui appartenaient aux Mamlouks, ou qui avaient été pris à l'ennemi. Les chameaux furent spécialement destinés à porter les pièces de canon de trois, leurs munitions, les cartouches de l'infanterie, pour diminuer le plus possible les caissons. Un chameau fut mis, par division, à la disposition du commandant du génie, pour porter les outils des pionniers. Après avoir pourvu aux besoins de l'artillerie, qui avaient la préférence, il fut accordé à chaque bataillon pour porter ses bagages deux chameaux, un au chef de brigade et au quartier maître pour porter les registres et la caisse. Il était alloué au capteur des animaux pris à l'ennemi quatre louis pour un cheval, et six pour un chameau. Il y avait peine de mort contre tout soldat qui entrerait dans les maisons des habitans pour voler des chevaux et chameaux[20].

Les provinces furent divisées en arrondissements pour subvenir aux approvisionnements des villes, places et corps de troupes. Les intendants des provinces furent chargés ? sous la surveillance des généraux commandants, d'envoyer sur les points qui leur étaient désignés et aux époques fixées les quantités d'approvisionnements qui leur étaient demandées.

D'après un ordre du général en chef, il ne fut. fabriqué qu'une seule qualité de pain pour toute l'armée ; l'état-major et les administrations reçurent leurs rations en pain de munition. Un pain plus soigné fut fait seulement pour les hôpitaux, et il fut défendu, sous quelque prétexte que ce fût, aux administrateurs et aux gardes-magasins, de donner de ce pain au général en chef, à aucun général, ni au munitionnaire général[21].

L'adjudant général Beauvais ayant donné sa démission, Bonaparte l'accepta en ces termes[22] : Un officier qui, se portant bien, offre sa démission au milieu d'une campagne, ne peut pas être venu dans l'intention d'acquérir de la gloire, et de concourir au grand but de la paix générale ; il a été conduit ici par tout autre motif, et dès-lors n'est point digne des soldats que je commande.

L'adjoint aux adjudants-généraux, Beauvoisin (Calmet), fut destitué et renvoyé en France pour avoir quitté son poste et tenu des propos propres à décourager le soldat[23].

Il fut ordonné aux particuliers chez qui se trouveraient de jeunes Mamlouks ayant plus de 8 ans et moins de 16, des esclaves noirs ou blancs du même âge, ayant appartenu à des Mamlouks et par eux délaissés, de les restituer et de les déposer chez le commandant du Kaire, pour être mis en subsistance dans les corps de la garnison et être incorporés dans l'armée à raison de neuf par bataillon et 4 par escadron. Ceux au-dessous de 14 ans furent employés comme tambours[24].

Chaque soldat, canonnier ou charretier fut astreint à se procurer un bidon en fer-blanc, capable de contenir l'eau nécessaire à un homme pour un jour.

La ration du café fut fixée à une demi-once ; il ne pouvait en être distribué à la troupe que par ordre du général en chef[25].

L'obéissance des soldats et leur dévouement au général en chef n'en faisaient point de vils automates. Ils conservaient toujours le sentiment de leurs droits, et les réclamaient par fois avec énergie. Le conseil d'administration de la 6ge demi-brigade lui écrivit[26] : Si en venant vous dire : on nous doit, sans cesse on nous fait espérer de nous mettre au niveau de toute l'armée, et cette promesse n'est jamais qu'un vain espoir, c'était nous nuire dans votre estime, seul bien dont nous soyons jaloux, nous ferions, n'en doutez pas, le sacrifice de nos créances comme tant de fois nous l'avons fait de notre sang, satisfaits d'obtenir un regard de vous. Mais vos ordres ne sont point exécutés, vos volontés ne sont point remplies. Il nous est dû, arriéré de solde, gratifications, etc., en tout 144.011 fr. 19 s. 6 d. Nous ne demandons que ce que votre intention est de nous donner. Nous ne courons point après les richesses ; nous ne sommes point des Espagnols traversant les mers pour elles. Il nous suffit de votre estime et de la gloire de vous suivre.

Depuis son entrée en Égypte, l'armée avait reçu sa solde des mois de floréal, prairial et messidor ; mais elle avait un arriéré antérieur à ce trimestre. L'ordonnateur en chef était chargé d'un travail à cet égard ; elle en avait été prévenue. En transmettant ces renseignements au conseil d'administration de la 69e, Bonaparte lui répondit qu'il allait demander un rapport sur sa réclamation, et ajouta[27] : S'il est constaté que vous ayez touché moins de paye que le reste de l'armée, je donnerai sur-le-champ les ordres, et je prendrai les mesures pour que vous soyez mis au courant.

Il y avait, à toutes les rues du Kaire, des portes qui étaient fermées la nuit pour empêcher les incursions des Arabes qui venaient piller. Elles pouvaient être dangereuses à la garnison française, et favoriser les habitans en cas de révolte. Le général en chef les fit détruire. A la révolte du 1er brumaire on se trouva bien de cette précaution.

Il entrait dans tous les détails journaliers du service de la place. D'après ses instructions au général Dupuis, qui la commandait, la vigilance était plus nécessaire pour sa tranquillité, qu'une grande dissémination des troupes. Quelques officiers de service parcourant la ville, quelques sergents de planton, sur des ânes, et se croisant, des adjudants majors visitant les endroits les plus importants, quelques Francs se faufilant dans les marchés, dans les différents quartiers, quelques compagnies de réserve pour envoyer dans les lieux où il y aurait du trouble, étaient plus utiles et fatiguaient moins que des gardes fixées sur des places et dans des carrefours. Sans la surveillance à exercer sur les maisons des Mamlouks, 400 hommes d'infanterie et 50 de cavalerie auraient suffi pour le service de la place ; il pensait donc que 2.00 hommes étaient plus que suffisants[28].

Il y avait, en Égypte, une immense quantité d'ânes d'une grande et belle race. Au Kaire, ils servaient de monture aux habitans et surtout aux femmes. Moyennant une petite quantité de parahs, les soldats en avaient un à leur disposition pendant une journée. La vitesse avec laquelle ils les faisaient courir causaient des accidents dans les rues. Un ordre du jour leur recommanda de mener les ânes moins vite et les rendit responsables des dommages qu'ils occasionneraient[29].

Des soldats s'étant permis d'insulter publiquement des femmes égyptiennes au Kaire, avec une violence qui répandit de l'effroi, en attendant qu'on pût les reconnaître et les punir, et pour éviter un pareil abus, le général en chef ordonna que les chefs de corps de la garnison désigneraient, chaque jour, deux sous-officiers pour parcourir la ville, veiller au bon ordre et faire arrêter les soldats qui le troubleraient[30].

Étant à Alexandrie, Bonaparte avait ordonné aux habitans de cette ville de porter la cocarde tricolore ; il étendit cette mesure aux habitans de toute l'Égypte. Les bâtiments naviguant sur le Nil furent tenus de porter aussi le pavillon aux trois couleurs. Il défendit aux généraux commandant dans les provinces et aux officiers français d'admettre aucun individu du pays à leur parler s'il n'avait la cocarde, et aux commandants de la marine de laisser naviguer les bâtiments qui n'auraient pas le nouveau pavillon. Les membres du divan seuls purent porter, comme distinction, un shal tricolore sur l'épaule. Au 1er vendémiaire de l'an 7, le pavillon tricolore fut arboré sur le plus haut minaret du château du Kaire et sur les plus hauts minarets du chef-lieu des provinces[31].

Des habitants du Kaire se firent un scrupule de se conformer à cette mesure. Bonaparte voulut se charger lui-même de le dissiper. Il réunit chez lui les membres du divan et quelques personnages influents sur l'esprit du peuple. Il entendit leurs objections, les discuta et se livra, pendant deux longues conférences, à une discussion théologique qui étonna les docteurs et parut les convaincre. Les membres du divan prirent, en sa présence, la cocarde tricolore, et promirent que bientôt tous les Égyptiens la porteraient.

Il fut créé, au Kaire, dix compagnies de garde nationale, composées de tous les employés, individus quelconques, à la suite de l'armée et de tous les Européens résidant dans la ville ; il leur fut distribué des fusils provenant du désarmement des habitans ; chaque garde national était tenu d'avoir 50 cartouches du calibre de son arme. Ces compagnies ne faisaient pas de service ; en cas de générale, elles devaient se rendre aux postes qui leur étaient désignés d'avance[32].

Le général en chef faisait par fois la police à la manière des Turcs. Faites couper, écrivit-il au général Dupuis[33], la tête aux deux espions, et faites les promener, dans la ville, avec un écriteau qui apprenne que ce sont des espions du pays. Faites savoir à l'aga, que je suis très-mécontent des propos que l'on tient dans la ville contre les chrétiens.

Un exemple de sévérité fut donné sur la personne du schérif Koraïm d'Alexandrie. Lorsque envoyé de Rosette par Menou, il fut arrivé au Kaire, Bonaparte le fit renfermer dans la citadelle, recommanda, au général Dupuis, de prendre des précautions pour qu'il ne s'échappât pas et de l'interroger pour savoir si, depuis qu'il avait juré fidélité, il avait écrit à Mourad-Bey et aux Mamlouks, et quelle espèce de correspondance il avait eue avec les Arabes du Bahyreh[34]. Il fut condamné à mort et décapité, le 20 fructidor, sur la place de la citadelle. Sa tête fut promenée dans les rues du Kaire avec un écriteau portant : Koraïm schérif d'Alexandrie, condamné à mort pour avoir trahi le serment de fidélité qu'il avait fait il la République Française et avoir continué ses relations avec les Mamlouks auxquels il servait d'espion. Ainsi seront punis les parjures et les traîtres.

La mort de ce schérif est le premier des nombreux chefs d'accusation portés contre Bonaparte pendant la guerre d'Égypte. Des âmes sensibles se sont apitoyées sur le triste sort de cet honnête Musulman, immolé par le général en chef. On a vu que c'était Kléber qui, convaincu de sa trahison, l'avait fait arrêter et dénoncé à Bonaparte.

Du reste, toutes les mesures prises pour s'emparer de ses biens qui furent confisqués, restèrent sans effet ; prévoyant son sort, il avait fait disparaître tout ce qu'il possédait.

Le drapeau tricolore, planté sur la plus haute des pyramides, annonça aux habitans de l'Égypte la commémoration de la fondation de la République.

Le général en chef ordonna qu'elle serait célébrée par une fête civique sur tous les points où se trouvait l'armée, et en traça lui-même le programme.

A Alexandrie on devait, en exécution de son ordre du jour du 17 messidor, graver sur la colonne de Pompée, en présence de la garnison, les noms des Français tués à la prise de cette ville, arborer le pavillon tricolore au haut de la colonne, et illuminer l'aiguille de Cléopâtre.

Au Kaire, au milieu de la place d'Esbeckieh, devait s'élever une pyramide à sept faces destinées à recevoir chacune les noms des Français morts à la conquête de l'Égypte dans les cinq divisions de l'armée ; la marine, l'état major, la cavalerie, le génie et l'artillerie. Une députation de chaque bataillon était envoyée aux pyramides pour y planter le drapeau national. Des manœuvres, des courses, des illuminations, concouraient à la solennité de cette journée.

Dans la Haute-Égypte, c'était sur les ruines de Thèbes que les troupes célébraient la fête[35].

Bonaparte adressa, le jour de la fête, la proclamation suivante à l'armée :

Soldats !

Nous célébrons le premier jour de l'an VII de la République.

Il y a cinq ans, l'indépendance du peuple français était menacée ; mais vous prîtes Toulon, ce fut le présage de la ruine de nos ennemis.

Un an après vous battiez les Autrichiens à Dégo.

L'année suivante, vous étiez sur le sommet des Alpes. Vous luttiez contre Mantoue, il y a deux ans, et vous remportiez la célèbre victoire dt1 Saint-George.

L'an passé vous étiez aux sources de la Drave, et de l'Isonzo, de retour de l'Allemagne.

Qui eût dit, alors, que vous seriez aujourd'hui sur les bords du Nil, au centre de l'ancien continent.

Depuis l'Anglais, célèbre dans les arts et le commerce, jusqu'au hideux Bédouin, vous fixez les regards du monde.

Soldats, votre destinée est belle parce que vous êtes dignes de ce que vous avez fait, et de l'opinion que l'on a de vous. Vous mourrez avec honneur comme les braves dont les noms sont inscrits sur cette pyramide, ou vous retournerez dans votre patrie couverts de lauriers, et de l'admiration de tous les peuples.

Depuis cinq mois que nous sommes éloignés de l'Europe, nous avons été l'objet des sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, quarante millions de citoyens célèbrent l'ère des gouvernements représentatifs. Quarante millions de citoyens pensent à vous. Tous disent : C'est à leurs travaux, à leur sang, que nous devrons la paix générale, le repos, la prospérité du commerce et les bienfaits de la liberté civile.

 

Le cinquième jour complémentaire, au soleil couchant, la fête fut annoncée au Kaire par trois salves d'artillerie.

Le lendemain, au lever du soleil, trois autres salves répétées par toute l'artillerie des divisions, par celle du parc et de la marine, furent le signal du commencement de la fête.

Aussitôt, la générale battit dans la ville, toutes les troupes, dans la plus grande tenue, prirent les armes et se rendirent sur la place d'Esbeckieh.

Là, avait été tracé un cirque de 200 toises de diamètre, dont le pourtour était formé de 105 colonnes, décorées d'un drapeau tricolore, portant le nom de chacun des départements de la République. Ces colonnes étaient réunies par une double guirlande, emblème de l'unité et de l'indivisibilité de toutes les parties de la France républicaine.

L'une des entrées du cirque était décorée par un arc de triomphe, sur lequel était représentée la bataille des Pyramides ; l'autre l'était par un portique au-dessus duquel on avait placé des inscriptions arabes. L'une d'elles était ainsi conçue : Il n'y a de dieu que Dieu, et Mahomet est soit prophète. Au milieu de ce cirque s'élevait un obélisque de granit de 70 pieds de hauteur. Sur l'une de ses faces était gravé en lettres d'or : A la République française, l'an VII, sur celle opposée : A l'expulsion des Mamlouks, l'an VI. Sur les côtés latéraux, ces deux inscriptions étaient traduites en arabe.

Des bas-reliefs ornaient le piédestal de cet obélisque. Sur le tertre environnant, sept autels de forme antique, entremêlés de candélabres, supportaient des trophées d'armes surmontés de drapeaux tricolores et de couronnes civiques. Au milieu de chacun de ces trophées était placée la liste des braves de chaque division, morts en délivrant l'Égypte du despotisme des Mamlouks.

Lorsque toutes les troupes furent réunies sur la place d'Esbeckieh, le général en chef s'y rendit, accompagné de l'état-major général, des généraux de division, de leur état-major, du commissaire-ordonnateur en chef, des commissaires des guerres, des administrations et des savans, ainsi que du kiaya du pacha, de l'émir-hadji, et des membres du divan, tant du Caire que des provinces.

Le général en chef et son cortège vinrent se placer sur la plate-forme environnant l'obélisque. De superbes tapis couvraient le tertre. Toutes les musiques de demi-brigades réunies exécutaient des marches guerrières, et firent entendre des airs patriotiques et des chants de victoire.

Les troupes, après avoir exécuté, avec la plus étonnante précision, les manœuvres et exercices à feu ordonnés par le général en chef, vinrent se ranger autour de l'obélisque. Un adjudant-général donna lecture de la proclamation du général en chef ; elle fut écoutée dans le plus grand silence, et accueillie par les cris mille fois répétés de vive la République ! L'orchestre exécuta ensuite un hymne de la composition de Parceval, musique de Riguel, ainsi que la Marche des Marseillais, le Chant du départ, et d'autres airs patriotiques. Toutes les troupes défilèrent ensuite dans le plus grand ordre, devant le général en chef, qui se retira au quartier-général, accompagné comme il l'avait été en se rendant sur la place.

Tout l'état-major, tous les généraux, tous les chefs de corps, les employés des administrations, les Arabes, les savants, le kiaya du pacha, l'émir, les membres du divan, les agas et commandants turcs, avaient été invités à dîner par le général en chef.

Une table, de cent-cinquante couverts, somptueusement servie, était dressée dans la salle basse de la maison qu'il occupait. Les couleurs françaises étaient unies aux couleurs turques ; le bonnet de la liberté et le croissant, la table des Droits de l'homme et le Koran se trouvaient sur la même ligne. La gaîté française était modérée par la gravité turque. On laissa aux Musulmans la liberté des mets, des boissons, et ils parurent très-satisfaits des égards que l'on eut pour eux.

Au dessert plusieurs toasts furent portés ; voici les principaux :

Le général en chef : A l'an 300 de la République Française !

Un de ses aides-de-camp : Au Corps-Législatif et au Directoire-Exécutif !

Le citoyen Monge, président de l'Institut d'Égypte : Au perfectionnement de l'esprit humain ; aux progrès des lumières !

Le général Berthier : A l'expulsion des Mamlouks ; au bonheur du peuple d'Égypte.

Chacun de ces toasts fut accueilli par les applaudissements de tous les convives, et chaque fois la musique exécutait des airs analogues. Des couplets patriotiques, chantés par des militaires, terminèrent gaîment ce banquet civique.

A quatre heures, les courses commencèrent. Le premier prix de celle à pied fut gagné par le caporal Pathon, du 1er bataillon de la 75e demi-brigade : le second, par Mariton, aussi caporal dans le 3e bataillon de la même demi-brigade.

Les courses de chevaux étaient attendues avec une grande impatience par tous les spectateurs. Chacun désirait voir les chevaux français disputer le prix avec les chevaux arabes. La réputation de ces derniers était grande, mais ce jour devait la voir détruire. L'espace à parcourir était de 1.350 toises. Au signal donné, six chevaux, dont cinq arabes, s'élancèrent dans la carrière ; le cheval français eut constamment l'avantage sur les autres. Il arriva le premier au but sans être fatigué, tandis que les autres étaient hors d'haleine. En conséquence le premier prix fut donné au citoyen Sucy, commissaire-ordonnateur en chef, propriétaire du cheval, qui avait parcouru en quatre minutes l'espace déterminé ; le second prix au général Berthier, propriétaire d'un cheval arabe, arrivé le second au hut, ayant mis pour parcourir l'espace quatre minutes dix secondes ; le troisième, au citoyen Junot, aide-de-camp du général en chef, propriétaire d'un cheval arabe arrivé le troisième au but, ayant employé pour parcourir l'espace quatre minutes quinze secondes.

Les vainqueurs des courses furent promenés en triomphe autour du cirque[36].

La fête fut célébrée de la même manière dans les provinces et avec toute la solennité que comportaient les localités.

Quelques jours après, il y eut au Kaire plusieurs réunions de Français pour fêter l'anniversaire du 13 vendémiaire an de cette journée qui mit Bonaparte en évidence. On y porta ce toast en son honneur : dans l'espace de trois ans il a laissé bien loin, derrière lui, les hommes de tous les pays et de tous les siècles. Puisse-t-il vivre assez pour être témoin de l'admiration de l'Europe libre et de l'Afrique civilisée ! Bénaben lut une ode de sa composition où l'on remarquait cette strophe :

Héros, enfant de la Victoire,

Dont le bras sauva mon pays,

Ta vie appartient a l'histoire ;

Elle en est le juge et le prix.

Du temps ne crains point le ravage :

Le temps efface-t-il l'image

Des Camille et des Scipion ?

Digne héritier de leur vaillance,

Tu sus, en illustrant la France,

Réunir en toi ces deux noms.

Revenons à l'administration intérieure de l'Égypte.

Le traitement des membres des divans et des agas fut fixé par le général en chef à 1.200 fr. par an pour chacun ; la solde des janissaires à huit médin par jour, et une ration de pain. Cette dépense était imputée sur la portion des impositions territoriales qui était affectée aux kachefs[37].

Ce n'était pas assez d'avoir donné aux provinces une administration particulière, il fallait encore connaître exactement les besoins et les ressources de l'Égypte, et pour cela y introduire une sorte de représentation nationale ; tel fut l'objet d'un arrêté du 20 fructidor (6 septembre), par lequel le général en chef convoquait au Kaire, pour le 20 vendémiaire suivant, une assemblée générale des notables. Chaque province devait envoyer une députation composée de trois hommes de loi, trois négociants, trois fellahs, cheyks-el-beled, et chefs d'Arabes. La députation des provinces de Charqyeh et de Menoufiyeh était double, et celle du Kaire triple. Il était recommandé aux généraux commandant dans les provinces, de choisir les députés parmi les gens qui avaient le plus d'influence sur le peuple et les plus distingués du pays par leurs lumières, leurs talents et la manière dont ils avaient accueilli les Français, et de ne nommer aucun de ceux qui se seraient ouvertement prononcés contre eux.

D'après l'ordre du général, les députés de toutes les provinces se réunirent au Kaire, sous le titre de divan général, et tinrent leur première séance le 16 vendémiaire (7 octobre). La beauté du costume musulman, la gravité des personnages, leur nombreuse suite, contribuèrent à donner une grande majesté à cette réunion.

Le cheyk Abdallah-El-Charkaouï, en fut nommé président. Monge et Berthollet remplirent auprès de cette assemblée les fonctions de commissaires. On y délibéra avec calme, d'après leur initiative, sur l'établissement et la répartition des impôts, sur l'organisation définitive des divans, sur les lois pénales, celles relatives aux successions, et sur divers objets de police générale et d'administration.

 

FINANCES DE L'ÉGYPTE.

 

La guerre devait s'alimenter elle-même et pourvoir, autant que possible, à ses dépenses. De tout temps le vainqueur fit payer par les peuples les querelles des gouvernements. C'était le système que Bonaparte avait suivi en Italie, trop prévoyant pour faire dépendre le succès de ses opérations de l'exactitude et de la bonne volonté d'un gouvernement qui n'avait point encore de fixité dans ses finances.

En Égypte, la nécessité commandait impérieusement au général en chef de suivre le même système. Il y était arrivé sans trésor ; l'éloignement de la France et l'instabilité des communications ne permettaient pas d'en espérer des fonds. L'expédition avait été faite aux risques et périls de l'armée, le Directoire et le général en chef ne doutant pas, d'après la renommée, que la richesse de l'Égypte ne fut en état de pourvoir largement aux frais de la conquête. Du moins il était notoire que ce pays entretenait par des impôts l'état dispendieux des beys qui l'opprimaient. En renversant leur gouvernement, et en se mettant à leur place, on devait trouver dans les contributions établies une ressource assurée. Bonaparte sut l'utiliser. C'est ce que prouvera le tableau des finances. Afin qu'on puisse le bien comprendre, il faut en présenter l'ensemble. Nous sommes donc obligés, pour cette branche d'administration, d'anticiper sur l'ordre des temps.

On n'avait, en arrivant en Égypte, que des notions vagues et imparfaites sur son régime intérieur ; le général en chef maintint donc la perception de tous les impôts existants, nomma Poussielgue administrateur-général des finances, et prit un arrêté portant que l'ordonnateur en chef établirait une commission dans chaque chef-lieu de province, pour mettre les scellés sur les biens et effets des Mamlouks et autres personnes appartenant à des puissances en guerre avec la France ; que l'administrateur des finances nommerait un agent remplissant, auprès de ces commissions, les fonctions de contrôleur ; et en même temps chargé de surveiller la perception des contributions directes et indirectes, perçues par les différentes autorités du pays, et de correspondre directement avec l'administrateur des nuances ; que les fonds provenant de quelque objet que ce fût, devraient, douze heures après qu'ils auraient été reçus, être versés dans les mains du préposé du payeur, et préférablement entre les mains du payeur même[38].

On a vu (chap. III) que ces impôts étaient établis sur les terres, les charges, les consommations, l'industrie et les personnes.

L'impôt sur les terres fut perçu comme il l'avait été du temps des Turcs et des Mamlouks. Un effendi, subrogé au rouznamgy, qui avait quitté l'Égypte avec le pacha, fut chargé de la perception du miry.

La fuite des beys, des Mamlouks et de la plupart des membres du gouvernement, ayant laissé à l'abandon les terres dont ils étaient moultezim, elles furent séquestrées, et le revenu public se trouva augmenté du fayz et du barrany des villages acquis à l'armée par cette voie.

Les intendants cophtes passèrent au service du vainqueur, et gérèrent pour son compte. Guerguès Geoary, intendant de l'ancien El-Beled, conserva toute l'influence qu'il avait sur eux sous le règne des Mamlouks. L'avantage qu'on trouvait à réunir sous la même direction les produits de la gestion des cophtes, le rendit l'unique intermédiaire entre eux et l'administration française.

Les fonctions des percepteurs cophtes ne se bornèrent pas à la perception du fayz et du barrany ; ils furent encore chargés de celle du kouchoufyeh, créé en faveur des gouverneurs des provinces.

Un agent français fut établi pour résider auprès d'eux, se mettre au courant de leur travail et les contrôler. Le traitement de ces agents fut réglé à 300 fr. par mois ; il y avait un interprète auprès de chacun d'eux.

Ainsi le revenu du sultan sur les terres, ou le miry, continua à être perçu par le trésorier du grand-seigneur ; le kouchoufyeh des gouverneurs, le fayz et le barrany des terres confisquées furent levés par les cophtes. Les charges se trouvant abolies par la dissolution du gouvernement de l'Égypte, on ne leva plus le miry sur ceux qui en avaient été pourvus.

Les attributions de l'intendant général cophte, Guerguès Geoary furent fixées par cette lettre de Bonaparte[39] :

Vos fonctions doivent se borner à organiser les revenus de l'Égypte, à une correspondance suivie avec les intendants particuliers des provinces, avec l'ordonnateur en chef et le général en chef de l'armée. Vous vous ferez aider dans ces travaux par le moallem Fretaou. Ainsi donc, vous chargerez de ma part les moallem Malati, Anfourni, Hanin et Faudus de la recette de la somme que j'ai demandée à la nation cophte. Je vois avec déplaisir qu'il reste encore en arrière 50.000 talaris ; je veux qu'ils soient rentrés, dans cinq jours, dans la caisse du payeur de l'armée. Vous pouvez assurer les Cophtes que je les placerai d'une manière convenable lorsque les circonstances le permettront.

L'anecdote suivante caractérise le dévouement de cet intendant-général. Enchanté de ce que le général en chef avait réduit une contribution imposée à Menouf, il dit à Poussielgue : Je voudrais avoir deux millions de sequins, je dirais il Bonaparte : tiens, les voilà ; paie bien tes soldats, et sois victorieux de tout l'univers ; tu es fait pour commander au cœur comme à l'esprit.

Avant de songer à recouvrer les contributions territoriales, il fallut commencer par prendre possession des provinces, et par soumettre les populations révoltées ; il fallait même se présenter aux populations tranquilles avec une attitude qui les déterminât à payer ; on fut donc obligé d'abord d'opérer les recouvrements à l'aide d'une force armée. Des détachements de troupes accompagnèrent, dans toutes les provinces, les agents français et les intendants cophtes. Du reste, les Mamlouks eux-mêmes ne percevaient les impôts qu'avec l'appareil militaire. Ils campaient devant les villes et villages, et se faisaient nourrir jusqu'au paiement. Ce n'était au fond sous des formes un peu plus brutales, que le système de garnisaires employé dans les États civilisés. Diodore de Sicile rapporte que les Égyptiens regardaient comme une duperie de payer ce qu'ils devaient avant d'avoir été battus ; lors de l'arrivée des Français, ils n'étaient pas changés, et se séparaient toujours de leur argent le plus tard qu'ils pouvaient.

Pour régulariser l'assiette et le recouvrement de l'impôt sur les terres, le général en chef arrêta que l'administrateur général des finances et l'intendant général feraient un état par province de ce que chaque village devait payer, tant pour le miry que pour le Feddam, et autres impositions territoriales ; que l'intendant-général enverrait cet état, en arabe, à l'intendant de la province, et l'administrateur des finances à l'agent français, qui en ferait une copie pour lui, et donnerait l'original au général-commandant et au payeur-général, qui en feraient part à leurs préposés, chacun en ce qui les concernait.

Que les sommes seraient versées entre les mains des préposés du payeur-général, par les intendants, dans les vingt-quatre heures du recouvrement. Que l'intendant spécifierait de quel village provenait la contribution.

Que les payeurs particuliers donneraient avis au payeur-général, des sommes qu'ils auraient reçues ; qu'ils ne pourraient disposer d'aucuns fonds sans son autorisation.

Que l'agent français ferait tous les cinq jours un rapport au général commandant la province, des villages qui seraient en retard pour le paiement des contributions. Que ce général prendrait sur-le-champ les mesures nécessaires pour opérer les rentrées. Que toutes les fois qu'il serait obligé de faire marcher de la troupe, il serait accordé aux soldats, en gratification, une double solde extraordinairement perçue sur le village en retard.

Sur la proposition de l'intendant-général, on crut qu'il serait avantageux d'affermer les revenus des villages dont la République était moultezim. Des habitans et surtout des Cophtes se rendirent fermiers ; mais l'événement prouva que cette mesure était à la fois nuisible aux cultivateurs, aux propriétés affermées et préjudiciable aux intérêts du trésor.

En général les perceptions se ressentirent dans les premiers temps, de l'inexpérience de l'administration française ; le désordre et la confusion favorisèrent l'avidité des percepteurs cophtes, abusant de l'ignorance des agents français, pour détourner des produits, et de la crainte que l'armée inspirait aux habitans pour en extorquer des sommes qui n'étaient pas dues.

Le produit net des contributions territoriales fut :

L'an 7, 1213 de l'hégire, de : 8.084.227 l.

L'an 8, 1214 de : 9.357.414 l.

On pouvait l'évaluer, terme moyen, à : 10.000.000 l.

Les contributions en nature ne se percevaient que dans la Haute-Égypte, mais on n'avait aucune notion précise sur leur quotité. Miallem Yacoub, ancien intendant de Solyman-Bey, suivit le général Desaix, et fut chargé, avec les agents français, de diriger la levée des contributions. Elle eut lieu suivant l'ordre établi dans la Basse-Égypte. Des détachements de troupes escortèrent dans tous les villages les Cophtes qui en furent chargés. Les désignations particulières données à l'impôt du sayd, les variations qu'il éprouvait selon les productions diverses de la terre, la possession précaire d'un pays que Mourad-Bey disputait, favorisèrent singulièrement les Cophtes dans leur disposition à tromper sur les recouvrements. Bonaparte s'en étant aperçu, chargea une commission, à Beny-Soueyf, de toutes les perceptions en grains.

Lorsque Desaix eût porté ses armes jusqu'aux cataractes, et pendant l'expédition de Syrie, Poussielgue, qui était resté au Kaire, confia aux citoyens Hamelin et Livron une mission semblable dans les provinces nouvellement conquises. Ces dispositions ne remplirent pas l'objet qu'on s'était proposé. Après la récolte de 1213[40] (an VII), les percepteurs se rendirent successivement dans tous les villages, sans qu'il leur fût possible de fournir aucune lumière sur les grains dont on était redevable. Une partie de ceux dont ils opérèrent le recouvrement fut considérée comme à-comptes sur les quantités dues, et servit à faire subsister l'armée, ou à payer les dépenses auxquelles ils étaient affectés sous l'ancien gouvernement ; le surplus fut racheté en argent par divers moultezim, vendu aux habitans, ou mis en magasin.

La perception faite par la commission de Beny-Soueyf, et par Hamelin et Livron, jusqu'à la rupture du traité d'El-Arych (ventôse an 9), ne s'éleva qu'à la somme de 850.972 livres.

On renonça au droit d'helouan, faisant partie des revenus dont jouissait le pacha, et le général en chef établit en remplacement, par un arrêté du 29 fructidor (15 septembre), divers droits analogues à ceux qui étaient perçus en France sous le nom des droits d'enregistrement.

On assujettit à un droit de 2 pour 100, 1° tous les titres de propriétés particulières alors existantes, y compris les biens affectés aux mosquées et aux œuvres pies ; 2° les ventes, cessions, donations, démissions et transmissions de propriétés, de biens immeubles ; 3° les actes, contrats et transmissions entre copropriétaires pour partage, licitation et transport des biens immeubles : le droit devait être perçu seulement sur le prix de la portion qui serait transportée au cessionnaire ; 4° les actes portant constitution de rentes perpétuelles ou viagères, 5° les actes et procès-verbaux de ventes, cessions et adjudications de biens immeubles et de tous objets mobiliers, soit que les ventes eussent lieu à l'amiable et aux enchères publiques, soit qu'elles eussent lieu par autorité de justice ; 6° les échanges de biens immeubles : le droit ne devait être perçu que pour l'un des objets d'échange, et être supporté par moitié par les parties contractantes ; 7° les ventes d'usufruit et les baux à vie : le capital de ce dernier objet était déterminé par dix fois la valeur de la redevance ; 8° les baux à ferme ou à loyer pour une année et au-dessus, les sous-baux et subrogations, cessions et rétrocessions desdits biens : le droit était perçu sur le capital résultant de l'accumulation des années pour lesquelles les baux étaient passés ; 9° les contrats de mariage et les actes portant donation entre mari et femme ; 10° les billets, promesses, obligations et tout acte portant créance quelconque ; 11° les contrats d'assurance, en raison de la prime.

On soumit à un droit de 5 pour 100, 1° les donations entre-vifs, les mutations des propriétés de biens meubles et immeubles, opérées par succession, testament et dons mutuels ; 2° les baux de loyers de maison sur le prix du bail, pour le nombre des années qui étaient stipulées.

Un droit fixe de 40 médins portait, 1° sur les procurations ; 2° sur les passeports ; 3° sur les certificats de vie ; 4° sur les légalisations ; 5° sur les certificats, attestations, oppositions, protestations, désistements, résiliements de marchés, toute espèce de convention, et tous les actes de notoriété publique ; 6° sur les expéditions de jugements et autres actes judiciaires.

Un droit fixe de 90 médins était imposé, 1° aux actes refaits pour cause de nullité, lorsqu'il n'y aurait pas de changements faits au fond ; 2° aux actes portant nomination de tuteurs et curateurs de biens, commissaires, directeurs de séquestre, pour liquidation de successions, de partage, et union de créanciers ; 3° aux actes de saisie ; 4° aux transactions en matière criminelle, pour excès, injures et mauvais traitements, lorsqu'elles ne contenaient aucune stipulation de dommages intérêts ou dépens liquidés, qui donnaient lieu à des droits proportionnels plus considérables.

Un droit fixe de 150 médius était établi, 1° sur les procès-verbaux d'adjudications de droits appartenant au fisc ; 2° sur les actes de divorce ; 3° sur tous les actes sous seing-privé auxquels on voulait donner une date authentique. Le droit était de 150 médins pour tous les actes de société de commerce.

Un droit fixe d'enregistrement de 600 médins était imposé aux testaments, sans préjudice des droits proportionnels qui devraient être payés en raison des dispositions mobiliaires et immobiliaires qui y étaient stipulées.

L'administration du droit d'enregistrement et de la régie des domaines fut composée de cinq administrateurs[41], et divisée en cinq bureaux chargés de la correspondance avec les provinces, de l'enregistrement, de la délivrance des patentes et de tout ce qui y avait rapport, de la régie et administration des domaines, de la location des maisons, magasins et autres édifices, des inventaires après décès, des recherches sur le mobilier et les effets des Mamlouks, de recevoir toutes les dénonciations y relatives et d'en faire le recouvrement.

Il y avait en outre cinq directeurs, un caissier-général, un sous-caissier, un teneur de livres de comptabilité ; quatre inspecteurs chargés de faire des tournées, de rechercher les abus et de les dénoncer. Les produits étaient versés chez le caissier-général, qui en remettait, chaque décade, le montant au payeur-général de toute l'armée.

Il y avait dans chaque chef-lieu de province une direction chargée de correspondre avec l'administration générale.

Le traitement, tant des administrateurs que de tous les employés, était divisé en traitement fixe et en remise[42].

Le général en chef soumit a l'enregistrement les actes civils qui seraient passés par les commissaires des guerres, ceux qui seraient passés sous seing privé entre les citoyens, et statua que ceux qui pourraient l'être entre les Français et les nationaux, par-devant les notaires du pays, seraient nuls en France comme en Égypte, s'ils n'étaient enregistrés[43].

Les Égyptiens, accoutumés à ne rien payer à raison de leurs capitaux, de leurs maisons et de leur mobilier, s'obstinèrent à n'acquitter que les droits relatifs aux biens-fonds. Habitués a faire toutes leurs affaires verbalement, ils éludaient les conventions qui pouvaient donner ouverture aux droits. On n'employa pas de mesures de rigueur, dans l'espérance que le temps et l'exemple leur feraient adopter l'usage d'écrire leurs conventions. Les produits de l'enregistrement ne furent donc pas d'une grande importance.

Le général en chef avait, par son arrêté du 13 thermidor, confirmé tous les propriétaires dans leurs propriétés ; mais il les avait assujettis, par son arrêté du 30 fructidor, à payer 2 pour 100. Ensuite il les obligea à représenter leurs titres à l'enregistrement dans un délai, passé lequel ils seraient déchus de leur propriété. Cette mesure avait a la fois un but fiscal et un but d'ordre public. Pour déterminer le montant du droit, la valeur des terres fut établie contradictoirement avec les propriétaires, d'après le revenu net multiplié par vingt.

Le général en chef régla la quotité du droit sur les bâtiments dans les villes, et les mesures à prendre pour sa perception. Pour les maisons, okels, bains, boutiques, cafés, moulins, au Kaire, à Boulaq, au Vieux-Kaire, il fut fixé ainsi qu'il suit :

Ce droit était exigible en deux termes, le premier, dans le courant de brumaire, et le second, dans le courant de messidor suivant.

L'administrateur des finances nomma six architectes du pays, pour classer les maisons selon leur valeur ; ils devaient faire cette opération en parcourant toutes les rues, escortés par deux soldats français et deux soldats turcs ; des écrivains cophtes, escortés de la même manière, étaient chargés de suivre les architectes et de recouvrer le droit, de donner des quittances imprimées qui servaient en même temps de titres de propriété et étaient rapportées par duplicata à l'administration de l'enregistrement pour y être inscrites.

Cette administration recevait les plaintes en surtaxe, les faisait vérifier et y statuait : les maisons et fondations affectées aux mosquées et aux œuvres pies étaient assujetties au droit ; les mosquées seules en étaient exemptes.

Le droit était établi dans les villes d'Alexandrie, Rosette, Foueh et Damiette ; mais réduit à moitié[44].

Les monnaies n'avaient de cours en Égypte que comme objets de commerce ; les seules espèces égyptiennes étaient le sequin zermahboud et le médin ; elles étaient fabriquées au Kaire.

Immédiatement après le débarquement de l'armée, une commission, nommée par le général eu chef, fixa le taux des monnaies ayant cours en Égypte. Elle adopta le médin pour monnaie légale, en déterminant la valeur des autres par le nombre de médins qu'elles représentaient. D'après ce tarif, la livre tournois valait 28 médins. Tous les comptes étaient tenus dans cette dernière monnaie.

Les bénéfices de la fabrication appartenaient au pacha ; elle était régie par un effendi. Il fut maintenu en place avec tous ses ouvriers et employés ; mais la direction de l'établissement fut confiée à Samuël Bernard, l'un des chimistes de la commission des sciences et arts.

On commença à battre monnaie pour le compte de l'armée, le 8 thermidor (26 juillet) ; elle fut frappée au coin du grand-seigneur, au titre et au poids qu'elle avait auparavant. Les procédés imparfaits des Turcs furent perfectionnés, notamment les essais. Les matières étaient fournies par les particuliers et surtout par les juifs.

On faisait un bénéfice considérable sur le médin, pièce d'argent fort altérée, très-mince et très-menue. Les altérations qu'elle avait subies dans le cours de trois siècles l'avaient réduite presque au tiers de sa première valeur. Cependant, le cours légal du médin n'avait jamais varié. Les suites de cette infidélité n'avaient pas eu en Égypte les effets désastreux que les opérations de même nature produisent ordinairement en Europe, parce que la fabrication était modérée, et que les quantités que les Égyptiens retiraient de la circulation par les enfouissements qui leur étaient familiers, compensaient les émissions annuelles.

On fabriqua une grande quantité de parahs, petite monnaie de cuivre. Le trésor y gagnait plus de 60 pour 100. Ils se répandaient, non-seulement en Égypte, mais encore en Afrique et jusque dans les déserts de l'Arabie ; au lieu de gêner la circulation et de nuire au change, inconvénients des monnaies de cuivre, les parahs les favorisaient.

Le général en chef fit battre des pièces de 20 et de 40 médins ; on n'en avait frappé au Kaire que sous Aly-Bey. Ce bey avait ajouté les deux lettres initiales de son nom aux chiffres et aux qualifications du sultan dont elles portaient l'empreinte, ce qui fit dire qu'il avait battu monnaie à son coin. L'administration française supprima ces deux lettres. Cette suppression et le millésime indiqueront à la postérité l'époque ou les Français commandaient en Égypte. Cette fabrication, commencée en vendémiaire an VII, ne dura que cinq mois, parce que l'émission des médius était plus lucrative.

Avant l'arrivée des Français, toutes les douanes, excepté celles de Suez et de Rosette, étaient affermées. Tous les baux furent supprimés, et l'on fit gérer les douanes d'Alexandrie, de Rosette, de Damiette et de Boulaq, par les écrivains qui servaient d'agents aux anciens douaniers. La douane du Vieux-Kaire resta seule affermée. Parceval eut la direction de celle de Suez. Lorsque Desaix se fut rendu maître du Sayd, il fit régir la douane de Cosséir et de Qené.

Les anciens tarifs furent partout maintenus, excepté à Suez, où le général en chef diminua les, droits sur le café pour favoriser le commerce de la Mekke.

Les produits des douanes ne pouvaient être que très-modiques ; la guerre avec les Anglais et les Turcs anéantissait le commerce dans la Méditerranée ; et jusqu'à ce qu'on fût parvenu à rendre de la confiance aux Arabes et aux peuples de l'Afrique, il y eut peu d'importations par la Mer-Rouge et par les caravanes de Nubie et de Maroc.

Nous avons fait connaître les droits multipliés et compliqués qui étaient établis sur l'industrie et les consommations. On afferma tous ceux que l'on découvrit, sans rien changer au mode de perception. On en abandonna plusieurs qui furent jugés trop vexatoires.

Bonaparte, voulant tirer un revenu des postes, ordonna que les individus de l'armée paieraient leurs ports de lettres, conformément à l'usage établi en France. On organisa d'abord les bureaux du Kaire, d'Alexandrie, de Rosette et de Damiette[45] ; mais le produit de cette brandie de revenu fut presque nul.

Quoique l'intention du général en chef fût de subvenir aux dépenses de l'armée par les revenus ordinaires, il fut cependant obligé, avant que les recouvrements ne fussent assurés et pour satisfaire aux premiers besoins, de recourir aux contributions extraordinaires. Pendant tout son commandement, elles ne s'élevèrent qu'à 3.809.017 fr. Les Égyptiens furent d'autant plus étonnés de sa modération, que, selon eux, la victoire donne le droit de disposer de la vie des peuples conquis, et, à plus forte raison, de leurs biens.

Le général en chef, informé que les femmes des beys et des Mamlouks, errantes aux environs du Kaire, devenaient la proie des Arabes, et mû par la compassion, premier sentiment qui doit animer l'homme, autorisa toutes ces femmes à rentrer en ville dans les maisons qui étaient leur propriété, et leur promit sûreté. Il leur enjoignit de se faire connaître et de déclarer leur demeure à Magallon, dans les vingt-quatre heures de leur arrivée[46].

Le chef de l'état-major général, sur leurs demandes, leur délivra des sauvegardes. Elles furent remises au payeur-général, qui les faisait donner à ces femmes à mesure qu'elles versaient, dans la caisse de l'armée, les sommes au paiement desquelles elles avaient été assujetties. Cette mesure avait pour objet de leur enlever de l'argent qu'elles envoyaient à leurs maris, et d'en faire une ressource de plus.

La femme de Mourad-Bey fut taxée à 600.000 fr., dont 100.000 payables dans les vingt-quatre heures et 50.000 fr. par jour jusqu'à parfait paiement ; à défaut de quoi, tous les esclaves et biens appartenant aux femmes des Mamlouks de la maison de Mourad-Bey étaient regardés comme propriétés nationales ; on laissait, seulement à sa femme, les meubles de l'appartement qu'elle occupait et six esclaves pour la servir[47].

Les chevaux, les chameaux et les armes trouvés dans leurs maisons furent saisis comme objets de guerre[48].

Le général en chef autorisa la commission de commerce à conclure définitivement et à signer des arrangements avec les femmes des autres beys et Mamlouks, pour le rachat de leurs effets, et à délivrer des sauf-conduits à celles qui consentiraient à un accommodement[49].

La femme de Mourad-Bey n'ayant pas acquitté la contribution qui lui avait été imposée, le général en chef ordonna qu'elle paierait 20.000 talaris (160.000 francs), à compte de sa contribution du 20 thermidor, à défaut de quoi, un vingtième par jour en sus, jusqu'à ce que les 20.000 talaris fussent entièrement versés[50].

Les besoins de l'armée étaient urgents. Les femmes des beys ne payaient que lorsqu'elles y étaient contraintes. Le général en chef écrivait à Poussielgue, de presser les recouvrements des diverses contributions extraordinaires, d'envoyer des garnisaires et de menacer la femme de Mourad-Bey de surtaxe, si elle ne s'acquittait pas[51].

La femme d'Osman-Bey continuait d'avoir des intelligences avec le camp de Mourad-Bey, et lui faisait passer de l'argent ; le général en chef ordonna qu'elle resterait en prison jusqu'à ce qu'elle eût versé, dans la caisse du payeur de l'armée, 10.000 talaris[52].

Ces contributions ne furent point perçues en totalité, car celle de la femme de Mourad-Bey s'élevait seule à 600.000 francs, et le trésor de l'armée ne reçut de toutes les femmes des beys que 480.642 francs. Bonaparte leur accorda de fortes réductions ; il fit plus, il ordonna que la femme de Mourad-Bey conserverait la partie de ses biens qui lui venaient d'Ali-Bey, son premier mari. Je veux par-là, dit-il[53], donner une marque d'estime pour la mémoire de ce grand homme.

Cette femme, appelée Selti-Nefsi, était âgée de cinquante ans, avait la beauté et la grâce que cet âge comporte, et passait pour être d'un mérite distingué. Bonaparte l'envoya complimenter par Eugène Beauharnais, son beau-fils. Elle le reçut par exception dans son harem, lui fit servir des rafraîchissements avec un appareil somptueux, et lui donna une bague de la valeur de 1.000 louis.

Cependant on lit dans des pamphlets décorés du titre d'histoire, que, pour s'approprier les immenses trésors des beys et des Mamlouks, Bonaparte fit torturer leurs femmes ! A sa place, des beys ou des pachas auraient pris l'argent et fait couper les têtes.

Les Mamlouks avaient des possessions très-considérables. Elles consistaient, dans les villes, en maisons, okels, jardins, etc. Dans les campagnes, ils étaient moultezim de la plus grande partie des villages.

Le général en chef avait, par son arrêté du 15 messidor, ordonné de confisquer leurs propriétés mobilières et immobilières, et de les mettre sous le scellé et le séquestre. L'administration française s'emparait de ces propriétés à mesure qu'elle les découvrait. L'intendant-général avait mis ses cophtes en campagne pour les indiquer, ainsi que les cachettes des effets mobiliers. Une visite fut ordonnée partout à la fois, afin qu'on n'eût pas le temps de les soustraire. On promit aux cophtes le vingtième de ce qu'ils feraient découvrir. Mais ils trouvaient mieux leur compte à s'arranger avec les dépositaires ou recéleurs. Ils ne mirent pas beaucoup d'empressement à rendre à cet égard les services qu'on attendait de leurs connaissances locales. Bonaparte leur en témoigna du mécontentement et leur écrivit[54] :

Lorsque tous les jours les principaux cheyks me découvrent les trésors des Mamlouks, comment ceux qui étaient leurs principaux agents ne me font-ils rien découvrir ?

Il existait dans les magasins généraux de l'or ou argent monnoyé, des objets d'or ou d'argent, des lingots, des schals de valeur, des tapis brodés en or, etc. Le général en chef ordonna diverses mesures pour la conservation, l'emploi, la vente et la comptabilité de tous ces objets. Il affecta aux hôpitaux, aux transports, à l'habillement tous ce qui était propre à ces services.

Il créa une compagnie de commerce, à laquelle seraient vendus tous les effets qui se trouvaient en magasin, et qui ne seraient pas essentiels au service de l'armée[55].

La formation de la compagnie d'achat éprouva des difficultés à cause de la rareté du numéraire et de la stagnation des affaires. Les maisons françaises, et les négociants de Damas et d'Alep ne voulurent pas traiter de cette opération. La maison Fini, vénitienne, une des plus considérables du Kaire, fut la seule qui consentit à s'en charger.

On comptait, avec raison, sur un produit important. Outre les espèces, les matières d'or et d'argent, et des marchandises qu'on trouva dans les maisons des Mamlouks, elles renfermaient une grande quantité de meubles et d'effets dans le goût oriental. Cependant cette ressource fut moins considérable qu'on ne l'avait cru d'abord. L'impossibilité où l'on fut de loger les officiers et les employés chez l'habitant, comme cela se pratique en Europe, mit tout le monde dans la nécessité de se meubler. Le général en chef fit donc distribuer gratuitement aux officiers et aux administrateurs, qui, par leur rang dans l'armée, devaient avoir une représentation, les meubles dont ils manquaient. L'administrateur-général des finances fut autorisé aussi à en délivrer à d'autres à un prix au-dessous de leur valeur.

L'insuffisance des contributions extraordinaires et les ménagements dus aux habitans qui les avaient payées mirent quelquefois dans la nécessité de recourir aux emprunts. Ils s'élevèrent en totalité, pendant toute la durée de l'occupation, à 4.286.859 fr., et il y en eut de remboursés en Égypte, pour une somme de 3.424.505 fr.

Différents actes du général en chef prouvent combien sa situation financière était embarrassée, et combien il eut d'obstacles à surmonter pour subvenir aux dépenses de l'armée. Il écrivait à Poussielgue :

Nous avons le plus grand besoin d'argent. Les femmes doivent six mille talaris ; les sagats, mille ; les négociants de Damas, sept cents. Voyez à les faire payer dans les vingt-quatre heures. Vous me ferez demain un rapport sur nos ressources et nos moyens d'avoir de l'argent. Tâchez de nous avoir 2 ou 300.000 francs. Les deux bâtiments de café qui sont arrivés à Suez, doivent avoir payé quelques droits ; faites-vous en remettre le montant. Je vous envoie un ordre pour que les cophtes versent demain 10.000 talaris, après-demain 10.000 autres ; le 1er pluviôse, 10.000 ; le 3, 10.000 autres ; le 5, 10.000oautres, en tout 50.000. Vous hypothéquerez pour le paiement dudit argent les blés qui sont dans la Haute-Égypte, et vous leur ferez connaître qu'il est indispensable que cela soit soldé, parce que j'en ai le plus grand besoin.

Vous me ferez demain un rapport sur la quantité des villages et terres qui ont été affermés, et sur les conditions desdits affermages. Vous demanderez deux mois d'avance à tous les adjudicataires des différentes fermes[56].

Le général en chef convoqua un conseil-de finances, composé des citoyens Monge, Caffarelli, Blanc, James, de l'ordonnateur en chef et de l'administrateur-général Poussielgue, pour s'occuper, 1° du système et du tarif des monnaies et des changements possibles les plus avantageux a y faire ; 2° des opérations que la position actuelle de l'Égypte permettrait de faire pour procurer de l'argent à l'armée, et accroître ses ressources ; 3° du plan raisonnable que l'on pourrait adopter, pour donner aux soldats de l'armée une récompense qu'ils avaient méritée à tant de titres, sans diminuer les revenus de la république[57].

Cet aperçu de l'administration des finances suffit pour rendre sensibles les embarras que dut éprouver Bonaparte, et pour expliquer l'arriéré qu'il laissa dans les dépenses, à son départ de l'Égypte. Ses successeurs dans le commandement trouvèrent le pays conquis et soumis, les branches de revenus mieux connues, des recouvrements réguliers et assurés, et la plus grande partie des travaux extraordinaires exécutés. Débarrassés des difficultés et des dépenses d'un premier établissement, ils n'eurent plus qu'à jouir et à améliorer. C'est ce qu'on verra dans la suite quand on traitera de leur administration. On se convaincra que les ressources de l'Égypte, alors bien connues, suffisaient à toutes les dépenses qu'exigeait la conservation de cette conquête.

Nous ajouterons, pour réfuter d'avance tous les calculs imaginaires qui ont été faits sur les sommes perçues pendant toute l'occupation française, que pendant environ trois ans qu'elle dura, les revenus ordinaires produisirent la somme de : 38.053.049 fr. Les ressources extraordinaires : 21.279.227 fr. Total : 59.332.276 fr. Ce qui fait par an environ 20.000.000 fr.

Le gouvernement des beys coûtait aux Égyptiens, suivant les uns, le double de cette somme, suivant l'opinion la plus modérée, 30 millions. Leur administration était arbitraire et vexatoire. On n'employait rien ou presque rien au bien du pays, tandis que les Français étaient animés du plus grand zèle pour améliorer le sort du peuple, et pour créer, avec ses contributions, des sources fécondes de prospérité publique.

 

 

 



[1] C'était une flatterie de la part du vaincu envers le vainqueur ; car telles furent, pendant le séjour des Français, les crues du Nil a partir des plus basses eaux qui ne sont presque jamais au dessous de 5 pieds :

An 6, 22 pieds 6 pouces. Bonne.

An 7, 21 pieds 2 pouces. Médiocre.

An 8, 24 pieds 8 pouces. Très-bonne.

A 20 pieds, la crue ne suffirait pas pour arroser la très-grande majorité des terres.

[2] Lettres des 1er et 3 fructidor.

[3] Lettre du 11 fructidor.

[4] Lettres des 17 thermidor et 1er fructidor.

[5] Lettre du 5 fructidor.

[6] Lettre du 14.

[7] Lettre du 14.

[8] Instruction de Bonaparte du 26 fructidor.

[9] Lettre du 1er fructidor.

[10] Lettre du 13.

[11] Lettres des 8 et 10 fructidor.

[12] Mém. Polit., etc., de T. E. Ritchie. Paris, 1804 ; t. I, p. 224.

[13] Lettre du 5 fructidor.

[14] Lettre du 10 fructidor.

[15] Lettre à l'ordonnateur en chef, du 16 thermidor.

[16] Desgenettes, Histoire Médicale, etc., p. 17.

[17] Ordre du 16 thermidor (3 août).

[18] Arrêté du 3 fructidor.

[19] Mathématiques : Andréossy, Bonaparte, Costaz, Fourier, Girard, Le Père, Leroy, Malus, Monge, Nouet, Quesnot, Say. — Physique : Berthollet, Champy, Conté, Delille, Descolstils, Desgenettes, Dolomieu, Dubois (remplacé par Larrey), Geoffroy, Savigny. — Économie politique : Caffarelli, Gloutiers, Poussielgue, Sulkowski, Sucy, Tallien. — Littérature et arts : Denon, Dutertre-Norry, Parseval, D. Raphaël, Redouté, Rigel, Venture.

[20] Ordre du jour de Bonaparte.

[21] Ordre du jour de Bonaparte du 11 fructidor (28 août).

[22] Ordre du jour de Bonaparte du 23 vendémiaire an VII (14 octobre).

[23] Ordre du jour de Bonaparte du 22 fructidor (8 septembre).

Des écrivains ont accusé Bonaparte d'avoir renvoyé Beauvoisin pour n'avoir pas réussi dans sa mission auprès de Djezzar-Pacha. C'est une supposition gratuite et tout a fait improbable qui ne peut prévaloir contre les motifs énoncés dans l'ordre du jour de l'armée. Les mêmes écrivains disent que Beauvoisin fut pris par les Turcs et renfermé au château des Sept-Tours jusqu'en 1801. On croit qu'il y a ici confusion ; ce fut l'adjudant-général Beauvoisin qui fut en effet pris et détenu jusqu'à cette époque. L'ordre du jour qui le concerne était rigoureux ; mais la situation de Bonaparte lui faisait un devoir de prévenir des offres de démission qui auraient pu altérer le moral de l'armée et contribuer à sa désorganisation.

[24] Ordre du jour de Bonaparte du 22 fructidor.

[25] Ordre du jour de Bonaparte du 26 (12 septembre).

[26] Lettre du 21 fructidor.

[27] Lettre du 30 fructidor.

[28] Lettre du 17 thermidor.

[29] Ordre du jour du 16 fructidor.

[30] Ordre du jour du 7 vendémiaire an VII.

[31] Arrêté du général en chef, du 2e complémentaire (18 sept.).

[32] Ordre du jour de Bonaparte, du 13 vendémiaire (4 octobre).

[33] Lettre du 6 vendémiaire.

[34] Lettre du 28 thermidor.

[35] Ordre du jour de Bonaparte, du 11 fructidor.

[36] Voyez le Courrier d'Égypte, du 6 vendémiaire an VII.

[37] Ordre du jour du 29 fructidor.

[38] Arrêté du 19 messidor.

[39] Lettre du 16 thermidor.

[40] Les récoltes de grains commencent ordinairement dans les premiers jours de germinal (la fin de mars) et durent jusqu'à la mi-floréal (1er mai).

[41] Tallien, Magallon, Pagliano, français ; Mustapha-Effendi, turc ; Moallem-Malati, cophte ; Regnier, inspecteur-général.

[42] Arrêté de Bonaparte, du 30 fructidor (17 septembre)

[43] Arrêté de Bonaparte du 21 vendémiaire an VII (12 octobre).

[44] Arrêté de Bonaparte, du 25 vendémiaire (16 octobre).

[45] Lettre de Bonaparte, du 15 thermidor (2 août).

[46] Arrêté du 9 thermidor (27 juillet).

[47] Arrêté du 14.

[48] Lettre de Bonaparte au général Dupuis, du 28 thermidor (15 août).

[49] Lettre du 25 thermidor (12 août).

[50] Arrêté du 18 fructidor (4 septembre).

[51] Lettre du 4 vendémiaire an VII (25 septembre).

[52] Lettre de Bonaparte au général Dupuis, 4 vendémiaire an VII.

[53] Lettre de Bonaparte à Poussielgue, du 11 pluviôse (30 janvier 1799).

[54] Lettre du 7 frimaire an VII (27 novembre).

[55] Arrêté du 16 thermidor an VI (5 août).

[56] Lettre du 26 nivôse au VII (15 janvier 1799).

[57] Arrêté du 16 frimaire (6 décembre).