L'ÉDUCATION ET L'INSTRUCTION DES ENFANTS CHEZ LES ANCIENS JUIFS

 

PAR JOSEPH SIMON.

Instituteur à Nîmes

PARIS - SANDOZ ET FISCHBACHER - 1879

 

 

La période la plus intéressante de l'histoire du peuple juif est certainement celle qui précède l'avènement du christianisme. La société juive, dit M. Renan, offrait alors l'état intellectuel et moral le plus extraordinaire que l'espèce humaine ait jamais traversé[1]. Pressé de toutes parts par un ennemi puissant, et dont, malgré son indomptable courage, il ne pouvait espérer briser les armes, pressentant qu'il allait, pour la seconde fois et pour toujours, être arraché à cette patrie si chère qu'il venait à peine de reconquérir, le peuple juif ramassait toutes ses forces, toute son énergie, en vue de cette nouvelle et terrible épreuve. Quoique faible et isolé, il ne voulait pas périr, il ne voulait pas perdre son individualité, ni cesser de jouer un rôle dans l'humanité. Il voulait, si le chemin de l'exil devait s'ouvrir de nouveau devant lui, emporter ses coutumes, ses mœurs, ses lois, son génie. On pourra le vaincre, mais non le détruire.

Un livre lui restait, qui contenait son histoire, sa littérature ; sa religion. Il s'y attacha comme une patrie idéale qui partout le suivrait, il y mit tout son espoir. Si tous les enfants d'Israël se pénétraient de l'esprit de ce livre ; si, chaque jour, ils venaient y fortifier leur foi dans les promesses divines ; si, constamment, sur tous les points du globe où le destin allait les disperser, leur attention s'y fixait, un lien indissoluble les réunirait tous, et ils ne cesseraient pas de former une seule famille. Ils y puiseraient des forces pour résister aux tentations, aux séductions, aussi bien qu'aux menaces et aux persécutions, et ils vivraient intacts et inébranlables au milieu des peuples. L'étude du livre sacré, le Talmud Torah, devint donc l'objet de toutes leurs préoccupations, de leur plus vive sollicitude. Le Talmud nous a conservé les traces de ce suprême effort. Des académies furent fondées, des écoles furent créées, l'enseignement public et l'enseignement domestique furent organisés pour que l'étude de la Torah se répandit dans toutes les parties de la nation et fût la base de toute éducation.

Notre intention, dans ce travail, n'est pas d'embrasser ce vaste mouvement dans son entier. Nous nous contenterons d'exposer ce qui est relatif à l'éducation des enfants et à l'organisation des écoles primaires.

Ce sont des questions auxquelles s'attache aujourd'hui, en France, le plus vif intérêt. Hommes politiques et penseurs les étudient avec soin. Il ne sera peut-être pas sans utilité de connaitre la profondeur de vues, les méthodes, les vrais principes pédagogiques avec lesquels les Rabbins les ont traitées.

Toutefois, avant d'aborder notre sujet, il nous parait nécessaire de jeter un coup d'œil sur l'éducation et l'instruction des enfants chez les anciens Hébreux. On comprendra mieux l'esprit de l'éducation chez les Juifs, et on verra, d'autre part, comment s'est opérée chez eux la transformation de l'éducation domestique en éducation publique. La Bible contient, du reste, sur l'éducation des enfants, de nombreuses prescriptions qui sont restées en vigueur à toutes les époques de l'histoire du peuple juif, et ne peuvent être passées sous silence.

Ce travail se divisera donc en deux parties. Dans la première, nous rechercherons comment étaient élevés les enfants israélites pendant la période biblique, aussi longtemps que l'éducation resta purement domestique, c'est-à-dire jusqu'à la destruction du premier temple, 588 avant l'ère chrétienne ; nous étudierons, dans la seconde, l'important mouvement pédagogique qui se développa chez les Juifs à partir d'Ezra jusqu'à la rédaction définitive du Talmud, de 458 avant Jésus-Christ à 500 après Jésus-Christ.

 

PREMIÈRE PARTIE.

Chez les anciens Hébreux, la plus grande félicité consistait dans une nombreuse famille. C'est la suprême récompense que Dieu réserve au juste.

Les enfants sont un don de l'Eternel, s'écrie le poète de la Bible, le fruit des entrailles, une récompense[2].

La postérité du juste sera nombreuse, lit-on dans Job, et ses descendants comme l'herbe de la terre[3].

La femme de l'homme de bien, dit le Psalmiste, est comme une vigne fertile dans l'intérieur de sa maison ; ses enfants comme des plants d'olivier autour de sa table[4].

Aussi la joie est grande quand l'enfant parait. Actions de grâces et sacrifices de reconnaissance célèbrent à l'envi cet heureux événement, gage de la bienveillance divine.

Le huitième jour de la naissance, l'enfant, si c'était un garçon, recevait le sceau de la circoncision. Par cet acte, il entrait dans la grande communauté religieuse ; ce qui, chez les Hébreux, signifie la nation[5].

Les mères nourrissaient elles-mêmes leurs enfants, et la période d'allaitement se prolongeait souvent jusqu'à deux ou trois ans. Le jour du sevrage était un jour de fête où tous les membres de la famille se réunissaient dans un banquet[6]. Dans les classes supérieures, le soin matériel des enfants était confié à des gouvernantes ou à des gouverneurs. Ces omenim, comme on les appelait, restaient ensuite toute leur vie dans la famille des enfants qu'ils avaient élevés[7].

Dans les familles ordinaires, le père partageait avec la mère les soins que ces chers petits êtres exigent dans l'âge tendre, et sa sollicitude n'était pas moins délicate. Moïse compare la tendresse de Dieu pour son peuple à celle d'un père portant son fils dans les bras[8].

Quand les enfants sont devenus plus grands, les jeunes filles, sous la direction de leur mère, se livrent aux occupations du ménage et apprennent les travaux habituels aux femmes : le filage de la laine, le tissage des étoffes, la confection des vêtements, la préparation des aliments, etc.[9]

C'est leur mère aussi qui leur enseigne les chants de triomphe par lesquels, sur le seuil de leur porte, elles saluent le passage du vainqueur[10], ou les complaintes et les élégies dans lesquelles elles pleurent la défaite ou la servitude[11].

Les garçons accompagnent leur père aux champs, et l'aident dans ses travaux[12].

Les enfants apprenaient, en outre, la lecture, l'écriture, et surtout la musique et la danse, pour lesquelles les Hébreux avaient le goût le plus vif[13].

Aucune entrave ne gênait le développement des forces corporelles, que certains jeux, au contraire, favorisaient admirablement.

Dans l'enfance, garçons et fillettes jouaient librement dans les rues, qu'ils remplissaient de leurs cris joyeux[14].

Dans l'adolescence, les jeunes filles, après le travail de la journée, se livraient à leur divertissement favori, la danse[15], pendant que les jeunes gens, réunis sur la place publique, s'exerçaient à soulever, à bras tendus, rectis junctisque manibus, jusqu'aux genoux, jusqu'à la poitrine ou au-dessus de la tête, des pierres d'un très grand poids, qui y étaient disposées en cercle[16].

L'exemple de David[17] nous montre que les jeunes Hébreux se servaient très habilement de la fronde.

Il est même probable, puisque les jeunes gens étaient appelés au service militaire dès rage de vingt ans[18], qu'ils s'habituaient de bonne heure zut maniement des armes.

Mais la culture intellectuelle ou le développement physique ne sont que des accessoires dans l'éducation des Hébreux ; ce qui en forme la base, le principe, c'est l'enseignement moral et religieux.

Chez toutes les nations, la direction imprimée à l'éducation dépend de l'idée qu'elles se forment de l'homme parfait. Chez les Romains, c'est le soldat vaillant, dur à la fatigue, docile à la discipline ; chez les Athéniens, c'est l'homme qui réunit en lui l'heureuse harmonie de la perfection morale et de la perfection physique. Chez les Hébreux, l'homme parfait, c'est l'homme pieux, vertueux, capable d'atteindre l'idéal du peuple hébreu, tracé par Dieu lui-même, en ces termes : Soyez saints comme moi, l'Eternel, je suis saint[19].

Ils mettaient la vertu au-dessus de tout. Un esclave vertueux domine sur un fils dépravé, disaient leurs Sages[20], comme Molière a dit : La naissance n'est rien où la vertu n'est pas[21].

Le premier devoir prescrit par la loi mosaïque est le respect dû au père et à la mère. La voix divine dicte ce commandement du haut du Sinaï : Honore ton père et ta mère, afin que tu vives longtemps sur la terre que l'Eternel, ton Dieu, te donne[22]. On inspirait ensuite aux enfants l'amour du travail, la honte de la paresse, la répugnance pour les plaisirs malsains, la bonté envers les pauvres et les malheureux, et surtout la crainte de Dieu, commencement de toute sagesse. Le père et la mère cherchaient à leur inculquer ces sentiments, soit par des instructions directes, comme celles qu'adresse à son fils la mère de Lemouël[23], soit par des sentences empruntées aux Sages, soit sous forme de masals, c'est-à-dire de paraboles ou d'énigmes. La bienveillance, la douceur présidaient à ces leçons, qui étaient données dès la plus tendre enfance. Car, selon le précepte de la Bible, il faut diriger l'enfant, dès les premiers pas, dans la voie où il doit marcher devenu homme[24].

Si l'enfant se montre rebelle aux leçons de ses parents et prouve, par sa conduite, qu'elles n'ont fait aucune impression sur son âme, on ne craint pas d'avoir recours aux châtiments corporels pour le ramener dans la bonne voie. Qui épargne la verge hait son fils, disent les Sages ; qui l'aime, lui administre la correction[25]. Et plus loin : N'épargne pas le châtiment à ton enfant ; si tu lui donnes la verge, il n'en mourra pas, et tu arracheras son âme à la perdition[26].

Il était cependant défendu de pousser la rigueur jusqu'à causer, par des coups, la mort de l'enfant. Châtie ton fils tant qu'il y a espoir, mais ne te laisse pas aller jusqu'à le tuer[27].

Le père, en effet, n'avait pas sur celui-ci droit de vie et de mort[28]. Lorsque conseils, remontrances, châtiments sont restés infructueux, et que l'enfant, par des vices précoces, menace de devenir un homme pervers, c'est devant le juge que le père et la mère doivent le traduire.

Quand un homme aura un fils méchant et rebelle, n'obéissant pas à la voix de son père ni à la voix de sa mère, et qu'ils l'auront châtié, et que, nonobstant cela, il ne les écoutera pas, son père et sa mère s'en saisiront et le traîneront vers les anciens de la ville, et ils leur diront : Notre fils, que voici, est indocile et rebelle, il n'obéit point à notre voix, il est dissolu et ivrogne. Et tous les gens de la ville le lapideront, et ainsi tu ôteras le mal du milieu de toi[29].

Le Talmud[30] prétend que cette loi draconienne ne fut jamais appliquée. Cela peut être. Il n'en est pas moins vrai que le législateur de la Bible considérait comme méritant d'être retranché de la société l'enfant d'une nature vicieuse et incorrigible.

La difformité physique n'est pas un crime aux yeux de l'Hébreu, et on ne voit pas chez lui ces abominables expositions d'enfants qui déshonorent tant de peuples de l'antiquité. Mais ce dont il a horreur, ce qu'il punit avec la dernière rigueur, c'est la difformité morale, qui empêche l'enfant de devenir un homme honnête et pieux.

Le premier but de l'éducation hébraïque était donc de faire des hommes craignant Dieu et observant ses commandements, le second était de faire des citoyens. Nulle part l'éducation nationale n'était mieux réglée. J'appelle éducation nationale celle qui a pour but d'imprégner tous les enfants d'une même patrie d'un esprit commun, qui en forme un peuple distinct de tout autre par le caractère, les mœurs et le sentiment, et en fait, pour ainsi dire, une communauté à part dans la société du genre humain.

La base fondamentale de la constitution mosaïque est l'Unité de Dieu. La loi rend obligatoire pour les parents l'enseignement de ce dogme et des principes qui en découlent. Ecoute, Israël, l'Eternel, notre Dieu, est un. Tu inculqueras ces paroles à tes enfants et tu t'en entretiendras, assis dans ta maison, marchant sur la route, quand tu te lèveras et quand tu te coucheras[31].

Elle recommande instamment d'inspirer aux enfants la foi dans la destinée et la mission d'Israël, en leur faisant apprendre par cœur, transcrire et répéter souvent le dernier chant de Moïse[32], qui célèbre avec des accents du lyrisme le plus élevé l'amour que Dieu a voué aux descendants des patriarches, et la protection dont il les couvrira éternellement[33].

L'histoire nationale et surtout l'histoire de la sortie d'Egypte, de la proclamation du Décalogue et des miracles qui ont accompagné ces grands faits, témoignages éclatants de la prédilection de Dieu pour le peuple élu, devaient être, de même, enseignées aux enfants dès le plus tendre. L'obligation en est imposée non seulement au père, mais encore au grand-père.

Mais garde-toi et garde bien ton âme, de peur que tu n'oublies les choses que tes yeux ont vues, et de peur qu'elles ne sortent de ton cœur aucun jour de ta vie ; tu les feras connaître à tes enfants et aux enfants de tes enfants.

Le jour on tu fus placé devant l'Eternel, ton Dieu, au Horeb, quand l'Eternel me dit : Assemble-moi le peuple, je leur ferai entendre mes paroles, pour qu'ils apprennent à me craindre tout le temps qu'ils seront vivants sur la terre, et qu'ils instruisent leurs enfants[34]...

Et cet enseignement, il fallait le donner, non d'une manière froide et dogmatique, mais par l'action, par la vie même, afin qu'il laissât des traces impérissables.

L'anniversaire de la délivrance de l'esclavage d'Egypte se célébrait par de grandes fêtes religieuses. La veille de la fête, chaque famille immolait un agneau, âgé d'un an et sans défaut. La victime, appelée l'agneau pascal, rôtie tout entière sur le feu, était consommée le soir même avec des pains azymes et des herbes amères. Cette cérémonie extraordinaire était faite pour exciter la curiosité de l'enfant. Le père avait l'obligation de satisfaire à ce sentiment, en racontant à son fils les circonstances qui ont accompagné le mémorable événement, sujet de la fête. Quand vous serez entrés dans le pays que l'Eternel vous donnera, vous observerez ce culte, et si vos enfants vous demandent ce qu'il signifie, vous direz : C'est le sacrifice de la pâque à l'Eternel, qui a passé par dessus les maisons des enfants d'Israël lorsqu'il frappa l'Egypte et qu'il préserva nos demeures[35].

Si l'enfant est trop jeune pour prêter son attention aux cérémonies pascales, il est du devoir du père de provoquer ses questions[36].

C'est l'application du principe pédagogique que toutes les méthodes modernes cherchent à répandre, à savoir qu'on cultive les facultés intellectuelles des enfants en favorisant l'observation directe et en provoquant la réflexion personnelle.

Bien plus, afin de graver d'une manière indélébile dans leur cœur et leur mémoire les grands faits historiques, qui prouvent la grandeur et la puissance de Jéhovah, tous les sept ans, à la fête des Tentes, les enfants étaient amenés à Jérusalem. Ce jour-là, la ville sainte rayonnait de joie, une foule bruyante remplissait les rues, et dans le parvis du temple s'élevaient des estrades du haut desquelles les prêtres lisaient, devant le peuple assemblé, les livres de la doctrine mosaïque et de l'histoire nationale. Ce spectacle grandiose ne pouvait manquer de frapper l'esprit de l'enfant et d'y laisser une vive impression. Aussi la loi recommande-t-elle de les y amener dès leur premier âge. Au bout de sept ans, à la fête des Tentes, lorsque tout Israël vient pour paraitre devant la face de l'Eternel, ton Dieu, tu liras cette loi à leurs oreilles. Fais assembler le peuple, les hommes, les femmes, les petits enfants, afin qu'ils écoutent et qu'ils apprennent[37].

Ces lectures, ces conférences étaient le seul enseignement public que recevaient les jeunes Hébreux. Pendant toute la période biblique, nous ne trouvons, en effet, point de traces d'écoles, au moins pour les enfants. Quant aux adolescents, certaines interprétations de textes permettraient d'établir qu'il existait des institutions dans lesquelles ils pouvaient développer l'instruction élémentaire reçue au sein de la famille.

Ainsi, un grand nombre d'écrivains, s'appuyant sur des traditions talmudiques, pensent que les associations de prophètes[38], fondées, dit-on, par Samuel, étaient de véritables écoles où, sous la direction d'un maître, les jeunes gens qui se sentaient appelés à la mission de défendre la cause de Jéhovah, s'instruisaient dans la Loi, la musique et l'histoire nationale[39].

D'après Munk[40], le savant et regretté orientaliste, on peut conclure d'un passage du livre des Proverbes, qu'Ezéchias créa une société d'hommes lettrés avec la mission de recueillir et de mettre en ordre d'anciens monuments littéraires. Les jeunes gens, avides d'une instruction supérieure, y étaient admis et venaient s'y livrer à l'étude de la poésie, de la philosophie et de l'éloquence.

La légende talmudique va jusqu'à prétendre que ce roi de Juda, après avoir fondé des écoles, employa des moyens coercitifs pour obliger ses sujets à les fréquenter. Au-dessus de la porte de chaque école, il aurait fait suspendre une épée, avec une inscription menaçant de la peine capitale tous ceux qui négligeraient l'étude de la Loi[41].

L'Ecclésiaste[42] parle de maîtres de réunions, et des commentateurs autorisés disent qu'il faut entendre par là : des assemblées qui, dès la plus haute antiquité, avaient pour objet l'étude de la philosophie. Nul doute que les jeunes gens n'y fussent admis, puisque l'écrivain biblique cherche précisément à les prémunir contre l'enseignement probablement trop peu orthodoxe qu'on y donnait. Du reste, mon fils, dit-il, sois sur tes gardes ; il se fait des livres à n'en pas finir, et trop d'études fatigue le corps[43].

Lorsque, sous le règne de Josias, le grand prêtre Hilkia trouva un exemplaire du Livre de la Loi, on alla consulter la prophétesse Houldah, qui demeurait à Jérusalem, dans la Mischné. Quelques commentateurs traduisent ce mot par seconde enceinte ; mais d'autres, parmi lesquels Raschi et Kimchi, soutiennent qu'il est question d'une école où s'enseignaient les pures traditions mosaïques[44].

Toutes ces interprétations reposent sur des bases plus ou moins justes ; mais, en admettant même leur exactitude, on en pourrait conclure, tout au plus, qu'il y avait quelques centres d'instruction où l'on étudiait la philosophie et l'histoire. Il n'en est pas moins acquis que, pendant la période biblique, l'enseignement élémentaire ne cessa pas d'être complètement domestique. Ce n'est qu'après le retour de la captivité, dans la période talmudique, que nous allons voir l'instruction primaire s'établir, se répandre avec une organisation et des méthodes qui ne sont pas indignes de fixer encore aujourd'hui l'attention.

 

SECONDE PARTIE.

Pendant les soixante-dix ans de captivité sur les bords de l'Euphrate, un changement profond s'opère dans l'esprit du peuple hébreu, ou plutôt, comme nous l'appellerons désormais, de la nation juive. L'œuvre de Moïse et des prophètes s'accomplit. Le peuple de Dieu, pour nous servir du nom qu'il aime à se donner, le peuple de Dieu a conscience de sa mission ; il comprend que son rôle n'est pas un rôle politique, qu'il lui est assigné une tache plus élevée : celle de répandre la doctrine de l'Unité de Dieu. Aussi sa sollicitude est-elle sans bornes pour l'étude des livres qui contiennent ce dogme précieux.

Le prophétisme s'éteint. Le prêtre a perdu toute autorité. L'homme important désormais, l'homme qui est écouté et obéi avec respect, c'est le Sopher, l'écrivain, l'homme du livre, le savant qui Gonflait les recueils des ancêtres et sait enseigner les plus purs principes monothéistes, dont l'abandon avait attiré à la nation de si cruelles épreuves.

Lisez-nous le livre de la doctrine de Moïse[45], s'écrie le peuple à l'arrivée d'Ezra. On veut savoir, on veut apprendre. Tout le monde sent qu'il n'y a plus de salut que dans l'instruction.

On n'arriva cependant pas tout d'un coup à une organisation rationnelle de l'instruction, à celle qui a pour hase l'enseignement primaire public.

Malgré les accidents qui peuvent changer brusquement la constitution d'un peuple, la conception qu'il a des choses ne se développe que lentement, régulièrement. Le progrès n'est pas une force qui agit par secousse, c'est une évolution logique, graduée, où l'idée d'aujourd'hui se rattache à celle d'hier, comme celle-ci à un passé plus éloigné.

L'enseignement domestique, patriarcal des anciens temps n'était plus possible, car la plupart des Juifs ne savaient ni lire, ni écrire l'hébreu[46]. Mais de l'enseignement public, on n'avait d'autre notion que celle des grandes réunions septennales de la fête des Tentes. Or, c'est précisément de cet usage que l'on partit pour fonder le nouvel état de choses.

Dès les premiers jours du retour de la captivité, Ezra fit, pendant les fêtes, devant le peuple réuni, des lectures tirées des livres de Moïse, que des Sopherim et des Lévites expliquaient clairement et, avec indication du sens[47]. Il en institua de semblables pour les après-midi des samedis, de même que pour les lundis et les jeudis, jours où, à cause du marché, les gens de la campagne affluaient à Jérusalem[48]. L'usage de ces lectures s'est conservé, dans les synagogues, jusqu'à nos jours.

Les successeurs d'Ezra, les hommes de la Grande Synagogue[49], firent un pas de plus. Ils comprirent que les lectures des lundis et des jeudis ne pouvaient suffire, qu'en dehors de Jérusalem et de la Judée, il y avait de trop nombreuses communautés plongées dans l'ignorance. Ils agirent donc par l'exemple, par la prédication, pour que, dans les grands centres, il fût fondé des écoles pour l'enseignement des choses religieuses, de la littérature et des lois nationales. Faites de nombreux élèves, répétaient-ils constamment[50]. Ils recommandaient de témoigner les plus grands égards aux gens instruits. Que ta maison, disaient-ils, soit un lieu de rendez-vous pour les Sages ; ne dédaigne pas la poussière de leurs pieds et recueille leurs paroles avec avidité[51].

Ils eurent le tort cependant de laisser l'instruction des enfants à la discrétion des parents. Aussi qu'arriva-t-il ? Un siècle s'est à peine écoulé depuis l'activité salutaire des hommes de la Grande Synagogue, et voici le spectacle que nous présente la société juive. Tandis qu'en haut florissait une culture intellectuelle telle que la Judée n'en a jamais connue de plus grande ; que, franchissant les limites assignées jusqu'alors à l'instruction, les classes supérieures ajoutaient à l'étude de leurs livres celle de la science grecque et la portaient au point de mériter, dit-on, l'éloge d'Aristote lui-même[52], en bas, dans les masses, il n'y a plus qu'ignorance et superstition.

Le Talmud, parlant de l'époque des Séleucides (332-167) s'exprime en ces termes : Le père qui, autrefois, était préposé à l'éducation de son fils, l'abandonnait comme une terre inculte, le laissant sans aucune espèce d'instruction ; les orphelins étaient encore plus à plaindre, personne ne songeait à eux[53].

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la mort d'Alexandre Janée (104 avant J.-C.), c'est-à-dire pendant la période la plus remarquable du développement philosophique chez les Juifs, celle précisément où se formèrent les trois grandes sectes des Pharisiens, des Sadducéens et des Esséniens.

Enfin, un Pharisien, Siméon ben Schatach, chef du Sanhédrin et frère de la reine Salomé Alexandra, sentant bien que c'est sur l'éducation populaire que repose la force d'une nation, porta son attention de ce côté. Il institua à Jérusalem une école pour les enfants, ou, selon son expression, une Maison du livre, Beth hassepher[54].

Ce ne fut encore là qu'une réforme bien incomplète et qui fut loin de donner les résultats espérés. Peu de parents envoyèrent leurs enfants, prétextant, avec raison, la distance qui les séparait de Jérusalem ; d'un autre côté, les orphelins de la province restaient toujours privés d'instruction.

Les Rabbins ordonnèrent alors, par une nouvelle loi, la création d'écoles élémentaires dans chaque hyparchie, pour les enfants de seize à dix-sept ans. Mais il arriva que les élèves déjà grands quittaient l'école à la moindre contrariété ; de plus, les enfants des petites villes restaient comme auparavant sans moyen de s'instruire[55].

Le danger était grand cependant. La ruine définitive de la nationalité juive approchait à grands pas. Encore quelques jours, et tout était perdu. Alors, comme dans une demeure dévorée par l'incendie, chacun, après avoir lutté jusqu'au dernier moment contre la flamme furieuse, cherche à sauver ce qu'il a de plus précieux, ainsi les Juifs, après avoir opposé aux Romains la résistance la plus opiniâtre que l'histoire ait enregistrée, les Juifs, dis-je, cherchèrent à arracher pour toujours à la ruine les livres, dépôt sacré de la sainte doctrine, en les confiant à l'intelligence et à la mémoire des enfants. Le soldat de Titus n'avait pas encore jeté le brandon incendiaire dans le parvis du temple, et déjà des écoles pour les enfants s'élevaient de toutes parts.

Périsse le sanctuaire, mais que les enfants aillent à l'école[56], s'écrient les Rabbins. L'haleine des enfants qui fréquentent les écoles est le plus ferme soutien de la société[57]. La science est au-dessus des sacrifices[58].

Rab Jéhoudah, au nom de Rab, revendique pour Josué ben Gamala, grand-prêtre sous Agrippa II (64 après J.-C.), l'honneur d'avoir rendu obligatoire la fondation des écoles pour les enfants[59].

La critique moderne[60] a soulevé des cloutes sur la possibilité où se seraient trouvés les Juifs, au milieu de leurs désastres politiques ; de se consacrer à une institution de cette nature. Nous croyons, au contraire, en nous fondant sur ce que nous avons vu nous-même, dans notre pays, en ces derniers temps, que l'assertion de R. Jéhoudah est très probable, et nous laissons à Josué ben Gamala l'honneur qu'il lui attribue.

D'après la loi de ce souverain pontife, restée en vigueur pendant toute la période rabbinique, chaque ville est obligée, sous peine d'excommunication[61], d'entretenir une école primaire[62].

Si la ville est coupée en deux par un fleuve et qu'il n'y ait point de pont solide pour le traverser, il doit être créé une école dans chaque partie[63].

Dans le cas où la communauté serait trop pauvre, pour construire une maison d'école, il est permis de convertir la synagogue en école[64].

L'usage d'affecter un même local à la prière et à l'étude devait être très fréquent chez les Juifs, puisque, aujourd'hui encore, ils désignent le temple par le mot Scola chez les Portugais et Schule chez les Allemands.

Lorsque plusieurs locataires habitaient une maison, le propriétaire ne pouvait, sans leur assentiment, en agréer un nouveau dont la profession était trop bruyante ou attirait trop de monde dans la maison. Pour louer à un instituteur, cette autorisation n'était pas nécessaire, afin que rien n'entravât le développement des écoles[65].

Si le nombre des enfants ne dépassait pas vingt-cinq, l'école était dirigée par un seul maître ; à partir de vingt-cinq, la commune payait un adjoint ; au-dessus de quarante, il fallait deux directeurs[66].

A côté des écoles entretenues par la communauté ou placées sous son administration, il y en avait aussi de libres. Et celles-ci, la loi les autorisait même à s'établir à côté des premières. L'émulation, disent les Rabbins, augmente la science[67].

J'ai plaisir à rapprocher de cette sentence l'opinion, sur la même question, d'un homme qui a su acquérir une grande autorité dans tout ce qui regarde l'organisation de l'instruction, de M. Michel Bréal : Deux écoles, dit-il[68], en présence l'une de l'autre, tiennent à montrer, la plus élevée, qu'elle mérite son nom, la plus humble, qu'elle est au-dessus de sa tâche. C'est l'avis du Talmud.

Les Juifs estimaient d'autant plus la multiplicité des écoles dans un endroit, qu'ils croyaient qu'un enfant, pour faire de bonnes études, devait souvent changer de maître. Celui qui n'apprend que chez un seul maître, disaient-ils, ne connaîtra jamais qu'une seule face des choses[69].

Une ville privée d'école était mise en interdit. C'était pour tout Israélite un péché de l'habiter[70].

Un jour que j'étais en voyage, raconte Rabbi José ben Kisma, je rencontrai un homme qui me salua et me dit : Rabbi, de quel endroit es-tu ? Je lui répondis : Je suis d'une ville très grande, remplie de savants et de professeurs. — Maître, me dit-il, ne voudrais-tu pas venir demeurer dans notre bourg, je te donnerais cent mille dinars d'or. — Mon fils, répondis-je, tu me donnerais tout l'or et tout l'argent de la terre que je n'irais pas m'établir dans une ville où l'on néglige l'étude de la Torah[71].

Une légende rabbinique, se rapportant aux premières années du deuxième siècle, nous permet de constater, malgré son exagération tout orientale, l'immense développement qu'avaient pris les écoles primaires. Dans la ville de Bettar, dit-elle, il y avait 400 écoles pour les enfants, chaque école avait 400 maîtres, et chaque maître 400 élèves[72].

En principe, l'enseignement était gratuit. La Loi, disaient les Docteurs, nous ayant été donnée gratuitement, celui qui l'enseigne ne doit accepter aucun salaire. Cette règle ne souffrait aucune exception dans l'enseignement supérieur, et les professeurs les plus illustres étaient obligés de gagner leur subsistance par l'exercice d'un métier. Mais pour l'enseignement élémentaire et obligatoire, comme il était à craindre qu'on ne trouvât pas, sans rétribution, un nombre de maîtres suffisant, ceux-ci avaient le droit de toucher un traitement, non pas précisément pour leur enseignement, mais pour la surveillance des enfants, ou pour une partie de l'enseignement qui n'était pas obligatoire, comme la grammaire, par exemple[73].

L'instituteur porte dans le Talmud trois noms différents. Le plus fréquemment employé est celui de Melamed Tenokoth, professeur des enfants ; c'est le nom hébreu. Le nom araméen est Makré Derdekei, celui qui fait lire les petits. On trouve aussi, mais plus rarement, le nom de Sopher, scribe, l'homme du livre.

Les qualités que l'on recherchait, dans le choix d'un Melamed Tenokoth, méritent au plus haut point notre attention.

Il doit, avant tout, être marié[74]. Le jeune instituteur qui affichait du goût pour le célibat ne pouvait rester en fonctions. Les Rabbins ne manquent pas d'insister sur le danger de confier les enfants à des instituteurs qui ne sont pas pères de famille.

On aimait surtout des hommes d'un certain âge, conformément à cet aphorisme de José ben Jéhoudah : Celui qui apprend quelque chose d'un maître jeune ressemble à un homme qui mange des raisins verts et boit du vin sortant du pressoir ; mais celui qui a un maître d'un âge mûr ressemble à un homme qui mange des raisins exquis et boit du vin vieux[75].

L'instituteur ne doit pas avoir le caractère irascible. La colère détruit le savoir[76].

Il ne doit pas être orgueilleux[77]. C'est dans les modestes vases d'argile ou de bois que l'eau, le vin et le lait se conservent le mieux, dit le Talmud dans son langage figuré[78].

Il ne faut pas qu'il soit adonné à la boisson ni trop ami de la bonne chère[79].

Il doit avoir l'esprit méthodique et être capable d'exposer, d'une façon claire, et d'après un plan arrêté, toutes les parties de son enseignement[80].

On exigeait qu'il fût un homme patient, doux et affable, dévoué et désintéressé[81].

Et ces qualités, nous les trouvons, en effet, dans la plupart des instituteurs dont parle le Talmud.

Citons, en première ligne, Rab Samuel ben Schilath, qui se refuse le plaisir de visiter son jardin dans la crainte de négliger ses élèves et de leur faire perdre un temps précieux[82].

Rab Hyia transformait lui-même en parchemin les peaux des animaux qu'il avait tués à la chasse, y transcrivait les cinq livres de Moïse ou les six traités de la Mischnah, et les distribuait aux enfants indigents en leur recommandant de les prêter, à leur tour, à leurs camarades[83].

N'oublions pas non plus cet instituteur à qui Rab demanda sa profession, et qui répondit si dignement : Je suis Instituteur de l'enfance, instruisant, sans distinction, les enfants pauvres et les enfants riches, et n'acceptant jamais de rétribution de celui qui serait gêné pour payer[84].

C'est à ces hommes, dit le Talmud, que s'applique le verset de la Bible : Ceux qui répandent l'instruction brilleront à jamais comme l'éclat du firmament, comme les étoiles du ciel. (Daniel, XII, 3)[85].

C'est à cause de leur mérite, lisons-nous dans un Midrasch, que Dieu a placé l'arc-en-ciel dans les nues[86].

A côté de ces professeurs remarquables, il y en avait certainement aussi qui abusaient de la confiance des parents, n'apprenaient rien aux enfants ou leur enseignaient des notions erronées ; ceux-là, les Docteurs ordonnent de les casser sans pitié ; ils sont maudits[87].

Il n'était cependant pas permis de renvoyer un instituteur qui remplissait bien son devoir, pour en prendre un autre plus instruit. Si l'instituteur n'est pas sûr de sa position, dit Rabba, il se relâchera de son zèle[88].

Un grand nombre d'instituteurs sortaient des Académies supérieures, et aucun Docteur n'aurait cru se ravaler en devenant maître d'école.

Le patriarche R. Jéhoudah hannasi envoya à une communauté qui lui demandait un instituteur, un de ses disciples les plus distingués, R. Lévi ben Sissi[89].

Le célèbre Nasi, Rabban Gamliel, avait, d'après le Talmud, mille enfants dans son école[90].

C'est que les Juifs avaient des fonctions du maître d'école la plus haute opinion. C'étaient les plus nobles, les plus honorables. Dieu lui-même ne dédaigne pas de les exercer. Ecoutez plutôt la Haggada suivante : Rabbi Jéhoudah dit au nom de Rab : La journée se divise en quatre parties ; dans la première, le Saint, béni soit-il, étudie la Torah ; dans la seconde, il juge les hommes ; dans la troisième, il les nourrit ; et dans la quatrième, il est assis et préside à l'instruction des enfants qui fréquentent la maison du maître, Beth Rabban[91]. Peut-on trouver une allégorie qui relève d'une manière plus saisissante l'importance, la grandeur, je dirais presque la majesté des fonctions du maître d'école ?

Du reste, comme de nos jours, les instituteurs étaient proclamés les soutiens de la société. Plusieurs Rabbins de la Babylonie, raconte le Talmud[92], vinrent un jour dans la Judée avec la mission d'inspecter les écoles primaires. Ils arrivèrent dans une petite ville, où ils ne trouvèrent aucune trace d'enseignement, aucun professeur. Indignés de ce fait. ils demandent à voir les gardiens de la ville. On accède à leurs désirs, et ceux-ci se présentent. C'étaient les soldats de la garnison. Pensez-vous, s'écrient alors les Docteurs, pensez-vous que ce soient là les protecteurs de la ville ; non, ils en sont plutôt les destructeurs. Les vrais protecteurs de la cité, ce sont les instituteurs, les précepteurs du peuple, car : Si Dieu ne protège la ville, c'est en vain que veillera la sentinelle (Ps. CXXVII, 1).

Aucune métaphore poétique n'était trop forte pour les désigner. Un Midrasch les compare à des jardins verdoyants, situés au bord de l'eau[93]. Un autre, voyant dans la jeune fille du Cantique des Cantiques une personnification de la nation juive, appelle les instituteurs les perles qui brillent sur ses joues[94].

Des hommes dont les services étaient appréciés à ce point devaient être nécessairement l'objet d'un grand amour et d'une grande estime. Le Talmud, en effet, ne tarit point sur les égards que l'on doit à son professeur.

L'élève ne doit pas appeler le maître par son nom, mais se servir des expressions de Rabbi, mon maître, ou de Mori, mon professeur[95].

En le rencontrant dans la rue, il ne doit pas se contenter de lui adresser, en passant, un simple salut, mais il doit s'avancer vers lui, respectueusement, et dire : La paix avec toi, mon maître et mon précepteur[96].

Dès qu'il le voit venir, l'élève est obligé de se lever, et il ne peut s'asseoir que lorsque le maître l'y a invité[97]. La place du maître est sacrée ; aucun élève ne doit s'y asseoir[98].

Il était défendu de marcher à la droite de son maître[99].

En prenant congé de lui, l'élève ne devait pas le quitter brusquement, mais se détourner de lui lentement et avec respect[100].

Le Talmud[101] veut que dans l'affection d'un disciple le maître passe avant le père : Si votre maître et votre père, dit-il, ont besoin de votre assistance, secourez votre maître avant de secourir votre père, car celui-ci ne vous a donné que la vie de ce monde, tandis que celui-lit vous a procuré la vie du monde à venir. M. Adolphe Franck, l'éminent professeur au Collège de France, dans un article sur les Sentences et les Proverbes du Talmud, fait remarquer judicieusement que c'est presque le mot d'Alexandre le Grand, quand il prétend qu'il doit plus à Aristote, son maître, qu'à Philippe, son père[102].

Cela ne suffit pas encore. Il faut vénérer son maître comme on vénère Dieu[103].

Il parait même que certains disciples prenaient ce précepte trop au pied de la lettre, et exagéraient les démonstrations de respect envers leurs maîtres, car, dans un autre endroit du Talmud, les Rabbins recommandent de ne pas pousser le respect envers son maître, au point qu'il dépasse celui que l'on doit à son Créateur[104].

Une Beraïtha[105] nous montre le rang qu'occupait l'instituteur dans l'échelle sociale. Dans tous les cas, dit-elle, l'homme doit vendre tout ce qu'il possède pour épouser la fille d'un savant, Talmid Chacham ; s'il ne trouve pas de fille de savant, il recherchera la fille d'un grand de l'époque ; s'il ne peul avoir la fille d'un grand, il épousera la fille d'un chef de communauté ; s'il ne peut avoir la fille d'un chef de communauté, il choisira la fille d'un Melamed Tenokoth, d'un maître d'école. On voit que l'instituteur compte parmi les personnages les plus distingués d'une ville.

Les Juifs aimaient à faire commencer les études de très bonne heure. Ce que l'on apprend dans l'âge tendre, dit un Rabbin, tient comme un écrit tracé sur du vélin neuf[106].

Josèphe[107] raconte que, dès son enfance, il fut élevé dans l'étude des lettres. Il y fit, dit-il, de si grands progrès, qu'à l'âge de quatorze ans, les principaux de Jérusalem lui demandaient son opinion sur l'interprétation de la Loi. A treize ans, il étudiait déjà les diverses doctrines philosophiques des Pharisiens, des Sadducéens et des Esséniens.

Jésus n'avait que douze ans, lorsqu'on le surprit au milieu des Docteurs les écoutant, et les interrogeant, ravissant ses auditeurs par la sagesse de ses réponses[108].

L'enfant commençait à peine à parler qu'on lui apprenait un verset de la Bible ; aussitôt qu'il le savait par cœur, il en apprenait un autre, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à l'âge scolaire[109].

Certains Rabbins fixent l'âge de la fréquentation de l'école à cinq ans[110]. Josué ben Gamala le fixe entre six et sept[111], et cet âge est généralement admis par les Docteurs du Talmud. C'est aussi l'âge qu'ont adopté les législations modernes[112].

Celui qui envoie son enfant à l'école avant l'âge de six ans, dit le Talmud, court après lui et ne l'atteint pas, c'est-à-dire, ajoute Raschi, il cherche à le fortifier et à le développer, mais il n'y parviendra pas, car l'enfant est trop faible, et il l'expose à la mort[113].

Si l'on amène dans ton école un enfant de moins de six ans, il ne faut pas le recevoir, dit Rab à Samuel ben Schilath, mais à partir de cet âge, reçois-le et charge-le comme on charge un bœuf[114].

Son zèle pour la diffusion de l'instruction élémentaire entraîne ce Rabbin un peu trop loin. sous préférons à son conseil si dur et si rudement exprimé une autre maxime pédagogique fréquente dans la bouche des Docteurs du Talmud : Les petits selon leurs forces, les grands selon leurs forces. Ce principe est plus humain et plus juste.

Selon le Midrasch, Dieu lui-même s'est révélé, sur le mont Sinaï, aux vieillards, aux adultes et aux enfants, à chacun d'une façon appropriée à son âge[115].

Les parents conduisaient eux-mêmes leurs enfants à l'école. Les plus distingués ne manquaient pas à ce devoir, dont l'accomplissement leur était compté par Dieu comme une des plus grandes vertus.

Rabba bar Hounah ne déjeunait pas avant d'avoir conduit son fils à l'école.

Rab Hyia bar Abba rencontra, un matin, Rabbi Josué ben Levi, qui, la tête à peine couverte d'un lambeau d'étoffe, traversait la rue pour conduire son fils à l'école. Comment, lui dit-il, oses-tu sortir dans une toilette aussi peu convenable ? Le premier devoir d'un père de famille, répondit Rabbi Josué, est de conduire son enfant à l'école[116].

Certaines communautés, ne se fiant pas tout à fait au zèle des parents, choisissaient, parmi leurs membres les plus notables, des magistrats chargés de réunir les enfants et de les conduire à l'école. Ces magistrats portaient le nom de Maphtirei Kenéssioth[117].

Nous allons les suivre, en faisant remarquer préalablement que nous sommes chez un peuple qui confond la science, la littérature, l'histoire, la morale, en une seule et unique connaissance, celle de la religion, dont l'expression la plus élevée est la Bible.

Le Beth hammidrasch[118], Maison d'études, est divisé en trois classes : 1° la Mikra, lecture, 2° la Mischnah, répétition de la loi, 3° la Guémara, perfectionnement.

Entrons avec recueillement, comme si nous entrions dans un lieu de prières ; ainsi l'ordonnent les Docteurs[119], et inspectons les classes l'une après l'autre.

Dans la première se trouvent les enfants de six à dix ans[120]. Ils apprennent la lecture, l'écriture, les éléments de l'hébreu et du chaldéen, ainsi que l'interprétation des textes bibliques. Elèves et maître sont assis par terre, le maître au milieu, les élèves autour de lui comme une couronne[121], afin que tous le voient et l'entendent. Sa physionomie est sévère et grave, pour que les enfants, si disposés au jeu, s'aperçoivent, dès leur entrée à l'école, que l'étude est une chose importante et sérieuse[122].

Nous le trouvons enseignant l'alphabet aux plus jeunes. Il leur montre la forme des lettres, mais il ne se contente pas de dire froidement le nom de chaque lettre. Il sait animer son enseignement, donner, pour ainsi dire, la vie aux lettres, et tirer de leur forme ou de leur disposition une leçon morale. Ainsi, le rapprochement du Guimel et du Daleth, qu'il croyait dériver de Gamal (faire le bien) et de Dal (pauvre) lui sert de sujet pour enseigner à ses jeunes élèves la nécessité de la charité et de la bienfaisance. Le Guimel suit le Daleth, de même l'homme bienfaisant doit rechercher les pauvres pour les secourir. Le Daleth tourne, pour ainsi dire, le dos au Guimel. Le maître déduit de là que la charité doit être exercée avec discrétion, sans que le pauvre soit obligé de tourner sa face vers le riche pour le supplier.

Le Çamech, lettre initiale de Çamach (soutenir) et le Aïn, initiale de Oni (pauvre) sont placés l'un à côté de l'autre, pour indiquer qu'il faut soutenir les malheureux et les relever[123].

C'est presque une leçon de choses, mais de choses morales.

Les enfants un peu plus avancés tiennent à la main un rouleau sur lequel ils ont copié eux-mêmes les passages les plus importants du Pentateuque[124]. Les plus forts ont des Bibles complètes que des gens riches ont fait copier à leur intention[125], car les livres sont fort chers[126], et tout le monde n'a pas les moyens de s'en procurer. Ces Bibles sont écrites avec soin et sans faute, pour que l'enfant ne reçoive pas, dès le début, des impressions fausses[127].

Les textes sont lus, non pas en nasillant ou en psalmodiant, comme on ne le fait encore que trop souvent, même de nos jours, mais à voix haute[128], les mots nettement articulés, accentués avec régularité, les périodes correctement divisées[129]. Voyez le maître, il veille avec un soin scrupuleux à ce que l'enfant lise bien, car en hébreu, un mot mal prononcé peut devenir un blasphème[130]. Son attention est d'autant plus grande, qu'à l'époque dont nous parlons les points-voyelles n'étaient pas encore inventés, et les fautes de prononciation, par conséquent, très faciles. Aussi préférait-on un instituteur ayant une prononciation correcte mais des connaissances relativement peu étendues, à celui qui était très instruit mais avait une prononciation défectueuse[131].

D'après Maïmonide[132], la classe de la Mikra durait toute la journée et une partie de la nuit. Si cela est vrai ce qui parait cependant très difficile à admettre, il est probable que les cours étaient interrompus par des récréations, ou bien que le maître divertissait, de temps en temps, ses élèves en leur racontant ces paraboles, ces légendes, ces Haggadoth que nous rencontrons si fréquemment dans le Talmud.

Dans la seconde classe, dans la Mischnah, les élèves ont de dix à quinze ans[133]. Le maître leur expose la loi orale, Torah Schébeal Péh. Ce sont les lois déduites de la loi écrite, ou autrement les lois civiles, commerciales et pénales, que Moïse aurait reçues oralement sur le mont Sinaï et transmises, de bouche en bouche, aux anciens, ceux-ci aux prophètes, ceux-ci aux hommes de la Grande Synagogue, et ainsi de suite, jusqu'ace qu'elles aient été recueillies et mises par écrit par Rabbi Jéhoudah, surnommé le Saint, dans le premier quart du troisième siècle.

Ce niveau d'études, si élevé pour des enfants si jeunes, n'étonnera pas ceux de nos lecteurs qui se rappellent ce que nous avons dit plus haut de Flavius Josèphe et de Jésus.

Encore aujourd'hui, dans les grands centres israélites, où se sont conservées les traditions rabbiniques, il n'est pas rare de rencontrer de tout jeunes garçons ayant étudié les six traités de la Mischnah.

Dans la même classe, on explique aussi le sens et l'importance des prescriptions religieuses, dont l'observance commence à devenir obligatoire pour les garçons de treize ans.

Ici, point ou presque point de livres. La leçon est répétée en chantant, jusqu'à ce que tous les élèves la sachent par cœur[134].

Dans la troisième classe enfin, nous voyons les adolescents de quinze à dix-huit ans[135]. Le maître, dans cette classe, est assis sur un siège[136], car l'importance des questions qu'il traite exige qu'il domine son auditoire. Toutes les lois orales y sont soumises à la discussion[137]. L'élève a le droit de critiquer telle ou telle interprétation, de signaler les contradictions qu'il croit trouver entre deux Halachoth, de demander les motifs qui ont présidé à leur élaboration[138]. La tâche du maître consiste à répondre à ses questions et à réfuter ses objections. L'élève cependant ne doit pas porter ses questions sur des sujets qui ne sont pas à l'étude, de crainte que le maître n'étant pas prêt ne soit exposé à se tromper[139]. D'un autre côté, le maître doit préparer sa leçon et prévoir, autant que possible, les explications qui pourront lui être demandées[140]. Une franche cordialité règne ici entre le maître et les élèves. Souvent il les questionne sur leurs études antérieures, sur leur position, sur leur avenir[141]. De temps en temps même, il tempère, par quelques propos plaisants, la sévérité et la fatigue de l'étude[142]. Quelquefois les élèves discutent entre eux, et cherchent à s'expliquer ce que l'un ou l'autre ne comprend pas. C'est le fer aiguisant le fer, dit R. Chaninah[143].

Outre l'étude approfondie des lois orales, le programme de la classe de Guémara comprend quelques notions très simples d'histoire naturelle[144], d'anatomie[145], de médecine[146], et, avec de plus grands développements, la géométrie et l'astronomie, les deux seules sciences que les Juifs cultivaient avec soin, parce qu'elles leur étaient indispensables pour la formation du calendrier[147]. Ils ne les considéraient cependant que comme les périphéries de la vraie science, qui est la Torah[148].

Dans toutes les classes, le maître traite ses élèves avec respect. Leur dignité lui est aussi chère que la sienne[149]. Il répond à leurs questions avec patience et bienveillance. Il s'ingénie à les instruire par la voie la plus courte et la moins fatigante, graduant son enseignement, et ayant toujours des explications claires et précises[150]. S'ils ne comprennent pas bien, il répète son explication aussi souvent qu'il est nécessaire pour qu'ils en soient pénétrés, quatre cents fois s'il le faut[151]. Il s'attache à aiguiser leur intelligence par des questions insidieuses[152]. Il recherche les discussions, les stimule, les provoque ; car, selon la belle expression de Maïmonide, elles développent son savoir et élargissent son cœur[153]. Rabbi Chaninah disait : J'ai beaucoup appris de mes maîtres, davantage de mes condisciples, plus encore de mes élèves[154].

La discipline est certainement un des points les plus importants pour la tenue d'une classe. Elle a toujours appelé l'attention de ceux qui se sont occupés de l'organisation des écoles. Faut-il être sévère ou bon envers les enfants ? Les châtiments corporels sont-ils plus efficaces que les punitions morales ? Peut-on se contenter de réprimandes ? Toutes ces questions ont été résolues selon l'état des mœurs de l'époque où elles ont été soulevées.

Les Rabbins se sont tenus à cet égard dans un juste milieu. Ils admettent bien encore les punitions corporelles, si fort en usage chez leurs ancêtres, mais ils ne les admettent plus que dans une mesure très modérée. Il faut, selon eux, agir avec une grande indulgence, lorsqu'on a affaire à des enfants au-dessous de douze ans, et s'efforcer de leur faire comprendre l'utilité de l'étude par des paroles engageantes. Au-dessus de cet âge, ils permettent de priver l'enfant de pain, et même de le frapper, mais avec une courroie de chaussure, afin de ne pas nuire à sa santé[155].

Et comment un maître aurait-il pu maltraiter ses élèves ? Les Rabbins ne disent-ils pas que les enfants qui fréquentent la maison du maître sont les oints du Seigneur, et que c'est à eux que s'appliquent les paroles du Psalmiste : Ne touchez pas à mes oints[156] (Ps. CV, 15) ?

Le Talmud parle d'un instituteur[157] qui portait la bonté jusqu'à essayer de corriger les élèves indociles par des friandises, mais il ne dit pas si ce moyen réussit.

Quoi qu'il en soit, c'est beaucoup de bonté mêlé d'un peu de sévérité qui forme le système rabbinique relatif à la discipline. Les enfants, disent les Docteurs, doivent être punis d'une main et caressés des deux[158].

Les mesures de sévérité envers un élève ne pouvaient être, du reste, que très rares, les enfants d'un mauvais naturel, et qui se conduisaient mal étant corrigés et ramenés dans la bonne voie avant de fréquenter l'école[159].

En aucun cas, le mauvais élève n'était exclu de l'école, mais on le laissait assis au milieu de ses camarades, dans l'espoir que l'exemple réveillerait enfin en lui le désir d'apprendre[160].

A la sortie de l'école, les parents ou les Maphtirei Kenéssioth venaient chercher les enfants et les ramenaient chez eux, avec ordre et sans tapage.

Au sein de la famille, l'enfant entend encore traiter les questions qu'il a étudiées à l'école. Bien avant dans la nuit, son père se livre au Talmud Torah[161], et le lendemain matin son premier soin est de faire répéter à son fils la leçon de la veille[162]. A défaut du père, ce sera le grand-père[163]. L'instruction de l'enfant, voilà la constante préoccupation de toute la famille.

Le jour du Schabbath même, l'étude ne cesse pas. Seulement, ce jour-là, on ne commence point au Beth haminidrasch de sujet nouveau ; on se contente de répéter la question traitée dans la semaine, afin que les parents, en l'expliquant chez eux, à leurs enfants, ne soient pas détournés du repos sabbatique[164].

Le Talmud dit : Les parents, c'est-à-dire le père et la mère. Celle-ci, en effet, ne le cède en rien à son mari, lorsqu'il s'agit de l'instruction des enfants. Ainsi qu'aux temps bibliques, c'était pour les femmes juives le devoir le plus sacré. Non seulement elles tenaient la main à ce que l'enfant allât régulièrement à l'école[165], mais elles lui expliquaient souvent la leçon que le ma tire n'avait pu lui faire comprendre. Toutes étaient versées dans la littérature biblique. Car, quoiqu'il n'y eût point d'écoles pour les filles, qui vivaient très retirées[166], leur éducation était loin d'être négligée. Ben Azaï fait une obligation aux Israélites d'enseigner à leurs filles les cinq livres de Moïse ; d'autres veulent qu'elles sachent toute la Bible[167]. La littérature profane même ne leur est pas étrangère ; dans presque toutes les grandes familles, les jeunes filles parlent le grec[168].

Cette langue avait sa place marquée dans toute bonne éducation, et contrairement à ce que prétend M. Renan[169], que nous nous permettons de contredire sur ce point, malgré le respect que nous avons pour sa compétence en ces questions, elle était très populaire en Judée.

Les Juifs savaient en apprécier le mérite[170]. Le Midrasch[171] l'appelle la langue sans défaut, le Talmud[172] la plus gracieuse des langues japhétiques, et elle semble avoir exercé sur les Juifs de l'époque dont nous nous occupons le même charme que sur les Romains du temps de Cicéron, ou sur les Français de la Renaissance.

Tous les hommes d'un certain rang la parlaient. On ne pouvait être membre du Grand Sanhédrin sans la savoir[173]. Et l'exemple de Josèphe nous montre avec quelle perfection un Juif palestinien parvenait à l'écrire.

Rabbi disait : Qu'est-il besoin d'apprendre le syriaque en Palestine, qu'on apprenne l'hébreu ou le grec[174]. Parmi les élèves de Rabban Gamliel, il y en avait cinq cents qui étudiaient la philosophie et la littérature de la Grèce[175]. Enfin Elischa ben Abouya avait toujours un vers grec à la bouche[176].

Il faut noter cependant que le Talmud stigmatise Elischa ben Abouya du nom d'Adler (l'autre), à cause de sou penchant pour les spéculations philosophiques. Ce trait nous révèle et nous explique la défiance dont certains hommes pieux ne pouvaient se défendre à l'égard de l'idiome hellénique. Autre chose est la philosophie grecque, autre chose la langue grecque, dit le Talmud[177] en plusieurs endroits ; mais la distinction n'est pas facile en pratique, et la plupart des Rabbins ont essayé de bannir les études grecques, de peur que, sous le couvert et grâce à la magie de la langue qui lui servait d'organe, la philosophie païenne ne vint ébranler la foi des fidèles.

Vains efforts. Les Rabbins eurent beau répondre à ceux qui leur demandaient si, après avoir étudié la Loi, il était permis d'apprendre la philosophie grecque : Dieu veut que vous vous occupiez de sa Loi jour et nuit ; voyez donc si, pour vous consacrer à la lecture d'Aristote et de Platon, vous pouvez trouver un moment où il ne soit ni jour ni nuit[178], on ne les écoutait pas.

Et la preuve qu'on ne les écoutait pas, et qu'on ne cessa jamais de comprendre l'étude du grec dans l'éducation, c'est qu'à plusieurs reprises, et à des époques diverses, ils lancèrent l'anathème contre ceux qui faisaient apprendre à leurs enfants cette langue étrangère.

Ils le firent une première fois, à l'époque des Maccabées, lors de la guerre fratricide entre Hyrcan et Aristobule, 65 av. J.-C.[179]. On ne tint aucun compte de leurs malédictions.

Après la destruction de Jérusalem, nouvelle défense à laquelle on ne se soumit pas plus qu'à la première, car, à la suite de la guerre de Quiétus, gouverneur de la Judée, sous Trajan, 98-117 ap. J.-C., les Docteurs décrétèrent pour la troisième fois, qu'en signe de deuil, on n'enseignerait plus le grec aux enfants[180].

Des résistances du même genre s'opposaient à toute importation de coutumes helléniques, qui semblait menacer les traditions nationales et compromettre la dignité du peuple de Dieu.

C'est ainsi que la gymnastique, qu'à l'époque d'Antiochus Epiphane, les partisans des idées grecques avaient cherché à introduire dans l'éducation de la jeunesse israélite, fut toujours considérée comme une innovation dangereuse et blâmable[181].

Nous n'avons point, il est vrai, de texte rabbinique qui condamne formellement cette partie de l'éducation ; niais les ternies dans lesquels Josèphe et les auteurs des cieux livres des Maccabées parlent des gymnases, indiquent que les Juifs attachés à la religion de leurs pères voyaient avec douleur les jeunes gens fréquenter des établissements, où ils apprenaient peut-être à briller par l'adresse et par la force, mais où ils risquaient certainement de perdre la sévérité des mœurs, la modestie et la piété qui sont, dans l'esprit juif, les plus précieuses qualités de l'homme.

Le silence même du Talmud prouve que la tentative hellénique ne réussit pas, et il est probable qu'après l'expulsion des Syriens, le gymnase fondé à Jérusalem par Jason, cessa d'avoir des élèves.

Les Rabbins ne méconnaissaient cependant pas l'utilité des exercices qui favorisent le développement physique. Beaucoup d'entre eux recommandent de faire apprendre aux enfants à nager[182]. Rabban Siméon ben Gamliel était, dit-on, très habile dans certains exercices du corps[183]. Il n'en est pas moins certain que la gymnastique proprement dite, systématisée à la façon grecque et telle qu'on l'enseigne dans les gymnases publics, ne faisait pas partie de l'éducation juive, dont le but était, avant tout, l'étude constante de l'histoire et des lois nationales.

Mais si les Rabbins s'efforcent de fonder l'éducation presque exclusivement sur l'étude de la Torah, ils sont loin d'ignorer que toute éducation qui veut être complète doit avoir pour résultat pratique, outre le développement intellectuel et moral, de donner les moyens de gagner honorablement sa vie. Ce résultat ne pouvait être obtenu par la connaissance, même la plus approfondie, des matières enseignées dans les Bathei Midraschoth, puisqu'il était défendu de tirer de cette connaissance le moindre avantage matériel. Il fallait donc que tout Israélite, à côté de l'étude de la Torah, apprit une profession. C'est un point sur lequel les Rabbins insistent avec la plus grande force ; et ils sont unanimes pour exiger que le père de famille fasse apprendre un métier à ses fils.

Rabbi Jéhoudah disait : Celui qui n'enseigne pas de profession utile à son fils est comme s'il l'élevait pour la vie des brigands[184].

Rien n'est plus agréable au Créateur de la terre, lit-on dans une Tosséphta, que l'apprentissage d'un métier[185].

Toute étude qui n'aboutit pas à un travail ou à une profession est vaine et conduit au désordre[186].

Celui qui vit du travail de ses mains a plus de mérite que l'homme pieux qui vit dans l'oisiveté[187].

Il y aurait sept ans de famine, dit un Midrasch, qu'elle n'atteindrait pas l'ouvrier laborieux[188].

Le choix du métier n'était pas indifférent. Les Rabbins recommandent surtout les métiers peu salissants et faciles[189], en défendant toutefois ceux qui sont habituellement exercés par des femmes[190]. Ils détournaient des professions d'ânier, de chamelier, de batelier, à cause de la grossièreté qui caractérise ceux qui les exercent[191]. Il ne fallait surtout pas mettre les enfants en apprentissage chez un épicier. Ces industriels jouissent d'une mauvaise réputation dans le Talmud. Il les accuse de mêler de l'eau au vin qu'ils vendent et des vesces aux légumes secs. Ce sont des fraudes que les enfants ne doivent pas apprendre à connaitre[192].

Les plus illustres Rabbins exerçaient des professions manuelles.

Hillel et R. Akibah étaient fendeurs de bois ;

R. Josua b. Chananiah était cloutier ;

R. Isaac Napacha, forgeron ;

R. Jochanan hassandler, cordonnier ;

R. Néchémia haccador, potier ;

R. Jéhoudah Chaïta, tailleur ;

R. Jéhoudah Hannechtam, boulanger,

Saint Paul était fabricant de tentes.

Le travail est une belle chose ; il honore ceux qui l'exercent, était le dicton favori de R. Jéhoudah, et, joignant l'exemple au précepte, il portait lui-même sur son épaule, en se rendant chaque matin à son Académie, l'objet qui devait lui servir de siège[193].

Instruction et Travail, voilà donc, en résumé, tout le système d'éducation des Docteurs du Talmud. C'est qu'ils savaient, ces maîtres si clairvoyants, que la culture intellectuelle jointe à l'amour du travail sera la force avec laquelle le peuple juif vaincra toutes les difficultés et brisera tous les obstacles. Et tous leurs efforts tendirent fi pénétrer de cette vérité la nation entière. L'histoire atteste qu'ils réussirent. Sur tous les points de la terre où le destin les jeta, le premier soin des Israélites, fidèles aux préceptes des Rabbins, fut d'organiser des écoles. Partout la moindre communauté eut son Beth hammidrasch, partout la famille israélite chercha sa joie et sa consolation dans le Talmud Torah. Les Juifs ne connurent pas les ténèbres du moyen fige, et, si je n'avais restreint mon sujet à ce qui regarde particulièrement les enfants, je pourrais montrer ces Académies qui jetèrent un si vif éclat, à. une époque où le culte des lettres et des sciences était encore chose inconnue dans la chrétienté. Je montrerais, sans parler des communautés du Nord, Tolède, Grenade, Cordoue en Espagne ; Lunel, Béziers, Narbonne, en France ; Modène, Padoue, Gènes, Rome, en Italie. Au quatorzième siècle, les derniers échos de ces écoles célèbres s'éteignent, mais l'amour de l'instruction ne s'éteint pas. Spinoza au dix-septième siècle, Mendelssohn au dix-huitième, prouvent de la manière la plus irréfutable quelle vaste, et solide instruction continuait à se donner dans les familles juives des conditions les plus diverses.

Le travail ne resta pas en moins grand honneur. Lorsque d'odieux préjugés arrachèrent des mains des Juifs l'outil de l'ouvrier, si respecté par leurs Docteurs, leur activité sut se donner carrière dans un autre domaine ; mais jamais la paresse ni le découragement n'ont pu s'emparer de leur âme.

Aussi, quand la Révolution, foulant aux pieds les préjugés et apaisant les haines, proclama enfin leurs droits méconnus depuis tant de siècles, sont-ils venus se placer à côté de leurs concitoyens, non comme des êtres dégradés par l'esclavage, mais comme des hommes dignes depuis longtemps de ce grand acte de justice.

C'est pourquoi aussi ils ont immédiatement su conquérir, dans la société moderne, le rang qu'ils occupent dans toutes les branches de l'industrie humaine.

Et, de même que c'est l'Ecole qui a entretenu la vitalité, l'énergie, la force intellectuelle du peuple juif, de même ce sera l'Ecole qui rendra à notre chère patrie et son ancienne vigueur et sa place glorieuse à la tête de la civilisation.

C'est par ce vœu, qui sort du fond de notre âme, que nous terminons cette étude.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Renan, Vie de Jésus, p. 456.

[2] Psaumes, CXXVII, 3.

[3] Job, V, 25.

[4] Psaumes, CXVIII, 3.

[5] Genèse, XXI, 4.

[6] Genèse, XXI, 8, et I Samuel, I, 24.

[7] II Samuel, IV, 4. Ruth, IV, 6. II Rois, X, 3.

[8] Deutéronome, I, 3.

[9] Exode, XXXV, 25. I Samuel, II, 19. II Samuel, XIII, 8. II Rois, IV, 18. Proverbes, XXXI, 13 et 19.

[10] I Samuel, XVIII, 6-8.

[11] Jérémie, IX, 19.

[12] II Rois, IV, 18.

[13] I Samuel, XVI, 18. Juges, XXI, 20. Ps., CXXXVII. Lamentations, V, 14.

[14] Zacharie, VIII, 5.

[15] Juges, XXI, 21. Jérémie, XXXI, 13.

[16] E. Hieromymi commentatorium in Zachriana, L. III, XII.

[17] Nombres, I, 3, XXVI, 2.

[18] I Samuel, XVII, 41 et 50.

[19] Lévitique, XIX, 2.

[20] Proverbes, XVII, 2.

[21] Festin de Pierre, acte IV, scène VI.

[22] Exode, XX, 12.

[23] Proverbes, XXXI.

[24] Proverbes, XXII, 6.

[25] Proverbes, XIII, 24.

[26] Proverbes, XXIII, 13 et 14.

[27] Proverbes, XIX, 18.

[28] Ce droit avait existé chez les hébreux, à l'époque des patriarches (V. Genèse, XXXVIII, 24). Il fut aboli par la constitution mosaïque.

[29] Deutéronome, XXI, 18-21.

[30] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 71 a.

[31] Deutéronome, VI, 7.

[32] Deutéronome, XXXII.

[33] Deutéronome, XXXI, 19.

[34] Deutéronome, IV, 9 et 10.

[35] Exode, XII, 25-28. La cérémonie du rachat des premiers-nés servait pareillement d'occasion pour glorifier, devant les enfants, la main puissante qui a retiré de la maison des esclaves les descendants d'Abraham et de Jacob. (Exode, XIII, 12-13.)

[36] Talmud de Jérusalem, Pessachim, X, 4.

[37] Deutéronome, XXXI, 10-12.

[38] I Samuel, X, 5 et 10, XIX, 20.

[39] Voir Munk, La Palestine, pp. 247, 422. Dr B. Beer, Jüdische Literaturbriefe, 5e lettre. Dr Samuel Marcus, Die Pœdagegik des israelitischen Volkes, Ire partie, p. 42. Conf. les Gloses de Raschi, Talmud de Babylone, Sanhédrin, 107 b, et celles de I Samuel, XIX, 20. Voir aussi Talmud de Babylone, Jebamoth, 713 b.

[40] Munk, La Palestine, p. 428.

[41] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 14 b.

[42] Ecclésiaste, XII, 11.

[43] Ecclésiaste, XII, 12.

[44] Voir la Bible, trad. Calien, II Rois, XXII, 14. La tradition midraschique (Tana debè Eliahou, ch. IX, Jalkout, II, 42) dit également de Déborah, qu'assise à l'ombre d'un palmier, elle enseignait la Loi à la foule qui se pressait autour d'elle.

[45] Néhémie, VIII, 1.

[46] Néhémie, XIII, 21. Voir Renan, Histoire des longues sémitiques, p. 146.

[47] Néhémie, VIII, 8 et 9.

[48] Néhémie, XIII, 17.

[49] 458-332 av. J.-C. Voir Munk, La Palestine, 479 b et 480 a.

[50] Pirkei Aboth, I, 1.

[51] Pirkei Aboth, I, 4.

[52] Josèphe, Réponse à Appion, VIII.

[53] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[54] Talmud de Jérusalem, Ketouboth, VIII, 11.

[55] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[56] Talmud de Babylone, Schabbath, 119 b.

[57] Talmud de Babylone, Schabbath, 119 b.

[58] Talmud de Babylone, Meguilah 3 b. Sanhédrin, 41 b.

[59] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[60] Derenbourg, Histoire de la Palestine, pp. 248-249. Note 2.

[61] Talmud de Babylone, Schabbath, 119 b.

[62] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[63] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[64] Talmud de Babylone, Meguilah, 27 a.

[65] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 b.

[66] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a. Dans les toutes petites communautés, qui ne pouvaient fournir vingt-cinq élèves, c'était le Hazan, lecteur à la synagogue, qui était chargé de l'instruction et de la surveillance des enfants. V. Mischnah de Schabbath, I, 3. Conf. Raschi.

[67] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 22 a.

[68] Revue des Deux-Mondes, 15 déc. 1878.

[69] Talmud de Babylone, Abodah Zarah, 19 a. Baba Bathra, 21 a.

[70] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 17 b.

[71] Pirkei Aboth, VI, 10.

[72] Talmud de Babylone, Guittin, 58 b.

[73] Talmud de Babylone, Nedarim, 37 a. Conf. Raschi et les autres commentateurs. Berachoth, 29 a. Pirké Aboth, IV, 7.

[74] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 82 a.

[75] Pirkei Aboth, IV, 26.

[76] Talmud de Babylone, Nedarim, 22 b. Pessachim, 66 b.

[77] Talmud de Babylone, Eroubin, 55 e.

[78] Talmud de Babylone, Taanith, 7 a.

[79] Talmud de Babylone, Eroubin, 64 b. Pessachim, 49 a.

[80] Talmud de Babylone, Ketouboth, 67 a.

[81] Talmud de Babylone, Nedarim, 62 a. Pirké Aboth, II, 6.

[82] Talmud de Babylone, Ketouboth, 62 a.

[83] Talmud de Babylone, Ketouboth, 103 b.

[84] Talmud de Babylone, Taanith, 24 a.

[85] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 8 b.

[86] Midrasch Babba de Noah.

[87] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 104 b. Comp. Maïmonide, Jad Chazakah, Hilchoth Sechiroth, X, 7.

[88] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[89] Talmud de Jérusalem, Jebamoth, X, 7.

[90] Talmud de Babylone, Baba Kamma, 83 a.

[91] Talmud de Babylone, Abodah Zarah, 3 b.

[92] Talmud de Jérusalem, Chaguigah, I, 7.

[93] Tana debè Elijahou.

[94] Midrasch Rabba du Cantique des Cantiques.

[95] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 110 a.

[96] Talmud de Babylone, Berachoth, 27 b.

[97] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 32 b.

[98] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 110 a.

[99] Talmud de Babylone, Joma, 37 a. Choulin, 91 a.

[100] Talmud de Babylone, Joma, 53 a.

[101] Mischnah de Baba Metsia, II, 11. Comp. Talmud de Babylone, Sanhédrin, 101 a.

[102] Journal des Savants, nov. 1878, p. 664. Compte rendu de l'ouvrage : Sentences et Proverbes du Talmud et du Midrasch, par Moïse Schuhl, Rabbin.

[103] Pirkei Aboth, IV, 15.

[104] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 23 b.

[105] Talmud de Babylone, Pessachim, 40 b.

[106] Pirkei Aboth, IV, 25. Comp. Talmud de Babylone, Pessachim, 113 a.

[107] Josèphe, Autobiographie.

[108] Luc, II, 443-47.

[109] Talmud de Babylone, Taanith, 9 a. Comp. Maïmonide, Jad Chazakah, Hilchoth Talmud Torah, I, 6. Ces premiers versets enseignés à l'enfance se rapportaient à la proclamation de l'Unité de Dieu et à l'élection d'Israël. (Souccah, 42 a.)

[110] Pirkei Aboth, V, 26.

[111] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[112] Voyez Gréard, La législation de l'instruction primaire en France, tome III, pp. 4 et suiv.

[113] Talmud de Babylone, Ketouboth, 50 a, et Baba Bathra, 21 a. Conf. Raschi.

[114] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21, a.

[115] Midrasch Rabba sur Exode, V.

[116] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 30 a.

[117] Talmud de Babylone, Choulin. 51 a. Conf. Raschi.

[118] Nous nous sommes déjà servi, pour désigner l'école, des expressions Beth hassepher, Maison du livre, Beth Rabban, Maison du maître. Nous employons ici l'expression très usitée de Beth hammidrasch, Maison d'études, parce qu'elle indique mieux une école ayant une organisation complète. On disait aussi Beth hakhenesseth, Maison de réunion, (Baba Metsia, 21 a. Guittin, 58 a.) Beth Talmud, Maison d'enseignement. Talmud de Babylone, Ketouboth, 105 a.

[119] Talmud de Babylone, Meguilah, 26 b.

[120] Pirkei Aboth, V, 26. Voir Maïmonide, L. C. II, 1, le commentaire Kessef Mischnéh.

[121] Talmud de Babylone, Eroubin, 23 b.

[122] Jalkout sur Exode, I, § 286. Section de Jethro.

[123] Talmud de Babylone, Schabbath, 101 a. Midrasch Baba de Genèse, 1. Talmud de Jérusalem, Meguilab, I, 9.

[124] Talmud de Babylone, Guittin, 60 a.

Ces extraits se composaient de : Deutéronome, VI, 4-9 (Unité de Dieu) ; Psaumes CXIII-CXVIII (Actions de grâces pour la délivrance de la servitude d'Egypte) ; Histoire de la création jusqu'au déluge ; les premiers chapitres du Lévitique (Sacrifices) ; et quelquefois le commencement des Nombres (Talmud de Jérusalem, Meguilah, III, 1). Ils furent défendus plus tard, à cause des fausses interprétations et des malentendus auxquels pouvaient donner lieu des textes incomplets. (Talmud de Babylone, Guittin, 60 a. Soferim, V, 9.)

C'est généralement par les textes relatifs aux sacrifices, symbole de la pureté, que les enfants commençaient l'étude de la Bible. Les purs doivent s'occuper des choses pures. (Midrasch de Lévitique, VII.)

[125] Talmud de Babylone, Ketouboth, 50 a.

[126] V. Talmud de Babylone, Guittin, 35 a.

[127] Talmud de Babylone, Pessachim, 112 a. Sota, 20 a.

[128] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 30 a et 33 b. Eroubin, 53 b et 54 a.

[129] Talmud de Babylone, Meguilah, 32 a. Nedarim, 37 a.

[130] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[131] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[132] Maïmonide, Jad Chazakah, Hilchoth Talmud Torah II, 2.

[133] Pirkei Aboth, V, 26.

[134] Talmud de Babylone, Meguilah, 32 a. Pour faciliter la mémoire, on avait recours à de nombreux signes mnémotechniques. Tantôt la Halachah à étudier était résumée dans les lettres initiales des principaux mots du texte (Choulin, 42 a. Eiddouschin, 51 a. Sanhédrin, 100 b), tantôt on la gravait dans la mémoire en y rattachant, soit un verset de la Bible (Berachoth, 3 b. Abodah Zarah, 39 a, etc.), soit un proverbe connu (Schebouoth, 43 a), soit un nom propre de personne (Meguilah, 30 b) ou de ville (Taanith, 44 a), soit enfin n'importe quel terme usité qui s'y rapportait plus ou moins.

[135] Pirkei Aboth, V, 26.

[136] Talmud de Babylone, V. Maïmonide. L. C. IV, 2.

[137] Talmud de Babylone, Souccah, 28 a. Conf. Raschi.

[138] Talmud de Babylone, Sota, 20 a. Conf. Raschi, Kiddouschin, 30 a. Maïmonide, L. C., I, 11.

[139] Talmud de Babylone, Schabbath, 3. Conf. Maïmonide. L. C. IV, 6.

[140] Talmud de Babylone, Pessachim, 112 a.

[141] Talmud de Babylone, Sota, 20 a.

[142] Talmud de Babylone, Pessachim, 117 a.

[143] Talmud de Babylone, Taanith, 7 a.

[144] Talmud de Babylone, Choulin, 62 et 63. Menachoth, 69 a.

[145] Talmud de Babylone, Choulin, 45 a.

[146] Voir sur les connaissances scientifiques des Rabbins, S. Klein, Le judaïsme ou la vérité sur le Talmud, pp. 18 et suiv.

[147] Talmud de Babylone, Schabbath, 75 a. Bosch Haschana, 25 a. Pessachim, 92 b. Berachoth, 58.

[148] Pirkei Aboth, III, 20.

[149] Pirkei Aboth, IV, 15, 17.

[150] Talmud de Babylone, Pessachim, 3 a.

[151] Talmud de Babylone, Eroubin, 51 b. Nodarim, 37 b,

[152] Talmud de Babylone, Eroubin, 13 a. Nasir, 53 b.

[153] Maïmonide, L. C., V, 13.

[154] Talmud de Babylone, Taanith, 7 a. Maccoth, 10 a.

[155] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a. Conf. Raschi. Midrasch Jalkout sur Deutéronome, § 870.

[156] Talmud de Babylone, Schabbath, 119 b.

[157] Le même que celui qui fit à Rab la réponse si digne rapportée plus haut. Taanith, 24 a.

[158] Talmud de Babylone, Sota, 47 a.

[159] Talmud de Babylone, Berachot, 28 a. Maccoth, 10 a. Choulin, 33, a. Conf. Maïmonide, L. C., IV, 1.

[160] Talmud de Babylone, Baba Bathra, 21 a.

[161] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 99 b. Conf. Maïmonide, loc. cit., III, 13.

[162] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 30 a.

[163] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 30 a.

[164] Talmud de Babylone, Nedarim, 37 a et b. Conf. Raschi.

[165] Talmud de Babylone, Berachoth, 17 a.

[166] II Maccabées, III, 19.

[167] Mischnah de Nedarim IV.

[168] Talmud de Jérusalem, Péah, I, 1.

[169] Renan, Vie de Jésus, pp. 32 et 33.

[170] On lit dans le Talmud de Jérusalem, Meguilah, I, 8 :

Quatre langues sont parlées dans la Palestine, et se distinguent par des avantages particuliers : Le grec, par son rythme poétique ; le latin, par son accent militaire ; le syriaque, par son ton plaintif, et l'hébreu par sa souplesse oratoire.

[171] Jalkout Choukkath.

[172] Talmud de Babylone, Meguilah, 18 a. V. Raschi.

[173] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 17 a.

[174] Talmud de Babylone, Guittin, 28 b. Sota, 49 a.

[175] Talmud de Babylone, Baba Kamma, 83 a.

[176] Talmud de Babylone, Chaguigah, 15 b.

[177] Talmud de Babylone, Baba Kamma, 82 a. Guittin, 28 b.

[178] Talmud de Babylone, Menachoth, 99 b.

[179] Talmud de Babylone, 64 b. Baba Kamma, 82 b. Sota, 49 a. Comp. Tosaphoth.

[180] Talmud de Babylone, Guittin, 10 a. Maccoth, 1 b. Sota, 40 a. V. Derenbourg, Histoire de la Palestine, p. 404.

[181] Josèphe, Antiquités, livre XII, ch. 6. I Maccabées, I, 7-15. II Maccabées, IV, 10-16.

[182] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 29 a.

[183] Talmud de Babylone, Souccah, 53 a.

[184] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 29 a, 30 b.

[185] Talmud de Babylone, Baba Kamma, 4 a.

[186] Pirkei Aboth, II, 2.

[187] Talmud de Babylone, Berachoth, 8 a.

[188] Midrasch Rabba de Genèse.

[189] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 30 a.

[190] Mischnah, Kiddouschin, IV, 14.

[191] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 82 a. Conf. Raschi.

[192] Talmud de Babylone, Kiddouschin, 82 a. Conf. Raschi.

[193] Talmud de Babylone, Nedarim, 49 b.