L'ABBÉ DUBOIS

TOME PREMIER

 

CHAPITRE TROISIÈME.

 

 

Mariage du duc de Chartres avec Mlle de Blois (1692). — Part active que Dubois prend à l'arrangement de ce mariage.

 

Au retour de la campagne, Dubois se présenta chez Madame de Maintenon, pour la remercier de l'appui qu'elle lui avait prêté. Cette dame, qui recevait toutes les confidences du Roi, dit à l'abbé combien Sa Majesté souffrait des désordres de son neveu. Elle lui fit connaître que le Roi n'avait hésité, jusque-là, dans sa sévérité, que par la crainte de causer un déplaisir à son frère, et de nuire par un éclat au duc de Chartres, pour lequel il avait de l'affection.

— Le Roi, dit Madame de Maintenon, a fait la part de la jeunesse ; mais M. de Chartres oublie que, pour les personnes de son rang, il est de justes mesures qu'il faut garder. Sa Majesté songe sérieusement à le rendre à ses devoirs ; disposez-le, Monsieur l'abbé, à donner au Roi des marques de sa respectueuse soumission ; vous ne sauriez mieux servir une personne que vous aimez.

L'abbé était trop délié pour ne pas s'apercevoir que le sens des paroles de Madame de Maintenon allait au delà de l'intérêt vague qu'elles exprimaient. Il savait qu'en les rapportant au duc de Chartres, il ne ferait que lui fournir un sujet d'injurieuses moqueries contre la confidente du Roi, et qu'il n'en obtiendrait rien pour la réformation de sa conduite. Il ne lui parla donc pas de son entretien avec Madame de Maintenon : mais il attachait une trop grande importance à cet avis pour ne pas devoir en informer Madame.

La duchesse d'Orléans avait une dédaigneuse aversion pour Madame de Maintenon. Les égards mêmes qu'elle devait au Roi ne pouvaient pas toujours la contraindre à dissimuler ses répugnances, et lorsqu'elle trouvait dans son particulier une occasion de s'échapper, elle s'exprimait sur la favorite avec une insultante hauteur.

Dès que la princesse apprit par Dubois que Madame de Maintenon intervenait dans les affaires de son fils, elle laissa éclater un véritable emportement : — Si la vieille s'en mêle, dit-elle avec aigreur, mon fils est dans le filet !

La princesse fit comprendre à l'abbé le sens caché des paroles de Madame de Maintenon, en lui révélant les vues du Roi par rapport au duc de Chartres.

Louis XIV avait toujours montré, pour ses enfants naturels, une tendresse qui était pour sa famille un objet de jalousie, et un sujet peu édifiant pour la cour. Ses préférences surtout pour les enfants nés de Madame de Montespan dépassaient tout ce que l'on devait attendre de sa dignité, et du respect auquel il était obligé envers la reine. Il poussa cet attachement inconsidéré jusqu'à exiger qu'ils fussent élevés sous ses yeux, après avoir violé ouvertement les bienséances et les lois pour légitimer leur naissance. Madame de Maintenon, gouvernante des enfants de Madame de Montespan, avait fait preuve, dans cette charge, d'un dévouement qui ne pouvait que flatter la tendresse du Roi : ce fut l'origine de sa faveur. Soit qu'elle fût restée attachée aux princes légitimés malgré ses démêlés fâcheux avec la mère, soit qu'elle voulût caresser la faiblesse du roi, elle continua de s'intéresser à eux avec une sollicitude maternelle, et seconda Sa Majesté pour leur procurer de grands établissements.

Mademoiselle de Blois[1] était la plus jeune des enfants de Madame de Montespan. Elle rappelait par certains agréments les grâces de sa mère ; mais elle n'avait pas, comme elle, l'art de les faire valoir par un adroit manège. Son esprit était fort sortable, quoiqu'il n'eût rien de saillant. Sans annoncer de défaut marquant, la princesse ne montrait de propension sur aucune des passions qui commencent à se révéler après l'enfance. On ne lui reconnaissait que de l'orgueil ; mais comme elle était fort indolente, très-réservée, elle n'avait eu que peu d'occasions de le laisser voir. Le Roi destinait secrètement Mademoiselle de Blois au duc de Chartres. Il fit pressentir les dispositions de Monsieur, qui était trop indifférent à tout pour opposer la moindre résistance au projet de son frère. Mais s'il était assuré de l'assentiment de Monsieur, le Roi n'ignorait pàs qu'il rencontrerait, dans la morgue allemande et les préjugés de Madame, sinon un obstacle insurmontable, du moins un embarras. Le dépit qu'elle avait toujours manifesté contre Madame de Montespan, ses prétentions pour son fils, qu'elle se flattait de pourvoir de quelque grande alliance en Allemagne, la prédisposaient mal pour les projets de Sa Majesté. Le Roi ne prévoyait pas moins, à raison des goûts de son

neveu, que celui-ci s'accommoderait difficilement au mariage. Il voulait éviter un coup d'autorité, qui eût compromis la considération et le bonheur de sa fille ; il prit donc le parti de négocier. Madame de Maintenon fut chargée de conduire l'intrigue. Elle jeta les yeux sur Dubois, à cause du crédit qu'il avait près du duc de Chartres.

Vers la fin de la même année, le Père La Chaise, qui était dans le secret, ménagea une entrevue entre la favorite du Roi et le précepteur du prince. Madame de Maintenon attendait beaucoup, pour le succès, de la participation de Dubois. Elle se montra remplie d'affabilité pour l'abbé. Elle lui confia les desseins du Roi, et ne manqua pas de faire ressortir la tendresse, la bonté qu'un tel projet témoignait pour le duc. Elle s'étendit sur les avantages considérables d'une alliance qui devait le rapprocher du Roi, et eut soin d'insinuer qu'il serait possible d'obtenir de Sa Majesté des prérogatives particulières en faveur du prince, outre des biens considérables qui permettraient de supporter une grande maison. Enfin, elle n'omit rien de ce qui pouvait faire entendre que le Roi avait à cœur le mariage de Mademoiselle de Blois, et que le prince ne pouvait refuser le parti sans blesser au vif son oncle, et s'exposer à des conséquences fâcheuses. Par tous ces motifs, elle engagea fortement l'abbé à obtenir de son élève un assentiment qui prouverait au Roi le désir que le duc avait de lui plaire, et Dubois de le servir.

Le précepteur connaissait les sentiments de Madame, et la légèreté de son élève ; il n'augurait pas qu'un projet aussi contraire aux dispositions de l'un et de l'autre fût de nature à être accepté de bonne grâce et de plein-saut ; il demanda du temps. Quant à lui, persuadé qu'il ne pouvait refuser cette commission sans s'exposer au mécontentement du Roi, il promit de s'en acquitter selon son devoir.

La confidence de Madame de Maintenon plaçait Dubois dans une situation critique. Elle lui imposait, ou de trahir la confiance de Madame, en agissant contrairement à ses vues, ou de s'attirer la colère du Roi, en n'exécutant pas fidèlement des instructions qui avaient la force d'un ordre. Dubois résolut de ne pas s'en rapporter à ses propres lumières. En pareil cas, il savait qu'il ne tirerait pas du Père La Chaise un avis opposé aux idées de Madame de Maintenon. Il avait, de plus, de bonnes raisons de penser que le Révérend Père était pour une bonne part dans le projet, et que ce n'était pas pour une vaine civilité qu'il l'avait fait trouver avec la favorite.

Dubois se rendit près de Fénelon. L'abbé éprouva des scrupules ; mais, en examinant la question dans le fond, il en fit sortir des considérations qui devaient atténuer les regrets et tranquilliser la conscience du précepteur du duc de Chartres. La volonté du Roi était apparente. Comme souverain, il avait le droit de disposer des alliances de sa famille : ces deux raisons forçaient le duc de Chartres de se soumettre, quelque peine qu'il dût en coûter à sa mère. Si les intentions de Sa Majesté pouvaient être arrêtées par l'opposition de Madame, Dubois servait les intérêts de la princesse en l'empêchant de désobéir au Roi et de marcher à sa perte, à celle de sa famille.

Dubois fut ébranlé, mais non pas consolé. Il n'était bien convaincu que de ce point : c'est qu'il fallait réussir, afin d'épargner à ceux à qui il était dévoué le déplaisir et peut-être le ressentiment de Sa Majesté. Il aborda la difficulté résolument, avec la gaieté qu'il était nécessaire d'apporter aux choses les plus sérieuses, pour se faire écouter du prince.

Un matin, il entra dans la chambre du duc de Chartres, et prenant un air de gravité affecté :

— Monseigneur, dit-il, vous allez le grand chemin à vous décrier ; il ne se trouvera bientôt pas une seule mère, dans tout le royaume, qui voulût vous donner sa fille en mariage. J'ai donc résolu de vous marier avant que vous vous soyez tout à fait perdu de réputation.

— Vraiment, l'abbé ? reprit le prince avec de grands éclats de rire ; votre souci me touche : quel est le parti que vous me destinez ?

— Chacun se chausse à son pied, Monseigneur ; choisissez donc vous-même.

Le prince nomma une de ces beautés à la mode, connues à Paris par leur commerce de galanterie, et dont le luxe s'alimente de la dépouille de leurs dupes.

— Soit, reprit Dubois ; mais il faudra l'agrément du Roi. Or il se peut que l'honneur de sa maison le touche, qu'il n'ait pas égard à votre inclination, et qu'il refuse. Pour plus de sûreté, cherchez ailleurs.

— Eh bien ! choisissez pour moi, l'abbé, et tâchez d'avoir la main heureuse.

— C'est difficile, Monseigneur, à moins que vous ne me disiez ce que vous désirez.

Le prince traça un portrait de fantaisie dans lequel il fit entrer chacune des perfections des beautés les plus accomplies du temps, et cita une douzaine de dames parmi les plus agréables de la cour.

Dubois se récria, et protesta qu'à moins d'épouser toutes ces dames à la fois, il était douteux qu'il se pût rencontrer une femme assez parfaite pour répondre à l'idéal du prince.

— Si seulement, Monseigneur voulait un peu en rabattre, j'imagine, ajouta l'abbé, que j'ai son lot.

Il nomma plusieurs demoiselles des plus grandes maisons, pour lesquelles il connaissait peu de goût au prince. Le duc de Chartres les rebuta l'une après l'autre, trouvant à toutes quelques maussaderies.

— Par ma foi, dit Dubois, les plus belles et les plus aimables y ont passé ; il ne vous reste plus qu'à prendre tout uniment Mademoiselle de Blois sans y regarder.

— Pouah ! s'écria le prince, en faisant des gorges chaudes ; vraiment ! le beau panier d'horreurs que vous m'apportez là, Monsieur l'abbé !

— Ah ! Monseigneur, ce n'est pas s'y connaître : Mademoiselle de Blois est une fort belle personne.

— Une bâtarde ! reprit le duc de Chartres.

— C'est bien la faute de sa mère, dit Dubois d'un air contrit.

— Une sotte !

— Ce serait une grâce pleine : voyez les belles sottises que les femmes font de leur esprit.

— Mais la considération, l'abbé ?

— Justement, Monseigneur, j'allais vous en parler. Celui qui épousera Mademoiselle de Blois aura le rang des fils du Roi, et il n'est pas sûr que celui qui épousera mademoiselle *** — ici Dubois dit le nom de la courtisane citée par le prince — sera son cousin.

Dubois avait ouvert la brèche, mais ne s'était pas flatté de réduire la place du premier coup. Il connaissait les difficultés de son entreprise, et s'attendait bien qu'il aurait plus d'un assaut à donner. La ténacité était un trait de son caractère ; ce qu'il avait mis dans ses desseins, il finissait toujours par l'accomplir. Ce fut, avec des idées justes, le secret de sa fortune.

Le duc de Chartres ne pouvait douter de l'extrême attachement de son précepteur, et en toute occasion se confiait à ses jugements, parce qu'il reconnaissait à Dubois, avec une étonnante sagacité, une raison solide et beaucoup de calcul.

En cette circonstance, il était en désaccord avec les idées de l'abbé ; celui-ci ne consultait que les vrais intérêts de son élève, le duc n'écoutait que ses ressentiments, ou plutôt les ressentiments de sa mère, car il était personnellement incapable de haïr. Madame, au contraire, avait, pour les princes légitimés, un éloignement d'autant plus prononcé qu'elle ressentait une antipathie violente pour Madame de Maintenon, qui s'était déclarée en quelque sorte leur tutrice. Elle avait fini par faire partager à son fils ses préventions, mais non son hostilité. Dés que la proposition de mariage fut sur le tapis, elle poussa les hauts cris, et ferma les yeux sur le tort qu'elle allait se faire dans l'esprit du Roi, qui l'avait toujours traitée avec une bonté parfaite. Dans le fond il y avait plus de roguerie que de délicatesse : Madame était choquée, avant tout, d'une mésalliance.

Le duc de Chartres n'avait pas les mêmes susceptibilités, et quoiqu'il ne professât pas pour sa mère tout le respect désirable, il observait à son égard une certaine déférence. Dubois lui remontra les conséquences sérieuses qui résulteraient, pour Madame, d'un refus dont le Roi se sentirait blessé. Enfin, il y avait une dernière raison, supérieure à toutes les autres ; l'opposition de la princesse ne pouvait être un obstacle : Monsieur avait donné son acceptation. Madame n'avait donc plus qu'un simple droit de protestation ; et ce droit, était-il convenable qu'elle l'exerçât avec éclat, sans tenir compte du dommage qu'elle ferait à son fils et à elle-même ? Le prince avait un sens trop droit pour ne pas saisir la justesse du raisonnement de l'abbé ; il finit donc par céder à ses conseils, et déclara qu'il épouserait Mademoiselle de Blois.

Si quelque chose pouvait modérer le chagrin de Madame, c'était de penser que la volonté de son fils n'avait pas été contrainte comme la sienne. Tout s'arrangea pour le lui faire croire, et le duc de Chartres ne laissa point soupçonner les influences auxquelles il s'était rendu ; il savait que sa mère n'aurait jamais pardonné à son précepteur de l'avoir dirigé dans cette occasion.

Pour Dubois, il ne songeait nullement à s'applaudir d'un succès qu'il avait obtenu contrairement aux vues de Madame, dont il éprouvait tous les jours la bienveillance et les bonnes grâces. Quelque répréhensible que puisse sembler sa conduite dans cette affaire, elle a plus d'une excuse. Touché, comme il l'était, des seuls intérêts de son élève, il voyait un grand établissement dans le mariage proposé. Cet avantage n'eût peut-être pas dû être l'unique considération ; mais la princesse destinée au duc de Chartres offrait, par son caractère et ses qualités, toutes les garanties désirables. On peut dire, en toute vérité, que Dubois eut, selon l'expression du prince, la main heureuse. Peu de femmes se fussent prêtées avec autant de résignation, de douceur et de dignité à la sotte figure qu'un mari aussi peu mesuré que le duc de Chartres apprêtait à la compagne de sa vie. Personne à sa place se fût mieux tiré de cette fausse position ; et si son mari n'eut pas pour elle une affection bien vive, il ne put lui refuser, par la suite, les marques extérieurs d'un juste respect. Madame elle-même, quoiqu'elle ne fût pas radoucie envers Mademoiselle de Blois, fut forcée de reconnaître qu'elle se gouverna avec beaucoup de modération dans le mariage, et avoua plus d'une fois que son fils n'était pas aussi mal tombé qu'elle l'avait craint.

Le Roi fut extrêmement satisfait. Ce n'est pas qu'il se fit illusion ; il savait que son autorité avait eu plus d'effet que l'inclination personnelle du duc de Chartres. Mais il sentait fort bien que la soumission du prince lui épargnait un grand embarras, et à sa fille qu'il aimait une mortification d'autant plus sensible que Mademoiselle de Blois était un peu vaine.

En conséquence, le Roi n'en fut que mieux porté à être agréable à son neveu, et tint la promesse qu'il lui avait faite pendant la dernière campagne. Il lui donna un régiment de cavalerie.

Cette faveur ne fut pas sans occasionner une petite contrariété au duc de Chartres. Le prince avait sollicité la nomination de colonel de son régiment en faveur du Chevalier d'Estrades, un des officiers attachés à sa personne, gentilhomme très-dissipé, et l'un de ceux qui favorisaient le plus ses incartades. Le Roi refusa son agrément à ce choix, ne voulant pas, dit-il, récompenser des services qu'il désapprouvait. Le jeune marquis de Plu-veaux fut nommé. Il était fils du grand-maître de la garde-robe de Monsieur. Mais c'était le sort de tous ceux qui formaient l'entourage du prince de copier ses mœurs, et de se perdre par son exemple. M. de Pluveaux, honoré de la confiance du Roi, donna dans les travers, fit parler de lui, eut un duel, et fut forcé de s'exiler en Hollande, deux ans après. Monsieur demanda pour M. de Pluveaux père la place résignée par le fils, et ne put l'obtenir ; le marquis d'Arpajon reçut le titre de colonel du régiment de Chartres.

On a dit que Dubois, enflé d'un succès qui semblait avoir un si grand prix, et qui ne lui avait guère coûté, si ce n'est de chagriner Madame, osa réclamer, pour récompense de ses services, le chapeau de cardinal. Cette malveillante invention, que rien ne justifie, est à mépriser comme tant de mensonges qui défigurent la vie de Dubois.

Le 9 janvier 1692, le mariage du due de Chartres et de Mademoiselle de Blois fut déclaré au souper du Roi. Il fallut demander une dispense à la cour de Borne ; cette formalité retarda la cérémonie. Les conditions furent arrêtées. Le roi donna à Mademoiselle une pension de cinquante mille écus, et cent mille écus comptant ; cent mille livres de rente sur l'Hôtel de ville, et douze cent mille livres de pierreries, sans parler des menus présents, qui furent superbes. Le duc de Chartres, qui jouissait déjà de cent cinquante mille livres en dotation, reçut pareille somme en une pension. Le duc d'Orléans eut, par augmentation d'apanage, la maison et hôtel Cardinal — Palais-Royal —, jardin et dépendances, ainsi que la place devant le Palais, avec confirmation de cet apanage en faveur de ses enfants[2].

Monsieur avait désiré, lors de la rédaction du contrat, qu'il fût établi un degré entre les fils de France et les princes du sang : en vertu d'une concession toute nouvelle, le duc de Chartres fut déclaré petit-fils de France, et sa maison réglée sur le pied de cette dignité. Tous les titres de son père lui furent assurés par survivance, sauf le titre de Monsieur, sur lequel le Roi ne voulut point céder.

Les dispenses de la Chancellerie romaine arrivèrent à Versailles dans les premiers jours de février. Le courrier envoyé au Pape avait été expédié le jour même de son arrivée à Rome, muni des bulles de Sa Sainteté. Le Roi déclara la maison de Madame la duchesse de Chartres. La marquise de Rochefort-d'Alvigny, veuve du maréchal de France, et de la maison de Montmorency, de la branche de Laval, fut nommée dame d'honneur ; Madame la comtesse de Mailly, qui tenait à Madame de Maintenon par alliance, dame d'atours ; le marquis de Villars, ancien ambassadeur de France à Madrid, eut la place de chevalier d'honneur. Le Roi donna à la duchesse de Chartres un contrôleur-général et un secrétaire des commandements.

Le 17 février, le mariage fut signé et la cérémonie religieuse célébrée avec une grande pompe. Le Roi conduisit la mariée à la chapelle. Jacques II et la reine son épouse assistèrent à la bénédiction. Les fêtes continuèrent à la cour depuis le dimanche gras jusqu'au mercredi des Cendres.

Le 26, le Roi amena lui-même Madame la duchesse de Chartres au Palais-Royal, et remit la mariée entre les mains de Monsieur et de M. le duc de Chartres. Madame était arrivée de Versailles avec sa belle-fille dans le carrosse du Roi. Le soir, le Dauphin se chargea de conduire la jeune duchesse à son appartement.

Tout l'appareil dont le Roi avait entouré l'établissement de Mademoiselle de Blois pouvait tromper les yeux ; mais il était facile de présager qu'une union formée sous d'aussi tristes auspices ne serait guère fortunée. Cela n'empêcha pas les félicitations de pleuvoir, comme s'il se fût agi de l'événement le plus heureux. A peine marié, le duc de Chartres ne tarda pas à reprendre le cours de ses dissipations, et infligea à la jeune duchesse l'humiliation de se voir dédaignée après quelques jours de mariage.

 

 

 



[1] Françoise-Marie de Bourbon, née le 9 mai 1677, légitimée le 4 novembre 1681.

[2] Lettres-Patentes de Louis XIV, de février 1692.