L'ABBÉ DUBOIS

TOME PREMIER

 

CHAPITRE PREMIER.

 

 

Naissance et éducation de Dubois. — Il est nommé précepteur du duc de Chartres. — Il reçoit du Roi l'abbaye d'Airveaux, en Poitou (1690).

 

Dans une rue étroite de la ville de Brive, appelée la rue des Frères, on montre une maison qui est regardée comme un souvenir historique. Cet édifice, de modeste apparence, porte aujourd'hui le n° 28 ; il n'a rien qui le distingue de la demeure d'un bourgeois du dix-septième siècle. Sa désignation rappelle sa destinée : on le nomme maison Dubois. Là naquit, le 6 septembre 1656, Guillaume Dubois, second fils de Jean Dubois, docteur en médecine, et de Marie de Joyet[1]. Un esprit vif et pénétrant annonça en lui, dès l'enfance, les plus heureuses dispositions pour l'étude. Il entra au collège de Brive, dirigé alors par les Pères de la Doctrine chrétienne, et se fit remarquer de ses maîtres par une conception facile, par son application et ses progrès. Un caractère ouvert, des qualités aimables intéressèrent à lui : il trouva, sans les rechercher, des amis, des protecteurs.

Ces succès flatteurs étaient des présages encourageants ; le père en conçut l'espoir d'un brillant avenir pour son fils, et résolut de diriger son éducation vers les sciences.

Un peu après sa première communion, le 28 novembre 1669, Guillaume Dubois prit la tonsure ; il avait alors treize ans. Son extrême jeunesse fait supposer qu'en se tournant vers la cléricature, il consulta alors la volonté de ses parents, plus qu'une vocation raisonnée : à dater de ce jour, on l'appela le petit abbé.

Dès qu'il eut franchi les premières classes, Jean Dubois sentit que l'enseignement de la province était trop borné, et forma le projet d'envoyer son fils à Paris. Ses facultés étaient modiques. La médecine, qu'il pratiquait avec des connaissances peu communes et aussi avec un désintéressement philosophique, lui avait acquis plus de considération que de bien. Ce fut avec les revenus d'une profession qui lui rendait peu de profits qu'il dut fournir à l'entretien et à l'éducation d'une famille nombreuse. La pension qu'il payait déjà à Paris pour les études de Joseph Dubois, son fils aîné, était une charge excessive, et l'empêchait de mettre à exécution le dessein qu'il avait par rapport à Guillaume. Mais sa réputation de savoir et d'honnêteté lui avait fait des amis ; dans le nombre, il y en eut un qui fut son bienfaiteur.

Jean, marquis de Pompadour, lieutenant général de la province de Limousin, avait pour Jean Dubois une bienveillance égale à l'estime qu'il faisait de ses lumières. Il lui vint en aide, et nomma, le 18 mai 1672, Guillaume Dubois à une bourse au collège de Saint-Michel, fondé par la maison de Pompadour, à Paris.

Le jeune boursier venait de commencer son cours de philosophie. Il manifesta le désir de rester avec les Doctrinaires de Brive, jusqu'à l'achèvement de ses études. Le 25 du même mois, il délivra à son frère Joseph une procuration pour prendre possession de la bourse, en attendant qu'il eût terminé ses humanités. La prise de possession par Joseph, au nom de Guillaume Dubois, fut signée le 13 août 1672, par M. Faure, principal du collège de Saint-Michel. Au mois de novembre suivant, Guillaume quitta sa province, se rendit à Paris, et entra à Pompadour. Il avait alors seize ans. De 1672 au 9 août 1674, il fit sa philosophie et sa théologie au collège de Navarre.

La tradition a conservé à Brive le souvenir des circonstances du départ de Dubois. Il partit à pied, accompagné par ses condisciples et par les enfants du quartier qui pleuraient. A une heure de marche de la ville, le petit abbé Dubois se sépara de ses amis et leur dit, dans le patois du pays :

— Pourquoi pleurer ? Consolez-vous !... Je vais à Paris : je reviendrai plus riche et plus savant que le prieur de Brive.

Guillaume Dubois ne revint jamais dans sa patrie, et cette particularité met à néant tout ce qui a été dit d'un prétendu mariage qu'il y aurait contracté dans sa jeunesse.

Pendant son séjour à Saint-Michel, Dubois se concilia l'amitié de M. Faure, principal du collège. M. Faure était docteur en Sorbonne, vicaire général de M. Le Tellier, archevêque de Reims, et se recommandait autant par ses vertus que par son savoir. Cet attachement, qui ne s'est jamais démenti, témoigne assez que Dubois savait se montrer digne, par sa conduite, des sentiments qu'il inspirait par ses qualités. M. Faure avait remarqué chez le jeune abbé une singulière vivacité d'esprit et grande ardeur au travail. Il s'entremit avec beaucoup de sollicitude pour lui procurer l'emploi de ses connaissances et une occupation nécessaire à sa prodigieuse activité.

Grâce à cette recommandation, qui faisait valoir son mérite et son caractère, l'abbé Dubois fut d'abord placé en qualité de précepteur dans une famille des plus honorables, et s'acquitta des devoirs de sa charge avec le zèle et la régularité que comportent ces délicates fonctions.

Ses manières faciles et les agréments de son esprit lui donnèrent accès dans plusieurs maisons fort recherchées pour le charme des réunions qui s'y tenaient. Il fut présenté à la célèbre mademoiselle de Lenclos dont l'hôtel, rue des Tournelles, était devenu un véritable bureau d'esprit. Quoiqu'on ne s'y piquât pas d'une morale sévère, on y observait assez bien les convenances, pour faire taire les scrupules qu'autorisaient d'ailleurs les licences privées de mademoiselle de Lenclos. Au moyen de ce compromis, cette moderne Aspasie voyait se presser autour d'elle les hommes es plus aimables et les plus spirituels de ce temps-là. Sa maison fut en quelque sorte le portique de l'Académie. Dubois y fit sa partie parmi tant de beaux esprits, et resta un des amis les plus constants de cette femme aimable, parce qu'il en fut sans doute le plus désintéressé. Une conversation brillante, nourrie, toute pleine de saillies heureuses et de traits piquants, lui donnait des avantages pour se produire avec éclat dans les sociétés où l'esprit est bienvenu. Mais il dédaignait, au fond, des succès qui n'intéressent que la vanité ; il fallait au vigoureux ressort de son esprit tout autre chose que l'oisiveté bruyante des cercles.

M. Faure surtout souhaitait pour lui un établissement plus en rapport avec ses facultés et son application. Il engagea Dubois à revenir au collège, jusqu'à ce qu'il se trouvât une occasion de le pourvoir selon sa capacité. L'abbé rentra de nouveau à Saint-Michel, et fortifia encore son instruction dans les travaux d'histoire que le principal lui confia.

L'occasion désirée se présenta. Le hasard seconda les bonnes dispositions de M. Faure plus favorablement qu'il ne pouvait l'espérer. Le principal de Saint-Michel était étroitement lié avec M. de Saint-Laurent, qui réunissait à la charge de sous-introducteur des ambassadeurs chez Monsieur[2] la place de précepteur de M. le duc de Chartres. M. de Saint-Laurent était un homme d'une grande droiture et d'une fermeté de caractère à l'avenant de ses principes. Il jouissait, dans la maison de Monsieur, d'une haute considération, qu'il ne devait qu'à sa seule austérité, car il manquait de naissance. On disait de lui qu'il avait tout ce qu'il fallait pour élever un roi. M. de Saint-Laurent donnait un soin attentif à l'éducation de M. le duc de Chartres, et, en même temps qu'il s'attachait à ne placer près du jeune prince que des maîtres instruits, il veillait avec des précautions minutieuses à ne laisser approcher de son élève que des hommes capables de lui inspirer les sentiments qu'il nourrissait lui-même. Il arriva un moment que les devoirs de sa charge excédèrent ses forces, et il fut empêché par des infirmités de vaquer à sa place avec exactitude. Il voulut se démettre, mais on le décida à conserver la direction en se remettant des détails sur une personne de son choix. M. de Saint-Laurent s'adressa à M. Faure dont il connaissait la probité, et qui lui parut le mieux posé pour l'aider utilement dans le choix qu'il avait en vue. Le principal de Saint-Michel proposa l'abbé Dubois dont il fit les plus grands éloges, et quelques jours après, le présenta. M. de Saint-Laurent examina l'abbé, et fut fort satisfait de ses connaissances. Dubois fut nommé sous-précepteur de M. le duc de Chartres le 15 juin 1683.

La première attention de l'abbé porta sur le caractère du jeune prince, qu'il étudia avec beaucoup de soin[3]. Il découvrit sans peine un esprit vif, un jugement droit, une grande avidité de s'instruire, et, par une contradiction singulière, un éloignement presque absolu pour la contention et le travail. Dubois s'appliqua à rechercher les méthodes qui pouvaient se prêter le mieux à cette disposition naturelle. Il jugea qu'il devait, avant tout, débarrasser l'étude d'une rebutante aridité ; qu'il fallait, en un mot, dérober au prince la fatigue pour captiver son attention, et l'amuser pour l'instruire. La haute idée qu'il s'était faite de son emploi et des obligations qu'il imposait lui donna l'ambition de le remplir avec honneur, et il n'y épargna ni le temps ni la peine. Les leçons plurent infiniment au duc de Chartres, qui se prit d'un goût très-vif pour son maître, à la faveur de l'esprit que celui-ci savait mêler aux matières les plus arides de l'enseignement. M. de Saint-Laurent voyait sans peine la préférence que le prince accordait à l'abbé. Il n'en était point jaloux, parce qu'il était témoin des soins assidus du maître et des progrès de Son Altesse Royale.

Dubois se proposait de faire du duc de Chartres un grand prince et un prince éclairé. Il savait ce que peut la force de l'exemple, et choisissait parmi les hommes les plus vantés d'alors les modèles les plus propres à exciter l'émulation de son élève. Il lui citait souvent M. le Prince[4] et le roi Gustave Adolphe, pour le convaincre de la nécessité d'allier l'étude aux qualités qui font les grands hommes de guerre. L'abbé rencontra dans M. de Saint-Laurent un homme qui, joignant beaucoup de sens à ses bonnes intentions, était tout disposé à le laisser suivre ses idées ; malheureusement, le gouverneur de qui relevait la direction générale de l'éducation, avec des intentions non moins droites, avait fort peu de lumières.

Quatre gouverneurs se succédèrent auprès du duc de Chartres[5] ; tous, à l'exception de M. le marquis d'Arcy, le dernier en place, apportèrent dans leurs fonctions les idées les plus étroites, et rien ne leur semblait bon de ce qu'ils ignoraient eux-mêmes. Comme ils étaient ducs à brevet, et fort entichés du rang, ils n'étaient sensibles qu'en un point, c'est que Son Altesse Royale ne dérogeât pas ; toute leur sollicitude consistait à tenir la maison du prince avec honneur. De plus, chacun d'entre eux imposait à son entrée en charge une marche différente, et ces retours rendaient la tâche du précepteur des plus pénibles. On voulait pour gouverneur des hommes prudents, et on avait soin de les prendre parmi les plus âgés. Ils mouraient presque aussitôt après leur installation. Dubois vit les gouverneurs se succéder près de Son Altesse Royale, sans que les changements fussent suivis de quelque amélioration dans le plan d'éducation, où tout était sacrifié à des convenances particulières, sans égard pour les facultés naturelles et les dispositions du prince.

M. de Saint-Laurent, qui aurait pu le mieux faire prévaloir les idées de Dubois parce qu'il les partageait, était incapable depuis longtemps de donner à sa charge la même attention. Sa santé déclinait sensiblement, et le 3 août 1687, il mourut en exprimant le désir que l'abbé Dubois fût après lui maintenu près de M. le duc de Chartres.

11 ne manqua pas de prétendants à la place restée vacante par la mort de M. de Saint-Laurent. Tandis que les intrigues allaient leur train, le duc de Chartres, qui s'affectionnait de plus en plus à l'abbé, demanda au Roi de le nommer à la place de précepteur. Le Roi savait combien la nomination de M. de Saint-Laurent, dont la naissance n'était pas très-relevée, avait déjà excité de mécontentement parmi les familiers de Monsieur. Il appréciait Dubois d'après le témoignage que son frère, Madame, et quelques personnes qui approchaient de Madame de Maintenon, rendaient de ses connaissances et de son esprit ; mais il craignait de faire un choix insuffisant en ne consultant que ces seules considérations.

Il voulut connaître particulièrement l'abbé, et prescrivit des informations circonstanciées. Sa Majesté apprit donc que Dubois s'était distingué dans ses cours académiques, que ses mœurs étaient hors de toute atteinte ; qu'il était d'une honnête et ancienne famille qui comptait Simon Dubois, l'un des plus savants hommes de son siècle, ami et compagnon d'études du fameux historien de Thou.

Le Roi, satisfait des éclaircissements qu'il reçut, accorda à son neveu la grâce qu'il désirait ; l'abbé Dubois fut nommé précepteur du duc de Chartres, le 30 septembre 1687. Cette faveur de Sa Majesté, mais plus encore la marque d'attachement que le jeune prince venait de donner à son maitre, redoubla le zèle de celui-ci, et le porta d'un plus vif intérêt à travailler à l'éducation de Son Altesse Royale.

Cependant, les difficultés contre lesquelles l'abbé s'était heurté précédemment subsistaient toujours, M. de La Vieuville venait d'être nommé gouverneur à la place du maréchal d'Estrades : cette nomination ne taisait pas augurer une direction plus intelligente. Les talents médiocres du nouveau gouverneur le rendaient peu sensible aux avantages d'une solide instruction. Ainsi que la plupart des personnes qui approchaient du prince, il prisait peu les études ordinaires ; il leur eût préféré volontiers les arts qui développent la force, l'adresse et la grâce, qu'il regardait comme les attributs nécessaires d'un prince, et ceux qui préparent à la guerre. Dubois ne s'en émut point. Il traça un plan conforme aux fins qu'il concevait d.E.. l'éducation de Son Altesse Royale. Ce plan, au témoignage et suivant les expressions de l'auteur des mémoires que nous suivons, mériterait d'être adopté pour l'utilité des princes que l'on voudrait former à de grandes destinées.

Le caractère même du prince était un obstacle considérable pour le précepteur. Impuissant à le surmonter par la contrainte, il s'efforça de le tourner par des ménagements et des biais. Le duc de Chartres haïssait l'application ; dès qu'il s'agissait de travail et d'assiduité, son esprit venait au secours de sa paresse ; il ridiculisait ce dont on voulait l'instruire. Dans ces occasions, un précepteur moins bien avisé aurait eu recours à l'autorité du père et y aurait échoué ; car Monsieur même était indifférent sur les études du jeune prince. D'autre part, Madame[6], qui ne désirait rien tant que d'avoir un fils accompli par son instruction et ses vertus, n'aurait osé entreprendre sur les droits de son époux, dont elle connaissait toute la faiblesse pour le duc de Chartres.

Dubois ne fut pas retenu par tous ces empêchements, et marcha droit à son but en s'accommodant même du faible de son élève. Il se donna des peines infinies pour lui rendre faciles les premiers éléments des connaissances, toujours fastidieuses au début. Il ne lui présentait, d'abord, que des matières aisées. Les méthodes ordinaires lui semblèrent sèches pour apprendre le latin à Son Altesse Royale ; il en composa une qui avait l'avantage de fixer les règles dans la mémoire par des exemples intéressants[7]. Les traductions que l'abbé faisait à l'usage de son élève rappelaient ce que le prince avait le plus de peine à retenir. Le précepteur choisissait en outre, dans les auteurs, les traits de morale et d'histoire qui pouvaient le mieux orner l'esprit. Enfin, pour lui rendre plus familiers les objets de ses études, il avait soin de faire admettre aux repas du prince des personnes instruites, et de diriger la conversation sur les matières traitées dans les leçons.

Lorsque le duc de Chartres en arriva aux sciences élevées, Dubois appela à son aide les savants les plus marquants dans toutes les branches. Religion, philosophie, géographie, langues, histoire, politique et les différentes parties des mathématiques entrèrent dans l'éducation de Son Altesse Royale.

On a osé affirmer que l'instruction religieuse et morale du duc de Chartres avait été fort négligée. Cependant l'abbé, dans son plan d'études, subordonne toutes les autres connaissances à la religion et à la morale, qu'il regarde comme les acquisitions les plus essentielles. Il prescrit de ne parler jamais de la religion qu'avec le plus grand respect, et en recommande rigoureusement la pratique. On lit dans le traité d'éducation le passage suivant, qui ne peut laisser aucun doute sur les sentiments de Dubois : Les jours où l'on célèbre les grandes actions de la religion doivent lui être uniquement consacrés. Les divertissements et les parties de chasse doivent être interdits dans les jours de solennité. Le peu de précaution que l'on prend là-dessus étouffe de bonne heure dans les princes les impressions qu'on leur a données sur la religion.

Enfin, ce qui répond mieux aux accusations dont l'abbé Dubois a été l'objet, c'est la faveur qu'il reçut, en 1689. M. de Harlay, archevêque de Paris, lui accorda, à la sollicitation de Monsieur, un canonicat honoraire avec prébende à la collégiale de Saint-Honoré, pour lequel on obtint une dispense de Rome. Ce titre exigeait qu'il fût reçu maître ès-arts. Dubois, informé de la grâce qui lui était réservée, avait soutenu ses examens avec éclat le 23 décembre de l'année précédente, et reçut ses lettres de maîtrise le 26 du même mois. De plus, en 1690, le Roi, voulant récompenser le zèle du précepteur, le gratifia d'un bénéfice ecclésiastique, et le nomma à l'abbaye d'Airvaux, en Poitou. Afin que la grâce fût complète, le duc de Chartres écrivit au Pape pour obtenir le gratis de la bulle d'investiture, et fit appuyer sa démarche, à Rome, par le cardinal Forbin-Janson, ambassadeur du Roi, par le cardinal Ottoboni et le cardinal d'Estrées.

Dubois n'était pas encore engagé dans 'les ordres. Il semble qu'il ait eu, en ce temps, le projet d'embrasser définitivement l'état ecclésiastique. Il reçut, en effet, le 5 décembre 1587, de M. d'Urfé, évêque de Limoges, des lettres démissoires, pour les quatre ordres mineurs. Mais ses amis, qui connaissaient l'application extrême qu'il mettait à remplir les devoirs de sa charge, le temps et la conscience qu'il apportait à ses devoirs près du prince, lui remontrèrent que les obligations de son nouvel état le forceraient nécessairement de se relâcher des soins personnels auquel il était si attaché. Les bienfaits du Roi, les bontés de Monsieur et de Madame, surtout l'amitié du duc de Chartres, le touchaient trop vivement pour qu'il ne s'efforçât pas de les mériter mieux encore par un redoublement d'attention et de zèle. Un motif non moins déterminant l'excitait à compléter une éducation qu'il avait si habilement conduite jusque-là. Le duc de Chartres était déjà loué comme le prince qui donnait les plus grandes espérances. On citait ses progrès, et Dubois ne laissait pas d'être sensible aux éloges que l'on accordait à des mérites qui étaient son ouvrage. Ne pouvant se résoudre à ne plus servir le prince, ou à le servir avec une moindre assiduité, il ajourna le projet qui l'avait porté à solliciter de l'Évêque de Limoges les lettres démissoires. Les événements qui se préparaient devaient l'éloigner davantage encore de ce dessein.

 

 

 



[1] Il y eut de ce mariage trois enfants mâles : Joseph Dubois, qui fut lieutenant général de police de la ville de Brive, secrétaire du cabinet du Roi et directeur des Ponts-et-Chaussées de France ; Guillaume Dubois, cardinal et premier ministre ; et un fils qui ne fut pas tenté par l'élévation de ses deux frères, et mourut simple abbé de Cannes, ayant toujours vécu dans une grande simplicité de mœurs.

[2] MONSIEUR Philippe d'Orléans, frère unique de Louis XIV, né le 21 septembre 1640, marié en secondes noces à Charlotte Elisabeth, princesse Palatine. Il eut de ce marine Philippe d'Orléans, d'abord duc de Chartres, ensuite régent de France pendant la minorité de Louis XV ; et une fille mariée au dernier duc de Lorraine.

[3] Le duc de Chartres était alors âgé de huit ans ; il était né le 2 août 1674.

[4] Henri-Jules, prince de Condé, nommé M. le Prince, et fils du grand Condé. — Saint-Simon a laissé de ce prince le portrait le plus avantageux. Il était, dit-il, un composé des plus rares. Personne n'eut plus d'esprit et de toutes sortes d'esprit, ni rarement plus de savoir dans presque tous les genres. Il connaissait à fond les arts et jusqu'aux arts mécaniques ; il avait un gord exquis, un discernement fin, une politesse raffinée, et, avec tout cela, une bravoure brillante.

[5] Les quatre gouverneurs du duc de Chartres, de 1683 à 1692, furent le maréchal de travailles, le maréchal d'Estrade, le duc de La Vieuville, et le marquis d'Arcy, ancien ambassadeur et conseiller d'épée.

[6] Elisabeth Charlotte, princesse Palatine, née à Heidelberg, le 7 juillet 1652, avait épousé le 16 novembre 1671, après s'être convertie au catholicisme, Monsieur, frère du Roi, veuf d'Henriette d'Angleterre.

[7] Un biographe de Dubois n'a pas craint d'avancer que le précepteur du duc de Chartres avait fait entrer dans cette méthode une foule d'exemples, non pas seulement licencieux, niais orduriers, et va même jusqu'à en citer quelques-uns. En supposant qu'une semblable infamie mit pu être commise avec impunité sous les yeux du gouverneur, de Monsieur et de Madame, il est très-certain que le Roi, tourné à la dévotion par Madame de Maintenon, et qui se faisait tenir très-exactement au courant des études de son neveu, aurait été instruit par les ennemis de Dubois, et n'aurait pas manqué de faire exemple de sévérité.