HISTOIRE NARRATIVE ET DESCRIPTIVE DU PEUPLE ROMAIN

 

CHAPITRE XXV. — LA FIN DU HAUT-EMPIRE.

 

 

Domination des prétoriens. — Tous les empereurs depuis Nerva étaient morts sans laisser de fils et avaient choisi leur successeur. Marc-Aurèle laissa un fils, Commode, qui devint empereur à 19 ans.

C'était un jeune homme beau, vaniteux, faible et cruel.

A douze ans, trouvant son bain insuffisamment chauffé, il avait fait jeter son baigneur dans le four.

Aussitôt empereur, il fit la paix avec les Barbares, leur rendit leurs forteresses et revint s'amuser à Rome avec ses camarades. Son plaisir favori fut de faire le gladiateur et d'imiter Hercule. Il venait lui-même dans l'arène combattre devant le public, il combattit 750 fois ; c'étaient des combats sans danger, contre un adversaire décidé à se laisser vaincre. Il se montrait aussi dans les chasses ; il abattait à coups de flèches ou de javelot des animaux sauvages. Un jour il tua cent ours ; une autre fois il décapita des autruches. Les sénateurs avaient ordre d'assister au spectacle et poussaient des acclamations : Vous êtes notre maître ! A vous le premier rang ! Vous êtes le plus heureux des hommes ! Vous êtes vainqueur ! Vous le serez De mémoire d'homme, vous êtes le seul vainqueur !

Il passait des nuits à boire en compagnie d'acteurs, de gladiateurs et de cochers de cirque. Il se baignait jusqu'à huit fois par jour.

Commode se surnomma Hercule ; il se faisait représenter en Hercule, avec une peau de lion et une massue.

Il fit réunir des infirmes et des estropiés, les déguisa en monstres avec des queues da serpent, les arma d'éponges en guise de pierres et les massacra sans danger à coups de flèches. — On dit qu'un jour au théâtre il voulait lancer des flèches aux spectateurs, comme Hercule avait abattu les oiseaux du lac Stymphale.

On essaya de le tuer ; le meurtrier leva son poignard sur lui en disant : Le Sénat t'envoie ce poignard, mais il fut désarmé. Commode fit condamner plusieurs sénateurs et presque tous les amis de Marc-Aurèle.

Il ne s'occupait pas des affaires, laissait gouverner son préfet du prétoire et gaspillait l'argent du Trésor. Le peuple de Rome souffrait à la fois de la peste, d'un incendie et de la famine ; on avait cessé de distribuer du blé. Commode était près de Rome dans une maison de campagne. La foule marcha sur sa maison ; son favori, un affranchi, la fit charger par des cavaliers de la garde. La foule s'enfuit dans la ville ; les soldats de la police (cohortes urbaines), toujours jaloux de la garde, prirent parti pour la foule ; on se battit dans les rues. Les cavaliers reculèrent, la foule revint en fureur sur le palais. Commode, pour la calmer, fit aussitôt tuer son favori et livrer son cadavre aux révoltés.

Commode fut étranglé par l'ordre de sa femme et de ses officiers. Le peuple brisa ses statues.

Les prétoriens restaient les véritables maîtres de Rome. Le préfet du prétoire vint leur dire que Commode était mort de maladie ; on n'osait pas leur parler de meurtre, car ils étaient dévoués à Commode qui les payait bien.

Il leur présenta un vieil officier, Pertinax, fils d'un affranchi, un charbonnier des montagnes du pays de Gênes, devenu proconsul et très riche ; il leur promit un cadeau ; ils le proclamèrent empereur.

Pertinax essaya de gouverner d'accord avec le Sénat ; il cessa les procès de lèse-majesté et rappela les exilés ; il fit vendre les costumes de gladiateurs, les objets et les esclaves de luxe de Commode pour payer le cadeau promis aux prétoriens.

Il voulut faire rentrer les prétoriens dans l'ordre ; il leur défendit de se promener armés dans les rues de Rome et d'injurier ou de maltraiter les passants. Il leur dit : Il s'est introduit beaucoup de désordres que nous corrigerons avec votre concours.

Un jour, 300 prétoriens sortirent en armes de leur camp se formèrent en bataillon et marchèrent sur le palais. Pertinax leur fit un discours pour les calmer ; un d'eux le frappa de sa lance, les autres l'achevèrent. Il avait régné 87 jours.

Le beau-père de Pertinax alla au camp des prétoriens pour se faire proclamer empereur. Mais un sénateur très riche, Didius Julianus, vint à la porte du camp, et du haut du mur proposa aux prétoriens de leur distribuer un donativum plus élevé. L'Empire fut pour ainsi dire mis aux enchères.

Didius offrit la somme la plus forte et promit de rétablir la mémoire de Commode. Les soldats le firent descendre dans leur camp et le proclamèrent empereur ; ils élurent eux-mêmes leurs préfets du prétoire et les présentèrent au nouvel empereur qui les nomma. Puis, se formant en bataillon, ils emmenèrent leur empereur au Sénat (193).

Sévère. — Comme après la mort de Néron, les soldats des frontières ne voulurent pas obéir à l'empereur des prétoriens. Les trois grandes armées proclamèrent empereur leur général ; l'armée de Bretagne, Albinus ; l'armée de Syrie, Pescennius Niger ; l'armée du Danube, Septime-Sévère.

Sévère était Africain (il parlait latin avec un accent carthaginois). C'était lui qui avait la plus forte armée (il y avait 10 légions sur le Danube), il lui fit faire 260 lieues en sept semaines et arriva le premier à Rome. Les prétoriens n'osèrent pas résister. Didius, resté seul, fut tué par ordre du Sénat.

Sévère fit occuper le camp des prétoriens, les réunit devant son armée et leur ordonna de déposer leurs armes et leurs baudriers ; puis il les renvoya, en leur défendant à tous de se montrer à moins de 100 milles de Rome, sous peine de mort. On n'enrôla plus les prétoriens parmi les Italiens ; on n'accepta plus comme prétoriens que les soldats d'élite de l'armée. En outre, Sévère établit une légion près de Rome, au pied du mont Albain.

Sévère s'entendit d'abord avec Albinus, lui donna le titre de César et lui laissa la Bretagne, la Gaule et l'Espagne. Il envoya son armée contre Pescennius qui venait d'occuper tout l'Orient et disposait de 9 légions. Mais l'armée d'Orient ne valait pas l'armée du Danube ; elle fut vaincue en Asie Mineure, puis à Issus, à l'entrée de la Syrie. Pescennius fut pris et décapité (194). La garnison de Byzance résista pendant trois ans ; à bout de vivres, réduite à manger de la chair humaine, elle se rendit. Les soldats furent massacrés, les murs rasés, la ville privée de son gouvernement.

Sévère, délivré de Pescennius, se brouilla avec Albinus. Une armée venue par le Danube entra en Gaule, descendit le cours de la Saône, attaqua l'armée d'Albinus près de Lyon et la dispersa. Albinus fut décapité. Il avait à Rome beaucoup de partisans, le Sénat avait même fait frapper des pièces de monnaie à son nom. Sévère fit faire un grand procès. 35 sénateurs furent acquittés, 29 condamnés à mort. Il entra dans Rome avec son armée, et pendant quelque temps il laissa les soldats libres de prendre ce qu'ils voulaient chez les marchands (197).

Commode avait laissé une grosse fortune personnelle, accumulée par tous les Antonins ; Sévère se l'appropria en se déclarant adopté par Marc-Aurèle.

Sévère fut un grand travailleur. Levé au point du jour, il s'occupait des affaires, puis il se promenait à pied en parlant encore d'affaires ; il allait siéger au tribunal, ne rendant un jugement qu'après avoir consulté ses conseillers. A midi, il faisait une promenade à cheval, prenait un bain, puis mangeait, d'ordinaire seul avec ses enfants. Il faisait la sieste. se faisait éveiller, se promenait en causant avec des lettrés en grec ou en latin, prenait un bain et soupait avec ses amis. II ne recevait pas d'invités, sauf les jours de fêtes.

Sévère n'aimait pas le Sénat et lui laissa peu de pouvoir. Il tenait à conserver l'affection des soldats ; il augmenta leur solde et leur ration de blé, leur donna le droit de porter l'anneau d'or (droit réservé aux chevaliers). Il les autorisa à demeurer avec leur femme dans le camp.

On racontait qu'à son lit de mort il avait dit à ses deux fils : Mes enfants, enrichissez le soldat et moquez-vous du reste.

Il voulut, comme Trajan, conquérir l'Asie. Il partit en expédition contre les Parthes, passa le Tigre, prit Ctésiphon et conquit une province, la Mésopotamie. Il forma trois légions nouvelles, nommées Parthiques.

Il emmena ses deux fils en Bretagne pour faire la guerre aux montagnards de l'Écosse ; il y passa trois ans, y fit bâtir un rempart semblable à celui d'Hadrien, et y mourut (211).

Au moment de mourir, il dit : J'ai reçu l'État en désordre, je le laisse pacifié, même en Bretagne. Puis il donna pour mot d'ordre à l'officier : Travaillons.

Caracalla. — Les deux fils de Sévère, deux jeunes gens brouillés ensemble, furent proclamés empereurs à la fois. L'aîné, Bassien, fit tuer le cadet Geta, et resta seul empereur (212). On le surnomma Caracalla[1] (la caracalle était un manteau à capuchon qu'il fit distribuer aux habitants de Rome).

Petit, laid, disgracieux, Caracalla voulait passer pour un homme terrible. Il se comparait volontiers à Sylla, et même à Annibal, son compatriote (Sévère était Africain et avait gardé toute sa vie l'accent carthaginois).

Un noble lui dit un jour qu'il avait toujours l'air irrité. Caracalla fut si touché du compliment qu'il lui donna une grosse somme.

Il poursuivit avec férocité les amis, les serviteurs de son frère ; il les fit tous mettre à mort, et fit tuer beaucoup de sénateurs et de magistrats. Le plus célèbre fut le préfet du prétoire, le jurisconsulte Papinien, que les soldats massacrèrent sur son ordre.

On dit qu'il avait demandé à Papinien de prononcer au Sénat un discours pour excuser le meurtre de son frère Geta et que Papinien répondit : Il est plus facile de commettre un fratricide que de l'excuser.

Caracalla tenait surtout à satisfaire les soldats. Il augmenta leur solde ; il leur permit pendant l'hiver, au lieu de rester dans leurs camps, d'aller dans les villes de la frontière se loger chez les habitants, et y vivre à leur fantaisie.

Il disait aux soldats : C'est par vous que je règne, mes trésors sont à vous. Il dit aux sénateurs : Personne que moi ne doit avoir de l'argent, pour que je puisse en donner aux soldats. Pendant sa campagne en Syrie, il écrivit au Sénat : Je sais que mes exploits vous déplaisent, mais j'ai des armes et des soldats, et je me moque de ce que vous pensez.

Il lui arriva de convoquer les sénateurs pour les affaires et de les faire attendre dans son antichambre depuis le matin jusqu'à midi, et même au delà.

Il s'amusait à conduire des chars, à faire le gladiateur et à s'enivrer. Comme il lui fallait de l'argent, il mit de nouveaux impôts et altéra les monnaies.

Il fit d'abord la guerre aux Germains, sur les bords du Rhin (213). Pendant cette campagne, il vécut avec les soldats, se faisant appeler camarade, faisant son pain lui-même, mangeant dans un vase de bois, habillé en simple soldat, portant les armes et même les enseignes, car il aimait à montrer sa force physique.

Il voulut ensuite conquérir l'Asie ; il disait que l'âme d'Alexandre était en lui et il voulait recommencer les exploits d'Alexandre. Il demanda au roi des Parthes sa fille en mariage ; le roi refusa. Caracalla partit pour la guerre.

Pendant l'hiver, il alla à Alexandrie ; il en voulait aux habitants pour s'être moqués de lui ; les principaux vinrent le saluer, il les invita à sa table et les fit égorger. Puis il lâcha les soldats dans la ville ; pendant plusieurs jours, ils massacrèrent et pillèrent. Caracalla écrivit au Sénat : Peu importe le nombre et la qualité de ceux qui ont péri, tous avaient mérité le même sort.

Il attaqua les Parthes et arriva jusqu'au delà du Tigre. Il voulait reprendre la guerre au printemps ; mais pendant les quartiers d'hiver, il fut tué par son préfet du prétoire (217). Macrin, le meurtrier, se fit proclamer empereur, fit la paix avec les Parthes et ramena l'armée en Syrie.

Les Empereurs syriens. — La mère de Caracalla, Julia, surnommée Domna (maîtresse), était une Syrienne. Sa sœur, Julia Mœsa, avait deux filles, Soœmis et Mammée ; toutes deux étaient belles et habiles. Elles avaient amassé beaucoup d'argent et profitèrent de l'attachement des soldats à la famille de Sévère pour faire donner l'Empire à leurs enfants.

Le fils de Soœmis, Héliogabale, âgé de seize ans, était prêtre du dieu Soleil dans un temple de la Syrie. L'armée, revenant de la guerre parthe, passa l'hiver dans les environs du temple. Les princesses s'entendirent avec les soldats ; une nuit elles menèrent au camp des chariots chargés d'or, et le jeune Héliogabale fut proclamé empereur. Macrin fut vaincu, pris et tué dans sa fuite (218).

Héliogabale se rendit bientôt fameux.

C'était un jeune garçon ignorant et vaniteux, qui prenait plaisir à s'habiller en femme et à se farder la figure à la mode orientale. Ne s'occupant jamais du gouvernement, il ne se servait de son pouvoir d'empereur que pour s'amuser, et il s'amusait comme un Syrien, de façon à scandaliser tous les habitants de l'Empire.

Il entra dans Rome avec une robe de pourpre lamée d'or, des colliers de perles, les yeux peints et les joues fardées. Il déclara qu'il chargeait sa grand'mère de gouverner ; Julia Mœsa réunit le Sénat et dirigea les affaires ; ce fut un scandale à Rome de voir une femme, une Syrienne, présider les premiers personnages de l'Empire.

La mère de l'Empereur présidait une assemblée de dames, où l'on réglait le costume que devaient porter les femmes, suivant leur rang.

L'empereur restait prêtre de son dieu Soleil ; il en gardait le titre[2]. Il fit apporter à Rome l'idole qui représentait le dieu, une pierre noire, lui fit bâtir un temple, et l'y amena lui-même. La pierre noire fut traînée sur un char d'or attelé de six chevaux blancs ; l'empereur, officiant comme prêtre, courait devant le char à reculons, la figure tournée vers le dieu. Derrière le char on portait les statues des dieux et les insignes impériaux. Les soldats et le peuple suivaient sur le chemin jonché de fleurs. Héliogabale voulait rendre son dieu supérieur à tous les autres ; il le maria à la déesse de Carthage, Astarté ; il fit placer dans son temple les statues des dieux et les objets sacrés de Rome, même le palladium gardé par les Vestales,. ce qui parut aux Romains une grande impiété. Il commit une autre impiété en épousant une Vestale.

Il s'habillait tout en soie, luxe inouï jusqu'alors, et ne portait jamais un vêtement qu'une seule fois. Il faisait sabler son palais avec de la poudre d'or, par fumer avec de l'eau de rose les piscines où il se baignait ; il couchait sur des lits de fleurs. Il donnait des banquets où l'on servait des plats de cervelles d'oiseaux rares.

On dit qu'il donna un combat de navires sur un bassin plein de vin. On dit aussi qu'il fit un jour étouffer ses convives sous une pluie de roses tombant du plafond.

On lui avait fait adopter son cousin, Alexandre, le fils de Julia Mammea, plus jeune que lui de quatre ans. Il essaya de le faire tuer. Les soldats le défendirent et ordonnèrent à l'Empereur de changer de conduite et de renvoyer ses camarades de débauche. Ils finirent par se révolter, massacrèrent Héliogabale, sa mère et ses amis, et proclamèrent empereur son cousin, qui prit le nom de Sévère (222).

Alexandre Sévère, trop jeune pour gouverner, laissa d'abord le pouvoir à sa mère Mammée et à un conseil de sénateurs. Puis il prit pour modèle Marc-Aurèle et s'efforça de gouverner honnêtement. Il avait fait graver sur son palais cette maxime : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit. Il écrivit en vers l'histoire des bons empereurs. Il avait dans son palais un sanctuaire où il venait chaque jour prier et adorer les dieux ; il y avait fait mettre les statues de ceux qu'il appelait les bienfaiteurs de l'humanité : Abraham, Orphée, Jésus-Christ et Apollon.

Mais les soldats étaient mécontents et il ne parvint pas à les maintenir dans l'ordre. A Rome les prétoriens se battirent contre la foule pendant trois jours et finirent par mettre le feu aux maisons. Dans une autre émeute les prétoriens massacrèrent leur chef, le célèbre Ulpien (228).

L'Empire fut attaqué à l'est par les Parthes, sur le Rhin par les Germains. Alexandre n'aimait pas la guerre ; il vint à Mayence et offrit des présents aux chefs germains pour les faire tenir en paix. Les soldats, irrités, le massacrèrent (235).

Les jurisconsultes. — C'est sous les empereurs africains et syriens que parurent les plus célèbres jurisconsultes romains. Il y avait depuis longtemps, à Rome, des hommes, d'ordinaire des nobles, qui s'occupaient d'étudier les questions de droit, et c'était un usage ancien de les consulter dans les cas douteux. Leurs réponses faisaient autorité ; Auguste ordonna qu'elles auraient force de loi.

L'Empereur avait sans cesse à décider des questions de droit. Il jugeait lui-même à son tribunal. Les gouverneurs, juges dans leur province, quand ils se trouvaient embarrassés, lui demandaient comment il fallait juger ; l'Empereur répondait par un rescrit qui devenait obligatoire. L'Empereur rendait aussi des édits, c'est-à-dire des ordonnances. Pour tous ces travaux il se faisait aider par des jurisconsultes, qu'il nommait membres de son conseil. Les plus illustres furent même préfets du prétoire, chargés de rendre les jugements à la place de l'Empereur. Ce furent Papinien, préfet du prétoire sous Caracalla ; Ulpien, préfet du prétoire sous Alexandre Sévère, tous deux Syriens. Il y eut en même temps d'autres jurisconsultes célèbres, tous Orientaux ; mais ils écrivaient en latin, et leurs œuvres ont formé la plus grande partie du droit romain.

Ces jurisconsultes, élevés dans les idées des philosophes grecs, travaillèrent à adoucir l'ancien droit. Les vieux Romains, très durs pour les faibles, donnaient au père de famille le pouvoir absolu sur sa femme, ses enfants, ses esclaves, le droit de les tuer, de leur enlever ce qu'ils possédaient, de les abandonner. Les jurisconsultes posèrent des principes tout différents, semblables à ceux des stoïciens.

Par le droit de nature, tous les hommes naissent libres. Ils décidèrent que l'esclave peut demander justice et que le maître, s'il tue son esclave, doit être puni ; ils enlevèrent au père le droit de déshériter son enfant.

Ce droit nouveau, appelé plus tard la raison écrite, devint la règle de tous les peuples d'Occident ; nos lois en conservent encore une grande partie.

L'édit de 212. — Il se fit alors une grande transformation. Les habitants de l'Empire étaient divisés en deux catégories, les citoyens et les étrangers. Les empereurs avaient peu à peu donné le droit de cité à beaucoup de familles et même à des pays entiers ; mais beaucoup de provinciaux restaient encore étrangers, ils n'avaient pas les mêmes droits et ne payaient pas les mêmes impôts que les citoyens.

En 212, Caracalla, ayant besoin d'argent, supprima la différence en déclarant citoyens tous les hommes libres de l'Empire. C'était un moyen d'augmenter les impôts, puisque les nouveaux citoyens payèrent à la fois comme provinciaux et comme citoyens. Mais cette mesure acheva de fondre ensemble tous les habitants de l'Empire. Désormais il n'y eut plus de différence entre les Italiens et les provinciaux, ils s'appelèrent tous Romains.

L'anarchie militaire. — Après la mort d'Alexandre Sévère (235), pendant quarante ans, les armées romaines se battirent entre elles pour faire empereur leur général. Les empereurs passèrent leur temps à se combattre les uns les autres ; tous périrent massacrés ou exécutés. On a appelé ce temps de confusion l'anarchie militaire.

Le premier de ces empereurs, Maximin, un berger de Thrace, était une sorte de géant et d'hercule capable de manger en un jour 30 livres de viande, de boire 20 litres de vin et de traîner un chariot chargé, de briser des pierres, de casser les dents d'un cheval d'un coup de poing.

Il était berger en Thrace quand Sévère, passant par le pays, donna des jeux militaires ; Maximin se présenta pour lutter et terrassa l'un après l'autre seize valets d'armée. On l'enrôla comme soldat. Il tint pied à la course à l'empereur à cheval au galop ; au sortir de la course, sans s'être reposé, il lutta avec sept soldats et les jeta tous par terre. L'empereur lui donna un collier d'or et le fit entrer dans sa garde.

Les soldats, qui avaient massacré Alexandre, proclamèrent empereur Maximin, alors officier. Il les emmena à la guerre contre les Germains et combattit en personne dans les bois et les marais. Puis il resta sur la frontière du Danube au milieu des soldats.

Mais il exila ou fit tuer beaucoup de nobles, surtout des amis d'Alexandre Sévère, et confisqua leurs biens. Pour payer les soldats, il fit fondre les statues des dieux et prit l'argent des spectacles et des distributions. Le Sénat et le peuple de Rome le détestaient, le surnommaient le Cyclope, Typhon, Phalaris. Maximin se savait méprisé et haï des Romains ; il ne voulut pas venir à Rome et ne laissa aucun noble romain auprès de lui.

En Afrique, une troupe de paysans révoltés massacrèrent l'intendant du fisc et proclamèrent empereur, malgré lui, le gouverneur de la province, un riche sénateur, Gordien, âgé de 80 ans. Le Sénat et les prétoriens, par haine de Maximin, élurent empereurs Gordien et son fils (238). Tous deux furent vite vaincus et tués en Afrique. Mais le Sénat élut deux nouveaux empereurs, un général, Pupien, et un sénateur, Balbin. Les prétoriens exigèrent un troisième empereur, un enfant, le jeune Gordien.

Maximin marchait sur l'Italie avec l'armée du Danube, en ravageant et massacrant. Pupien rassembla des recrues, fit venir des soldats de l'armée du Rhin, et attendit à Ravenne. Maximin s'arrêta pour assiéger Aquilée ; les habitants, menacés par cette armée à demi barbare, défendirent leur ville bravement. Les soldats de Maximin commencèrent à manquer de vivres ; ils massacrèrent leur empereur.

Quelque temps après, à Rome, les prétoriens surprirent dans le palais Balbin et Pupien, les traînèrent dans les rues en criant : Voilà les empereurs du Sénat ! et les massacrèrent (238).

Il ne restait qu'un seul empereur, un enfant, Gordien, au nom duquel son beau-père gouverna quelques années (238-244).

Gordien, parti en guerre contre les Parthes, fut massacré par l'armée de Syrie qui proclama empereur un Arabe, Philippe, ancien chef de brigands, devenu officier romain (244-248).

L'armée du Danube se révolta, Philippe lui envoya pour l'apaiser un sénateur, Decius, qu'on disait descendant de Trajan ; l'armée proclama Decius empereur et marcha sur l'Italie.

Philippe fut vaincu et tué. Decius, au bout de deux ans, fut tué en combattant les Barbares qui avaient envahi l'Empire (251).

Le fils de Decius, encore enfant, et Gallus, général de l'armée, furent empereurs à la fois ; puis Gallus fit tuer son collègue. Un autre général, Émilien, supprima Gallus et fut lui-même massacré par ses soldats.

Un sénateur vieux et riche, Valérien, se fit proclamer empereur avec son fils Gallien, et gouverna quelques années (251-260), mais il fut pris par les Parthes.

Gallien resté seul ne pensa guère qu'à s'amuser. Alors de tous côtés les armées proclamèrent de nouveaux empereurs ; il y en eut une trentaine, en comptant leurs fils ; un historien les appela plaisamment les trente tyrans. Chacun ne fut reconnu que dans un coin de l'Empire et pendant très peu d'années. Les plus puissants furent les empereurs de Gaule, surtout Postumus, qui régna près de dix ans, et le roi de Palmyre Odenath, vainqueur des Parthes.

Premières invasions. — Pendant que les armées romaines abandonnaient la frontière pour se battre l'une contre l'autre, les Barbares commençaient à envahir l'Empire, de trois côtés.

Du côté de l'est, une révolution venait de se faire dans le royaume des Parthes. La vieille famille des Arsacides, qui régnait depuis bientôt cinq siècles, était renversée.

Un noble perse, Artaxerce (Ardaschir), avait vaincu et tué le roi Artaban (vers 227), et fondé la nouvelle dynastie des Sassanides (descendants de Sassan). Le nouveau roi se disait descendant de Darius, il avait rétabli la vieille religion perse de Zoroastre, le culte du feu. (V. Histoire des peuples d'Orient, p. 346.) Il se faisait appeler serviteur de Mazda, roi des rois de l'Iran, et voulait rétablir l'empire de Darius. Il fit réclamer toutes les provinces romaines d'Asie, comme ayant appartenu à ses prédécesseurs.

Alors commencèrent les invasions des Parthes. Ils prirent d'abord la Mésopotamie et s'avancèrent jusqu'à l'Euphrate.

Puis le roi Sapor entra jusqu'en Cappadoce, en ravageant la campagne. L'empereur Valérien vint le repousser, fut vaincu près d'Édesse, pris par les Parthes (260) et mourut en captivité.

On raconta que Sapor se servait de l'empereur captif comme d'un marchepied pour monter à cheval. — On disait aussi qu'après la mort de l'empereur, sa peau, tannée et teinte en rouge, fut suspendue dans la salle d'audience du roi des Parthes.

Les Parthes envahirent la Syrie, surprirent Antioche et la pillèrent. Ils pillèrent aussi les villes de Cilicie et de Cappadoce et ramenèrent captifs les habitants par centaines de mille ; ils les conduisaient comme des troupeaux, les menant boire une fois par jour.

On disait même qu'un jour, pour traverser un ravin, ils le comblèrent avec les corps des captifs.

Il n'y avait plus d'empereur en Orient. Ce fut un prince du pays qui repoussa les envahisseurs. Dans une oasis du désert, entre la Syrie et l'Euphrate, s'était fondée une grande ville, Palmyre, où s'arrêtaient les caravanes qui apportaient les marchandises de Babylone en Syrie. Enrichis par le commerce, les gens de Palmyre avaient bâti de grands monuments (temples, portiques, tombeaux), dont les ruines s'élèvent encore dans le désert, et des conduites d'eau souterraines pour cultiver le pays. Palmyre dépendait de l'empire romain, mais elle gardait sa langue, le syriaque, et avait son gouvernement.

Le prince de Palmyre, Odenath, chassa les Parthes, les poursuivit, délivra les villes assiégées, envahit le royaume des Parthes et s'avança en vainqueur jusque devant Ctésiphon. Il resta soumis à l'Empereur, mais avec le titre de général de l'Orient.

Du côté du Rhin aussi, un changement s'était fait chez les Germains. Les anciens peuples, habitués à la paix, étaient remplacés par des confédérations de petits peuples toujours prêts à la guerre.

Les Alamans, en face de la province de Haute-Germanie, étaient renommés comme cavaliers.

Les Francs, en face de la province de Basse-Germanie, combattaient surtout à pied, avec une courte hache, la framée, qu'ils jetaient contre leur adversaire ; ils portaient de longues moustaches et les cheveux relevés et attachés sur le haut de la tête, en forme de queue.

Les Saxons, sur la côte de la mer du Nord, commençaient à partir sur des barques pour aller piller les côtes de Gaule et de Bretagne.

Les Alamans parurent les premiers, en 213. Caracalla les repoussa ; Alexandre Sévère leur acheta la paix (235) ; Maximin les poursuivit jusque dans leurs forêts (236) ; ils s'arrêtèrent quelque temps.

Les Francs se montrèrent ensuite. En 241, une bande de Francs fut massacrée ou prise près de Mayence[3].

Pendant que l'armée romaine de Postumus assiégeait l'armée de Galien dans Cologne, les Francs passèrent le Rhin, traversèrent, en la ravageant, toute la Gaule, et arrivèrent en Espagne ; quelques-uns même allèrent en barques jusqu'en Afrique.

Les Alamans occupèrent toute la rive gauche du Rhin, puis ils envahirent l'Italie du Nord, la ravagèrent et détruisirent plusieurs villes.

Du côté du Danube, après soixante ans de paix, les invasions de barbares recommencèrent. Là aussi parut un nouveau peuple germain, les Goths, venus du pays de la Vistule et établis au bord de la mer Noire, jusqu'à l'embouchure du Danube.

Les Goths, traversant le Danube, envahirent l'Empire ; ils ravagèrent la Mésie, la Thrace, assiégèrent Thessalonique, prirent Philippopolis et revinrent ramenant, dit-on, 100,000 captifs. L'empereur Decius les attaqua au passage du Danube et fut tué. Son successeur leur acheta la paix (251).

L'Empire perdit tout ce qu'il possédait au nord du Danube.

Puis les Goths, montant sur des navires qu'ils forçaient leurs prisonniers à faire manœuvrer, vinrent ravager les provinces romaines de la côte de la mer Noire et même de l'Archipel.

Ils pillèrent Trébizonde, la Bithynie, l'Asie Mineure. les îles et même la Grèce : Athènes, Corinthe, Argos.

Ainsi l'intérieur de l'Empire, après trois siècles de paix, était dévasté par des bandes de pillards que les armées de la frontière n'arrêtaient plus. Les habitants de la Gaule, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Asie, pour se défendre, enfermèrent leurs villes dans des enceintes de remparts. Athènes releva ses fortifications, abandonnées depuis le siège de Sylla.

Les empereurs illyriens. — La plus forte armée de l'Empire était l'armée du Danube, formée de soldats des provinces voisines (Pannonie, Dalmatie, Illyrie), les Illyriens, de même race que les Albanais de nos jours. Les généraux, gouverneurs des provinces frontières, n'étaient plus des nobles romains ; une loi nouvelle défendait à tout sénateur de commander une armée. Désormais tous les généraux furent d'anciens officiers sortis des rangs, la plupart Illyriens, comme les soldats ; et maintenant que les armées faisaient empereurs leurs généraux, il n'y eut plus guère que des empereurs illyriens. Ce furent eux qui délivrèrent l'Empire des Barbares et rétablirent l'ordre dans l'État.

Claude, surnommé le Gothique (268), attaqua les Goths qui avaient envahi la Macédoine, les vainquit dans deux grandes batailles et les rejeta derrière le Danube ; il mourut de la peste à Sirmium (270).

Aurélien attaqua les Alamans qui avaient envahi l'Italie et les chassa. En Orient, la veuve d'Odenath, de Palmyre, Zénobie, gouvernait au nom de son fils Vaballath. Belle et instruite, elle parlait toutes les langues de l'Orient et le latin, elle lisait Homère et avait pour ministre un célèbre philosophe grec, Longin. Elle passait en revue ses soldats, le casque en tête, les suivait à cheval en campagne, recevait à table ses officiers, contre l'usage des femmes d'Orient. On l'appelait la reine. Elle avait fait occuper l'Égypte, elle se préparait à prendre l'Asie Mineure et à rétablir l'Empire des Séleucides. Elle avait pour alliés les Parthes et les Arabes.

Aurélien arriva en Orient avec son armée, et reconquit facilement la Syrie. La grande bataille se livra près du désert, à Émèse ; les cavaliers de Palmyre mirent en fuite les cavaliers romains, mais les légions décidèrent la victoire. Alors l'armée romaine, traversant le désert, vint assiéger Palmyre. Zénobie s'enfuit sur un dromadaire pour aller chercher du secours chez les Parthes, elle fut rattrapée et amenée prisonnière. Palmyre se rendit (272). Quelques mois plus tard elle se révolta et massacra la garnison romaine. Aurélien était encore en Asie, il revint brusquement, reprit Palmyre et la détruisit (273) ; il n'en reste plus que des ruines.

Aurélien soumit ensuite la Gaule, qui depuis douze ans n'obéissait plus à l'empereur de Rome.

Il revint à Rome célébrer son triomphe ; devant son char marchaient Zénobie, chargée de trois chaînes d'or, et l'empereur de Gaule Tetricus avec sa famille. Après le triomphe, Aurélien, au lieu de les faire exécuter suivant le vieil usage, donna à Zénobie une villa en Italie et nomma, Tetricus gouverneur d'une province.

Il renonça à reconquérir la province de Dacie, occupée par les Barbares, fit retirer les colons qui y restaient et les établit sur la rive droite du Danube. Le Danube redevint la frontière de l'Empire.

Pour mettre Rome à l'abri des invasions, il fit bâtir une nouvelle enceinte, le mur d'Aurélien, qui entourait non seulement l'ancienne Rome, mais les faubourgs construits en dehors du mur de Servius (272).

On lui donna le titre de Restitutor orbis (restaurateur du monde).

Il partait en expédition contre les Perses, quand il fut assassiné à Byzance (275). Les soldats envoyèrent demander un empereur au Sénat ; le Sénat refusa d'abord et finit par élire un vieux sénateur très riche, Tacite, descendant de l'historien, qui mourut bientôt.

L'armée de Syrie proclama son général, un Illyrien, Probus (276). Les Alamans avaient envahi la Gaule. Probus les chassa et les poursuivit même derrière le Rhin (277). Mais il renonça au pays sur la rive droite et se contenta de fortifier la frontière du Rhin. Il établit même sur la rive gauche les Germains prisonniers pour cultiver les terres devenues désertes, il enrôla aussi des Germains comme soldats.

Ses généraux avaient vaincu les Francs, il transporta les prisonniers au bord de la mer Noire. Mais ces Francs saisirent des barques et passant par mer, a travers le Bosphore, l'Archipel, toute la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et l'Océan, ils rentrèrent dans leur pays aux bouches du Rhin, après avoir parcouru tout l'Empire et pillé sur leur passage l'Asie Mineure, la Grèce, la Sicile et l'Afrique.

Probus, après avoir vaincu plusieurs usurpateurs, à Alexandrie, sur le Rhin, à Lyon, en Bretagne, voulut faire occuper les soldats à dessécher les marais du Danube. Un jour, près de Sirmium, pendant les chaleurs de l'été, les soldats, mécontents de ce travail, massacrèrent l'empereur (282).

Son successeur, Carus, partit en expédition contre les Parthes et leur reprit la Mésopotamie et l'Arménie. Arrivé près de Ctésiphon, il fut frappé d'un coup de tonnerre dans sa tente qui brûla (284).

Son fils, resté seul empereur, revint avec l'armée, malade et porté dans une litière. Quand les soldats demandèrent à le voir, ils le trouvèrent mort ; ils accusèrent son beau-père Aper, préfet du prétoire, de l'avoir assassiné ; formèrent un tribunal pour le juger et proclamèrent empereur le commandant de la garde, Dioclétien, fils d'un ancien esclave.

Ces empereurs illyriens, paysans devenus soldats, gardaient des habitudes simples qui rappelaient celles des anciens généraux romains. Voici ce qu'on racontait de Carus, ou de Probus, car on ne savait pas exactement auquel des deux l'aventure était arrivée.

Des envoyés du roi des Parthes demandèrent à voir l'empereur. On les amena près d'un vieillard assis par terre, vêtu d'une mauvaise casaque, qui mangeait du lard salé et des pois ; c'était l'empereur ; il leur dit qu'il allait rendre leur pays aussi nu que sa tête et, se découvrant, il leur montra son crâne chauve. Il ajouta : Si vous avez faim, prenez dans le plat ; sinon, allez-vous-en.

Réorganisation de l'Empire par Dioclétien. — Dioclétien, aidé d'un camarade, Maximien, qu'il avait choisi pour collègue (286), acheva de remettre l'Empire en ordre.

En Gaule, des paysans, soulevés contre les percepteurs de l'impôt, s'étaient organisés en armée et retranchés près du confluent de la Marne dans la Seine (à Saint-Maur-des-Fossés). On les appelait Bagaudes ; ils avaient même proclamé deux empereurs ; Maximien les extermina (285) ; puis il repoussa les Alamans.

Dioclétien fit la guerre aux Parthes, les vainquit et les força à faire la paix et à céder la Mésopotamie.

Dioclétien, pour rendre plus facile le gouvernement, transforma l'organisation de l'Empire :

1° Il ne voulut plus être seul Empereur, il y eut deux Augustes, Dioclétien et Maximien, et deux Césars, soumis aux Augustes ; tous quatre Illyriens. Quand un des Augustes mourait, un des Césars devait le remplacer ; ainsi l'Empire ne resterait jamais vacant ; l'Empereur ne serait plus élu, il serait choisi par le précédent Empereur et ne dépendrait plus ni du Sénat ni de l'armée.

2° Pour défendre un aussi vaste territoire, les empereurs se partagèrent le gouvernement : Dioclétien s'établit en Orient, à Nicomédie ; sous ses ordres, Galère était chargé de l'Illyrie.

Maximien se fixa en Occident, à Milan, laissant Constance Chlore gouverner la Gaule, la Bretagne et l'Espagne.

3° Les anciennes provinces semblaient trop grandes pour un seul gouvernement ; déjà on en avait coupé en deux plusieurs. Dioclétien acheva de les partager ; au lieu de 57, il y en eut 96. Les gouverneurs n'eurent plus d'armée à commander.

4° L'Italie était administrée par le préfet de la ville, Rome par le Sénat. Dioclétien acheva d'enlever au Sénat son pouvoir et à l'Italie ses privilèges ; il la divisa en provinces, et lui fit payer les mêmes impôts qu'au reste de l'Empire.

5° L'Empereur était un magistrat. Dioclétien se fit appeler maître et se mit à porter le diadème, à la façon des rois d'Orient.

Quand le nouveau gouvernement fut organisé, Dioclétien, ayant régné vingt ans, abdiqua et obligea Maximien à abdiquer aussi ; il laissait le pouvoir aux deux Césars, qui devinrent les deux Augustes et nommèrent deux nouveaux Césars (305). Il se retira dans son pays, à Salone, au bord de l'Adriatique, où il s'était fait bâtir un palais immense, semblable à une forteresse, avec un parc de chasse[4].

On dit que, retiré à Salone, il s'amusait à travailler la terre. Un jour que Maximien l'engageait à reprendre l'Empire, il répondit : Si tu voyais les beaux légumes que je fais pousser dans mon jardin, tu ne me parlerais pas de retourner à de tels soucis.

 

 

 



[1] Son nom officiel était Marcus Aurelius Antoninus.

[2] Sacerdos Dei Solis.

[3] On dit que les soldats romains vainqueurs dansaient en chantant : Nous avons tué mille Sarmates, mille Francs. Nous cherchons mille Perses. (Mille Sarmatas, mille Francos semal et semel occidimus. Mille Persas quærimus.)

[4] La ville construite sur les ruines de ce palais en a pris le nom (Spalato, le palais).