HISTOIRE ROMAINE

 

LIVRE III — CHAPITRE TRENTIÈME SEPTIÈME

 

 

CONSTANCE ET GALÈRE, EMPEREURS ; SÉVÈRE, MAXIMIN DAZA ET LICINIUS, CÉSARS ; MAXENCE, ÉLU A ROME ; MAXIMIEN, REMONTÉ SUR LE TRÔNE ; ET CONSTANTIN, EMPEREUR (An de Rome 1056. — De Jésus-Christ 303)

L’EMPIRE, après l’abdication de Dioclétien fut de nouveau partagé. Constance garda l’Espagne, la Gaule et la Bretagne : on parut même lui céder, comme au plus ancien, l’Italie et l’Afrique ; mais ces deux pays, confiés à l’administration du nouveau César, Sévère, se trouvèrent de fait dans la dépendance de Galère, dont Sévère était la créature.

Galère, gouvernait lui-même l’Asie-Mineure, la Grèce, la Thrace, la Macédoine ; et Maximin, son neveu, commandait en Syrie et en Égypte : ainsi la fortune paraissait favoriser ses vues ambitieuses ; tous les Césars, soumis à son autorité, n’étaient que des sujets décorés d’un titre pompeux. La santé de Constance, qui déclinait, annonçait une fin prochaine ; et Galère espérait, après sa mort, se voir seul maître de l’empire : le jeune Constantin était l’unique obstacle qui put s’opposer à ses projets ; mais la politique de Dioclétien avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’écarter du trône. On croyait avoir annulé ses droits en forçant Constance à répudier sa mère Hélène ; et, pour se délivrer de toute inquiétude à son égard, malgré les prières réitérées de Constance, on retenait son fils à la cour de Nicomédie, comme un otage, ou plutôt, comme un captif.

Constantin, poursuivi par les rigueurs du sort, en était dédommagé par les plus heureux dons de la nature : peu d’hommes avaient reçu du ciel une taille plus majestueuse, un esprit plus étendu, une figure plus agréable et plus imposante. Instruit par des maîtres habiles, formé par sa mère Hélène aux principes de la morale chrétienne, adroit dans tous les exercices, intrépide dans les dangers, et doué d’une force prodigieuse qui ne lui faisait rien perdre de sa grâce, il s’était attiré l’affection du peuple et du soldat.

Combattant en Égypte et sur les bords du Danube, sous les ordres de Dioclétien, il s’était également distingué par son courage comme soldat, par son habileté comme officier : vainqueur de plusieurs chefs barbares en combat singulier, il terrassa un jour le plus colossal et le plus redoutable d’entre eux et le traîna par les cheveux aux pieds de l’empereur.

Digne des temps héroïques de Rome, il n’aurait mérité que des éloges si l’amour du pouvoir absolu n’eût pas terni souvent ses grandes qualités. Malgré les panégyriques outrés des auteurs chrétiens, et, entre autres d’Eusèbe, qui disait que Dieu seul aurait pu écrire dignement la vie d’un tel prince, l’histoire impartiale, en rendant justice à ses vertus, ne doit pas se montrer indulgente pour ses crimes : habituellement généreux par caractère ou par politique, il fut souvent perfide et cruel par ambition ; sa fortune et son génie doivent le faire compter au nombre des plus grands princes, mais plusieurs de ses actions lui assignent aussi une place parmi les tyrans.

Peut-être un jugement non moins équitable, mais plus doux, pourrait attribuer ses belles actions à son cœur, et ses vices à son siècle.

Galère, comme Eurysthée, voulant perdre ce nouvel Hercule, l’exposait sans cesse aux plus rudes travaux et aux plus grands périls : tantôt il l’envoyait au-delà du Danube affronter, à la tête d’une faible troupe, des essaims de barbares ; tantôt, lui ordonnant, de charger l’ennemi, il le forçait à traverser des marais dans lesquels il espérait l’engloutir. Plusieurs fois enfin, enflammant son amour-propre, il l’engageait à combattre dans le cirque contre des lions et contre des tiges ; mais la fortune le sauva de tous ces dangers ; et, en cherchant à lui donner la mort, on ne fit qu’augmenter sa gloire.

Cependant Constance, qui sentait sa fin s’approcher, pressait si vivement, Galère de lui rendre son fils, qu’il fallut ou lui céder ou rompre avec lui. Galère feignit d’acquiescer à sa demande, et résolut de se délivrer de toute crainte par un crime secret.

Constantin, ayant pénétré ses projets, trompa le perfide, fixa un jour pour son départ, s’enfuit la veille, tua tous les chevaux qui se trouvaient à chaque relais, se mit promptement, par ce moyen, hors de toute atteinte, et rejoignit son père dans la Gaule, au moment où ce prince s’embarquait à Boulogne pour combattre les Pictes. Il le suivit dans cette expédition et, peu de temps après, reçut ses derniers soupirs.

Constance mourut dans la ville d’Yorck, an de Rome 1057, de Jésus -Christ 304. Il n’avait eu d’Hélène, sa première femme, que Constantin. Théodora lui laissa trois fils et trois filles, Dalmace, Jules, Annibalien, Constance, Anastasie et Eutropie. Plus occupé des intérêts de l’état que de ceux de sa famille, il désigna Constantin seul pour son successeur, le recommanda aux légions, et ordonna à ses autres enfants de vivre en simples citoyens.

Constance, modèle des bons princes, ne ternit ses grandes qualités par aucune faiblesse ; il plaça sa force dans ses vertus, sa grandeur dans la justice, sa sûreté dans l’affection des peuples. Il les rendit heureux, et en fut constamment aimé.

Dioclétien lui ayant un jour reproché son insouciance pour se former un trésor proportionné aux grandes entreprises dont il était chargé, il écrivit aux principales cités et aux personnes les plus opulentes de ses états qu’il avait’ besoin d’argent. Une parole d’un prince aimé produit des prodiges. Il lui arriva dans l’instant, de toutes parts, des sommes immenses. Ayant appelé alors prés de lui les envoyés de Dioclétien, il offrit à leurs regards  ces monceaux d’or, et leur dit : Vous voyez mon trésor, je l’avais déposé dans les, mains de tous mes sujets ; sachez que le trésor le plus inépuisable des princes, c’est l’amour des peuples. Ce trait seul suffit à son éloge.

Si le sort l’eût mis à la place de Dioclétien, il aurait probablement prolongé l’existence de l’empire romain, en lui rendant le seul ciment qui assure la durée des états, la vertu.

Le dernier vœu de Constance fut une loi pour sa famille, pour les peuples, pour l’armée ; son ombre régnait encore par l’amour, et les soldats, proclamèrent unanimement Constantin empereur. Ce prince, dissimulé, comme tous les ambitieux,  opposa quelque résistance à leur désir, prétendit qu’il devait attendre le consentement de Galère, et feignit même de vouloir, fuir pour se dérober à leur empressement. Ses refus, comme il l’avait prévu, augmentèrent leur ardeur ; il céda enfin à cette douce violence, prit le titre d’Auguste, et célébra, en cette qualité, avec pompe, les funérailles de son père qu’il plaça, suivant l’usage, au rang des dieux.

Son premier soin fut ensuite d’écrire à l’empereur Galère, et de lui envoyer des ambassadeurs pour l’inviter à le reconnaître et à confirmer le choix de l’armée. L’impétueux Galère ne put contenir sa fureur lorsqu’il apprit un événement si contraire à ses desseins ambitieux. Il maltraita les députés de Constantin, et, dans le premier mouvement de son courroux, il ordonna de briser l’image de ce prince, qu’il lui avait envoyée, et qui, selon la coutume, était entourée de lauriers. Après avoir refusé quelque temps de reconnaître ce nouveau collègue, vaincu par les prières de ses ministres, qui redoutaient la vaillance des légions de l’Occident, il reconnut Constantin, non commue Auguste, mais comme César ; et, pour remplacer Constance, il donna le rang et le titre d’empereur à Sévère.

Constantin savait déguiser ses ressentiments, commander à ses passions, et couvrir ses vues ambitieuses d’un voile de modération. Loin de s’irriter, il parut se contenter du second rang, et du titre de César. Sa feinte modestie trompa Galère, qui, satisfait de cette apparente soumission, crut encore qu’il pourrait parvenir à régner seul avec des lieutenants décorés d’un nom pompeux.         

Cependant Constantin, continuant à se montrer plus digne du trône que ses rivaux, augmenta sa renommée par de nouveaux exploits, défit, encore les Francs qui étaient venus l’attaquer, repoussa une invasion formidable des Germains, les poursuivit au-delà du Rhin, et détruisit presque entièrement la nation des Bructères ; mais il souilla sa victoire par des actes de cruauté. Croyant épouvanter les barbares en les imitant, il n’épargna aucun de ses prisonniers, et les livra désarmés aux bêtes féroces.

Terrible contre ses ennemis, il se montrait doux et humain pour les peuples qu’il gouvernait, et il suivit religieusement les sages maximes de son père.

Le vieux Maximien Hercule, dans sa retraite, moins sage que Dioclétien, regrettait le trône ; un homme sans vertu ne peut supporter la solitude. Lorsqu’il apprit l’élévation du fils de Constance, la jalousie vint ajouter ses tourments à ceux de l’ambition trompée. Dès ce moment il ne s’occupa que des moyens à prendre pour reparaître avec éclat sur la scène du monde et pour recouvrer sa puissance. La fortune lui en donna bientôt l’occasion.

Galère livré sans frein à ses passions, était aussi violent que Marius, aussi cruel que Néron, aussi débauché qu’Héliogabale : son luxe dévorait toutes les richesses de l’empire, dont les trésors semblaient insuffisants à sa cupidité ; les peuples gémissaient sous le poids des impôts ; les plus affreux supplices punissaient la résistance et même le murmure. Galère se donnait dit-on, le barbare plaisir de faire étouffer, en sa présence, les condamnés par des ours monstrueux. Son avarice s’accroissait chaque jour ; il espéra, en faisant un nouveau dénombrement, découvrir les fortunes qu’on lui celait, et trouver de nouvelles ressources pour s’enrichir. L’Italie se vit couverte d’exacteurs, d’espions et de délateurs. Rome même ne fut pas épargnée ; on viola ses privilèges, on ordonna à tous les citoyens de rendre un compte exact de leur fortune et, comme on craignait quelque obstacle de la part des cohortes prétoriennes, Galère les réforma.

Les peuples, amollis par la corruption, ne combattent plus pour leurs droits, mais défendent encore leurs intérêts. Les Romains avaient depuis longtemps sacrifié leur liberté ; ils s’armèrent pour conserver leur fortune. Maximien instruit de leur mécontentement, envoya son fils Maxence à Rome pour aigrir leurs ressentiments, le chargeant ainsi de courir tous les dangers d’une révolution, dont il comptait, en cas de succès, recueillir seul le fruit.

Les esprits étaient tellement exaspérés qu’il ne fallait qu’un signal et qu’un point d’appui pour faire éclater la révolte. Dès que Maxence parut, les vœux et les espérances des mécontents se portèrent sur lui. Ce prince, par la grossièreté de son esprit, par la brutalité de ses vices, était indigne, du trône ; mais il n’avait alors besoin ni de mérite, ni même d’adresse pour réussir. Rome ne voulait qu’un nom et qu’un vengeur.

Ce prince promit au sénat de lui rendre son ancienne autorité, aux patriciens leurs privilèges, au peuple l’exemption des impôts et les distributions de grains, aux prétoriens leur ancien droit d’élire les empereurs, droit que venaient encore d’exercer les légions de Gaule et de Bretagne, et dont ils auraient trouvé honteux de ne pas suivre l’exemple.

Ces promesses, qui s’adressaient à tous les intérêts, réveillèrent toutes les passions. Rome entière, sortant de sa longue et profonde léthargie, se souleva, s’arma, et Maxence fut proclamé unanimement empereur.

Sévère, qui avait pour département l’Italie, et dont l’autorité aurait pu étouffer ce mouvement dans sa naissance, était alors entraîné loin de Rome par ses plaisirs ou par ses affaires. Il n’apprit cette révolution que lorsqu’elle fut consommée. Rassemblant à la hâte quelques légions et celles que lui donna Galère, il marcha promptement contre Rome.

A la nouvelle de son approche, Maxence tremblant, inhabile dans l’art de la guerre, implora les conseils, les secours et la présence de son père. Le vieux monarque, au comble de ses vœux, reparut dans Rome, reprit la pourpre, remonta sur le trône, et, rajeuni par le diadème donna l’exemple de l’ardeur et du courage aux soldats et aux citoyens armés.

La guerre était sa seule science ; l’autorité de son nom et le souvenir d’un long règne, brillant d’exploits, remplissaient de confiance son armée, et intimidaient celle de Sévère. Dès qu’ils furent en présence,  la plupart des légions, baissant leurs armés abandonnèrent leur général, et se rangèrent du côté de leur ancien empereur, qui les avait si souvent menées à la victoire. Sévère,  promptement vaincu, s’enfuit à Ravenne : il y fut investi. Un long siége aurait donné le temps à Galère de le délivrer ; Maximien, employant pour hâter son triomphe un infâme artifice, promit à Sévère d’épargner sa vie, et de lui assurer une retraite honorable. Ce prince, trop confiant, se rendit : Maximien, éludant sa parole, ne lui donna pas la mort, le reçut même avec honneur ; mais peu de temps après il le livra à son fils Maxence qui, par ses ordres, le fit périr.

Galère, furieux, remplaça Sévère par un autre César ; il décora de ce titre Licinius, général expérimenté, constamment attaché à sa fortune, et qui, par une grande conformité d’orgueil, d’inhumanité et de vices, était digne d’être son ami. Après l’avoir couronné solennellement à Nicomédie, Galère, à la tête d’une armée peut nombreuse, débarqua en  Italie. Il ne pouvait croire que Rome, si longtemps esclave, livrée à la mollesse et aux plaisirs, pût lui opposer une forte résistance ; mais, en approchant de la capitale du monde  un spectacle imprévu frappa ses regards. L’ancienne Rome semblait entré sortie de son tombeau ; la haine avait éveillé le courage ; le Capitole paraissait vouloir encore commander au monde ; les sept collines avaient enfanté de nouvelles légions ; la plaine en était couverte ; elles faisaient entendre les noms redoutables du sénat et du peuple romain ; et ces noms révérés, rappelant un respect antiqùe, frappaient de terreur les troupes de Galère, qui croyaient commettre un parricide en attaquait la ville sacrée. Avec de semblables dispositions le succès ne pouvait être douteux. Au premier choc l’armée de Galère prit la fuite ; et ce prince, pour sauver sa vie, fut obligé de capituler.

Maximien, qui aurait pu le détruire y craignit qu’il ne trouva des ressources dans son désespoir, et lui permit de retourner avec son armée en Asie.

Pendant cette lutte courte, mais sanglante, Constantin, laissant ses rivaux s’affaiblir mutuellement, consolidait son pouvoir en faisant prospérer dans ses états le commerce et l’agriculture en maintenant la discipline dans ses armées ; l’économie remplissait son trésor, et les peuples bénissaient sa justice. Maximien, pour l’engager à soutenir sa cause lui offrit sa fille Fausta en mariage ; il l’épousa, ne promit que d’observer une stricte neutralité, et ne consentit à le reconnaître pour empereur qu’au moment où Galère lui céda Rome et l’Italie.

Après la retraite de Galère, l’empire se trouva gouverné par six princes : Maximin en Afrique et en Égypte ; Maximien et Maxence en Italie ; Licinius dans la Grèce, la Thrace et l’Illyrie ; Galère en Asie, et Constantin dans les Gaules, dans la Bretagne et en Espagne. Un tel partage de pouvoirs ne pouvait durer, et cette oligarchie de princes coûta plus de sang que n’en avait fait verser l’anarchie des trente tyrans, vaincus par Aurélien.

Maxence, délivré de toute inquiétude par les victoires de son père, méprisa ses ordres dès qu’il crut n’avoir plus besoin de son appui, insulta les grands, dépouilla les riches, autorisa la licence des troupes, et se livra nuit et jour publiquement aux excès de la plus scandaleuse débauche. Son père, le voyant en butte à la haine publique, crut le moment favorable pour accomplir ses projets. L’artificieux vieillard méprisait, haïssait Maxence, et ne s’était servi de lui que comme d’un instrument fait pour lui rouvrir les chemins du trône. Espérant que l’animadversion générale le seconderait, il convoque le sénat et le peuple, adresse à son fils les plus sanglants reproches sur son incapacité, sur ses vices, sur ses cruautés, le déclare indigne de régner, et lui arrache de ses propres mains le manteau impérial.

Sa fuite et -Les sénateurs, les chevaliers et la foule des citoyens, incertains du parti qu’ils devaient prendre, gardaient un profond silence, quand tout à coup les jeunes courtisans qui partageaient les débauches de Maxence, et les soldats dont il favorisait les désordres, jettent de grands cris, l’entourent, le défendent, accablent Maximien d’injures et de menaces, lèvent sur lui leurs mains furieuses, et forcent cet ambitieux vieillard à chercher son salut dans la fuite.

Tombé du trône une seconde fois, il courut en Asie implorer bassement et vainement les secours de Galère : après avoir tenté d’inutiles efforts pour l’armer contre son fils, il vint dans les Gaules demander un asile à son gendre. Constantin l’accueillit généreusement, le logea dans son palais et lui accorda les honneurs dus à son rang[1].

L’âge et les revers ne pouvaient adoucir le cœur de ce vieillard, qui ne vivait que pour régner, tandis que son gendre le traitait en père, il ne songeait qu’aux moyens de lui enlever le trône et la vie.

Les Francs venaient encore d’envahir le pays de Trèves. Constantin, qui dut presque toujours ses succès à sa rapidité, court les combattre à la tête d’un faible corps de troupes. Dès que Maximien le sait engagé dans cette guerre, il répand le bruit que ce prince, enveloppé par les barbares est tombé sous leurs coups ; et, convoquant à la hâte les légions qui se trouvaient du côté d’Arles, il se fait proclamer empereur par elles.

Constantin apprend cette nouvelle au moment où son audace venait de forcer les ennemis à prendre la fuite et à repasser le Rhin. Saris perdre de temps, aussi prompt que l’éclair, suivi de quelques hommes dévoilés, il revient à Châlons, s’embarque, descend la Saône et le Rhône et reparaît à l’improviste sous les murs d’Arles. Maximien n’avait point eu le temps d’organiser ses forces et de consolider son usurpation ; il ne commandait que par la crainte ; Constantin était aimé : dès que le nom de ce prince chéri se fait entendre, tous les cœurs volent au-devant de lui, les soldats se rangent en foule sous ses drapeaux. Maximien s’enfuit à Marseille ; Constantin l’y poursuit, et les habitants lui en ouvrent les portes : clément après la victoire ; il n’ôte à son beau-père que la pourpre impériale, lui laisse la vie, et le retient auprès de lui.

Loin d’être touché par cette douceur, l’implacable vieillard, résolu de se venger, jura de donner la mort à celui qui venait d’épargner ses jours. Quelques mois après, se trouvant encore à Marseille avec Constantin, dont l’âme généreuse ne pouvait soupçonner un pareil crime, il découvrit son affreux projet à sa fille Fausta, employant tour à tour les présents, les prières, les promesses, les menaces pour l’engager à laisser ouvert pendant la nuit l’appartement de son époux, et à éloigner les gardes qui veillaient à sa sûreté.

La malheureuse impératrice, forcée de donner la mort à son père si elle parlait, ou à son époux si elle se taisait, ne sut longtemps, dans cette affreuse position, qui elle devait trahir ou sauver : enfin l’amour conjugal l’emporta ; elle promit à son père d’obéir, et révéla tout à Constantin.

Ce prince, plus consternés qu’effrayé d’un tel forfait, refusait d’y croire, et  voulut en avoir la preuve évidente avant de le punir. Suivant les mœurs barbares de ce temps, les esclaves étaient à peine comptés au nombre des hommes : Constantin sacrifie les jours d’un eunuque pour dévoiler l’affreuse vérité, le place dans son lit, éloigne les gardes, et se tient à portée de tout voir.

Au milieu des ombres et du silence de la nuit, Maximien, armé d’un poignard, s’avance, voit avec une barbare satisfaction que sa fille a dégagé sa marche de tout obstacle : il entre dans la chambre, s’approche du lit, enfonce à plusieurs reprises son fer dans le sein de l’esclave, et s’écrie : Mon ennemi est mort, je suis maître de l’empire ! A peine il a prononcé ces mots, Constantin parait à sa vue, l’atterre par ses regards menaçants, et change sa cruelle joie en honte et en désespoir : Constantin ne pardonne plus, et Maximien périt, juste victime d’une coupable ambition qui ne put s’éteindre qu’avec sa vie.

Maxence, qui avait trahi, insulté, détrôné son père, déclara témérairement qu’il voulait le venger. Depuis qu’il régnait seul  sa tyrannie ne connaissait plus de bornes : Rome, pendant le court règne de ce prince féroce et insensé, fut remplie de délateurs, inondée de sang  et livrée au pillage. La pudeur des femmes et des vierges les plus distinguées était immolée à la brutalité de ses désirs. Sophronie, chrétienne, et mariée à un illustre sénateur, voyant sa maison entourée par les satellites du tyran, crut pouvoir, sans offenser son Dieu, s’affranchir du déshonneur : elle se poignarda, et le sang de cette nouvelle Lucrèce aurait peut-être encore armé les Romains contre la tyrannie ; mais ils étaient contenus par une armée dévouée à Maxence. Cette armée régnait plus que lui, et disposait à son gré de la fortune et de la vie des citoyens. Maxence leur disait souvent : Prenez, pillez, prodiguez, ce sont vos droits ; la fortune de l’empire que vous soutenez vous appartient.

Fort de l’appui de ces soldats licencieux, il se regardait comme seul empereur, parlait avec mépris des autres Césars, et ne les traitait que comme ses lieutenants.

Le sénat et le peuplé, excédés de son joug odieux, implorèrent le secours de Constantin. Les circonstances, étaient favorables ; Galère venait de terminer ses jours dans d’affreux tourments : les vices de son âme semblaient avoir infecté son corps. Il mourut rongé d’ulcères, dévoré de remords ; et, avant d’expirer, il révoqua l’édit cruel publié par lui contre les chrétiens.

Licinius et Maximin, ses successeurs, se disputaient l’empire de l’Asie ; et Constantin, sans craindre de diversion du côte de l’Orient, marcha en Italie, où l’appelaient ses destinées ; mais, avant de franchir les Alpes, ce prince fit un acte de témérité, dont le succès accrut sa gloire, et assura pour longtemps la tranquillité de la Gaule.

Les barbares, qui jusque là se bornaient à faire la guerre séparément, et à envahir chacun les provinces qui se trouvaient le plus à leur portée, s’étaient alors réunis en masse. Une armée formidable, composée de Francs, de Cattes, de Bructères et de la plupart des peuples de la Germanie avait traversé le Rhin : Constantin marcha contre eux avec des troupes inférieures en nombre, mais supérieures en tactique et en courage. Lorsqu’il fut près des ennemis, s’étant déguisé, il entra audacieusement dans leur camp, causa familièrement avec eux, et reconnut avec soin leurs postes. Revenu ensuite au milieu de ses légions, il attaqua les barbares, par le côté le plus faible de leur position, les enfonça, jeta le désordre dans leurs rangs, les mit en fuite, et en fit un affreux carnage.

Délivré, par cette victoire, de toute crainte, pour ses états, il réunit toutes ses forces, qui ne s’élevaient, dit-on, qu’à cent mille hommes, passa le mont Cenis, prit Suze d’assaut, défit, dans la plaine de Turin, un gros corps de cavalerie, qui s’opposait à sa marche, se rendit maître de Turin, de Milan, et fut reçu dans la Lombardie non comme un ennemi, mais comme un libérateur.

Maxence, aussi lâche qu’orgueilleux, ne s’était jamais montré redoutable qu’à l’innocence, à la pudeur, à la vertu. Il se tenait enfermé dans Rome, et faisait la guerre par ses lieutenants. Leurs armes lui avaient soumis l’Afrique, enlevée à Maximin : un usurpateur, nommé Alexandre, s’y révolta, et la gouverna pendant trois ans. Rufin, envoyé par Mayence, le défit et le tua. Pompéianus fut chargé de défendre l’Italie et de combattre Constantin. Son armée, composée de troupes d’Italie et d’Afrique, comptait cent quatre-vingt mille combattants, ardents à servir la cause d’un tyran qui livrait à leur cupidité toutes les richesses de Rome et de l’Italie.

Comme les impôts ne suffisaient plus pour payer cette nombreuse armée, Maxence eut recours aux confiscations, et jamais aucune tyrannie ne fit couler plus de larmes et de sang.

Constantin, précédé du bruit de ses exploits, et de ses vertus était appelé par les vœux de tous- les citoyens opprimés. Cependant, avant de combattre des forces supérieures aux siennes, que le nom de Rome rendait encore plus redoutables, et contre lesquelles la bravoure de Sévère et l’expérience de Galère avaient échoué, il crut devoir ranimer le courage de ses soldats eu leur offrant le secours du Ciel ; et, pour les rassurer contre la crainte de la fortune et des dieux du Capitole, il leur promit la victoire au nom d’un Dieu plus puissant. Hélène, sa mère, lui avait inspiré dans son enfance un grand mépris pour l’idolâtrie, et une profonde vénération pour le Dieu des chrétiens. A l’exemple de son père, il les avait toujours protégés. Le culte de Jésus-Christ, triomphant au milieu des persécutions, s’était répandu avec rapidité dans tout l’empire ; la haine de l’oppression augmentait sans cesse ses prosélytes ; le sang des martyrs multipliait et fortifiait les racines du christianisme ; les plus braves guerriers, les plus sages magistrats, les hommes les plus éclairés, tous les citoyens qui avaient conservé quelque sentiment de vertu se déclaraient pour ce culte moral : ils méprisaient les faux dieux de Maxence et de Maximien, ainsi que leur Panthéon rempli de tyrans, et leur Olympe peuplé de vices. Les pauvres, les esclaves invoquaient un Dieu rappelait aux hommes la primitive égalité, et les femmes embrassaient avec ardeur une religion qui ordonnait la clémence, commandait l’amour, et promettait un bonheur éternel aux plus douces vertus.

Le polythéisme était défendu par les satellites des tyrans, par les prêtres des idoles, par quelques philosophes opiniâtres dans leur système, par quelques esprits superstitieux qui croyaient l’ancien culte et l’ancienne gloire de Rome inséparables ; enfin par une foule d’hommes corrompus, portés par leur intérêt  à conserver le culte des vices divinisés.

Maximin, aussi intolérant que Galère, favorisait le parti de Maxence, et se montrait, comme lui, l’implacable ennemi des chrétiens. Licinius, son rival, soutenait la cause de Constantin, et, en sa faveur, paraissait disposé à tolérer le christianisme.

Telle était la disposition des esprits, lorsque Constantin, soit qu’il fût éclairé par les lumières de la religion, soit qu’il ne se laissât diriger que par celles de la politique,  eut recours à une fraude pieuse, pour persuader à ses soldats que le ciel même s’armait en sa faveur.

Appuyé par le témoignage des guerriers chrétiens qui combattaient sous ses ordres, il dit et attesta à toute l’armée, que, se trouvant un jour en marche au moment où le soleil était sur son déclin, il avait vu dans les airs une croix lumineuse qui portait cette inscription : Triomphez par ce signe ; et que la nuit suivante Jésus-Christ, lui apparaissant en  songe, et lui expliquant ce phénomène, lui avait commandé de prendre un étendard semblable à ce signe divin[2]. L’empereur obéit ; ce nouvel étendard s’appela labarum, comme l’ancien étendard impérial, et toute son armée, suivant avec enthousiasme cette enseigne miraculeuse, porta dès ce moment, sur ses casques et sur ses boucliers, le signe éclatant de la croix qui jusqu’alors avait été l’objet de l’insulte et de la persécution.

Tel est le récit qu’Eusèbe prétendait tenir de la bouche même de Constantin. Les auteurs païens de ce temps racontaient le fait autrement. Ils disaient qu’on avait vu dans les airs une armée céleste qui dirigeait et encourageait celle de Constantin.

Ce qui parait certain, c’est que tous, païens ou chrétiens, attribuèrent la défaite des armées de Rome à un prodige.

L’empereur, continuant sa marche’, rencontra près de Vérone l’armée de Pompéianus, et lui livra une bataille et dans cette action, longue et meurtrière, Constantin montra l’habileté d’un grand capitaine, et s’exposa en soldat. La fortune couronna ses armes ; il détruisit une partie de l’armée ennemie ; et mit le reste en fuite.

Les débris des légions vaincues, se joignant aux troupes restées à Rome formèrent encore une nombreuse armée qui campa au-delà du Tibre ; les prétoriens en composaient la principale force ; Maxence, livré à ses infâmes débauches, ne sortait pas de l’enceinte de son palais : les oracles trompeurs de la sibylle rassuraient son esprit superstitieux ; ils lui avaient dit, avec l’ambiguïté ordinaire de leur langage, que l’ennemi de Rome serait bientôt vaincu. Le tyran ne vit pas que c’était annoncer sa défaite et sa mort.       

Cependant l’armée victorieuse se trouva bientôt en présence de la sienne ; et, malgré sa lâcheté, il se vit forcé, par les menaces et par l’indignation des prétoriens, de venir se mettre à leur tête. Lorsque le signal fût donné, le succès ne resta pas longtemps incertain ; Maxence dirigea, ses troupes sans habileté ; la garde prétorienne, amollie par une longue inaction, ne put soutenir le .choc des belliqueuses légions du Nord ; les recrues d’Italie et d’Afrique prirent la fuite comme elles ; en peu d’heures la déroute fut complète. La foule des fuyards fit crouler par son poids le pont du Tibre ; Maxence, qui se trouvait au milieu d’eux, tomba, dans le fleuve et s’y noya.

Le lendemain Rome ouvrit ses portes, et Constantin, au bruit des applaudissements publics, entra comme libérateur dans la capitale du monde ; la tête de Maxence, portée sur une pique, précédait son char. On ne voyait point à ce noble triomphe, dit ‘un orateur de ce temps, des généraux dans les fers, des princes enchaînés, ni une foule de barbares, vaincus et captifs ; ce qui le décorait c’était le sénat, les patriciens rendus à leur dignité, les bannis appelés de leur exil, le peuple romain affranchi d’une odieuse captivité, enfin Rome entière délivrée de la tyrannie d’un monstre.

L’empereur ne souilla sa victoire par aucun acte de rigueur ; sa sévérité ne se porta que sur les cohortes prétoriennes : il cassa cette troupe factieuse qui s’était toujours montrée l’ennemie des bons princes et l’appui des tyrans.

En peu de mois l’activité de L’empereur répara les maux produits par dix années de tyrannie ; les exilés revinrent dans leurs foyers, les proscrits rentrèrent dans leurs biens, le sénat reprit sa dignité, la justice présida les tribunaux, la pudeur respira, le vice cacha dans l’ombre son front audacieux ; on bannit les délateurs ; les magistrats concussionnaires furent destitués et punis ; enfin le cultivateur, soulagé des taxes énormes qui dévoraient ses fruits et ses moissons, se livra de nouveau au travail avec confiance et sécurité.

Constantin reçut du sénat les honneurs décernés à tous les princes qui l’avaient précédé. Se conformant ensuite aux anciens usages populaires, il célébra les jeux publics, et donna à la multitude les spectacles ordinaires du cirque, mais il ne voulut point prendre part aux sacrifices ; et, par son mépris pour le culte des faux dieux, il commença, malgré ses sages lois et ses grandes actions, à s’attirer l’animadversion des habitants de Rome, dont la plus grande partie restait attachée aux antiques superstitions.

Quelque temps après Constantin se rendit à Milan ; il y trouva Licinius, et resserra les liens de son alliance avec ce prince, en lui donnant pour femme sa sœur Constancie. Tous deux, de concert, publièrent dans leurs états plusieurs édits pour rendre aux chrétiens leurs biens et leurs églises, aux évêques leur autorité spirituelle, et pour autoriser partout le libre et public exercice de la religion chrétienne.

A la mort de Galère, l’Asie étant devenue l’objet de la rivalité de Licinius et de Maximin, celui-ci plus prompt que son collègue, s’en était saisi, s’y était fortifié, et en avait obtenu, la cession définitive par un traité. Cette paix ne fut pas de longue durée. Maximin, ennemi implacable des chrétiens ne pouvait supporter la protection que leur accordaient ses deux collègues et les reproches qu’ils lui adressaient sur sa cruauté. Échauffé dans sa haine par la fureur de ses pontifes et par celle des anciens partisans de Galère et de Maxence réunis près de lui, fier du nombre de ses troupes, de l’étendue de ses états, et trompé par de faux oracles, il crut pouvoir, en surprenant Licinius par une attaque imprévue, le renverser facilement du trône, vaincre ensuite Constantin, et s’emparer de leurs possessions. Rassemblant en secret ses troupes, il marcha diligemment sur le Bosphore, traversa le détroit, et se rendît maître de Byzance et d’Héraclée.

Licinius, loin d’être découragé par les premiers succès de cette invasion, partit de Milan, se mit à la tête des braves légions de Thrace et d’Illyrie, attaqua les troupes asiatiques qui se livraient au pillage, et les défit en deux batailles rangées. Maximin, ayant perdu la plus grande partie de son armée, se sauva en Cilicie : peu de temps après, lorsqu’il fut informé de l’approche du vainqueur qui le poursuivait, il s’empoisonna.

Licinius, aussi féroce que son rival, usa cruellement de la victoire. Il fit périr la famille de Maximin, et n’épargna pas même les jours de Prisca et de Valéria, l’une épouse et l’autre fille de  Dioclétien.

Il n’existait plus que deux empereurs Constantin et Licinius ; l’intérêt, qui les avait unis momentanément, les divisa bientôt : Constantin exigeait un nouveau partage, et voulait que son collègue lui cédât l’Illyrie, la Thrace, la Macédoine et la Grèce ; Licinius s’y refusa ; et l’on en vint aux armes.

Les deux empereurs se livrèrent bataille à Cybalis, en Pannonie, près de Sirmium. Les deux chefs, également braves et expérimentés, conduisaient chacun des légions belliqueuses. L’action dura vingt-quatre heures, enfin l’aile que commandait Constantin ayant enfoncé, celle qui-lui était opposée, ce succès décida la victoire. Licinius, regagnant Andrinople, y rassembla d’autres forces ; et donna le titre de César un général peu connu, nommé Valens.

Constantin, poursuivant sa marche, attaqua de nouveau son rival, à Mardie, près d’Andrinople. Le succès du combat ne fut point décisif, chacun des deux partis s’attribua la victoire, mais Constantin seul en recueillit les fruits. Licinius, découragé, se soumit aux conditions qu’on voulut lui prescrire ; déposa Valens, le fit périr et, abandonnant les provinces que Constantin lui demandait, ne garda sous sa domination qu’une partie de la Thrace, l’Asie et l’Égypte.

L’ambition blessée ne considère une paix désavantageuse que comme une trêve. Résolu de la rompre dès qu’il le pourrait avec quelque espoir de succès, Licinius augmenta ses troupes, et remplit son trésor, en accablant le peuple d’impôts et de confiscations ; cependant les riches et les grands souffraient seuls de sa tyrannie : ce prince, né dans la classe des paysans s’en souvint et les protégea toujours.

Dans toutes les parties de l’empire les chrétiens regardaient Constantin comme leur libérateur, leur protecteur et leur chef ; c’en était assez, pour que Licinius devint leur ennemi. Il embrassa avec chaleur la cause de l’ancienne religion, et commença de nouveau à livrer les chrétiens à la haine et à la vengeance de leurs persécuteurs. Constantin prit leur défense : Licinius excita les mécontents de Rome à conspirer contre les jours de son collègue. Après beaucoup de reproches mutuels et de négociations aussi infructueuses que peu sincères, la guerre, qu’ils désiraient tous deux également, se ralluma.

Licinius, voyant à ses ordres les trésors de l’Orient, quatre cent cinquante vaisseaux de guerre et une armée de terre de cent soixante-dix mille hommes, ne doutait pas de la victoire, et consentait avec joie, disait-il, à la prendre pour juge entre les dieux de Rome, qu’il voulait venger, et le Dieu de Constantin.

Campé sur une hauteur, qui dominait Andrinople et couvert par l’Hèbre, il attendit tranquillement Constantin, dont l’ardeur se trouva plusieurs jours arrêtée par les obstacles d’une aussi forte position : mais une longue expérience avait appris à ce prince toutes les ruses de la guerre. Après quelques jours d’inaction il surprit l’ennemi, traversa, la nuit, le fleuve dans un endroit dont on avait négligé la défense, et ne laissa pas le temps à Licinius de changer ses dispositions ; il l’attaqua brusquement, le mit en fuite, et l’enferma dans Byzance.

Constantin avait donné le titre de César à Crispus, son fils aîné, qui devait le jour, à Minervine, sa première femme ; les autres enfants qu’il avait eus de Fausta, Constantin et Constance, furent aussi décorés du même titre. Crispus, dans ce temps, commandait sa flotte ; il combattit, dans le détroit, celle de Licinius, la défit et détruisit plus de cent trente vaisseaux. Constantin pressait le siége de Byzance ; Licinius, craignant de tomber dans ses mains, s’échappa la nuit et se sauva à Chalcédoine. Le vainqueur l’y poursuivit, et lui livra une dernière bataille, dont le succès fut complet et ne laissa pas de ressource au vaincu, Dans cette action Constantin prit ou tua cent trente hommes.

Licinius, presque seul, s’enfuit à Nicomédie, et implora la clémence de son ennemi : il ne lui demandait que la vie, abandonnant toute prétention à l’empire ; les larmes et les prières de Constance, sa femme, parurent toucher le cœur de Constantin ;  il épargna dans ces premiers moments les jours de son beau-frère ; mais quelque temps après, sous prétexte que ce prince cherchait à réveiller le zèle de ses partisans, Constantin souilla sa gloire en ordonnant la mort de son rival. La défaite et le trépas de Licinius réunirent enfin sous les lois d’un seul prince toutes les parties de l’empire romain.

 

 

 

 



[1] An de Rome 1060. — De Jésus-Christ 307.

[2] An de Rome 1062. — De Jésus-Christ 309.