HISTOIRE ROMAINE

 

LIVRE I — CHAPITRE PREMIER

 

 

AINSI que le voyageur qui suit le cours des grands fleuves avant de s’embarquera sur l’Océan destiné à les engloutir tous dans son sein, ainsi nous avons d’abord parcouru l’histoire des Égyptiens, des Juifs, des Phéniciens, des empires de l’Asie, des royaumes, des états libres de la Grèce, des républiques de Sicile, et de Carthage ; nous allons maintenant raconter les faits de ce peuple romain qui devint le maître du monde.

Ici un nouveau, spectacle va s’offrir à nos regards. Nous ne nous égarerons plus, comme en Égypte, dans l’obscurité d’une tradition antique et mystérieuse qui, mêlant peu de vérités aux contes forgés par une caste de prêtres, ne nous laisse d’autres garants que de vieux monuments et d’indéchiffrables hiéroglyphes.

Nous ne serons plus, comme en Palestine, dans un pays sacré, où toutes les lois, sont des oracles, et tous les événements des miracles.

Nous avons quitté cette voluptueuse Asie où régnaient ensemble la mollesse, le luxe, l’ignorance et le despotisme.

Nous sommes sortis de cette patrie des fables, de ce pays des prodiges, de cette Grèce, si pittoresque, que l’imagination quitte à regret, parce qu’elle y trouvait tout mobile et varié comme elle. Le temps, qui fait naître et qui efface tout, a flétri les couleurs de ce riant tableau, où nous avons vu rassemblés, dans le plus étroit espace, toutes les grandeurs, toutes les petitesses, toute la sagesse, toute la folie humaine ; les tyrans les plus cruels, les rois les plus vertueux, les conquérants les plus renommés, les sages les plus célèbres ; les meilleures lois, les peuples les plus libres, les esclaves les plus soumis ; des vertus éclatantes, des vices déifiés ; des modèles dans tous les genres de talents et d’arts, de luxe et d’austérité ; toutes les formes de gouvernements et d’anarchie.

La Sicile nous a donné d’autres leçons. Le sort s’est plu à nous y présenter lé contraste des rois les plus éclairés et des tyrans les plus farouches, pour nous apprendre à quel degré de bonheur un peuple peut être conduit par des monarques sages, tels que les Gélon et les Hiéron, ou par des chefs semblables à Timoléon, et tous les maux qui peuvent affliger une nation, lorsqu’elle laisse un pouvoir absolu à des monstres semblables aux Denys et aux Agathocle.

Carthage, pendant plusieurs siècles, nous a montré les effets d’une sage liberté et d’un heureux balancement de pouvoirs : mais l’excès de son opulence, la corruption qui en fut la suite, sa décadence et sa ruine, nous ont prouvé que le ciment des états est la vertu, et qu’ils tombent dès qu’elle cesse d’être leur soutien.

Nous entrons enfin dans Rome : là nous trouverons encore quelques fables grossières près de son berceau ; mais le peuple romain, dès ses premiers pas, nous frappe par un caractère de force de gravité, de grandeur, que nulle part ailleurs nous n’avons rencontré ; son enfance ressemble à celle d’Hercule, dont les jeunes mains étouffaient des serpents.

Son premier roi, qu’elle adore comme le fils de Mars, change des bergers en héros, assujettit des brigands à des lois sages, les soumet à une discipline savante ; il rend redoutables à ses voisins les murs dont il vient de poser les fondements ; il étend son territoire par des conquêtes, augmente sa population par des traités, annonce aux siècles et aux nations la domination de Rome, et disparaît aux yeux de ses sujets, dont la crédule admiration le place dans les cieux, auprès de Jupiter.

Ses successeurs, doués de grandes vertus et de rares talents, unissent par un intérêt commun, le trône, le peuple et les grands ; ils confient le dépôt de la liberté aux plébéiens ; le maintien des lois et des vertus aux sénateurs ; celui de la force publique aux rois. Ils attachent le riche au pauvre, et le pauvre au riche par une utilité réciproque, par les droits et par les devoirs du patronage. Ils lient tous les citoyens à l’état par une religion qui préside à leurs destinées, qui règle toutes leurs actions, et qui les force à tout sacrifier à l’amour de la gloire et de la patrie. Un tyran veut en vain détruire ce grand ouvrage ; la liberté, gravée dans toutes les âmes, lui résiste : son trône tombe ; la république s’élève et étonne l’univers par des prodiges d’héroïsme et de vertus, jusqu’au moment où l’excès de sa grandeur et de sa puissance corrompt ses mœurs, lui fait adopter les vices des peuples conquis, soumet les maîtres de la terre à des tyrans, et livre enfin aux barbares du Nord cette Rome si longtemps capitale du monde par ses armes, et réservée à l’être encore par la croix.

Ailleurs on peut rechercher la gloire des siècles passés dans les monuments échappés aux ravages du temps ; mais à Rome, c’est surtout les hommes qu’il faut étudier. Ces illustres Romains, dont nous allons écrire l’histoire, sont les plus beaux et les plus grands monuments de leur patrie.

L’histoire des temps qui ont précédé Romulus ne nous offre rien de certain sur les premiers peuples qui habitèrent l’Italie. Cette contrée est une presqu’île bornée au nord par les Alpes qui la lient au continent : Ces montagnes présentent trois passages principaux : l’un au nord, l’autre au midi, et le troisième à l’est. On peut présumer que la mémé cause qui attira, douze siècles après, tant de malheurs et tant de barbares en Italie, y conduisit d’abord les premiers hommes qui la peuplèrent, et que les nations du Nord, les Celtes, les Pélages, les Illyriens, cherchant de plus doux climats, ou chassés par d’autres hordes plus septentrionales, peuplèrent l’Italie par les mêmes motifs qui lés portèrent dans la suite à la ravager.

Cette population sauvage n’avait qu’un culte grossier et des habitudes nomades ; mais l’influence d’un beau ciel et d’un pays fécond adoucit ses mœurs, et commença la civilisation de ces barbares. Cessant d’être chasseurs, ils devinrent pâtres et agricoles. Plus tard, des colonies grecques et asiatiques y portèrent leurs lois, leurs arts et leurs sciences. L’Italie éprouva le même sort que la Grèce, peuplée aussi par des Pélages, quand les Égyptiens y arrivèrent ; et on dut y voir de même le combat de la civilisation contre la barbarie, de la lumière contre la nuit, des dieux contre les Titans.

De toutes parts en cultiva des champs, on bâtit des bourgs ; mais, comme cette civilisation naissante n’était l’ouvrage ni d’un seul homme ni d’un seul peuple, l’Italie se trouva divisée en un grand nombre de petits états qui adoptèrent la forme monarchique, parce que leurs guerres continuelles leur faisaient sentir la nécessité d’un chef. Cependant ils bornèrent toujours l’autorité de ce chef pour conserver une partie de leur antique indépendance.

Ces petits états, quoique séparés, se confédéraient souvent et formaient des nations, comme les Latins et les Étrusques, les plus fameux alors de tous les peuples de cette contrée. Ces confédérations avaient probablement pour causes la communauté d’origine et la conformité de langage.

Les Étrusques occupaient ce qu’on appelle à présent la Toscane et la côte de la Méditerranée jusqu’au détroit. Les Latins habitaient l’état romain actuel et le reste du midi de l’Italie. Toutes ces petites cités ou monarchies combattaient fréquemment pour se disputer un champion pour se venger d’une injure : mais elles n’avaient ni l’intention ni les moyens de faire des conquêtes. On quittait la charrue pour l’épée, et on revenait du camp à la charrue. On ne connaissait pas les machines de guerre ; un mur et un fossé arrêtaient une armée. Il n’existait, point de troupes soldées. Lorsqu’un peuple étranger faisait une invasion, on le chassait si on était le plus fort ; en cas de défaite, on cédait au vainqueur le terrain nécessaire pour fonder une nouvelle cité.

Si l’on en croit Denys d’Halicarnasse, ces peuples adoptèrent promptement la religion des Grecs, en la dégageant des fables qui avilissaient les dieux. Il paraît que les Étrusques firent d’assez grands progrès dans les lettres et dans les arts : les autres peuples d’Italie envoyaient leurs enfants étudier en Étrurie. On a trouvé d’anciens monuments, et on conserve des vases étrusques qui appuient cette opinion.

La faiblesse humaine aime à consulter les dieux pour lire dans l’avenir. Les Grecs croyaient que les dieux parlaient par la voix des oracles. En Italie, manquant de ce moyen, la superstition fit étudier les présages : la rencontre d’un animal destructeur était de mauvais augure ; la vue d’un essaim d’abeilles ou d’une colombe semblait favorable. On jugeait de la volonté des dieux par le nombre pair ou impair des cailloux qu’on ramassait au hasard, ou des animaux qu’on rencontrait, et des coups de tonnerre qu’on entendait. La direction des éclairs et celle du vol des oiseaux servaient aussi de présages.

Les mots d’augures et d’auspices vinrent, le premier du cri des oiseaux ; le second de leur vol, de leur marche et de leur figure. On nommait aruspices ceux qui se vantaient de savoir lire dans le sein des animaux égorgés. Les prêtres, pour augmenter leur autorité, prétendirent avoir le secret de changer les mauvais présages. Ils exigeaient des sacrifices, et ordonnaient des expiations pour apaiser les dieux irrités ; et ce fut cette superstition qui, après avoir fait immoler tant d’animaux porta presque partout les peuples à sacrifier an ciel des victimes humaines. De là vint aussi la magie, science fausse, par laquelle on se flattait, avec le secours des bons et des mauvais démons, non seulement de connaître l’avenir, mais de changer la marche de la nature.

Ces superstitions, gravées par la crainte dans le cœur des peuples d’Italie, formèrent une grande partie de leur culte et de leur législation ; ils ne faisaient aucun acte privé ou public, sans consulter les augures, sans offrir des sacrifices et sans apaiser les dieux par des expiations.

Il existait près de chaque cité des lieux qu’on regardait comme sacrés : la charrue en respectait le sol ; la hache n’osait approcher de leurs arbres ; les bannis et les criminels y trouvaient un asile inviolable. Chaque ville honorait particulièrement son démon ; son génie ou son dieu protecteur dont on cachait soigneusement le nom, pour que l’ennemi ne pût se le rendre favorable en l’invoquant. Chaque maison renfermait ses dieux tutélaires qu’on appelait lares ou pénates.

Denys d’Halicarnasse dit que les premiers habitants du Latium s’appelaient Sicures, et que les Latins, qui les remplacèrent, tiraient leur origine des Grecs. D’autres auteurs soutiennent des opinions contraires. Le plus ancien historien de Rome, Fabius Pictor, vivait à l’époque de la seconde guerre punique ; avant lui on ne connaissait les premiers temps de Rome que par une tradition incertaine, puisque les Gaulois avaient brûlé les archives romaines. Les registres des prêtres ne nous ont fait parvenir que des faits mêlés d’erreurs qu’ils voulaient accréditer.

Tous les peuples anciens attribuaient leur origine à quelques dieux ; et Rome aimait à croire qu’elle devait sa naissance au fils de Mars. Le peuple romain, nommé depuis le peuple roi, se vit, comme tous les rois, entouré de flatteurs : les historiens, les peuples vaincus, les monarques mêmes adoptaient, répétaient toutes les fables qui flattaient l’orgueil de Rome. Au reste cette croyance religieuse fut une des principales causes de la grandeur et de la durée de la république romaine : tant il est vrai que la religion, même quand elle est mêlée d’erreurs, est une base nécessaire à la solidité des états. Toute religion, pour faire respecter ses dogmes, est obligée de les appuyer sur la morale ; et c’est elle qui conserve les nations.

Le peuple romain, plus grave et plus religieux qu’un autre, respecta plus longtemps qu’un autre aussi l’autorité paternelle, les lois, la justice et les mœurs. Il se fit plus admirer encore par ses vertus que craindre par ses armes.

Quoique nous n’ayons, comme on l’a vu, qu’une tradition obscure et contestée pour nous faire connaître les événements qui ont précédé la fondation de Rome, nous allons rapporter ce que Denys d’Halicarnasse, Tite-Live et Plutarque en ont dit.

Avant le siège de Troie, Œnotrus conduisit des Arcadiens en Italie ; il y forma une colonie qui porta son nom. Un de ses descendants, nommé Italus, lui donna celui d’Italie. Longtemps après, quelques Pélages, chassés de Thessalie, se réunirent en Italie aux Aborigènes, descendus des Arcadiens : ces deux peuples expulsèrent du territoire où Rome fut depuis bâtie les Sicules qui se sauvèrent dans une île voisine nommée Trinacrie ou Sicile.

Près d’un siècle avant la guerre de Troie Évandre, banni du Péloponnèse, amena encore des Arcadiens en Italie. Faunus, qui régnait alors sur les Aborigènes, donna à ces Arcadiens un terrain dans le Latium : ils y fondèrent une bourgade sur le mont Palatin, et la nommèrent Palentium.

Sous le règne d’Évandre qui succéda à Faunus, on prétend qu’Hercule arriva en Italie, qu’il y extermina le brigand Cacus, et que, par reconnaissance, on lui érigea des autels. Ce héros apprit eux Aborigènes les rites grecs, et confia le sacerdoce à deux familles, celle des Politiens et celle des Pinariens. Cinquante ans après le départ d’Hercule, Latinus, fils de ce demi-dieu, mais qui passait pour le fils de Faunus, régna sur les Aborigènes. Il donna à son peuple le nom de Latins, et à son pays celui de Latium.

D’autres croient que ce nom (qui vient de latere, cacher) fut donné à cette contrée parce que Saturne s’y réfugia pour s’y dérober aux poursuites de son fils Jupiter.

Denys d’Halicarnasse raconte que, sous le règne de Latinus, Énée, à la tête d’une troupe troyenne, aborda à Laurente, à l’embouchure du Tibre. Il apportait avec lui les dieux de Troie et le palladium, qu’on déposa depuis dans le temple de Vesta. Latinus conclut la paix, forma une alliance avec Énée, lui céda des terres, et lui donna en mariage sa fille Lavinie.

Turnus, roi des Rutules, peuples qui habitaient ce qu’on appelle aujourd’hui la campagne de Rome, devait épouser cette princesse ; irrité de l’affront qu’il avait reçu, il déclara la guerre à Latinus et à Énée. Ces deux rois le battirent ; mais Latinus périt dans le combat. Turnus, avec le secours de Mézence, roi d’Étrurie, continua la guerre. Énée remporta la victoire sur eux, et tua Turnus. Ce triomphe fut le terme de la vie du prince troyen, qu’on adora depuis sous le nom de Jupiter Indigète.

Énée avait bâti la ville de Lavinium. Pendant l’enfance d’Ascagne, son fils, Lavinie gouverna les Latins et les Troyens réunis, avec tant de sagesse que la population de ses états et leur prospérité firent des progrès rapides. Ce fut elle qui bâtit la ville d’Albe. Ce royaume dura quatre cent trente ans, jusqu’à la fondation de Rome. Le Tibre s’appelait alors Albula, et servait de limites entre le Latium et l’Étrurie.

Sylvius régna après son père Ascagne. Ses successeurs furent Énée-Sylvius, Sylvius-Latinus, Alba, Atis, Capis, Capetus, Tibérinus qui se noya dans l’Albula et lui laissa son nom. Agrippa, son fils, monta sur le trône, et devint père de Romulus-Sylvius, qui mourut, dit-on, d’un coup de tonnerre ; Aventinus lui succéda ; il fut enterré sur le mont nommé depuis Aventin. Proca, son fils, eut deux enfants, Numitor et Amulius.

Après sa mort, Numitor, étant l’aîné, devait régner ; mais Amulius usurpa le trône, tua son neveu Égestius, et mit au nombre des prêtresses de Vesta sa nièce Rhéa-Sylvia. Ce roi perfide ne se contenta pas, dit-on, de cette rigueur ; il usa de violence pour déshonorer cette vestale, dans l’intention de se donner le droit de la punir. Elle finit au monde deux jumeaux, Romulus et Rémus ; Rhéa, accusée d’impudicité, déclara que Mars était le père de ses enfants. Le roi la fit plonger dans un cachot, et ordonna qu’on précipitât les deux jumeaux dans le Tibre.

Ce fleuve était alors débordé ; l’onde porta le berceau sur le rivage, où il resta à sec. Lorsque le Tibre rentra dans son lit, une louve, attirée par le cri des enfants, vint les allaiter ; un pivert leur porta dans son bec la nourriture de ses petits. Faustule, inspecteur des troupeaux du roi, saisi d’admiration à la vue de ce prodige qui se passait, sous un figuier que Tacite assure avoir subsisté plus de huit cents ans, emporta ces enfants chez lui, et les confia aux soins de sa femme Laurencia. Cette femme était méprisée par les bergers que scandalisaient ses débauches ; ils lui donnaient le nom injurieux de louve, et c’est probablement ce qui fut l’origine de la fable qu’on vient de raconter.

Rémus et Romulus, devenus grands, se firent remarquer par leur beauté, par leur force et par leur courage. Plutarque prétend qu’ils firent leurs études à Gabies en Étrurie. Denys d’Halicarnasse dit qu’ils restèrent avec les bergers, et que de son temps on voyait encore leur cabane religieusement conservée.

Les deux jeunes princes, pour exercer leur vigueur et leur vaillance, attaquèrent les animaux dans les forêts, les brigands sur les routes, s’associèrent des compagnons braves et dévoués, formèrent une troupe assez nombreuse, tinrent des assemblées, et célébrèrent des jeux. Au milieu d’une de ces fêtes, une bande de brigands les attaqua, s’empara de Rémus, le conduisit au roi Amulius, et l’accusa d’avoir ravagé les domaines du prince Numitor. Amulius renvoya l’accusé à ce prince, et Faustus, avertit Romulus du danger de son frère.

Numitor, en interrogeant Rémus, découvre le secret de sa naissance, et apprend avec transport que Romulus et Rémus sont les enfants de Rhéa et ses petits-fils. Tous trois forment le projet de détrôner le tyran.

Rémus, suivi des serviteurs de Numitor, rejoint son frère, dont les compagnons armés s’étaient rendus au palais par différents chemins. Sans perdre de temps, ils enfoncent les portes, attaquent Amulius et le poignardent.

Pendant ce tumulte Numitor rassemblait tous les Albains, sous prétexte de les armer contre cette attaque imprévue ; mais, apprenant à l’instant le triomphe des princes, il raconte au peuple leur délivrance miraculeuse et la mort de l’usurpateur. Le peuple, débarrassé de ce roi cruel, rend avec joie le trône à Numitor ; et les deux jeunes princes, suivis d’un grand nombre de bergers albains et de guerriers latins, forment le projet de fonder une nouvelle ville.

Avant d’exécuter cette entreprise, ils consultèrent le vol des oiseaux pour savoir auquel des deux l’honneur de la fondation et le gouvernement de la ville appartiendraient. Rémus qui se tenait sur le mont Aventin, découvrit le premier six vautours Romulus, placé sur le mont Palatin, en vit ensuite douze. De ce double présage mît une vive altercation ; deux partis se forment, l’un pour Rémus qui avait aperçu le premier les vautours, l’autre pour Romulus qui en avait vu un plus grand nombre. Depuis quelque temps, Rémus irritait son frère par ses railleries ; il venait récemment de l’insulter en se moquant de ses travaux, et en franchissant un fossé qu’il avait creusé. Quelques historiens disent que Romulus, dans son courroux, tua son frère ; d’autres que la dispute, élevée au sujet du vol des oiseaux, se termina par un combat, et que Rémus périt dans la mêlée.

On a aussi rapporté que Rome existait avant Fondation Romulus, et qu’il ne fit que la restaurer ; mais l’opinion commune est qu’il la fonda sept cent cinquante-trois ans avant Jésus-Christ, au commencement de la quatrième année de la sixième olympiade, 120 ans après que Lycurgue eut donné ses lois à Sparte, 140 avant qu’Athènes eût reçu celles de Solon, et 14 ans avant l’ère de Nabonassar.