HISTOIRE DES JUIFS

 

CHAPITRE DOUZIÈME.

 

Achab, Ochozias, Joram, rois d’Israël. Josaphat, Joram, Ochozias, rois de Juda

ACHAB monté sur le trône d’Israël, épousa Jézabel, fille d’Éthbaal, roi des Sidoniens, qui l’entraîna dans toutes sortes de crimes. Il construisit dans Samarie un temple pour Baal, qu’il adora. Pendant son règne, Hiel, riche Israélite, voulut rebâtir Jéricho ; ses deux fils moururent en posant ses fondements, comme Josué l’avait prédit.

Le Seigneur, irrité de l’impiété d’Achab, lui envoya le prophète Élie pour lui annoncer une longue sécheresse qui ne cesserait qu’à la voix du prophète. Achab voulut le punir ; Élie, s’enfuit et se cacha près du torrent de Caritz. Des corbeaux lui apportaient la nourriture dont il avait besoin. Tout le pays d’Israël fut affligé par une grande sécheresse qui produisit la famine. Élie se retira chez une pauvre veuve à Sarepta. Elle ne possédait qu’un pot de farine et un vase d’huile ; mais, tant qu’Élie demeura chez elle, le pot se remplit toujours de farine, et le vase d’huile ne s’épuisa pas. Le fils de la pauvre veuve mourut ; Élie se coucha sur l’enfant, invoqua le Seigneur et le ressuscita.

Achab, vaincu par la plaie qui frappait son peuple, fit chercher partout le prophète Élie ; mais la reine Jézabel, plus irritée que repentante, ordonna de tuer tous les prophètes de Dieu. Élie, bravant sa colère, vint trouver le roi, lui dit d’assembler le peuple, et défia les prophètes de Jézabel de prouver la divinité de Baal. Ce défi fut accepté. On tua deux bœufs ; les quatre cent cinquante prophètes de Baal placèrent un de ces bœufs sur des morceaux de bois devant leur autel, mais sans mettre du feu dessous. Élie en fit de même pour l’autre bœuf, au pied d’un autel fait de douze pierres, qu’il avait élevé au Seigneur.

Les prêtres de Baal adressèrent en vain des prières à leur idole ; Baal resta sourd et muet. Élie invoqua le Seigneur ; le feu du ciel tomba sur l’holocauste et le consuma. Le peuple, convaincu par ce miracle, suivit les ordres d’Élie, et massacra tous les prophètes de Baal. Élie invoqua Dieu de nouveau ; la pluie tomba du ciel et la disette cessa.

Jézabel, furieuse de la mort de ses prophètes, voulut faire périr Élie qui se sauva dans le désert, et se cacha quarante jours au fond d’une caverne de la montagne d’Horeb[1].

Dieu lui ordonna d’en sortir pour aller à Damas, afin d’y sacrer Azaël comme roi de Syrie, Jéhu comme roi d’Israël, et le laboureur Élisée pour le remplacer lui-même comme prophète.

Élie exécuta ces commandements. Après avoir sacré les deux rois, il trouva Élisée qui labourait ses champs et le couvrit de son manteau. Élisée alors quitta sa famille, ses biens, ses troupeaux, et suivit Élie.

Benadad, roi de Syrie, vint avec une nombreuse armée, fondre sur Israël. Achab, n’ayant pu le fléchir par sa soumission, se mit sur la défensive, et, d’après l’avis d’un prophète du Seigneur, ne fit commencer l’attaque que par ses domestiques, et par ceux des princes d’Israël. La terreur s’empara des Syriens qui prirent la fuite. Achab les poursuivit, et il en périt un grand nombre.

Ils revinrent bientôt après avec des forces plus considérables, occupant toutes les plaines et évitant toutes les montagnes dont ils croyaient que le Seigneur était exclusivement le Dieu, mais le Très-Haut, pour prouver qu’il était aussi le Dieu des vallées, leur fit perdre une grande bataille où Achab leur tua cent mille hommes.

Après cette victoire,  le roi d’Israël s’allia avec le roi de Syrie au mépris des ordres de Dieu. Un dernier crime mit le comble à ses iniquités. Il voulait acheter une vigne qui se trouvait auprès de son palais. Naboth, qui en était le propriétaire, la lui avait refusée. Jézabel le railla de sa faiblesse, séduisit de faux témoins qui accusèrent Naboth de blasphèmes et de propos, séditieux. Naboth fut condamné et lapidé. Achab s’empara de sa vigne. Le prophète Élie vint le trouver, et lui annonça de la part du Seigneur, que toute sa famille serait exterminée[2], et que le corps de Jézabel serait mangé par les chiens comme celui de Naboth.

Quelque temps après, Achab voulant reprendre sur les Syriens la ville de Ramoth, s’allia avec Josaphat, roi de Juda. Les deux rois marchèrent contre Benadad. Avant de combattre, ils voulurent consulter le prophète Michée, qui leur dit que les Syriens seraient vaincus, mais que le roi Achab périrait dans le combat. Michée fût envoyé en prison, pour y attendre l’effet de sa prophétie. Bientôt la bataille se donna. Achab se déguisa ; Josaphat était couvert de ses armes et revêtu de entre ses ornements royaux : ce qui attira d’abord sur  celui-ci, tous les efforts des Syriens. Mais il arriva qu’un homme, ayant tendu son arc et, tiré une flèche au hasard, elle atteignit le roi d’Israël, et lui perça la poitrine. Josaphat poursuivit les ennemis. Achab mourut après vingt-deux ans de règne ; Ochozias, son fils, régna à sa place[3].

Le règne de Josaphat, roi de Juda, fut rempli de vertus, mais presque vide d’événements. Ce prince survit les lois de Dieu, fit fleurir la justice, protégea le commerce, conserva la paix avec ses voisins, et rendit son peuple heureux. On ne vit sa tranquillité troublée que par une invasion des Ammonites et des Moabites. Il tailla leurs troupes en pièces et entra en triomphe à Jérusalem avec un immense butin. La perte d’une flotte qu’il envoyât à Orphir fut le seul malheur qu’il éprouva. Après avoir régné vingt-six ans, il lassa le sceptre à son fils Joram.

Patine     Josaphat, en couronnant son fils aîné, laissait à ses autres fils des apanages et des pensions. Joram, loin de suivre ses intentions, attaqua ses frères, et les fit tous passer au fil de l’épée. Il avait épousé Athalie, fille d’Achab. Cette femme le pervertit, il devint idolâtre, comme elle, et la plus grande partie de son peuple partagea son égarement.

Les Iduméens révoltés furent d’abord battus, et finirent par secouer son joug. Le prophète Élie lui écrivit alors : Vous n’avez pas suivi les exemples l’Aza et de Josaphat. Vous avez imité les rois d’Israël. Vous avez rendu Juda idolâtre. Vous avez forniqué. Vous avez massacré vos frères. Dieu va frapper votre famille et vous-même, vous serrez attaqué d’une maladie incurable qui dévorera vos entrailles.

Bientôt la prédiction s’accomplit. Les Philistins et les Arabes pénétrèrent dans le royaume, pillèrent le palais du roi, emmenèrent ses enfants et ses femmes, et ne lui laissèrent que le plus jeune de ses fils. Une affreuse maladie le couvrit d’ulcères. Après huit ans de règne et deux ans de souffrances, il mourut. Le peuple ne rendit aucun honneur à sa mémoire ; on ne l’enferma point dans le sépulcre des rois. Ochozias, le dernier de ses fils, lui succéda.

Ochozias suivit les conseils de sa mère Athalie, et les funestes exemples de son père ; l’idolâtrie continua à régner dans Juda. S’étant allié avec le roi d’Israël, ils marchèrent contre les Syriens. Joram, roi des dix tribus, fut blessé dans une bataille ; Ochozias l’accompagna dans sa capitale pour le soigner pendant sa maladie. Sur ces entrefaites, Jéhu attaqua Israël, extermina la maison d’Achab[4]. Ochozias, ses fils, ses neveux, se virent enveloppés dans sa ruine.

Athalie, apprenant la mort de son fils Ochozias, et la destruction de la famille d’Achab, fit tuer tout ce qui restait de la maison royale de Joram, fils de Josaphat, et s’empara du trône.

Un enfant, Joas, fils d’Ochozias, échappa seul à ce massacre. Josabeth, femme du grand-prêtre Joïda, le déroba au poignard d’Athalie, et le porta dans le temple de Dieu, où les prêtres le cachèrent durant les six années du règne d’Athalie. Il est nécessaire actuellement de parler de ce qui s’était passé dans Israël depuis la mort d’Achab. Ochozias, son fils, étant tombé par une fenêtre de son palais à Samarie[5], consulta vainement Beelsébuth, dieu d’Accaron, pour connaître sa destinée. Élie, le prophète, lui adressa de vifs reproches, et lui prédit une mort prochaine. Le roi, furieux, envoya un capitaine et cinquante soldats pour le tuer ; mais, à la voix du prophète, le feu du ciel les consuma. Ochozias mourut ; et comme il n’avait pas d’enfants, il fut remplacé par son frère qui se nommait Joram, comme le fils de Josaphat de Juda.

Dans ce temps, Élie et Élisée venaient de Galgala. Elie frappa les eaux du Jourdain avec son manteau ; les eaux se divisèrent, et les deux prophètes passèrent le fleuve à pied sec. Élie dit ensuite à Élisée : Demandez-moi ce que vous voudrez afin que je l’obtienne pour vous avant que je vous quitte. Élisée le pria de l’animer de son double esprit. Ils continuèrent ensuite leur marche. Tout à coup un char et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre, et le prophète Élie monta au ciel au milieu d’un tourbillon. Élisée, ayant pris le manteau qu’Élie avait laissé tomber retourna sur ses pas, frappa avec le manteau les eaux du Jourdain qui se séparèrent encore, et lui laissèrent un libre passage. On reconnut alors que l’esprit d’Élie était en lui. Élisée fit ensuite plusieurs miracles ; il rendit douces et saines les eaux de Jéricho qui étaient très corrompues. Un foule d’enfants de Béthel l’insultèrent ; il les maudit, et deux ours aussitôt se jetèrent sur ces enfants et en tuèrent quarante deux.

Le roi d’Israël, Joram, joignit ses troupes à celles de Josaphat pour marcher contre les Moabites qui furent défaits, ainsi qu’Élisée l’avait annoncé aux deux rois. Élisée, aussi protégé de Dieu que le prophète Élie, ressuscita le fils d’une Sunamite qui l’avait logé, et guérit la lèpre d’un général syrien, nommé Naaman, en le faisant toucher par le roi d’Israël. Élisée fit revenir sur l’eau une cognée qu’un paysan avait laissé tomber dans un fleuve. Il découvrit ensuite au roi d’Israël tous les projets du roi de Syrie. Benadad irrité, envoya un assassin pour tuer le prophète, mais Élisée, à qui Dieu révéla ce secret, fit arrêter et périr cet assassin. Les Syriens furent ensuite vaincus par les Israélites. Le prophète prédit enfin la mort de Benadad et le règne dAzaël en Syrie.

Après la mort de Josaphat et de Joram, rois de Juda, nous avons vus qu’Ochozias était monté sur le trône de Jérusalem, et qu’il fut entraîné dans la ruine d’Israël : il faut dire maintenant avec plus de détails comment cet événement eut lieu. Le prophète Élisée, d’après les ordres du Seigneur, avait sacré Jéhu, et lui avait dit : Dieu vous donne le trône d’Israël ; vous exterminerez toute la maison d’Achab ; vous vengerez le nom du Seigneur et ses prophètes par la mort de Jézabel.

Jéhu ayant communiqué cet ordre du Seigneur aux officiers de l’armée, ils entrèrent avec lui dans une conjuration contre Joram. Ce prince, comme nous l’avons dit, ayant été blessé par les Syriens, s’était arrêté à Jezrahel pour se faire panser de ses blessures. Jéhu, avec sa troupe vint cerner la ville. Les rois d’Israël et de Juda, Joram et Ochozias, allèrent au devant de lui pour lui proposer la paix ; mais Jéhu banda son arc, et de sa flèche perça le cœur de Joram. Par son ordre, on jeta le corps de ce prince dans le champ de Naboth. Ochozias voulut fuir, mais il fut atteint et massacré. Jéhu entra dans la ville. Jézabel, vêtue superbement et fardée avec art, était à la fenêtre du palais ; elle adressa des paroles insultantes à Jéhu, qui la fit décapiter du balcon. La tête de cette reine idolâtre se brisa sur la pierre, et les chiens dévorèrent son corps[6]. Le cruel Jéhu fit ensuite couper la tête aux soixante-dix fils d’Achab, à ses prêtres, à ses partisans, et tua aussi les frères d’Ochozias.

Jéhu, s’étant emparé du trône, ordonna une fête solennelle en l’honneur de Baal. Tous les adorateurs de ce faux dieu y accoururent ; et, lorsqu’ils furent rassemblés dans le temple, il les fit massacrer au pied de leur idole qu’il brûla.

 

 

 



[1] An du monde 3097. — Avant Jésus-Christ 907.

[2] An du monde 3107. — Avant Jésus-Christ 897.

[3] An du monde 3108. — Avant Jésus-Christ 896.

[4] An du monde 3120. — Avant Jésus-Christ 884.

[5] An du monde 3108. — Avant Jésus-Christ 896.

[6] An du monde 3120. — Avant Jésus-Christ 884.