David APRÈS la mort de Saül, David, ayant consulté le Seigneur, se rendit à Hébron. Il y fut sacré de nouveau ; et reconnu pour roi par la tribu de Juda. Dans le même temps, Abner, général de Saül, prit avec lui Isboseth, fils de ce monarque, lui soumit les autres tribus, l’établit à Galaad, et le fit régner sur tout Israël. L’armée de David, commandée par Joab, et celle d’Isboseth, commandée par Abner, se trouvèrent bientôt en présence, et se livrèrent bataille. Abner fut battu. Poursuivi par Azaël, fils de Joab, il voulut vainement engager ce jeune homme à se retirer ; Azaël s’obstina à sa poursuite. Abner le tua. Ce combat, au reste, ne fut pas décisif : la guerre dura longtemps entre cette maison et celle de David. Isboseth eut l’imprudence de se brouiller avec Abner, et de vouloir lui enlever une concubine de Saül, nommée Respha, dont ce général était épris. Abner, irrité, abandonna son roi, passa dans le parti de David ; auquel il ramena sa femme Michol. Mais les traîtres sont toujours suspects au nouveau pouvoir qu’ils servent. Joab, qui désirait venger son fils Azaël, voulut inspirer des soupçons à David sur la sincérité d’Abner ; et, n’ayant pu y parvenir complètement, il l’attira dans une conférence et le poignarda. David désavoua et désapprouva hautement le meurtre d’un si grand homme ; il pleura la mort d’Abner, et lui fit faire des obsèques magnifiques. Isboseth privé d’Abner, perdit toute sa force, tout son courage et toute son espérance[1]. Il se confia imprudemment à deux scélérats, nommés Baana et Rechad, qui le surprirent pendant son sommeil, le tuèrent et portèrent sa tête à David : le roi les récompensa comme ils le méritaient ; il les fit pendre près de la piscine d’Hébron. Par cet acte de justice exercé contre un crime qui lui donnait un trône, il mérita l’estime et l’amour du peuple ; et toutes les tribus d’Israël se soumirent à sa domination. Il s’empara de Jérusalem, la fortifia, l’embellit et en fit la capitale du royaume ; Il battit deux fois complètement les Philistins ; et, dès que la paix lui en donna le loisir, il commanda d’amener de Gabaa à Jérusalem l’arche sainte. Cette installation eut lieu avec la plus grande solennité. Trente mille hommes accompagnaient l’arche ; des coeurs de musique la précédaient. Il arriva, pendant sa marche un évènement funeste. Un Israélite, nommé Oza, portant la main sur l’arche pour la soutenir, fut frappé de mort à l’instant. Lorsque les lévites entrèrent avec elle dans la ville, David se mit à la tête du cortège[2], dansant, et jouant de la harpe devant l’arche. Michol sa femme lui reprocha de s’être ainsi abaissé. David lui répondit que rien de ce que l’on faisait pour la gloire de Dieu ne pouvait humilier ; et l’Écriture rapporte que l’orgueil de Michol fut puni par une perpétuelle stérilité. David, honteux de loger dans un palais de cèdre, lorsque l’arche n’était encore que sous une tente, forma le projet de bâtir un temple. Mais le prophète Nathan vint au nom de Dieu, l’avertir que cette gloire serait réservée à son fils, Salomon. David combattit encore les Philistins, et affranchit
Israël des tributs qu’il leur payait. Il défit les Moabites et les rendit
tributaires. Vainqueur du roi de Saba, il lui prit dix-sept cents chevaux et
vingt mille hommes. Les Syriens attaquèrent David : ils perdirent
vingt-deux mille hommes dans une bataille. Le roi assujettit Au faîte de la gloire, il n’oublia pas l’amitié que Jonathas, fils de Saül, lui avait témoignée. Ayant appris qu’il existait encore un enfant de ce prince, nommé Miphisobeth, pauvre et infirme, il lui donnât des terres, le combla de biens, l’admit à sa table et le logea dans son palais. Le roi des Ammonites insulta les ambassadeurs que David lui avait envoyés[3]. Le roi résolut d’en tirer vengeance. Une ligue formidable se déclara contre lui : les Syriens se joignirent aux Ammonites. David leur livra bataille ; détruisit sept cents chariots, quarante mille chevaux et tua de sa main Sobach, général des ennemis. L’année suivante, tandis que Joab, à la tête des troupes d’Israël, poursuivait les Ammonites et assiégeait Rabba, David, qui demeurait à Jérusalem, devint amoureux d’une femme nommée Bethsabée, épouse d’un officier appelé Urie, et la séduisit. Cette femme étant devenue enceinte pendant l’absence d’Urie, le roi le fit venir pour couvrir son crime. Mais celui-ci ayant fait vœu de ne point entrer dans sa maison tant qu’Israël serait sous la tente, après avoir pris les ordres du roi, repartit pour l’armée sans avoir vu sa femme. David écrivit à Joab de charger Urie d’une commission périlleuse et de l’abandonner sans secours pendant le combat. Cet ordre ne fut que trop bien exécuté ; Urie périt, et, après le temps du deuil, le roi épousa sa veuve, dont il eut un fils. Ce crime attira sur David la colère de Dieu, Le prophète Nathan enveloppa d’abord ses reproches sous la forme d’un apologue : il lui raconta qu’un homme riche avait dérobé la brebis d’un pauvre ; et le roi, qui ne s’y reconnut pas, jugea que cet homme méritait la mort. Nathan-lui dit alors : C’est vous-même qui êtes cet homme. Vous avez méconnu la parole du Dieu qui vous a sacré. Le Seigneur vous punira. Vous ne mourrez pas ; mais l’enfant de l’adultère périra, et les désordres de vos enfants vous puniront des vôtres. Le fils de Bethsabée mourut. Le roi expia ses fautes par sa résignation, par ses larmes et par son repentir[4]. Bethsabée redevint mère d’un fils ; qu’on nomma Salomon. David, honteux de sa faiblesse, et renonçant au repos et à la mollesse, reprit le commandement de son armée, et s’empara de Rabach. Les prédictions, de Nathan ne tardèrent pas à s’accomplir. Amnon, l’un des fils de David, conçut une passion criminelle pour sa sœur Thamar, et l’outragea. Absalon, leur frère, la vengea, fit assassiner Amnon dans un festin, et se retira ensuite auprès du roi de Gessur, afin d’éviter la colère de David[5]. Le malheureux père pleura longtemps son fils, et persista à vouloir punir le meurtrier. Mais enfin obsédé par les prières de Joad, il se réconcilia avec Absalon, qui, loin d’être touché par une clémence si peu méritée, se forma un parti dans le peuple, et leva l’étendard de la révolte contre son père : David se vit obligé de fuir de Jérusalem avec quelques troupes fidèles. Le grand-prêtre lui amena l’arche du Seigneur, mais il la renvoya. Il souffrit sans les punir les injures que l’inconstance du peuple prodigue au pouvoir déchu ; il ordonna même qu’on obéît à Absalon qui s’emparait de ses richesses et abusait de ses femmes. Les malheurs qu’il éprouvait étant un effet de la volonté de Dieu, il les regardait comme une punition de ses crimes, et s’y soumettait sans résistance. Un conseiller perfide, nommé Achitophel, avait persuadé à Absalon de surprendre, d’attaquer et de faire périr son père. Chuzaï, ministre plus fidèle, informa David de ce projet, et en fit suspendre l’exécution. David traversa le Jourdain, et prit une position où il courait moins de dangers. Absalon le poursuivit et l’attaqua, mais son armée fut taillée en pièces et mise en déroute par celle du roi. Absalon dans sa fuite passa sous un grand arbre fort touffu. Sa chevelure s’accrocha dans les branches, et il y demeura suspendu. Joab, qui le poursuivait, lui lança trois dards qui lui percèrent le cœur[6]. David, apprit cette nouvelle, et pleura sa victoire et son fils ; Joab parvint difficilement à apaiser sa douleur. La tribu de Juda continua à prouver son zèle pour David. Les autres tribus, jalouse de son séjour à Jérusalem, persistèrent dans leur révolte sous les ordres du rebelle Séba. Mais Joab l’ayant vaincu et tué, tout le peuple d’Israël se soumit au roi[7]. Pendant ces troubles, Méphiboseth, calomnié, était devenu suspect à David qui reconnut son innocence et lui rendit ses biens et son amitié. Plus cruel pour les autres enfants de Saül, il les abandonna à la fureur des Gaboanites qui les crucifièrent sur une montagne. Daviid eut quatre guerres à soutenir contre les Philistins, commandés par quatre géants. Ces géants furent tués et leurs armées détruites. Le roi rendit à Dieu de solennelles actions de grâces pour ses victoires, et composa un cantique pour les célébrer. Il ordonna à ses officiers de faire le dénombrement du peuple. Israël compta huit cents mille hommes propres à porter les armes, et Juda cinq cents mille. Ce dénombrement déplut au Seigneur, comme un acte d’orgueil. Gad, son prophète, vint dire au roi qu’il fuirait durant trois mois devant ses ennemis, que la famine désolerait le pays d’Israël pendant trois ans, ou que la peste exercerait ses ravages sur ses états pendant trois jours. Il ajouta que Dieu lui laissait la liberté de choisir l’un de ces trois fléaux. David se soumit au troisième qui pouvait l’atteindre comme le dernier de ses sujets ; et la contagion, dans l’espace de trois jours, enleva soixante-dix mille personnes. Le roi s’humilia devant le Seigneur, lui offrit des sacrifices et l’apaisa[8]. La vieillesse de David et le désir de lui succéder excitèrent d’ambition d’un de ses fils. Adonias flatta le peuple, donna un festin aux princes et aux grands, et, voulut se déclarer roi. Mais David informé de cette entreprise par Nathan et par Bethsabée, désigna Salomon son fils pour son successeur, et le fit sacrer par le grand-prêtre[9]. Il lui recommanda de suivre les commandements et les lois de Dieu, et lui conseilla de punir Joab qui avait tué Abner, Absalon et Amasa, et dont il avait jusque là, épargné la vie en faveur de ses anciens services. Il lui désigna enfin d’autres personnes dont la conduite méritait un châtiment, et plusieurs que leur fidélité rendait dignes de récompense. David s’endormit avec ses pères, et fut enterré à Jérusalem à l’âge de soixante-dix ans[10], après avoir régné sept années sur Juda seulement, et trente-trois sur tout Israël. Saül avait été le fondateur de la monarchie d’Israël ; mais David fut le plus grand des rois de ce pays. Soldat intrépide, habile général, sage administrateur, monarque imposant et magnifique, prophète respecté, poète éloquent, il se montra courageux dans le malheur, modeste dans la prospérité. Les étrangers redoutaient ses armes, ses sujets adoraient sa douceur, ses ennemis mêmes admiraient sa clémence. Une passion lui fit commettre des crimes qui furent expiés par un long repentir. Il avait subjugué tous les peuples ennemis du sien ; il devint tranquille possesseur de tout le pays qui s’étend du Liban jusqu’aux frontières d’Égypte, et de la mer jusqu’au désert de l’Arabie. Par quarante ans de victoires, il assura quarante années de paix à son fils. Les livres sacrés ont fait de son règne un règne miraculeux ; mais sans tous ces prodiges, sa vie serait encore une vie héroïque. |
[1] An du monde 2954. — Avant Jésus-Christ 1050.
[2] An du monde 2959. — Avant Jésus-Christ 1045.
[3] An du monde 2967. — Avant Jésus-Christ 1037.
[4] An du monde 2970. — Avant Jésus-Christ 1034.
[5] An du monde 2972. — Avant Jésus-Christ 1032.
[6] An du monde 2981. — Avant Jésus-Christ 1023.
[7] An du monde 2981. — Avant Jésus-Christ 1023.
[8] An du monde 2988. — Avant Jésus-Christ 1016.
[9] An du monde 2989. — Avant Jésus-Christ 1015.
[10] An du monde 2989. — Avant Jésus-Christ 1015.