HISTOIRE DE LA GRÈCE

 

DEUXIÈME ÂGE DE LA GRÈCE

 

 

PREMIÈRES GUERRES DE SPARTE

PEU de temps après la mort de Lycurgue les Lacédémoniens, sous le règne de Théopompe, firent la guerre aux Argiens qui leur disputaient la possession d’un petit pays nommé Thyréa. Les deux peuples, voulant épargner le sang de leurs concitoyens, nommèrent de chaque coté trois cents champions pour décider cette querelle : presque tous périrent dans le combat ; il ne resta que deux Argiens et un Lacédémonien, nommé Othriades. Chaque peuple s’attribua la victoire ; le combat continua les deux Argiens périrent. Mais Othriades, vainqueur, ne voulant pas survivre à ses compagnons d’armes, se tua lui-même sur le champ de bataille.

Ce fut après cette guerre que le roi Théopompe, jaloux du sénat et profitant des sujets de plaintes que ce corps avait donnés au peuple, créa cinq nouveaux magistrats, nommés Éphores, qui devaient surveiller la conduite des sénateurs et même celle des rois. On les élisait pour un an ; leur autorité, fort étendue tant que la guerre durait, était très bornée pendant la paix.

Le ravissement d’Hélène avait causé de Troie ; une injure faite à quelques femmes de Sparte fut l’origine d’une longue guerre qui, détruisit le royaume des Messéniens.

Suivant un antique usage les habitants de Sparte venaient offrir des sacrifices aux dieux dans un temple situé sur la frontière de la Laconie et de la Messénie. Les Messéniens, au milieu des fêtes qui suivirent ce sacrifice, enlevèrent quelques filles lacédémoniennes. Alcmène, roi de Sparte, pour se venger de cet outrage, entra en Messénie sans déclarer la guerre ; surprit de nuit la ville d’Amphée, et massacra tous ses habitants.

Quatre mois après les Messéniens pénétrèrent à leur tour en Laconie sous la conduite de Phaès, leur roi. Les deux armées se livrèrent bataille ; le combat dura toute une journée, et la victoire resta indécise.

L’année suivante l’armée lacédémonienne, en quittant Sparte, jura de n’y pas revenir avant d’avoir conquis la Messénie. Une nouvelle bataille eut lieu, sans qu’aucun parti pût s’attribuer la victoire. Mais une maladie contagieuse, s’étant répandue dans le camp des Messéniens, diminua à un tel point leurs forces, qu’ils se virent obligés de se retirer, et de s’enfermer dans la ville d’Ithome, située sur une haute montagne.

L’oracle de Delphes, consulté par eux, déclara qu’ils devaient, pour s’assurer la faveur des dieux, leur offrir en holocauste une de leurs princesses. Aristodème, prince du sang royal, sacrifia sa fille.

Bientôt après les Lacédémoniens s’approchèrent d’Ithome. Les Messéniens vinrent à leur rencontre le combat fut opiniâtre et sanglant. Euphraès, roi de Messène, tomba percé de coups ; la mêlée fut terrible autour de lui. Aristodème l’enleva des mains des Spartiates et le ramena dans Ithome, où il mourut de ses blessures.

La valeur brillante d’Aristodème lui mérita la couronne ; les suffrages unanimes de son peuple la lui donnèrent. Profitant habilement de leur confiance et de fleur ardeur, il marcha contre les ennemis, les battit, prit le roi Théopompe, et le fit mourir avec trois cents Spartiates.

Cette guerre se prolongeait toujours et semblait interminable. Les Lacédémoniens, qui avaient juré de ne pas revenir chez eux avant d’avoir subjugué leurs ennemis, commencèrent à craindre qu’une si longue absence ne causât l’extinction de leurs familles. Ils envoyèrent à Sparte les jeunes soldats nouvellement enrôlés et qui n’étaient pas liés comme eux par un serment : ils leur cédèrent tous leurs femmes ; et les enfants qui naquirent de ces mariages illicites s’appelèrent Parthéniens. Dans la suite, honteux de leur origine, ils se bannirent eux-mêmes, et allèrent s’établir à Tarente, en Italie où ils fondèrent une colonie.

La guerre dura encore quatre années. Enfin, après une longue vicissitude d’échecs et de succès, les Spartiates bloquèrent la ville d’Ithome. Les Messéniens résistèrent longtemps ; mais, leurs vivres étant épuisés, ils se rendirent. Aristodème se tua sur le tombeau de sa fille. Ithome fut rasée, et le peuple messénien se vit réduit en servitude. Cette première guerre avait duré vingt ans.

Trente ans après les Messéniens se révoltèrent sous la conduite d’un de leurs princes, nommé Aristomène, qui défit plusieurs fois complètement les Spartiates. Ceux-ci consultèrent l’oracle, qui leur ordonna de demander un général à la ville d’Athènes.

Les Athéniens, jaloux de Lacédémone, et désirant plutôt sa perte que ses succès, lui envoyèrent, avec une sorte de dérision, un poète, nommé Tyrtée, qui était petit et contrefait. Ce nouveau général n’avait jamais porté les armes ; son inexpérience lui attira des revers ; il fut vaincu trois fois. Les Spartiates découragés, voulaient abandonner le camp et retourner dans leurs foyers. Mais Tyrtée, plus habile en poésie qu’en tactique, composa des chants dont la verve et l’harmonie transportèrent les Lacédémoniens d’une telle ardeur, qu’ils lui demandèrent de les mener sur le champ à l’ennemi. Tyrtée, répondant à leurs vœux, défit complètement les Messéiniens qui se retirèrent sur le mont Ira. Après une défense opiniâtre Aristomène, périt, et les Messéniens cessèrent d’exister : les uns furent pris et réduits à la condition des Ilotes ; les autres, cherchant leur salut dans la fuite, renoncèrent à leur patrie, et s’établirent en Sicile, où ils bâtirent la ville de Messine.

Avant de parler d’une autre guerre que la république de Sparte soutint contre les Athéniens, nous allons faire connaître les, révolutions qui étaient survenues dans la ville d’Athènes depuis la mort du roi Codrus.

 

RÉVOLUTIONS D’ATHÈNES

APRÉS la mort de Codrus, les Athéniens pensèrent qu’aucun homme ne pouvait jamais être digne de remplacer un roi qui avait porté son dévouement au peuple jusqu’au point de se livrer à la mort pour lui ; ils adoptèrent le gouvernement républicain, et donnèrent la présidence des archontes qui les gouvernaient, à Médon, fils de Codrus.

Cette magistrature devait être d’abord perpétuelle ; dans la suite, après la mort d’Alcméon le peuple augmenta le nombre des archontes, et décida qu’ils ne resteraient, en place, que dix ans ; peu de temps après on réduisit cette durée à un an.

Le premier archonte s’appelait archonte éponyme ; on datait les actes de son nom. Le second se nommait archonte roi ; le troisième archonte polémarque, et les autres archontes thesmothètes.

Cette forme de gouvernement ne tarda pas à dégénérer en anarchie. L’état était déchiré par trois factions : les habitants des montagnes, pauvres et indépendants, voulaient la démocratie ; les riches, qui possédaient la plaine, tendaient à l’oligarchie ; tous ceux qui étaient distribués sur les côtes désiraient un gouvernement mixte qui garantît les propriétés, et qui pût maintenir l’ordre sans nuire à la liberté.

L’inégalité des fortunes s’était considérablement accrue. Les riches opprimaient les pauvres ; ceux-ci, accablés de dettes, se voyaient obligés pour les acquitter de vendre eux ou leurs enfants. La crainte d’une éternelle servitude les portait souvent à la révolte. La licence était impunie ou réprimée arbitrairement.

Les anciennes lois toutes incomplètes ne suffisaient plus à un pays qui, par les progrès de sa civilisation, avait acquis une nouvelle industrie, de nouveaux besoins et de nouveaux vices.

 

DRACON

LAS de cette anarchie, le peuple choisit pour législateur l’homme qu’il croyait le plus éclairé, le plus vertueux et le plus sévère ; il s’appelait Dracon et se trouvait alors au nombre des archontes. Ce magistrat fit un code de morale et de lois pénales.

Sans toucher à la forme du gouvernement, il prescrivit aux hommes leurs devoirs à toutes les époques de leur vie ; il régla leur nourriture, leur éducation ; il espérait faire de bons citoyens, et ne fit que des mécontents. La sévérité de ses principes révolta les passions, et il se crût obligé de s’exiler dans l’île d’Égine, où il mourut.

La dureté de son caractère était peinte dans ses lois. Ne connaissant point de nuances entre les fautes, toute déviation de la vertu lui semblait un crime ; il punissait de mort le moindre délit ; l’oisiveté même attirait cette peine.

Après son départ la confusion augmenta. Un des principaux citoyens, nommé, Cylon appuyé d’un grand nombre de partisans, voulut s’emparer de l’autorité. Le peuple l’assiégea dans la citadelle : Cylon, voyant que sa résistance était inutile, évita la mort par la fuite.

Ses amis se réfugièrent dans le, temple de Minerve : ils en furent arrachés, et on les massacra. Cette cruauté impie excita l’indignation générale, qui fut suivie d’une grande consternation, parce qu’on apprit en même temps que les Mégariens s’étaient emparés de la ville de Nisée et de Salamine.

Une maladie contagieuse se répandit dans Athènes. La superstition augmenta la crainte et troubla les esprits ; partout on crut voir des spectres : on disait que Minerve voulait venger la profanation de ses autels.

Les prêtres, les devins profitaient de ces désordres : l’ambiguïté des oracles répandait et augmentait la terreur ; tous les vœux se tournèrent alors vers Épiménide qui était en Crète ; et qu’on regardait généralement comme un homme favorise des dieux.

On vantait partout son habileté pour lire dans l’avenir et pour expliquer les songes, les pressentiments et les oracles. La sévérité de ses mœurs le faisait respecter ; son éloquence était persuasive. Les Crétois prétendaient qu’il avait dormi pendant quarante ans, dans une caverne, et qu’après son réveil, exilé comme un imposteur, il eut besoin d’accumuler les preuves les plus frappantes de la vérité de son récit pour parvenir à se faire reconnaître.

Ce qu’on doit croire de cette fable, c’est qu’Épiménide vécut longtemps solitaire, et que l’étude et la méditation, jointes à une imagination vive lui donnèrent les moyens de connaître et de dominer les hommes.

Ce qui est certain, c’est que sa sagesse, sa piété étaient si révérées, que les peuples imploraient son secours dans les calamités publiques, et s’adressaient à lui pour purifier leurs villes et pour expier leurs crimes.

Athènes l’appela et le reçut avec transport. Il purifia les temples, immola des victimes, dressa de nouveaux autels, composa des cantiques, régla les cérémonies religieuses, calma les imaginations troublées, et, par une piété douce, ramena pour quelque temps le peuple à des principes d’ordre et de vertu.

Le respect qu’il inspirait commanda l’obéissance ; tant qu’il resta dans la ville la paix y régna. Il partit, emportant l’amour du peuple qui voulut le combler de présents. Il les refusa, et ne demanda pour lui qu’une branche de l’olivier, consacré à Minerve, et pour Gnosse sa patrie, l’amitié des Athéniens.

Après son départ la fureur des factions se réveilla ; et, comme il arrive lorsque les désordres populaires sont au comble, on sentit qu’un pouvoir unique devenait le seul remède aux maux de l’état.

 

SOLON

SOLON de la race des rois, attira tous les regards ; on le choisit pour législateur et pour premier magistrat ; le peuple voulait même le faire roi : mais le précipice qui entourait le trône l’effraya ; il accepta le gouvernement de la république et refusa le sceptre.

Solon avait beaucoup voyagé. Dans ces temps on trouvait en Grèce, en Asie, en Afrique, plusieurs hommes éclairés et vertueux qui recueillaient les vérités reconnues en morale et en politique, et les réduisaient en maximes courtes et claires ; gui i frappaient les esprits et se gravaient dans la mémoire ils avaient mérité le beau titre de sages. On admirait la profondeur et la concision de leurs questions et de leurs réponses. Liés entre eux par une amitié que ne troublait point la jalousie, ils se réunissaient quelquefois pour s’éclairer réciproquement.

Les plus célèbres de ces sages étaient alors Thalès de Milet, Pittacus de Mytilène, Bias de Priène, Cléobule de Linde dans l’île de Rhodes, Myson et Chilon de Lacédémone, le Scythe Anacharsis, et Solon d’Athènes.

Solon joignait à ses connaissances en philosophie et en politique le talent de la poésie. Il avait fait des hymnes pour les dieux ; on admirait deux poèmes qu’il avait composés, l’un sur les révolutions du globe, l’autre sur une ancienne guerre des Grecs contre les habitants d’une île atlantique située au-delà des colonnes d’Hercule, et que les flots avaient engloutie.

Les lumières des sages, l’étude des lois d’Égypte avaient mûri son imagination ; et s’il n’avait pas cette austérité de mœurs qu’on attend d’un homme appelé pour réformer une nation, on trouvait en lui la justice qui inspire la confiance, le talent qui persuade, la science qui éclaire, et une douceur de caractère propre à concilier les intérêts et à calmer les passions.

Sa douceur n’était pas sans courage, et le commencement de son administration fut marqué par un acte de vigueur. Les Athéniens, craignant, dans l’état de confusion où ils se trouvaient, qu’une guerre entreprise imprudemment ne consommât leur ruine, avaient défendu sous des peines sévères à leurs orateurs de parler de la perte de Salamine. Solon brava la défense, proposa au peuple de réparer ce honteux échec, le détermina à reprendre cette île et en fit la conquête.

Plutarque dit que ce fut par rusé qu’il s’en empara. Apprenant que les Mégariens voulaient enlever les jeunes filles grecques qui dansaient sur le rivage de l’île, il fit prendre à de jeunes Athéniens des habits de femme. Ils cachèrent des armes sous leurs robes, attaquèrent les Mégariens, les tuèrent presque tous, et se rendirent maîtres de Salamine.

Le plus grand malheur de l’état était alors la guerre des pauvres contre les riches : les premiers demandaient hautement l’abolition des dettes et un nouveau partage des terres ; les seconds s’y opposaient avec opiniâtreté : Solon refusa le partage des propriétés ; mais il abolit les dettes, et rendit la liberté aux citoyens que leurs créanciers retenaient en prison.

Le mécontentement fut d’abord extrême dans les deux partis ; mais bientôt les propriétaires, se voyant à l’abri des tumultes qui troublaient leurs possessions, et les pauvres, se sentant affranchis de toute crainte de servitude, se livrèrent tranquillement à des travaux qui firent renaître l’industrie et le commerce ; la confiance se rétablit ; les éloges succédèrent aux plaintes, et le peuple revêtit Solon d’une autorité plus étendue.

Il corrigea les lois de Dracon, conserva celle qui punissait l’homicide, et adoucit les autres. Solon disait lui-même qu’il ne pouvait pas faire de lois parfaites, mais qu’il devait seulement donner aux Athéniens la meilleure législation dont ce peuple fût susceptible.

La majorité des habitants d’Athènes voulait la démocratie ; le législateur conserva cette forme de gouvernement, et se contenta de remédier autant que possible à ses inconvénients.         

Il établit donc que la puissance souveraine existerait dans l’assemblée du peuple qui devait statuer sur la paix, sur la guerre, sur les lois et sur tous les grands intérêts du pays.

Tout citoyen avait le droit d’assister à cette assemblée ; mais, après avoir fait cette concession à l’esprit populaire, voulant prévenir les écarts d’une multitude ignorante, éclairer sa volonté et diriger ses décisions, il forma un sénat de quatre cents personnes qui devaient examiner et discuter toutes les propositions avant qu’elles fussent soumises au peuple. Il exigea de plus qu’aucun orateur ne pût se mêler des affaires publiques sans avoir subi un examen de sa conduite et de ses mœurs.

Il ordonna que les hommes âgés de cinquante ans opineraient toujours les premiers dans les assemblées du peuple.

Les riches seuls pouvaient être sénateurs et magistrats ; mais ils étaient élus par le peuple, et lui rendaient compte de leur administration.

Toutes les magistratures administratives étaient annuelles, les unes éligibles, les autres tirées au sort.

Les juges étaient pris indifféremment dans toutes les classes de citoyens ; le sort les nommait.

L’aréopage, composé des hommes les plus vénérés, fut chargé de veiller au maintien des lois et des mœurs. Cette charge était conférée pour la vie. L’aréopage avait le droit de censure, et l’exerçait sur les magistrats comme sur les particuliers. On appelait à l’aréopage de toutes les décisions des tribunaux. Cette puissance supérieure devait ramener constamment les autorités aux principes de la constitution, et les particuliers aux règles de la morale. Les archontes, en sortant de place, devaient, après un sévère examen, être inscrits au nombre des membres de l’aréopage.

Solon avait remarqué que, dans les troubles publics, un petit nombre de méchants et de factieux profitaient avec audace, pour dominer, de l’inaction des gens de bien, et de leur amour pour le repos : afin d’éviter cet inconvénient, il décréta des peines graves contre tout citoyen qui, dans un temps de trouble, ne se déclarerait pas ouvertement pour un des partis. Cette loi, longtemps admirée et rarement suivie, forçait la vertu au courage.

Une autre, loi condamnait à mort tout citoyen qui voudrait s’emparer de l’autorité souveraine : elle permettait à chacun de tuer un tyran et ses complices, et même tout magistrat qui mirait continué ses fonctions sous la tyrannie.

Tel était l’esprit de ses lois générales. Celles qui concernaient les particuliers regardaient le citoyen, dans sa personne, comme portion de l’état ; dans ses obligations, comme membre d’une famille qui appartient à l’état ; dans sa conduite, comme faisant partie d’une société dont les mœurs doivent constituer la force.

Une des maximes de Solon était qu’il n’y aurait point d’injustice dans une ville, si chaque citoyen regardait comme personnelle à lui toute injure faite à un autre citoyen. Aussi la loi, voulant protéger les faibles et les pauvres contre les puissants et les riches, permettait et prescrivait même à tout Athénien d’attaquer et de poursuivre en justice quiconque aurait insulté un enfant, une femme, un homme libre, ou même un esclave. Personne ne pouvait engager sa liberté pour dettes, ni disposer de celle de ses enfants ; le citoyen pouvait cependant vendre sa fille ou sa sœur dans le cas où elle se serait déshonorée.

Le suicide était mutilé et flétri. La loi gardait le silence sur le parricide ; Solon le supposait impossible.

La calomnie était soumise à des peines graves : chacun pouvait arrêter un homme en l’accusant de vol ; mais s’il ne pouvait pas prouver le crime il payait une forte amende. Si ce risque effrayait les pauvres, ils pouvaient dénoncer le vol à des arbitres : la cause devenait alors civile et n’entraînait pas d’amende. Les citoyens étaient partagés en quatre classes, réglées par la quotité de leur fortune. Les étrangers n’obtenaient la naturalisation que sous des conditions difficiles à remplir.

La patrie n’étant composée que de familles, la loi veillait à leur conservation. Un chef de maison devait toujours être représenté par un enfant légitime ou adoptif. Dans le cas de décès sans postérité on obligeait juridiquement un des héritiers à prendre le nom du mort, et à perpétuer sa famille.

Le plus proche parent d’une fille unique avait droit de l’épouser.

Solon, pour éviter la concentration des biens territoriaux avait limité les acquisitions permises aux particuliers ; nul ne pouvait vendre ses terres, hors le cas d’une extrême nécessité.

Le législateur, voulant que la jeunesse soignât la vieillesse, permit aux citoyens de disposer par testament d’une partie de leurs biens, pourvu que la force et la liberté de leur raison fussent prouvées. Cette institution, nouvelle alors, fut applaudie.

Conformément aux lois égyptiennes, tout particulier fut obligé de rendre compte à l’aréopage de sa fortune et de ses ressources. L’oisiveté était notée d’infamie. La loi réglait l’éducation des enfants, les études des écoles et les exercices du gymnase.

On élevait aux dépens du public les enfants des citoyens morts au champ d’honneur. Les grands services rendus à l’état étaient récompensés par des couronnes. Les lâches étaient punis par un jugement qui les déclarait infâmes.

Tout homme de mauvaises mœurs se voyait exclu des fonctions publiques et des assemblées du peuple.

Le fils devait nourrir son père dans sa vieillesse. L’enfant né d’une courtisane était dispensé de ce devoir.

On punissait de mort le magistrat qui paraissait ivre en public.

La législation politique de Solon ne prévint pas les révolutions les passions du peuple furent plus fortes que sa raison : mais ses lois civiles et criminelles, respectées constamment par les Athéniens comme des oracles furent prises pour modèle par les autres peuples : la plupart des villes grecques les adoptèrent ; et Rome tourmentée par l’anarchie, les invoqua comme un remède salutaire contre les maux qui la déchiraient.

Les magistrats et le peuple athénien jurèrent d’observer ces lois pendant un siècle, on les inscrivit sur des rouleaux qu’on attachait aux bâtiments publics. Solon, importuné par la foule des gens qui s’adressaient à lui pour demander des interprétations ou des modifications de son code, laissa au temps le soin de consolider son ouvrage, et s’absenta pour dix ans, après avoir fait promettre aux Athéniens de ne rien changer à ses lois jusqu’à son retour.

Il parcourut encore l’Égypte, et voyagea en Crète. Il donna sa législation à un canton de cette île, et son nom à une ville dont ses règlements assurèrent le bonheur.

A son retour dans Athènes il trouva la république déchiré de nouveaux par les factions : elles voulaient toutes changer la constitution, et ne pouvaient s’accorder sur ce qu’on devait lui substituer.

Solon, voulant apaiser ces troubles, se crut d’abord secondé par Pisistrate qui était à la tête de la faction la plus populaire ; mais il dut bientôt s’apercevoir que cet homme ambitieux, ne s’était fait démagogue que pour devenir tyran.

 

PISISTRATE

LA multitude est toujours facilement trompée par celui qui la flatte : aucun ambitieux ne fut jamais plus propre à la dominer que Pisistrate ; secourable pour les pauvres, affectant un grand amour pour la démocratie, prodigue  de ses richesses, nul ne parla plus éloquemment de la liberté en marchant à la tyrannie. Ses amis comptaient sur son zèle ; ses ennemis se reposaient sur sa douceur ; et son ambition avait si bien pris les dehors de la vertu, qu’adoré par son parti il se faisait respecter par les autres.

Lycurgue, à la tête des habitants de la plaine : et Mégaclès, fils d’Alcméon, que les riches regardaient comme leur chef, augmentaient l’autorité de Pisistrate en la combattant.

Ne pénétrant point ses desseins secrets, ils lui reprochaient son zèle pour l’égalité et pour la liberté, et renforçaient ainsi l’amour que le peuple lui portait.

Cependant Mégaclès avait un parti considérable. Son père, ayant rendu d’importants services à Crésus, roi de Lydie, et comblé de biens par ce monarque, était devenu lui-même possesseur d’une fortune immense en épousant Agariste, fille de Clysthène, prince de Sicyone.

Cette opulence le mettait à portée de s’attacher les principaux citoyens, et de solder les plus corrompus.

Lorsque Pisistrate se fut bien assuré de l’affection du peuple en défendant ses droits contre les partisans de l’oligarchie, il se blessa lui-même, et parut sur la place publique en faisant entendre que à la multitude que les riches et les grands l’avaient ainsi maltraité, et qu’il était victime de son zèle pour la liberté.

Le peuple, indigné, se rassembla ; et, sans avoir égard aux déclamations de Lycurgue, aux menaces de Mégaclès, et aux sages remontrances de Solon, on accorda à Pisistrate une garde de cinquante hommes pour la sûreté de sa personne. Il en accrut bientôt le nombre en y recevant tous ceux qui lui offraient leurs services ; et avec leur secours il se rendit maître de la citadelle.

Tous ses ennemis alors prirent la fuite. Les amis des lois étaient consternés ; chacun tremblait dans la ville, excepté Solon qui reprochait hautement aux Athéniens leur lâcheté, et au tyran sa perfidie.

Il osait rappeler au peuple sa propre loi qui ordonnait à tous les citoyens d’arracher la vie à celui qui voudrait usurper l’autorité ; et comme on lui demandait ce qui pouvait lui donner une telle audace, il répondit : Ma vieillesse.

Pisistrate était trop habile pour répandre le sang d’un homme aussi respecté que Solon ; il trouvait bien plus avantageux pour lui de le gagner que de le punir : unis tous deux par les liens du sang, ils l’avaient été davantage par une amitié longue et si vive que les détracteurs de Solon en avaient blâmé l’excès.

L’adroit tyran n’ignorait pas les moyens qui pouvaient séduire un vieillard ; il ne l’abordait qu’avec respect, témoignait pour lui la plus tendre amitié, vantait sans cesse ses lois, les faisait exécuter, et les observait toutes rigoureusement lui-même, hors celle qui lui refusait le rang suprême.

Solon, trompé par cette fausse déférence, et plus encore sans doute par son amour-propre, crut qu’il pourrait vaincre l’ambition par la sagesse ; il se rapprocha de Pisistrate, répondit à sa confiance, entra dans son conseil, et conçut l’espoir d’adoucir une domination qu’il n’avait pu renverser.

Le chagrin que lui donna l’inutilité de ses efforts termina ses jours ; il ne survécut pas deux ans à la liberté de sa patrie. Solon mourut âgé de quatre-vingts ans, sous l’archonte Hegestratus, la seconde année de la cinquante et unième olympiade.

Pisistrate ne jouit pas d’abord tranquillement de son autorité ; les regrets excités par la mort de Solon avaient réveillé l’amour de l’indépendance : les partis de Lycurgue et de Mégaclès, réunis, chassèrent le tyran d’Athènes. Mais les grands suivent plutôt leurs intérêts que leurs opinions : Mégaclès, jaloux de Lycurgue, dont le crédit faisait des progrès, promit à Pisistrate de le rétablir sur le trône s’il voulait épouser sa fille. Il y consentit, leurs partisans, ralliés, chassèrent Lycurgue ; et, pour gagner l’esprit du peuple, on aposta une femme d’une grande beauté, qui parut tout à coup, au milieu d’Athènes sur un char magnifique, et telle qu’on représente Minerve. Elle annonça hautement que les dieux ramenaient Pisistrate. Le peupler croyant obéir à la divinité, reçut avec transport le tyran.

Ses fils, Hipparque et Hippias, craignaient que des enfants d’un second lit ne leur enlevassent l’amitié et l’héritage de leur père ; ils parvinrent à lui inspirer une forte aversion pour sa nouvelle épouse. Mégaclès irrité prit le parti de sa fille : il prodigua ses richesses pour gagner les athéniens, et les excita à la révolte. Pisistrate fût obligé de se sauver une seconde fois d’Athènes, et de se retirer dans l’île d’Eubée.

Après onze ans d’exil, plusieurs villes maritimes s’étant déclarées pour lui, il rassembla quelques troupes, surprit la ville d’Athènes, et y rentra en vainqueur.

Dans les premiers moments de son triomphe il fit périr Mégaclès, Lycurgue et leurs principaux partisans. Depuis sa justice fit oublier sa cruauté.

L’adresse, l’audace et l’artifice lui avaient donné le trône ; la modération le lui conserva. Tout le peuple obéit aux lois, parce qu’il s’y soumettait lui-même le premier : il n’abusa jamais de son pouvoir et, comme le dit Rollin, la douceur de sa domination fit honte à plus d’un souverain légitime.

Actif et populaire, en protégeant l’industrie et l’agriculture il attira dans les campagnes une foule de pauvres citoyens qui ne servaient dans la ville qu’à entretenir les factions.

Les temples, les bâtiments publics et les fontaines dont il enrichit Athènes occupèrent l’oisiveté d’un peuple indocile.

Il publia une nouvelle édition d’Homère, et fit présent aux Athéniens d’une bibliothèque.

Abordable pour tous les citoyens, il donnait aux uns, prêtait aux autres, et offrait l’espérance à tous ; ses jardins, son palais, étaient ouverts au public : il souffrait les reproches, et ne se vengeait pas des injures.

Un jour quelques jeunes gens ivres avaient insulté sa femme : ils vinrent en larmes demander un pardon aussi difficile à espérer qu’à accorder : Vous vous trompez, leur dit Pisistrate, ma  femme ne sortit point hier de toute la journée.

Un jeune homme avait voulu enlever sa fille : sa famille l’excitait à la vengeance : Si nous haïssons, dit-il, ceux qui nous aiment trop, que ferons-nous à ceux qui nous haïssent ? Et ce jeune homme devint son gendre.

Quelques-uns de ses anciens amis, voulant secouer son joug, s’étaient révoltés et retirés dans un fort. Il alla les trouver seul, sans garde et avec son bagage : Je viens, leur dit-il, pour que vous me persuadiez de rester avec vous, si je  ne puis pas vous déterminer à revenir avec moi.

Il fallait que l’esprit de la liberté fût bien fortement imprimé dans lame des Athéniens pour qu’une si douce servitude ne les fit pas revenir à l’amour de la monarchie.

Son règne fut long et tranquille ; il mourut trente-trois ans après son usurpation, dont dix-sept années s’étaient écoulées dans la plus profonde paix. Il transmit son pouvoir à ses enfants Hipparque et Hippias.

 

HIPPARQUE ET HIPPIAS

LES fils de Pisistrate, moins habiles que leur père, gouvernèrent cependant, avec la même sagesse. Ils aimaient tous deux  les lettres : deux poètes fameux, Anacréon et Simonide, furent attirés par eux dans Athènes, et en reçurent beaucoup d’honneurs et de présents. Comme ils croyaient avec raison qu’on ne peut adoucir les mœurs des peuples qu’en les éclairant, ils s’occupèrent beaucoup de l’instruction publique, répandirent partout les œuvres d’Homère, et firent inscrire sur le piédestal des statues de Mercure, placées dans les lieux publics, des maximes qui faisaient connaître à la multitude les pensées des sages et les éléments de la morale.

Leur tyrannie ne ressemblait point à celle des autres usurpateurs du pouvoir suprême : imitant la modestie de Pisistrate, ils ne prirent point le titre de roi, se contentèrent d’être les premiers citoyens de la république, et ne portèrent aucune atteinte aux lois de Solon. Pisistrate même, étant accusé d’un meurtre, s’était soumis au jugement de l’aréopage.

Quoiqu’ils se crussent descendus des anciens rois d’Athènes, ils laissèrent aux magistrats leurs prérogatives. Ils levèrent un impôt d’un vingtième sur les terres ; mais le produit en fut consacré aux besoins publics plus qu’à leurs dépenses personnelles. Leur pouvoir était absolu, mais ils le cachaient sous des formes légales.

On accusait Hipparque d’être trop adonné aux voluptés ; ce penchant aurait plutôt corrompu que révolté le peuple ; mais il commit une injustice ; elle excita la haine contre lui, et causa sa perte ;

Deux jeunes citoyens d’Athènes, Harmodius et Aristogiton, unis tous deux par une tendre amitié et plus encore par une ardente passion pour la liberté, projetèrent la mort des deux tyrans. Leur objet était de rétablir la liberté publique, et de venger la sœur d’Harmodius d’un affront qu’Hipparque lui avait fait en la chassant d’une cérémonie publique : pour exécuter cette entreprise ils cachent leurs poignards sous des branches de myrte, et entrent dans le temple de Minerve, où les princes offraient un sacrifice. Ils devaient y attendre la réunion de leurs amis ; mais voyant Hippias qui parlait, tout bas à l’un des conjurés, ils se croient trahis, n’écoutent que leur fureur, se jettent sur Hipparque qui se trouvait près d’eux et lui plongent leur poignard dans le sein. La garde massacra dans l’instant même Harmodius ; Aristogiton fut arrêté. On le mit à la torture ; mais au lieu de nommer ses complices il accusa les propres amis d’Hippias qui, sans examen les fit mourir.  As-tu encore d’autres scélérats à me  faire connaître ? dit le tyran. — Non, répondit le jeune homme expirant ; il ne reste plus  que toi. J’emporte au tombeau le plaisir de  t’avoir trompé et de t’avoir fait égorger tes  meilleurs amis.

Depuis ce temps Hippias, n’écoutant que la peur, le plus funeste des conseillers se fit détester par ses injustices et par ses cruautés. Tout ce qui est violent ne peut durer ; au bout de trois ans il fut renversé, malgré l’appui qu’il avait cru se donner en mariant sa fille au fils du tyran de Lampsaque.

Les Alcméonides, famille puissante dans Athènes, en avaient été exilés par les Pisistratides. Pendant leur exil Clysthène, leur chef, obtint des Amphictyons la direction des travaux entrepris pour construire un nouveau temple à Delphes. Les Alcméonides employèrent leurs richesses à embellir cet édifice : par cette magnificence ils gagnèrent la prêtresse d’Apollon, qui faisait parler ce dieu comme ils le voulaient. Aussi toutes les fois que Sparte l’envoyait consulter, l’oracle ne promettait aux Lacédémoniens l’assistance divine que lorsqu’ils auraient délié à Athènes du joug de la tyrannie.

Cette ruse eût un plein succès ; Lacédémone donna des troupes aux Alcméonides pour rentrer dans leur patrie. Leur première tentative n’eut pas de succès ; Hippias les battit : mais dans une seconde invasion, ses enfants ayant été pris, il fut obligé, pour racheter leur liberté, d’abdiquer et de sortir de l’Attique.

Son règne avait duré dix-huit ans. Il s’exila en Asie et s’établit à Sigée, ville phrygienne sur les bords du Scamandre.

Athènes chassa ainsi ses tyrans à la même époque que où les rois furent bannis de Rome[1]. Les Athéniens, délivrés de leur prince, rendirent les plus grands honneurs à la mémoire d’Harmodius et d’Aristogiton qu’on révérait longtemps après comme des dieux. Leurs statues, érigées dans la place publique, entretenaient dans l’esprit des citoyens la haine de la tyrannie et l’amour de la liberté, dont ils avaient été les martyrs. Dans les fêtes publiques on chantait en leur honneur un hymne qu’Athénée nous a transmis. Nous le rapportons comme un monument de l’esprit et des mœurs de ce siècle :

Je porterai mon épée couverte de feuilles de  myrte ; comme firent Harmodius et Aristogiton  quand ils tuèrent le tyran et qu’ils établirent dans Athènes l’égalité des lois.

Cher Harmodius, vous n’êtes point encore mort ; on dit que vous êtes dans les îles des  bienheureux, où sont Achille aux pieds légers, et Diomède, ce vaillant fils de Tydée.

Je porterai mon épée couverte de feuilles de myrte, comme firent Harmodius et Aristogiton lorsqu’ils tuèrent le tyran Hipparque dans  le temps des Panathénées.

Que votre gloire soit éternelle, cher Harmodius, cher Aristogiton, parce que vous avez  tué le tyran et établi dans Athènes, l’égalité  des lois !

Athènes immortalisa aussi l’action d’une femme qui avait signalé son courage dans le temps de la conjuration ; c’était une courtisane nommée Lionne. Elle avait gagné le cœur d’Harmodius et d’Aristogiton par ses charmes et par ses talents. Le tyran, connaissant leur intimité, fit mettre cette femme à la torture pour apprendre les noms des conjurés. Elle opposa une constance invincible aux plus affreux tourments, et se coupa la langue, afin que la violence de la douleur ne lui arrachât aucune parole indiscrète. Pour conserver le souvenir de cette mort glorieuse les Athéniens, n’osant décerner une statue à une courtisane, firent sculpter une lionne sans langue.

Enfin longtemps après, ayant su qu’une petite-fille d’Aristogiton vivait à Lemnos dans la misère, le peuple la fit venir à Athènes, la dota et la maria à un des hommes les plus riches de la ville.

On ne peut trop condamner toute usurpation, et trop loués l’amour des lois, de la patrie et de la liberté. Cependant l’histoire, attentive à ne jamais séparer la gloire de la morale, commet, je crois, une faute dangereuse lorsqu’elle ne fait pas sentir à la jeunesse que l’excès des éloges donnés par l’enthousiasme à des actions que la vertu réprouve, est également contraire à la raison et à l’humanité.

Celui qui combat un tyran peut acquérir une gloire pure ; mais cacher ses poignards sous des myrtes, assassiner au lieu de vaincre, dénoncer des innocents, ce sont des actes auxquels nous donnerons justement le nom de crimes malgré les louanges éloquentes de tous les auteurs anciens et modernes, jamais un noble but ne put justifier des moyens coupables.

Athènes avait recouvré sa liberté, mais non sa tranquillité : Clysthène et Isagoras, à la tête de deux factions, se disputaient l’autorité : le premier l’emporta et fit quelques changements à la constitution. Il établit la loi de l’ostracisme. Elle donnait le droit au peuple de bannir pour dix ans les citoyens qui lui faisaient ombrage par leurs richesses ou par leur mérite. On avait donné ce nom à cette sorte de jugement, parce que les citoyens écrivaient sur une coquille le nom de l’accusé qu’ils voulaient bannir.

Isagoras implora l’appui des Lacédémoniens : Cléomène, roi de Sparte, vint à son secours, força Clysthène de sortir de la ville avec les Alcméonides et sept cents familles attachées à son parti.

Ces bannis furent vainqueurs à leur tour, rentrèrent dans la ville, et reprirent leurs rangs et leurs biens.

Sur ces entrefaites les Lacédémoniens découvrirent la fourberie de Clysthène pour faire parler l’oracle de Delphes. Irrités de cette supercherie et jaloux d’Athènes, dont la liberté pouvait augmenter la puissance, ils formèrent le projet de relever le trône des Pisistratides.

Hippias, appelé par eux, vint de Sigée à Sparte mais on ne pouvait exécuter un tel dessein sans l’aveu et le secours des peuples alliés. Leurs députés s’assemblèrent : l’éloquence de Cléomène ébranla les esprits ; mais un député, de Corinthe, nommé Sosicle, prenant la parole, reprocha hautement aux Lacédémoniens de vouloir établir dans Athènes la tyrannie qu’ils détestaient à Sparte. Il fit le tableau des malheurs due la domination d’un tyran avait récemment fait éprouver à sa patrie ; il conjura les peuples libres de renoncer à l’injuste projet d’asservir un autre peuple.

Tous les alliés se rangèrent à son avis ; et ce projet des Lacédémoniens n’eut d’autre résultat que de dévoiler leur jalousie et leur ambition.

Hippias retourna en Asie, chez Artapherne, satrape de Lydie. Cet ambitieux, rompant tous les liens qui l’attachaient à son pays, employa son adresse et sa coupable éloquence pour déterminer le roi de Perse à prendre son parti et à se rendre maître d’Athènes, dont la possession lui soumettrait toute la Grèce. L’orgueilleux satrape ordonna aux Athéniens de rappeler Hippias et de lui rendre son autorité. La république refusa avec mépris de se soumettre à une’ influencé étrangère : telle fut l’origine de la guerre qui ne tarda pas à éclater entré les Perses et les Grecs.

 

 

 

 


[1] An du monde 3496. — Avant Jésus-Christ 508.