HISTOIRE DE L’ÉGYPTE

 

TEMPS FABULEUX, TEMPS HÉROÏQUES, ROIS D’ÉGYPTE

 

 

Jupiter et Junon, enfants de Saturne et de Rhée, c’est-à-dire, du temps et de la terre, engendrèrent Osiris, Isis, Typhon, Apollon et Vénus. Rhée, ayant commis une infidélité avec Mercure, fut condamnée par Saturne, son mari, à ne pouvoir accoucher dans aucun mois de l’année ; mais Mercure déroba, à plusieurs mois, des heures dont il forma cinq jours qui n’appartenaient à aucun de ces mois, et, pendant ces jours, Rhée accoucha d’une multitude de dieux et de déesses. L’un de ces dieux fut un nouvel Osiris, qu’une vierge éleva avec beaucoup de soin et de tendresse.

Chargé de gouverner l’Égypte, il adoucit les mœurs sauvages de ses habitants ; il bâtit la première ville, fonda les premiers temples et conçut le projet de civiliser toute la terre. En parcourant le monde dans ce dessein, il n’employa d’autres forces que celle de l’éloquence, de la musique et de la poésie ; neuf vierges, habiles musiciennes, l’accompagnaient dans ce voyage, sous la conduite d’Apollon, son frère.

Maron, qui le premier apprit à cultiver la vigne, et Triptolème, auquel on doit l’art du labourage, de la semence et des moissons, marchaient à sa suite. Enfin, il grossit son cortège de quelques satyres, dont les danses et la gaieté lui parurent propres à gagner l’esprit des peuples qu’il voulait soumettre.

En quittant l’Égypte, Osiris y laissa Hercule pour la défendre, à la tête d’une armée. Antée, Busiris et Prométée furent chargés du gouvernement des provinces, sous l’administration générale d’Isis que dirigeait et conseillait Hermès. Hermès, le plus habile des hommes, dans l’opinion des Égyptiens puisqu’ils prétendent qu’on lui doit les sons articulés, les lettres, la religion, l’astronomie, l’arithmétique, la lutte, la musique, la lyre à trois cordes, et la culture de l’olivier. C’est cet Hermès qu’on nommait Trismégiste, trois fois grand, et qu’on assurait être le même que Mercure.

Osiris parcourut l’Arabie, l’Éthiopie, les Indes et toute l’Asie, bâtissant partout des villes sur son passage, érigeant des temples, et enrichissant tous les peuples de connaissances utiles.

Revenu dans ses états, le conquérant législateur fut bientôt trahi par Typhon, son frère, qui voulait s’emparer du trône. Ce frère perfide le reçut avec l’apparence de l’amitié, l’invita à un festin. Pendant le repas, on apporta un coffre magnifique ; chacun en admirait l’ouvrage et la richesse. Typhon dit qu’il le donnerait à celui dont le corps le remplirait exactement. Plusieurs convives ayant inutilement tenté de le remplir, Osiris y entra à son tour, le coffre se ferma ; Typhon fit verser dessus du plomb fondu, et l’envoya jeter dans la mer.

Isis désolée chercha, dans tous les pays, ce coffre funeste et précieux. Après beaucoup de voyages et de peines, elle le trouva chez un roi qui l’avait tiré des eaux. A sa vue elle jeta un cri si lamentable, que le fils du monarque en mourut de frayeur. D’un seul de ses regards, elle tua un autre prince qui la surprenait lorsqu’elle approchait son visage du corps de son époux.

Osiris ressuscita, et descendit souvent du ciel pour diriger, par ses conseils, Isis qui revint en Égypte, combattit et tua Typhon, et plaça les enfants d’Osiris sur différends trônes de la terre.

Après ces temps fabuleux commencent les temps héroïques, dont l’histoire est très obscure et très incertaine. Les Égyptiens prétendaient avoir été gouvernés vingt mille ans par les dieux, les demi-dieux et les héros.

Manéthon, grand prêtre d’Égypte, avait publié l’histoire de trente dynasties, qu’il prétendait avoir tirée des écrits d’Hermès ou Mercure, et des anciens mémoires conservés dans les archives des temples. Cet ouvrage parut sous le règne de Ptolémée Philadelphe. Les dynasties de Manéthon comprennent plus de cinq mille trois cents ans jusqu’au règne d’Alexandre. Les savants ont démontré la fausseté de ses calculs. Ératosthène, cyrénéen, appelé à Alexandrie par Ptolémée Évergète, donnait une liste de trente-huit rois thébains, toute différente de ceux de Manéthon. Ce qui est vraisemblable, c’est que l’Égypte ayant été longtemps partagée en quatre royaumes, dont les capitales étaient Thèbes, Thaïn, la Saïs des Grecs, Memphis et Tanis, on a donné la liste des rois qui ont gouverné ces différents états, et qu’on a souvent pris leurs règnes simultanés pour des règnes successifs. Sans vouloir éclaircir ces obscurités ni expliquer ces contradictions, nous ferons connaître simplement ce qu’Hérodote et Diodore ont dit des rois d’Égypte. Leur but a été, comme le nôtre, de parler seulement des monarques égyptiens, dont l’histoire paru la plus intéressante et la plus instructive. L’histoire ancienne d’Égypte contient deux mille cent cinquante-huit ans ; elle peut se diviser en trois parties.

Le première[1], depuis l’établissement de la monarchie, fondée par Ménès, l’an du monde 1816, jusqu’à sa destruction par Cambyse, roi de Perse, l’an 3479.

La seconde[2], depuis l’invasion des Perses jusqu’à la mort d’Alexandre le Grand, arrivée en 3681.

Enfin la troisième[3] contient l’histoire des monarques grecs appelés Lagides, et s’étend depuis Ptolémée Lagus jusqu’à la mort de Cléopâtre, dernière reine d’Égypte, en 3974.

MÉNÈS, ROI

(An du monde 1816.- Avant Jésus-Christ 2188.)

Tous les historiens s’accordent à reconnaître Ménès comme le premier roi d’Égypte ; il s’appelait aussi Mezraïm, et il était fils de Cham et petit fils de Noé.

Cham, après le mauvais succès de l’entreprise faite pour bâtir la tour de Babel, alla en Afrique : on croit même que ce fut lui qui, dans la suite, y fut honoré comme dieu, sons le nom de Jupiter Ammon. Il avait quatre enfants, Chus, Mezraïm, Phuth et Chanaan. Chus s’établit en Éthiopie ; Mezraïm, en Égypte ; Chanaan, dans le pays qui depuis a porté son nom, et que les Grecs appelaient Phénicie ; Phuth s’empara de la partie de l’Afrique qui est à l’occident de l’Égypte.

Ménès établit le culte des dieux, et régla les cérémonies des sacrifices. Assez longtemps après lui, Busiris bâtit la ville de Thèbes. Ce n’est pas ce même Busiris, dont l’histoire a consacré la cruauté.

OSYMANDIAS, ROI

Il fallait que le royaume fût déjà très peuplé et très puissant, puisque Osymandias porta la guerre en Asie, et combattit les Bactriens à la tête d’une armée de quatre cent mille hommes d’infanterie et de vingt mille chevaux. A son retour, il fit construire des édifices magnifiques, ornés de bas-reliefs et de peintures, qui représentaient les événements de cette expédition. On voyait dans un de ces tableaux une assemblée de juges, dont le président, entouré d’un grand nombre de livres, portait au cou une image de la Vérité qui avait les yeux fermés, pour apprendre aux juges qu’ils doivent savoir les lois et juger avec impartialité.

Osymandias forma une immense bibliothèque qui devint célèbre. Sur la porte, on lisait cette inscription : Trésor des remèdes de l’âme. Le tombeau de ce roi frappait les yeux par sa magnificence extraordinaire ; environné d’un cercle d’or, d’une coudée de largeur et de trois cent soixante-cinq coudées de circuit, on y avait marqué les heures du lever et du coucher du soleil et les différentes phases de la lune. On sait par ce monument, dont la matière et le travail étaient également admirables, que, dès ce temps-là, les Égyptiens divisaient l’année en douze mois, chacun de trente jours ; et qu’après le douzième mois ils ajoutaient cinq jours et six heures.

Près de la bibliothèque, le roi avait placé les statues de tous les dieux, auxquels il offrait de magnifiques présents. Il s’attira une grande vénération par sa justice pour les hommes et sa piété envers les dieux.

EUCHORÉUS

Euchoréus, l’un des successeurs d’Osymandias, bâtit la ville de Memphis, à la pointe du Delta, à l’endroit où le Nil se partage en plusieurs branches. Il lui donna cent cinquante stades de circuit, c’est-à-dire, plus de sept lieues. Entourée de fossés et de chaussées qui la mettaient à couvert des inondations du fleuve et des attaques des ennemis, cette ville, qu’on regardait comme la clef du Nil, dominait le pays, et devint la résidence des rois, jusqu’au moment où Alexandre fit bâtir Alexandrie.

MŒRIS

(An du monde 1920. — Avant Jésus-Christ 2084.)

Mœris n’est fameux que par le lac qui porte son nom, et dont nous avons parlé. Cet immortel ouvrage prouvait à la fois la population du pays, la puissance du prince, et la sagesse qui lui faisait diriger ses grands travaux vers un but utile. Heureux le prince dont le règne, peu fécond en grands événements, ne vit dans l’histoire que par des monuments et des bienfaits !

ROIS PASTEURS

Il paraît que ce fut après la mort de Mœris que des étrangers, arabes ou phéniciens ; s’emparèrent de la Basse Égypte et de Memphis. Leur domination y dura deux cent soixante ans ; mais le trône de Thèbes fut toujours occupé par la dynastie des anciens rois, jusqu’au temps de Sésostris.

Ce fut sous le règne d’un de ces rois pasteurs, appelé, comme les autres, Pharaon, qu’Abraham vint en Égypte avec Sara, sa femme, dont la beauté enflamma le monarque égyptien.

AMOSIS ou THETHMOSIS, ROI

(An du monde 2179. — Avant Jésus-Christ 1825.)

Amosis vainquit les rois pasteurs, les chassa de Memphis, et régna, comme ses ancêtres, sur toute l’Égypte. La suite des rois jusqu’à Ramescès est inconnue. Pendant cette époque, en 2276, Joseph, vendu par des marchands ismaélites aux Égyptiens, fut conduit, par une suite d’événements merveilleux, à la place de gouverneur de l’Égypte. Il établit dans ce pays son père Jacob et toute sa famille, en 2298. Trogue Pompée, historien du temps d’Auguste, s’accorde, en racontant cette histoire, avec les livres sacrés, et donne de grands éloges à l’intelligence de Joseph et à sa rare prudence qui avaient sauvé l’Égypte de la famine.

RAMESCÈS MIAMU, ROI

(An du monde 2427. — Avant Jésus-Christ 1577.)

Ce prince régna soixante-six ans, et persécuta Israélites : il les força de bâtir les villes de cotions en Phétum et de Ramescès et les accabla de fardeaux et de travaux insupportables. Il eut deux fils nommés Aménophis et Busiris. Quelques auteurs pensent que ce fut Aménophis qui périt en poursuivant les Israélites au passage de la mer Rouge, l’an du monde 2513 et avant Jésus-Christ 1491. D’autres, et Diodore est de ce nombre, attribuent la persécution des Hébreux à Sésostris qui employait à ses ouvrages beaucoup d’étrangers. En suivant cette opinion, on placerait le grand événement du passage de la mer Rouge, sous le roi Phéron, fils de Sésostris : le caractère d’impiété que lui donne Hérodote, et la similitude de son nom avec celui de Pharaon, ont rendu cette conjecture vraisemblable aux yeux de plusieurs historiens.

Ussérius prétend qu’Aménophis eut deux fils nommés Sésostris et Armaïs. Les Grecs l’appellent Bélus, et ses deux enfants Egyptus et Danaüs.

SÉSOSTRIS, ROI

(An du monde 2523. — Avant Jésus-Christ 1491.)

Sésostris fut le plus grand des rois d’Égypte. L’éducation que son père lui avait donnée, annonçait au monde un conquérant. Tous les enfants, nés dans le royaume le même jour que lui, furent amenés à la cour par ordre du roi. Ils furent nourris près du jeune Sésostris et reçurent la même éducation. Ils partagèrent ses travaux, ses exercices ; on les accoutuma à une vie dure et laborieuse ; on les prépara par les fatigues de la chasse à celles de la guerre. Leurs repas étaient le prix de leurs courses et de leurs luttes. Toute cette jeunesse, liée par un attachement presque fraternel à celui qui devait la gouverner, devint l’ornement de sa cour et l’appui de son trône. Ils veillaient pour sa sûreté et combattaient pour sa gloire : jamais prince n’eut de plus fidèles ministres, d’officiers plus zélés, et de soldats plus ardents.

Ælien prétend que Sésostris fut instruit par Mercure Trismégiste, auquel on attribuait l’invention de tous les arts. Il paraît qu’Ælien se trompe, car Mercure ou Hermès existait du temps d’Osiris : au reste, Jamblique, prêtre égyptien assurait que l’usage de son pays était de mettre sous le nom de Mercure tous les ouvrages que les savants publiaient.

Dès que Sésostris fut sorti de l’enfance, son père le chargea de porter la guerre en Arabie, et le jeune prince soumit ce peuple qui jusque là passait pour indomptable. Il tourna ensuite ses armes du côté de la Libye, et en conquit la plus grande partie.

Aménophis, en mourant, laissa à son fils de grands trésors et une forte armée : mais ce qui assura principalement le succès de ses entreprises, c’est le soin qu’il prit de ne point sacrifier le bonheur de son peuple à sa gloire. Différent de tous les autres conquérants, il chercha et trouva sa force dans l’amour de ses sujets.

Son ambition ne lui fit jamais négliger les soins de l’administration. Libéral, juste et populaire, il protégea le commerce et l’agriculture. Il divisa le royaume en trente-six gouvernements, qu’il fit administrer par des hommes dont il avait éprouvé les vertus et la capacité. Il pourvut ainsi à la sûreté intérieure de ses États, en s’attachant les peuples par les liens de vénération, d’affection et d’intérêt.

Son armée, composée de six cent mille hommes de pied, de vingt-quatre mille chevaux et vingt-sept mille chars, était commandée par dix-sept cents officiers choisis parmi les plus braves et les plus estimés des compagnons de son enfance. Une si grande force, dirigée par tant de sagesse, devait éprouver peu de résistance ; aussi Sésostris fut un des plus heureux et des plus célèbres conquérants.

Il subjugua d’abord l’Éthiopie et l’obligea à lui payer tous les ans un tribut en ébène, en ivoire et en or. Pour cette expédition, il avait équipé une flotte de quatre cents voiles, qui parcourut la mer Rouge et s’empara de toutes les côtes.

Il soumit toute l’Asie avec une rapidité inconcevable, et pénétra dans les Indes plus loin qu’Hercule et que Bacchus. Il passa le Gange et s’avança jusqu’à la mer. La Scythie, l’Arménie et la Cappadoce reconnurent sa domination ; la Colchide reçut une colonie égyptienne, et en conserva longtemps les mœurs. Du temps d’Hérodote on voyait encore dans l’Asie-Mineure plusieurs monuments de ses victoires, et on lisait sur des colonnes cette inscription gravée : Sésostris, le roi des rois et le seigneur des seigneurs, a conquis ce pays par ses armes.

Son empire s’étendait depuis le Gange jusqu’au Danube. Les figures hiéroglyphiques tracées sur les monuments désignaient les peuples qui avaient défendu leur liberté et, ceux qui avaient cédé sans combattre. La Thrace fut le terme de ses conquêtes : l’Europe, inculte et sauvage, offrait alors peu d’appât à l’ambition, et n’aurait pu fournir de vivres à une armée si nombreuse.

Ce qui rendit la gloire de Sésostris aussi solide que brillante, et ce qui le préserva des désastres qui ne suivent que trop souvent les conquêtes, c’est qu’il ne songea pas à maintenir son autorité sur les nations conquises. Content de l’honneur de les avoir battues et d’y avoir levé des tributs il se renferma sagement dans ses anciennes limites et revint à Memphis chargé de la dépouille des peuples vaincus. Il versa ses trésors dans son pays, récompensa magnifiquement son armée, et fit jouir paisiblement ses compagnons d’armes, du fruit de leurs travaux.

Il employa son repos à construire des ouvrages utiles à la fécondité des terres et aux transports du commerce. Cent temples, érigés par lui, furent les monuments de sa reconnaissance envers les dieux. Des inscriptions gravées sur leurs portes annonçaient que ces grands travaux, faits par des captifs, n’avaient coûté ni fatigues ni sueurs à ses sujets.

À son retour, son frère ourdit une conspiration contre lui, et mit le feu à son palais. S’étant sauvé de ce péril, il enrichit le temple de Vulcain à Péluse, croyant qu’il devait son salut à la protection de ce dieu.

Les grandes chaussées qu’il avait construites, les canaux qu’il avait creusés, mettaient l’Égypte en sûreté contre les débordements du Nil, facilitaient les communications intérieures et rendaient le pays inaccessible aux coursés de la cavalerie arabe. Son règne glorieux fut toujours révéré en Égypte ; et il pourrait servir de modèle aux monarques, si Sésostris n’avait terni ses vertus par son orgueil. Il obligeait les chefs des nations vaincues à venir lui rendre hommage et à lui payer des tributs ; il faisait atteler à son char ces rois et ces princes ; fier d’être ainsi traîné par les maîtres des nations. Diodore vante cette vanité ; quand l’histoire commet cette bassesse, elle est complice de la tyrannie.

Sésostris devint aveugle dans sa vieillesse ; il ne put supporter ce malheur et se tua. Il avait régné trente-trois ans, et laissa l’Égypte puissante et riche, mais le sceptre sortit de sa dynastie à la quatrième génération : ainsi passe la gloire humaine ; il n’en reste que quelques monuments et un tombeau.

Les Égyptiens, à cette époque, établirent différentes colonies. Celle de Cécrops bâtit douze villes qui composèrent par la suite le royaume d’Athènes. Le frère de Sésostris, Armaïs ou Danaüs, n’ayant pu réussir dans sa conjuration, s’enfuit dans le Péloponnèse et s’empara du royaume d’Argos, fondé quatre cents ans auparavant par Inachus.

Ce fut dans ce temps que Cadmus porta de Syrie en Grèce les Lettres phéniciennes ou samaritaines.

Ce que l’histoire rapporte de la férocité de Busiris, frère d’Aménophis, qui égorgeait impitoyablement tous les étrangers descendus sur le Nil, est peu conciliable avec la fermeté de Sésostris et la tranquillité dont l’Égypte jouissait sous son règne. Il est probable que ce prince n’exerça ses cruautés qu’après la mort du roi.

PHÉRON

(An du monde 2547. — Avant Jésus-Christ 1457.)

Phéron succéda à Sésostris sans le remplacer, vécut sans vertu et mourut sans gloire. Il n’imita que l’orgueil de son père ; il le poussa même jusqu’au délire, puisqu’on prétend qu’indigné contre le Nil, dont le débordement causait un grand dégât, il lança un javelot dans le fleuve pour le châtier. Il perdit la vue peu de temps après ; cet accident fut regardé comme une punition de son impiété.

PROTÉE

(An du monde 2800. — Avant Jésus-Christ 1204.)

Ce fut sous le règne de ce prince qu’éclata la guerre de Troie. Hérodote prétend que Pâris, retournant en Phrygie avec Hélène, fut jeté par la tempête sur la côte d’Égypte. Protée, dit cet historien, reprocha au Troyen sa lâche perfidie et la passion criminelle qui l’avait porté à dépouiller son hôte de ses biens et à enlever sa femme.

Il ne le fit pas mourir par respect pour les lois qui défendaient aux Égyptiens de souiller leurs mains du sang des étrangers. Il le chassa de ses États, en gardant Hélène et ses richesses pour les rendre à leur légitime possesseur. A cette occasion, il fit bâtir un temple dans la ville de Memphis, dédié à Vénus l’Étrangère.

RHAMPSINIT

Son voyage aux enfers, rapporté par Hérodote, est trop fabuleux pour trouver place dans l’histoire. Ce monarque eut la gloire d’être le dernier qui fit régner la justice en Égypte.

CHÉOPS ET CHÉPHREN

La violence, l’injustice et l’impiété signalèrent le gouvernement de ces deux rois. Les prêtres et les sages ne furent point écoutés ; on ordonna de fermer les temples ; on défendit d’offrir des sacrifices aux dieux ; le caprice et l’arbitraire remplacèrent les lois ; les Égyptiens furent accablés d’impôts et de travaux. On attribue à ces deux rois la construction des deux plus grandes pyramides, monuments indestructibles d’un désir insensé d’immortalité, et qui fatiguent encore par leur poids la terre qu’opprimaient ces deux tyrans. L’Égypte gémit cinquante ans sous leurs règnes.

MYCÉRÉNUS

Mycérénus était fils de Chéops. II ne fut pas cruel comme son père : il rétablit le culte des dieux, et sa douceur le fit aimer. Les peuples respiraient, mais ce repos fut court. Un oracle avait annoncé au roi qu’il ne garderait le trône que sept ans ; cet oracle s’accomplit. Mycérénus se plaignait aux dieux de leur injustice, qui accordait si peu de jours à un roi vertueux, tandis que deux princes barbares avaient régné un demi-siècle. Les prêtres répondirent que la douceur de son règne était précisément la cause de sa brièveté, parce que les dieux avaient voulu rendre les Égyptiens malheureux pendant cent cinquante ans pour les punir de leurs vices.

Ce roi, aussi malheureux que bienfaisant, avait perdu sa fille unique, qui seule faisait sa consolation ; il rendit de grands honneurs à sa mémoire. Du temps d’Hérodote, on brûlait encore dans Saïs, jour et nuit, des parfums sur son tombeau. On attribue aussi à Mycérénus la construction d’une petite pyramide. La tradition fabuleuse de l’oracle prouve seulement la bonté de ce roi et le relâchement des mœurs en Égypte à cette époque.

ASYCHIS

On dit que ce prince fut l’auteur de la loi qui ordonnait aux débiteurs de donner le corps ou la momie de leur père aux créanciers pour gage de leur créance. Les événements de son règne ne nous sont pas connus. Il passait pour avoir fait construire en briques une pyramide plus grande que toutes les autres, et qui portait cette inscription : Gardez-vous de me mépriser en me comparant aux autres pyramides faites de pierres ; je leur suis autant supérieure que Jupiter l’est aux autres dieux.

En supposant que les six règnes précédents aient duré cent soixante-dix ans, il existe, dans l’histoire d’Égypte, une lacune de près de trois cents ans jusqu’à Sabacus l’Éthiopien. Rollin place dans cet intervalle deux ou trois faits qu’on trouve dans les livres saints.

PHARAON

(Au du monde 2991. — Avant Jésus-Christ 1013)

Pharaon donna, sa fille en mariage à Salomon, roi d’Israël.

SÉZAC

(An du monde 3026. — Avant Jésus-Christ 978.)

Ce fut chez ce prince que se réfugia Jéroboam, pour éviter la colère de Salomon.

Sézac marcha contre Jérusalem, la cinquième année du règne de Roboam, à la tête d’une grande armée de Libyens, de Troglodytes et d’Éthiopiens. Il battit les Israélites, enleva les trésors du temple et du roi, et rapporta en Égypte les trois cents boucliers d’or de Salomon.

ZARA

(An du monde 3063. — Avant Jésus-Christ 941.)

Ce prince, qui gouvernait l’Égypte et l’Éthiopie, conduisit en Judée un million d’hommes et trois cents chariots de guerre.

Aza, roi de Juda, lui livra bataille ; et, secouru par le dieu qu’il avait invoqué, il tailla en pièces les Égyptiens et extermina leurs armées.

ANYSIS

(An du monde 3279. — Avant Jésus-Christ 725.)

Ce roi était aveugle. Il fut détrôné par Sabacus, roi d’Éthiopie, qui, sur la foi d’un oracle, entreprit et fit la conquête de l’Égypte. Sabacus régna avec douceur ; il supprima la peine de mort et lui substitua les travaux publics. Il bâtit plusieurs temples. Hérodote cite celui de Bubaste, dont il fait une magnifique description. Rollin croit que Sabacus est le même que Sua qui secourut Osée, roi d’Israël, contre Salmanasar, roi des Assyriens. Après avoir régné cinquante ans, il rendit le trône à Anysis, qui jusque là avait vécu obscur et caché.

SÉTHOS

 (An du monde 3285. — Avant Jésus-Christ 719.)

D’autres nomment ce prince Sévéchus ; il était fils du conquérant Sabacus. Livré à la superstition, il négligeait les fonctions de roi pour remplir celles de prêtre. Loin de ménager l’armée, il lui ôta tous ses privilèges, et la dépouilla des fonds de terre que les anciens rois lui avaient assignés. Le ressentiment des gens de guerre ne tarda pas à éclater. Sennachérib, roi d’Assyrie et d’Arabie, vint attaquer l’Égypte. Tous les officiers et les soldats refusèrent de défendre Séthos. Ce roi pontife implora son dieu, Vulcain, qui le rassura. Il marcha jusqu’à Péluse, à la tête d’un petit nombre de marchands et de gens de la lie du peuple ; il y trouva Sennachérib campé.

Pendant la nuit, Vulcain envoya dans le camp des Assyriens une multitude effroyable de rats qui rongèrent les cordes des arcs et les courroies des boucliers. Les Assyriens, ainsi désarmés, prirent la fuite et perdirent une partie de leurs troupes.

Séthos se fit ériger une statue dans le temple de Vulcain ; il tenait à la main un rat et portait une inscription qui disait : Qu’on apprenne, en me voyant, à respecter les dieux. Telles étaient les fables que les prêtres d’Égypte empruntaient de l’histoire juive et racontaient à Hérodote qui les répandait dans la Grèce.

Ces mêmes prêtres, qui donnaient à leur pays onze mille trois cent quarante années d’antiquité, montrèrent à l’historien grec trois cent quarante et un colosses de bois, représentant les rois d’Égypte rangés dans une galerie.

Ces rois étaient appelés Pyromis, c’est-à-dire, bons et honnêtes.

TARACCA

Taracca, roi d’Éthiopie, avait secouru Jérusalem, avec Séthos ; il le remplaça sur le trône qu’il occupa pendant dix-huit ans. Ce fut le dernier des rois éthiopiens qui régnèrent en Égypte.

Après sa mort, les Égyptiens, ne pouvant s’accorder sur le choix d’un monarque, furent livrés à tous les désordres et à tous les malheurs de l’anarchie pendant deux ans.

LES DOUZE ROIS

(An du monde 3319. — Avant Jésus-Christ 685.)

En écrivant l’histoire de tous les peuples, nous aurons souvent l’occasion de remarquer que différents principes de législation, de religion et de morale ont été la base de leur force, la cause de leur grandeur, et que, du moment où ce principe s’est altéré, on a vu commencer leur décadence, et l’on a pu prévoir leur chute.

L’attachement des Égyptiens à la dynastie de leurs rois, leur respect pour les prêtres, leur constante soumission aux lois religieuses et civiles, leur haine pour les innovations et la simplicité de leurs mœurs les faisaient passer pour l’a nation la plus sage de la terre. Forts par leur union, ils n’avaient craint aucune attaque étrangère, et leurs armes victorieuses avaient soumis les plus liches provinces de l’Afrique et dé l’Asie. Mais les conquêtes enflèrent leur orgueil ; les rois vainqueurs méprisèrent la sagesse des anciens, les conseils des prêtres, et se crurent au-dessus des lois. Leur tyrannie aliéna les esprits, les dépouilles des vaincus et les richesses de l’Orient amollirent les mœurs ; la patrie et le roi ne furent plus des objets sacrés ; et, depuis le règne du petit-fils de Sésostris, la puissance égyptienne ne cessa de décliner. L’on vit bientôt ce beau pays devenir successivement la proie des factions et dès étrangers, et subir tour à tour le joug des Éthiopiens, des Assyriens, des Perses, des Grecs et des Césars, qui le réduisirent enfin en province romaine.

Les rois éthiopiens étaient morts ; aucun grand, aucun guerrier ne réunissait assez de puissance et de gloire pour forcer les autres à l’obéissance, et pour entraîner les suffrages du peuple.

Après deux ans d’anarchie, douze des principaux seigneurs, s’étant ligués ensemble, s’emparèrent du royaume et le partagèrent. Ils convinrent de gouverner chacun leur district avec sine égale autorité, de se soutenir mutuellement contre toute attaque étrangère et de ne rien entreprendre l’un contre l’autre.

Un oracle avait prédit que celui de ces princes qui ferait des libations à Vulcain dans un vase d’airain, deviendrait le maître de l’Égypte. Effrayés par cette prédiction, ils crurent devoir cimenter leur accord par les plus terribles serments. Leur règne fut d’abord tranquille, et leur union dura quinze ans. Pour en laisser à la postérité un monument célèbre, ils bâtirent à frais communs ce fameux labyrinthe, composé de la réunion de douze palais, qui contenaient quinze cents appartements au-dessus du sol et, autant sous la terre.

Un jour qu’ils étaient tous les douze réunis dans le temple pour faire un sacrifice à Vulcain, les prêtres présentèrent à chacun d’eux une coupe d’or pour les libations ; mais il ne se trouva que onze coupes : alors Psammitique, sans aucun dessein prémédité, prit son casque, qui était d’airain, pour offrir sa libation. Cette circonstance rappela tout à coup l’oracle : les collègues de Psammitique, inquiets et voulant pourvoir à leur sûreté, se réunirent contre lui, et l’exilèrent dans une contrée marécageuse, où il attendit quelques années l’occasion de se venger.

La fortune ne tarda pas à la lui présenter. On vint lui dire qu’une tempête avait jeté sûr la côte d’Égypte des soldats grecs. Se souvenant alors d’un oracle qui lui avait annoncé que des hommes d’airain viendraient de la mer à son secours, il courut les joindre, se mit à leur tête, réunit ses anciens partisans, attaqua les onze rois, détruisit leur armée et devint seul maître de l’Égypte.

PSAMMITIQUE

(An du monde 3334. — Avant Jésus-Christ 670.)

Le nouveau roi, pour marquer sa reconnaissance aux Cariens et aux Ioniens leur donna des établissements en Égypte ; et, au mépris des anciennes coutumes, il ouvrit les portes du royaume aux étrangers. Depuis cette époque, l’histoire égyptienne, mieux connue, se trouve moins mêlée de ces fables que débitaient les prêtres de Memphis. On peut cependant en citer encore une qu’Hérodote rapporte.

Psammitique, curieux de savoir quelle était la plus ancienne nation du monde, fit enfermer deux enfants nouveau-nés dans une maison où ils ne pouvaient entendre personne, et dans laquelle ils ne voyaient que deux chèvres qui les nourrissaient. Quand ils eurent atteint l’âge de deux ans, on entra dans leur chambre, et on les entendit tous deux s’écrier à la fois beccos, mot phrygien qui signifie pain. Depuis ce moment, l’orgueil des Égyptiens consentie à reconnaître les Phrygiens pour le plus ancien des peuples.

Si ce fait cité par les historiens a quelque réalité, il est probable que les deux enfants, au lien de parler phrygien, comme on le prétend, auront imité lé bêlement des chèvres qui les allaitaient.

Dans le temps où régnait Psammitique, les Assyriens s’étant emparés de la Syrie, la Palestine ; qui séparait seule l’Égypte de, ce nouvel empire, devint un sujet de guerre entre les rois de Memphis et de Babylone. Psammitique entra en Palestine ; mais il ne put prendre Azoth, ville des Philistins, qu’après un siège de vingt-neuf ans.

À peu près à cette époque les Scythes s’emparèrent d’une partie de la Haute Asie, et portèrent leurs armes jusqu’aux frontières de l’Égypte. Psammitique s’accorda avec eux et les apaisai par des présents. Il mourut la vingt-quatrième année du règne de Josias, roi de Juda, et laissa le trône à son fils Néchao, dont il est souvent parlé dans l’Écriture Sainte.

NÉCHAO

(An du monde 3388. — Avant Jésus-Christ 616.)

Le règne de Néchao fut justement célèbre par ses entreprises militaires et commerciales, et par ses grands travaux. Ses projets étaient audacieux, et son administration fut sage. Par ses ordres, une flotte partit de la mer Rouge, et, portant des navigateurs phéniciens, fit le tour de l’Afrique ; elle revint en Égypte par le détroit de Gibraltar.

Il fut moins heureux dans une autre entreprise. Ayant voulu joindre le Nil à la mer Rouge par un canal, cent vingt mille hommes périrent dans ces travaux sans pouvoir les achever.

Néchao, jaloux de l’ambition et de la puissance des Babyloniens, s’avança sur l’Euphrate pour les combattre. Josias, roi de Juda, lui refusa son alliance et s’opposa à son passage. Les Juifs furent taillés en pièces à Mageddo, dans une grande bataille. Le roi de Juda, vaincu, mourut de ses blessures. Néchao bâtait les Babyloniens et s’empara de plusieurs places fortes. Ayant appris que les Juifs avaient placé sur le trône Joachas sans son consentement, il le fit venir près de lui, le chargea de fers et l’envoya en Égypte où il mourut. Il vint ensuite à Jérusalem, donna le sceptre à Joachim, fils de Josias, assujettit les Juifs à un tribut annuel de cent taleras d’or et retourna en Égypte après une campagne glorieuse de trois mois.

A la fin de sa vie, la fortune lui devint contraire. Napolassar, roi de Babylone, donna le commandement de son armée à Nabuchodonosor qui reprit sur Néchao toutes ses conquêtes, et enleva la Palestine aux Égyptiens. Néchao mourut après un règne de seize ans. Psammis, son fils, lui succéda.

PSAMMIS

(An du monde 3404. — Avant Jésus-Christ 600.)

Le règne de ce prince ne dura que six ans. Il fit une expédition en Éthiopie, dont on ignore le succès. Pendant son règne, on établit en Grèce les jeux Olympiques. Les habitants de l’Élide envoyèrent une ambassade pour le consulter sur cette institution : de l’avis des prêtres, le roi répondit que la justice aurait été mieux observée dans ces jeux si les Grecs n’y avaient admis que des étrangers, parce qu’il était difficile que les juges ne décernassent pas le prix à leurs concitoyens.

APRIÈS ou OPHRA.

(An du monde 3410. — Avant Jésus-Christ 594.)

Apriès fit la guerre heureusement au commencement de son règne, et parut hériter des talents de son père Psammis. Il se rendit maître de la Phénicie et de la Palestine, mais, enorgueilli par ses victoires, il voulut opprimer et détruire la colonie grecque des Cyrénéens qui avaient fait des progrès dans la Libye. L’armée du roi fut taillée en pièces, et les Cyrénéens secouèrent son joug. Apriès leur envoya Amasis, un de ses généraux, pour les ramener dans le devoir ; mais ils attirèrent dans leur parti cet officier qu’ils proclamèrent roi.

sa cruauté. Apriès chargea un des grands de sa cour d’arrêter le rebelle, et, pour le punir de l’impossibilité où il s’était trouvé de remplir sa mission, il lui fit- couper le nez et les oreilles. Cette cruauté révolta le peuple et l’armée contre le roi, qui fut détrôné et forcé de se retirer dans la Haute Égypte.

Tandis que tous ces événements se passaient sur les rives du Nil, Nabuchodonosor, roi de Babylone, s’emparait de Tyr, de Jérusalem, et réduisait tous les Juifs en captivité. Maître de la Palestine, il profita des divisions intestines de l’Égypte, et la conquis totalement. Il y fit partout d’horribles ravages, tua un grand nombre d’habitants, et ruina tellement ce beau royaume qu’il ne put se rétablir pendant l’espace de quarante ans. Nabuchodonosor, après avoir achevé sa conquête, confia l’administration de l’Égypte à Amasis et retourna à Babylone.

Cependant Apriès, qui, dans sa retraite, avait rassemblé une armée d’Ioniens et d’autres étrangers, marcha contre Amasis et lui livra bataille près de Memphis. Mais il fut battu, pris et mené à Saïs, où on l’étrangla dans son propre palais.

AMASIS

(An du monde 3435. — Avant Jésus-Christ 569. )

Amasis gouverna d’abord l’Égypte comme vice-roi ; mais les troubles de l’Orient, pendant les conquêtes de Cyrus, lui donnèrent l’occasion et les moyens de s’emparer de l’autorité souveraine. Ce qui le prouve, c’est que le fils de Cyrus se crut ? Comme nous le verrons bientôt, obligé d’employer de nouveau les armes pour reconquérir l’Égypte.

Le règne d’Amasis fut sage et glorieux. Il était célèbre par l’étendue de ses connaissances et par les agréments de son esprit.- On cite de lui des traits ingénieux et des reparties piquantes. Pythagore et Solon vinrent le visiter et consulter la sagesse et les livres des Égyptiens. On croit que Pythagore emprunta d’eux ses idées sur la métempsycose.

Amasis employait toutes ses matinées à recevoir des placets, à donner des audiences, à tenir des conseils. Il laissait aux plaisirs le reste de la journée ; et comme on lui reprochait un jour de porter quelquefois sa gaieté au-delà des bornes qui convenaient à son rang, il répondit que l’esprit était comme un arc, et ne pouvait pas toujours être tendu.

Voyant, au commencement de son règne, qu’on méprisait la bassesse de son origine, il voulut avec adresse rappeler les esprits au devoir et à là raison. Il avait une cuvette d’or où lui et ses commensaux se lavaient les pieds, il ordonna de la fondre et d’en faire une statue qu’il exposa à la vénération publique. Les peuples accoururent en foule rendre hommage à cette nouvelle idole. Le roi leur rappela l’usage auquel cette statue avait d’abord servi, ce qui ne les empêchait pas de se prosterner religieusement devant elle. L’application de cet apologue était facile à faire ; et tout le peuple, depuis ce jour, respecta sa personne, son rang et son esprit. Ce fut lui qui obligea tous les particuliers d’inscrire leurs noms chez le magistrat et de se choisir une profession.

Amasis bâtit plusieurs temples. On admirait, parmi tous ses ouvrages, une chapelle faite d’une seule pierre qui avait vingt et une coudées de longueur, quatorze de largeur et liait de hauteur. Deux mille hommes avaient été employés, pendant trois ans, à la transporter d’Éléphantine à Saïs.

Il forma et entretint des liaisons avec les Grecs, et leur permit d’habiter en Égypte, dans la ville de Naucratis. Il contribua pour une forte somme à la, réparation du temple de Delphes. Amasis avait épousé une femme cyrénéenne. Il contracta une alliance avec Polycrate, tyran de Samos ; ses armes conquirent l’île de Chypre, qu’il rendit tributaire. Après un règne de quarante-quatre ans, Amasis mourut et transmit le sceptre à Psammenits, son fils.

PSAMMENITS

(An du monde 3479. — Avant Jésus-Christ 525)

Ce prince ne jouit que six mois de l’héritage de son père. Cambyse, roi de Perse, fils de Cyrus, entra avec une grande armée dans l’Égypte et la subjugua. Une seule bataille renversa le trône égyptien. Cambyse avait envoyé un héraut à Memphis, pour engager le roi à capituler ; les Égyptiens massacrèrent le héraut. Cette offense fut cruellement punie ; le roi de Perse s’empara de Memphis, et livra la ville et les temples aux flammes. Psammenits, chargé de fers, fut traîné dans le faubourg. Là, placé sur un tertre, on fit paraître devant lui sa fille, habillée en esclave et portant une cruche pleine d’eau ; les filles des grands du pays l’accompagnaient dans le même costume et déploraient à grands cris leur infortune. Leurs pères désolés fondaient en larmes. Le roi, seul, immobile, les yeux fixés en terre, retenait ses sanglots, et semblait maître de sa douleur bientôt son fils parut, suivi de deux mille jeunes’ Égyptiens, portant tous des mors dans la bouche et des licols ; ils marchaient pour être immolés aux mânes du héraut persan qu’on avait massacré. Jusque là Psammenits n’avait laissé éclater aucun signe de faiblesse et de désespoir : tout à coup il aperçoit dans la foule un de ses intimes amis couvert des haillons de la misère. Alors le roi jette un grand cri, verse un torrent de larmes et se frappe comme un furieux. Cambyse lui ayant fait demander comment il paraissait si sensible à un malheur qui lui était étranger, il répondit : Les calamités de ma famille sont trop grandes pour donner le temps de réfléchir, et pour laisser couler les larmes ; mais la vue d’un ami réduit à la misère me permet de pleurer.

Le roi de Perse, le trouvant assez puni, lui fit grâce de la vie ; mais, dans la suite, cet infortuné monarque ayant laissé échapper quelques désirs de vengeance, Cambyse le fit mourir.

Dans le cours de cette funeste révolution, rien ne fut respecté par les Perses. Les rois et les grands furent traités avec indignité : on foula aux pieds les lois ; on outragea les mœurs ; on livra au mépris les objets sacrés du culte populaire ; le bœuf Apis fut massacré. Ces cruautés, ce mépris du vainqueur, inspirèrent aux Égyptiens une haine profonde, qui depuis les porta sans cesse à la révolte. Jamais le pouvoir des rois de Perse ne put être tranquillement affermi en Égypte ; et, jusqu’au règne d’Alexandre, ce malheureux pays devint le théâtre des combats continuels, que soutenait à tout risque l’amour de l’indépendance contre la tyrannie, tant il est vrai que le projet le plus insensé que puissent former les rois est celui de gouverner par la crainte, et de croire que la force peut longtemps résister à l’opinion publique !

 

 

 

 



[1] La première époque contient 1663 ans.

[2] La seconde époque contient 202 ans.

[3] La troisième époque contient 293 ans.