ANTIQUITÉS GRECQUES

DEUXIÈME PARTIE DE LA DEUXIÈME DIVISION  - ANTIQUITÉS RELIGIEUSES.

CHAPITRE ONZIÈME. — LES ORACLES.

 

 

Les sanctuaires dans lesquels les oracles étaient rendus au nom de la divinité par la voix ou du moins sous la direction des prêtres étaient appelés μαντεΐς ou χρήστηρια. Le premier de ces mots désigne surtout le siège de la puissance prophétique, le second évoque de préférence l’idée du parti que, dans un tel lieu, l’homme peut tirer de l’appel fait à la sagesse divine[1]. La réponse que l’on obtenait s’appelait aussi μαντεΐον, mais plutôt encore χρησμός. Ce dernier mot s’applique toutefois plus particulièrement aux oracles que le Dieu faisait entendre par la bouche d’un prophète inspiré, et qui d’ordinaire revêtaient la forme poétique[2].

Hérodote raconte que Crésus, voulant éprouver quelle confiance était due aux plus célèbres oracles, envoya des députés dans les temples de Delphes et d’Abæ, pour consulter Apollon, à Dodone, pour avoir sur les mêmes questions l’avis de Zeus, à Argos dans le sanctuaire d’Amphiaraüs, à l’antre de Trophonius, auprès du dieu des Branchides que l’on appelait aussi Apollon, à Milet, et jusqu’en Libye, dans le temple d’Ammon[3]. Ce dernier oracle est en dehors de nos études ; le récit d’Hérodote prouve que les autres étaient les plus considérables de la Grèce, mais ils n’étaient pas les seuls. Il en existait un grand nombre qui ne nous sont connus que de nom ; les noms mêmes de quelques-uns nous échappent. Nous disposerons par groupes ceux dont nous sommes en mesure de parler, en commençant par les oracles verbaux, dans lesquels des prophètes possédés du Dieu, énonçaient les réponses aux questions qui lui étaient posées. Nous passerons ensuite à ceux qui manifestaient la pensée divine à l’aide de signes. Parmi ces signes, nous distinguerons ceux qui se produisent sans l’entremise de l’homme, c’est-à-dire les phénomènes naturels, et les accidents provoqués d’une manière artificielle, par exemple à l’aide des dés et des sorts. Les révélations faites à l’intérieur des sanctuaires par les rêves et les apparitions nocturnes forment une troisième classe d’oracles. Enfin, on en peut distinguer une quatrième, à savoir les réponses aux questions adressées non plus aux dieux, mais aux âmes des morts[4].

Autant que nous pouvons en juger, les oracles de la première espèce, c’est-à-dire ceux qui rendaient des réponses verbales, étaient presque tous placés sous l’invocation d’Apollon. Il n’en est pas dans le nombre qui ait exercé plus d’influence et ait subsisté plus longtemps que l’oracle de Delphes. Apollon, d’après l’hymne homérique qui lui est consacré, en était lui-même le fondateur. Le Dieu descend de l’Olympe et traverse différents pays ; nulle part il ne trouve d’emplacement à son gré pour s’établir, jusqu’au moment où il arrive à Krisa, au pied de Parnasse. C’est là qu’il se décide à élever son temple ; lui-même en trace les fondements, sur lesquels travaillent les architectes Trophonios et Agamède, tous deux fils d’Erginos, roi d’Orchomène. A peu de distance coulait la source où avait autrefois séjourné Python, le dragon femelle (δράκαινα) qui avait nourri Typhon, monstre enfanté par Héra dans un ;jour de colère, et avait désolé la contrée, jusqu’au moment où il fut vaincu par Apollon. Dans le concours de ces circonstances il faut voir une allusion à des eaux stagnantes et à des vapeurs pernicieuses, que dissipe le dieu de la lumière, revenant au printemps avec une force nouvelle[5], bien qu’à la vérité cette nature insalubre n’ait pas de rapport essentiel avec l’institution de l’oracle. Python est le symbole des eaux croupissantes ; Typhon représente les vapeurs mortelles. Héra, qui nous apparaît d’ans cette fable comme la déesse de la ‘l’erre, a engendré ce monstre, et Python l’a nourri, parce que les vapeurs putrides sont produites et entretenues par la terre et les eaux stagnantes. Après avoir établi son sanctuaire à cette place, Apollon, cherchant des hommes qu’il puisse préposer à son culte, et choisir pour intermédiaires entre lui et les mortels, aperçoit un vaisseau monté par des Crétois de Knossos, qui naviguaient pour affaires de commerce. Il se change en dauphin, saute sur le vaisseau et le dirige vers Krisa, puis il s’évanouit et reparaît sur le rivage aux yeux des matelots, sous la forme d’un bel adolescent. Là, il leur révèle sa nature divine et leur ordonne de lui élever un autel sous l’invocation d’Apollon delphinien. Il les conduit ensuite au mont Parnasse, dans le temple déjà existant, qui doit devenir leur demeure, et leur promet une existence facile, grâce aux présents de ceux qui viendront visiter le sanctuaire et consulter l’oracle. — Évidemment l’auteur de cet hymne se propose de rattacher l’oracle à l’île de Crète, et, en effet, il est hors de doute que ce lien exista jadis, que la Crète exerça sur l’oracle une influence considérable, et que des colons crétois, fixés sur la côte de Krisa, furent propriétaires ou du moins co-propriétaires du temple. Peut-être même fut-ce du milieu d’eux que sortit la race sacerdotale qui prit une part prépondérante à l’organisation et à la direction de l’oracle[6]. Mais on n’est pas autorisé à conclure de là que le sanctuaire ait été à l’origine une fondation crétoise. L’hymne homérique se borne à faire coïncider l’institution de l’oracle avec l’établissement d’une colonie venue de Crète, et cette tradition même peut être révoquée en doute. Elle repose, en effet, sur cet unique témoignage, et d’antres légendes relatives au même événement ne font aucune mention des Crétois[7]. D’après Æschyle, c’est à Gæa πρωτόμαντις, comme il l’appelle, qu’appartint en premier lieu l’oracle de Delphes ; elle le transmit à sa fille Thémis qui, à son tour, s’en démit en faveur de sa sœur Phœbé, de qui Apollon le reçut en don, à sa naissance[8]. De cette succession, on peut inférer qu’avant l’introduction du culte d’Apollon, Delphes avait dû au caractère particulier du paysage sur lequel nous reviendrons d’être choisi comme centre prophétique, et que le soin de dispenser les oracles était attribué à Gæa ; mais on est libre d’y voir aussi un essai pour expliquer comment un oracle dont la vertu reposait sur une force sou terrai ne pouvait appartenir non pas à la Terre, qui pourtant avait des oracles ailleurs, mais bien au Dieu de la lumière. Thémis n’est qu’une autre figure de Gæa ; elle est la Terre elle même, considérée au point de vue moral et non seulement comme la source des choses matérielles, mais comme la régulatrice des lois en vertu desquelles ces choses suivent leur cours. Phœbé, à qui Æschyle accorde une simple mention, paraît n’avoir été intercalée qu’à cause de son nom, afin d’expliquer d’une manière naturelle la transmission volontaire de l’oracle à Phœbus Apollon, qui est censé l’avoir reçu en même temps que le nom de la donatrice, tandis que, suivant d’autres récits, il aurait enlevé violemment l’oracle à Gæa[9]. Il s’est conservé une autre légende, d’après laquelle Poseidon aurait partagé l’oracle avec Gæa, symbolisant ainsi l’alliance des eaux et de la terre[10]. Sans rechercher quelle part revient dans ces fables à l’observation de la nature physique et à la tradition, nous nous bornerons à dire que, historiquement parlant, autant que l’histoire peut être invoquée en semblable matière, l’oracle de Delphes ne nous est connu que comme l’apanage d’Apollon.

La particularité géologique qui semblait désigner ce lieu comme le siège par excellence de la divination était un gouffre, d’où s’échappaient des vapeurs froides, ayant la propriété de jeter dans l’état extatique ceux qui les respiraient[11]. Ce gouffre était situé au haut d’un plateau, sur le versant méridional du Parnasse, à plus de mille pieds du niveau de la mer, et à huit cents pieds au-dessous des roches Phædriades et des monts Hyampeia. Le temple avait été bâti de manière à enfermer le gouffre dans son adyton. Il en remplaçait un autre qui avait été construit, suivant la tradition rapportée plus haut, par Trophonios et Agamédès, et qui fut brûlé en 548 (Olymp. LVIII, 1). Ce fut alors que les Amphictyons en firent ériger un nouveau, plus magnifique que le premier. Les promoteurs de l’entreprise furent les Alcmæonides, alors bannis d’Athènes ; qui confièrent la direction des travaux à un Corinthien nommé Spintharos. Dans l’adyton, coulait une source appelée Kassotis qui, sortie du sol à peu de distance du temple, venait se perdre en ce lieu. Un haut trépied était placé au-dessus de l’ouverture du gouffre et supportait une sorte de bassin arrondi et échancré (όλμος), surmonté lui-même du siège ou la prophétesse prenait place. Devant le trépied se tenaient deux aigles d’or, à droite et à gauche de l’Omphalos, pierre blanche de forme conique, qui marquait le point central de la terre où, en effet, s’étaient joints jadis deux aigles envoyés par Zeus à la rencontre l’un de l’autre, du levant et du couchant[12]. La prophétesse, nommée Pythia ou Pythias, était dans le principe une fille à la fleur de l’âge ; mais, un enlèvement, dont se rendit coupable un certain Échécratès de Thessalie, décida à prendre de préférence des femmes qui avaient dépassé la cinquantaine, tout en leur laissant, comme souvenir de l’ancien usage, le costume des jeunes filles[13]. Les familles dans lesquelles on les choisissait devaient être honorables, sans tenir le premier rang par leur fortune ou leur condition. Du vivant de Plutarque, la Pythie appartenait à de pauvres campagnards, et n’avait point reçu une éducation distinguée ; elle ne se recommandait que par une origine irréprochable et parla sévérité de ses mœurs[14]. D’abord, la Pythie ne montait qu’une fois par an sur le trépied ; c’était dans le mois que les habitants de Delphes appelaient Bysios et qui tombait vers l’équinoxe du printemps[15]. Ce mot Bysios est une forme dialectique pour Pysios ou Pythios et signifie le mois des consultations, d’après la même dérivation qui a fait donner au temple le nom de Pytho et au dieu l’épithète de Pythios, Plutarque rapporte que, de son temps, l’oracle était accessible une fois par mois[16] ; mais avant lui, lorsque le crédit de la Pythie était mieux établi, et sa clientèle plus considérable, quelques jours seulement étaient rayés comme étant de mauvais augure (άποφράδες)[17]. Tout le reste du temps, la Pythie se tenait prête, à condition que l’on eût préalablement observé les signes pour s’assurer si le jour était ou non favorable (αίσία)[18]. Il existait alors deux Pythies qui se relayaient, et une troisième était tenue en réserve, afin de soulager les deux autres. Pour juger des dispositions du Dieu, on se référait aux signes que fournissaient les sacrifices offerts à cet effet par les consultants et que l’on appelait χρηστήρια. Les victimes étaient d’ordinaire des chèvres, quelquefois aussi des taureaux et des sangliers[19]. Les prêtres les examinaient soigneusement, et s’assuraient si elles étaient saines et sans défauts, telles qu’elles devaient être pour plaire au Dieu. Lorsque l’épreuve n’était pas satisfaisante, on en concluait qu’Apollon n’était pas disposé à rendre ses oracles en ce jour ; au cas contraire, la Pythie entrait dans l’Adyton, après les ablutions et les purifications préparatoires[20], buvait de l’eau puisée à la source Kassotis, mâchait des feuilles de laurier[21] et prenait possession du siège prophétique, placé au-dessus du trépied[22]. Un prêtre qui portait le nom de προφητής[23] l’accompagnait et se tenait près d’elle. Les consultants étaient introduits dans l’ordre que leur avait assigné le sort, sauf ceux qui avaient obtenu un tour de faveur, προμαντεία[24] L’usage n’était pas de soumettre directement les questions à la Pythie ; verbales ou écrites, elles passaient par l’intermédiaire de l’un des prophètes[25]. On attendait, parait-il, la réponse dans une pièce attenant à l’Adyton[26]. La Pythie, jetée dans une sorte d’ivresse extatique par les vapeurs qui sortaient du sol entr’ouvert, donnait alors un libre cours à l’inspiration, qui se manifestait tantôt par des sons entrecoupés, tantôt par des paroles claires et suivies. Les prophètes présents recueillaient ses réponses et les traduisaient en vers. L’hexamètre était le rythme consacré ; plus tard seulement, on employa le trimètre iambique, qui était la mesure élégiaque ; parfois aussi on se contentait de la prose[27]. Un exemple emprunté à Plutarque prouve, entre autres, que l’extase de la Pythie était un état violent, qui pouvait même entraîner danger de mort[28]. Un jour, d’après le récit de cet historien, la prophétesse, dont la voit d’une rudesse inaccoutumée avait déjà trahi la surexcitation, se précipita du haut du trépied, en poussant un grand cri et s’élança vers l’issue de l’Adyton, entraînant épouvantés dans sa fuite, non seulement les consultants qui se trouvaient près d’elle, mais les prophètes et tous les όσιοι présents. Lorsque, remis de leur émotion, ils rentrèrent, la Pythie avait repris ses sens, mais elle rendit l’âme au bout de quelques jours. Le consciencieux rapporteur explique cet événement par la contrainte dont avaient usé les prêtres, qui, après avoir obtenu à grand’peine des présages en apparence favorables, avaient forcé la Pythie, malgré sa répugnance, à monter sur le trépied ; il est probable que, même en dehors de ces circonstances, pareille chose eût pu arriver.

Si maintenant, revenant sur un point que nous avons déjà effleuré plus haut, nous nous posons cette question : les oracles de la Pythie étaient-ils intelligibles et cohérents, ou se composaient-ils de paroles et d’exclamations sans liaison entre elles ? la réponse sera qu’ils présentaient alternativement ce double caractère[29]. Dans le premier cas, le prophète qui servait d’intermédiaire pouvait se contenter de donner ou de faire donner à l’oracle la forme poétique ; dans le second, qui était certainement le plus habituel, il s’appliquait à dégager de l’original un sens susceptible d’être exprimé en termes courants. On ne peut douter qu’il n’y eut là un travail d’imagination plutôt que d’interprétation, et cependant les prophètes, ou ceux qui étaient chargés de ce soin à un titre oui à un autre, pouvaient être de bonne foi. Ils avaient la ressource de croire que le Dieu avait voulu dire en effet ce qu’ils lui faisaient dire. S’il y avait fraude, ce n’était pas une fraude intentionnelle et consciente, que l’on put qualifier de mensonge ; c’était une illusion à laquelle ils se laissaient prendre eux-mêmes. L’histoire des commentateurs, et tel était l’office que remplissaient les prêtres, nous montre combien il est facile de faire sortir d’un teste ce qui, en réalité, n’y est pas. Il est souvent arrivé aux hommes les plus dignes d’estime, à ceux qui font le plus sincèrement profession d’aimer la vérité, de trouver dans un écrit, par prévention ou par esprit de système, un sens que n’y peuvent découvrir les esprits plus libres de préjugés. Les prêtres et les prophètes du sanctuaire delphique avaient, sur les dieux et les choses divines, des idées arrêtées qui composaient une sorte de théologie dogmatique ; ils jugeaient à leur manière de ce qui était conforme au droit divin (θέμιστες) ou de ce qu’il proscrivait. De plus, ils connaissaient exactement les personnes qui venaient interroger l’oracle et les circonstances qui les amenaient. Partant de ces données et des conjectures qu’ils y ajoutaient, ils entreprenaient d’interpréter de leur mieux les oracles obscurs de la Pythie, suivant les conclusions de leur jugement et les inspirations de leur conscience. Souvent il leur arriva d’apporter aussi des réponses que de bonne foi ils croyaient émanées du Dieu, et qui pouvaient être les erreurs judicieuses d’esprits sincères et religieux, mais non des mensonges impies. Si, plus tard, leurs prévisions étaient démenties par l’événement, on avait la ressource de croire qu’elles avaient été réellement suggérées par le Dieu, disposé à punir de leur indiscrétion les hommes qui le poursuivaient dans le sanctuaire, en dépit des signes qui leur en défendaient l’entrée, aussi bien qu’à révéler la vérité à ceux qui en étaient dignes[30]. Souvent, d’ailleurs, les réponses des prêtres étaient elles-mêmes obscures et conçues dans des termes vagues et métaphoriques, qui avaient à leur tour besoin d’interprétation, cas auquel on pouvait, pour éclaircir ses doutes, s’adresser à un exégète[31] ; mais nous ne nous croyons pas autorisé à penser que cette obscurité fût toujours un calcul habile, tendant à mettre la responsabilité de l’oracle à couvert[32]. Les prêtres étaient plutôt d’avis que la divinité ne devait pas livrer, en toute occasion, des révélations dont le sens fût manifeste, mais maintenir parfois une certaine ambiguïté, afin de laisser quelque chose à faire à l’intelligence de l’homme, pour qui, d’ailleurs, ce n’est pas toujours un avantage de prévoir l’avenir d’une manière certaine. Les réponses énigmatiques étaient faites le plus souvent à ceux qui interrogeaient l’oracle, poussés par une curiosité indiscrète. Lorsque, au contraire, les consultants étaient amenés, comme c’était le cas le plus fréquent, par le désir de fixer un point de droit douteux où de se raffermir dans une résolution chancelante, l’oracle se piquait de précision et de clarté. Malgré tout, il est certain que l’on put de bonne heure relever des exemples de fraude. Nous ne chercherons pas à éclaircir ici la question de savoir si le conseil donné aux Spartiates d’aider les Athéniens à secouer le joug des fils de Pisistrate appartient à cette catégorie[33] ; mais les prêtres eux-mêmes reconnurent que l’oracle qui avait déclaré Démaratus bâtard et exclu du trône, était mensonger, et que la Pythie s’était laissé corrompre par un adversaire de ce prince[34]. Lysandre, dit-on, s’assura, à l’aide des mêmes moyens, le concours de la Pythie, pour changer plus facilement la constitution de Sparte, ce qui, d’ailleurs, ne lui réussit pas[35]. Dans les siècles d’incrédulité et d’irréligion qui suivirent, ces fraudes devinrent nécessairement plus fréquentes, et l’on peut être assuré que, même parmi les prêtres, il y eut des esprits forts qui ne se firent pas scrupule de mettre en pratique l’adage : mundus vult decipi. Mais on ne saurait admettre que, dans les temps de foi, l’oracle ait été un instrument de politique sacerdotale, lorsqu’on voit le respect qu’il inspire à des esprits éclairés, tels que Socrate. Les chrétiens mêmes, durant leurs luttes contre le paganisme, ne présentent pas les prêtres de Delphes comme des imposteurs, qui se seraient proposés d’égarer les hommes de parti pris et avec préméditation. Ils les reconnaissent pour les interprètes fidèles de leurs dieux ; seulement ils ne voient dans ces dieux que des anges déchus, appliqués à tromper le genre humain[36]. — J’ai parlé ailleurs de l’influence que l’oracle de Delphes exerça dans ses années florissantes ; il suffit de renvoyer les lecteurs à ce passage. Parmi les textes d’oracles que citent les historiens, notamment Hérodote, un petit nombre seulement sont authentiques, en ce sens qu’ils émanaient réellement des prêtres ; beaucoup ont été imaginés plus tard dans le but de fortifier la foi aux oracles. Il est impossible de dire si les prêtres eux-mêmes prirent part à ce travail ténébreux ni dans quelle mesure. — Quelle que fût l’atteinte portée à la considération et à l’influence de l’oracle delphique, il ne tomba jamais dans un complet discrédit. Il passa par différentes phases, suivant les circonstances et les variations de l’esprit public[37]. Il se tut sous le règne de Néron, à la suite des fureurs auxquelles ce prince se livra contre Apollon, soit parce qu’il en avait reçu des réponses qui n’étaient pas de son goût, soit pour quelque autre cause. Toujours est-il que Néron fit égorger des hommes au-dessus du gouffre sacré, qui reçut leur sang et peut-être leurs cadavres[38]. Plus tard l’oracle rentra en fonctions, et l’on a la preuve qu’il subsista jusque sous le règne de Constantin[39].

Parmi les autres oracles qui se recommandaient du nom d’Apollon, l’oracle de Didyme, près de Milet, auquel était préposée la race des Branchides, est celui qui rivalisa le mieux avec l’oracle de Delphes. Les Branchides tenaient leur nom d’un personnage mythologique, Branchos, favori d’Apollon, que ce dieu avait lui-même institué prophète, en lui conférant la couronne et le sceptre. Les. diverses fables mises en circulation sur Branchos et sur ses auteurs, tout en témoignant d’un effort pour établir un lien généalogique entre l’oracle de Delphes et celui de Didyme, prouvent que le second n’était pas, à proprement parler, d’origine grecque, mais carienne[40]. Un dieu, dans lequel les Grecs retrouvaient leur Apollon, était adoré sur les côtes de l’Asie-Mineure, longtemps avant que la Grèce eût envoyé dans ces contrées des colonies ioniennes, éoliennes, doriennes, et, comme d’ailleurs les Grecs avaient cette -tendance, d’accord avec les principes du polythéisme, de reconnaître et d’accueillir toutes les divinités qui n’étaient pas essentiellement différentes des leurs, il leur sembla naturel de s’approprier le dieu des Branchides et son sanctuaire[41]. On ne sait rien de précis sur la manière dont étaient rendus ces oracles ; un seul détail nous est connu[42], c’est qu’il existait dans le temple une source ayant la propriété de faire naître une extase divinatoire, et dont la prêtresse buvait l’eau ou respirait les vapeurs, avant de monter sur le disque en forme de roue, d’où, un bâton à la main, elle rendait des oracles qu’un prophète transmettait aux intéressés, comme à Delphes. Lorsque, peu de temps avant la première guerre médique, les populations ioniennes se soulevèrent contre Darius, et que Milet fut assiégé par les Perses, le temple tomba entre leurs mains, fut pillé et incendié[43]. Reconstruit tant bien que mal, il fut de nouveau bridé par Xerxès. Les Branchides, après avoir livré à ce prince les trésors dont ils avaient la garde, émigrèrent dans l’intérieur de l’Asie et s’établirent dans la Bactriane ou la Sogdiane[44]. Le temple fut de nouveau rebâti par les Milésiens, mais il resta inachevé. L’oracle, toutefois, était rentré en fonction et existait encore au temps de Jamblique ou de l’écrivain, quelqu’il soit, à qui est dû le livre sur les mystères égyptiens, c’est-à-dire au commencement du IVe siècle après Jésus-Christ[45].

D’après le passage cité plus haut, dans lequel Hérodote mentionne les richesses du temple d’Abæ, en Phocide, et les nombreux ex-voto dont était rempli le trésor, l’oracle qu’Apollon possédait en ce lieu devait, au temps de Crésus, compter parmi les plus renommés[46]. Pausanias le cite, mais seulement comme un souvenir du passé ; il y avait longtemps en effet que l’oracle avait disparu, lorsque ce voyageur parcourait la Grèce, bien qu’il existât encore un temple, rebâti par Adrien sur les ruines de celui qu’avait incendié Xerxès et que les Thébains avaient complètement détruit dans leurs guerres contre les Phocidiens[47]. — Les Béotiens possédaient auprès d’Akræphiæ, sur le Ptoon, en territoire thébain, un temple, dans lequel Apollon prédisait l’avenir par la bouche d’un prêtre qualifié de πρόμαντις[48]. Lorsque, dans la seconde guerre médique, un envoyé de Xerxès, nommé Mys et natif d’Europos en Carie, interrogea le Dieu, il lui fut répondu en langue barbare, et comme ses compagnons s’en étonnaient, Mys leur dit que le dieu lui avait parlé carien[49]. Après le sac de Thèbes, par Alexandre, l’oracle cessa de se faire entendre, et au temps de Pausanias, il n’existait plus[50]. Il paraît cependant que plus tard il reprit une nouvelle vie, car il est mentionné dans une inscription supposée contemporaine de Caracalla[51]. — Apollon avait un autre oracle dans la ville béotienne de Tégyre qui, d’après une tradition locale, prétendait à l’honneur de lui avoir donné naissance. On rapporte que, durant la seconde guerre médique, le prophète de Tégyre avait promis la victoire aux Grecs. Cet oracle avait cessé de fonctionner au IIe siècle de notre ère[52]. — Il y avait eu aussi à Eutrésis, entre Thespies et Platée, un oracle jouissant autrefois d’un grand crédit, mais dont le souvenir s’effaça plus tard[53]. Il en fut de même pour celui d’Hysiæ, où une source sacrée jetait ceux qui buvaient de son eau dans l’ivresse prophétique[54]. — On prédisait également l’avenir à Thèbes, dans le sanctuaire d’Apollon Isménios. Le Dieu y avait institué lui-même comme mantis son fils Ténéros, qu’il avait eu de la nymphe Mélia[55]. La divination portait sur les signes fournis par les sacrifices[56], avec ce caractère particulier que le prophète, surexcité vraisemblablement par des moyens dont nous ne saurions préciser la nature, ne se contentait pas d’annoncer d’une manière générale l’issue heureuse ou funeste d’une entreprise, comme le faisaient les Hiéroscopes, mais entrait dans des révélations circonstanciées, qui étaient mises en vers, de même que les oracles de la Pythie[57]. — On a vu plus haut que dans la même ville, sur l’autel d’Apollon Spodios, la divination se pratiquait d’après les voit du destin (φήμαι ou κληδόνες). — Dans Argos, le temple d’Apollon sur la hauteur (δειραιώτης), ainsi appelé de sa situation au pied de la citadelle, était aussi pourvu d’un oracle, dont la devineresse faisait vœu de virginité. Chaque mois on sacrifiait un agneau, et dès qu’elle avait goûté du sang de la victime, elle était possédée du Dieu. Pour le reste il est probable que les choses se passaient comme à Delphes, d’où était originaire l’oracle d’Apollon Diradiotès. Cet oracle était encore en activité au temps de Pausanias[58]. Plutarque cite, dans Argos, une prophétesse d’Apollon Lycéen[59], dont il n’est question nulle part ailleurs, ce qui peut faire supposer qu’il a confondu et que les deux sanctuaires n’en font qu’un. — D’après le témoignage de Strabon, il y avait aussi un oracle d’Apollon dans l’île d’Eubée[60], mais le fait de son existence est tout ce que nous en savons ; nous ignorons même sous quel surnom le Dieu était adoré[61].

Apollon comptait de nombreux oracles en Asie-Mineure. Outre le célèbre et antique sanctuaire auquel étaient préposés les Branchides, il en existait un à Claros, près de Colophon, dont les Grecs attribuaient la fondation à Manto, fille de Tirésias[62]. Strabon en parle comme n’existant plus de son temps ; mais il est cité plus tard comme fonctionnant encore, et il paraît avoir duré jusqu’au milieu du IVe siècle[63]. La divination s’exerçait par le ministère d’un prêtre choisi dans la région environnante, surtout parmi les familles milésiennes, et toujours dans le même γένος[64]. Il lui suffisait de connaître le nombre et les noms des consultants ; il descendait dans une grotte, buvait de l’eau d’une source qui s’en échappait, et donnait ses réponses en vers, bien que souvent, à ce qu’on assure, il fût complètement illettré[65]. Les propriétés excitantes de cette eau semblent avoir eu une influence pernicieuse, car les prêtres ne vivaient pas longtemps[66]. — On trouve dans Strabon la trace de deux oracles d’Apollon situés en Troade, l’un à Adrastée, entre Priapos et Parion, le second à Zélée, mais l’un et l’autre avaient cessé d’être, du vivant de cet historien[67]. Il est probable que dans la même contrée, il existait un oracle, placé sous l’invocation d’Apollon Thymbréen[68], et, dans le voisinage d’une autre Thymbra, sur le Méandre, se trouvait un lieu appelé ίερά κώμη, célèbre par un temple et un oracle consacrés à Apollon, dont le prophète s’exprimait en vers[69]. L’existence d’un oracle à Grinion, près de Smyrne, est aussi attestée formellement[70]. — A Séleucia, en Cilicie, Apollon Sarpédonien[71] avait un oracle, et sa sœur Artémis, honorée aussi sous le surnom de Sarpédonienne, prédisait l’avenir par la bouche de devins inspirés[72]. Enfin la ville cilicienne de thalles possédait vraisemblablement un oracle, interprète d’Apollon[73]. — En Lycie, près de Cyanée, un oracle d’Apollon Thyrxeus rendait ses réponses à l’aide d’une source, sur laquelle on tenait les yeux fixés. Les objets que l’on y voyait représentés étaient chargés de résoudre les doutes[74] ; mais était-ce le prêtre qui, à la suite de certaines opérations mystérieuses, regardait la source, ou le consultant lui-même ? on ne le dit pas. Plus connu est l’oracle de Patara[75] : La prêtresse ou la prophétesse (ή πρόμαντις τοΰ θεοΰ) s’enfermait la nuit dans le temple, où le Dieu la visitait et lui dictait ses réponses[76]. L’oracle de Patara existait encore au temps du grammairien Servius, c’est-à-dire au commencement du Ve siècle ; la prophétesse n’était pas toujours sur les lieux, ce qui tenait peut-être à la croyance que le Dieu ne visitait son temple que passagèrement, durant les mois d’hiver ; en son absence l’oracle chômait[77]. On pensait en effet qu’Apollon passait de préférence l’été dans l’île où il avait reçu le jour. Il ne pouvait manquer d’y avoir un oracle à Délos, mais les historiens n’en font mention que très rarement, et il faut bien en conclure qu’il le cédait à beaucoup d’autres en importance et en crédit[78].

Parmi les oracles qui prédisaient l’avenir par les signes, le plus considérable est celui de Zeus, à Dodone, en Épire. Homère est le premier qui en rende témoignage : Zeus, s’écrie Achille, toi qui veilles sur cette Dodone lointaine, empire des hivers, où veillent à l’entour tes Hypophètes, les Selles, qui ne purifient jamais leurs pieds et couchent sur la terre[79]... Mais où était située cette Dodone ? C’est une question qui, déjà douteuse dans l’antiquité, l’est encore pour les modernes[80]. Quelques critiques la plaçaient en Thessalie, aux environs de la patrie d’Achille, et voulaient qu’elle fût la métropole de celle qui fleurit plus tard en Épire. Le Catalogue des vaisseaux mentionne en effet une Dodone thessalienne, mais comme d’ailleurs aucun document ne constate en Thessalie l’existence d’une localité ainsi nommée, et comme le Catalogue, interpolé et remanié par les rhapsodes sous des influences diverses, jouit d’une autorité médiocre, il n’y a pas lieu de rejeter de prime abord l’hypothèse d’après laquelle Achille aurait eu en vue la Dodone d’Épire. C’est évidemment de celle-ci qu’il est question dans l’Odyssée, à l’endroit où le poète raconte qu’Ulysse s’est rendu à Dodone pour demander au Chêne touffu l’avis de Zeus sur son retour à Ithaque[81]. Il est très douteux que l’épithète χαμαιεΰναι, qui couchent sur le sol, appliquée par Homère aux Selles, doive donner, comme on l’a supposé, l’idée d’une divination tellurienne[82]. Il faudrait voir alors dans le Zeus dont ils sont les ύποφήται une divinité chthonienne, non le dieu du ciel qui plane dans l’Éther[83]. Tous les témoignages dignes de foi se bornent à parler de la divination à l’aide du Chêne sacré, dont les bruissements interprétés par les prophètes étaient l’expression de la volonté divine. Beaucoup ont pensé que les colombes qui nichaient dans l’arbre ou qui volaient autour, étaient pour quelque chose dans ces manifestations, mais c’est là une hypothèse qui ne peut supporter l’examen. Elle repose uniquement sur la double entente à laquelle se prête le mot πέλειαι ou πελειάδες, par lequel on désignait les colombes à cause de leur couleur[84], car πελειός signifie gris. C’est pourquoi les vieillards, hommes et femmes, s’appelaient dans plusieurs contrées πελειοί et πελειαί[85], ou, en modifiant l’accent, πέλειοι, pourquoi aussi ce nom fut attribué aux prêtresses de Dodone, en raison de leur fige. Cette homonymie entre les femmes et les colombes fit naître chez des esprits trop ingénieux l’idée que les prêtresses étaient ainsi désignées en souvenir des colombes qui, dans une antiquité reculée, auraient fait à Dodone fonction d’oiseaux prophétiques[86]. Ce qui est acquis au moins, c’est que, durant les temps historiques ; il n’est plus question de colombes prédisant l’avenir[87]. Une autre hypothèse, d’après laquelle les femmes qui, du vivant d’Hérodote étaient au nombre de trois[88], auraient succédé aux hommes, seuls investis à l’origine des fonctions de prophètes[89], est aussi pour moi fort douteuse. Elle n’a d’autre fondement que le passage d’Homère où il est question des Selles ; mais quand même il serait prouvé qu’il y eût eu jadis à Dodone des hypophètes males, il n’en résulterait nullement que les femmes eussent été exclues de ce sacerdoce. Elles pouvaient, aussi bien que les prophètes de Delphes, transmettre aux intéressés les oracles rendus par la prêtresse. Plus tard, lorsque la présence des femmes ne peut plus être contestée, il n’est pas douteux qu’il n’y eût encore auprès d’elles des hommes faisant l’office de devins, et nous savons par Éphore[90] que, d’après une ancienne coutume, lorsque des Béotiens interrogeaient l’oracle, des hommes devaient seuls leur répondre, règle qui, selon l’usage en pareil cas, fut justifiée plus tard par une légende. Pour comprendre les signes que le dieu donnait par le murmure du Chêne sacré, il était besoin d’un don spécial, d’un esprit ouvert aux révélations divines. Cela résulte clairement de ce fait que les Péléiades de Dodone sont assimilées aux Sibylles et à la Pythie delphique[91]. Ainsi, l’oracle de Dodone prédisait bien l’avenir parles signes, comme cela est dit formellement[92], mais il se distinguait des autres oracles de même nature, en ce que ces signes ne pouvaient être interprétés qu’en vertu d’une inspiration divine. Pour amener cet état, certaines préparations sans doute étaient nécessaires ; toutefois ici les renseignements nous manquent. Nous ne savons seulement qu’il existait une source miraculeuse, appelée la source de Zeus, qui, malgré sa basse température et tout en éteignant les torches que l’on y plongeait, avait la propriété de les rallumer, si on les en approchait éteintes[93] ; peut-être avait-elle une vertu enivrante, et la prêtresse en buvait-elle avant de rendre ses oracles. Un ancien grammairien signale aussi au pied du Chêne une source dont la Péléiade interprétait les murmures[94]. Les deux sources pouvaient bien n’en faire qu’une ; nulle part ailleurs il n’est dit que les prédictions de la prêtresse se soient réglées sur le bruit de l’eau.

Outre la prédiction par le Chêne sacré, l’existence à Dodone d’une sorte de cléromancie nous est révélée par un témoignage très digne de foi, bien qu’il soit unique[95]. La manière de procéder paraît avoir été celle-ci : les consultants apportaient dans un endroit déterminé, sans doute sur un autel, un vase renfermant les sorts. On faisait des prières et on offrait des sacrifices, après quoi les sorts étaient tirés ; on ne sait s’ils l’étaient par un prêtre ou par les intéressés eux-mêmes ; il paraît qu’en tout cas le sens en était fixé par la prêtresse. Il est souvent fait allusion, chez les anciens, au bassin d’airain de Dodone. Ce bassin était un ex-voto offert au dieu par les Corcyréens. Au-dessus, était la statue d’un jeune garçon tenant à la main un fouet formé de trois chaînes, auxquelles étaient suspendus des dés (άστράγαλοι). Ces dés, agités par le vent, frappaient le bassin et en faisaient sortir des sons[96]. Il paraît bien en effet que le son fut utilisé, du moins à une époque relativement récente, pour la prédiction de l’avenir[97], mais les expressions d’airain ou de bassin de Dodone ne sont employées chez les écrivains plus anciens que dans un sens proverbial, pour désigner les bavards qui ne pouvaient se résigner à se taire.

Bien que l’oracle de Dodone ne pût, pour la considération, rivaliser avec celui de Delphes, il n’était pas seulement consulté par les habitants des environs ou par de simples particuliers ; on y venait de loin, et les États y envoyaient des députations. Nous le savons pertinemment pour Athènes et pour Sparte[98] ; Crésus le fit aussi interroger. Au temps de Strabon, il était, comme tous les autres oracles, frappé de discrédit ; cependant Pausanias constate encore son existence, et il paraît n’avoir disparu qu’au milieu du IVe siècle[99].

Il a été question plus haut de l’oracle de Bura, qui, au nom d’Héraklès, dévoilait l’avenir à l’aide de coups de dés, et nous avons fait remarquer rapidement que ce mode de divination fut aussi en usage à Delphes. Il est certain cependant qu’il n’y fut jamais exercé sous l’autorité d’Apollon ; de semblables pratiques étaient étrangères au dieu Pythien. D’après l’hymne homérique, Apollon avait cédé ce procédé à Hermès[100] ; mais comme les hommes y avaient souvent recours et s’y fiaient autant et plus qu’aux réponses de la Pythie, il demanda à Zeus que tout caractère de véracité fût enlevé à la divination par les sorts, θρΐαι[101]. Si donc les prêtres de Delphes eurent recours aux θρΐαι, si même, ainsi qu’on le rapporte[102], le vase qui les contenait fut placé sur le trépied de la Pythie, cela ne put se faire que pour céder aux instances des consultants, lorsque la Pythie était muette, et contrairement à la volonté du Dieu. On a bien prétendu que la Pythie, même au milieu de ses emportements prophétiques, ne dédaignait pas de recourir aux θρΐαι ; nous nous permettrons d’en douter. La vérité est qu’en tous pays les cléromanciens exerçaient de préférence leur industrie dans le voisinage et sous les vestibules des temples, afin de se donner aux yeux de la foule l’apparence d’une consécration divine.

Dans certains sanctuaires, une autre espèce de divination par les signes, la Hiéroscopie, n’était pas seulement pratiquée sous la forme ordinaire, c’est-à-dire que l’on ne se bornait pas à se renseigner, d’après les signes fournis par les sacrifices, sur l’issue heureuse ou funeste d’une entreprise, mais que l’on sollicitait aussi des révélations sur des événements auxquels on ne prenait pas directement part. Il en était ainsi à Olympie où, sur l’autel mantique de Zeus, suivant une expression de Pindare[103], les Iamides, famille indigène attachée depuis longtemps au service du Dieu, avaient la réputation de découvrir dans les signes plus de choses qu’il n’était donné aux autres d’en voir. Pindare les appelle des devins ayant mission de démêler dans les signes des sacrifices les pensées secrètes de Zeus qui lance la foudre[104]. D’autres témoignages nous apprennent qu’ils ne tenaient pas compte seulement des indices fournis par les entrailles des victimes ; ils examinaient aussi les peaux découpées en lanières et les débris consumés sur l’autel[105]. Il était naturel que les Iamides fussent surtout interrogés par les étrangers qu’attirait à Olympie la célébration des jeux, en particulier par les rivaux et parleurs parents, désireux de savoir à l’avance s’ils pouvaient compter sur la victoire[106] ; mais l’oracle d’Olympie était aussi consulté par les États, entre lesquels Sparte est spécialement désignée, par exemple lorsque les Éphores avaient constaté un signe révélant que leurs rois étaient en butte à la colère céleste, et les avaient, pour ce motif, suspendus de leurs fonctions jusqu’à plus ample informé[107]. Le roi Agésipolis s’adressa également aux devins d’Olympie, afin de savoir s’il pouvait en conscience refuser l’armistice que les Argiens réclamaient pour célébrer une fête[108]. — L’examen des victimes était aussi pratiqué à Delphes, sous la garantie du sanctuaire[109] ; nous avons vu même que certains témoignages attribuaient à Delphos l’invention de la Hiéroscopie. Ce Delphos était un fils de Poseidon, du dieu qui, avant Apollon, avait été le maître de l’oracle, en commun avec Gaea, et avait plus tard conservé en ce lieu son autel et son culte. Les interprètes chargés à Delphes d’observer les signes des sacrifices et qui exerçaient ce que l’on appelait spécialement l’Empyromancie, portaient le nom de πυρκόοι[110], et leur éponyme Pyrkon est désigné comme un serviteur de Poseidon[111]. Les prêtres pratiquaient aussi la Hiéroscopie et l’Empyromancie à Thèbes, sur l’autel d’Apollon Isménien[112].

Parmi les oracles appliqués à l’interprétation des songes, il convient de mentionner d’abord ceux d’Asklépios, dans les sanctuaires duquel les malades obtenaient, par l’incubation (έγκοίμησις), la révélation des remèdes qui devaient leur rendre la santé. Plusieurs contrées en possédaient de tels[113] : le plus célèbre était celui d’Épidaure, en Argolide, dont le péribolos, agrandi tout exprès, était rempli de constructions pour le service des malades, et où des colonnes et des tables portant leurs noms, avec indication des maux dont ils avaient souffert et des traitements qui les avaient guéris, attestaient la puissance bienfaisante du Dieu[114]. Des temples semblables existaient à Trikka, en Thessalie, et dans l’île de Cos, patrie d’Hippocrate, qui dut puiser dans ces documents une grande partie de ses notions médicales. Comme preuve de l’antique célébrité à laquelle était parvenu l’établissement de Trikka, on peut citer cette circonstance que, dans l’Iliade, deux Asclépiades, Polidarius et Machaon, sont signalés comme les souverains de cette ville[115]. C’est sur le même modèle, que, fut plus tard organisé le temple d’Asclépios à Gérénia, en Messénie[116]. Il existait aussi en Messénie une autre Trikka, qui disputait à celle de Thessalie l’honneur d’être le séjour d’Asclépios[117]. La Messénie et la Laconie étaient particulièrement riches en sanctuaires de ce dieu, mais il y en avait aussi à Pellène en Achaïe, à Corinthe, à Phliunte, à Argos, à Tilana près de Sicyone[118], et dans Athènes, où Aristophane nous le montre redonnant la vue à Plutus[119]. Le plus renommé, après le temple d’Épidaure, était celui de Pergame, dans l’Asie-Mineure, qui n’en était qu’une colonie ou une succursale, mais qui fut magnifiquement enrichi et agrandi sous la domination des Attalides[120]. La raison de leur destination, tous les sanctuaires d’Asclépios étaient situés dans des lieus que rendait propre à cet usage la salubrité de l’air et des eaux[121]. Les prêtres étaient versés dans la médecine. Ils fixaient aux malades un régime, leur ordonnaient des bains, des frictions, des purgations, les mettaient à la diète[122], et à la suite de sacrifices et de prières, les faisaient coucher dans le temple, jusqu’à ce qu’un songe leur apportât les révélations divines[123], car il était bien rare que les malades ne rêvassent pas, après les opérations préparatoires par lesquelles ils avaient passé. Au réveil, on racontait les songes aux prêtres chargés de les interpréter et de régler d’après ces indications le traitement ultérieur[124]. Sans doute, les prescriptions dépendaient moins des songes que des symptômes observés par les prêtres versés dans l’art de guérir ; ces visions pouvaient cependant avoir une influence bienfaisante, grâce à la confiance qu’elles inspiraient et qui suffit souvent pour amener la guérison. Ce n’était pas seulement dans les temples d’Asclépios que l’on faisait servir les songes au traitement des malades ; d’autres dieux témoignèrent de la même façon leur bienveillance pour les hommes. Chez les Amphicléens de la Phocide, Dionysos faisait aussi servir les songes à la guérison des populations voisines[125], et en Lydie, entre Tralles et Nysa, il existait un sanctuaire de Pluton, oit ce n’était pas le malade, mais les prêtres qui devaient dormir et rêver[126]. L’oracle d’Amphiaraüs, le héros mythique d’Argos, issu du fameux devin Mélampus, ne se bornait pas à des ordonnances médicales et fournissait des consultations sur divers sujets. Amphiaraüs avait suivi les sept chefs devant Thèbes et avait été englouti sous terre, après la défaite des siens. On lui rendait des honneurs héroïques dans plusieurs localités, mais son sanctuaire le plus renommé était celui d’Oropos, sur les confins de l’Attique et de la Béotie, ce qui amena des conflits entre les deux peuples ; généralement il fut rattaché à l’Attique. Il était situé à douze stades de la ville, sur l’emplacement même où Amphiaraüs avait disparu[127] ; près delà était une source qui portait son nom. Avant d’interroger l’oracle, on était tenu de se soumettre à des purifications et d’offrir des sacrifices, non seulement à Amphiaraüs, mais à plusieurs divinités réunies dans différents compartiments de son autel : à Héraklès, Zeus, Apollon Pæon, à des héros et des héroïnes qui ne sont pas même désignés par leurs noms, à Hestia, Hermès, Amphilochus, fils d’Amphiaraüs, Aphrodite, aux divinités médicales Panacée, Jaso, Hygie. Athéna Pæonia participait aux mêmes honneurs, ainsi que les Nymphes, Pan et les divinités fluviales Achéloüs et Céphisus. Les consultants, devaient, en outre, s’abstenir trois jours de vin, avant d’être admis à l’incubation, et sacrifier en particulier à Amphiaraüs un sanglier, sur la peau duquel ils se couchaient dans le temple, en attendant les révélations des songes[128]. Ceux qui étaient venus chercher la santé, puisque l’oracle n’était pas seulement visité par des malades, étaient tenus, une fois guéris, de jeter une pièce d’or et une pièce d’argent dans la source, où aucun autre objet né devait être déposé et dont on ne pouvait employer l’eau ni pour les purifications ni même pour se laver les mains, On vient de voir que des questions étrangères à la santé pouvaient être soumises à l’oracle ; cela ressort d’une circonstance qui confirme en outre le crédit dont il jouissait, .à savoir qu’il fut un de ceux à qui Crésus envoya des ambassadeurs. Mardonius le fit également interroger[129], et un discours d’Hypéride, récemment découvert, nous apprend qu’au sujet d’un terrain dépendant du temple, et dont la propriété était contestée, le peuple athénien donna mission à Euxénippus d’aller dormir dans le sanctuaire d’Amphiaraüs et d’y attendre ce qu’en décideraient les songes[130]. Les Thébains, en souvenir de la haine dont ils avaient poursuivi Amphiaraüs, n’étaient pas admis à l’incubation, non plus que les barbares et les esclaves. On ignore si ce procédé de divination était aussi en usage dans ses autres temples, mais on sait que l’incubation était pratiquée en Laconie, dans le sanctuaire d’une déesse connue sous le nom de Pasiphaé, dont la filiation a donné matière à des divergences ; quelques-uns, eu effet, la considéraient, comme la fille d’Atlas, d’autres lui donnaient pour père Amylclas, d’autres encore l’identifiaient avec la Troyenne Cassandre ; mais, pour le plus grand nombre, elle n’était autre qu’Ino, fille de Cadmus[131]. Le temple de Pasiphaé était situé à Thalamae, sur la côte occidentale de la Laconie, et fréquemment les Éphores de Sparte s’y rendaient pour s’éclairer sur l’avenir, en dormant[132]. L’oracle de la Nuit, à Mégare, sur lequel nous ne possédons pas plus de renseignements, prédisait sans cloute aussi l’avenir par les songes, de même que celui de Gæa, dans Olympie[133]. La Nuit est, d’après Hésiode, la mère du Sommeil et des Rêves, et la déesse Brizo, qui avait, à Délos, un oracle consulté en particulier sur les chances de la navigation et de la pêche, n’est autre que la Nuit sous une forme différente[134]. Sans doute, il y avait en Grèce beaucoup d’autres oracles semblables, dont les noms ne nous sont pas parvenus[135] ; mais il en existait aussi hors de la Grèce, qui étaient célèbres, même chez les Grecs. Tel était l’oracle de Mallos, en Cilicie, qui, suivant leurs poètes, avait été fondé par Mopsus, petit-fils de Tirésias, et par Amphilocus, fils d’Amphiaraüs[136]. Calchas avait aussi un sanctuaire en Apulie, sur une colline appelée Drion. Les consultants lui immolaient un bélier noir et s’étendaient, pour dormir, sur la peau de la victime. Dans la même contrée, sur les bords de la rivière Althænos, dont les eaux étaient réputées pour les maladies des bestiaux, était situé un autre héroon, où l’Asclépiade Podalirius prononçait des oracles[137]. — Les Telmissiens, dont il a été question plus haut, étaient célèbres comme devins en général et comme interprètes des songes, mais nulle part il n’y a trace d’oracles rendus dans leur voisinage.

L’oracle de Trophonius, près de Lébadée, en Béotie, avait un caractère tout particulier. Le temple était situé dans un bois sacré, près d’un Téménos enfermant un autre sanctuaire consacré au bon génie (Άγαθοδαίμων) et à la bonne fortune (Άγαθή τύχη). Au temple de Trophonius se rattachaient des bâtiments où les clients devaient passer un certain nombre de jours à se baigner dans la rivière d’Hercyna, qui coulait en ce lieu, et à pratiquer différentes purifications. Leur nourriture, pendant ce temps, consistait en viandes provenant des sacrifices que l’on devait offrir, non seulement à Trophonius et à ses fils, mais à Apollon, à Kronos, à Zeus, à Héra Hénioché et à Déméter Luropé, mère-nourrice de Trophonius. A chacun de ces sacrifices assistait un devin, qui consultait les entrailles de la victime, pour voir si Trophonius était disposé à recevoir le visiteur. Le sacrifice accompli dans la nuit qui précédait la consultation était seul décisif ; s’il donnait des signés défavorables, les autres étaient non avenus. La victime était un bélier, que l’on immolait dans une fosse, en invoquant Agamède, frère de Trophonius. Agamède et Trophonius sont évidemment les personnifications de l’esprit chthonien, le dernier représentant, ainsi que son nom l’indique manifestement, la fécondité nourricière du sol, l’autre la puissance souveraine et par cela même divinatrice de la Terre[138]. Lorsque les signes s’étaient montrés propices, le consultant était mené à la rivière Hercyna, où il était baigné et frotté d’huile par deux garçons âgés environ de treize ans, nés de père et mère jouissant des droits de cité à Lébadée, et qui, dans l’exercice de ces fonctions ; étaient appelés Hermès. Après le bain, on était conduit à deux autres fontaines, coulant l’une près de l’autre : à la première ; appelée la fontaine de l’Oubli (λήθη), afin d’oublier tout ce dont on avait eu l’esprit occupé jusque-là, à la seconde, appelée la fontaine du Souvenir (μνημοσύνη), pour retenir ce que l’on devait voir bientôt après dans le sanctuaire. On était admis ensuite à contempler une statue d’une haute antiquité, œuvre présumée de Dédale, que les prêtres laissaient voir uniquement aux pèlerins résolus à descendre dans l’antre de Trophonius. Devant cette statue, le consultant faisait sa prière, puis, revêtu d’une tunique de lin et ceint par-dessus de bandelettes, chaussé d’une manière particulière au pays, il était conduit au siège de l’oracle, situé sur une hauteur dominant le bois sacré. La plate-forme était entourée d’un mur circulaire en pierres blanches et avait la dimension d’une petite aire à battre le blé[139]. La hauteur du parapet n’atteignait pas tout à fait deux coudées, ou un mètre. Sur ce mur étaient fixés des piquets dé cuivre, reliés entre eux par des traverses de même métal. C’est dans cette grille qu’étaient ménagées les portes. Au dedans de l’enceinte se trouvait une ouverture pratiquée de main d’homme (χάομα γής), et ayant l’aspect d’un four à cuire le pain, dont le diamètre était environ de quatre coudées (πήχεις) et la profondeur de huit. On descendait dans cette ouverture à l’aide d’une échelle étroite et légère ; au bas, sur l’un des côtés, entre le sol et la maçonnerie, on rencontrait une autre ouverture, large environ de deux spithames, ou d’un demi-mètre, et haute d’une spithame seulement. On se couchait alors à t’erre, en tenant à la main des gâteaux pétris avec du miel, et l’on avait à peine avancé les pieds dans le trou que tout le corps était entraîné par une force comparable à celle d’un tourbillon. C’est seulement à l’intérieur de cet adyton souterrain que l’avenir était dévoilé, et non pas à tous de la même manière. Les uns voyaient de leurs yeux ce qui devait leur arriver, les autres entendaient une voix. Les gâteaux de miel servaient à apaiser les animaux de toute espèce, les serpents et les monstres à figure de démon qui entouraient et menaçaient les visiteurs. Enfin, on se retirait par le même chemin, toujours les pieds devant. Au retour, les prêtres s’emparaient de nouveau des fidèles, les faisaient asseoir sur le siège de Mnémosyne, près de l’adyton, leur faisaient répéter ce qu’ils avaient vu et entendu, et les remettaient, épouvantés, presque sans connaissance, aux mains de ceux qui les avaient accompagnés, pour être reportés dans l’édifice consacré à Agathodémon et à Tyché. Tel est le récit de Pausanias[140], qui ne fait que raconter ce dont lui-même avait été témoin, car il avait visité l’oracle et était descendu dans l’antre. D’autres descriptions diffèrent sur quelques points de la sienne, mais en confirment les parties essentielles[141]. Il est facile de reconnaître dans ces épreuves préparatoires des manœuvres combinées par les prêtres pour mettre les patients hors d’état de s’expliquer les apparitions qui devaient les frapper de stupeur, dans le sanctuaire souterrain. De quelle nature étaient ces phénomènes, par quels moyens étaient-ils mis en jeu ? Naturellement, nous ne pouvons le dire[142]. Des critiques modernes ont pensé que les consultants étaient plongés dans une sorte de somnambulisme, mais aucun témoignage ancien ne semble confirmer cette hypothèse. Toutes les précautions étaient prises pour que l’adyton ne fût accessible qu’aux croyants et à ceux dont on n’avait pas à craindre qu’ils y regardassent de trop près. Si un témoin importun se pré ; sentait, il était facilement écarté par des signes défavorables, et en admettant qu’il forçat les barrières, il y avait toujours moyen de s’en débarrasser. C’est ce qui advint à mi soldat de Démétrius dont, quelque temps après, on retrouva le cadavre à une certaine distance. La preuve que l’oracle de Trophonius était en crédit au temps de la seconde guerre médique, c’est que Mardonius l’envoya consulter[143]. Les Thébains y recoururent aussi avant la bataille de Leuctres, et reçurent, à ce qu’il paraît, de Trophonius une réponse en vers[144] ; on ne dit pas si elle fut verbale ou écrite. Suivant l’opinion judicieuse de Diodore, cette consultation fut une ruse d’Épaminondas, pour rassurer ses soldats[145]. Il est inadmissible qu’Épaminondas ou plus généralement un personnage quelconque, imbu des idées qui s’étaient déjà fait jour de son temps, ait pu ajouter foi à l’oracle, mais la foule était superstitieuse, et Trophonius était toujours en crédit auprès d’elle. Au temps de Plutarque, tous les autres oracles de la Béotie, qui en possédait tant autrefois, étaient devenus muets. Seul Trophonius était encore consulté, et il en fut ainsi jusqu’à Tertullien[146]. Peut-être même la ville de Lébadée dut-elle à l’oracle, dont elle était proche, de compter plus tard parmi les localités les plus importantes de la Béotie et d’étendre son nom, d’abord à la contrée puis finalement à toute la Grèce centrale (Livadia).

La troisième classe d’oracles comprenait ceux qui exerçaient la divination par les morts, en d’autres termes, qui évoquaient les ombres, pour en obtenir la connaissance de l’avenir (νεκρομαντεΐα, ψυχομαντεΐα ou ψυχοπομπεΐα). Nous avons déjà vu, dans l’Odyssée, trace de ces opérations magiques[147]. Ulysse, à l’entrée de l’empire des morts, appelle, au milieu des sacrifices et des libations, l’âme de Tirésias, pour apprendre de lui les secrets du destin. Nous savons, en outre, que Tirésias avait eu déjà autrefois un oracle en Béotie, probablement dans le voisinage d’Haliarte, près de la fontaine Tilphusa, où il était mort, disait-on, et où l’on montrait encore son tombeau à Pausanias[148]. L’oracle alors avait perdu la parole, ce que Plutarque attribue à la disparition des vapeurs miraculeuses qui s’exhalaient autrefois du sol[149], d’où il résulterait que ceux qui le consultaient étaient dupes d’hallucinations que les physiologistes expliquaient par des émanations souterraines, et les croyants par les suggestions de Tirésias. Il est vraisemblable que cet état pathologique était produit par des fantômes entrevus en songe, et que l’incubation jouait un rôle dans ces sorcelleries. L’oracle de Trophonius n’aurait donc pas différé essentiellement de tous ceux qui prédisaient l’avenir par les songes, en particulier des oracles de son petit-fils Mopsus, à Mallos, et d’Amphiaraüs, à Oropos. Il est tout naturel qu’Homère, en le supposant même au courant des pratiques de Tirésias, n’ait pas fait passer Ulysse par l’incubation et les visions du rêve, puisque ces opérations ne pouvaient s’accomplir que dans le sanctuaire et sur le tombeau du devin. Or, Ulysse n’avait pas cette ressource ; il ne pouvait que se rendre à l’entrée du royaume des morts où il devait rencontrer et interroger l’âme de Tirésias. Il est hors de doute que l’incubation fut un procédé habituel aux oracles qui exerçaient la divination par les morts[150]. Cela ne veut pas dire, néanmoins, que tous sans exception y eussent recours ; il y avait des cas où, même à l’état de veille, une âme, je ne dis pas celle de tel ou tel prophète mythologique, mais une âme quelconque, pouvait être mise en demeure de répondre aux questions qu’on lui posait[151]. C’est ainsi que les choses se passaient à Cume, dans la basse Italie, sur les bords du lac Averne. Ce lac, d’après la description de Strabon, était enfermé entre des rivages escarpés et couverts de forêts, dont l’aspect était propre à jeter dans les esprits une terreur religieuse. On parlait de vapeurs pestilentielles qui s’élevaient des eaux et frappaient de mort les oiseaux qui volaient au-dessus ; c’est ce qui avait donné l’idée de placer près de là l’entrée des enfers. On ne s’embarquait pas sur le lac Averne sans avoir préalablement tenté d’apaiser les divinités souterraines par des sacrifices que dirigeaient des prêtres préposés à l’oracle. Les prières, les libations et les sacrifices accomplis, on évoquait l’âme que l’on voulait voir face à face. Elle apparaissait sous une forme vague et vaporeuse, mais avait cependant l’usage de la parole, et pouvait répondre aux questions qui lui étaient posées. Du temps de Strabon, l’oracle de Cume avait disparu ; Éphore toutefois signale encore son existence[152]. Cet oracle avait été institué probablement sur le modèle du Psychomanteion de Thesprotie, situé près de Kichyros, l’ancienne Éphyra. On rendait à Hadès, dans cette contrée, un culte tel qu’il n’en avait pas d’autre dans toute la Grèce[153]. C’est là que se trouvaient le lac Aornos ou Achérousios et deux fleuves nommés, comme ceux des enfers, l’Achéron et le Cocyte[154]. L’oracle de Cume nous est surtout connu par le passage où Hérodote raconte que Périandre y envoya des ambassadeurs pour évoquer l’ombre de Métissa, laquelle apparut en effet et rendit réponse aux messagers[155]. — Un troisième oracle exploitait aussi les morts à Héraclée, sur le Pont, dans le pays des Bithyniens. Le général spartiate, Pausanias, s’y rendit un jour, pour apaiser le ressentiment d’une jeune Byzantine tuée par lui, et se délivrer des terreurs que lui causait son fantôme. Elle lui dit qu’il verrait la fin de ses maux, dès qu’il serait rentré à Lacédémone, prédiction qui se réalisa, en ce sens qu’à peine de retour il fut mis à mort dans cette gille, en punition des intelligences qu’il avait nouées avec les Perses[156]. Il avait consulté auparavant des psychagogues, à Phigalie, en Arcadie[157], d’où l’on peut inférer qu’il existait dans cette ville un Psychopompéion, bien qu’il n’en soit pas fait mention. Nous savons, d’une manière certaine, qu’il y en avait un en Laconie, sur le cap Ténare, près d’une grotte qui était supposée aussi donner accès dans les enfers[158]. D’autres portes s’ouvraient encore dans le monde souterrain, près d’Hermioné et de Trézène, dans le Péloponnèse, et près de Coronée, en Béotie, où rien n’indique l’existence d’oracles faisant parler les morts[159]. Mais çà et là ou rencontrait des charlatans, dont la profession était d’évoquer les ombres pour leur compte, sans relever d’aucun sanctuaire reconnu, et qui se vantaient de les faire comparaître partout où l’on acceptait leurs services, non pas seulement dans tel ou tel lieu consacré. Après que Pausanias fut mort de faim dans le temple d’Athéna Chalkiækos, son fantôme errait dans les environs et frappait d’épouvante tous ceux qui s’approchaient de ces lieus, si bien que les Spartiates appelèrent d’Italie ou, ce qui est plus vraisemblable, de Thessalie, des exorcistes pour les en délivrer[160]. La Thessalie était la contrée de la Grèce où la sorcellerie était le plus florissante. Cette fantasmagorie grossière n’avait rien de commun avec la religion. Elle ne pouvait être considérée et ne l’était, en effet, par les esprits éclairés, que comme une aberration et une dépravation du sens religieux. Nous n’en devons pas moins lui consacrer quelques pages.

 

 

 



[1] Χρήσθαι τώ θεώ. Par suite on disait du dieu : ό θεός χρά. Chez Homère, le verbe est souvent employé dans ce sens, mais on ne trouve ni χρησμός ni χρηστήριον. Les premiers exemples de ce dernier mot se trouvent dans un fragment des Eoées d’Hésiode, cité par le scholiaste de Sophocle (Trachiniennes, v. 1174, n° 80 de l’édition de Gœttling), et dans les Hymnes homériques à Apollon de Délos (v. 81), à Apollon Pythien (v. 36) et passim.

[2] Scholiaste de Thucydide, II, c. 8. Il est reconnu que l’assertion du scholiaste : λόγιά έστι τά παρά τοΰ θεοΰ λεγόμενα καταλογάδην, χρήσμοι δέ χρηστήριον, est sans fondement. Voy. les remarques de Poppo sur un autre passage de Thucydide, III, c. 2, p. 37.

[3] Hérodote, I, c. 46.

[4] Il est à peine nécessaire de remarquer que ce travail sur les oracles n’a pas la prétention d’être complet. En admettant qu’une pareille tâche fût possible, elle serait sans utilité. Il y a eu beaucoup d’oracles dont nous ne connaissons que le fait de leur existence en tel ou tel lieu. Nous en citerons ici quelques-uns, parmi lesquels il y en a que l’on ne sait pas même dans quelle catégorie ranger. Pausanias (IX, c. 24, § 3 et VII, c. 21, § 12), mentionne à Hyettos en Béotie et à Patræ deux oracles, l’un appartenant à Héraklès, l’autre à Déméter, qui rendaient la santé aux malades. Dans ce dernier, un miroir suspendu à une corde très fine était descendu à la surface d’une source. Après avoir prié et sacrifié à la déesse, on regardait le miroir qui représentait le malade vivant ou mort. Pausanias (II, c. 32, 5 6) parle encore d’un temple de Pan, à Trézène, où l’oracle révélait l’avenir par des songes. Le même dieu avait, au rapport du scholiaste de Théocrite (I, v. 121), un autre temple sur le mont Lycée en Arcadie. Il y a trace dans Strabon (VIII, p. 380) d’un oracle de Héra Akraia, près de Corinthe. Enfin nous trouvons encore dans Pausanias (IX, c. 22, § 7) la mention d’un oracle de Glaucus, à Anthédon, en Béotie, sur lequel on peut consulter un article de Leutsch, dans l’Encyclopédie der Wissenschaften und Kunste, I, 68, p. 208, et (V, c. 111, § 16) celle d’un oracle consacré à la déesse la Terre, qui était situé à Olympie. La prêtresse de la même déesse prédisait également l’avenir à Ægira, après avoir bu quelques gouttes de sang de taureau ; voy. Pline, Hist. natur., I. XXVIII, c. 9, p. 209, éd. Gronovius.

[5] Voy. Preller, Griech. Mythologie, t. I, p. 187 et 188.

[6] . Voy. Schœmann, Opusc. Academ., p. 344 ; Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 503.

[7] D’autres nommaient à sa place la déesse de la Nuit ; voy. le scholiaste de Pindare, dans l’Hypothesis des Pythiques. Euripide (Iphigénie en Tauride, v. 1259 et suiv. éd. Didot) parle d’un antique oracle par lequel la Terre annonçait l’avenir à l’aide des songes, qui provoqua de la part d’Apollon une protestation favorablement accueillie par Zeus. Voy. aussi Wolff, Ueber die Stiftüng des Delphischen Orakels, dans les Verhandl. der philolog. Versamml., Augsburg, 1862, p. 64.

[8] Æschyle, Euménides, v. 1 et suiv.

[9] Voy. Schœmann, dans ses notes sur les Euménides d’Æschyle, p. 163.

[10] Pausanias, X, c. 5, § 6, et c. 24, § 4. Voy. aussi Bæumlein, dans la Zeitschr. fur die Allerth. Wissenschaft, 1839, p. 1211.

[11] Pour ces détails et la plus grande partie de ce qui suit, il suffit de renvoyer à la 2e partie du substantiel mémoire de Preller sur Delphes, dans la Real-Encyclop. de Pauly.

[12] C’est pour cette raison que la Pythie est appelée par Pindare (Pythiques, IV, v. 7) χρυρέων αίητών πάρεδρος.

[13] Diodore, XVI, c. 26. Cet historien n’indique pas le temps où vécut Echékratès ; il se borne à dire : έν τοΐς νεωτέροις χρόνοις. Un passage d’Æschyle (Euménides, v. 38) et un autre d’Euripide (Ion, v. 1339) dans lesquels la Pythie est présentée comme une vieille femme, ne contredisent pas l’assertion de Diodore, puisqu’on peut supposer qu’elle avait vieilli dans l’exercice de ses fonctions.

[14] Plutarque, de defectu Oraculorum, c. 51, et de Pythiæ oraculis, c. 22.

[15] Voy. Hermann, Griech. Monatsk., p. 51.

[16] Plutarque, Quæst. græc., n° 9. Il faut cependant en excepter les mois d’hiver, άποδάμου Άπόλλωνος τυχόντος, suivant l’expression de Pindare (Pythiques, IV, 5). On croyait que le dieu allait passer cette saison chez les Hyperboréens. Voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 158.

[17] Plutarque, Alexandre, c. 14.

[18] Euripide, Jon, v. 421. Dans l’Hymne homérique à Hermès, v. 5110, il est question aussi d’auspices. De même, d’après un fragment d’Hésiode (n° 80 de l’édit. de Gœttling), on interrogeait l’oracle de Dodone δώρα φέρων σύν οίωνοίς άγαθοΐσιν. Cet usage doit avoir existé pour tous les anciens oracles.

[19] Plutarque, de defectu Oracul., c. 49.

[20] Plutarque, de Pythiæ orac., c. 6, mentionne des fumigations faites avec des feuilles de laurier et de la farine d’orge.

[21] Lucien, bis Accusatus, c. 1.

[22] Sur le trépied et sur l’holmos, voy. Wieseler, dans les Abhandl. der Gœtting. Gesellsch, der Wissensch., t. XV.

[23] Hérodote (VIII, c. 36) et Plutarque (de defectu Oracul., c. 51) parlent d’un seul prophète ; il peut se faire cependant qu’il y en ait eu plusieurs, car Ælien (de nat. Animal., X, c. 26) et Plutarque, dans un autre passage (Quæst. græcæ, n° 9), se servent du pluriel. Il n’y a rien à conclure d’un passage de l’Ion d’Euripide (v. 480) : Δελφών άριστεΐς οΰς έκλήρωσεν πάλος peuvent avoir trait aussi aux όσιοι, qui étaient tirés au sort parmi les familles privilégiées. Le prophète ou les prophètes devaient être désignés aussi par le sort, ainsi que le prouve, pour un prophète de l’Apollon de Didyme, une inscription de la période romaine publiée par Welcker (Sylloge Epigramm., n° 161) et par Bœckh (Corpus Inscript. græc., n° 2884, t. II, p. 564 ; cf. n° 2880). Le sort toutefois ne devait prononcer qu’entre des hommes reconnus d’avance propres à ces fonctions.

[24] Photius, s. v. ; Lexicon Seguer., p. 289., 98 ; Curtius, Anecdota delphica, p. 79 et suiv. ; cf. Hérodote, I, c. 54 ; Démosthène, Philippiques, III, p. 119, et de falsa Legat., p. 446 ; Plutarque, Périclès, c. 21.

[25] De là la question que fait Xouthos dans l’Ion d’Euripide : τίς προφητεύε θεοΰ ? Voy. Gœttling, Gesamm. Abhandl., t. II, p. 59.

[26] Voy. Ulrichs, Reisen und Forsch., t. I, p. 81 ; mais voyez aussi Wieseler, dans les Jahrb. für Philol., t. LXXV, p. 689.

[27] Voy. Wolff, dans ses Notes sur Porphyre, p. 89 et suiv. Hérodote (I, c. 174) cite un oracle en vers iambiques remontant au temps de Cyrus.

[28] De defectu Oracul., c. 51.

[29] Les assertions telles que celles d’Hérodote (I, c. 47 et 65, V, c. 92, et VII, c. 141) d’après lesquelles la Pythie aurait, dès l’entrée des consultants dans le Mégaron, donné ses réponses en hexamètres réguliers ne doivent pas être prises à la lettre. Il est à peine besoin de remarquer que l’exposé d’Héliodore (Ethiopiques, II, c. 26, 27 et 35) ne mérite aucune confiance, mais évidemment Euripide, dans sa tragédie d’Ion, ne s’est pas non plus astreint à suivre l’ordre des opérations. Strabon (IX, p. 419) parle de poètes au service de l’oracle, qui étaient chargés de mettre en vers les réponses de la Pythie. Voy. aussi Plutarque, de Pythiæ orasulis, c. 25.

[30] C’est ce que donne à entendre l’Hymne homérique à Hermès, v. 543-549.

[31] Pausanias, X, c. 10, § 7 ; Cicéron, de Divinat., I, c. 51. Il parait même qu’il y eut des exégètes officiellement institués auprès des oracles ; voy. Lucien, Alexandros, c. 23 et 49. Une inscription d’Olympie datant de la période romaine et recueillie par Beulé (Études sur le Péloponnèse, p. 263) nomme deux exégètes immédiatement après les devins, sans fournir aucun éclaircissement sur leurs fonctions. Pétersen (das heilige Recht der Griechen, p. 55) croit pouvoir, d’après Pausanias (I, c. 34, § 4), affirmer la présence d’un exégète auprès de l’oracle d’Amphiaraüs à Oropos ; mais Iophon de Knosos, nommé dans ce passage, était simplement un exégète, qui avait composé un écrit dans lequel il était question d’Amphiaraüs. Voy. les Notes de Ruhnkenius sur le Lexique de Timée, et Wolff, dans son édition de Porphyre, Prolegom., p. 44 ; cette rectification n’autorise pas d’ailleurs à contester l’existence d’exégètes attachés aux oracles, soit à Oropos, soit ailleurs.

[32] C’est, il est vrai, l’opinion de Lucien (Dialogues des dieux, XVI, 1) et de beaucoup de modernes, mais voyez en sens contraire Jacobs, vermischte Schriften, t. III, p. 356.

[33] Hérodote, I. V, c. 63.

[34] Hérodote, VI, c. 66. La Pythie fut déposée. Peut être était-elle innocente, et lui fit-on expier la faute des prêtres. Quoiqu’il en soit, deux conclusions semblent devoir être tirées des accusations dont elle fut victime : que l’on avait le moyen de s’entendre avec elle, avant qu’elle montât sur le trépied, et que les réponses achetées devaient être claires et intelligibles.

[35] Diodore, XIV, c. 13, et Plutarque, Lysandre, c. 25.

[36] Voy. en particulier l’ouvrage de Baltus dirigé contre van Dale et Fontenelle : Réponse à l’histoire des Oracles. Strasbourg, 1707, et suite de la Réponse, 1708. Le philosophe cynique Œnomaüs, contemporain d’Adrien, s’en prend aussi, dans ses attaques contre les oracles, dont Eusèbe a cité des extraits dans le Ve livre de la Préparation évangélique, non aux prêtres mais aux dieux eux-mêmes, Apollon et autres, bien qu’Eusèbe conclue en disant (c. 21) que, suivant les déclarations d’Œnomaüs, les réponses des oracles étaient des supercheries. Si tel était en effet le sentiment de ce philosophe, il aurait été mal exprimé dans les extraits que nous a conservés Eusèbe.

[37] On peut, sur ces questions, lire avec profit, dans le Philologus, t. X, 1, un mémoire de A. Schœll, Herodots Entwickelung und sein Beruf.

[38] Dion Cassius, LXIII, c. 111.

[39] Saint Julien, cité par Cyrille, VI, p. 198 c ; Cedrenus, t. I, p. 532, édit. de Bonn, où sont relatées les dernières paroles qui auraient été prononcées par l’oracle. Voy. aussi Wolff, de novissima Oracutorum ætate, Berolini, 1854, p. 9.

[40] Ces récits ont été recueillis d’une manière complète par Schœnborn, das Wesen des Apollon und die Verbreitung seines Dienstes, Berlin, 1854, mais je ne puis approuver les conclusions qu’il en tire.

[41] Pausanias (VII, c. 2, § 6) dit expressément que le sanctuaire des Branchides existait avant l’arrivée des Ioniens.

[42] Jamblique, de Mysteriis, III, c. 11.

[43] Hérodote, VI, c. 18 et 19.

[44] Strabon, XIV, p. 634, et XI, p. 518. Voy. aussi Urlichs, Anfænge der griech. Kunstgeschichte, t. I, p. 18, t. II, p. 6, et Brunn, dans les Sitzungsber. der Bayersch. Akademie der Wissench., 1871, p. 523.

[45] Wolff, de noviss. Oraculorum ætate, p. 11.

[46] Hérodote, VIII, c. 33.

[47] Pausanias, X, c. 35, § 2 et 3.

[48] Sur la richesse de la Béotie en oracles, qui a valu à cette contrée l’épithète poétique de πολύφωνος, voy. Plutarque, de defectu Oraculorum, c. 5.

[49] Hérodote, VIII, c. 135. Brunn (Sitzungsber. der Bayerschen Akad. der Wissensch., 1871, p. 528) suppose avec vraisemblance un lieu entre l’oracle du Ptoon et celui auquel étaient préposés les Branchides, en pays carien.

[50] Pausanias, IX, c. 23, § 6.

[51] Corpus Inscript. græc., n° 1625, v. 41 ; cf. Bœckh, Pindari fragm., p. 595.

[52] Plutarque, Pélopidas, c. 16 ; de defectu Oracul., c. 5.

[53] Étienne de Byzance, s. v.

[54] Pausanias, IX, c. 2, § 1.

[55] Pausanias, I. IX, c. 10, § 5 ; cf. Pindare cité par Strabon, IX, p. 413 ; de là vient que Tzetzès, dans ses Notes sur Lycophron (v. 1211), nomme cet oracle l’oracle de Ténéros.

[56] Hérodote, VIII, c.134. Peut-être le vers 1005 de l’Antigone de Sophocle a-t-il trait à cet usage.

[57] Cela résulte d’un passage de Plutarque (Lysandre, c. 29) et d’un autre de Diodore (XVII, c. 10).

[58] Pausanias, II, c. 24, § 1.

[59] Plutarque, Pyrrhus, c. 31.

[60] Strabon, X, p. 445.

[61] Étienne de Byzance, s. v. Κορώπη ; cf. le Schol. de Nicander (Theriaca, v. 614).

[62] Pausanias, VII, c. 3, § 1 ; schol. d’Apollonius de Rhodes, I, v. 308.

[63] Strabon, XIV, p. 642 ; cf. Wolff, de noviss. Oracul. ætate, p. 11 et 12.

[64] Le poète de Colophon, Nicander, était prêtre de l’Apollon de Claros, ainsi que s’exprime le scholiaste, au début des Theriaca ; voy. p. 67 de l’édition de Nicander donnée par Schneider, qui combat avec raison les doutes élevés à ce sujet.

[65] Tacite, Annales, II, c. 54.

[66] Pline, Hist. natur., II, c. 103, p. 111, éd. Gronovius.

[67] Strabon, XIII, p. 588.

[68] Klausen, Æneas und die Penaten, p. 185 et suiv.

[69] Tite-Live, XXXVIII, c. 13, § 1.

[70] Strabon, XIII, c. 3, § 5, p. 622 ; Étienne de Byzance, s. v.

[71] Zosime, Hist. nova, I, c. 57.

[72] Strabon, XIV, c. 5, § 19, p. 676.

[73] Strabon, XIV, c. 5, § 16, p. 675.

[74] Pausanias, VII, c. 21, § 13. Sur la ville de Cyanée, que certains critiques tels que Clausen (Encyclop. der Wissensch, und Künste, t. III, 4, p. 320), et C. F. Hermann (Gottesd. Alterthümer, § 40, 23) ont confondue avec les îles Cyanées, situées à l’entrée du Pont-Euxin, voy. Pline, Hist. natur., V, c. 27, p. 270 ; cf. Corpus Inscr. græc., t. III, n° 4288, et Letronne, dans le Journal des savants, 1825, p. 333. Welcker (Gœtterlehre, t. II, p. 339) croit pouvoir expliquer l’épithète de Thyrxeus comme désignant les formes élancées de la jeunesse.

[75] D’après Schœnborn (ueber das Wesen des Apollon, p. 25), Patara doit signifier le pays des interprètes. Voy. aussi Preller, Griech Mythologie, t. I, p. 160 et suiv.

[76] Hérodote, I, c. 182.

[77] Servius, ad Æneid., IV, v. 143.

[78] Lucien, bis Accusatus, c, 1 ; Servius, ibid., v. 141 ; Lucain, VI, v. 425 ; Virgile, Ænéide, III, v. 90 ; Théodoret, Hist. ecclés., III, c. 21. Voy. aussi Wolff, de noviss. Oracul. ætate, p. 17 et 18.

[79] Iliade, XVI, v. 233.

[80] Strabon, VII, p. 329 ; Étienne de Byzance, s. v. Δοδώνη ; voy. aussi Heyne, Excursus ad Iliad., t. VII, p. 283 et suiv. ; Usteri, dans les Vorlesungen ueber Ilias, de Wolf, 2e part. p. 157 ; Ritter, Vorhalte griech. Völkergesch., p. 381 ; Kruse, Hellas, t. I, p. 405 et 407 ; Clausen, Quæst. Herod., p. 20 ; Heuzey, le Mont Olympe, p. 60 ; H. D. Müller, Mythol. der griech. Stämme, p. 195 et 198 ; Gerlach, Dodona, Basel, 1859, p. 9 et 17 ; G. F. Unger, ueber die Annakme einer thessal. Dodona, dans le Philologus, t. XX, 4 ; Schenkl., ueber die Zeusrelig, Gräz, 1866 ; Th. Bergk, dans le Philologus, t. XXXII, 1, p. 126 ; on pourrait multiplier encore ces indications.

[81] Odyssée, XIV, v. 327, et XIX, v. 296.

[82] Eustathe, ad Iliad., XVI, v. 233.

[83] C’est aussi l’opinion de Welcker (Gœtterlehre, t. I, p. 201), mais il ajoute qu’en Épire on distinguait le Zeus céleste du Zeus chthonien, quand on les confondait encore en Thessalie.

[84] Aristote, Histor. Animal, V, c. 13.

[85] Hesychius, s. v.

[86] Hérodote (II, c. 57) donne une explication un peu différente : suivant lui, ces prêtresses étaient originaires d’Égypte et auraient reçu le nom de Colombes, parce qu’on avait cru trouver de la ressemblance entre leur langage étranger et le roucoulement de ces oiseaux ; il n’a pas entendu dire que les colombes fussent des oiseaux fatidiques. Stein, dans son Commentaire sur Hérodote, est d’avis que ce nom, appliqué aux prêtresses, n’a eu, à l’origine, qu’un sens symbolique ; comme ailleurs celui de μέλισσαι, et que la légende s’est formée plus tard.

[87] Il est clair que le vers 172 des Trachiniennes de Sophocle n’a rien à voir ici. Le poète rappelle l’oracle tel qu’il a dû être dans une haute antiquité, d’après la croyance dominante ; il en est de même d’un passage de Pausanias (VII, c. 21, § 2), quoique le mot πέλειαι y désigne réellement des colombes, ainsi que le déclare Welcker (ibid., t. I, p. 358), car l’événement dont parle Pausanias est aussi du domaine de la mythologie, μυθολογούμενον, Enfin, si Philostrate (Imagines, III, c. 33) parle d’une colombe, et si les médailles représentent cet oiseau perché sur un chêne, personne ne peut voir là un témoignage applicable aux temps historiques. Voy. H. F. Perthes, die Pelciaden zu Dodona, Moers, 1869, p. 33.

[88] Hérodote, II, c. 55 ; Strabon donne le même nombre.

[89] Strabon, VII, c. 7, § 12, p. 329.

[90] Strabon, IX, c. 2, § 4, p. 402 ; cf. Proclus, dans la Bibliothèque de Photius, p. 989, éd. Hœschel.

[91] Platon, Phèdre, p. 244 A ; Pausanias, X, c. 12, § 10.

[92] On lit dans Strabon (fragm. Vatic., VII, c. 1) : ού διά λόγων, άλλά διά τινων συμβόλων.

[93] Pline, Hist. natur., II, c. 103, p. 109 ; Pomponius Méla, II, c. 3, p. 49, éd. Gronovius ; Solin, Polyhistor, c.9.

[94] Servius, ad Æneid., III, v. 466.

[95] Cicéron, de Divinat., I, c. 34. L’événement mentionné dans ce passage avait précédé de très peu la bataille de Leuctres.

[96] Strabon, Excerpta Palat., VII, p. 329 (p. 274, éd. Didot). On peut voir, dans l’édition de Polémon par Preller, p. 57 et suiv., quelques détails un peu différents, qu’il est inutile de rapporter ici.

[97] C’est là peut-être ce qui a fait appeler les Selles, dans l’Hymne à Délos de Callimaque (v. 286), θεράποντες άσιγήτοιο λέβητος.

[98] Cicéron, de Divinat., I, c. 34 ; Plutarque, Apophlhegm. lacon., Agesilas, n° 10 ; Diodore, XV, c. 72 ; Xénophon, de Vectigalibus, § 6 ; Pausanias, VIII, c. 11 ; Démosthène, c. Midias, p. 531, de Corona, p. 310, et de falsa Legat., p. 437 ; Hypéride, p. Euxénippus, p. 11, éd. Schneidewin ; Dinarque, c. Démosthène, § 78 ; Plutarque, Phocion, c. 28.

[99] Voy. Wolff, de noviss. Oracul. ætate, p. 13.

[100] Hymne à Hermès, v. 552 et suiv.

[101] Zénobius, Proverbia, cent. V. n° 75 ; Etienne de Byzance, s. v. Θρία. Voy. aussi le passage d’Euripide (Iphigénie à Tauris, v. 1259 et suiv., M. Didot) cité déjà plus haut.

[102] Suidas, s. v. Πυθώ.

[103] Pindare, Olymp. VI, v. 6.

[104] Pindare, Olymp. VIII, v. 3.

[105] Schol. de Pindare, Olymp. VI, v. 111 et 419.

[106] Pausanias, VI, c. 3, § 2 ; Philostrate, Heroica, II, c. 6 ; Anthologie palat., XI, n° 163.

[107] On attendait l’arrivée de l’oracle demandé à Delphes ou à Olympie, dit Plutarque, Agis, c. 11.

[108] Xénophon, Hellenica, IV, c. 7, § 2. Il y a lieu de remarquer dans ce passage l’expression έπεσήμηνεν αύτώ et de la rapprocher de celle qu’employa plus tard l’oracle de Delphes, lorsque Agésipolis lui posa la même question : ό δ' άπ.κρίνατο.

[109] Voy., dans les Iahrbücher für Philologie, t. LXXV, p. 681 et 682, ce que dit à ce sujet Wieseler, avec qui je ne puis toutefois m’accorder en ce qui concerne le passage d’Euripide, Ion, v. 416.

[110] Hesychius, s. v.

[111] Pausanias, X, c. 5, § 6.

[112] Hérodote, VIII, c. 134 ; Philochorus, cité par le Scholiaste de Sophocle, Œdipe-Roi, v, 21.

[113] G. Krüger en donne l’énumération, dans ses Theologumena Pausaniæ, Lipsiæ, 1860, p. 46.

[114] Strabon, VIII, p. 374 ; Pausanias, II, c 27, § 3.

[115] Iliade, II, v. 729.

[116] Strabon, VIII, p. 360.

[117] Pausanias, IV, c. 3, § 2.

[118] Pausanias, III, c. 23, § 6 et 10, c. 24, § 2 et 5 ; IV, c. 30, § 1, c. 34, § 6, etc. 36, § 7 ; II, c. 10, § 2, c. 11, § 5, c. 13, § 5, et c. 23, § 4.

[119] D’après le scholiaste (v. 621), outre le temple d’Asclépios situé en dedans des murs, il v en avait un autre dans le Pirée ou dans le dème d’Acharnie, mais il parait même que dans la ville celui que cite Pausanias (I, c. 21, § 7) n’était pas le seul ; voy. Lenormant, Recherches archéol. à Éleusis, p. 261.

[120] Voy. Wegener, de Aula Attalica, Hafniæ, 1836, p. 278.

[121] Plutarque, Quæst. rom., n° 94.

[122] Philostrate, Vie d’Apollonius, I, c. 8-10 ; Aristide, Orat., I, p. 570.

[123] Pline, Hist. natur., XXVIII, c. 2.

[124] Welcker, dans ses Kleine Schriften, t. III, p. 151, nie avec raison que le magnétisme ait été employé comme agent médical.

[125] Pausanias, X, c. 33, § 10. Comme divinité médicale, Dionysos est appelé aussi ίατρός. Un oracle ce la Pythie, cité par Athénée (I, c. 41, p. 23), recommande aux Athéniens de l’honorer sous ce nom. On lui attribuait aussi l’épithète de ύγιάτης. Cf. ibid., II, p. 36.

[126] Strabon, XIV, p. 649 et 650 (t. II, p. 377 des Orat. attici de Didot).

[127] Pausanias, I, c. 34, s 2 ; on peut voir des indications différentes dans Eckermann, Mélampos, p. 61, et surtout dans Preller (Berichte der Sæchs. Akad. der Wissensch., 1852, p. 166 et suiv.)

[128] Philostrate, Vita Apollonii, II, c. 37.

[129] Hérodote, VIII, c. 134.

[130] Hypéride, p. Euxénippus, p. 8 et suiv., éd. Schneidewin.

[131] Pausanias (III, c. 26, § 1) désigne le temple et l’oracle de Thalamæ comme étant consacrés à Ino, et mentionne les statues de Pasiphaé et d’Hélies dans la partie découverte du temple. Plutarque (Agis, c. 9) ne nomme, pas trio, mais il énumère toutes les autres combinaisons ; voy. Schœmann, dans son Commentaire sur les Vies d’Agis et de Cléomène, p. 125, et Hœck, Kreta, t. II, p. 61 et 62.

[132] Plutarque, Cléomène, c. 7.

[133] Pausanias, I, c. 40, § 6, et V, c. 14, § 10.

[134] Athénée, VIII, p. 335.

[135] Nous savons, par Philostrate (Heroica, p. 670 et 678), qu’il existait à Elaios, sur la pointe méridionale de la Chersonèse de Thrace, un temple appartenant au héros Protésilaüs, et comme Protésilaüs est rapproché, dans Pausanias (I, c. 34, 2), d’Amphiaraüs et de Trophonius, il n’est pas invraisemblable que son oracle ait prédit aussi l’avenir par les songes. A Trézène, d’après Pausanias (II, c. 31, § 5), on sacrifiait sur un même autel au Sommeil et aux muses ; il est permis de croire que les songes jouaient aussi un rôle dans ce culte. A Hyattos, en Béotie, Héraclès avait un temple où l’on soignait les malades, probablement par l’incubation ; voy. Pausanias, IX, c. 24, § 3 ; cf. Keil, dans les Iahrb. für Philol., t. IV, suppl., p. 621.

[136] Strabon, XIV, p. 6i5 ; Conon., Narrat., c. 6.

[137] Strabon, VI, p. 284 ; Schol. de Lycophron, v. 1050.

[138] Trophonius est quelquefois appelé Zeus, quelquefois Hermès (Strabon, IX, p. 414 ; Cicéron, de Natura Deorum, III, c. 21) ; ces deux appellations sont également justes ou également erronées. Pour les nombreuses légendes qui présentent Agamède et Trophonius comme les fils du roi Erginus d’Orchomène, et les constructeurs du temple de Delphes, voy. l’Orchomenus d’O. Muller.

[139] C’est là, il est vrai, une mesure très vague : Aream modicam esse oportet pro magnitudine segetis, dit Varron, de Re rustica, I, c. 51. Pausanias a eu l’idée de prendre une aire pour terme de comparaison, parce que la plate-forme devait avoir, dans son ensemble, beaucoup de ressemblance avec une aire. Ces emplacements, en effet, étaient d’ordinaire élevés et entourés de murs ; robustis cancellis munitæ, dit Palladius, I, c. 26, § 1. La suite de la description dans Pausanias a été mal comprise par Gœttling (Gesamm. Abhandl., t. I, p. 162) et par Wieseler (ueber das Orakel des Trophanius, Gœtting., p. 9, 14 et 16). Ulrichs s’en est mieux rendu compte, dans ses Reisen und Porschungen in Griechenl., t. I, p. 170.

[140] Pausanias, IX, c. 39 ; la caverne de Saint-Patrice, à Dungall, en Irlande, décrite par Meiners (Geschichte alter Religionen, t. II, p. 404) forme un pendant intéressant à l’antre de Trophonius.

[141] C’était par exemple une opinion très répandue qu’en descendant chez Trophonius, on perdait, sa vie durant, la faculté de rire ; de là le proverbe conservé par Zénobius (Cent. III, n° 61) : είς Τροφωνίου μεμάντευται έπί τών άγελάστων καί συνωφρυωμένων. Pausanias contredit cette assertion, au § 13 du passage cité plus haut. Le biographe d’Apollonius, Philostrate, raconte (VIII, c. 19) que ce thaumaturge, après sept jours passés dans l’autre, avait reparu à la lumière du jour près d’Aulis, rapportant un livre de doctrines pythagoriciennes.

[142] Ce récit que Plutarque met dans la bouche de Timarque (de genio Socratis, c. 22) serait fort intéressant, si l’on pouvait distinguer ce qu’il y a de vrai et ce qui a été imaginé, sur le modèle peut-être du récit prêté à Er par Platon (de Republica, X, p. 614 B).

[143] Hérodote, VIII, c. 134.

[144] Pausanias, IV, c. 32, § 5.

[145] Diodore, XV, c. 53.

[146] Plutarque, de defectu Oraculorum, c. 5 ; Tertullien, de Anima, c. 46 ; voy. aussi Wolff, de noviss. Oracul. ætate, p. 17.

[147] Du reste Ulysse était lui-même honoré chez les Eurytanes, en Étolie, comme un héros rendant ces oracles. L’existence en ce lieu d’un μανθεΐον Όδυσσέως avait pour garants Aristote et Nicander, au rapport de Tzetzès, dans ses scholies sur Lycophron, v. 799.

[148] Pausanias, VII, c. 3, § 1, et IX, c. 18, § 4.

[149] Plutarque, de defectu Oracul., c. 44.

[150] Plutarque, Consol. ad Apollonium, c. 48.

[151] C’est là ce que l’on appelle, à proprement parler, ψυχοπομπεΐα.

[152] Strabon, V, c. 4, p. 244 ; Diodore, IV, c. 22 ; cf. Maxime de Tyr, dissert. XIV, c. 2.

[153] On lit dans le scholiaste de l’Iliade, IX, v. 158 : έν ούδεμιά πόλει Άιδου βωμός έστι. Il faut cependant excepter Élis, d’après Pausanias (VI, c. 25, § 3), qui explique cette exception par des raisons mythologiques. Strabon (VIII, p. 3114) mentionne aussi un τέμενος d’Hadès, dans la Pylos de Nestor.

[154] Pausanias, IX, c. 30, § 6, et I, c. 177, § 5.

[155] Hérodote, V, c. 92.

[156] Plutarque, Cimon, c. 6, et de sera Numinis vindicia, c. 10.

[157] Pausanias, I. III, c. 17, 5 9.

[158] Plutarque, de sera Num. vind., c : 17 ; Pausanias, III, c. 25, § 5.

[159] Xénophon, Anabasis, VI, c. 2, § 2 ; Schol. d’Apollonius de Rhodes, I, v 353 ; Pausanias, II, c. 35, § 10, et c. 31, § 2 ; IX, c. 34, § 5.

[160] Schol. d’Euripide, Alceste, v. 1138 ; voy. aussi Meineke, Fragm. comica, t. IV, p. 705.