HISTOIRE D'HÉRODE, ROI DES JUIFS

 

PREMIÈRE PARTIE.

 

 

Aussitôt que la reine Alexandra, veuve d'Alexandre Jannæas, eut rendu l'œuvre de la ruine des Asmonéens, de la dynastie si éminemment nationale des Macchabées. fut conçue par l'homme dont la descendance devait perdre jamais la royauté judaïque.

Pour accomplir cette œuvre, il ne fallait rien de moins qu'une lignée d'ambitieux pervers, et les desseins mystérieux et insondables de la Providence permirent l'accession au trône d'une famille d'usurpateurs iduméens, qui devait compter à peu près autant de criminels que de membres.

C'est la vie du premier d'entre eux qui ceignit le diadème que nous entreprenons de raconter aujourd'hui, sans nous laisser arrêter par le dégoût qu'inspire parfois cette histoire qui se trame trop souvent dans le sang.

Et pourtant l'homme qui a vécu de la vie que nous allons écrire a reçu le surnom de Grand ! Plus tard, quand nous aurifie accompli notre tâche, le lecteur jugera quel est le seul surnom qui revienne de plein droit à cet homme.

Deux fils étaient issus du mariage de Jannæas et d'Alexandra[1]. Hyrcan, l'aîné, était un prince indolent et sans énergie ; Aristobule, le plus jeune, avait au contraire un esprit remuant et plein d'audace, en un mot, prompt à tous les partis qui pouvaient servir son ambition.

Dès avant la mort de sa mère, Aristobule avait ouvertement travaillé a déposséder son frère de la couronne qui lui appartenait, en outre du souverain pontificat qui lui avait été dévolu par les soins et du vivant d'Alexandra. Presque toutes les places fortes de la Judée étaient entre les mains d'Aristobule[2], au moment oui la succession de sa mère fut ouverte, et il disposait d'une année sinon égale en nombre à celle de son frère, du moins bien plus dévouée.

A peine Hyrcan avait-il pris possession du pontificat, que son frère Aristobule lui déclara la guerre. C'était en l'an 3 de la 477e olympiade et sous le consulat de Quintus Hortensius et de Quintus Metellus Creticus, c'est-à-dire en l'an 70 avant l'ère chrétienne[3]. Hyrcan fut poussé bien malgré lui à défendre ses droits, et une bataille fut livrée près de Jéricho. Une grande partie des troupes du souverain légitime passa dès l'abord sous les drapeaux de l'usurpateur ; Hyrcan, épouvanté par une défection qu'il aurait pu prévoir, s'enfuit en toute tee à Jérusalem et courut s'enfermer dans forteresse qui dominait le temple. Cette forteresse, c'était Baris, qui devint plus tard Antonia.

Voici pourquoi Hyrcan choisissait ce lieu de refuge. Au moment où Aristobule s'évadait de la capitale, suivi d'un seul serviteur, afin d'aller s'emparer de toutes les places fortes de la Judée, dont il savait à l'avance que les garnisons étaient prêtes à embrasser son parti, la reine Alexandra, à l'instigation des Pharisiens, avait fait arrêter immédiatement la femme et les enfants du prince fugitif, et les avait incarcérés dans Baris[4]. C'étaient donc de précieux otages que Hyrcan voulait avoir sous la main.

L'enceinte sacrée du Hiéron était occupée par un certain nombre d'adhérents d'Aristobule, désireux de délivrer les prisonniers ; mais Hyrcan n'eut pas grand'peine à les déloger de là, et une fois maître de la personne de sa belle-sœur et de ses neveux, il ne pensa plus qu'à capituler avec son frère. Il était trop amoureux de son repos pour ne pas ouvrir des négociations qui pussent lui donner ce repos auquel il tenait par-dessus tout ; dans de semblables conditions, un traité devait être bientôt conclu. Hyrcan céda sans regret la couronne à Aristobule, à la seule condition qu'il lui serait permis de vivre à sa guise, c'est-à-dire dans ; l'oisiveté la plus complète, et de jouir tranquillement de sa fortune.

Le traité fut ratifié dans l'enceinte du temple ; les deux frères se donnèrent la main, après s'être liés par serment, et s'embrassèrent à la vue du peuple assemblé ; puis ils se séparèrent. Hyrcan, débarrassé du fardeau de l'autorité suprême, alla habiter en simple particulier la demeure de son frère Aristobule, et celui-ci courut immédiatement occuper le palais[5].

Tout semblait donc terminé au gré des désirs les plus chers des deux frères ; mais un intrigant de bas étage en avait décidé autrement.

Hyrcan avait pour ami, ou tout au moins pour confident, un Iduméen[6] nommé Antipater, homme riche, entreprenant et ambitieux. Les hommes de cette espère réussissent toujours à s'attacher à la fortune des princes sans caractère, dans lesquels ils ne voient que des instruments de leur propre fortune. Aussi Antipater témoignait-il à Hyrcan une affection qui n'avait d'égale que la haine qu'il portait d'instinct et depuis longtemps à Aristobule[7]. Celui-ci en effet était pour Antipater un obstacle qu'il fallait écarter à tout prix, sous peine de se briser quelque jour contre lui.

Quelle était l'origine de cet Antipater ? Nicolas de Damas, dont, par malheur, les écrits ne sont pas parvenus jusqu'à nous ; Nicolas de Damas, qui plus tard devint l'ami et l'historiographe peu désintéressé d'Hérode, racontait sans hésiter qu'Antipater descendait d'une des plus illustres familles juives qui rentrèrent en Palestine après la captivité de Babylone. Mais Josèphe, qui savait apparemment à quoi s'en tenir sur la véracité de Nicolas, dont il avait le livre entre les mains, n'hésite pas non plus à déclarer que cette assertion pouvait avoir été mise en avant par pure flatterie pour Hérode, lorsque celui-ci se fut insolemment assis sur le trône des Maccabées[8]. Pourquoi Josèphe s'arrête-t-il en si bon chemin, et ne nous dévoile-t-il pas la vérité tout entière ? C'est qu'apparemment il ne voulait pas déplaire à ses maîtres les Romains, dont la fortune inouïe d'Hérode était l'ouvrage. Quoi qu'il en soit, nous avons, il n'y a qu'un instant. qualifié Antipater d'intrigant de bas étage, et nous ne nous sentons guère disposé à modifier ce jugement, en face de l'allégation de Nicolas de Damas, commentée si timidement par Josèphe.

D'ailleurs, il 8t bon de constater ici l'origine qu'Eusèbe, d'après Africain, assigne à Hérode. On verra qu'elle diffère du tout au tout de celle que Josèphe a copiée dans Nicolas de Damas, avec une défiance qui perce à travers les phrases tant soit peu ambiguës dont il se sert.

Eusèbe parle deux fois des ancêtres d'Hérode. et peu près dans les meules ternies, aux chapitres VI et VII du premier livre de son Histoire ecclésiastique. Voici comment il s'exprime :

Hérode était de race étrangère..... et comme le dit Josèphe, Iduméen par son père, Arabe par sa mère. Suivant le témoignage d'Africain, qui est un écrivain instruit et de mérite, des gens dignes de foi racontent, touchant Antipater, qu'il était fils d'un certain Hérode Ascalonite, hiérodule du temple d'Apollon. Cet Antipater, ayant été enlevé dans son enfance par des bandits iduméens, resta parmi eux, parce que son père était trop pauvre pour payer sa rançon. Il prit leurs mœurs et parvint dans la suite il gagner l'amitié du grand prêtre des Juifs Hyrcan. Il eut pour fils Hérode. qui vécut du temps de notre Sauveur. (Chap. VI.)

Les parents de notre Sauveur, soit pour faire parade de la noblesse de leur origine, soit simplement pour établir un fait, nous ont appris avec véracité que des bandits iduméens, ayant fait irruption dans Ascalon, cité de Palestine, enlevèrent d'un temple d'Apollon, situé près des murailles de la ville, Antipater, fils d'un hiérodule nommé Hérode, qu'ils emmenèrent en captivité, en emportant leur butin sacré. Comme l'hiérodule ne pouvait payer la rançon de son fils, Antipater fut élevé selon les mœurs et coutumes des Iduméens, et gagna plus tard l'amitié du souverain pontife des Juifs. Il fut envoyé en ambassade par Hyrcan à Pompée, etc., etc. (Chap. VII.)

Et plus bas :

Ces faits se trouvent également relatés dans l'histoire judaïque et dans celle des gentils. Au reste, comme, jusqu'à cette époque, les archives publiques recevaient en dépôt, des généalogies officielles des familles hébraïques, aussi bien que celles des familles qui rapportaient leur origine à des prosélytes, c'est-à-dire à des étrangers comme par exemple Achior l'Ammonite et Ruth la Moabite, ou enfin à ceux qui, partis d'Égypte avec les Israélites, s'étaient mêlés avec eut par des mariages ; Hérode, sachant qu'il n'avait rien de commun avec ces anciennes familles israélites, et poussé par la conscience de son origine dénuée de toute noblesse, prit le parti de faire brûler toutes ces vieilles généalogies[9], pensant qu'il pourrait plus aisément ainsi se faire passer pour noble, quand il n'y aurait plus personne qui, à l'aide des documents publics, pût établir qu'il ne descendait, ni des patriarches, ni des prosélytes, ni enfin de ces anciens mariages entre étrangers et Hébreux. Cependant quelques hommes curieux des antiquités, soit parce qu'ils possédaient des généalogies privées, soit parce qu'ils avaient conservé de mémoire les noms de leurs ancêtres, soit enfin parce qu'ils avaient entre les mains des copies prises dans les archives de l'État, se glorifiaient d'avoir gardé la preuve de leur noblesse. Au nombre de ceux-là se trouvaient ceux dont nous avons parlé plus haut, et que l'on désignait sous le nom de Dominicaux, à cause des liens de parenté qui existaient entre eux et notre Sauveur. Ces personnages, partis de Nazareth et de Kaoukab, bourgs de la Judée, une fois dispersés dans divers pays, publièrent le plus fidèlement qu'ils purent la généalogie dont il est question, et qu'ils avaient tirée de chroniques authentiques. (Chap. VII.)

Il y a loin, on le voit, de l'opinion d'Africain et d'Eusèbe, à celle de Nicolas de Damas. Je sais bien qu'on pourra accuser des écrivains chrétiens d'avoir imaginé et répandu nue fable, en haine du nom d'Hérode ; mais sera-ce bien légitime ? Et s'il est vrai grillera& a condamné au feu toutes les généalogies officielles déposées dans les archives publiques, quel autre mobile a pu le pousser, que le désir de dissimuler à tout prix l'humilité de son origine ? Pour notre part, nous n'hésitons 'pas à préférer la version d'Africain et d'Eusèbe à celle de Nicolas de Damas. si timidement enregistrée par Josèphe, qui à coup sûr savait à quoi s'en tenir sur œ point.

Antipater avait d'abord porté à nom d'Antipas, comme son père. Celui-ci, qui avait été nommé chef militaire de toute l'Idumée par Alexandre Jannæas, et maintenu dans ce poste important par la reine Alexandra, s'était concilié par ses largesses répétées la bienveillance des Arabes et celle des populations de Gaza et d'Ascalon. On le voit, les projets qui ne furent menés à bonne lin que par Hérode. dataient de loin dans la famille de cet usurpateur, puisque son grand-père en avait déjà préparé l'exécution.

Antipater redoutait naturellement l'autorité d'Aristobule ; sa haine contre ce prince pouvait lui porter malheur ; aussi se mit-il immédiatement à conspirer contre lui. S'abouchant dans des conciliabules secrets avec les principaux personnages de la nation, Antipater ne cessait de les aigrir contre le roi, qui avait volé, disait-il une couronne appartenant légitimement à son frère aîné. Ce n'était pas aux grands seuls qu'Antipater adressait ses excitations, et Hyrcan lui-même recevait sans trêve les objurgations de son soi-disant ami. Sa vie était en danger, lui disait chaque jour Antipater, et il ne pouvait la sauver qu'il la condition de prévenir, par l'assassinat d'Aristobule, le sort qui lui était réservé. Il lui affirmait que les anus d'Aristobule ne laissaient pas de repos à ce prince, et lui répétaient à chaque instant que la couronne ne serait solidement posée sur sa tête que lorsqu'il serait débarrassé de son frère.

Hyrcan n'ajouta d'abord aucune foi à ces révélations, parce qu'il avait le cœur honnête, et, que la calomnie avait peu de prise sur lui. Il résulta bientôt de l'antipathie de ce pauvre prince pour les affaires, et de la constante douceur de son caractère, qu'il perdit tout prestige aux yeux de ses compatriotes : Il est dégénéré, disaient-ils, ce n'est pas un homme ! Voilà le jugement qu'on ne tarda pas à porter sur son compte, tandis que l'énergie d'Aristobule lui conciliait sinon l'affection, du moins l'estime et le respect de tous.

Antipater n'était pas homme à perdre courage ; la calomnie, il le savait, finit par faire ce que fait la goutte d'eau qui perce un rocher. Il ne laissa donc plus passer un jour sans apporter à Hyrcan des preuves, fabriquées par lui-même, des desseins criminels d'Aristobule, et il finit par inspirer au malheureux prince une telle terreur, qu'il n'eut plus aucune peine pour le persuader à fuir devant les dangers imaginaires qui le menaçaient, et à aller chercher un refuge auprès d'Aretas, roi des Arabes. Antipater, qui avait pris l'engagement de ne pas quitter son maître, fut immédiatement dépêché vers Aretas, pour lui demander de la pari de Hyrcan sa parole royale de ne pas le livrer à ses ennemis, s'il venait eu suppliant à sa cour[10]. Dès que cette parole fut obtenue, Antipater revint à Jérusalem  auprès de Hyrcan ; lorsqu'ils eurent attendu qu'un peu de temps se fût écoulé, une belle nuit tous les deux partirent en secret, et Hyrcan se laissa conduire à Petra, résidence d'Aretas.

Une fois libre d'agir ouvertement, Antipater ne cessa plus de presser le roi des Arabes de ramener Hyrcan en Judée. pour le rétablir sur son trône, et connue ses instances étaient constamment accompagnées de magnifiques présents, il finit par amener Aretas à se jeter dans cette aventure. Hyrcan, qui, de son côté, en était venu il prendre au sérieux les projets qu'il avait si longuement repoussés et à se sentir au cœur quelque velléité de remonter sur le trône, Hyrcan s'engagea, s'il recouvrait sa couronne pal' le fait des Arabes, à leur restituer tout le pays qu'Alexandre son père leur avait enlevé, avec les douze villes qu'il contenait, c'est-à-dire Medaba, Naballa, Livias, Tharabasa, Agalla, Athona, Zoara, Oronæ, Marissa, Rydda, Lousa et Oryba[11].

Toutes ces villes devaient apparemment confiner aux États d'Aretas et se trouver par conséquent sers les limites méridionales du royaume d'Alexandre, à l'est comme à l'ouest de la mer Morte.

Les promesses de Hyrcan firent cesser les hésitations du roi des Arabes, qui se mit en campagne à la tête d'une armée de cinquante mille cavaliers, suivie d'un corps d'infanterie[12].

Aristobule ne pouvait se laisser détrôner sans tenter le sort des armes ; il lui fut fatal. Battu par les Arabes, il vit une grande partie de ses troupes passer immédiatement dans les rangs des vainqueurs. Ainsi abandonné, il s'enfuit à Jérusalem[13], ayant l'armée d'Aretas sur les talons. Aristobule s'était réfugié dans le Hiéron, dans cette enceinte sacrée qui par sa force naturelle semblait destinée à jouer perpétuellement le rôle de citadelle ; le siège en fut immédiatement commencé, avec l'aide de la population de la capitale qui s'était déclarée pour Hyrcan, tandis que le corps sacerdotal seul restait fidèle à Aristobule.

Pendant que l'on se battait ainsi autour de la maison de Dieu, la fête des Azymes arriva, fête que les hébreux nomment la Pâque. Les principaux personnages de la nation, indignés du triste spectacle qu'ils avaient sous les yeux, préférèrent l'exil au contact des profanateurs armés par la haine des deux frères, et ils profitèrent de la célébration de la solennité pour se réfugier en Égypte.

Il y avait à Jérusalem un homme pieux et juste nommé Onias, dont les prières passaient aux yeux du peuple pour avoir fait cesser autrefois une sécheresse qui désolait la Judée[14]. Onias, voyant la guerre civile augmenter et se perpétuer, ne voulut pas cependant quitter la terre natale, et prit le parti de se cacher. Il ne sut si bien le faire que les partisans de Hyrcan ne réussissent à se saisir de sa personne. Amené de force dans le camp des juifs, il lui fut enjoint de faire un miracle, et comme il avait jadis obtenu de Dieu la pluie en temps de sécheresse, de lui demander cette fois la perte d'Aristobule et de ses adhérents. Il refusa avec fermeté, et on le conduisit malgré ses supplications au milieu du peuple assemblé. Et il s'exprima ainsi : Ô Dieu souverain de toutes choses, c'est ton peuple qui m'entoure ; ce sont tes prêtres qui sont assiégés : écoute ma prière et n'exauce les vœux ni des uns ni des autres. — Onias avait à peine achevé ces mots qu'il fut tué à coups de pierres par ceux qui étaient les plus proches[15].

Ce meurtre odieux ne devait pas rester impuni. Pendant qu'Aristobule avec tout le corps sacerdotal était assiégé dans le Hiéron, la nique arriva, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure. Il était d'usage de célébrer cette solennité par l'immolation de nombreuses victimes. Aristobule et ses partisans, manquant d'animaux à sacrifier, supplièrent leurs compatriotes de leur en fournir, au prix qu'ils voudraient fixer. Ceux-ci répondirent que, s'ils voulaient obtenir d'eux des victimes, ils les leur paieraient mille drachmes par tête.

Aristobule et les prêtres, ayant accepté le marché, leur envoyèrent du haut des murailles la somme convenue ; mais lorsqu'elle fut entre les mains des assiégeants, ceux-ci violèrent la parole donnée, et commirent l'impiété de refuser à leurs adversaires ce qui leur était indispensable pour exécuter les prescriptions de leur foi religieuse[16]. Les prêtres supplièrent le Tout-Puissant de venger le méfait de leurs concitoyens. Leur prière fut exaucée : une tempête horrible s'éleva, qui perdit tous les biens de la terre, de telle sorte que la mesure de froment atteignit le prix exorbitant de onze drachmes[17].

A cette époque, Pompée était en Arménie, tout occupé de mener à fin la guerre contre Tigrane. A la nouvelle des événements accomplis dans la Judée, il envoya Scaurus[18] en Syrie, avec mission d'en tirer le parti qu'il pourrait dans l'intérêt de sa cause. Scaurus, en arrivant il Damas, rencontra Lollius et Metellus, qui venaient de s'emparer de cette ville ; et il marcha sans perdre de temps sur la Judée[19]. A peine y était-il entré, qu'il reçut de la part d'Aristobule et de Hyrcan des envoyés chargés d'implorer son intervention et son appui. Aristobule lui faisait offrir 400 talents[20] pour prix de son assistance ; Hyrcan n'en promettait pas moins : mais ce fut Aristobule qui fut écouté, parce qu'il était connu comme un prince riche et magnifique, tandis que Hyrcan passait pour pauvre et avare, et semblait, en échange de services de la plus haute importance, prodigue de belles promesses sur l'exécution desquelles il n'était pas prudent de compter. Il n'était pas très-aisé d'ailleurs de prendre une ville aussi bien fortifiée que Jérusalem, et de chasser au loin ceux qui en sortiraient. Au contraire, il serait tilde de le faire pour les bandes indisciplinées des Nabatéens. Toutes ces considérations décidèrent Scaurus ; il traita avec Aristobule, toucha la somme convenue, lit lever le siège et enjoignit à Aretas de retourner chez lui, sous peine d'être traité en ennemi du peuple romain[21]. Cela fait, Scaurus revint Damas.

Aristobule, nous ne savons comment, se retrouva à la tête d'une année assez puissante pour courir a la poursuite d'Aretas et de Hyrcan. Une bataille fut livrée près du lieu nommé Papyrôn ; les Arabes furent vaincus et eurent environ 6.000 des leurs tués. Phallion, frère d'Antipater, resta au nombre des morts[22].

Devons-nous attribuer au simple prestige de la protection romaine le succès inattendu d'Aristobule ? Nous en doutons fort. Ce prince avait assez chèrement payé l'intervention de Scaurus, pour qu'un secours plus efficace qu'un simple appui moral lui fût accordé. Mais il y a mieux ici que des suppositions. La numismatique nous venant en aide, nous sommes en droit d'affirmer que Scaurus a fait plus que menacer Aretas. Nous connaissons en effet de beaux deniers de la gens Æmilia sur lesquels Marcus Scaurus est nominé, tandis que le roi Aretas est figuré tenant il la main une branche d'olivier, et agenouillé en suppliant, à côté d'un chameau, emblème de son pays[23]. Il est bien invraisemblable, il faut en convenir, qu'une famille aussi illustre que celle des huiles ait vu dans une intervention purement verbale de l'un de ses membres un fait historique digne d'être transmis par les types monétaires à la mémoire des générations futures. Non : le vraisemblable, le vrai, voulons-nous dire, c'est que Scaurus forcé les Arabes auxiliaires de Hyrcan de s'éloigner des murailles de Jérusalem, sans aucun doute en leur faisant essuyer une défaite sanglante, après laquelle Aretas dut se montrer docile et obéir à l'injonction de rentrer dans son pays[24].

Quelle est la localité désignée par Josèphe sous le nom de Papyrôn ? Nous l'ignorons complètement. Nous nous permettrons cependant d'émettre à ce sujet une hypothèse, qui nous parait admissible. Aretas, retournant vers Petra, sa capitale, avait deux routes à choisir : la première par le désert de Juda, où tout devait à peu près lui manquer, vivres et eau ; la seconde, en se jetant sur la rive orientale du Jourdain, à travers un pays riche et fertile, où se trouvaient d'ailleurs les plus belles des villes que Hyrcan lui avait promises. Il supposait peut-être que rien ne l'empêcherait de s'en saisir chemin faisant. Ce fut cette voie que choisit Aretas, puisque nous lisons dans la Guerre judaïque (VI, III) qu'il se retira sur Philadelphia. Un pareil dessein était trop transparent pour qu'Aristobule et Scaurus lui-même n'eussent pas l'éveil à ce sujet. L'armée arabe dut donc être poursuivie immédiatement. S'il en est ainsi, la rencontre dans laquelle Aretas fut défait et Phallion, le frère d'Antipater, tué, aurait très-bien pu avoir lieu à Kefreïn, localité placée un peu au delà de Livias, et sur un charmant ruisseau dont les bords, s'ils étaient explorés, offriraient probablement en abondance le papyrus dont la présence a valu son nom à la localité théâtre de la défaite des Arabes[25]. Le mot Kefreïn d'ailleurs, ainsi modifié par les Arabes, ne conserverait-il pas quelque trace du nom signalé par Josèphe ? Continent en effet expliquer ce nom de Kefreïn, les deux villages, appliqué à une localité dans laquelle il n'y en a pas un seul ? Revenons au récit des événements.

Peu de temps après, Pompée, marchant sur la Cœlésyrie, entrait à Damas, où il recevait les députations envoyées vers lui par toute la Syrie, par l'Égypte et par la Judée. Aristobule, a cette occasion, lui fit hommage d'une vigne d'or du prix de 500 talents.

Strabon, dit Josèphe, fait mention de ce somptueux présent en ces termes : Il vint une députation d'Égypte apportant une couronne de la valeur de 4.000 pièces d'or, et de Judée une vigne ou plutôt un jardin, chef-d'œuvre que les gens du pays appellent terpolènnous avons vu nous-mêmes ce présent à Rome, dans le temple de Jupiter Capitolin, avec la suscription d'Alexandre roi des Juifs. On l'estimait 500 talents. On dit cependant que ce fut Aristobule, dynaste des Juifs, qui l'envoya[26].

Cette première députation fut promptement suivie d'une seconde, venue de la part de chacun des deux frères qui se disputaient la couronne.

Antipater était chargé de défendre auprès de Pompée les intérêts de Hyrcan, et Nicodème, ceux d'Aristobule.

Ce dernier commença par dénoncer à Pompée ceux qui avaient reçu des sommes considérables de son maître. Gabinius d'abord, qui avait touché 300 talents. et ensuite Scaurus, qui en avait touché 400, s'efforçant ainsi à prouver au général romain que ces deux hommes et d'autres encore étaient ses ennemis. Pompée assigna les deux princes à se présenter en personne devant lui, au commencement du printemps prochain, pour soutenir leurs droits respectifs, et il se mit en campagne. Apamée fut d'abord ruinée ; puis la tétrarchie de Ptolémée, fils de Mennæus, fut envahie, et Ptolémée dut racheter sa vie au prix de 1.000 talents, qui servirent à payer la solde arriérée de l'armée romaine. Vint alors le tour de la forteresse de Lysias, que possédait un Juif du nom de Silas. Passant ensuite par Héliopolis et par Chalcis. Pompée franchit l'Antiliban qui borne la Cœlésyrie, et poussa jusqu'à Pella, d'où il revint à Damas.

Le moment était venu où Hyrcan et Aristobule devaient comparaître devant Pompée. Ils se présentèrent tous les deux. La nation juive elle-même avait ses représentants au procès ; ceux-ci déclarèrent ne vouloir pas se soumettre une autorité royale, parce qu'il était établi par les lois de leur pays que l'obéissance n'était due qu'aux prêtres du Dieu qu'ils adoraient. tandis que les deux prétendants, bien qu'issus de la race pontificale. n'avaient d'autre dessein que de fausser la loi divine et de réduire la nation en servitude.

Hyrcan se plaignit de ce qu'étant l'aîné. il s'était vu dépouiller par Aristobule du droit que lui donnait son tige et de ce qu'il n'avait plus qu'un mince patrimoine, son frère lui ayant par force enlevé tout le reste. Il l'accusa d'actes de brigandage et de piraterie, affirmant que jamais la nation n'aurait pensé à se soulever. si elle n'avait eu un maître violent et sans mesure. Plus de mille Juifs des premières familles, subornés par Antipater, apportèrent leur témoignage à l'appui de ces inculpations.

Aristobule, de son côté, allégua que, si son frère était. déchu du souverain pouvoir. il ne le devait qu'à son incapacité et au mépris qu'elle lui avait attiré. Il ajouta que la nécessité l'avait forcé lui-même de se saisir de l'autorité royale, afin qu'elle ne passât pas en des mains étrangères, et qu'en définitive il ne portait d'autre titre que celui qu'avait porté son père Alexandre. Il produisit à l'appui de sa défense le témoignage des jeunes gens de la nation dont les vêlements de pourpre, la chevelure ornée, les phalères et les bijoux de toute espèce. faisaient plutôt des hommes se rendant à une fête que des témoins comparaissant à la barre d'un tribunal[27].

Pompée, lorsqu'il eut écouté tout le monde, blâma Aristobule de sa violence, adressa des paroles de conciliation aux deux frères, et les renvoya, leur promettant qu'il visiterait leur pays et y réglerait tonte chose, aussitôt qu'il aurait mis ordre aux a Mires des Nabatéens. Il leur enjoignit de vivre en paix, engageant Aristobule à prendre garde d'aliéner la nation aux Romains, et de lui fermer à lui-même l'entrée du pays. Aristobule se hâta de faire le contraire, et sans se soucier en rien des conseils de Pompée, il partit pour la ville de Dium, et de là pour la Judée[28].

Cette conduite ne pouvait manquer d'irriter Pompée réunissant donc à l'armée qu'il menait contre les Nabatéens les auxiliaires levés a Damas et dans le reste de la Syrie, et les autres légions romaines qu'il avait il sa disposition, il se mil en marelle pour aller châtier Aristobule. Lorsque, après avoir traversé Pella et Scythopolis (Beysan), il fut arrivé à Koreæ, qui est la première ville que l'on rencontre sur le territoire juif, il envoya à Aristobule, qui s'était établi dans une belle forteresse située au sommet d'une montagne et nommée Alexandrium, l'ordre de se rendre devant lui. Le jeune roi, qui voulait refuser d'obéir, fut supplié par son entourage d'éviter une guerre avec les Romains, céda à contrecœur à l'injonction qu'il avait reçue, et descendit au camp de Pompée. Là, après s'être de nouveau disputé avec son frère, sur la question du pouvoir souverain, il reçut de Pompée la permission de remonter dans sa forteresse. Il fit ce trajet par trois fois, se berçant toujours de l'espérance de recevoir l'investiture, de la bienveillance du général romain, et faisant semblant d'être prêt à exécuter tous ses ordres, mais rentrant toujours dans la citadelle qu'il occupait, afin de ne pas perdre de ses forces, et d'y faire des préparatifs de guerre, pour le cas où la royauté serait dévolue à Hyrcan. Cette conduite ambiguë n'était pas assez bien masquée pour qu'elle pût échapper à Pompée ; celui-ci. perdant patience, finit par ordonner à Aristobule de livrer ses places fortes, et d'écrire de sa propre main à tous les gouverneurs de les ouvrir, malgré la consigne dès longtemps reçue par eux de n'y laisser pénétrer personne. Bon gré, mal gré, Aristobule dut obéir ; mais il se réfugia immédiatement à Jérusalem et y poussa, le plus activement qu'il put, ses préparatifs de guerre. Pompée le suivit de près[29].

Parti de son dernier campement de Jéricho[30], Pompée, en une matinée, parut devant Jérusalem. A la vue du danger qui le pressait, Aristobule changea de tactique et accourut au-devant du général romain. Il se présentait cette ibis en suppliant, offrant à Pompée un tri lait, s'engageant à lui donner l'entrée de la capitale, pourvu qu'il s'abstint de toute hostilité, et lui jurant que tout ce qu'il voudrait s'accomplirait, sans que la paix fût troublée. Pompée, lui ayant pardonné, le garda près de lui et dépêcha Gabinius avec un détachement, pour aller toucher la somme promise et prendre possession de la ville. Mais aucun des engagements souscrits par Aristobule ne fut rempli. Gabinius fut expulsé de Jérusalem sans rapporter une obole, les partisans du roi s'étant opposés ouvertement à ce que la convention fût exécutée.

A cette nouvelle, la colère de Pompée s'enflamma ; il mit Aristobule en prison, sous bonne garde, et se rendit. de sa personne devant la ville, qu'il reconnut n'être attaquable que du côté du nord. Elle était en effet entourée par une vallée large et profonde qui enveloppait aussi le Hiéron couvert de tous les côtés par une très-forte muraille de pierre[31].

A l'intérieur, les avis étaient partagés, et l'on était loin de s'entendre sur le parti qu'il y avait a prendre dans la présente conjoncture. Les uns, en effet soutenaient qu'il fallait livrer la ville à Pompée ; les partisans d'Aristobule, au contraire, déclaraient que, puisque le roi était retenu captif, on devait clore les portes et résister. Ces derniers coururent aussitôt s'enfermer dans le Hiéron et coupèrent le pont qui le reliait à la ville, bien décidés à y soutenir un siège. Les autres, une fois débarrassés de la présence des factieux. accueillirent l'armée romaine et lui livrèrent la ville et le palais. Pompée. y ayant immédiatement envoyé l'armée sous les ordres du légat Pison, établit des postes dans la ville et dans le palais, et fit mettre en état de défense les édifices attenants au Hiéron, ainsi que tous les lieux qui l'environnaient. Pompée commença par envoyer des parlementaires aux assiégés pour traiter de leur reddition ; mais comme les conditions offertes par lui ne furent pas acceptées, il fit entourer d'un mur de contrevallation tous les alentours immédiats du Hiéron.

Hyrcan le secondait de tout son pouvoir, se figurant que c'était sa cause que les Romains défendaient[32]. Pompée vint poster son camp en face et au nord du Hiéron, c'est-à-dire du côté où il était expugnable. Il y avait pourtant encore sur cette face du Hiéron de grandes tours, et elle était couverte par un large fossé et une profonde vallée[33]. Du côté de la ville, c'est-à-dire de la région au pouvoir de Pompée, le Hiéron était à pic, le pont qui conduisait en ville une fois coupé. Chaque jour l'agger s'élevait à force de travail et à l'aide des arbres du voisinage que les Romains abattaient. Le fossé fut péniblement comblé, en raison de sa grande profondeur ; mais le travail n'en fut pas moins terminé. Les machines de siège, amenées de Tyr, furent aussitôt mises en batterie, et le Hiéron ne cessa plus d'être accablé de projectiles. Sans le repos du septième jour, qui était de stricte observance chez les Juifs, l'agger n'eût pu être terminé ; pendant ce septième jour, en effet, la loi permettait bien de repousser l'ennemi dans un combat ordinaire, mais elle n'autorisait pas à l'empêcher de faire toute autre chose[34].

Les Romains, dès qu'ils eurent connaissance de cette prescription religieuse, en firent leur profit. Chaque jour de sabbat ils s'abstenaient de lancer des traits et d'engager le combat ; mais ils travaillaient avec ardeur à la construction des aggeres et des tours d'approche, et à la mise en batterie des machines de guerre, se réservant d'en taire usage le lendemain.

Ce qui va suivre, ajoute Josèphe, montre combien est grande notre piété envers Dieu, combien est profond notre respect de la loi. Ainsi la crainte du siège n'interrompit en rien l'accomplissement des sacrifices, et deux fois chaque jour, le matin et à la neuvième heure (trois heures après midi), les sacrifices furent régulièrement accomplis à l'autel ; aucune circonstance fâcheuse, survenue par suite des opérations du siège, ne put une seule fois interrompre les cérémonies sacrées. Lorsque la ville fut prise, le troisième mois, et le jour du jeûne, dans la 179e olympiade, Caïus Antonins et Marcos Cicero étant consuls[35], pendant que les Romains, entrés de vive force dans le Hiéron, égorgeaient tous ceux qui s'y trouvaient, les prêtres chargés des sacrifices ne se laissèrent point détourner de leur pieux office ; ni la crainte de la mort qu'ils allaient recevoir, ni le massacre qui les enveloppait, ne purent leur faire quitter leur poste : ils pensèrent qu'il était mieux de recevoir au pied de l'autel les coups qui les menaçaient, que d'omettre quoi que ce fût de ce que leur imposait l'observation des lois de leurs pères. Que ces paroles ne contiennent pas une fable inventée plaisir pour exalter une fausse piété, mais bien la stricte vérité, ceux-là en portent témoignage qui ont écrit pour la postérité l'histoire de la vie de Pompée, tels que Strabon, Nicolas, et Tite-Live, auteur de l'histoire romaine[36].

Lorsque la plus grande des tours s'écroula sous les coups des machines, entraînant avec elle les murs adjacents[37], et ouvrant ainsi le passage aux assiégeants, ceux-ci se précipitèrent par la brèche. Le premier de tous qui la franchit fut Cornelius Faustus, fils de Sylla, à la tête de sa cohorte ; après lui passa le centurion Furius, à l'autre extrémité de la brèche, et entre eux deux, le centurion Fabius avec ses soldats. A l'instant le massacre commença[38]. Parmi les Juifs, les uns mouraient frappés par les Romains, les autres par leurs compagnons ; quelques-uns se précipitaient du haut des murailles, ou, mettant le feu aux édifice :, s'y laissaient étouffer par les flammes, poussés au suicide par le désespoir. Douze mille Juifs périrent en cette affreuse journée, tandis que, parmi les Romains, peu d'hommes reçurent la mort[39]. Parmi les prisonniers se trouvait Absalon, oncle et beau-père d'Aristobule.

La majesté du temple, jusqu'alors inaccessible au pas et au regard des hommes, ne fut pas à demi violée dans cette journée néfaste, car Pompée et un grand nombre de ses compagnons pénétrèrent dans le sanctuaire, et virent ce qu'aucun autre que les souverains pontifes, parmi les mortels, n'avait le droit de contempler. Quand ils eurent franchi le seuil du saint des saints, et que leurs yeux se furent arrêtés sur la table d'or, sur le chandelier sacré, sur les patères, sur la masse des parfums et sur les trésors sacrés dont la valeur s'élevait à deux mille talents, Pompée ne mit la main sur aucune de ces choses, et il se conduisit comme il convenait à un homme de sa valeur.

Le lendemain, les prêtres ayant reçu l'ordre de purifier le temple et de reprendre les cérémonies du culte, Pompée rendit le souverain pontificat à Hyrcan, pour le récompenser de sa conduite pendant le siège. Les fauteurs de la guerre eurent la tête tranchée ; Faustus et les autres qui avaient les premiers pénétré dans l'enceinte du Hiéron reçurent la récompense qu'ils avaient méritée. Jérusalem fut déclarée tributaire des Romains[40] ; les places que les Juifs avaient conquises en Cœlésyrie leur furent enlevées et mises sous l'autorité du chef de l'armée romaine ; en un mot, la nation jusqu'alors si orgueilleuse se vit condamnée à vivre désormais dans les limites de son territoire.

Gadara, ruinée peu de temps avant, fut relevée[41] ;  Hippum, Scythopolis, Pella, Dium, Samarie, Marissa, Azot, Iamnia et Arethusa furent rendus leurs habitants. Sur la côte, Gaza, Joppé, Dora et la tour de Straton furent de même déclarées villes libres et attribuées à la province de Syrie[42].

Ce désastre, dit Josèphe, eut pour cause les démêlés de Hyrcan et d'Aristobule. Quelle fut donc la cause de ces démêlés, si ce n'est l'intrigue ourdie par Antipater ? N'hésitons pas à le dire bien haut : sans les machinations d'Antipater, après le traité librement consenti par les deux fils d'Alexandre, la Judée pouvait être heureuse et tranquille. Mais ce calme ne pouvait faire le compte d'un ambitieux de la trempe d'Antipater, qui aima mieux risquer la ruine de la patrie qui l'avait adopté que renoncer aux espérances de son ambition personnelle.

C'en était fait de la liberté du peuple juif ; il venait de passer sous le joug des Romains ; et tout ce qu'il avait conquis sur les Syriens, par la force de ses armes, il se vit contraint de le restituer aux Syriens. Ajoutez à cela la somme fabuleuse de plus de dix mille talents que le fisc romain sut en peu de temps extorquer à la nation, l'autorité royale et le souverain pontificat enlevés à la race sacerdotale, pour être confiés à des mains plébéiennes et indignes de les posséder, et vous aurez le bilan de la première série des bienfaits que la nation juive dut à l'immixtion de la race des l'érodes dans les affaires publiques. Bientôt nous verrons s'en développer les déplorables conséquences.

Pompée, après avoir remis entre les mains de Scaurus la Cœlésyrie entière jusqu'à l'Euphrate, et l'Égypte, partit pour la Cilicie avec deux légions, cherchant en toute hâte à se rendre à Rome. Il emmenait avec lui Aristobule, chargé de chaînes, et sa famille. Ce prince avait deux fils et deux tilles. Pendant le voyage, le fils aîné, nommé Alexandre, réussit à s'évader ; le plus jeune, Antigone, fut, avec ses deux sœurs, transporté à Rome[43].

Peu après, Scaurus marcha sur Pétra, capitale d'Aretas. Pour faire vivre son année à travers le pays difficile qu'il devait franchir, il avait beau dévaster les campagnes, la faim se faisait sentir dans le camp romain ; aussitôt Antipater, par l'ordre de Hyrcan, y amena du blé de Judée, et un convoi de tous les autres objets de première nécessité. Puis, envoyé par Scaurus vers Aretas, dont il était l'hôte, il réussit à lui persuader de se délivrer il prix d'or du ravage de ses terres et lui offrit unis cents talents pour obtenir ce résultat.

Scaurus, lancé dans une expédition qu'il sentait devoir être désastreuse, s'empressa d'accepter, et la guerre finit à la grande satisfaction des deux parties[44].

Nous avons dit plus haut qu'Alexandre, fils d'Aristobule, avait réussi à sortir de captivité. Il en profita immédiatement pour envahir la Judée[45]. Ce fut vers cette époque que le chef d'armée Gabinius fut envoyé de Rome en Syrie. Il se hâta de marcher contre Alexandre, auquel Hyrcan n'émit plus en mesure de résister. Il songeait déjà à relever les murs de la capitale renversés par Pompée, mais les Romains qui se trouvaient à Jérusalem l'empêchèrent de donner suite à ce projet. Alexandre se mit alors à parcourir le pays en appelant tous les Juifs aux armes, et en peu de temps il parvint à recruter une petite armée de dix mille fantassins et de quinze cents cavaliers. Puis il fit fortifier Alexandrium, château placé près de Koreæ[46], et Machærous, dans les montagnes d'Arabie.

Gabinius comprit qu'il ne fallait pas perdre de temps pour réprimer cette insurrection qui menaçait de devenir sérieuse, et il marcha contre Alexandre, après avoir envoyé en éclaireurs Marcus Antonins et quelques autres officiers. Son corps d'armée se composait des troupes romaines qu'il avait sous la main, des auxiliaires juifs qui s'étaient soumis et auxquels commandaient Pitolaüs et Malichus, et des satellites d'Antipater. Gabinius, lui-même, suivait, armé en guerre. Alexandre recula jusque dans le voisinage immédiat de Jérusalem ; mais Iii il dut se décider à accepter la bataille et fut complètement défait. Trois mille Juifs restèrent sur le carreau, et un nombre aussi considérable de prisonniers fut pris par les Romains[47].

On le voit, Antipater marchait résolument dans la voie qu'il avait choisie, et il n'avait pas honte de combattre, dans les rangs des Romains, les Juifs patriotes qui défendaient leur indépendance.

Après cette bataille, Gabinius se porta sur Alexandrium et fit proposer à la garnison de se rendre, en lui promettant le pardon de la faute qu'elle avait commise à ses yeux. Une grande partie des Juifs insurgés était campée devant la forteresse ; les Romains se ruèrent sur eux sans attendre l'issue des pourparlers. Marcus Antonins, qui conduisait l'attaque, fit des prodiges de valeur, et un grand massacre des Juifs eut lieu de nouveau. Gabinius, laissant alors devant la place une partie de ses troupes chargée d'en pousser le siège, parcourut le reste de la Judée et fit relever toutes les villes qu'il trouvait en ruine. Ce fut ainsi que Samarie. Azot, Scythopolis, Anthedon, Raphia, Dora, Marissa. Gaza et plusieurs autres cités furent restaurées[48]. Depuis longtemps elles étaient désertes, et par l'ordre de Gabinius elles reçurent une nouvelle population qui s'y établit avec sécurité[49].

Tout cela fait, Gabinius repartit devant Alexandrium. Pendant qu'il pressait les opérations du siège, Alexandre, se sentant incapable de résister plus longtemps, demanda grâce et livra aux Romains Hyrcania, Macta. rocs et Alexandrium, que Gabinius fit démanteler. On vit alors la propre mère d'Alexandre, que la captivité de son mari et de ses autres enfants disposait a faire toutes les concessions possibles aux Romains, obéir à ses terreurs d'épouse et de mère, se présenter devant le général vainqueur, et consentir à tout ce qu'il demanda[50]. Hyrcan fut ensuite reconduit à Jérusalem pour y exercer le souverain pontificat. Ce fut en cette circonstance que la nation juive fut partagée en cinq convents juridiques, dont les chefs-lieux furent Jérusalem, Gadara, Amathus (très-probablement Emmaüs ou Nicopolis), Jéricho et Sepphoris de Galilée. Les juifs, délivrés de la royauté, se virent donc pour un certain temps gouvernés par les principaux personnages de la nation[51].

Tout n'était pas fini pourtant. Aristobule réussit à s'enfuir de Rome, arriva en Judée et se mit à relever les murailles d'Alexandrium récemment ruinées par les Romains. Gabinius se hâta d'envoyer contre lui des troupes commandées par Sisenna, Antonius et Servilius, avec ordre de le chasser de là et de se saisir de sa personne. Un grand nombre de Juifs, cependant, accouraient rejoindre Aristobule, entraînés, les uns par le prestige glorieux qui s'attachait au nom de ce prince, les autres par leur esprit remuant.

Pitolaüs, qui était alors gouverneur de Jérusalem, lui conduisit un millier de soldats. Malheureusement, la plupart de ceux qui venaient se ranger sous le drapeau de l'indépendance étaient sans armes. Aristobule prit alors le parti d'aller se réfugier à Machærous. Il renvoya dans leurs foyers tous ceux qui, se trouvant sans armes, seraient plus embarrassants qu'utiles, et partit à la tête d'environ huit mille soldats. Les Romains les poursuivirent en toute diligence, les atteignirent, et malgré leur résistance héroïque, les mirent en déroute. Cinq mille de ces braves patriotes avaient péri les armes à la main[52], et les survivants durent se disperser pour pourvoir, chacun comme il le pourrait, à son salut. Aristobule, à la tête d'un peu plus de mille hommes, réussit à gagner Machærous et se hâta de fortifier la place, toujours plein de confiance dans la justice de sa cause, malgré ses récents revers. Il y fut bientôt bloqué, et après deux jours de siège, déjà couvert de glorieuses blessures, il fut fait prisonnier avec son fils Antigone, qui avait partagé les chances de son évasion. On les amena devant Gabinius.

Aristobule, ainsi trahi par la fortune, se vit reconduire à Rome, où il fut enfermé, chargé de chaires, après avoir été roi et souverain pontife pendant trois ans et demi. C'était, dit Josèphe, un homme remarquable et d'un grand cœur ; certes, Josèphe à raison de le dire.

Le Sénat remit en liberté ses enfants, à la demande expresse de Gabinius qui déclarait avoir promis a leur mère qu'ils lui seraient rendus. lors de la capitulation par laquelle elle livra les forteresses juives aux Romains. Il leur fut donc permis de rentrer en Judée[53].

A cette époque, Gabinius, qui se préparait à marcher contre les Parthes, avait déjà traversé l'Euphrate, lorsqu'il renonça il ce projet et rebroussa chemin pour se rendre en Égypte, afin de rétablir Ptolémée sur le trône de ce pays. Pendant cette campagne dirigée contre Archélaüs, le général romain ne cessa de recevoir de l'argent, des armes et des vivres que lui fournissaient Hyrcan et Antipater. Celui-ci fit plus encore, et, dans son bel amour pour les Romains. il réussit à gagner les Juifs établis près de Péluse, et qui étaient chargés de défendre les passages conduisant en Égypte ; il en fit des amis et des compagnons d'armes pour les Romains.

A son retour en Syrie. Gabinius trouva le pays en proie aux troubles et à la rébellion. En effet, Alexandre, fils d' Aristobule, ayant ressaisi le pouvoir, avait gagné à son parti un grand nombre de Juifs, à la tête desquels il parcourait la Judée, mettant impitoyablement à mort tout ce qu'il rencontrait de Romains. Ceux-ci avaient dû chercher un refuge sur le sommet du mont Garisim, où Alexandre les tenait bloqués[54].

Gabinius, par prudence, ne voulut pas charger un Romain d'aller parlementer avec les insurgés. Ce fut donc Antipater à qui il confia cette mission épineuse. Antipater, par de belles paroles, réussit à faire rentrer beaucoup de Juifs dans le devoir ; mais Alexandre refusa de rien entendre. Ce prince, qui se trouvait à la tête d'une armée de trente mille hommes, n'hésita pas à courir les chances de la guerre ; il vola au-devant de Gabinius, engagea le combat près du mont Ytabyrius (le Thabor) et fut encore une fois battu à plate couture, laissant dix mille cadavres des siens sur le champ de bataille[55].

Après ces événements, Gabinius arrangea les affaires de Jérusalem, comme le voulait Antipater, et entreprit ensuite une nouvelle expédition contre les Nabatéens, qui furent vaincus. Ce dernier succès obtenu, il partit pour Rome, laissant le gouvernement de la province de Syrie à Crassus[56].

Les bienfaits de la domination romaine ne devaient pas tarder à se faire sentir : Crassus débuta en Judée par la spoliation du temple de Jérusalem et par un parjure. Voici comment. Le nouveau préfet de Syrie était chargé de diriger une expédition contre les Parthes : avant de l'entreprendre, il se rendit en Judée, avec l'intention d'y battre monnaie à la façon des Romains. Il savait tout ce que le temple de Jérusalem contenait d'or, et il n'en fallait pas tant pour enflammer sa convoitise. Le trésor sacré que Pompée avait respecté et laissé intact contenait deux titille talents. Crassus commença par les confisquer ; puis l'ornementation du temple lui-même, dont la valeur atteignait le chiffre incroyable de huit mille talents, lui parut également de lionne prise, et il s'apprêta à s'en saisir. Un prêtre, nommé Éléazar, homme pieux et honnête, à qui était confiée la garde des voiles admirables et somptueux du temple, crut faire merveille en dénonçant au spoliateur l'existence d'une poutre d'or massif du poids de trois cents mines, équivalant à sept cent cinquante livres d'or. A cette poutre étaient suspendus les voiles dont il vient d'être question ; elle était encastrée dans une pièce de bois creuse et cachée ainsi aux veux de tous. Éléazar, qui seul en connaissait l'existence, la révéla à Crassus, à la condition que celui-ci s'en contenterait, et s'engagerait par serment à ne pas toucher à l'ornementation même du temple. Crassus n'hésita pas une seconde : il jura tout ce que voulait Éléazar, commença par se saisir de la poutre d'or, et quand il s'en fut emparé, n'en continua pas moins, malgré la parole qu'il avait donnée, à arracher tout l'or dont le sanctuaire des Juifs était revêtu[57].

Et voilà comment préludaient en Judée les Romains qui prétendaient non-seulement à la soumission, mais encore à l'affection d'un peuple qu'ils blessaient dans ses affections les plus chères, dans ses sentiments les plus respectables !

Après le récit de cette spoliation. Josèphe consacre tout un paragraphe à justifier aux yeux de ses lecteur ; le chiffre presque fabuleux des richesses qui étaient accumulées dans le temple de Jérusalem. Elles provenaient, dit-il, des offrandes amassées pendant des siècles et envoyées de tous les points de l'univers connu par les Juifs et par les adorateurs du vrai Dieu, qui étaient répandus partout, aussi bien en Europe qu'en Asie. Il invoque alors le témoignage de Strabon pour montrer quelle était l'opulence de la nation juive, et cite un passage dans lequel cet écrivain raconte que Mithridate envoya une expédition à Cos, afin d'enlever l'argent que la reine Cléopâtre y avait déposé, et huit cents talents appartenant aux Juifs. Or, ajoute Josèphe, ceux-ci n'ont d'autre monnaie que celle qui est consacrée a Dieu, et il est manifeste que les Juifs établis en Asie avaient, par crainte de Mithridate, envoyé ce trésor à Cos, comme dans un refuge assuré. Il serait au contraire tout à fait invraisemblable que ceux qui habitaient la Judée, et qui possédaient une ville aussi bien fortifiée que Jérusalem et le temple, eussent eu l'idée de déposer leurs trésors à Cos. Quant aux Juifs qui étaient fixés à Alexandrie. ils n'avaient rien à redouter de Mithridate ; à quoi bon alors envoyer leurs richesses dans ce dépôt ?

Le même Strabon. poursuit Josèphe dans un antre passage[58], rappelle que Sylla. au moment oh il se rendait eu Grèce pour faire la guerre à Mithridate, envoya Lucullus à Cyrène pour y apaiser la sédition soulevée par les Juifs, sédition qui avait envahi l'univers. A Cyrène, dit Strabon, la population était partagée en quatre classes, les citoyens, les laboureurs, les étrangers et les Juifs. Ceux-ci s'étaient répandus dans toutes les cités, et il serait difficile de trouver dans le monde entier un seul point ne soit occupé par cette race. Ainsi, en Égypte, et dans la Cyrénaïque, pays réunis sous le même sceptre. et dans beaucoup d'autres contrées, les mœurs des Juifs ont été adoptées, pour la plus grande prospérité de ces contrées. En Égypte, par exemple, où les Juifs ont été admis à habiter librement, une grande portion de la ville d'Alexandrie leur a été assignée. Ils y ont un ethnarque qui administre la nation, rend la justice et veille à l'exécution des contrats, comme s'il était le chef d'une république autonome. C'est en Égypte surtout que la nation juive est florissante, parce que les Juifs tirent leur origine des Égyptiens et se sont établis dans des pays limitrophes, lorsqu'ils ont quitté la mère patrie. S'ils ont prospéré en Cyrénaïque, c'est que cette province est aussi voisine de l'Égypte que la Judée, ou mieux qu'elle a fait jadis partie de l'empire égyptien[59].

Crassus, après le bel exploit que nous venons de raconter, partit pour les pays des Parthes, où il périt avec son armée[60]. Cassius réussit à s'enfuir en Syrie., et lorsqu'il y fut rentré, il dut songer à repousser les Parthes qui. exaltés par la victoire remportée sur Crassus, tentèrent une incursion sur le territoire de cette province. Une fois tranquille de ce côté, Cassius revint à Tyr, et de là en Judée. Pitolaüs. continuateur de la rébellion d'Aristobule, occupait la ville de Tarichées sur les bords du lac de Gennezareth. Le général romain alla l'y attaquer ; la place fut enlevée au premier choc ; trente mille prisonniers environ furent réduits en esclavage. et leur chef Pitolaüs fut mis à mort sur les instances d'Antipater, qui, ainsi qu'on le voit, poursuivait son but, et ne reculait devant rien, lorsqu'il s'agissait d'écraser le patriotisme judaïque. En effet, nous avons vu jusqu'ici cet homme toujours à côté des généraux romains, exerçant sur chacun d'eux tour à tour sa fatale influence, au profit de son ambition personnelle.

Il avait su, en peu de temps, capter la confiance de Cassius, et, comme les autres, il le poussait à sa guise dans la voie qui devait conduire sa lignée sur le trône. S'il avait un grand empire sur l'esprit du général romain, il était tenu aussi en grande estime parmi ses compatriotes les Iduméens. Pour se les mieux concilier, il avait épousé une femme de leur nation, nommée Cypros[61], et issue d'une noble famille arabe.

Cinq enfants étaient issus de ce mariage, quatre fils et une fille. C'étaient Phasaël, Hérode, qui devint dans la suite roi des Juifs, Joseph et Phéroras ; la fille se nommait Salomé.

Afin d'assurer le succès de ses desseins secrets. Antipater s'était habilement lié à tous les principaux personnages iduméens par les liens de l'amitié et de l'hospitalité. Il avait tenu surtout il gagner l'affection du roi des Arabes, auquel il avait confié ses enfants, pendant qu'il poursuivait la guerre contre Aristobule.

Après la prise de Tarichées, Cassius dut se rendre en hâte sur les bords de l'Euphrate, pour résister à une nouvelle invasion des Parthes. Nais avant de partir il réussit à traiter avec Alexandre et à obtenir de lui la cessation des hostilités[62].

Postérieurement à ces événements. César, qui s'était emparé de Rome[63] et de la dictature, pendant que Pompée et le Sénat avaient fui au delà de la mer Ionienne ; César, pour tenir son rival en échec, rendit la liberté à Aristobule et résolut de le lancer sur la Syrie à la tête de deux légions qu'il lui confia. Le malheureux prince devait voir s'évanouir arec sa vie l'espérance que lui avait donnée la politique de César ; avant qu'il pût quitter Rome. les partisans de Pompée l'empoisonnèrent, et les derniers devoirs lui furent rendus pal' les amis de César ; son corps fut conservé. plongé dans le miel, jusqu'au moment où, dans la suite, Antoine l'envoya en Judée et prit soin de le faire déposer dans les tombes royales[64].

A la nouvelle des projets de César sur la Judée. Pompée transmit à Scipion l'ordre de mettre à mort Alexandre, fils d'Aristobule ; Scipion se hâta de constituer un tribunal devant lequel le jeune prince fut accusé de trahison envers les Romains, et la hache du bourreau débarrassa Pompée de l'embarras que pouvait lui causer un nouveau soulèvement des Juifs. Ce tragique événement s'accomplit à Antioche.

L'œuvre d'Antipater marchait il souhait !

Une fois Alexandre mort, Ptolémée, fils de Mennæus, tétrarque de Chalcis[65], envoya Philippion son fils il Ascalon, auprès de la veuve d'Aristobule, pour la presser de lui confier son fils Antigone et ses filles, qu'il prenait sous sa protection. La plus jeune de ces princesses. nommée Alexandra, inspira une telle passion à Philippion, qu'il se hâta de la prendre pour femme. Mais Ptolémée son père le lit bientôt assassiner, pour épouser Alexandra, sa veuve, et ne s'en montra que plus dévoué aux malheureux princes juifs[66].

Quels monstres que tous ces roitelets asiatiques !

Le meurtre d'Alexandre ne porta pas bonheur Pompée ; un peu plus tard, il était vaincu par César, et mourait décapité à son tour sur les plages égyptiennes[67].

César était en Égypte ; le vent de la fortune avait tourné de son côté ; il était donc tout simple qu'Antipater se fit donner l'ordre par Hyrcan de favoriser de tout son pouvoir les desseins de César. Mithridate de Pergame amenait un corps d'auxiliaires ; n'osant s'aventurer du côté de Péluse, il s'était arrêté à Ascalon. Antipater, à la tête de trois mille fantassins juifs, et secondé par les principaux chefs de l'Arabie, vint l'y rejoindre et lui prêter assistance. Par ses intrigues, il sut décider tous les Syriens à embrasser la cause de César et à faire assaut de zèle et de diligence. Parmi eux ou comptait le dynaste du Liban Iamblichus et son fils Ptolémée ; presque toutes les cités, d'ailleurs, cédaient à la même impulsion. Mithridate, quittant la Syrie, vint enfin se présenter devant Péluse ; la population de cette ville lui ayant fermé ses portes, il en commença le siège.

Antipater était un fourbe, mais il était brave de sa personne. Il montra en cette circonstance une vaillance incomparable, et lorsque la brèche fut ouverte, il fut le premier à se jeter dans la ville. Péluse était prise[68] !

Il y avait en Égypte une multitude de Juifs qui habitaient la contrée dite pays d'Onias. Ceux-là n'étaient pas des Juifs dégénérés ; il essayèrent de barrer le passage à Antipater et à Mithridate, et de les empêcher d'opérer leur jonction avec César. Mais le premier n'était pas homme à se rebuter devant un pareil obstacle ; il exhiba des lettres du souverain pontife Hyrcan, engageant les Juifs d'Égypte à embrasser la cause de César et à venir, par tous les moyens en leur pouvoir, au secours de l'armée à laquelle ils voulaient d'abord résister. Lorsqu'ils virent qu'Antipater et le grand prêtre étaient d'accord, ils obéirent. Dès lors les habitants de Memphis, apprenant que l'armée de secours approchait, appelèrent à eux Mithridate, qui s'empressa d'accourir et de les enrôler sous ses drapeaux[69].

Contournant le Delta. Mithridate atteignit l'ennemi ail lieu nominé le Camp des Juifs. Ce prince, qui commandait l'aile droite de son corps de bataille, fut repoussé et mis en déroute. L'autre aile, placée sous les ordres d'Antipater, parvint à rétablir le combat et à remporter une éclatante victoire, couronnée par la prise du camp ennemi. Mithridate, que son mouvement de retraite avait conduit fort loin, fut alors rappelé par Antipater ; il avait eu huit cents hommes tués, tandis que l'Iduméen n'en avait perdu que quarante[70]. Mithridate s'empressa d'annoncer cette victoire à César, en en reportant tout l'honneur à Antipater, auquel il déclarait avoir ai son salut. César, de son côté, se billa de combler Antipater de louanges, et, à partir de ce moment. il eut toujours recours à lui dans les moments les plus périlleux de la campagne entière. Nous l'avons déjà dit, cet homme avait une grande bravoure, et il fut blessé dans un des nombreux combats auxquels il prit part[71].

Lorsqu'après cette guerre César vint en Syrie[72], il confirma Hyrcan dans le souverain pontificat et combla d'honneurs Antipater, auquel il accorda le droit de cité et des immunités de toute nature[73].

Beaucoup d'historiens, ajoute Josèphe, affirment que Hyrcan avait accompagné Mithridate et Antipater en Égypte, entre autres Strabon qui parle de la présence du grand prêtre Hyrcan auprès de Mithridate, à l'époque de son invasion en Égypte. Sur ce point d'histoire il s'appuie du dire d'Asinius. Dans un autre passage emprunté à Hypsicrate, Strabon parle encore de la venue d'Hyrcan en Égypte[74].

Vers cette époque, Antigone fils d'Aristobule vint se présenter devant César en suppliant. Il lui rappela le triste sort de son père Aristobule, qui avait péri empoisonné en servant sa cause, et celui de son frère que Scipion avait fait décapiter ; il le conjura d'avoir pitié de lui que l'on avait chassé des États de son père. Il osa plus encore, et accusa formellement Hyrcan et Antipater, qui gouvernaient par la violence une nation dont il était le souverain légitime, de ne l'avoir servi en Égypte que poussés par la crainte. Ils avaient voulu masquer leur amitié pour Pompée, en affectant pour lui, César, un dévouement qu'ils ne ressentaient pas[75].

Antipater, devant qui cette dénonciation était formulée, ne s'intimida pas, et répondit aux griefs personnels qui lui étaient imputés. D'accusé il se fit accusateur à son tour, et avec une grande habileté. Rejetant la robe dont il était revêtu, il montra ses nombreuses cicatrices et déclara qu'il n'avait pas besoin de parler de son dévouement à César ; car, s'il restait muet, ses membres couverts de blessures, crieraient bien haut pour lui. Antigone, dont l'audace le stupéfiait, n'était qu'un rebelle et un fauteur de désordre. N'avait-il pas fait ses preuves de fidélité par ses actes, par ses conseils ? César n'en pouvait-il pas rendre témoignage lui-même ? Si Aristobule avait été deux fois interné à Rome, il ne l'avait que trop bien mérité par son hostilité constante. Jamais il n'avait été animé de bons sentiments envers les Romains. Quant au frère d'Antigone, arrêté au milieu de ses brigandages, il avait subi le châtiment qui lui était dû. Sa mort n'avait donc été ni un acte de violence, ni un acte d'injustice[76].

Les services d'Antipater étaient de trop fraîche date pour que le souvenir s'en fût effacé dans la mémoire de César ; la cause d'Antigone était perdue. Aussitôt qu'Antipater eut fini de parler. César décida que Hyrcan conserverait le souverain pontificat, et qu'Antipater gouvernerait la Judée, les limites de son pouvoir étant laissées ii sa propre discrétion.

C'était beaucoup déjà, mais ce n'était pas encore assez pour notre ambitieux ! Hyrcan reçut l'autorisation de relever les murailles de Jérusalem, qui étaient restées en ruine depuis le passage de Pompée. César écrivit immédiatement

Rome pour faire sanctionner par le Sénat le décret qu'il venait de rendre, et qui devait être déposé dans les archives du Capitole[77]. Voici la teneur du sénatus-consulte qui fut rendu à cet effet :

Lucius Valerius, fils de Lucius, préteur, a fait son rapport au Sénat, aux ides de décembre, dans le temple de la Concorde. Ont été chargés de la rédaction du décret Lucius Coponius, fils de Lucius, de la tribu Collina, et Papirius, de la tribu Quirina, touchant les réclamations formulées par Alexandre fils de Jason, Numenius fils d'Antiochus, et Alexandre fils de Dorothée, envoyés de la nation juive, tous trois hommes de bien et amis, qui, rappelant la bienveillance et l'affection qu'ils ont de tout temps portées aux Romains, ont offert en présent et en signe d'alliance un bouclier d'or du poids de cinquante mille aureus, et ont sollicité des lettres patentes qu'ils soumettraient aux cités libres et aux souverains, signifiant qu'ils pourraient posséder leur pays et leurs ports, sans que personne leur porter préjudice. En conséquence il a plu au Sénat d'entrer en amitié et en grâce avec eux, de leur accorder ce qu'ils nous ont demandé, et d'accepter le bouclier qu'ils ont offert.

Cet acte solennel fut promulgué en l'an IX du pontificat de Hyrcan, au mois de Panemus[78].

Nous nous abstiendrons de parler ici du décret rendu en l'honneur de Hyrcan et en reconnaissance de la conduite de ce prince à l'égard du peuple athénien, par les chefs de son gouvernement. Josèphe s'étend longuement sur ce décret qui n'intéresse pas notre sujet, et que d'ailleurs on pourra consulter dans le livre des Antiquités judaïques[79].

César, lorsqu'il eut réglé les affaires de la Syrie, s'embarqua promptement. Aussitôt qu'il eut quitté le pays, Antipater rentra en Judée et lit immédiatement relever les murailles renversées par Pompée. Puis, parcourant le pays dans tous les sens, il apaisa les troubles auxquels il était en proie, en partie par la menace, en partie par les conseils. — Si vous embrassez la cause de Hyrcan, leur disait-il, vous vivrez heureux, et vous jouirez paisiblement et sans entraves de votre bien-être. Si, au contraire, vous vous laissez entraîner à fomenter de nouvelles révolutions, dans l'espérance d'y trouver des avantages, au lieu d'un préfet vous aurez en moi un despote, en Hyrcan un tyran au lieu d'un roi ; César et les Romains ne seront plus pour vous des guides bienveillants, des amis ; ils deviendront des ennemis impitoyables. Croyez-vous donc qu'ils laisseront renverser ce qu'ils ont fondé ?

Une fois les Juifs avertis de cette façon, Antipater s'occupa activement de l'administration du pays[80].

Le moment était venu pour Antipater d'agir à visage découvert, et de rejeter le masque sous lequel il avait jusqu'alors travaillé à sa propre fortune, et il celle de ses enfants. Sous le prétexte que Hyrcan était indolent et sans énergie, il nomma son fils aine. Phasaël gouverneur militaire de Jérusalem et de tout le pays d'alentour. Hérode, le second de ses fils, qui était fort jeune, puisqu'il n'avait encore que vingt-cinq ans, fut placé à la tête de la Galilée[81] ; sa jeunesse, du reste, ne fit pas obstacle aux bons services que son père attendait de lui, et comme il était homme de valeur, à peine entré en fonction, il trouva l'occasion de se signaler. Un chef de bandits nominé Ézéchias infestait les frontières de la Syrie : Hérode le poursuivit à outrance, l'atteignit, et le mit à mort avec la plus grande partie de ses complices. Les Syriens délivrés de ce fléau devaient naturellement témoigner une vive reconnaissance à leur libérateur ; ils se prirent à adorer Hérode. Dans les villes et les villages, son nom et son éloge étaient dans toutes les bouches, si bien que sa réputation vint à la connaissance de Sextus César, cousin du dictateur, alors gouverneur de la province[82].

Phasaël, frère d'Hérode, se piqua d'émulation et fit de son côté tous ses efforts pour se faire aimer des Hiérosolymitains ; il se mit donc a exercer son gouvernement sans avoir recours à aucun intermédiaire, voyant tout et faisant tout par lui-même, usant toujours de modération, et évitant avec soin les abus d'autorité. Il n'en fallait pas plus pour qu'Antipater Mt traité par la nation avec tous les égards dus à un souverain, avec tous les honneurs réserves à la puissance royale[83].

En ce point de son récit, Josèphe ajoute une phrase qui a lieu de nous surprendre. La voici : Et cependant Antipater, au faite des splendeurs et du pouvoir, ne perdit rien de son dévouement, de son affection et de sa fidélité envers Hyrcan, faisant ainsi exception à une règle qui n'est que trop générale parmi les hommes.

Concilie cela qui pourra avec le soin qu'il eut, au dire de notre historien, d'appeler ses deux fils au partage de l'autorité souveraine, sous le prétexte que Hyrcan était incapable de l'exercer. Qu'Antipater ait respecté le grand prêtre des Juifs, je le veux bien ; mais qu'il ait eu la même vénération pour le prince, j'en doute fort. Sa conduite tout entière est là pour démontrer le contraire[84].

Au reste, les grands personnages de la nation ne s'y trompaient pas. Voyant Antipater et ses fils gagner chaque jour eu popularité et s'enrichir aux dépens de Hyrcan et de la Judée, ils les prirent en haine. Antipater, en effet, ne s'était-il pas fait l'ami des chefs du gouvernement romain ? Ne poussait-il pas Hyrcan à leur envoyer sans cesse des sommes considérables, pour faire tourner à son profit ces actes insensés de munificence ? L'argent donné ne passait-il pas toujours pour venir l'Antipater et non de Hyrcan ?

On le voit, nous n'avions pas tort, il n'y a qu'un instant, de nous étonner de l'assertion de Josèphe, touchant la constance de l'affection et de la fidélité d'Antipater envers Hyrcan.

On avait beau dénoncer à ce prince les projets et les actes d'Antipater ; il n'en prenait aucun souci ; il allait plus loin encore, et déclarait que tout cela lui convenait et lui faisait plaisir[85].

Les chefs de la nation, sachant Hérode violent, audacieux, enflammé d'une ambition effrénée, commencèrent à tout prévoir, à tout redouter, et quand la mesure leur parut comblée, ils eurent le courage de se présenter devant le souverain pontife pour accuser Antipater en termes formels.

Jusques à quand, lui dirent-ils, supporterez-vous patiemment ce qui se passe ? Ne comprenez-vous pas qu'Antipater et ses fils sont les vrais détenteurs de la souveraineté, tandis qu'il ne vous reste, à vous, qu'un vain titre ? Vous êtes perpétuellement en danger, puisque vous ne prenez souci ni de vous-même, ni de la royauté. Antipater et ses fils ne sont pas vos ministres, il ne faut pas vous y tromper ; ce sont vos maîtres. Hérode n'a-t-il pas fait périr Ézéchias et ses hommes, malgré la teneur formelle de notre loi qui défend de mettre à mort nième un criminel, s'il n'a été préalablement condamné par le Synhédrin ? Hérode, sans votre assentiment, ne s'est-il pas arrogé le droit de les tuer ?[86]

Il ne s'agissait plus d'insinuations cette fois ; l'accusation était directe, et Hyrcan en fut vivement ému. Ce qui surtout lit naître en son aine un mouvement de colère, fut la supplication répétée des mères de ceux qu'Hérode avait fait mettre à mort. Chaque jour, en effet, elles se rendaient dans le Hiéron, et là, elles ne cessaient d'implorer le roi et le peuple, pour obtenir que les actes d'Hérode fussent déférés au Synhédrin. Hyrcan finit par prendre un grand parti. avec le caractère que nous lui connaissons, et il assigna Hérode à venir se disculper des accusations portées contre lui. Le moment était critique. Hérode consulta son père sur ce qu'il avait à faire en pareille conjoncture, et Antipater lui conseilla de se rendre, à Jérusalem, non comme un simple particulier. mais à la tête d'une escorte, et avec ses gardes du corps.

Aussitôt qu'il eut réglé sa guise les affaires de la Galilée[87], Hérode se luit en route avec une troupe d'affidés assez nombreuse, pour n'avoir rien à redouter pendant le voyage. pas assez considérable d'un autre côté pour inspirer de la crainte à Hyrcan. Ce qu'il voulait, c'était ne pas comparaître isolé et privé d'un entourage suffisant pour le protéger au besoin.

C'était bien le cas d'user de la protection romaine, et Antipater ne s'en lit pas faute. Il se lit adresser par Sextus César, préfet de la Syrie. une dépêche lui enjoignant de débarrasser Hérode du procès qu'on lui intentait et contenant des menaces, pour le cas où il ne lui obéirait pas sans délai[88]. La dépêche de Sextus César, qui aimait Hérode comme son fils, eut pour résultat immédiat que l'accusé fût mis hors de cause, et sans que le Synhédrin osât prononcer une condamnation contre lui. Lorsque Hérode se présenta à la barre du tribunal souverain, à la tête de la troupe armée qui l'avait suivi, chacun des juges se sentit pris de peur, et parmi les plus violents avant sa comparution, il n'y en eut plus un seul qui eût le courage d'élever la voix pour soutenir l'accusation.

Chacun gardait le silence et ne savait que faire. Ce fut alors que l'un des membres du Synhédrin, nommé Samæas, homme juste et moins craintif que ses collègues, se leva et prit la parole : En vérité, je le déclare à vous tous qui êtes juges comme moi, et à toi, roi, je n'ai jamais vu, et je vous défie de nommer un seul homme qui, assigné à comparaître devant vous pour se défendre contre une accusation, ait osé le faire de cette façon. Quiconque vient pour être jugé dans ce Synhédrin, se présente humblement, dans l'attitude de la crainte, implorant notre pitié, les cheveux épars et en robe de deuil. Mais le vertueux Hérode, coupable de meurtre, et assigné pour un crime aussi grave, comparaît ici vêtu de pourpre, élégamment codé et entouré d'hommes avinés, afin que, si nous le condamnons, comme le veut la loi, il puisse nous égorger, et s'échapper après avoir violé la justice. Certes, je ne fais pas un crime à Hérode de s'être montré plus préoccupé de son salut que du respect dû à la loi. C'est à vous, juges, c'est à loi, roi, que je reproche de lui avoir permis d'user d'une semblable licence. Sachez que Dieu est tout-puissant, et que cet homme, que vous voulez absoudre pour plaire à Hyrcan, vous punira quelque jour, vous, juges, aussi bien que toi, roi.

La suite prouva que la prédiction de Samæas était vraie. Car Hérode, lorsqu'il fut devenu roi, lit mettre à mort tous ceux qui avaient siégé dans cette séance du Synhédrin, et Hyrcan lui-même : Samæas seul eut la vie sauve[89].

Hérode, en effet, fut frappé du courage de cet homme, et le tint en grande estime à cause de son amour pour la justice. Puis, lorsque Jérusalem fut assiégée par Hérode et par Sossius, le même Samæas engagea la peuple à admettre Hérode dans la ville, affirmant qu'il ne pourrait échapper au châtiment de son impiété[90].

La courte harangue de Samæas avait porté coup. Hyrcan, voyant les juges du Synhédrin prêts à condamner le coupable, remit le prononcé du jugement à un autre jour et lit avertir secrètement Hérode de s'éloigner de la ville, s'il voulait échapper au danger qui le menaçait. Celui-ci profita de l'avis et courut se réfugier à Damas. comme s'il fuyait devant la colère du roi. Une fois arrivé près de Sextus César, et lorsqu'il se crut à l'abri de toute poursuite. Hérode déclara que, s'il était mandé une autre fois devant le Synhédrin, il refuserait d'obéir. De leur côté, les membres du saint Tribunal étaient furieux et ils s'efforçaient de prouver à Hyrcan que sa conduite en cette affaire tournerait contre lui ; le pauvre prince en convenait, mais ne savait prendre aucune décision, tant étaient grandes sa faiblesse et sa peur. Ce fut bien pis encore lorsque Sextus eut vendu à prix d'argent le gouvernement de la Cœlésyrie à Hérode. Dès ce moment, Hyrcan se crut menacé de la guerre que lui déclarerait l'homme dont il avait sauvé la vie[91], et de fait, il ne se passa pas longtemps avant que cette crainte ne fût justifiée. Hérode, en effet, ne tarda pas à marcher à la tête d'une armée contre Hyrcan, pour venger l'affront qu'il prétendait avoir reçu de lui, lorsqu'il avait été cité, à comparaitre devant le Synhédrin.

Cette détermination d'Hérode parut à son père et à son frère Phase de nature à compromettre leur fortune, et tous deux coururent au-devant de lui, pour le détourner d'attaquer Jérusalem. Ils le supplièrent de se calmer et de se contenter de la menace pour effrayer celui à qui, au demeurant. il devait la dignité dont il était revêtu. Ils lui représentèrent que, s'il avait été luis en jugement, il avait été acquitté en définitive ; qu'il ne devait pas se montrer ingrat envers celui qui l'avait réellement sauvé ; que si Dieu tient en main la fortune de la guerre, l'issue de l'expédition qu'il projetait n'en était que plus douteuse, et la victoire que plus incertaine, puisqu'il voulait combattre un roi, un ami qui l'avait comblé de bienfaits, et n'avait jamais eu un tort grave envers lui ; qu'en fin de compte, les griefs dont il se plaignait étaient imputables aux mauvais conseillers du roi. qui n'avait rien fait de son chef qu'on pût lui reprocher comme trop rigoureux.

Nous sommes un peu surpris, nous l'avouons, de voir ces sages paroles mises par Josèphe dans la bouche d'Antipater et de Phasaël. Sont-ce bien là toutes les considérations qu'ils firent valoir aux yeux d'Hérode ? Il est permis d'en douter. Précipiter les événements leur parut plus probablement intempestif. Hyrcan ne pouvait en effet être compté pour un obstacle bien sérieux, et après lui que resterait-il de la race asmonéenne ? Antigone, dont les prétentions au trône avaient été nettement rejetées par César lui-même. Il était donc plus sage de laisser au temps, qui ne pouvait astre bien long, le soin d'aplanir les dernières difficultés qui s'opposaient encore à l'accomplissement de leurs projets et de leurs espérances.

Quoi qu'il en soit, Hérode céda aux conseils de son père et de son frère allié. Il pensa qu'il suffisait pour l'avenir de ses projets d'avoir montré à la nation ce qu'il avait de force, et il s'arrêta[92].

Vers cette mime époque, la Syrie fut troublée gravement par un événement que nous devons raconter, parce qu'Antipater et ses fils s'y trouvèrent mêlés. Bassus, l'un des partisans de Pompée, fit assassiner Sextus César, et, se mettant à la tête d'une partie des troupes romaines, s'empara du pouvoir. De là naquit une guerre sérieuse dont le théâtre fut le pays d'Apamée. Les généraux placés sous les ordres de Sextus César marchèrent contre Cæcilius à la tête des troupes d'infanterie et de cavalerie qui leur étaient restées fidèles. Antipater leur envoya un corps d'auxiliaires, commandés par ses fils, en souvenir des bienfaits accordés par Sextus, et parce qu'il lui semblait juste de venger sa mort et de châtier son meurtrier. Pendant que cette guerre tramait en longueur, Murcus arriva de Rome pour succéder à Sextus[93], et César fut poignardé en plein sénat par Cassius et par Brutus, après avoir exercé le pouvoir suprême pendant trois ans et six mois[94].

Dans le temps de trouble qui suivit la mort de César. Cassius passa en Syrie pour se mettre à la tête de l'armée qui bloquait Apamée. Abandonnant aussitôt le siège de la place, il réussit à gagner à sa cause Cæcilius Bassus et Murcus lui-même, puis courant le pays et rançonnant les villes, il ramassa des armes et recruta des soldats, en frappant partout des contributions de guerre considérables[95]. Ce fut surtout la Judée qu'il voulut pressurer, et il en exigea sept cents talents d'argent. Antipater, voyant le trouble et la terreur partout, fit la répartition du tribut imposé et en confia le recouvrement partiel à ses fils, à Malichus qui, pourtant, se montrait peu de ses amis, et à quelques autres. Hérode, qui réussit le premier il compléter la somme de cent talents à laquelle la Galilée était taxée, se concilia ainsi les bonnes grâces de Cassius. Il avait jugé sage de se faire des amis des Romains. en usant du procédé qui consistait à payer leur bienveillance avec la bourse et les misères d'autrui.

Les gouverneurs des autres villes et leurs administrés faisaient tous leurs efforts pour parfaire les sommes qu'ils devaient payer, mais tous n'y réussissaient pas. et Cassius condamna quatre de ces villes à la servitude : c'étaient Gophna, Emmaüs, Lydda et Thamna[96]. Comme les rentrées se faisaient attendre, Cassius en vint à un tel point de colère qu'il eût fait tuer Malichus, si Hyrcan ne l'eût apaisé en lui faisant toucher cent talents qu'Antipater dut prendre dans sa bourse[97].

Aussitôt que Cassius se fut éloigné de la Judée, Malichus chercha à perdre Antipater, se figurant que la mort de celui-ci affermirait grandement l'autorité de Hyrcan. Mais les desseins de Malichus n'échappèrent pas a celui qu'ils intéressaient à un si haut point ; il parut donc prudent à Antipater de se mettre en lieu de sûreté. Il se hâta de franchir le Jourdain, et là, réussit en peu de temps à lever une armée d'Arabes et d'habitants du pays, à la tête de laquelle il reparut. Malichus était un fourbe trop rusé pour ne pas se tirer de ce mauvais pas. Il prodigua les serments à Antipater et à ses fils, insista sur ce que les projets qu'on lui prêtait avaient d'insensé, puisque Phasaël était maître de Jérusalem et Hérode chargé de la garde des arsenaux ; voyant que ses intrigues n'avaient pas abouti, il fit urine de se réconcilier avec Antipater.

Murcus était alors gouverneur militaire de la Syrie. Singulier retour des choses de ce monde ! Un peu plus tard, Murcus, ayant appris que Malichus fomentait un nouveau soulèvement en Judée, voulut le faire mettre à mort, et celui-ci ne dut la vie qu'aux instances d'Antipater[98], qui, certes, ne se doutait pas qu'il venait de sauver celui qui devait être son assassin.

Cassius et Murcus, après avoir concentré leurs forces, confièrent l'administration du pays à Hérode, qu'ils instituèrent préfet de la Cœlésyrie ; ils lui donnèrent une flotte, des troupes de cavalerie et d'infanterie, lui promettant en outre de le faire reconnaitre par le sénat roi de Judée, après la guerre qui venait d'éclater entre leur parti et celui d'Antoine et du jeune Octave, qui avait pris le nom de César. Ce fut ce moment que choisit Malichus, dont les craintes allaient chaque jour grandissant, pour se défaire d'Antipater. Il gagna à prix d'argent l'échanson de Hyrcan, chez lequel tous les deux étaient conviés à un banquet, et Antipater fut empoisonné[99]. Des hommes armés étaient prêts, Malichus s'empara de la ville et du gouvernement. Lorsque Phasaël et Hérode apprirent le guet-apens dont leur père avait été victime, ils entrèrent en fureur ; mais le meurtrier nia tout et se montra plus affligé que qui que ce fût de la mort d'Antipater.

C'est ainsi, dit Josèphe, que finit Antipater, l'homme le plus pieux, le plus juste et le plus patriote. — Nous ne devons évidemment accepter ce jugement que sous bénéfice d'inventaire.

Hérode ne perdit pas de, temps. Avide de vengeance. il marcha incontinent contre Malichus à la tête des forces dont il disposait. Mais Phasaël, son frère aîné, jugea de son côté plus prudent d'agir de ruse contre le coupable, pour ne pas s'exposer à être considérés comme des fauteurs de guerre civile. Aussi fit-il semblant d'accepter les dénégations de Malichus et de le considérer comme entièrement innocent de la mort de son père, auquel il fit élever un magnifique tombeau[100]. Sur ces entrefaites, Hérode était arrivé à Samarie. Trouvant cette ville en mauvaise situation, il s'empressa d'apaiser les dissentiments qui divisaient ses habitants[101].

Peu de temps après, au moment où allait se célébrer à solennité qui attirait toute la nation dans la ville sainte. il s'approcha de Jérusalem avec son armée. Malichus, redoutant sa présence, conseilla à Hyrcan de lui interdire l'entrée de la ville. Le pontife se laissa persuader et allégua pour prétexte le scandale que ne pourrait manquer de produire, au milieu d'une population purifiée, la présence d'une foule d'étrangers. Hérode ne tint aucun compte de la défense et entra de nuit dans Jérusalem. La terreur de Malichus était à son comble, et, dans cette conjoncture. il usa plus que jamais de la feinte. A l'entendre, personne plus que lui ne déplorait la mort d'Antipater ; au palais, il ne cessait de se proclamer l'ami le plus dévoué et le plus affligé du défunt ; en secret, il ne pensait qu'à la sécurité de sa personne. Hérode, à son tour, se laissa persuader par ses amis de ne pas démasquer ouvertement encore la duplicité du meurtrier, et pour lui ôter toute appréhension, de lui rendre ouvertement bienveillance pour bienveillance[102].

Hérode avait écrit à Cassius pour lui annoncer la mort funeste d'Antipater. Cassius, qui savait ce dont Malichus était capable, répondit au fils de venger son père. De plus. les tribuns, qui résidaient à Tyr, reçurent de lui l'ordre secret de venir en aide a Hérode, dans l'acte de justice qu'il allait accomplir[103].

Cassius venait de se rendre maître de Laodicée ; de toutes parts on accourait pour le féliciter de sa victoire et lui apporter des couronnes et de l'argent ; Hérode espéra que Malichus suivrait cet exemple, et qu'il lui serait facile alors de lui faire payer sa dette de sang. Arrivé à Tyr, Malichus soupçonna ce qui se tramait contre lui ; il se prépara donc à frapper un grand coup. Son fils était gardé en otage à Tyr même ; il forma le projet de l'enlever, de retourner aussitôt en Judée et de profiter du moment où Cassius marcherait contre Antoine, pour entraîner la nation juive à la défection, et se saisir du pouvoir souverain[104]. Le plan était bien conçu, mais Dieu ne permit pas qu'il réussit. Hérode n'eut pas de peine à l'éventer. Sous le prétexte d'offrir un festin aux officiers romains et aux grands personnages du pays, il envoya un affidé chargé en apparence de transmettre ses invitations, mais qui avait pour mission secrète de demander aux premiers d'aller au-devant de Malichus et de le tuer à coups d'épée. L'ordre qu'ils avaient reçu de Cassius était précis ; ils n'hésitèrent donc pas, sortirent de la ville et rencontrèrent Malichus sur la plage. L'assaillir et l'égorger fut l'affaire d'un instant. L'annonce de cette exécution sommaire stupéfia Hyrcan de telle façon qu'il perdit d'abord la voix, et s'affaissa sur lui-même sans pouvoir prononcer une parole. Lorsqu'il eut péniblement recouvré ses sens, il demanda à Hérode ce qui était arrivé et qui avait assassiné Malichus ; un des tribuns lui répondit que tout s'était fait par l'ordre de Cassius. Le faible prince s'empressa d'approuver, disant que Malichus était un homme pervers et traître à la patrie, et que Cassius était son sauveur et celui de son pays, puisqu'il faisait disparaître l'homme qui conspirait contre eux deux[105].

Cassius avait à peine quitté la Syrie que de nouveaux troubles affligèrent la Judée. Hélix, qui était resté à Jérusalem avec l'armée, attaqua Phasaël sous le prétexte de venger Malichus, et le peuple prit les armes. Pendant que ces événements se passaient, Hérode s'était rendu à Damas, auprès de Fabius, gouverneur de la province ; aussitôt qu'il apprit la tentative il voulut courir au secours de son frère. Une maladie l'en empêcha, mais Phasaël avait réussi avec ses propres forces à vaincre Hélix et à le forcer de se réfugier dans une tour[106]. Celui-ci ne tarda pas à capituler et put se retirer avec la vie sauve. Phasaël accusa hautement alors Hyrcan d'avoir fomenté ce mouvement et de favoriser ses ennemis, lui qui devait tant à Antipater et in ses enfants. En effet, à ce même moment, le frère de Malichus avait poussé à la défection un certain nombre de villes qu'il occupait militairement, et entre autres Massada, la plus forte de toutes[107]. Dès qu'Hérode fut entré en convalescence, il marcha contre lui, enleva l'une après l'autre toutes ses positions, et le força à capituler en lui faisant grâce[108].

Nous avons dit que le tétrarque de Chalcis, Ptolémée, fils de Mennæus, avait épousé la fille d'Aristobule, après avoir fait assassiner son propre fils, dont elle était la femme. En bon parent qu'il était, il facilita à Antigone, son beau-frère, la levée d'une petite armée. Fabius, à prix d'argent, avait vendu ses bonnes grâces au jeune prince juif, qui, n'ayant plus rien à craindre de ce côté, se mit en campagne avec l'assistance de Ptolémée et de Marion, tyran de Tyr, que Cassius avait installé. Sa politique, en effet, après avoir envahi la Syrie, avait été de s'assurer la conservation de toutes les places importantes, en les mettant entre les mains de tyrans, ses créatures. Marion entra en Galilée et s'empara de trois forteresses de ce pays, dans lesquelles il établit des troupes. Il ne devait pas les posséder longtemps[109]. Hérode accourut, les enleva coup sur coup et renvoya les garnisons tyriennes sans leur infliger aucun châtiment, bien plus, en faisant des largesses à quelques chefs, pour bien prouver sa bienveillance envers leur cité. Après ce premier succès, il courut au-devant d'Antigone, remporta sur lui une victoire et le força d'évacuer les frontières de la Judée, qu'il avait déjà franchies. Lorsqu'après cette rapide campagne il vint à Jérusalem, Hyrcan et le peuple lui décernèrent des couronnes.

Dès cette époque, Hérode était allié à Hyrcan par des fiançailles, et il ne s'en montrait que plus disposé à défendre sa cause ; il devait, en effet, épouser très-prochainement Mariamne, fille d'Alexandre, fils d'Aristobule, et de la fille de Hyrcan. Hérode eut de ce mariage cinq enfants, trois fils et deux filles. Il s'était marié antérieurement à une plébéienne nommée Doris, Juive d'origine, et d'assez bonne famille. Celle-ci lui avait donné un premier fils nominé Antipater[110].

Antoine et Octave César venaient de gagner sur Cassius la bataille de Philippes[111] ; après cette victoire, Octave retourna en Italie, et Antoine passa en Asie. A peine avait-il mis le pied en Bithynie, qu'il reçut des ambassades de tous les pays asiatiques. Les Juifs lui avaient envoyé quelques-uns des principaux personnages de la nation, chargés de porter devant lui une accusation formelle contre Phasaël et Hérode, et de lui dire que Hyrcan ne possédait que l'ombre de la royauté, tandis que les deux frères en exerçaient en réalité tous les droits et tous les pouvoirs. Antoine, malheureusement, tenait Hérode en grande estime, grâce aux somptueux présents qu'il ne cessait d'en recevoir. Celui-ci était accouru d'avarice auprès de lui, afin de se défendre contre ses accusateurs, si bien qu'ils n'eurent même pas l'autorisation d'exposer leurs griefs et ne purent s'acquitter de leur mission. Cette fois encore, Hérode avait usé de sa ressource habituelle, et, par une large contribution, il avait obtenu d'Antoine qu'il ne prêtât pas l'oreille aux ambassadeurs juifs[112].

Antoine, parvenu à Éphèse, y reçut de nouveaux envoyés dépêchés par le grand prêtre Hyrcan et par la nation juive, pour lui offrir une couronne d'or et le supplier d'écrire aux chefs des différentes provinces, afin qu'ils eussent à rendre la liberté aux Juifs que Cassius avait réduits en esclavage, sans y être autorisé par le droit de la guerre, et afin que leurs terres, qui avaient été confisquées, toujours du fait de Cassius, leur fussent restituées. Antoine trouva ces réclamations justes, et répondit favorablement à Hyrcan et aux Juifs, en transmettant les ordres nécessaires au peuple et aux magistrats de Tyr, de Sidon, d'Antioche et d'Aradus. que ces réclamations concernaient spécialement[113].

Ce fut pendant qu'il était en chemin pour se rendre en Syrie, qu'Antoine vit venir à lui Cléopâtre. Ils se rencontrèrent en Cilicie et à peine le Romain eût-il vu l'Égyptienne qu'il en devint éperdument amoureux.

Cependant les Juifs ne s'étaient pas laissé rebuter par le mauvais succès de leurs premières plaintes contre les fils d'Antipater. Une seconde députation composée de cent membres, choisis parmi les personnages les plus puissants et les plus éloquents de la nation, vint renouveler ses accusations contre Hérode et ses partisans. Messala se chargea de leur répondre et de défendre les accusés, en présence de Hyrcan, qui déjà à ce moment était devenu l'oncle par alliance d'Hérode. Antoine écouta les parties à Daphné, près d'Antioche, et après les plaidoiries de chacune, il se contenta de demander à Hyrcan qui il croyait capable de mieux gouverner la nation juive. Hyrcan, pris ainsi au dépourvu, répondit que c'était Hérode et les siens. Alors Antoine, qui depuis longtemps déjà était lié d'amitié avec Phasaël et Hérode, à cause des relations qui avaient uni leur père et le sien, pendant que celui-ci était en Syrie avec Gabinius, leur donna à tous les deux le titre de tétrarque et leur confia l'administration de la Judée, par un décret en forme[114]. Quant à leurs adversaires, il en jeta quinze en prison, et il s'apprêtait à les faire conduire au supplice, lorsqu'Hérode intercéda pour eux et obtint leur grâce[115]. Le temps n'était pas encore venu où celui-ci pourrait se montrer impunément sans pitié pour ses ennemis. Il avait encore besoin d'affecter des sentiments humains, afin de ne pas blesser le peuple qu'il voulait dominer.

Au retour de leur mission, ceux qui avaient échappé à la prison ne se montrèrent ni soumis ni résignés, et ils firent si bien que, le bruit ayant couru qu'Antoine allait arriver à Tyr, une nouvelle députation de mille notables s'y rendit à l'avance. Antoine, que les présents somptueux d'Hérode et de son frère avaient complètement gagné à leur cause, envoya au gouverneur de Tyr l'ordre de faire mettre à mort ceux des membres de la mission juive qui demanderaient un changement quelconque dans l'ordre des choses établi par lui, et de confirmer l'autorité d'Hérode[116].

La députation avait lait halte dans les sables qui précèdent l'entrée de à ville ; Hérode y courut, entraînant Hyrcan avec lui, et vint les supplier de rebrousser chemin, leur annonçant que, s'ils persistaient à entamer une discussion, mal leur adviendrait. Ils refusèrent de l'écouter, et aussitôt les Romains, fondant sur eux l'épée au poing, en tuèrent une partie et en blessèrent beaucoup d'autres[117]. Les survivants et les valides prirent la fuite en toute hâte, et allèrent, en proie à la terreur, se cacher au fond de leurs maisons. Le peuple juif, moins prudent, se mit alors à vociférer des malédictions contre Hérode, et Antoine, exaspéré en l'apprenant, fit immédiatement mettre à mort les prisonniers qu'il avait retenus[118].

Il était écrit que ces malheureux Juifs seraient forcés de plier sous le joug odieux des Romains et de leurs créatures !

Mais nous avons maintenant Il raconter des événements auxquels prirent part d'autres Asiatiques, dont notre récit permettra d'apprécier la moralité à sa juste valeur. Ce sont les Parthes, que l'on peut en vérité citer comme présentant les plus parfaits modèles de la perfidie et du mensonge.

Depuis plus d'une année déjà, Pacorus, fils du roi des Parthes, et le satrape Barzapharnès[119] infestaient la Syrie lorsque Ptolémée, fils de Mennæus, tétrarque de Chalcis, vint à mourir. Son fils Lysanias, lorsqu'il eut pris possession des États de son père, se lia par un traité avec Antigone. fils d'Aristobule, en se servant, pour intermédiaire, de Barzapharnès, qui avait beaucoup d'empire sur le jeune prince juif. Celui-ci s'était préalablement lié avec les Parthes par un traité vraiment odieux qu'il n'eut pas, sûre à Dieu, à exécuter. Il leur avait promis de leur payer mille talents et de leur livrer cinq cents jeunes femmes, s'ils réussissaient à remettre entre ses mains l'autorité royale, dont Hyrcan avait été dépouillé, et à faire périr Hérode et tous les siens. Les Parthes, alléchés par ces clauses, dont la seconde au moins était infime, n'hésitèrent pas à marcher sur la Judée. emmenant Antigone au milieu d'eux. Pacorus suivait la côte, et le satrape Barzapharnès s'avançait par l'intérieur des terres. Les Tyriens ne voulurent pas accorder à Pacorus l'entrée de leur ville ; tuais les habitants de Sidon et de Ptolémaïs se montrèrent moins méticuleux et accueillirent les Parthes dans leurs murs.

De Ptolémaïs, Pacorus détacha un corps de cavalerie en Judée, pour aller reconnaître le pays et soutenir la tentative d'Antigone qui suivait ces troupes, dont le commandement était confié à un échanson royal nommé Pacorus, comme le prince partite[120]. A peine étaient-ils en marche, que les Juifs du Mont-Carmel vinrent rejoindre Antigone, se déclarant prêts à le seconder dans son expédition. Celui-ci, grâce à ce secours inespéré, conçut l'espérance de conquérir facilement la partie du pays qui s'appelle Drymon (Δρυμόν), les bois. C'est sans doute tout le flanc oriental du pâté du Carmel flanc couvert encore aujourd'hui de forêts et de haliers, que Josèphe désigne par ce nom[121]. Le nombre des partisans d'Antigone grossissait sans cesse, et ceux-ci marchèrent le plus secrètement possible sur Jérusalem, ramassant, chemin faisant. de nouveaux adhérents ; puis, se ruant inopinément dans la capitale, ils coururent au palais. dont ils commencèrent le siège. Les partisans de Phasaël et d'Hérode coururent en toute lette au secours des leurs, et un combat s'étant engagé dans l'Agora, les nouveaux venus fuirent battus et refoulés dans le Hiéron. Les maisons voisines furent alors garnies de soldats chargés de bloquer l'enceinte sacrée. Mais le peuple, s'insurgeant et voyant ces malheureux isolés[122], mit le l'eu aux maisons qui leur servaient de postes et les y fit périr dans les flammes. Ce fait devait être bientôt puni. Hérode ne tarda pas à attaquer ses adversaires, auxquels il tua beaucoup de monde[123].

Chaque jour des escarmouches avaient lieu entre les deux partis, et les amis d'Antigone attendaient avec impatience la fête de la Pentecôte, qui devait amener à Jérusalem la multitude de tout le pays, attirée par la solennité. Effectivement, lorsque ce moment fut venu, un grand nombre de milliers d'hommes s'installèrent autour du Hiéron, les uns armés, les autres sans armes. La ville et le Hiéron étaient au pouvoir du peuple rassemblé. Le palais seul était occupé par Hérode, qu'entourait une poignée de soldats. Phasaël avait su se maintenir maître des murailles, et Hérode avec sa troupe marcha à l'ennemi par le faubourg[124] ; son attaque fut si soudaine et si résolue qu'il mit les opposants en déroute, malgré leur immense supériorité de nombre. Ils prirent donc la fuite, les uns vers la ville, les autres dans l'intérieur du Hiéron, quelques-uns enfin dans la forteresse extérieure[125] ; car il y en avait une de cette espèce. De son côté, Phasaël ne resta pas dans l'inaction, et il seconda de tout son pouvoir le mouvement agressif de son frère. Pacorus alors, à la prière d'Antigone, pénétra dans la ville à la tête d'une faible troupe de cavaliers[126], sous le prétexte d'apaiser le tumulte, mais en réalité pour tirer parti de ce mouvement en faveur du prétendant. Phasaël étant allé au-devant de Pacorus, et lui rendant les honneurs que l'on rend à un hôte illustre, le prince parthe lui conseilla d'envoyer une députation à Barzapharnès : c'était un piège qu'il lui tendait. Phasaël, n'ayant aucun soupçon. agréa le conseil qu'on semblait lui donner par pure bienveillance ; mais Hérode, qui se méfiait de la perfidie des Parthes, ne voulut pas acquiescer à ce projet qui lui semblait louche et il lit secrètement surveiller Pacorus et ses gens. Il alla même jusqu'à conseiller à son frère de se défaire de ce traitre[127].

Phasaël n'en donna pas moins suite à l'idée qu'on lui avait suggérée, et il sortit de Jérusalem pour aller chercher Barzapharnès, emmenant avec lui le grand prêtre Hyrcan. Lorsqu'ils furent prêts à partir, Pacorus, laissant auprès d'Hérode deux cents cavaliers et dix de ceux qu'on désignait sous le nom d'Éleuthères, se mit en route avec eux[128]. Lorsqu'on fut entré en Galilée. les chefs militaires des places fortes de ce pays vinrent en armes au-devant d'eux. Barzapharnès les accueillit d'abord avec prévenance, et leur lit force présents[129]. Ce n'était que pour mieux cacher son jeu, car presque aussitôt il commença à leur tendre des embûches. Phasaël, avec les cavaliers qui l'avaient suivi, était sur la côte[130] ; ils n'eurent vent qu'alors de la promesse qu'Antigone avait faite aux Parthes de leur donner mille talents et cinq cents jeunes femmes, s'ils le servaient, et à partir de ce moment les barbares leur devinrent plus que suspects. Bien plus, on les avertit qu'on leur tendait un piège pour la nuit suivante et qu'une garde avait été établie secrètement autour de leur campement. Et de fait, ils eussent été pris, si l'on n'avait attendu que les Parthes restés à Jérusalem eussent réussi à s'emparer de la personne d'Hérode, de peur que celui-ci, en apprenant le meurtre de son frère et de Hyrcan, ne parvint à s'échapper.

On en était là, et la garde qui les surveillait ne prenait déjà plus soin de se cacher[131]. Que résoudre ? que faire ? Les compagnons de Phasaël le pressaient de ne pus perdre un instant et de s'enfuir à toute bride. Ophellius, qui avait reçu la confidence de ces infamies, de Samaralla, l'un des plus riches habitants de la Syrie, insistait plus que tous les autres, et comme on était au bord de la mer, il promettait à Phasaël de lui fournir une embarcation pour fuir en toute sécurité. Celui-ci se refusa à abandonner Hyrcan, et à augmenter en s'évadant le danger que courait son frère. Il alla droit à Barzapharnès et lui reprocha sans hésitation sa conduite honteuse à son égard. Si c'est de l'argent que vous voulez, lui dit-il, je vous en donnerai plus que ne saurait vous en donner Antigone. Songez-y : ce serait un crime abominable que d'assassiner sans motif des ambassadeurs qui sont venus à vous en se liant à votre parole. A cette inculpation franche et directe, le satrape répondit en  affirmant par serinent qu'il n'y avait absolument rien de réel dans ce qu'il lui reprochait, et qu'il s'était laissé troubler l'esprit par des craintes chimériques. Cela dit. il le quitta pour aller rejoindre Pacorus[132].

A peine s'était-il éloigné que les Parthes se jetèrent sur Hyrcan et sur Phasaël, qui vociférait les plus horribles malédictions contre le parjure des Parthes[133]. L'échanson royal dont nous avons parlé déjà fut alors dépêché vers Hérode, avec ordre de tacher de le taire sortir de la ville, et de se saisir de lui, dès qu'il serait hors des murailles. De son côté, Phasaël avait réussi à envoyer à son frère des émissaires secrets chargés de lui dénoncer le guet-apens dont il venait d'être victime ; mais ils furent interceptés.

Cependant Hérode qui, malgré toutes les précautions des Parthes, se méfiait d'eux, et qui avait d'ailleurs eu vent de l'arrestation de son frère et du grand prêtre, refusa formellement de quitter Jérusalem et se présenta aussitôt devant Pacorus qui venait d'y rentrer et devant les principaux chefs des Parthes réunis autour de leur prince. Il venait leur demander sévèrement ce que signifiait cette arrestation. Tous étaient au courant de ce qui s'était passé et tous mentirent impudemment, lui disant qu'il devait sortir de la ville avec eux et aller au-devant de ceux qui lui apportaient des lettres de son frère ; que ces envoyés ne pouvaient être tombés entre des mains ennemies, et qu'ils lui apprendraient sans doute le succès de la mission accomplie par Phasaël.

Heureusement pour lui, Hérode était bien servi de son côté ; déjà il était informé de l'arrestation de son frère, et il se refusa à faire ce que les Parthes lui demandaient, Mariamme, fille de Hyrcan, était venue en hâte le supplier d'être prudent avec les Parthes. C'était une femme de cœur que les autres n'écoutaient guère, mais des avis de laquelle Hérode faisait encore grand cas à cette époque de sa vie[134].

Les Parthes, voyant leur mensonge rester sans succès, délibérèrent sur ce qu'ils avaient à faire en cette conjoncture ; ils n'étaient pas tentés d'attaquer un pareil homme à visage découvert et à la lumière du soleil ; ils remirent donc au lendemain l'exécution des ordres qu'ils avaient reçus. De son côté, Hérode, frappé de l'imminence du danger qu'il courait, et croyant bien plus aux tristes nouvelles qu'il avait reçues sur le sort de son frère et à la duplicité des Parthes qu'aux belles paroles à l'aide desquelles on s'était efforcé d'endormir ses craintes ; Hérode, lorsque l'obscurité de la nuit fut venue, se résolut à en profiter pour fuir, et sans perdre de temps ; car il ne pouvait plus douter des perfides intentions de ses ennemis. Sur l'heure donc il se fit aider par les soldats fidèles qu'il avait près de lui ; il fit monter à cheval les femmes qu'il devait sauver, c'est-à-dire sa mère, sa sœur, la fille d'Alexandre, fils d'Aristobule, à laquelle il était fiancé, et la mère de celle-ci, qui était la fille de Hyrcan. Avec elles, il emmenait son plus jeune frère et tous ses serviteurs. Son dessein était de gagner au plus vite l'Idumée, et avant que les Parthes ne plussent s'apercevoir de son évasion[135].

Parmi tous ceux qui assistèrent à ces préparatifs de fuite. il ne s'en trouva pas un seul qui eût le cœur assez dur pour ne pas s'apitoyer sur le sort de cette famille. de ces femmes traînant avec elles leurs petits enfants, de ces hommes s'éloignant en pleurant et en gémissant de leur patrie, où ils laissaient leurs amis emprisonnés, lorsqu'ils ne pouvaient plus guère espérer de salut pour eux-mêmes[136].

Il est de fait qu'en pensant aux dangers affreux qui pesaient en ce moment sur Hérode et les siens, grâce à la trahison des Parthes, il est difficile de se défendre d'un sentiment de pitié et presque d'admiration pour l'énergie de cet homme aux abois, et qui pourtant luttait jusqu'au bout et faisait tête à l'orage, lorsque déjà tout semblait perdu.

Disons-le donc sans arrière-pensée, car il sera temps de maudire plus tard l'homme qui méritera toutes les malédictions, Hérode, en cette circonstance, se montra plus grand que le coup qui le frappait.

Pendant que la caravane éplorée cheminait péniblement, il ne cessait d'aller de l'un à l'autre. réconfortant les siens, leur donnant du courage par son exemple et par ses paroles. les suppliant de ne pas se laisser abattre par la douleur. Ne savoir que se lamenter, leur disait-il. c'était mettre obstacle à la fuite qui était leur dernier espoir de salut. Un danger venait-il à poindre, c'était Hérode qui le devinait et qui le repoussait, en payant de sa personne avec une bravoure incomparable. Tous du reste, excités par ses exhortations et par son exemple, faisaient de leur mieux, lorsque la fatalité faillit tout perdre. Le véhicule qui portait la mère d'Hérode versa et mit celle-ci en péril de mort. Peu s'en fallut alors que cet homme si énergique ne se réfugiât dans le suicide, tant à cause de la douleur que lui causait le malheur arrivé à sa mère, que parce qu'il craignait que le retard causé par ce funeste accident ne permit à ceux qui le poursuivaient de l'atteindre et de le prendre vivant. Tirant donc son épée, il allait s'en frapper, lorsque les amis qu'il avait autour de lui purent, grâce à leur nombre, arrêter son bras. Ils lui représentèrent qu'il était indigne d'un homme de cœur commué lui de les abandonner ainsi à la merci de l'ennemi qui accourait ; que se délivrer du danger par la mort, pour y plonger plus avant ses amis, c'était une lâcheté.

C'est ainsi qu'Hérode fut forcé de vivre, en partie par la honte que lui causèrent les justes reproches des siens, en partie parce que, seul contre tant de monde, il lui eût été matériellement impossible d'exécuter sa pensée de suicide. Prenant alors son parti avec la promptitude qu'il savait déployer quand elle était nécessaire, il s'empressa de relever sa mère et de panser à la hâte ses blessures, puis il se remit en course avec plus de célérité encore, en se dirigeant sans détour sur Massada.

Les Parthes lancés à sa poursuite avaient fini par le rejoindre et ils ne cessaient de voltiger autour des fugitifs. Chaque fois qu'ils les serraient de trop près, et cela arrivait souvent, Hérode et les siens les chargeaient avec furie, et les rejetaient au loin[137].

Ce ne fut pas aux Parthes seuls qu'Hérode eut affaire dans sa fuite, et les Juifs eux-mêmes essayèrent de l'arrêter. Il avait atteint le soixantième stade à partir de Jérusalem, lorsqu'il se vit assailli par eux. Tourner bride et accepter résolument le combat fut l'affaire d'un instant. L'issue en fut heureuse pour Hérode, car il réussit à les repousser et à les mettre en déroute, comme s'il eût été complètement muni de tout ce qui est nécessaire à la guerre, au lieu d'être dans une suprême détresse. Aussi, en souvenir de cette victoire, Hérode, lorsqu'il fut devenu roi, fit-il bâtir, au point même où il avait été victorieux des Juifs, un magnifique palais, qu'il entoura d'une ville nommée Hérodia[138].

La description que l'historien Josèphe nous donne, en un autre passage, de ce palais et de cette ville, est trop nette et trop précise pour qu'il y ait possibilité de se tromper sur leur position et leur nom actuel. Il est hors de doute aujourd'hui que ce palais était placé au sommet du Djebel-Foureïdis, et la ville, au bas de ce mamelon, du côté du hameau qui porte le nom de Beït-Thamar.

De Jérusalem au point où Hérode remporta la victoire. dont il conserva un si grand souvenir. Josèphe compte soixante stades, c'est-à-dire 11.100 mètres, s'il s'agit du stade olympique, et seulement 8.400, s'il s'agit du stade hébraïque de 140 mètres. Or la position d'Hérodia ou Hérodium une fois bien fixée au Djebel-Foureïdis, il n'y a pas d'hésitation possible sur le choix du stade employé par l'historien des Juifs, car il y a bien en réalité entre onze et douze kilomètres de Jérusalem à Beït-Thamar et au Djebel-Foureïdis. Pour atteindre ce point, les fugitifs ont dit passer à Beït-Lehm, et Dieu sait quelle affreuse descente il faut nécessairement prendre pour aller de Beït-Lehm à Beït-Thamar. C'est bien lit très-probablement qu'arriva l'accident qui faillit, coûter la vie à la mère d'Hérode. Les Juifs beïtlehmites, non moins probablement, furent informés immédiatement de ce qui venait d'arriver il la caravane, et ce furent eux qui se ruèrent sur ses traces, espérant la trouver en désarroi et en avoir facilement raison. Ils furent rudement détrompés et durent regagner leur village, après avoir essuyé une véritable défaite[139].

Plus loin nous trouverons l'occasion de nous occuper en détail d'Hérodium.

Hérode venait encore d'échapper à un grand danger ; à partir de là il put continuer sa route rapide sans plus avoir à renverser d'obstacles. Lorsqu'il fut parvenu à une bourgade iduméenne nommée Thresa, il fut rejoint par son frère Joseph, avec lequel il délibéra sur les mesures qu'il importait de prendre sans délai. Déjà. en ce moment, une grande foule de partisans, outre les soldats mercenaires, s'était rangée autour d'eux, et la forteresse de Massada, vers laquelle ils se dirigeaient en droite ligne, était trop resserrée pour recevoir tant de monde. Il fallait donc prendre une décision prompte. Hérode renvoya dans leurs foyers la plus grande partie de ses adhérents ; le nombre de ceux qui furent ainsi congédiés dépassait neuf maille ; il leur ordonna de rentrer dans l'Idumée en s'éparpillant, chacun devant pourvoir à sa sécurité comme il l'entendrait, et il les gratifia de ce qui était nécessaire pour subvenir à leurs besoins pendant la route. Puis. gardant avec lui les mieux équipés et les plus exercés au métier des armes, il entra à Massada. La place, était abondamment pourvue de vivres de toute nature et d'eau ; il y laissa en sûreté les femmes et les suivants, au nombre d'environ huit cents, et repartit en toute tulle pour Pétra d'Arabie[140].

Lorsque le jour qui suivit. cette cruelle nuit vint à paraître, les Parthes, pour se dédommager de leur déconvenue, se mirent à piller Jérusalem et le palais, ne respectant que la caisse de Hyrcan, qui ne contenait pas plus de trois cents talents. Néanmoins, presque toutes les richesses personnelles d'Hérode échappèrent au pillage. parce qu'il avait eu la précaution de les faire passer en Idumée avant ces événements. Les Parthes, du reste, ne se contentèrent pas de ce qu'ils avaient trouvé de butin dans la capitale ; ils en sortirent et allèrent ravager les environs. La ville florissante de Marissa fut mise à sac par eux[141].

Ce fut ainsi qu'Antigone fut ramené eu Judée par les Parthes, qui lui livrèrent Hyrcan et Phasaël chargés de chaînes. Il était d'ailleurs dans une grande anxiété, car les Parthes, pas plus que lui, n'avaient oublié la clause odieuse du traité par laquelle il s'était engagé à remettre entre leurs mains, outre une somme énorme, cinq cents jeunes femmes. Oit les prendre, maintenant que celles sur lesquelles il comptait pour payer sa dette infâme s'étaient enfuies ? D'un autre côté, il craignait que le peuple n'enlevât Hyrcan aux Parthes qui le gardaient en prison, et ne le rétablit sur le trône. Pour se garer contre cet événement possible, il eut recours à un expédient assez ignoble, il faut eu convenir. Il fit couper les oreilles au pauvre Hyrcan, malgré ses supplications, afin de lui interdire à tout jamais l'exercice du souverain pontificat, car la loi judaïque ne permettait pas qu'un homme mutilé frit revêtu de la dignité sacerdotale[142].

Cependant que devenait Phasaël ? Nous allons le dire. Il ne pouvait douter du sort qui lui était réservé ; on voulait l'égorger. Pour lui, la mort en elle-urine n'avait rien d'effrayant ; mais la mort reçue de ses ennemis lui paraissait le comble de la misère et de l'ignominie. Chargé de fers comme il l'était, il ne pouvait user de ses mains pour s'arracher la vie, et il se brisa la tête contre le mur de son cachot. Nous ne nous sentons pas le courage de condamner cet héroïque suicide qui enlevait aux adversaires de Phasaël l'affreuse volupté de le torturer à leur guise, avant de lui donner le repos dans là mort. On raconte qu'Antigone, sachant qu'il s'était fait une affreuse blessure, envoya aussitôt, sous le prétexte de lui porter du soulagement, des médecins chargés de panser sa plaie avec des médicaments empoisonnés.

Avant de rendre le dernier soupir. Phasaël apprit par mie femme que son frère Hérode s'était échappé, et cette nouvelle adoucit son agonie ; ne laissait-il pas après lui un vengeur, et un vengeur de taille à punir ses meurtriers[143] ?

Hérode, loin de se laisser abattre par l'étendue des calamités qui l'avaient accablé, y puisa un nouveau courage pour chercher et trouver les moyens de frapper coup pour coup. Il courut donc vers. Malchus, roi des Arabes, auquel il avait antérieurement rendu de très-grands services, et qu'il espérait trouver reconnaissant ; il comptait fermement obtenir de lui une forte somme d'argent, soit en don, ou tout au moins en prêt, car, de son côté, il lui en avait souvent et beaucoup procuré. Ignorant alors la situation dans laquelle se trouvait son frère, il avait halte de le tirer des grillés de ses ennemis, dût-il dépenser une somme de trois cents talents pour prix de sa rançon. C'était pour cette raison qu'il avait emmené avec lui le fils de Phasaël, âgé de sept ans, afin de le laisser comme gage entre les mains des Arabes. Vain espoir ! Des envoyés de Malchus vinrent au-devant d'Hérode pour lui signifier, de la part de leur malice, de ne pas poursuivre sa route et de s'éloigner ; les Parthes lui avaient interdit de recevoir Hérode ; c'était là le prétexte qu'il faisait valoir ; mais, en réalité, c'était une invention à l'aide de laquelle il se dispensait de rendre ce qu'il avait reçu ; il était poussé d'ailleurs à user de ce subterfuge, par les principaux chefs arabes qui ne se souciaient. pas de restituer les sommes qu'Antipater avait placées en simple dépôt entre leurs mains[144]. Hérode leur répondit qu'il n'était pas venu dans l'intention de leur causer aucun embarras. mais simplement. pour entretenir le roi des choses qui l'intéressaient plus que tout autre[145]. Il ne fut pas écouté.

Forcé de rebrousser chemin, Hérode dirigea ses pas du côté de l'Égypte, en prenant toutes les précautions possibles pour y arriver sans encombre. Il alla d'abord prendre gîte dans un temple. où il laissa la plus grande partie de son escorte. Lé lendemain, il arriva à Rhinocorura (El-Arich), et ce fut là qu'il apprit le triste sort de son frère ; mais, domptant sa douleur, il poursuivit sa route.

Malchus, que la réflexion avait amené à regretter sa conduite envers Hérode, lit courir après lui ; mais il était trop tard ; celui-ci était déjà à Péluse. Arrivé dans cotte ville, les navires en station refusèrent de le transporter à Alexandrie, et il dut recourir aux magistrats de la ville, qui l'y conduisirent avec force révérences et honneurs. A Alexandrie, Cléopâtre s'efforça de le retenir, afin de l'employer à l'exécution de ses projets ; elle ne put y réussir, parce qu'il était trop pressé d'arriver à Rome, et que, d'ailleurs, on était en hiver, époque où les traversées sont longues et difficiles. En outre, les affaires de l'Italie étaient fort troublées. au dire de tous, et ce n'était pas le cas de perdre du temps[146].

Hérode partit donc et fit voile vers la Pamphylie. Mais, assailli en mer par une effroyable tempête, pendant laquelle il fallut jeter tous les bagages par-dessus bord, il eut grand'peine à trouver un refuge dans le port de Rhodes, où il rencontra deux de ses amis les plus dévoués, Sappinius et Ptolémée. Trouvant la ville en détresse par suite de la guerre de Cassius, il n'hésita pas, tout pauvre qu'il était alors, à lui venir en aide, faisant plus même qu'il ne pouvait faire. Nolisant ensuite une trirème, il partit de Rhodes avec ses amis et vint mouiller à Brundisium (Brindisi).

De là il gagna Rome et prit tout d'abord Antoine pour confident de ses malheurs[147]. Il lui raconta en détail tous les événements que nous avons rapportés, et ne manqua pas d'insister sur le traité passé entre Antigone et les Parthes, traité par lequel, on se le rappelle, le nouveau roi des Juifs s'était engagé à leur donner, outre mille talents, cinq cents femmes jeunes et de distinction, qu'il voulait prendre dans sa famille ; il lui dit comment et au prix de quels périls il avait réussi à soustraire de nuit ces infortunées au sort abominable qui leur était réservé. Il finit l'exposition de tous ses malheurs, en lui disant les périls qui menaçaient tous les siens exposés aux horreurs d'un siège prochain, et comme quoi, bravant lui-même les tempêtes et toutes les misères, il était accouru vers lui, Antoine, en qui était son suprême espoir et son unique ressource[148].

Antoine fut vivement touché par le récit des revers qu'avait essuyés Hérode, et !bisant un retour sur lui-même, il réfléchit que les plus haut placés étaient souvent les plus cruellement frappés par la fortune. Il n'avait pas oublié les services qu'il avait reçus jadis d'Antipater ; d'un autre côté, Hérode lui faisait de magnifiques promesses pour le cas où il serait nommé roi, promesses qu'il tiendrait sûrement, comme il l'avait fait au moment où il avait été créé Tétrarque. De plus, Antoine avait en horreur Antigone, qu'il traitait de séditieux et d'ennemi des Romains ; il se montra donc tout disposé à appuyer les supplications d'Hérode. D'un autre côté, le jeune César savait à merveille les secours que son père adoptif avait reçus d'Antipater, pendant sa campagne d'Égypte ; il connaissait sa large hospitalité et sa bienveillance éprouvée par tous les Roumains qui avaient été mêlés aux affaires de Syrie ; puis il voulait être agréable à Antoine qui se montrait ami si chaud d'Hérode ; il était donc tout disposé à faire ce qu'Hérode désirait. Le sénat fut convoqué et Hérode lui fut présenté. Alors Messala, et après lui Atratinus, énumérèrent les services que son père n'avait cessé de rendre aux Romains ; ils tirent éclater ceux par lesquels Hérode lui-même avait signalé son dévouement, et finirent par accuser en forme Antigone, qu'ils traitèrent d'ennemi, non-seulement à cause de son premier crime envers le gouvernement de Rome, mais surtout parce qu'il s'était assez peu soucié des Romains pour accepter une royauté donnée par les Parthes. En entendant ces discours, le sénat se mon-tilt fort ému. Alors Antoine, prenant la parole, déclara qu'il ne restait plus qu'à faire la guerre aux Parthes et à mettre Hérode sur le trône de Judée. Cette proposition fut approuvée à l'unanimité, et un décret fut immédiatement promulgué dans ce sens[149].

Antoine mena si bien les affaires d'Hérode, que, non-seulement il le fit reconnaître roi par le sénat, sans qu'il eût jamais conçu semblable espérance — c'est Josèphe qui le dit, et qui affirme qu'Hérode n'avait pas eu un seul instant la pensée que les Romains pussent lui accorder à lui-même une si haute dignité, quand ils avaient pour habitude de choisir toujours des personnages de sang royal, et quand surtout il venait faire valoir les droits au trône de son beau-frère Aristobule, petit-fils à la fois d'Aristobule par son père, et de Hyrcan par sa mère[150] — et qu'en sept jours, en tout, les affaires du nouveau roi furent si bien réglées et arrêtées, qu'il reçut du sénat la permission de quitter l'Italie pour retourner dans ses États.

Lorsque la séance du sénat fut levée, Hérode, placé entre Antoine et César, accompagné des consuls et des autres magistrats de la république, monta au Capitole pour rendre grâces aux dieux et pour déposer dans le Tabularium le décret qui venait d'être rendu.

Ce premier jour du règne d'Hérode fut marqué par un festin que lui offrit Antoine[151].

Hérode reçut le titre de roi dans la cent quatre-vingt-quatrième olympiade, Cneius Domitius et Caius Asinius Pollio étant consuls, le premier pour la seconde fois[152].

 

 

 



[1] Le nom judaïque d'Alexandre Jannæas était Jonathan ; celui d'Alexandra était Salomé.

[2] Celui-ci avait positivement pris dès lors le titre de roi (Bell. Jud., I, V, 4.), et grâce à l'argent trouvé par lui dans les places dont il s'était emparé, il avait immédiatement levé une armée de mercenaires.

[3] Clinton (Fasti hellenici, t. III, p. 285) donne Cn. Pompeius Magnus et M. Licinius Crassus pour consuls de la 3e année de la 177e olympiade, correspondante à l'an 70 avant l'ère chrétienne ; pour lui, les deux consuls Q. Hortensius et Q. Cæcilius Metellus sont ceux de l'année 69.

[4] Bell. Jud., I, V, 4.

[5] Ant. Jud., XIV, I, 2.— Bell. Jud., I, VI, 1.

[6] Qu'était la race des Iduméens ? ou mieux quelle était son origine ? Strabon se charge de nous l'apprendre. Voici ce qu'il en dit ( XVI, II, 20 ) :

L'extrémité occidentale de la Judée, vers le Casius, est occupée par les Iduméens et par un lac. Les Iduméens sont Nabatéens d'origine : ayant été chassés (de leur pays) par suite d'une sédition, ils se joignirent aux Juifs et adoptèrent leurs usages. (Traduction de Letronne.)

[7] Bell. Jud., I, VI, 9.

[8] Ant. Jud., IX, I, 3. — Dans Bell. Jud., I, VI, 2, le même historien dit que par sa noblesse d'extraction, par sa richesse, et son autorité, l'Iduméen Antipater tenait le premier rang parmi ses compatriotes.

[9] Dans le Talmud de Babylone, traité Pesakhim, fol. 62b, il est question de la destruction des généalogies officielles, dans les termes suivants :

Du jour où a été perdu le livre des généalogies, la force des sages s'est amoindrie et leur lumière a diminué.

Mais ce passage est peu précis, et n'impute pas à Hérode la destruction de ces précieuses archives des familles judaïques.

[10] Antipater réussit à obtenir pour son maître la protection d'Aretas, en exaltant les vertus de Ilvrcan et eu exagérant les méfaits d'Aristobule. (Bell. Jud., I, VI, 2.)

[11] Ant. Jud., XIV, I, 4.— Il ne paraîtra sans doute pas hors de propos de rechercher, autant que faire se peut, l'identification de ces villes antiques avec des localités modernes. Certainement nous ne réussirons pas pour la totalité, mais cummo il y en a du moins quelques-unes sur la position desquelles nous ne pouvons conserver de doutes, il en résultera que jusqu'à un certain point nous counaltrons l'étendue de la région conquise sur les Arabes par Alexandre Jannæas.

Au livre XIII des Antiquités judaïques, nous trouvons l'énumération suivante des États d'Alexandre Janniras, au moment où il fut frappé par la maladie qui devait l'emporter :

A cette époque, les Juifs occupaient un grand nombre des villes des Syriens, des Iduméens et des Phéniciens. Sur la côte c'étaient la Tour de Straton, Appollonias, Joppé, Iamnia, Azot, Gaza, Anthedon, Raphia, Ithinocorura. Durs l'intérieur des terres, du côté de l'Idumée, Adora, Marissa, et Samarie, le mont Carmel et le mont Itahyrius, Scythopolis, Gadara, la Gaulonite, Seleucie, Gabala, la Moabitide, Essebon, Medaba, Lemba, Oronæ, Telithon, Zara, la vallée Kilikion, Pella (ils renversèrent cette ville parce que ses habitants refusaient d'embrasser la religion judaïque) et d'autres grandes villes de Syrio qui étaient ruinées. (XV, 4)

Dans les deux énumérations que nous venons d'enregistrer, nous ne trouvons à la fois que les villes de Medaba et d'Orome appartenant à la Moabitide ; puis Athon et Telithon, Zoara et Zara, qu'il faut probablement considérer comme les mêmes, sous ces doubles désignations dues à la négligence des copistes, et enfin Marissa, citée de part et d'autre et une fois comme une ville de l'intérieur des terres, du côté de l'Idumée.

Pas de doute sur Nedalyd, c'est la Midba moderne, qui est placée sur la rive droite du Zerka-Mavn, à la limite méridionale de l'Ammonitide, ou mieux à la frontière septentrionale de la Moabitide.

Oronæ parait bien être la Clioronaïm moabitique (Is., XV, 5) ; mais où la retrouver aujourd'hui ? Nous l'ignorons. Il en est de même d'Athon ou Telithon, dont le nom réel ne nous est d'ailleurs pas connu, puisque nous avons à choisir entre ces deux formes si différentes.

Zoara et Zara, c'est certainement la Zouëra-et-Tahtah, près du Djebel-Sdoum, à la pointe sud-ouest de la mer Morte.

Marissa était une ville de la tribu de Juda, à deux milles d'Éleuthéropolis (Beït-Djibrin) et déjà en ruine au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme. Cellarius, nous devons le rappeler, a supposé, peut-être avec raison, qu'il fallait lire douze mille au lieu de deux (ΙΒ au lieu de Β) dans l'Onomasticon, à propos de la distance qui séparait Marissa d'Éleuthéropolis.

Restent Naballo, Livius, Tharabasa, Agalla, Rydda, Lousa et Oriba.

Naballo nous est parfaitement inconnue ; mais si nous remarquons qu'elle est citée intmediatement après dedaba, nous devons la chercher dans le voisinage de cette dernière et y retrouver probablement la Nabara d'Eusèbe, gros bourg de la Limnée, identique peut-être avec Nabara, bourg ruiné, distant de huit milles d'Essebou (Hesbân) suivant Eusèbe et saint Jérôme. Peut-être ces différents noms s'appliquent-ils de plein droit aux ruines importantes de Naôur.

Livius nous est connu ; c'est la Beït-er-Ram de la plaine du Jourdain, entre Souïmeh et Kofreïn.

Je ne saurais que dire de Tharabasa.

Agalla semble bien être l'Eglalm biblique (Is., XV, 8), qui du temps d'Eusèbe s'appelait Agallaïm, et était à huit milles au midi d'Aréopolis ou Rahbat-Moab.

Rydda, que Josèphe nomme immédiatement après Harissa, ville iduméenno si voisine de Beït-Djebrin, ne serait-elle pas Lydda (el-Loud), dont le nom aurait été estropié ? Je suis bien tenté de le croire.

Lousa et Oryba me sont tout à fait inconnues.

[12] L'armée d'Aretas est estimée à 50.000 hommes, tant d'infanterie que de cavalerie, dans la Guerre judaïque (I, VI, 2).

[13] Bell. Jud., II, VI, 2.

[14] Dans la Mischna (Tâanit, III, 9 — 12) nous lisons :

9. Il arriva un jour qu'on dit à Honi, le faiseur de cercles (le thaumaturge ?), de prier Dieu pour qu'il y eût de la pluie. L'opérateur répondit : Allez et abritez les fours (servant à la cuisson des pains azymes), pour que l'abondance des pluies ne les dissolve pas. Il pria et la pluie n'arriva pas.

10. Il traça alors un cercle, se plaça au milieu et s'écria : Maitre de l'univers, tes enfants ont mis leur confiance en moi, et moi je ne suis devant toi qu'un serviteur. Je jure par ton nom puissant que je ne bougerai pas d'ici, que tu n'aies eu pitié de tes enfants.

11. La pluie commença à tomber par gouttes. — Ce n'est pas ainsi, dit Honi, que je la désire, mais qu'elle puisse remplir les fossés et les citernes. — Elle tomba avec un orage. — Ce n'est pas ainsi non plus que je la désire, dit-il, mais je voudrais une pluie de faveur, de bénédiction et de générosité. — Elle finit par tomber régulièrement au point qu'Israël dut monter, de la ville basse de Jérusalem, près du temple et de ses hauteurs. — Le peuple lui dit alors : De même que tu as prié pour que la pluie nous arrive, demande de même qu'elle cesse. — Allez, leur dit-il, et vous verrez bientôt reparaitre la pierre sur laquelle on expose les objets perdus.

Voici maintenant la Gnemara, ou développement talmudique de cette Mischna (I du Talmud de Jérusalem, fol. 66d, édition Krotoschin) :

Si Honi a parlé des fours servant à confectionner les pains azymes, c'est qu'on se trouvait à la veille de Pàques. En effet on a enseigné ces mots (textuellement rapportés en chaldaïque dans Meghillath Taanith, chapitre XII, alinéa consacré au 20 adar, ou paragraphe 34 de la nouvelle division) : Le 20 du mois, tout le peuple a jeôné pour obtenir de la pluie. et il a été exaucé. A sa première prière, la pluie ne descendit pas ; c'est que, dit R. Jossé bar R. Boun, il ne s'était pas exprimé avec assez d'humilité. R. Judan dit : Un converti nommé Honi-ha-Meaghel, petit-fils du faiseur de miracles, porteur du même nom, se trouvait à Jérusalem, lors de la destruction prochaine du temple. Il se rendit à une tour, auprès d'ouvriers, pendant qu'il y était, la pluie tomba ; il se réfugia dans une caverne où, aussitôt assis, il s'endormit d'un sommeil si profond, qu'il resta assoupi pendant soixante-dix ans, depuis la destruction jusqu'à la construction du second temple. Au bout de soixante-dix ans, il s'éveilla de son sommeil, il sortit de la caverne, et à que les propriétaires émondaient leurs oliviers, qui avaient poussé spontanément dans leurs vignes, car les oliviers plantés dans les coins y avaient répandu leurs semences. Voyant cela en s'éveillant, il s'adressa aux gens de la campagne, et leur demanda ce qui se passait. — Ne le sais-tu pas, lui dit-on ?Non, répondit-il. — Qui es-tu donc, redemanda-t-on ?Honi, le faiseur de cercles, dit-il. — Nous avons appris, lui dit-on, qu'on se rend au parvis du temple. — Il y monta donc également, et l'on rappela à son sujet le verset du psalmiste (CXXVI, 1) : Lorsque Dieu ramène la captivité de Sion, nous sommes comme des rêveurs. Par suite de l'abondance des pluies, le peuple dut se rendre sur la montagne sainte : cela prouve qu'elle était formée un peu en pente : c'est aussi ce qu'on a appris ailleurs, qu'un degré était placé devant l'autre*.

Lorsque les pluies parurent suffisantes, on demanda à Boni de les faire cesser. — Allez voir, dit-il, si la pierre des choses égarées a disparu. — Quel était l'usage de cette pierre ? Toute personne qui perdait un objet allait le chercher là, et tout ce qu'on trouvait était rapporté là. — Or, disait-il, de même que cette pierre ne saurait être anéantie sur terre, de même je ne saurais demander le retrait des pluies. Allez doue et amenez-moi un taureau pour que je l'offre en sacrifice d'action de grâce ; ce qui fut fait. Il appuya les deux mains sur l'animal (signe d'imposition sacerdotale) et dit : Maître de l'univers, tes enfants n'ont pas pu supporter le tuai que tu leur avais causé, plus que le bien que tu leur accordes ; qu'il te plaise donc de les délivrer. Aussitôt le vent souilla, les nuages se dissipèrent, le soleil brilla, la terre se sécha, et la plaine se trouva couverte de champignons.

Le Talmud de Babylone, fol. 23e, aux mêmes numéros de la Mischna, s'exprime dans les mêmes termes sur ce fait.

* Cf. la même glose dans Mischna, traité Sekhalim, ch. VIII, par. 4 ; traité Soucca, ch. IV, par. 4.

[15] Ant. Jud., XIV, II, 1.

[16] Le fait a été consigné dans les écrits talmudiques. Dans le Talmud de Babylone, traité Berakhôth, chapitre IV, paragraphe 1 (édition Krotoschin, fol. 7b), on lit :

R. Levi dit : au temps du gouvernement impie, on faisait descendre journellement avec des chaînes une boite (pleine) d'or, pour obtenir les victimes pour le sacrifice quotidien ; mais il y eut un ancien sachant le grec, qui apprit aux assiégeants, au moyen de la connaissance (de cette langue), qu'on ne leur livrerait pas le temple, aussi longtemps qu'on pourrait satisfaire aux prescriptions du culte. Aussi le lendemain la boite d'or ayant été descendue, on leur fournit un porc ; arrivé à la moitié de la hauteur du mur, le porc s'y cramponna avec ses pieds et un tremblement de terre se fit sentir en Palestine, sur une étendue de 400 parasanges.

Le même fait est raconté trois fois, en termes cuctement semblables, dans le Talmud de Babylone : Sota, 49b. — Menakhôth, 64b.— Baba-Kamma, 82b.

Dion Cassius (XXXVII, 11) mentionne ce tremblement de terre qui, suivant lui, aurait eu lieu en l'an 61 avant l'ère chrétienne.

[17] Ant. Jud., XIV, II, 2. — Bell. Jud., I, VI, 2.

[18] Æmilius Scaurus.

[19] Scaurus emmena avec lui Lollius et Metellus. (Bell. Jud., I, VI, 2.)

[20] Dans la Guerre judaïque il ne s'agit plus que de 300 talents envoyés par Aristobule à Scaurus, dans la balance duquel ils pesérent plus que le bon droit de Hyrcan. (I, VI, 3.)

[21] Scaurus intima à Hyrcan et aux Arabes l'ordre de lever le siège ; en cas de refus de leur part, il les menaçait de la vengeance de Pompée et des Romains. (Bell. Jud., I, IV, 3.) Aretas intimidé battit en retraite sur Philadelphia, Amman de nos jours. (Bell. Jud., loc. cit.)

[22] Ant. Jud., XIV, II, 3. — Bell. Jud., I, VI, 3.

[23] Cohen, Description générale des monnaies de la république romaine, pl. I (Gens Æmilia et Plautia), n° 1.

[24] L'expression dont se sert ici Josèphe, λύει τήν πολιορκίαν, n'est pas le moins du monde contraire à l'explication que nous venons de donner.

Tous les numismates connaissent le beau denier de Scaurus ; ils ne connaissent pas moins bien la pièce tout à fait analogue de la gens Plautien, frappée au nom d'Aulus Plautius, édile curule en même temps que Marcos Scaurus, avec la légende : Bacchius Judæus, placée autour d'un personnage la tête couverte d'une tiare, agenouillé à côté d'un chameau et tenant de la main droite une branche d'olivier*.

M. le duc de Luynes, dans son beau mémoire sur les monnaies des Nabatéens**, s'est occupé de ce curieux denier. Laissons-le donc parler :

Sur notre denier, le Juif Bacchius est, sauf sa coiffure et l'équipement de son chameau, une reproduction exacte de l'Aretas que représente le denier des familles Plautia et Æmilia. Seulement Aretas est nommé roi dans la légende et Bacchius ne porte pas, ou plutôt ne porte plus ce titre. Il est impossible qu'une monnaie frappée par un membre de la famille Plautia, édile curule, et en vertu d'Un Sénatus-consulte, ne rappelle pas un fait important, la défaite d'un prince puissant, au temps des conquêtes de Pompée, lorsque le roi des Nabatéens Aretas se soumit lui-même aux Romains.

Bacchius devait donc être un personnage bien plus considérable que Silas le Juif, tyran de Lysiade, petite ville emportée par Pompée dans sa marche victorieuse de Damas à Jérusalem (Jos., Ant. Jud., XIV, 3, 2). Pour mériter de figurer parmi les princes vaincus par Pompée, il fallait que Bacchius ne fût pas moindre que le fils d'Alexandre Jannée, Aristobule, prince des Juifs, dont l'obéissance équivoque, puis la révolte ouverte. appela sur lui la colère de Pompée, qui le fit prisonnier, le déposséda de ses États, l'emmena à Rome et lui lit suivre son char triomphal, tandis qu'Aretas ne figura dans cette solennité que par son nom inscrit sur le tableau des rois vaincus, (Appian., Mithr., c. CXVII. — Plin. Maj., Hist. nat., VII, c. XXVI). De plus, Bacchius porte la tiare pointue du grand-prêtre juif, et son nom en hébreu ne pouvait être que Bucci ou Bucchion (Num., XXXIV, 22. — I. Par., VI, 3), dont les Romains auront fait Bacchius.

On ignore complètement le nom juif d'Aristobule. A cette époque, la plupart des Juifs et surtout les personnages de race royale, avaient deux noms, l'un grec ou romain, l'autre hébreu. Nous avons vu, par exemple, que Jésus, fils de Simon, était nommé Jason. Onias, Ménélaüs. Les apôtres eurent aussi de doubles noms, comme le Nouveau Testament en fait foi.

Il semble donc permis de reconnaître dans ce Bacchius, jusqu'alors inconnu, l'Aristobule vaincu par Pompée, et de croire que la médaille de la famille Plautia représente, d'un côté la tête de la ville de Jérusalem personnifiée, de l'autre, Aristobule vaincu se livrant à Pompée et déposant son titre de roi. (Rev. num., 1858, p. 383-385.)

Lorsque Scaurus battit Aretas, roi des Nabatéens, ce n'était pas le roi Aristobule, mais bien le grand prêtre Hyrcan, que les Romains traitaient en ennemi ; l'adjonction du titre rex au nom du vaincu était en quelque sorte une humiliation de plus qu'on lui infligeait, en l'inscrivant sur un monument commémoratif comme les monnaies dont nous venons de nous occuper. Si donc il se fût agi d'Aristobule, son nom hébraïque eût à coup sûr été suivi du titre de roi, mais il s'agit d'un grand prêtre, puisque le personnage appelé Bacchius porte la tiare pontificale : or c'était Hyrcan qui était grand prêtre, tandis qu'Aristobule était roi. C'est donc bien, je crois, à Hyrcan que revient le nom judaïque Bakki, ou Bakkiou, et les deux monnaies romaines en question ont été frappées en souvenir de la victoire de Papyrôn, à laquelle Scaurus prit évidemment une part active. Ce ne fut que plus tard qu'Aristobule s'attira l'animadversion des Romains.

* Cohen, Desc. gén. des monn. de la république romaine, pl. XXXIII. (Gens Plautia), n° 6. — ** Revue numismatique, 1858, p. 292-316, et 362-385 ; pl. XIV, XV et XVI.

[25] De la même manière qu'il y avait près de Jéricho, suivant Strabon, (XVI, II, 20) une localité nommée Phœnicôn, des nombreux dattiers qui y étaient cultivés.

[26] Ant. Jud., XIV, III, 1. Le passage de Strabon mentionné par Josèphe est ainsi copié par lui : λθεν δ κα ξ Αγπτου πρεσβεα κα στφανος π χρυσν τετρακισχιλων κα κ τς ουδαας ετε μπελος ετε κπος : τερπωλν νμαζον τ δημιοργημα.

Il n'est pas facile de trouver le vrai sens de ce mot τερπωλν ; nous croyons cependant y démêler la présence des mots hébreux feuille et arbre, mais ce dernier mot, surtout, nous semble douteux.

On rechercherait vainement ce passage dans les écrits de Strabon qui sont parvenus jusqu'à nous ; il faisait évidemment partie de ses œuvres historiques, et non du traité de géographie que nous possédons.

[27] Ant. Jud., XIV, III, 2.

[28] Ant. Jud., XIV, III, 3. — Dans la Guerre judaïque (I, VI, 4), il est dit formellement qu'Aristobule, dédaignant de s'abaisser devant les Romains, quitta la ville de Dium, comme si la conférence avait eu lieu dans cette ville.

[29] Ant. Jud., XIV, III, 4. — Bell. Jud., I, VI, 5.

[30] Ce fut là qu'il reçut la nouvelle de la mort de Mithridate, nouvelle qui le poussa à ne pas perdre de temps. (Bell. Jud., I, VI, 6.)

[31] Ant. Jud., XIV, IV, 1. L'enceinte extérieure du Hiéron est donc bien antérieure à Hérode. — Bell. Jud., I, VI, 6, et VII, 1.

[32] Bell. Jud., I, VII, 2.

[33] Ces tours, c'étaient Meah et Hananéel ; le fossé, c'étaient les piscines Probatique et Strouthion ; la profonde vallée, c'était le ravin qui sépare le quartier de Bezetha de l'enceinte du Hiéron.

[34] Ant. Jud., XIV, IV, 2. — Bell. Jud., I, VII, 3.

[35] Cette date correspond à l'an 63 avant l'ère chrétienne.

[36] Ant. Jud., XIV, IV, 3. — Bell. Jud., I, VII, 3 et 4. = Strabon (XVI, II, 20), s'exprime ainsi :

Le gouvernement de la Judée était donc devenu ouvertement une véritable tyrannie, lorsque Alexandre renonça le premier au titre de (grand) prêtre pour prendre celui de roi. Il eut pour fils Hyrcan et Aristobule, qui se disputèrent la couronne ; mais Pompée survint, les priva l'un et l'autre du pouvoir et détruisit leurs forteresses, à commencer par Jérusalem, qu'il prit d'assaut. Cette ville, située sur un rocher, est en effet dans une position naturellement forte. Bien fournie d'eau à l'intérieur, elle en manque totalement au dehors ; elle est entourée d'un fossé creusé dans le roc vif, dont la profondeur est de soixante pieds et la largeur de deux cent cinquante. C'est avec les matériaux enlevés pour creuser ces fossés que fut construit le mur d'enceinte du temple. On raconte que Pompée attendit le jour de jeune, pendant lequel les Juifs s'abstiennent de toute espèce de travail : (profitant alors de leur inaction) il combla le fossé appliqua les échelles et s'empara de la ville ; il en fit démolir tous les murs, réduisit en sa puissance les forts propres à favoriser le brigandage et mit la main sur les trésors des tyrans. Deux de ces forts, situés dans les défilés qui conduisent à Jéricho, se nommaient Threx et Taurus ; on comptait parmi les autres Alexandrium, Hyrcanium, Machærous, Lysias, les places du territoire de Philadelphia, et Scythopolis vers la Galilée…..

Pompée, ayant enlevé aux Juifs quelques-uns (des pays) qu'ils s'étaient appropriés de force, donna le sacerdoce à….. (lacune). Peu de temps après, un homme du pays et de la moine famille, Hérode, parvint à la dignité de grand prêtre ; il se distingua tellement de ses prédécesseurs, principalement par les rapports qu'il sut entretenir avec les Romains, et par son habileté à gouverner, qu'il obtint, d'abord d'Antoine, ensuite de César Auguste, la permission de prendre le titre de roi. Il eut plusieurs fils, dont il fit mourir les uns comme coupables d'avoir conspiré contre lui ; quant aux autres, il les institua ses héritiers, et partagea entre eux ses États en mourant. Auguste les traita honorablement, ainsi que Salomé, sœur d'Hérode, et Bérénice, fille de cette princesse. Cependant les fils d'Hérode n'eurent point un sort heureux ; ils furent accusés (auprès des Romains) : l'un vécut et mourut en exil chez les Gaulois Allobroges ; les autres ne parvinrent qu'à force de soumission à rentrer dans leur patrie, revêtus de la dignité de tétrarque. (Traduction de Letronne.)

[37] On était alors au troisième mois du siège. (Bell. Jud., I, VII, 4.)

[38] Bell. Jud., I, VII, 4.

[39] Bell. Jud., I, VII, 5 et 6. — Dans ce dernier paragraphe, il est bien question de l'oncle et beau-père d'Aristobule fait prisonnier, mais ce n'est que dans les Antiquités judaïques que nous trouvons son nom d'Absalom.

[40] Bell. Jud., I, VII, 6.

[41] Bell. Jud., I, VII, 7. — Ici le texte porte : Il releva Gadara ruinée par les Juifs, pour plaire à son affranchi Démétrius, le Gadarène.

[42] Ant. Jud., XIV, IV, 4. — Bell. Jud., I, VII, 7.

[43] Ant. Jud., XIV, IV, 5. — Bell. Jud., I, VII, 7.

[44] Ant. Jud., XIV, V, 1. — Bell. Jud., I, VIII, 1.

[45] Ici Josèphe, dans la Guerre judaïque (I, VIII, 2), prétend qu'Alexandre n'aurait pas tardé à renverser Hyrcan, et qu'il songeait déjà à relever les murailles de Jérusalem, abattues par Pompée, lorsque l'arrivée de Gabinius fit échouer tous ses projets.

[46] Bell. Jud., I, VIII, 2. — Nous avons déjà vu paraître une fois le nom de Koreæ, que nous ne savons avec quelle localité moderne identifier.

[47] Ant. Jud., XIV, V, 2. — Bell. Jud., I, VIII, 3. — Dans ce dernier passage il est dit qu'Alexandre se réfugia à Alexandrium avec le reste de son armée.

[48] Dans la Guerre judaïque, les villes repeuplées par Gabinius sont énumérées dans l'ordre suivant : Scythopolis, Samarie, Anthedon, Appollonia, Iamnia, Raphia, Marissa, Adoreus (Dora ?), Gamala, Azot, et beaucoup d'autres. (I, VIII, 4.)

[49] Ant. Jud., XIV, V, 3. — Bell. Jud., I, VIII, 4.

[50] Le rôle que Josèphe prête à la mère d'Alexandre est un peu différent dans la Guerre judaïque (I, VIII, 5). Ce fut, dit-il, d'après ses conseils que Gabinius rasa ces trois forteresses, pour qu'elles ne pussent pas devenir de nouveau des foyers de guerre. Elle était accourue auprès de Gabinius, pour l'attendrir par ses prévenances et sauver ainsi son mari et ses autres enfants retenus en captivité.

[51] Ant. Jud., XIV, V, 11. — Bell. Jud., I, VIII, 5.

[52] Dans la Guerre judaïque (I, VIII, 6), il est dit que deux mille environ des survivants se réfugièrent sur une certaine hauteur. Il est dit de plus qu'Aristobule et ses mille soldats s'ouvrirent de vive force un passage à travers les Romains, et gagna Machærous ; il passa la première nuit au milieu des ruines et s'y retrancha, mais mal.

[53] Bell. Jud., I, VIII, 6.

[54] Ant. Jud., XIV, VI, 2. — Bell. Jud., I, VIII, 7.

[55] Ant. Jud., XIV, VI, 3. — Bell. Jud., I, VIII, 7.

[56] Ant. Jud., XIV, VI, 4. — Bell. Jud., I, VIII, 7. — Dans ce dernier passage, il est dit qu'à ce moment Gabinius renvoya en secret deux transfuges des Parthes, Mithradate et Orsanes, et qu'il affirma à son armée que ces hommes s'étaient évadés.

[57] Ant. Jud., XIV, VII, 1. — Bell. Jud., I, VIII, 8.

[58] Cette citation, ainsi que la précédente, est empruntée par Josèphe aux écrits historiques de Strabon, et non à son livre sur la géographie.

[59] Ant. Jud., XIV, VII, 2.

[60] Bell. Jud., I, VIII, 8. — La défaite de Crassus est de l'an 53 avant l'ère chrétienne.

[61] Photius donne à cette femme le nom de Cypris (Κύπρις). Bibliotheca n° 238. (Annexe à la Guerre judaïque, édition Didot, p. VII.)

[62] Ant. Jud., XIV, VII, 3. — Bell. Jud., I, VIII, 9.

[63] En l'an 49 avant l'ère chrétienne.

[64] Bell. Jud., I, IX, 1.

[65] Dans la Guerre judaïque (I, IX, 2), Chalcis est qualifiée ainsi : au pied du Liban.

[66] Ant. Jud., XIV, VII, 4. — Bell. Jud., I, IX, 2.

[67] En 48 avant l'ère chrétienne. La bataille de Pharsale est du 5 des ides d'août de la même année. Pompée mourut à 58 ans, la veille même du jour anniversaire de sa naissance.

[68] Bell. Jud., I, IX, 3.

[69] Ant. Jud., XIV, VIII, 1. — Bell. Jud., I, IX, 4.

[70] Dans la Guerre judaïque, Josèphe dit quatre-vingts. (I, IX, 4.)

[71] Ant. Jud., XIV, VIII, 2. — Bell. Jud., I, IX, 5. — Dans ce dernier passage, il n'est plus question d'une seule blessure, mais de blessures nombreuses dont il eut le corps couvert, et qui étaient autant de témoignages de sa valeur.

[72] En 47 avant l'ère chrétienne.

[73] Bell. Jud., I, IX, 5.

[74] Ant. Jud., XIV, VIII, 3. — Ce sont les écrits historiques de Strabon qui sont invoqués ici par Josèphe.

[75] Bell. Jud., I, X, 1.

[76] Ant. Jud., XIV, VIII, 4. — Bell. Jud., I, X, 2.

[77] Bell. Jud., I, X, 3.

[78] En 47 avant l'ère chrétienne.

[79] Ant. Jud., XIV, VIII, 5. — Remarquons eu passant que, des trois envoyés juifs, il n'y en a pas un qui ne porte, ainsi que son père, un nom purement grec. C'est là un indice palpable de l'esprit d'innovation qui, au contact des Grecs, avait déjà poussé de profondes racines dans les masses juives.

[80] Bell. Jud., I, X, 4.

[81] Voici quelle est la phrase par laquelle Josèphe nous fait connaître l'âge qu'avait Hérode lorsqu'il fut chargé par son père du gouvernement de la Galilée : πέντε καί είκοσι γάρ αύτώ έγεγόνει μόνα έτη.

Nous lisons dans la bibliothèque de Photius (annexe de l'édition de Josèphe, de Didot, placée en tête de la Guerre judaïque, page IX, sous le n° 238) le passage suivant relatif à l'âge d'Hérode : τόν δέ μετ'αύτόν (il s'agit de Phasaël) Ήρώδην νέον όντα κομιδή (πεντεκαίδεκα γάρ αύτώ άπό γενέσεως έτη ήν) τής Γαλιλαίας άποφαίνει έπίτροπον, κ. τ. λ.

Comment expliquer cette différence de dix ans dans l'appréciation de l'âge d'Hérode, donné par Josèphe et par Photius, qui a bien la prétention de copier Josèphe ? Par la raison que voici : Photius croyait que le Christ était né sous le règne d'Hérode, et comme le chiffre de vingt-cinq ans, comparé à l'âge total d'Hérode au jour de sa mort, contredisait formellement cette croyance, Photius a corrigé de son autorité privée le malencontreux chiffre en question et l'a réduit de dix années. Telle est, je le crois fermement, la cause réelle de ce désaccord des deux écrivains.

[82] Ant. Jud., XIV, IX, 1. — Bell. Jud., I, X, 4.

[83] Bell. Jud., I, X, 5.

[84] Ant. Jud., XIV, IX, 2. — Bell. Jud., I, X, 5.

[85] Il est extrêmement curieux de lire dans le passage parallèle de la Guerre judaïque (I, X, 6) une assertion toute différente et tombée pourtant de la même plume. Voici le passage : L'homme heureux ne peut se soustraire à l'envie, et déjà depuis un certain temps Hyrcan souffrait au fond du cœur de la gloire acquise par les jeunes fils d'Antipater. Les hauts faits d'Hérode surtout l'inquiétaient fortement.

[86] Ant. Jud., XIV, IX, 3. — Bell. Jud., I, X, 6.

[87] Ce règlement des affaires de la Galilée consista en la misse en état de toutes les places fortes ; c'est Josèphe qui nous le dit nettement dans la Guerre judaïque (I, X, 7).

[88] Dans la Guerre judaïque (I, X, 7), Josèphe affirme que Hyrcan, qui aimait Hérode, voulait de son côté le soustraire à la peine capitale.

[89] Dans le talmud de Babylone (Synhédrin, 19b) à la suite du récit du jugement d'Hérode, que Simeon (lisez Schammaï) voulait faire condamner à la peine de mort, parce qu'il avait deviné ses projets ambitieux, nous lisons ces mots :

Cela prouve que le roi ne juge, ni n'est jugé ; qu'il ne peut témoigner, ni être confronté avec des témoins (c'est-à-dire qu'il est toujours hors de cause).

Au reste, il est intéressant de voir comment le talmud raconte ce procès d'Hérode. Voici donc le passage que j'emprunte textuellement au beau travail de mon savant ami M. Derenbourg (Synhédrin, 19a) :

Pourquoi le synhédrin ne doit-il pas soumettre à son tribunal les rois d'Israël ? Pour le fait suivant : Un esclave du roi Jannée commit un meurtre*. Simeon-ben-Schetakh** dit alors aux docteurs de s'occuper de cet esclave et de le juger. Ils envoyèrent auprès de Jannée le message suivant : Ton esclave a commis un meurtre. Le roi leur livra l'esclave ; aussitôt les docteurs firent dire de nouveau à Jannée : Viens, toi aussi ; il est dit dans la loi : Si le maître du bœuf a été averti, etc. (Exode, 21, 28), eh bien ! que le propriétaire du bœuf vienne et réponde de son bœuf. Le roi vint et s'assit. Roi Jannée, reprit Simeon-ben-Schetakh, lève-toi, pour qu'on dépose contre toi, car tu ne te tiens pas devant nous, mais devant celui qui ordonna, et le monde fut. N'est-il pas dit aussi ; Les hommes qui ont un procès se tiendront, etc. (Deutéronome, 19, 17) ? — Il ne sera pas fait, répondit le roi, selon ton avis, mais selon l'avis de tes collègues. — Jannée se tourna à droite et à gauche, et le respect ferma la bouche à tous. Mais Simeon-ben-Schetakh leur dit : Vous êtes plongés dans vos réflexions ? Dieu qui est le maître de toute réflexion viendra vous châtier de votre silence. À l'instant même Gabriel les jeta par terre et ils moururent.

Cette légende est évidemment le reflet de la vengeance qu'Hérode exerça sur les membres du Synhédrin, à l'exception de Schammaï (Samæas).

* Cette fois le Jannée de talmud, c'est Hyrcan. — ** Là encore il y a confusion évidente : l'abréviation שם aura été prise pour celle du nom de ce Simeon, tandis qu'elle désignait Schemaïah.

[90] Ant. Jud., XIV, IX, 4.

[91] Bell. Jud., I, X, 8.

[92] Ant. Jud., XIV, IV, 5. — Bell. Jud., I, X, 9.

[93] Bell. Jud., I, X, 10.

[94] Ant. Jud., XIV, XI, 1. — Bell. Jud., I, XI, 1. — La date du meurtre de César est le 15 mars 44 avant l'ère chrétienne.

[95] Bell. Jud., I, XI, 1.

[96] Djifnah, Ammoas, El-Loud et Tibneh. Dans la Guerre judaïque, Josèphe ne cite nominativement que Gophna et Emmaüs, auxquelles il adjoint deux autres villes de moindre importance.

[97] Ant. Jud., XIV, XI, 2. — Bell. Jud., I, XI, 2.

[98] Ant. Jud., XIV, XI, 3. — Bell. Jud., I, XI, 3.

[99] Bell. Jud., I, XI, 4.

[100] Bell. Jud., I, XI, 5.

[101] Ant. Jud., XIV, XI, 4. — Bell. Jud., I, XI, 6.

[102] Ant. Jud., XIV, XI, 5. — Bell. Jud., I, XI, 6.

[103] Bell. Jud., I, XI, 6.

[104] Bell. Jud., I, XI, 7.

[105] Ant. Jud., XIV, XI, 6. — Bell. Jud., I, XI, 8.

[106] Il s'agit probablement ici de la forteresse nommée Baris.

[107] Bell. Jud., I, XII, 1.

[108] Ant. Jud., XIV, XI, 7. — Bell. Jud., I, XII, 4.

[109] Ce Marion, ennemi personnel d'Hérode, s'était fait le partisan d'Antigone, fils d'Aristobule, et cela avec d'autant plus d'empressement qu'il savait que Fabius, gagné à prix d'argent, était tout disposé à servir les intérêts d'Antigone, que Ptolémée. fils de Mennæus, favorisait aussi de tout son pouvoir, à cause de son alliance avec sa sœur. (Bell. Jud., I, XII, 2.)

[110] Ant. Jud., XIV, XII, 1. — Bell. Jud., I, XII, 3.

[111] En 42 avant l'ère chrétienne.

[112] Bell. Jud., I, XII, 4.

[113] Ant. Jud., XIV, XII, 2 à 6.

[114] Bell. Jud., I, XII, 5.

[115] Ant. Jud., XIV, XIII, I.Bell. Jud., I, XII, 6.

[116] Bell. Jud., I, XII, 6.

[117] Nous lisons dans la Guerre des Juifs (I, XII, 7) que ce fut Hyrcan qui se chargea de faire enterrer les morts et soigner les blessés.

[118] Ant. Jud., XIV, XIII, 2. — Bell. Jud., I, XII, 7.

[119] Photius (Bibliotheca, n° 238, Annexe à la Guerre judaïque, Éd. Didot, page XIV) donne au nom du satrape la forme Βαζαφαρμάνης, Bazapharmanès.

[120] Bell. Jud., I, XIII, 1.

[121] L'avant-garde de l'armée d'Antigone et des Parthes soutint un combat dans le Drymon ; elle fut victorieuse, et put du coup arriver à Jérusalem sans plus rencontrer d'obstacles. (Bell. Jud., I, XIII, 2.)

[122] Ils étaient au nombre de soixante. (Bell. Jud., I, XIII, 2.)

[123] Ant. Jud., XIV, XIII, 3. — Bell. Jud., I, XIII, 2.

[124] L'attaque eut lieu au nord de la ville, comme nous l'apprend Josèphe dans la Guerre judaïque (I, XIII, 3).

[125] Ou nous nous trompons fort, ou le τό έξω χαράκωμα dont il est ici question n'est que l'espèce de fort qui était situé au point où existe aujourd'hui le Bab-el-Aâmoud, ou porte de Damas.

[126] Cinq cents, est-il dit dans la Guerre judaïque (I, XIII, 3).

[127] Ant. Jud., XIV, XIII, 4. — Bell. Jud., I, XIII, 3.

[128] Bell. Jud., I, XIII, 3.

[129] Dans la Guerre judaïque (I, XIII, 4), le récit est tout autre : Barzapharnès, y est-il dit, à son entrée en Galilée, rencontra une troupe de Juifs, qui se présentèrent en armes devant le satrape et l'engagèrent à leur faire bon accueil, afin de mieux cacher ses desseins. Il leur fit donc des présents. mais dès qu'ils se furent retirés, il leur tendit des embûches.

[130] A Ekdippôn (Akhzib), dit Josèphe dans la Guerre des Juifs (I, XIII, 4 ).

[131] Bell. Jud., I, XIII, 4.

[132] Ant. Jud., XIV, XIII, 5. — Bell. Jud., I, XIII, 5.

[133] Bell. Jud., I, XIII, 5.

[134] Ant. Jud., XIV, XIII, 6. — Bell. Jud., I, XIII, 6.

[135] Bell. Jud., I, XIII, 7.

[136] Ant. Jud., XIV, XIII, 7.

[137] Ant. Jud., XIV, XIII, 8.

[138] Ήρωδία. Ce nom, dans les autres passages où il est question de la même localité, est écrit Ήρωδείον. Ant. Jud., XIV, XIII, 9. — Bell. Jud., I, XIII, 8.

[139] J'ai moi-même parcouru cet affreux chemin, où il m'a fallu forcément mettre pied à terre. Il y a quelques années, mon ami M. E. de Barrère, aujourd'hui consul général de France à Jérusalem, s'est cassé la jambe dans cette descente infernale, pour avoir persisté à rester à cheval.

[140] Bell. Jud., I, XIII, 8.

[141] Ant. Jud., XIV, XIII, 9.

[142] Bell. Jud., I, XIII, 9.

[143] Ant. Jud., XIV, XIII, 10. — Bell. Jud., I, XIII, 10.

[144] Bell. Jud., I, XIV, 1.

[145] Ant. Jud., XIV, XIV, 1.

[146] Ant. Jud., XIV, XIV, 2. — Bell. Jud., I, XIV, 2.

[147] Bell. Jud., I, XIV, 3.

[148] Ant. Jud., XIV, XIV, 3. — Bell. Jud., I, XIV, 3.

[149] Ant. Jud., XIV, XIV, 4. — Bell. Jud., I, XIV, 4.

[150] Nous ne nous expliquons guère comment Josèphe en écrivant cette phrase a pu, quelques lignes plus haut, mentionner, dans la première entrevue d'Hérode et d'Antoine, l'offre d'argent que le premier fit au second, pour le cas où il serait nommé roi des Juifs. Quant aux prétentions de son beau-frère, Hérode y tenait si peu, en vérité, qu'il le fit assassiner, ainsi que nous le verrons plus loin.

[151] Bell. Jud., I, XIV, 4.

[152] Ant. Jud., XIV, XIV, 5. — Clinton (Fasti hellen., t. III, p. 286) nous donne les consuls Cn. Domitius Calvinus II et C. Asinius Pollio dans la 1re année de la 185e olympiade, correspondant à l'an 30 avant l'ère chrétienne.