RECHERCHES SUR LA XIVe DYNASTIE DE MANÉTHON

 

IX. — Examen de dates astronomiques attribuées à ces dynasties. — Date de la réforme du calendrier égyptien.

 

 

Mais, n’y a-t-il pas contradiction entre ces résultats chronologiques et des résultats certains obtenus par d’autres voies ? Cinq faits astronomiques, signalés par M. Biot, dans différents travaux, pourraient être considérés comme contrôlant mes recherches, puisque deux d’entre eux appartiennent aux Ramsès, que deux autres ont été rapportés à Touthmès III, et que le cinquième est donné comme peu antérieur à l’avènement d’Ahmès : il faut donc nous en rendre compte avant d’aller plus loin.

Le savant académicien avait remarqué, dans les sculptures qui ornent le plafond d’une des salles du Ramesséum, un tableau des mois, où le cartouche-prénom du roi Ramsès II (celui qu’on appelait Ramsès III en 1831, époque de la composition du mémoire), est inscrit entre les emblèmes des mois pharmouthi et pachon. Au-dessus de ce cartouche, dit l’auteur, le soleil est représenté versant des torrents de lumière égaux des deux côtés de la barque qui porte son disque, — sur ce cartouche ; les insignes de la royauté sont remplacés par deux attributs particuliers à une grande cérémonie, à la fois politique et religieuse, qui s’accomplissait par les souverains de l’Égypte à l’époque déterminée de l’équinoxe vernal vrai. Le soleil à rayons égaux qui correspond au cartouche royal complète par cette égalité même le caractère du soleil arrivé à l’équateur, où il prend la domination des régions supérieures et inférieures, comme le pharaon la prend n sur les régions supérieure et inférieure de l’Égypte, similitude exprimée ainsi parles légendes mêmes, qui accompagnent la à cérémonie de la prise du pschent, sculptée dans le palais[1]. La date précise n’est pas écrite dans le tableau. Aussi, en admettant qu’il s’agisse véritablement de l’équinoxe vernal, on ne saurait où le placer avec assurance dans l’année égyptienne, ni par conséquent reconnaître l’année du cycle que représente la coïncidence de l’équinoxe avec un jour imparfaitement déterminé. Mais M. Biot, trouvant à Médinet-Habou la représentation d’une semblable cérémonie, rapportée à Ramsès III Hik-pen, surnommé Maïamon (le Ramsès IV Meïamoun de Champollion), avec une date qui lui était donnée pour celle du 1er pachon, calcula que ce jour avait dû rétrograder jusqu’à l’équinoxe vernal au commencement du 14e siècle, puisqu’il représentait le solstice d’été (9 juillet julien proleptique), en l’année de coïncidence 1780. Quelques années après, en revoyant ses calculs, l’auteur corrigea un peu la date et la fixa en 1389[2], chiffre dont on peut vérifier l’exactitude, en observant que l’équinoxe était antérieur au solstice de 94 jours, ce qui donne, au premier aspect, la 376e année du cycle, mais que, dans cette marche rétrograde des mois, il faut tenir compte de la différence entre farinée julienne et l’année vraie, différence d’où il résulte que si un jour de retard dans l’année vague suppose un retard de 4 ans, 400 ans ne correspondent pas à un retard de cent jours, mais de 97 seulement : sur 100 années bissextiles, nous sommes obligés d’en supprimer trois pour nous trouver en accord avec le soleil[3].

Sans doute la date 1389 n’est plus acceptable aujourd’hui pour le règne de Ramsès III. M. Biot l’a démontré, nous l’avons vu, dans son mémoire de 1853. Mais il avait travaillé en 1831 sur un texte dont il n’avait pas eu à vérifier la transcription exacte, et M. de Rougé, en rappelant ce premier travail[4], a fait observer qu’il faut corriger la traduction donnée, mais non revue, par Champollion (dans ses lettres) ; le chiffre du jour est remplacé par une lacune, dans la copie de l’inscription qu’a rapportée l’illustre voyageur[5] ; or, en avançant de quelques jours d’ans le mois de pachon, la coïncidence suppose une marche de plusieurs années dans le cycle. M. de Rougé ajoute : Peut-être qu’un estampage ferait retrouver les traces du jour : il serait curieux de voir si ce jour ne à serait pas précisément le 26 de pachon, que le calendrier de Médinet-Habou donne pour un des jours de fête consacrés au roi Ramsès Hik pen.

je suis loin de réclamer contre le vœu du savant archéologue ; mais j’avoue que la vérification demandée me paraît à peu près faite, depuis le mémoire de M. Biot sur les levers héliaques de Sothis et de celui que M. de Rougé lui-même a présenté à l’Institut le 24 décembre 1852[6]. En effet quelle est cette panégyrie de Ramsès, qui est fixée au 26 pachon dans le calendrier de Médinet-Habou ? C’est, nous dit M. de Rougé, celle de son couronnement[7] ; voici comment il s’exprime :

Le jour du couronnement avait sa fête au 26 pachon, où elle est indiquée dans les termes suivants :

Hiou en Souten Scha Souten Chev Ra T’ésour Ma Neri Amen.

Jour de la royale élévation du roi de la Haute et de la Basse Égypte, Soleil, seigneur de justice, aimé d’Ammon.

Scha se dit au sens propre du soleil levant ; c’est le copte schaa, oriri. L’expression égyptienne, Scha en souten, est une métaphore empruntée au lever du soleil. C’est une très belle expression pour indiquer l’entrée dans la dignité royale. Disons de plus que le caractère principal du mot représente un diadème ; ce n’est pas le schent, mais sans doute ce dernier mot ne se prêterait pas à la métaphore.

L’auteur ajoute qu’à la fin de la 20" dynastie, cette fête était placée au 1er pachon de l’année vague ; mais on voit qu’elle ne l’était pas sous Hik pen, et l’on revint plus tard à l’ancien usage, car le 17 méchir de la 9e année de Ptolémée Epiphane est indiqué, dans l’inscription de Rosette, comme le jour où eut lieu la prise du schent[8]. Or, l’équinoxe vernal de cette année avait eu lieu le 16 (peut-être au soir), ce qu’il est facile de reconnaître, en se rappelant que ce prince était roi en 204, que la dernière année de coïncidence était 275, et que le mois de méchir suit immédiatement le mois de tybi, dont le 26e jour avait vu, en 275, l’équinoxe vernal en coïncidence, comme le rappelait M. Biot.

Si maintenant nous cherchons la date de Ramsès III, en substituant le 26 au 1er pachon, 25 jours d’avance en moins dans l’année vague, nous feront franchir un siècle, et nous conduiront en 1289, ou plutôt vers 1291, à cause du retard de I’observation. Cette date, ainsi rectifiée, est-elle d’accord avec celle que nous donnait le lever de Sothis (1301 à 1298) ? Il est au moins permis de dire qu’elle ne la contredit pas, quand on se rappelle que ce règne fut long[9] et que la date du couronnement peut fort bien n’être pas celle de l’avènement du roi, s’il parvint trop jeune au trône, comme cela arriva pour Ptolémée V. Or, précisément Ramsès fut roi fort jeune, et très probablement mineur. Dans une des inscriptions de Médinet-Habou, dont M. de Rougé a rendu compte d’après les textes publiés par M. Greene, on vante la générosité de Ramsès envers les dieux, qui lui ont accordé, dés son enfance, d’être le roi de l’Égypte, et de gouverner toute la sphère éclairée par le soleil. Ramsès III, continue l’auteur, fut en effet appelé au trône ou associé à la couronne dans un très a jeune âge, car on le trouve représenté avec une coiffure composée de l’uræus royal et de la tresse pendante, symbole de l’enfance[10].

L’inscription citée de Médinet-Habou est de la 9e année du règne[11], et le roi s’y vante déjà de ses exploits ; mais, outre que cette date pourrait, d’après ce que nous avons vu, atteindre celle de sa majorité légale, les scribes égyptiens ne se croyaient pas tenus sans doute, à une bien rigoureuse exactitude, surtout au sujet des rois ; Ramsès avait pu tout aussi bien repousse les Tamahou à cet âge que Ptolémée Epiphane avait, avant sa 9e année de règne accomplie, vengé son père et pris Lycopolis[12]. La jeunesse, l’enfance même de Ramsès, à l’époque de son avènement, ne peuvent d’ailleurs être démenties par le rang de chef de dynastie que lui donne Africain (comme il l’a donné à Séti, fils de Ramsès I), puisque Hyk pen fut roi par hérédité, fils de Seth Nascht Ra Méri[13], qui, selon Africain lui-même, comme selon M. Leemans, n’a régné que peu d’années, s’il est réellement identique à Thuoris ou Phouôro, et qui put fort bien, en conséquence, laisser un successeur enfant.

L’interprétation donnée par M. Biot aux signes astronomiques de l’équinoxe et au symbole de la prise du schent, se trouve donc confirmée de la manière la plus inattendue pour l’auteur lui-même, puisque cette confirmation résulte précisément de l’erreur contenue dans la traduction mise sous ses yeux, et combinée avec la découverte d’une date astronomique à laquelle il était loin de penser alors. Revenons à Ramsès II.

M. Biot avait pensé à retrouver la date de son règne en remontant de 90 années à partir du commencement du 14" siècle, selon les chiffres connus de Manéthon, et avait pensé que la place occupée par les emblèmes royaux, entre les mois pachon et pharmouti, satisfaisait à cette condition. Nous avons vu que 90 ans forment un total inférieur au nombre d’années qui sépare réellement l’avènement des deux grands Ramsès ; mais si, au lieu de partir du 1er pachon, nous partons du 26, il nous faudra rétrograder d’un siècle pour faire concorder le 1er pachon avec l’équinoxe, et nous reviendrons à 1389. Cette date serait trop faible pour le couronnement de Ramsès II ; cela me paraît démontré par les considérations développées au précédent paragraphe ; mais aussi, ne sommes-nous point obligés de nous en tenir au dernier jour de pharmouti. M. Biot ne t’avait point pensé non plus : il se reportait, au contraire, aux premiers jours de ce mois. Arrêtons-nous au 16, comme semble le demander la position des insignes, et nous aurons une des années 1449 à 1445, soit un peu moins de 150 ans avant l’avènement de Ramsès III. Les calculs établis plus haut donnaient un intervalle de 129 ans, mais comptés de 1298 au moins et peut-être de 1301. Pour combler la différence, qui subsisterait encore, il suffirait presque d’accorder à Ramsès II les 66 ans que lui donne Eusèbe, d’ajouter quelques unités aux deux dizaines du chiffre suivant, et de remarquer que la date 1289, comme toutes les dates semblables, ne doit être prise tout au plus que comme une approximation de 2 à 3 ans, l’observation, même très exacte, ne pouvant donner que le lendemain un équinoxe accompli la veille au soir. Si, au lieu du 16, on s’arrête au 20 pharmouti, on a bien mieux encore le chiffre que je trouvais dans l’approximation des années : je n’en demandais pas tant.

Un autre fait, au contraire, présenterait, s’il était accepté comme littéralement exact, une difficulté grave. Un lever de sothis avait été signalé comme appartenant au règne de Thouthmès III, et, comme il est daté du 28 épiphi, en comparant cette date avec celle du lever de sothis, sous Ramsès III, on arrive à la conclusion que Thouthmès régnait au milieu du 15e siècle, ce que la chronologie avérée des 18e et 19e dynastie ne permet pas d’admettre, les règnes d’Aménophis III, de Séti I et de Ramsès II, suffisant à eux seuls pour remplir l’intervalle d’un siècle et demi. Cette difficulté avait éveillé l’attention de M. Bruggsch ; mais M. de Rougé en a débarrassé la science, en publiant dans l’Athenæum[14] que la date historique paraît appartenir à une autre inscription du même monument que la date astronomique : une inadvertance, une erreur de mise en page peut-être, avait causé cet embarras.

Or, si le lever héliaque de sothis au 28 épiphi n’appartient pas au règne de Thouthmès, on n’est plus conduit à attribuer à l’équinoxe vernal cette fête du commencement des saisons, fixée au 21 pharmouti dans une inscription de la seconde année du même règne[15], puisque c’était en s’appuyant sur la date précédente que M. Biot arrivait à cette coïncidence approximative du 21 pharmouti. Mais le 1er pachon est réellement l’origine logique des saisons égyptiennes, puisque, dans les années de coïncidence, il représente le commencement de l’inondation de laquelle résultent la végétation et la récolte. Le 21 pharmouti ne le précède que de 10 jours ; il en résulte assez clairement, selon moi, que la fête dont il est question était célébrée à un jour constant de l’année vague, pour demander une inondation favorable. D’ailleurs, l’inscription a été trouvée à Semneh, en Nubie, où l’inondation commence naturellement un peu plus tôt qu’à Thèbes. Et l’on ne doit pas s’étonner qu’une fête de cette nature soit demeurée constamment à ce jour de l’année vague auquel on l’avait attachée, quand on avait cru fixer l’année par l’introduction des épagomènes : le mouvement des fêtes religieuses suivant celui de l’année égyptienne, est un fait bien connu, même pour les cas où il s’y attachait un sens relatif à la marche des saisons[16].

Enfin la réforme du calendrier égyptien : l’introduction des jours épagomènes est désignée dans la chronographie du Syncelle comme appartenant au règne d’un Aseth, qu’il donne pour prédécesseur à Amosis (Ahmès). M. Biot fait observer que ce fait est rapproché dans le Syncelle de l’institution du culte d’Apis consacré à la lune et probablement à la lune en conjonction avec le soleil, d’après la couleur noire qui lui est attribuée et que le temple d’Apis fut construit par Ahmès[17]. Il remarque aussi que la comparaison des années de Nabonassar avec les années du monde, telles que les donne le Syncelle, comparaison facile à faire pour les règnes compris dans le canon de Ptolémée, donne précisément la date 1780, la date de la véritable coïncidence qui précéda celle de 275, comme appartenant au règne d’Aseth. Ce calcul, le chronographe n’avait pu le faire lui-même, au moyen de l’année julienne, qui l’aurait conduit en 1735, et cette année n’est plus du règne d’Aseth, selon sa chronologie ; c’est donc une tradition égyptienne que nous donne ici l’écrivain grec. Il est bien vrai que l’usage des épagomènes paraît réellement plus ancien, puisque M. de Rougé les a vus mentionnés parmi les jours de fête où l’on devait faire des offrandes aux tombeaux de personnages ayant appartenu aux premiers temps de la 12e dynastie, et qu’ils y sont désignés sous les mêmes noms hiéroglyphiques, avec lesquels on les trouve écrits sous toutes les dynasties plus récentes[18]. Mais M. Biot résout cette contradiction apparente, en disant qu’il s’agit sans doute de la remise en vigueur du calendrier national, lors de la chute de la domination étrangère, et non d’une création nouvelle. Il pense que cette domination, confondant et détruisant tout dans l’ordre civil et religieux, n’avait pas permis la continuation des fêtes qui marquaient la succession des années, chez un peuple d’ailleurs dépourvu de toute ère fixe, et qui comptait ses années de l’avènement de chaque roi. Je ne crois pas qu’il y ait eu interruption totale des coutumes égyptiennes d’un bout de l’Égypte à l’autre, et que les dynasties nationales aient jamais entièrement disparu pendant le règne des Hyksos ; mais on n’en doit pas moins accepter l’opinion de M. Biot sur la réforme du calendrier à cette époque, si l’on observe avec lui que la date précitée offrit une combinaison de phénomènes astronomiques extrêmement frappante pour les Égyptiens, combinaison susceptible d’ailleurs d’être constatée par les observations qu’ils savaient faire, mais non d’être établie chez eux par un calcul fait d’avance : c’est que par une circonstance qui eut lieu cette seule fois dans la série des siècles, l’année lunaire, dont la durée moyenne est à très peu près 354j 36m se trouve encadrée dans l’année de 365 jours ainsi placée, avec une symétrie d’arrangements n exceptionnellement favorable, pour que toutes les nouvelles lunes de la même année s’écartassent le moins possible du commencement des mois, et les pleines lunes de leurs milieux. C’est précisément autour du mois de pachon, de son 1er jour, que l’année lunaire est répartie et pour ainsi dire équilibrée[19]. Le rapport cessait avec le règlement du calendrier égyptien et le développement donné au culte de la lune est trop frappant pour qu’on ait besoin d’y insister.

Mais ce que j’ai dit de la permanence non interrompue d’un calendrier national n’est point en contradiction avec le fait de cette réforme. Bien que l’introduction antérieure des épagomènes semble nous obliger à croire que l’année 1780 était rigoureusement fixée, depuis bien des siècles, pour une année de coïncidence (cette introduction déterminant le cycle invariable de 1505 ans), il faut se souvenir que les premières observations ont pu être faites d’une façon assez grossière et le cycle primitif assez différent dans son point de départ, de celai que nous plaçons, par un calcul rétrograde, de 3285 à 1780 : la place des lunaisons dans celte dernière année put concourir avec une observation meilleure des solstices pour faire reporter le premier jour de la tétraménie de l’eau, c’est-à-dire le 1er pachon, au jour où eut lieu véritablement le solstice d’été. Qui sait d’ailleurs si les Pasteurs eux-mêmes n’avaient pas reçu de Chaldée des notions plus savantes que celles de leurs sujets sur la grande ère astronomique de 3285[20], et si les souvenirs qu’on en a cru reconnaître en Égypte, ne venaient pas ou de ces étrangers, ou bien mieux encore des rapports de l’Égypte avec les peuples de l’Euphrate au temps où les Thouthmosis[21] et les Ramsès portèrent leurs armes en Asie ?

Mais l’année 1780 peut-elle appartenir au prédécesseur d’Ahmés ? L’avènement de ce dernier se trouve reporté vers 1700 par l’addition des chiffres auxquels j’ai cru pouvoir m’arrêter pour les 18e et 19e dynasties : 80 ou même 70 ans pour le règne de son prédécesseur, ce serait beaucoup, car les rois égyptiens qui menaient probablement une vie peu patriarcale, n’atteignaient pas d’ordinaire à l’âge des premiers Hébreux. Cependant il n’y aurait pas ici d’impossibilité absolue ni surtout de ces différences qui déjouent les tentatives de conciliation, car je n’ai jamais présenté comme des chiffres précis ni les 220 ans de la 18e dynastie, ni les 188 ans de la seconde ; mais nous n’en sommes pas même réduits à modifier ces résultats. Quoi que Syncelle dise de l’excellence de ses manuscrits, il est impossible à quiconque a parcouru sa liste des rois égyptiens, de la considérer comme une série tant soit peu acceptable, surtout pour les premiers siècles : supposer deux ou trois générations entre Aseth et Amosis ne peut donc faire de difficulté sérieuse, et il restera seulement une concordance approximative, mais réelle, entre le chiffre qui doit marquer le dernier siècle du moyen âge égyptien et celui que des calculs et des faits bien différents de ceux-là nous ont amenés à choisir pour représenter la fin de ce moyen âge : la date assignée à la réforme du calendrier égyptien[22] confirme donc, en thèse générale, la valeur des raisons que j’ai alléguées et ne les infirme réellement sur aucun point.

 

 

 



[1] Mémoire sur l’année vague des Égyptiens. Lescheut (ou avec l’article masculin pschent (ψχεντ) dans l’inscription de Rosette), se compose en effet de la réunion des diadèmes spéciaux de la haute et de la basse Égypte. — L’assimilation des rois aux dieux, est perpétuelle sur les monuments, et la dénomination du soleil, PE-RA, d’où vient peut-être Pharaon, est commune aux premiers.

[2] Journ. des Sav., août 1843 ; note 20.

[3] Qu’on ne s’étonne pas de voir les Égyptiens reconnaître si exactement le jour de l’équinoxe. Les articles de M. Biot dans le recueil cité (mai, juin, juillet 1855 ; janvier et juin 1851) et les dernières pages du mémoire de 1831 contiennent, sur l’exactitude de leurs observations, des renseignements qui rendent ce fait fort acceptable. — Cf. Journ. des Sav., août 1843.

[4] Ann. de phil. chrét., juill. 1841, t. XVI, p. 23.

[5] On voudra bien se souvenir que, l’absence du jour marquant chez les Égyptiens le 1er du mois, Champollion a très bien pu se tromper à la première vue sur la valeur de cette indication, et ne pas remarquer cette courte lacune jusqu’au moment où il a copié l’inscription.

[6] Inséré dans le 17e vol. de la Rev. archéol. — V. aussi dans l’Ath. franç., 3 nov. 1855, l’art. de M. de Rougé.

[7] Comme le décret de Rosette institue une fête pour le couronnement de Ptolémée V.

[8] Je sais qu’on a mis en question si la dernière date mentionnée dans le texte correspondant à la ligne 46 du grec, et brisée dans cette ligne, date qui est certainement celle de l’avènement du roi (l. 47) était le 17 paophi, comme le dit le texte hiéroglyphique, ou le 17 méchir comme le dit le démotique. La même différence se trouve dans le double texte de Philæ, daté de la 21e année. Le décret lui-même est daté du 18 méchir (l. 6) et les prêtres se déclarent assemblés pour la cérémonie de la prise de possession de la couronne (l. 7-8). M. Letronne avait conclu du texte démotique qu’ils célébraient seulement l’anniversaire de l’avènement du roi, et qu’il n’était pas encore question du couronnement solennel ; il faisait observer que le décret n’emploie ici ni le mot άνακλητήρια dont Polybe se sert (XVIII, 38) pour désigner la proclamation de la majorité d’Épiphane, ni le mot ένθρονισμός, que l’on trouve dans Diodore (V. Letronne, Recueil, etc. notes à la fin du 2 vol.). A cette dernière objection l’on peut répondre par les faits même qu’elle rappelle ; en effet, et ces deux écrivains se sont servis de termes différents, il n’est pas du tout certain que l’un deux fût une expression officielle et indispensable, dont l’absence doive éveiller la défiance du critique. L’objection du texte démotique est plus embarrassante, surtout devant l’observation de M. Lepsius (Revue archéol., 1847), qu’à cette époque ces textes sont plus corrects que les textes hiéroglyphiques ; mais je crois que cette difficulté ne peut tenir devant le contexte entier de l’inscription. L’usage du schent dans la cérémonie présente est attesté par les lignes 44-5 du texte grec.) M. Lenormant remarque en outre, que, toutes les fois qu’il est question ici de l’héritage de la royauté, et non de la prise de la couronne, le grec, pour éviter l’amphibologie du mot βασιλεΐα, ajoute παρά τοΰ πατρός (l. 1, 8, 47 ; cependant, à la ligne 8, les deux sens sont réunis), et que le texte hiéroglyphique se sert de symboles différents pour ces deux cas (Essai sur le texte grec de l’insc. de Ros., v, ligne 46). Préoccupé de la cérémonie qui venait d’avoir lieu, le scribe a écrit méchir avec les caractères qui lui étaient le plus familiers, et a copié exactement les hiéroglyphiques qu’il lui fallait dessiner avec soin. Cette première erreur a pu amener celle qui se trouve dans la copie du renouvellement de ce décret (Rev. archéol., 1847). Il est donc permis d’admettre que c’est bien la prise du schent qui a eu lieu à l’équinoxe vernal pour Épiphane et qu’elle avait eu lieu de même pour le grand Ramsès.

[9] On a trouvé l’Apis de la 26e année (Ath. fr., oct. 1855) ; sa 24e année est inscrite sur un papyrus de Turin (Ch. Fig., p. 347).

[10] Ath. franç., 3 nov. 1855.

[11] Ibid., et Champollion, lettre 181.

[12] Inscr. de Ros., l. 4, 22-28.

[13] V. le Mém. lu par M. de Rougé, le 30 juillet 1858.

[14] 3 nov. 1855.

[15] Mém. de M. Biot, lu le 7 février 1853, t. XXIV des Mém. de l’Acad. des sciences.

[16] V. l’art. de M. Biot dans le Journal des Savants de juin 1857. — Cf. le mémoire du même auteur sur l’année vague.

[17] Journ. des Sav., juillet 1857.

[18] Ibid.

[19] Ibid.

[20] V. le mémoire de M. Biot sur l’année vague : A la coïncidence de 3285, on voit sa réaliser une concordance astronomique rappelée depuis comme origine dans une foule de traditions anciennes, non seulement de l’Égypte, mais aussi de l’Asie, laquelle place l’équinoxe vernal dans les étoiles Taureau, le solstice d’été dans celles du Lion et l’équinoxe d’automne dans le Scorpion... Le calcul amène ici l’équinoxe vernal.... sur le front même du Taureau de nos cartes modernes, ce qui entraîne les deux autres positions cardinales du Lion et du Scorpion comme conséquences. On connaît les belles recherches de M. Lajard (Acad. des Inscr., t. XIV et XV, etc.) sur eu symboles astronomiques du Lion et du Taureau appartenant à l’Asie, et bien à l’Asie, car la constellation égyptienne du Lion est toute différente de celle-là (Journ. des Sav., janvier 1857, art. de M. Biot). — V. aussi, dans le numéro de juin 1855, les curieuses observations relatives au tombeau de Séti.

[21] V. Notice sur la table de Karnak, pages 10-11. Maury, Revue des Deux-Mondes, 1er septembre 1855, II, sub fin. Inscription du tombeau d’Ahmès Pen Souvan, Rev. arch., mai 1855. — Athen. français, 3 nov. 1855, art. de M. de Rougé.

[22] Il est bien entendu, qu’attribuer cette réforme au premier des Hyksos, avec le scholiaste de Platon, qui a cru nous donner là un extrait de Manéthon et qui se trouve cité dans la collection des fragments, ce ne serait pas seulement contredire l’histoire, mais nier les lois immuables des nombres. La coïncidence de 275 eût été mathématiquement impossible en ce cas-là ; il reste seulement de ce témoignage la preuve d’une tradition confuse, qui attribuait cette réforme au temps des Pasteurs et confirme indirectement celui du Syncelle.