HISTOIRE DES GAULOIS D’ORIENT

 

CHAPITRE XII. — LA BATAILLE DE MAGNÉSIE ET LA PAIX AVEC ANTIOCHUS. - CAMPAGNE DE MANLIUS VULSO CONTRE LES GALATES.

Texte numérisé par Marc Szwajcer

 

 

I. - Guerre d’Antiochus. — L’état de l’Asie va subir un bouleversement profond : dès les premières années du IIe siècle, Rome commence à y faire sentir son action irrésistible, qu’elle n’abandonnera plus. L’attaque d’Antiochus contre les cités grecques de ce continent, et son expédition, mal combinée et mal conduite, au secours des Étoliens, avaient attiré sur lui une catastrophe, que nul ne Pouvait désormais éviter, s’il s’attirait le ressentiment du sénat. Dédaigneux des conseils d’Annibal, le roi s’était vu rejeter brusquement des Thermopyles en deçà de l’Hellespont, et bientôt refoulé de l’Hellespont sur l’Hermus, ou se termina la guerre. En Grèce, s’il en faut croire Polybe[1], Antiochus n’avait amené que dix mille hommes ; maintenant, au contraire, il semblait vouloir se dissimuler le voisinage de l’abîme en s’entourant d’une foule nombreuse, imitant, quoique de loin, l’exemple des rois tant de fois vaincus par la Grèce[2]. Dans cette foule, il comptait, non sans quelque confiance sans doute, des corps de ces Galates qui avaient vaincu son père, et que ni Darius ni Xerxès n’avaient connus.

Le consul L. Scipion, frère de l’Africain, étant parti de Dardane par Rhétée et Ilion, arriva en six jours, selon Tite-Live, de cette dernière ville aux sources du Caïcus[3], où il fut rejoint par Eumène, roi de Pergame. Après que quelques soins donnés au ravitaillement de l’armée, comme l’hiver approchait, on se dirigea vers le camp du roi de Syrie. Celui-ci était établi non loin de là, sous Thyatire, que couvre un petit affluent de l’Hermus. A l’approche de l’armée ennemie, il renvoya à P. Scipion, qui accompagnait Lucius, son fils, fait prisonnier par les troupes royales ; l’Africain ému lui fit conseiller, dit Tite-Live, ne point livrer bataille que lui-même n’eût rejoint le camp, dont une maladie le retenait éloigné. Comme pour se conformer à cet avis, Antiochus passe le Phrygius, qui rejoint, par la rive gauche, la rivière de Thyatire, et vient camper près de Magnésie du Sipyle, qui se trouve au confluent de cette rivière et de l’Hermus[4].

Le consul, qui était d’abord allé le chercher vers Thyatire, suivit ses traces et vint camper à 4 milles de lui. Là un millier de cavaliers, pour la plupart Galates, et grand nombre d’archers à cheval vinrent, en traversant fleuve, attaquer les avant-postes et insulter le camp romain. Après cette escarmouche assez sanglante et deux jours de repos, l’armée romaine tout entière passa l’Hermus et vint camper d’abord à deux milles et demi, puis, cinq jours après, à un mille seulement du camp royal. Des deux parts on avait, durant cet intervalle, offert le combat sans l’engager[5]. Cependant l’approche de l’hiver et le mépris des Romains pour les Asiatiques, d’un côté, de l’autre, la crainte de voir l’armée syrienne se décourager, firent résoudre la bataille.

Deux légions romaines (c’est tout ce qu’en avait Scipion) occupèrent le centre de son armée, rangées, selon la coutume, sur trois lignes, hastaires, princes et triaires (plus les vélites), et flanquées l’une et l’autre d’une légion latine ou alliée[6]. Chacune de ces quatre légions offrait un cadre pour 4.500 hommes, mais très probablement un effectif inférieur : Polybe, dans sa dissertation sur l’organisation de l’armée romaine, donne un chiffre de 4.200 fantassins à chaque légion, sauf les levées extraordinaires, et, pour la cavalerie, limite le chiffre à 300 pour les Romains, ajoutant que les légions italiques pouvaient en avoir davantage[7]. Des auxiliaires grecs et asiatiques, au nombre de 8 à 9.000 tout au plus, s’étendaient à droite sur le flanc des troupes consulaires ; à gauche, c’est-à-dire du côté du fleuve aux bords abrupts, qu’il regardait comme une protection suffisante contre un grand déploiement de forces ennemies, Scipion n’avait placé que quatre escadrons de cavalerie[8]. On voit, d’ailleurs, puisque l’Hermus est à gauche des Romains, qu’ils l’ont passé au-dessous du camp d’Antiochus, ce qui est naturel, s’ils n’ont pas eu à passer le Phrygius avant de se porter au sud, et on ne voit pas qu’ils aient cherché à mettre l’ennemi entre eux et la mer. 2.000 volontaires Macédoniens et Thraces, gardaient le camp romain, et seize éléphants d’Afrique, inférieurs, disait-on, à ceux de l’Inde, étaient placés derrière les triaires.

Les Syriens avaient Magnésie derrière eux, l’Hermus à leur droite et le mont Sipyle à leur gauche. L’armée royale, dit Tite-Live, était plus variée que la nôtre par l’origine diverse des contingents, la dissemblance des corps auxiliaires et des armes. 16.000 fantassins, armés à la macédonienne et qu’on appelait la phalange, occupaient le centre ; ils étaient fractionnés en dix files[9]. Entre chacune d’elles se trouvaient deux éléphants ; elles avaient 32 hommes de profondeur. A droite de la phalange (c’est-à-dire du côté du fleuve), il y avait 1.500 cavaliers gallo-grecs, puis 3.000 cavaliers armés de toutes pièces (calaphracti), et l’agema, corps de 1.000 cavaliers fournis par la Médie. Ils étaient soutenus par seize éléphants et un peu dépassés par la troupe d’élite qu’on appelait les argyraspides. L’auteur énumère ensuite des corps d’auxiliaires de divers pays qui prolongeaient cette aile. A gauche de la phalange, la série commençait de même par 1.500 cavaliers gallo-grecs, avec 2.000 Cappadociens qu’avait envoyés le roi Ariarathe ; puis 2.700 auxiliaires, 3.000 cavaliers portant des cuirasses, et un autre agéma composé de Syriens, de Phrygiens et de Lydiens. Devant cette cavalerie étaient des chars armés de faux et des Arabes montés sur des dromadaires ; puis commençait l’aile proprement dite, composée de sept ou huit corps différents et flanquée de seize éléphants ; le second de ces corps, à partir de l’agéma, se composait de 2.500 cavaliers galates, ce qui donne en tout 5 à 6.000 hommes de cette nation dans l’armée d’Antiochus, tous à cheval[10]. Appien[11] comprend dans le corps principal les cataphractes gaulois et l’agéma. A gauche, dit-il encore, étaient les trois peuples galates, Tectosages, Trocmes et Tolistoboyes, avec des Cappadociens envoyés par Ariarathe[12]. Le roi commandait l’aile droite ; son fils Séleucus et son gendre Antipater, la gauche ; trois autres généraux, le centre[13].

L’affaire commença sous un épais brouillard, suivi d’une pluie abondante, qui, en mouillant les cordes des arcs et des frondes, enleva aux troupes syriennes une partie de leurs ressources ; on comprend d’ailleurs que, dans cet état de l’atmosphère, le regard ne pouvait embrasser l’étendue de leurs lignes[14]. Les chars étaient ce qui, dans cette armée, inspirait le plus de crainte ; mais, Eumène ayant fait diriger contre les attelages une grêle de flèches, ils se rejetèrent confusément sur les troupes mêmes d’Antiochus, d’abord sur les Arabes et leurs dromadaires, puis sur la grosse cavalerie, où le désordre fut affreux, le poids de leurs armures ne permettant pas aux soldats de s’écarter vivement pour éviter le choc des faux[15]. Les escadrons qui avaient conservé leur poste, se trouvant dégarnis par la fuite de leurs auxiliaires, furent chargés et rompus par la cavalerie romaine[16]. Bientôt le centre fut complètement découvert à sa gauche. Eumène, avec les cavaliers, tant asiatiques que romains et italiens, qu’il avait sous ses ordres, ayant vigoureusement attaqué les Galates, Cappadociens et autres soldats d’Antiochus, déjà bien ébranlés[17], la phalange demeura isolée de ce côté tandis que le roi de Syrie, qui n’avait pas complètement oublié les campagnes de sa jeunesse, s’était avancé le long du fleuve, avec son aile droite, et pressait la gauche romaine que ses quatre escadrons n’avaient pas essayé de défendre[18]. Ces cavaliers, puis quelques fantassins commençaient à fuir vers le camp ; mais, arrêtés par le tribun militaire Æmilius, qui leur opposa les armes de sa garnison, ils furent forcés de retourner vers l’ennemi. De son côté, Attale, frère d’Eumène, arrive, avec 200 cavaliers de son aile victorieuse, et tombe sur Antiochus, troublé par une résistance inattendue. Antiochus le repousse néanmoins d’abord ; mais, voyant la déroute des siens, il lâche pied à son tour et arrive à Sardes pendant la nuit[19].

La défaite des Syriens était en effet complète[20]. La phalange avait été harcelée par les javelots et les flèches des légions[21] ; les longues piques des phalangites, excellentes pour un choc, où ils opéraient en masse, leur devenaient funestes, dès que les rangs s’ouvraient et que l’on s’abordait corps à corps ; ils se trouvaient donc forcés de rester serrés les uns contre les autres, sous une nuée de traits dont aucun ne s’égarait en frappant une masse compacte ; les soldats romains s’étaient, d’ailleurs, accoutumés en Afrique à combattre les éléphants. Il fallut faire retraite et regagner pas à pas le camp, qui résista quelque temps encore[22]. La fuite des Asiatiques avait été fort sanglante : éléphants, chars et soldats renversaient, écrasaient les fuyards ; la prise du camp fut encore suivie d’un affreux carnage. Le nombre total des morts fut, dit-on, de plus de 50.000, et il n’y eut pas 2.000 prisonniers. L’armée victorieuse n’avait pas perdu 400 hommes[23].

La paix fut bientôt conclue : après un pareil événement, il n’y avait plus de discussion possible sur les articles, du moins pour un roi d’Asie. Antiochus évacua toutes ses provinces au nord du Taurus, accorda une contribution de guerre de 15.000 talents euboïques, promit de livrer Annibal et quatre Grecs européens nominativement désignés ; enfin il dut solder une dette à Eumène et remettre des otages[24]. Les provinces abandonnées par lui furent, comme on sait, partagées par le sénat entre Pergame et les Rhodiens, sauf un certain nombre de cités qui furent déclarées libres[25].

II. Marche de Manlius vers la Galatie. — Le successeur de L. Scipion, Manlius Vulso, voulut aussi avoir sa campagne et sa conquête ; il en trouva l’occasion ou le prétexte dans la présence des Gallo-Grecs parmi les troupes d’Antiochus à Magnésie. Je ne dirai pas, comme Florus (II, II) : fuerint inter auxilia regis Antiochi, an fuisse cupidum triumphi Manlium ac eos visos simulaverit dubium est ; les récits détaillés, précis, concordants, de Tite-Live et d’Appien sur la bataille de Magnésie, ne peuvent laisser de doute sérieux sur la participation des mercenaires gaulois à cette guerre ; mais, il faut l’avouer, amollis ou non par le climat de l’Asie, ils n’avaient pas très vivement disputé la victoire, et Manlius ignorait bien profondément leurs habitudes, s’il voyait dans cette campagne la preuve d’une alliance spéciale avec Antiochus, en haine des Romains. Les Gallo-Grecs étaient alors ce que furent les Suisses dans les armées des Valois et des Sforce ; disons mieux, ce qu’étaient souvent, depuis un siècle et demi, les Grecs d’Europe eux-mêmes. Cependant Manlius leur déclara la guerre et se mit en marche pour les aller chercher dans leur pays.

Cette marche fut peu directe ; Manlius rançonna en passant bien des cités ou des provinces, avant d’arriver au Sangarius. Son itinéraire, d’Éphèse aux frontières des Galates, ne rentrait pas très expressément peut-être dans la question proposée par l’Académie. Néanmoins il s’y rattache, et les variations considérables que subirent plus tard les limites de la Galatie m’invitaient d’ailleurs à l’étude topographique des lieux qu’elles atteignirent. Les explications données par Hamilton sur la marche de l’armée romaine ne m’ont pas complètement satisfait ; le tracé même de Kiepert, sur sa carte de Phrygie, m’a paru incorrect. M. Lebas, dans la dernière feuille publiée de son Asie-Mineure, s’est borné à reproduire le récit de Tite-Live, sans discussion géographique, et M. Contzen (Die Wanderungen der Kelten) n’a pas raconté cette marche à travers les pays du sud-ouest. Qu’il me soit donc permis de m’y arrêter.

Manlius partit d’Ephèse, où L. Scipion lui avait remis son armée, dans l’été de 189, et il fut rejoint à Magnésie du Méandre par Attale, avec quinze cents soldats du royaume de Pergame. Le Méandre, non guéable en cet endroit, fut passé sur des bateaux, et l’armée romaine arriva à Hiéra-Comé[26]. Elle n’était là encore qu’à un jour de marche tout au plus du lieu du passage, puisque l’historien ajoute : hinc alteris castris ad Harpasum flumen ventum est. Ici des députés d’Alabanda vinrent demander au général de faire rentrer sous le pouvoir de cette ville un bourg révolté, et Athénée, frère d’Attale, rejoignit l’armée avec treize cents hommes[27].

Comme l’indique la carte de Hamilton, et comme Ptolémée le fait entendre[28], en plaçant cette ville à la même longitude que Tralles et à quarante-cinq minutes plus au sud, Alabanda est sur le Cheena-chai. On a même reconnu ses ruines près du village d’Arab-Hissar ; mais cette position, que M. Tchihatcheff a constatée dans sa lettre à M. Mohl, montre qu’ici Ptolémée s’est notablement trompé pour ses latitudes relatives, car ce point est un peu éloigné d’Aïdin-Ghieuzel-Hissar, et celle-ci est l’ancienn Tralles, comme le dit Hamilton, comme le montre Ptolémée lui-même[29], qui a exactement déterminé sa positior par rapport à la ville importante de Sardes.

L’Arpasa-Su, près duquel est la petite ville d’Arepas (ou Harpassus[30]), doit être l’Arpasus de Tite-Live. Il paraît un peu singulier que les députés d’Alabanda eussent laissé passer Manlius assez près de leur ville pour courir ensuite après lui jusque-là. Mais les cartes de Kiepert sont d’accord avec celle de Hamilton pour la place et l’identification de l’Arpasus ; et il n’y a rien d’incroyable à ce que les députés aient manqué le passage du consul et aient fait quelques lieues pour l’atteindre.

Ces deux marches de Manlius représentent ensemble environ cinquante milles anglais, ce qui n’est pas exorbitant pour une armée romaine, non encore chargée de butin et dans un pays d’accès facile, à ce qu’il semble. Le consul arrive ensuite à Antioche du Méandre, au confluent du Kara-Su ; ici encore, parfait accord entre Hamilton, qui a vu là quelques ruines, avec une acropole, un stade et un théâtre[31], et les cartes de Kiepert[32], sauf pour le cours supérieur de cette rivière, ce qui n’importe point à la question ; accord aussi avec le texte latin, les embouchures des deux affluents, l’Arpa-Su et le Kara-Su n’étant sépara s que par trois lieues environ, et l’armée ne pouvant, d’autre part, manquer de s’arrêter dans une ville assez importante, où Séleucus, fils du roi de Syrie, vint, conformément au traité, amener du blé aux Romains. L’ensemble du morceau[33] montre qu’ici toutes les étapes sont indiquées, et la marche de l’armée se reconnaît par la position de Tabæ. Kiepert[34] n’hésite point à la reconnaître dans la Davas moderne. Sur sa carte de 1840, il écrivait TABAI, Davas, dans la vallée du Doloman-Chai, dans Sangle du Boz-Dagh et du Kemer-Dagh, c’est-à-dire dans le versant de la Méditerranée, guidé sans doute par ces mots de Tite-Live, in finibus Pisidarum posita urbs est, in ea parte quæ vergit ad Pamphylium mare ; mais ce détail ne peut plus se maintenir aujourd’hui. Davas, que M. Tchihatcheff tient également pour Tabæ, et où il a trouvé des restes évidents d’une ville antique[35], est portée, et sur la carte de l’Empire ottoman par Andriveau-Goujon, et sur l’Atlas antiquus de Kiepert lui-même, dans le bassin du Méandre ; cette véritable Tabæ est bien à deux jours de marche d’Arpasa, ou, si l’on veut, d’Antioche. Ce serait d’ailleurs une chicane sans importance que s’appuyer, pour le nier, soit sur la différence des versants, soit sur les mots : in finibus Pisidarum. La ligne du partage des eaux est si contournée et si confuse danis ce pays, qu’on ne peut exiger de Tite-Live une connaissance exacte et précise de cette matière. Quant aux Pisidiens, ils se sont étendus hors de la Pisidie proprement dite, comme Tite-Live le laissera bientôt entendre lui-même, à propos de Sagalassus, et rien n’est moins fixe ou moins sûr, au témoignage de Strabon, que la limite de certaines contrées de l’Asie Mineure. Le territoire de Cibyra, qui paraît s’étendre entre la Pisidie et Tabæ, est traité séparément par cet écrivain, à la fin du XIIIe livre.

Jusqu’ici donc il n’y a pas de difficulté sérieuse : il est bon de le constater, pour assurer le point de départ de la question que nous allons bientôt aborder. En trois marches, dit Tite-Live (XXXVIII, XIV), Manlius arriva de Tabæ au fleuve Casus ; puis il s’empara de la ville d’Eriza, dès la première attaque ; de là il arriva à Thabusion, bourg sur le bord du fleuve Indus... Les Romains étaient là dans le voisinage de Cibyra. Ici Manlius est arrivé en pays ennemi ; il a livré un assaut et franchi des montagnes : ses marches doivent être courtes. Kiepert[36] pense reconnaître le Casus dans le fleuve Άζάνης, que nomme, dit-il, une médaille de Themisonium ; Eriza est, dans Ptolémée[37], sur la frontière phrygienne de la Carie, et le fleuve Indus se retrouve dans Pline (V, XIX), qui le fait venir des sommets des Cibyrates. Et, quoiqu’il ne se prononce pas avec certitude sur l’emplacement de Cibyra, Kiepert a cru pouvoir l’inscrire, sur ses différentes cartes, presque à la latitude d’Halicarnasse.

On connaît maintenant, par les inscriptions[38], l’emplacement précis, non seulement de Cibyra, mais des trois autres villes de la tétrapole cibyritaine[39]. Il n’y a donc plus de discussion à établir à cet égard, et l’erreur qu’une inadvertance dans l’interprétation d’une phrase de Pline m’avait fait d’abord commettre[40] doit être abandonnée sans retour. Cibyra c’est Chorzum, près du Gerenis-tchaï, c’est-à-dire près du cours supérieur du Doloman-tchaï, qui, sous le nom de Pirnas’sou, sort du Pernaz-Dagh, en coulant du sud au nord et rebrousse, vers 37° 36’, pour se jeter dans la Méditerranée. Partant de ce point de repère, et voyant que le Pirnas’sou vient des montagnes, près de Bubon et de Balbura, villes qui dépendaient alors du territoire cibyratique, nous n’aurons pas de peine à reconnaître l’Indus dans le Doloman-tchaï, en comprenant sous cette dénomination le cours entier du fleuve. Le Casus ou Chaos des manuscrits a été reconnu par M. Waddington pour le Καζάνης de la médaille, qui porte au droit Λυκ. σώζων, avec une tête radiée d’Apollon, et, au revers, Θεμσωνέων Καζάνης, avec un fleuve couché, tenant roseau et appuyé sur une urne : en géographie moderne, il l’identifie avec le Karadjouk-Tchaï, affluent du Gerenis-Tchaï, qu’il rejoint précisément au point d’inflexion vers le sud. Puis donc que Themisonium était sur le Kazanès et non sur l’Indus, comme le montre la médaille citée, il ne faut pas confondre cette ville avec le Thabusion de Tite-Live. Déterminer la situation de la première ne peut donc ici nous servir qu’à nous assurer si M. Waddington a eu raison dans l’identification qu’il a faite du Kazanès lui-même, mais ce point n’est pas sans valeur pour l’itinéraire de Manlius.

Il faut d’abord écarter, dans la détermination de Themisonium, le Tefennu de Kiepert, que, dans sa carte de l’Asie Mineure en six feuilles (1844), il place à la source du Gebren-Tchaï, tributaire du lac Buldur, et même le Tefenu d’Andriveau-Goujon, qui appartient au versant d la Méditerranée, mais se trouve beaucoup trop à l’est. Il faut même, ici, corriger les chiffres de Ptolémée, qui place Gibyra à 15’ au nord de Themisonium et un peu au sud de Hierapolis[41], tandis que Themisonium est entre Hierapolis au nord, et Cibyra au sud[42]. Strabon dit expressément que Themisonium et Colosses sont dans le voisinage d’Apamée-Kibotos et de Laodicée[43]. Laodicée est, suivant Pline, sur le Lycus, que Kiepert a reconnu avec Hamilton, sur sa carte de 1840, comme sur celles de 1861, pour le Tchuruk-sou, affluent du Méandre, et qui vient de Colosses, dans la direction où se trouve Apamée. La Table de Peutinger place d’ailleurs Themisonium entre Laodicée et Pergé ; la distance à Laodicée n’est pas notée dans l’exemplaire connu, mais il donne 34 milles de Themisonium à Cormasa, et 12 milles de Cormasa à Pergé : c’est donc avec raison que la carte de Kiepert le place à peu de distance au sud-est de Laodicée, à l’entrée de la plaine d’Eriza, au lieu nommé présentement Kisil-Hissar et signalé par des ruines ; l’Atlas de 1861 le maintient au même lieu, sur une des branches du Chaus. De plus, comme le fait observer M. Waddington, Pausanias (X, XXXII) dit que cette ville est au-dessus de Laodicée, et Hiéroclès, dans sa Notice ecclésiastique, la met dans la Phrygie Pacatiane, non loin de Colosses. Toutes ces indications, sans être parfaitement précises, sont concordantes, et exigent une rectification dans le texte de Ptolémée, le plus facile à altérer, puisqu’il ne contient guère que des noms et des chiffres. Enfin, connue le confluent du Gerenis-Tchaï et du Karadjouk-Tchaï n’est pas à plus de douze lieues de Tabas, en traversant le Boz-Dagh, on voit que les étapes marquées dans Tite-Live confirment encore l’identification proposée par M. Waddington. Quant à Eriza, en 1844 comme en 1861, Kiepert l’a placée dans l’angle oriental du Karavouk-Tchaï et du Gerenis-Tchaï, à deux lieues au sud-est de son Karajuk-Bazar, qui est sur le Kazanès. Eriza est, selon M. Waddington, une localité nommée aujourd’hui Derekoï, où l’on trouve encore des ruines ; Ritter la signale également, et donne comme probable la même identification[44]. Quant au Chaus, il n’a pas un doute[45].

Cibyra était alors au pouvoir d’un petit prince nommé Moagète ; des médailles, que la Doctriun nummorum veterum d’Eckhel place parmi celles de Cibyra, doivent être de sa     troisième et de sa huitième année (si elles ne sont de quelque homonyme). Il dominait encore sur deux autres villes, Sylée et Alymne, ou, comme l’écrit Polybe : Συλλίου καί τής έν Τεμένει ώολέως, qui pourrait être Hierapolis. Manlius lui fit peur et le contraignit à financer largement[46].

En partant de Cibyra, ou plutôt de son territoire, l’armée romaine traversa celui de Sinda et vint camper au-delà du fleuve Caularis ; le lendemain elle côtoya le lac Caralitis, pour aller s’arrêter à Mandampré ou Mandropolis[47]. Malgré l’analogie des noms, il est impossible de voir le lac Caralitis dans le lac Kereli ou Bey-Sheher, à la longitude de Pessinonte, que Hamilton pense tHre le Ga-rilitisou Caralis de Strabon, mais non celui de Tite-Live[48]. Comme les Romains vont tout à l’heure se rapprocher de la Pamphylie, nous devons chercher leur route dans la direction de l’est, et nous trouvons là, sur la carte d’Andriveau-Goujon, un lac nommé Kestel. Avec le changement de l’R en S, qui n’a certes rien d’inouï, on n’a qu’à transposer les deux dernières consonnes pour retrouver, dans le nom moderne, le nom ancien du lac. La distance non plus n’est pas excessive. Les Romains étaient restés plusieurs jours sur le territoire de Cibyra[49] ; or rien ne nous oblige à croire qu’ils y soient demeurés immobiles et ne se soient pas rapprochés de la frontière pour subsister plus aisément avant de se remettre définitivement en marche. On reconnaîtra, si l’on veut, le Caularis et le Lysis dans deux rivières qu’Andriveau-Goujon fait couler dans ce lac. Cependant M. Texier[50] pense que le Caularis est un affluent du Doloman-Tchaï, et le Lysis, un affluent du Douden. Avant de suivre la marche du consul vers d’autres contrées, il est à propos d’examiner une opinion de Ritter[51], qui voit dans le Caralitis de Tite-Live le Surt-Ghieul, lac placé par Kiepert à l’ouest-nord-ouest d’Istenaz, mais qui est plutôt au sud-ouest, d’après l’Itinéraire de Spratt et Forbes, décrit par Ritter lui-même (p. 789). Cette identification me paraît une erreur, provenant de ce qu’il a pris à la lettre les mots, a Cibyra... exercitus deductus, qui s’appliquent au territoire et non à la ville, comme on le voit par le récit des négociations avec Moagète, au chapitre précédent. Il en est résulté qu’il a placé un peu trop au sud cette partie de l’itinéraire de Manlius ; du reste, les chemins sont partout faciles de ce canton à la vallée du Kestrius[52]. Ajoutons que si le consul eût suivi les bords du Surt-Ghieul, il se fût dès lors et par le fait même dirigé vers la Pamphylie, il eût pris, en partant de la Cibyratique, le chemin d’Isionda et de Termesse, au lieu que, selon Tite-Live, il se détourna de sa route sur l’appel des citoyens d’Isionda. La position de Termesse est, d’ailleurs, bien reconnue entre Istenaz et Sattalie[53].

Laco, abandonnée par ses habitants, fut pillée ; on atteignit ensuite les sources du Lysis, et, le lendemain, celles du fleuve Cobulat ou Colobat[54], comme l’appelle Polybe[55] c’est apparemment quelqu’un des cours d’eau qui forment l’Ak-Su (Kestrius), la principale des rivières que trouve au delà et dans le voisinage du lac Kestel. Le consul s’arrête alors pour aller en Pamphylie obliger les habitants de Termesse à lever le siège de l’acropole d’Isionda, dont ils avaient déjà occupé la ville. Termesse paye une indemnité aux Romains, qui, par la même occasion, rançonnent Aspende et autres villes de Pamphylie ; puis, retournant au nord, l’armée arrive, le premier jour au fleuve Taurus, et le second au bourg de Xilène ; profectus inde continentibus itineribus ad Cormasa urbem pervenit[56].

Si Manlius est allé, je ne dis pas jusqu’au bout de la Pamphylie, mais seulement jusqu’à Aspende, il lui fallut, en effet, plusieurs jours pour revenir, avec son armée, dans la Phrygie pisidique. Ptolémée[57] place le lieu dont il est question à trente-cinq minutes au sud et à plus d’un degré à l’ouest d’Antioche de Pisidie[58]. Comme, d’ailleurs, après avoir pillé une ville voisine (Darsa), abandonnée par ses habitants, et reçu près d’un lac (celui d’Égerdir sans doute) une députation des habitants de Lysinoé[59], les Romains entrèrent sur le territoire de Sagalassus, la position de Cormasa[60] se trouve suffisamment indiquée. Quant à l’Égerdir, on ne peut arguer contre cette identification du mot paludes, qui se trouve dans Tite-Live. Outre que Polybe dit, en rapportant le même fait, ώροαγόντων δέ αύτών ώαρά τήν λίμνην, l’expression de Tite-Live pourrait même se justifier par la position respective des lacs Égerdir et Hoïran, qui communiquent entre eux par une large ouverture. Selon Hamilton (I, 478), Lysinoé pourrait être Anschar, où il a vu des ruines cyclopéennes. Anschar se trouve un peu à l’est du lac, à cinq heures en deçà de Yalobatch et à quinze heures d’Isbarta, en passant par Égerdir[61]. M. Waddington croit, au contraire, et M. Texier de même[62], que le lac anonyme de Tite-Live et de Polybe est le Kestel, c’est-à-dire qu’il ramène le consul beaucoup plus à l’ouest, ce qui n’était pas la route de Galatie ; la position de Cormasa, sur la carte de Kiepert, rentre dans le même système. Je viens de dire ce que je pense de l’identification du Kestel ; quant à Cormasa, il me semble que l’illustre géographe fait ici trop d’honneur aux longitudes de Ptolémée, qu’il ne faut jamais supposer exactes.

Sagalassus est parfaitement connu ; son emplacement se trouve un peu au sud d’Isbarta, au lieu nommé encore Aglasun, où Hamilton a découvert les mots : Ή Σαγαλασσέων ώόλις ώρλις ώρώτη τής Πισιδίας[63], qui dispensent de toute discussion, l’importance des ruines attenantes ne permettant pas de supposer que cette inscription ait été apportée d’ailleurs. Mais notons-le bien : Tite-Live ne dit pas du tout que l’armée soit venue à Sagalassus même ; elle dut, puisqu’elle passa le long du lac (prœter paludes), laisser cette ville sur la gauche, comme elle y laissera tout à l’heure Apamée ; le territoire de Sagalassus pouvait fort bien s’étendre au nord-est de la ville, ce qu’il est utile de considérer pour bien s’expliquer la marche de Manlius, en tenant compte de la position de Cormasa.

Après avoir rançonné ce territoire, l’armée vint camper ad Rhotrinos fontes, ad vicum quem Acaridos Comen vocant[64], où, le lendemain, elle vit arriver d’Apamée le jeune Séleucus, et où elle se débarrassa de ses malades et de ses bagages inutiles, en les évacuant sur cette ville. Apamée-Kibotos, c’est Dinneir : nulle difficulté là-dessus. Les ruines et les sources du Méandre[65] suffiraient pour la reconnaître, quand une inscription latine, trouvée au milieu des inscriptions grecques, ne la désignerait pas par son nom[66]. Mais Apamée ne se trouve pas elle-même sur itinéraire de Manlius ; qu’est-ce que l’Acaridos-Gomé ? Qu’est-ce que les sources de la Rhotrine ?

Hamilton se pose cette question ; mais, après avoir dit, n parlant du Sandukli- Chai, affluent de droite du Méandre, qu’il incline à le considérer comme l’Obrimas des anciens, parce que sa source devait être sur la route du consul Manlius, il ajoute que, si cette identité est réelle, Saoran doit être considérée comme remplaçant Acaridos-Comé[67]. Il a donc lu, dans le texte Obrimœ fontes ; l’édition de Weissenborn, que j’ai sous les yeux, ne mentionne cependant aucune variante à la leçon adoptée. Kiepert lit aussi Obrimœ[68] ; mais il croit le reconnaître dans le Kodsha-Tchai. La grande difficulté, tranchons le mot, l’impossibilité presque absolue qui se trouve, selon moi, à adopter ici l’opinion de M. Hamilton, c’est d’abord que Saoran se trouve à 70 milles anglais au nord des ruines de Sagalassus, et que l’Acaridos-Gomé est le premier campement indiqué par Tite-Live après le territoire de cette ville ; 70 milles en un jour, ou même 35, si l’on en suppose autant pour les limites du territoire, c’est beaucoup pour une armée qui ne s’est pas encore débarrassée de son excès de bagages, et qui, allégée de ce poids importun, retardée par son butin seul, va tout à l’heure faire des marches de deux lieues par jour. Les sources de la Rhotrine doivent être celles de ce gros ruisseau qui paraît sortir de terre, précisément à la hauteur de Dinneir, à 4 lieues à l’est de cette ville, et va se jeter dans le lac Hoïran[69]. Cette position correspond parfaitement au détail donné par l’historien. D’Apamée à ce point, la route est occupée aux trois quarts par une plaine appelée Dombaï-Ova, et le reste est un plateau de collines calcaires, courant du nord au sud depuis Saoran jusqu’au lac Buldur, mais couvert de pâturages, peu difficile à gravir pour les bagages de Manlius, et qui paraît avoir servi à asseoir une voie romaine. C’est en la traversant que Hamilton est arrivé pour la seconde fois à Dinneir ; la partie la plus difficile de sa route fut de remonter le lit du torrent que je tiens pour la Rhotrine de Tite-Live, et dont les Romains ne virent probablement que la source[70]. L’objection de Hamilton, qui nie l’existence de tout cours d’eau important se déchargeant dans ce lac, ne doit pas nous arrêter : les mots Rhotrinos fontes ne supposent pas un grand fleuve, et c’est au mois d’août que le voyageur anglais a fait ce trajet[71].

On ne pouvait trouver une meilleure occasion pour évacuer les malades de l’armée. Apamée, en effet, devait leur offrir des ressources abondantes, puisque Strabon dit qu’elle était, après Éphèse, la première place de commerce de l’Asie propre[72]. Manlius n’avait pas pu la dépasser de douze lieues pour y renvoyer ensuite ce qu’il devait y laisser, pas plus qu’il n’en fût passé si près sans y aller lui-même, s’il se fût engagé, comme l’a cru Hamilton[73], dans la plaine de Dombaï. Remarquons ici que, si Kiepert, en traçant l’itinéraire de Manlius sur sa carte de Phrygie, le conduit beaucoup plus à gauche, puisqu’il lui fait tourner Sagalassus, il n’hésite pas, du moins, à placer Acaridos-Comé à la hauteur d’Apamée. Nous voyons, par l’omission du nom d’Apollonie[74], que Manlius laissa celle-ci sur sa droite, en passant entre Apamée et le lac.

Nous avons maintenant à retrouver le Metropolitanus campus, où le consul, pourvu de guides par Séleucus, arriva le jour même où il avait quitté le bourg d’Acaride, et Dinias de Phrygie, où il arriva le lendemain ; or Tite-Live nous dit, deux lignes plus bas : prædæ jam grave agmen trahens vix quinque millium die toto itinere perfecto, ad Beudos quod Vetus appellant pervenit[75]. Trouver la plaine de Metropolis dans celle de Sistanli, à l’ouest d’Afiom-Kara-Hissar, c’est très bien, quand on a identifié la station précédente avec les sources du Sandukli-Chaï ; mais, en revenant aux faits tels qu’ils se sont passés, c’est bien difficile, pour ne rien dire de plus. Le tracé de Kiepert est d’ailleurs tout à fait différent de celui-là. Metropolis de Phrygie (nom évidemment emprunté à celui la mère des dieux) est placée, par Ptolémée[76] très peu l’est d’Eumenia et d’Apamée, et à dix minutes seulement au nord de cette dernière, ce qui correspond assez bien aux données de Tite-Live, l’armée ayant passé entre Apamée et Apollonie. La plaine en question doit être sur un plateau au nord-ouest du lac Hoïran ; mais Hamilton, ayant suivi la route du lac, au sud des collines qui l’enveloppent de ce côté, ne peut nous renseigner là-dessus. Quant à Dinias, Kiepert[77] suppose que ce pourrait être le Tymandos de Hiéroclès, dont la situation est, dit-il, approximativement indiquée par les récits des croisés. Mais on pourra, dans tous les cas, en reconnaître à peu près la place en traçant la route d’Apamée à Synnada, première station que Tite-Live nomme après Dinias.

Synnada, dit Strabon[78], n’est pas une grande ville, mais elle a près d’elle une plaine de 60 stades, plantée d’oliviers, et au delà (έπέκεινα) est le bourg de Docimia, d’où se tire la pierre appelée synnadique par les Romains et docimite par les gens du pays... On en tire maintenant, pour les Romains, beaucoup de grandes colonnes monolithes, se rapprochant de l’albâtre par leurs veines (κατά τήν ώοικιλίαν). La docimite est mentionnée sous ce nom dans les inscriptions de l’Asie Mineure.

L’idée la plus naturelle, après qu’on a lu ce passage, est que Synnada n’est qu’à 60 stades environ des carrières ; il faut, avant tout, déterminer l’emplacement de celles-ci. Or M. Hamilton a vu à Eski-Kara-Hissar[79] les traces manifestes de leur exploitation. La ville contient, dit-il, de nombreux blocs de marbre et des colonnes, quelques-unes non polies, d’autres magnifiquement travaillées. Dans un espace ouvert, près de la mosquée, était un bain d’un travail exquis et achevé, destiné peut-être à orner une villa romaine ; dans le mur de la mosquée et dans le cimetière étaient des frises richement fouillées (carved), avec des corniches ioniques et corinthiennes du style le mieux soigné que j’aie vu jamais. Elles ne peuvent avoir été destinées à être employées sur place, mais furent probablement taillées près des carrières pour la plus grande facilité du transport, comme on le fait encore à Carrare. Plusieurs blocs bruts étaient encore là, avec des marques et des caractères grossièrement tracés, ou avec des noms d’empereurs et de consuls, et quelquefois avec des chiffres[80]. Suit une description détaillée des carrières elles-mêmes, que le savant voyageur a visitées à 2 milles et demi au sud-est de la ville, du côté oriental d’une plaine qui s’étend vers le sud. Ce marbre, dit-il[81], est fort cristallin, et présente les variétés de couleur suivantes : blanc bleuâtre avec des veines jaunes, blanc avec des veines bleues, et blanc avec des taches bleues... En explorant les collines, je trouvai d’autres carrières plus à l’est et au sud-est.

Ce sont bien là les carrières de Strabon. Mais le peu de largeur de la plaine qui les sépare d’Eski-Kara-Hissar ne permet guère de voir Synnada même dans cette ville : 2 milles anglais et demi ne font pas 60 stades ni même 30. D’autre part, dans Ptolémée, Synnada est à près d’un demi degré au sud et un peu à l’est de Docimia[82], et, ce qui est plus grave peut-être, la Table de Peutinger indique deux stations différentes pour ces deux localités. Hamilton émet l’idée[83] que l’έπέκεινα de Strabon peut grammaticalement se rapporter soit à Synnada, soit à la plaine. Si l’on adopte cette liberté d’interprétation, Strabon ne donnera pas la distance de cette ville aux carrières, mais bien la direction de celles-ci par rapport à Synnada, c’est-à-dire la direction opposée à celle d’Antioche de Pisidie dont vient de parler l’auteur. Antioche étant près de Yalobatch, Docimia et ses carrières devront, en ce cas, être au nord de Synnada, comme le disait Ptolémée, et, les carrières étant retrouvées, c’est plus au sud qu’il faut chercher Synnada.

Dans une autre partie de son voyage[84], M. Hamilton a de nouveau traversé le même pays, mais, cette fois, il suivi sa route de l’ouest à l’est, au midi des carrières, en allant d’Afiom-Kara-Hissar à Ak-Sheher (Philomelium). Or, à quelque distance de la première de ces villes, il reconnut de grands sarcophages et, bientôt après, des traces de fondations, formant le tracé de rues et de murailles. Il ne douta point qu’il ne fût sur l’emplacement d’un grande ville, et n’oublions pas que si, au temps de Strabon, Synnada ne l’était pas encore, un demi-siècle plus tard elle était désignée par Pline comme le lieu d’un conventus juridicus, d’où ressortissaient toute la Lycaonie, Dorylée, Juliopolis, etc.[85] Les ruines vues par Hamilton tiennent une agora, des colonnes de marbre synnadique et des inscriptions, dont l’une[86] présente le nom des Docimiens : il n’hésite pas à dire qu’il y reconnaît la ville Synnada (p. 177).

Mais ce n’est pas tout. Il est d’autant plus autorisé à croire que cette ville se trouvait vers Afiom-Kara-Hissar, près du village de Surmeneh (p. 179, in fine), qu’il retrouve là (p. 180) l’έλαιόφυτον ώέδιον, όσον έξήκοντα σίαδίων de Strabon, dans une plaine étendue, richement cultivée en divers lieux et variant en largeur entre 5 et 6 milles. D’après la Table de Peutinger, dit-il encore (II, 178), Svnnada est à 64 milles romains de Dorylée, à 73 d’Apamée, et à 67 de Philomelium (par étapes militaires) ; le compas et la carte nous donne environ 55 milles anglais à vol d’oiseau du village de Surmeneh à Dinneir ; 46 par Ak-Sheher, ce qui conserve assez bien les proportions et même les nombres, le mille romain étant un peu plus petit que le mille anglais. Eski-Seher (Dorylée) n’est pas sur la Carte de Hamilton, qui n’avait pas parcouru ce pays, mais, sur la Carte de Phrygie, par Kiepert, la distance entre Dorylée et le lieu correspondant au Surmeneh de Hamilton ne dépasse pas de beaucoup le nombre de milles romains indiqué : on peut d’ailleurs bien facilement admettre l’omission d’un X sur la Table de Peutinger. Et, lorsque Kiepert, en 1840, plaçait Synnada à Eski-Kara-Hissar, il s’en rapportait, d’une part, aux mesures itinéraires, dont lui-même disait n’être pas pleinement satisfait, et de l’autre à la description de M. Texier. Il n’avait pas encore sous les yeux le travail complet de M. Hamilton, mais son coup d’œil de géographe lui faisait regretter de ne pas s’en tenir au Surmina de Kinneir, situé entre Bulwadun et Afiom-Kara-Hissar[87] ; or évidemment, Surmina c’est Surmeneh, et Bulwadun c’est Bolawadun. Quand il mettait Docimeum au nord de Synnada, conformément au texte de Ptolémée, mais beaucoup plus loin que Synnada du lieu où sont les carrières, Kiepert se réfutait lui-même ; aussi son atlas de 1861 a-t-il remis Docimeum à sa place et rejeté Synnada près de la rivière qui se rend dans l’Iber-Ghieul[88].

Dans une journée de 5 milles, les Romains atteignirent Beudos-Vetus[89], que Ptolémée met à dix minutes nord de Synnada[90], mais à un degré plus à l’est. Ritter envie de le retrouver dans Eski-Kara-Hissar (le vieux château noir[91]), et Hamilton pensait de même[92] : il y a environ 10 milles de là aux ruines de Synnada. Puis Manlius atteint Anabura, et le lendemain il est aux sources de l’Alander : Hamilton et Ritter y voient la rivière de Bejad[93]. Cependant, comme elle coule du sud au nord, on n’aperçoit pas bien comment les sources de l’Alander pourraient, en ce cas, être la dernière station des Romains avant d’arriver à Abbassium, sur la frontière des Tolistoboyes, surtout si cette dernière ville correspond, comme Hamilton le pense[94], aux ruines qu’il signale à 6 milles au-dessous de Bejad. Néanmoins on pourrait admettre que les Alandri fontes sont les sources d’un petit affluent signalé sur la carte de Hamilton, entre Seideler et Bejad. Il résulte de cet ensemble qu’Orkistos (Alekian) devait être dès lors compris dans les limites de la Galatie.

Après avoir séjourné un peu sur ce point et entamé une négociation avec Éposognat, prince tectosage, ami d’Eumène, et qui avait refusé des secours à Antiochus[95], Manlius se remit en marche. Le premier jour, il rejoignit Alander, et, le second jour, il arriva au bourg de Tyscos, où il accorda la paix, au prix de 200 talents, à la cité d’Oroande et continua sa route vers Plitandæ, puis vers Allyattes ; enfin il atteignit Cuballum, en traversant l’Axylon, contrée où le bois et même les broussailles manquaient absolument[96]. Cuballum est la première localité que Tite-Live cite comme appartenant à la Galatie, et qui, d’après la Table de Peutinger, corrigée par Tite-Live lui-même, devrait être placée entre Amorium (Heijar Kaleh) et Iconium (Konyeh). Or, puisque le consul avait déjà presque atteint la frontière phrygienne à Abbassium, il faut qu’il l’ait longée pendant trois ou quatre jours, sans doute pour donner à Eposognat, dont il eut encore des nouvelles à Alyattes, le temps d’agir sur ses compatriotes, les Tectosages.

Est-il possible de déterminer sur la carte la marche du général romain pendant les jours qui précèdent son entrée en Galatie ? M. Mordtmann[97], tout en reconnaissant l’extrême difficulté d’une détermination précise, a cru pouvoir en donner une idée générale ; mais je dois avouer qu’il ne me paraît pas y avoir réussi. Je ne puis accepte même son point de départ, puisqu’il identifie Synnada avec Eski-Kara-Hissar, et Beudos Vetus avec Bejad, tandis qu’il reconnaît l’Alander dans la rivière qui passe près de cette ville. Il a probablement raison sur ce dernier point : l’Alander ne peut être la rivière qui prend sa source près de Bejad et coule à l’est, puis au nord-est comme je l’avais pensé d’abord, puisque Manlius, en prenant cette direction, eût trouvé le canton sans arbres ni broussailles (Axylon, plaine de Haimaneh), beaucoup plutôt qu’il ne le trouva en effet. Il lui eût fallu pour celà quelques heures et non plusieurs marches ; car Hamilton, venant d’Ancyre à Eski-Kara-Hissar, ne se trouva hors la steppe qu’après avoir dépassé Geumek-Kieui[98]. Mais M. Mordtmann est entraîné dans une contradiction singulière par l’oubli momentané d’un passage de Hamilton[99], qui a suivi quelque temps le cours de la rivière de Bejad, et affirme qu’elle se dirige au nord-nord-est vers le Sangarius, tandis que, selon l’auteur allemand, les Romains, partant de Bejad et marchant au nord dans la direction de Seidi-Gazi, auraient trouvé, au bout de quelque temps, les sources de l’Alander. Du reste, il a raison d’ajouter que l’armée marchait vers le nord, et plutôt au nord qu’au nord-est ; car, dit-il, si elle eût pris la direction d’Orkistus (Alikian) elle eût trouvé l’Axylon beaucoup plus vite.

Mais que Manlius ait persisté à se rapprocher toujours du nord, c’est ce qui ne paraît point résulter du récit de Tite-Live ni de la comparaison des lieux. Manlius s’est engagé d’abord dans la partie occidentale de la vallée, mais, aussitôt après son séjour à Abbassium, il se rapproche de la rivière, la franchit et se trouve, comme l’a fait observer M. Mordtmann, entre deux cours d’eau (sans compter l’Alander) : celui qui vient des environs de Bejad et passe près du Hamza-Hadji, bras que le savant allemand tient pour le véritable Sangarius, et celui qui passe près d’Alikiam, bras que l’on appelle maintenant le Sarylar-Su. C’est, dit-il, le bras le plus méridional que Manlius a franchi après le combat de Cuballum dont il va être question tout à l’heure, attendu que, si c’était l’autre, Manlius eût passé de nouveau le Sangarius pour arriver à Ancyre, ce que l’historien ne dit pas. Nous verrons tout à l’heure si cet argument est bien décisif : il ne s’agit en ce moment que de la position de Cuballum, et là il est clair que M. Mordtmann a commis une erreur considérable. Il incline, en effet, à le reconnaître dans Orkistus, attendu qu’on ne trouve ce dernier nom qu’à l’époque impériale, ou, du moins, il voudrait le placer près de cette ville. Mais Tite-Live indique plusieurs jours de marche[100] entre ce point et celui où fut passé le Sangarius. Or Alikiam est à une lieue environ du Sarylar-Su, et à quatre ou cinq de son confluent avec la branche méridionale. Si, au contraire, on tient, comme je le disais au chapitre VIII, que Cuballum est aux environs d’Amorium, on se trouve à la fois en pleine Haimaneh, comme le veut Tite-Live, et à une certaine distance du Sangarius, que les Romains passent sur un pont, après la réunion des deux bras, à peu de distance de Pessinonte ; toutes circonstances qui s’accorder avec le texte. On conçoit d’ailleurs pourquoi Manlius a changé de direction en quittant Abbassium : c’est, je le répète, parce que des motifs non militaires, mais politiques, lui font différer son entrée en Galatie, sans néanmoins s’éloigner de la frontière. Il a prolongé sa marche en se dirigeant vers l’est-sud-est, des environs de Bejad dans l’Axylon, où les étapes ne sont ni nommées ni comptées par Tite-Live ; mais, dès qu’il est attaqué, son hésitation disparaît, il marche au nord, du côté de Pessinonte, et eût peut-être rançonné la ville sans la démarche que les prêtres firent auprès de lui.

III. Manlius en Galatie. Pacification de l’Asie. — A Cuballum donc, le camp romain fut insulté par des cavaliers galates, qui vinrent tuer des hommes aux avant-postes, mais furent repoussés avec perte, quand la cavalerie romaine sortit à son tour des retranchements[101]. L’armée continua sa route en bon ordre, et quelques marches la conduisirent au Sangarius, où il fallut jeter un pont, parce qu’il n’était pas guéable[102]. Après le passage, comme les troupes marchaient sur la rive du fleuve, les Galles de Cybèle, venant de Pessinonte, se présentèrent à elles avec leurs insignes, leur prédisant, au nom de la déesse, la victoire et la domination ; Manlius passa la nuit sur ce point[103]. Le lendemain on arriva à Gordium. Or, comme l’armée marchait lentement, à cause du butin dont elle était embarrassée, comme les prêtres, qui venaient faire un accueil amical aux Romains, avaient dû venir à eux par la voie la plus courte, dès qu’ils les surent près de leur ville, et que l’armée était alors sur la rive gauche du fleuve, il est croire que la rencontre eut lieu vers l’extrémité de la vallée que Hamilton a descendue, lorsqu’il s’éloignait de Bala-Hissar pour suivre la trace des monuments antiques répandus dans les environs (I, 440). Ainsi donc, en descendant fleuve une dizaine de milles encore, on ne sera pas loin de l’ancienne Gordium. Kiepert, qui, en 1840, l’avait placée près du confluent des deux Sangarius (d’Angora et Pessinonte), l’a, en 1861, reportée sur cette dernière branche, à peu près à mi-chemin de Pessinonte au confluent, c’est-à-dire non loin du point où le raisonnement me conduisait tout à l’heure. Ajoutons que, Gordium étant situé sur le Sangarius, l’armée dut le repasser sur un pont existant déjà, ce qui explique pourquoi Tite-Live ne signale qu’un seul passage du fleuve par Manlius.

L’armée séjourna à Gordium, abandonné par ses habitants, mais rempli de richesses, car cette ville, sans être fort étendue, était l’entrepôt d’un commerce considérable entre les côtes des trois mers. Comme l’a d’ailleurs remarqué M. Amédée Thierry, la célébrité du temple de Pessinonte avait, en attirant l’affluence des voyageurs, donné beaucoup d’importance commerciale à ce pays. Mais la conduite des Galles en cette occasion montre qu’ils ne se recrutaient pas encore parmi les Galates, et que ceux-ci étaient considérés par eux comme des maîtres étrangers, dont la chute eût flatté leur ressentiment ou leurs intérêts. La crainte seule expliquerait imparfaitement leur démarche : ils devaient savoir que les Romains vénéraient leur déesse ; il n’y avait pas si longtemps qu’Attale avait obtenu pour Rome l’idole de Pessinonte. C’est aux rois de Pergame, ennemis des Gaulois et alliés des Romains, que l’on attribue la construction du temple de la déesse phrygienne, dont on admire aujourd’hui les restes.

Manlius reçut à Gordium de belliqueuses nouvelles touchant l’attitude des Gaulois. Éposognat lui fit savoir qu’il n’avait rien pu obtenir d’équitable des autres princes, que de toutes parts on évacuait les bourgs et les campagnes, et qu’hommes, femmes et enfants, avec tout ce qu’ils pouvaient emporter ou conduire, se rendaient sur le mont Olympe où l’on comptait se défendre[104]. On apprit ensuite, par des députés d’Oroanda, que, tandis que les Tolistoboyes se portaient sur l’Olympe, les Tectosages occupaient le mont Magaba, et que les Trocmes avaient résolu de confier à ceux-ci leurs familles, pour aller se joindre aux Tolistoboyes : les rois de ces trois petits peuples étaient Ortiagon, Combolomar et Gaulot[105]. Polybe raconte (XXII, XXI) que le premier songeait à se faire reconnaître pour roi de toute la Gallo-Grèce et en préparait de longue main les voies par des actes de bienfaisance et de générosité, joignant d’ailleurs à un abord populaire et aux talents militaires le courage naturel à tous les Gaulois. Il est difficile d’affirmer aujourd’hui si Ortiagon avait conçu une pareille pensée ; mais un pouvoir commun, reconnu témérairement ou viagèrement à un chef sur toute la confédération, en considération de ses qualités personnelles ou d’un danger public, n’aurait pas été un fait unique dans histoire de la race gauloise[106].

Les chefs galates avaient résolu de se retrancher dans les montagnes, où ils se croyaient inattaquables ou du moins invincibles[107]. Ils se portèrent au mont Olympe, qui, selon Hamilton (I, 431-432) et Ritter (p. 522) est Assarli-Kaiya, colline située, nous l’avons vu, entre le Sangarius de Pessinonte et celui d’Angora ; du moins n’en doit-elle pas être bien éloignée. Manlius et Attale s’étant approchés pour examiner les lieux, furent vivement repoussés avec leur escorte par un nombre supérieur de cavaliers gaulois ; mais, deux jours après, les Romains revinrent en force, et la position fut complètement reconnue. Le consul, avec une grande partie de ses troupes, se mit en marche dès le lendemain pour attaquer par le côté du midi, où l’accès du sommet était facile ; et choisissant, pour commander les autres corps, son frère Lucius et C. Helvius, il ordonna à l’un de gravir l’Olympe par le sud-est, en se rabattant sur le corps principal, si son mouvement se trouvait arrêté par un escarpement trop considérable, à l’autre de faire le tour de la montagne pour l’escalader par le nord-est ; la cavalerie fut laissée en bas avec les éléphants.

Ne redoutant d’attaque sérieuse que du côté du midi, les Galates avaient placé 4.000 hommes sur une hauteur qui dominait cette route, à un peu moins d’un mille de leur camp retranché. Des traits nombreux furent échangés entre cette troupe et l’avant-garde du consul, composée de vélites, d’archers et frondeurs crétois, de Tralliens et de Thraces ; mais les Gaulois, moins pourvus d’armes de jet, obligés d’y suppléer par des pierres, et fort peu experts à ce genre de combat, peu couverts d’ailleurs par leurs boucliers étroits, perdirent la tête et se jetèrent à terre ou se ruèrent sur les vélites, qui les taillèrent en pièces ; d’autres, à l’approche de la grosse infanterie, s’enfuirent vers le camp, que déjà les femmes et les enfants avaient rempli d’épouvante et de tumulte.

Encouragés par ce succès des vélites, et rejoints par les détachements de L. Manlius et de C. Helvius, qui, ramenés sur ce point par la difficulté de gravir les escarpements, leur servaient maintenant de réserve et d’arrière-garde, les soldats du consul s’avançaient vers les retranchements de l’ennemi. Les Galates, ayant voulu risquer un combat devant leurs murailles, y furent en un instant rejetés par la nuée de traits qui fondait sur leur masse compacte. Les Romains, voyant néanmoins les portes gardées par des détachements plus solides, firent pleuvoir leurs javelots ou leurs flèches par-dessus les murs ; les cris lamentables des femmes et des enfants leur apprirent bientôt que l’effet était produit, et la brusque attaque des antesignani rompit alors la garde des portes[108].

On n’attendit pas les légions dans l’intérieur du camp. Avant que les premiers soldats y eussent pénétré, la déroute était générale. Ils se précipitent en aveugles par les sentiers et hors des sentiers ; ni précipices ni rochers ne les arrêtent ; ils ne craignent rien que l’ennemi ; le plus grand nombre se tue en tombant d’une hauteur considérable. Le consul défend aux soldats de s’arrêter au pillage ; les Galates dispersés et fugitifs sont sabrés ou pris dans la plaine par la cavalerie. Le nombre des morts est fort incertain, mais Tite-Live assure qu’il n’y eut pas moins de 40.000 captifs de tout âge et de tout sexe[109]. Parmi eux se trouvait la femme d’Ortiagon, qui vengea sa pudeur outragée par la mort du centurion auteur de ce crime, au moment où il se préparait à recevoir la rançon de sa captive[110] ; la guerre des Tolistoboyes était finie.

En trois marches[111], le consul arriva jusqu’à Ancyre, la ville des Tectosages, dont les forces demeuraient intactes ; là il reçut de leurs députés des offres de soumission fort pressantes. L’entrevue fut arrêtée pour le lendemain, et le lieu fixé entre Ancyre et le camp des Gaulois ; mais, arrivé là, Manlius n’y trouva pas les brennins (reguli), qui firent excuser leur absence par un motif superstitieux et promirent d’envoyer quelques chefs, avec lesquels Attale, représentant le consul, posa en effet des préliminaires ; mais ils n’avaient pas de pouvoirs pour conclure. Le motif de ces délais était, selon Tite-Live, que les Tectosages voulaient envoyer au delà du fleuve Halys leurs femmes et leurs enfants et tendre un piège au consul[112]. Ils tentèrent effectivement de le surprendre avec leur cavalerie, lorsqu’il s’avança à cinq milles de son camp avec une escorte, pour l’entrevue définitive, et ils l’obligèrent, après quelque résistance, à une retraite précipitée, que Tite-Live ne craint pas d’appeler une déroute : heureusement pour lui, 600 hommes destinés à servir d’escorte aux fourrageurs coururent le dégager : ils furent bientôt rejoints par les fourrageurs eux-mêmes, qui arrivèrent à la débandade, mais trouvèrent l’ennemi déjà dispersé et en fuite[113].

Cependant le gros des Tectosages et des Trocmes n’avait pas été engagé ; le consul, après avoir étudié le terrain pendant deux jours, marcha contre eux. Leur infanterie se montait encore à 50.000 hommes ; 10.000 cavaliers, ayant mis pied à terre pour être utiles dans ce district montagneux, formaient leur aile droite, et 4.000 Cappadociens et Morzes, leur aile gauche. Mais, accablés de traits, comme les Galates du mont Olympe, et troublés par le souvenir de cette cruelle journée, ils n’osèrent ni attendre le choc des légionnaires ni se donner l’avantage d’une attaque impétueuse, à cause de leur manque d’armures, qui, les rangs une fois rompus, les eût exposés aux javelots plus encore que leur position en ligne serrée, où les couvraient tant bien que mal leurs petits boucliers. Le corps de bataille s’enfuit, quelques soldats dans le camp, le reste vers la campagne : les ailes, négligées d’abord par les assaillants, n’attendirent pas même, dirent les Romains, le jet des premiers traits. Les fugitifs passèrent l’Halys et demandèrent la paix[114].

L’effet de cette victoire fut grand en Asie Mineure. Jusque-là on avait eu peine à se rassurer contre le voisinage des Galates, et les villes d’Asie, en offrant au consul des couronnes d’or, le félicitaient moins de les avoir maintenues à l’abri de la domination d’Antiochus, que de les avoir délivrées de la crainte inspirée par ces barbares, peu soucieux du droit des gens[115] et toujours prêts à fondre comme l’ouragan sur une contrée quelconque[116]. Il est probable que, dans leur expérience de courtisans, Grecs et Phrygiens exagérèrent les choses et comptèrent les terreurs de leurs pères parmi les maux dont les avait délivrés l’invincible armée romaine ; néanmoins, au temps où écrivait Polybe, et surtout quand Manlius était sur les lieux, ni le consul ni l’historien ne peuvent avoir été trompés sur l’ensemble des faits. La dernière campagne des Gaulois contre Héraclée[117] paraît avoir été peu antérieure à l’arrivée des Romains.

Manlius avait dit aux Gaulois mandés à Éphèse qu’il leur rendrait réponse après s’être concerté avec Eumène[118]. En effet, quand il eut réglé l’état des cités et des provinces, dans les pays abandonnés par Antiochus ; quand il eut donné au roi de Pergame l’Asie jusqu’au Méandre, la Mysie, que lui avait enlevée Prusias, la Lycaonie, la Myliade et Telmesse ; aux Rhodiens, le pays au sud du Méandre ; quand il eut transféré à Eumène les tributs précédemment payés à Antiochus par les villes autonomes, et déclaré franches celles qui avaient pris parti pour les Romains[119], le consul se rapprocha de l’Hellespont. Là il convoqua les petits rois galates et leur donna pour condition de paix de la maintenir avec Eumène, de renoncer à leurs courses armées, de ne plus toucher aux terres de leurs voisins et de se contenir dans leurs limites[120]. Cette modération inaccoutumée laisse soupçonner que la résistance avait été plus acharnée que Tite-Live ne le dit. Lui-même avoue, en parlant de la bataille du mont Olympe, que, selon Claudius, il y avait eu là deux combats. Il faut dire aussi que la politique de Rome n’était pas alors de s’attribuer des sujets en Asie ; mais Manlius n’avait ni fourragé ni rançonné le pays au delà de l’Halys.

Il n’est parlé nulle part de tribut, imposé aux Galates, et, si une autorité respectable à tous égards a paru appuyer une opinion contraire, je suis convaincu qu’il n’y a réellement point là de problème à résoudre : un malentendu d’interprétation géographique en fait tout le mystère. Lorsque l’auteur du premier livre des Macchabées[121], racontant l’impression faite en Judée par la puissance et la politique des Romains, écrit ces mots, Et audierunt prœlia eorum et virtutes bonas quas fecerunt in Galatia, quia obtinuerunt eos et duxerunt sub tributum, pour parler ensuite de l’Espagne, de Philippe, de Persée et d’Antiochus, cet ordre demi-géographique et demi-chronologique montre assez clairement que Galatia, c’est la Cisalpine, réduite en province romaine peu après la bataille de Zama.

 

 

 



[1] Cité par Tite-Live, XXXVI, XIX.

[2] 62.000 fantassins et plus de 12.000 cavaliers, dit Tite-Live. Appien dit 70.000 hommes.

[3] Tite-Live, XXXVII, XXXVII. — Il s’agit plutôt ici du Gérée, affluent du Caïcus, puisque l’auteur dit ensuite (XXXVIII) que l’armée mit de là cinq jours à gagner Thyatire. (Voyez la carte de la Grèce européenne et asiatique dans l’Atlas antiquus de Kiepert.)

[4] Voyez Tite-Live, ibid. — Cf. Polybe, XXI, X-XII. Ce dernier parle des conditions de paix proposées au roi avant la bataille, et dit que l’avis transmis par l’Africain était celui de faire la paix n’importe à quel prix, sans risquer de combat contre les Romains.

[5] Tite-Live, XXXVII, XXXVIII. — Appien, Syr., XXX. — Dans Polybe, le récit de la bataille de Magnésie est perdu.

[6] Appien (chap. XXXI) les place à droite et fait appuyer au fleuve les légions romaines. C’est l’ordre que Tite-Live lui-même donne à l’armée romaine pour la bataille de Cannes ; mais il semble, d’après Polybe (livre VI, chapitre XXVI), que l’ordre indiqué par Tite-Live à Magnésie était réellement conforme à la coutume des Romains. Nous verrons, d’ailleurs, qu’Appien se trompe, s’il veut parler de légions appuyées complètement à l’Hermus.

[7] Polybe, VI, XX-XXVI.

[8] Tite-Live, livre XXXVII, chapitre XXXIX.

[9] Appien (XXXII) dit la même chose de cette phalange d’Antiochus. Il est moins clair quand il parle des éléphants ; mais je pense qu’au lieu de ές δέ τά ώλεϋρα έκαστοΰ μέρους έλέφαντες δύο καί εΐκοσιν, il faut lire ές δέ τ. ώ. έ. μ. έλέφαντες δύο, ώάντες δ' ήσαν δύο καί εΐκοσιν. La répétition du mot δύο aura trompé un copiste.

[10] Voyez Tite-Live, livre XXXVII, chapitre XL.

[11] Syr., XXXII.

[12] Ibid. La disposition des corps est indiquée ensuite, avec un peu moins de précision que dans Tite-Live.

[13] Tite-Live, XXXVII, XLI.

[14] Tite-Live, XXXVII, XLI.

[15] Voyez Appien, XXXIII.

[16] Tite-Live, ubi supra.

[17] Appien, XXXIV.

[18] Tite-Live, XXXVII, XLII. — Cf. Appien, XXXIV, in fine.

[19] Appien, XXXVI.

[20] Tite-Live, XXXVII, XLIII.

[21] Sauf, bien probablement, la légion auxiliaire de gauche, qui devait être alors aux prises avec le roi.

[22] Tite-Live, XXXVII, XLII-XLIII. — Appien, XXXV.

[23] Tite-Live, XXXVII, XLIV. — Appien, XXXVI.

[24] Polybe, XXI, XIV. — Diodore (fr. du livre XXIX).

[25] Polybe, XXII, XXVII. — Cf. Strabon, t. III, page 79 de l’édition Tauchnitz.

[26] Tite-Live. XXXVIII, XII. — Ibid., XIII.

[27] Attale et Athénée étaient les frères du roi Eumène.

[28] V, II, § 19. — Sur les ruines d’Alabanda, voyez la lettre de M. Tchihatcheff dans le Journal asiatique, 5e série, t. IV, p. 69-70.

[29] V, II, § 17.

[30] Voyez Tchihatcheff, ubi supra, p. 65. — Texier, Revue des Deux-Mondes, août 1841.

[31] Res. in Asia Minor, t. I, p. 529. — Voyez aussi Waddington, Voyage en Asie Mineure au point de vue numismatique, dernier paragraphe. Il fait observer que, d’après les médailles d’Aphrodisias, qui était à la source de cette rivière, le nom ancien du Kara-Sou était Corsymus.

[32] Celle de Phrygie (1840), et celles de l’Atlas antiquus (1861).

[33] Ad Antiochiam super Mœandrum amnem posuit castra..... Inde ad Gordiutichos, quod vocant, processum est. Ex eo loco ad Tabas, tertiis castris perventum.

[34] Voyez ses autorités dans l’Appendice aux Fünf Inschriften de Franz, p. 99.

[35] Ubi supra, p. 68. — Voyez aussi Texier, ubi supra.

[36] Appendice aux Fünf Inschriften de Franz, p. 29, note.

[37] V, II, § 20.

[38] Voyez Lebas et Waddington, 1213 a, 1215-1216, des inscriptions contenant le nom de Cybira. — Cf. Corpus inscript, grœc., 4380. — Waddington, Voyage en Asie Mineure du point de vue numismatique. — Ritter, Klein-Asien, t. II, p. 791-795, d’après Spratt et Forbes ; enfin l’Atlas de Kiepert.

[39] Lebas et Waddington, 1219, pour le nom de Bubon ; 1224,1226, 1228, pour celui de Balbura ; 1233, pour celui d’Œnoanda. — Cf. Corpus inscript. græc., 4380 d-k, m-n. Et, dans les Addenda, 4380, b’, k3, k4.

[40] Voyez Revue d’archéologie d’octobre 1863, où j’avais inséré un extrait du présent mémoire. C’est à Laodicée et non à Cibyra que se rapportent les mots : imposita est Lyco flumini. La latitude donnée par Ptolémée m’avait aussi trompé.

[41] Hierapolis est Pumbuk-Kalassi, position certaine en présence des nombreuses inscriptions que cette localité a fournies (Corp. inscr. gr. 3903-3934), et dont plusieurs (3909-3910, 3916, 3922, 3926) contiennent le nom de la ville.

[42] Kiepert, dans l’Appendice joint aux Fünf Inschr. de Franz, avait déjà corrigé les 38° 55’ de Ptolémée en 37° 55’, et placé Cibyra vers 37° 20’.

[43] Laodicée est Eski-Hissar. (Cf. Corpus inscript. gr., 3935-3944, et Strabon, t. III, p. 157.) Cette ville est aussi près du Lycus, vis-à-vis de Hierapolis. Strabon représente fort bien la position relative de ces deux villes ; seulement il confond ici le Méandre avec le Lycus, son affluent.

[44] T. II, p. 798.

[45] T. II, p. 798.

[46] Tite-Live, XXXVIII, XIV. — Polybe, XXII, XVII ; malheureusement c’est presque tout ce que les fragments de Polybe nous donnent de cet itinéraire.

[47] Tite-Live, XXXVIII, XV.

[48] Κώραλις. — Strabon, XII, VI. — Hamilton, t. II, p. 349.

[49] Tite-Live, XXXVIII, XIV, in fine.

[50] Asie Mineure, p. 466, 467.

[51] T. II, p. 426 et 789.

[52] Ritter, p. 796-799.

[53] Voyez Waddington, l. I. Ritter, t. II, p. 786-788 ; Kiepert, carte de l’Asie Mineure, en six feuilles ; Corpus inscript, grœc., 4362-4366 t, et Addenda, 4366 i, 2-5.— Istenez, qui possède des ruines nombreuses, c’est Isionda, dit M. Texier. (As M., p. 467.)

[54] Toujours par suite de la même erreur, Kiepert (carte en six feuilles) identifie le Colobat avec l’Istenaz-Tchaï, qui court du sud au nord se jeter dans le lac Kestel. Quant a Laco ou Lagon, M. Texier (Asie Mineure, p. 467) en signale les ruines au pied du Taurus, dans la plaine d’Adalia.

[55] XXII, XVIII. — Tite-Live, livre XXXVIII, chapitre XV.

[56] Tite-Live, livre XXXVIII, chapitre XV.

[57] V, V, § 5.

[58] Antioche de Pisidie est retrouvée près d’Yalobatch (Hamilton, I, 472-475 et Appendice n° 176-188). Le n° 185 porte Antiochi-œ Cœsari ; et Pline (V, XXIV) dit que cette ville reçut le nom de Césarée. — Cf. Kiepert, ubi supra, p. 35.

[59] Ou plutôt Lysinia, voyez Waddington, l. I.

[60] Curmasa, dans Polybe.

[61] Hamilton, I, p. 479, 482. — Lysinoé est peut-être la Lysinia de Ptolémée, à dix minutes au nord de Cormasa.

[62] Asie Mineure, p. 467.

[63] Appendice, n° 189. — Cf. t. I, p. 486-491. — Tchihatcheff, ubi supra, p. 81-84.

[64] Tite-Live, ubi supra.

[65] Hamilton, I, 497-501. — Cf. II, 179-173.

[66] Voyez Franz, Fünf Inschriften und fünf Stœdte, p. 13. — Cf. Hamilton, Appendice, 193-906, et Corpus inscript., 3957-3966.

[67] T. II, p. 167-179.

[68] Appendice aux Fünf Insch., p. 37 et la carte.

[69] Voyez la carte de Hamilton et les cartes de Kiepert.

[70] Voyez Hamilton, t. II, p. 363, 364.

[71] Voyez Hamilton, t. II, p. 361.

[72] T. III, p. 73 de l’éd. de Leipzig.

[73] T. I, p. 466.

[74] Apollonie est Olou-Bourlon (Hamilton, II, 362, Appendice, 450-455, et Corpus inscript., 3969-3976). Deux de ces inscriptions mentionnent expressément le sénat d’Apollonie. Dans la Carte de Peutinger, les distances de cette ville à Apamée et à Antioche paraissent être échangées entre elles.

[75] Tite-Live, ubi supra.

[76] V, II, § 25.

[77] Appendice aux Fünf Intchriften, p. 87.

[78] T. III, p. 72-73.

[79] A quatre heures au nord d'Afiom-Kara-Issar (I, 462 et la carte).

[80] T. I, p. 461.

[81] T. I, p. 462.

[82] V, II, § 24.

[83] T. II, p. 180.

[84] T. II, p. 176.

[85] Pline, Hist. nat., V, XXIX.

[86] N° 375 de l’Appendice.

[87] Appendice aux Fünf Inschr., p. 37.

[88] Seulement il la met à droite de cette rivière, tandis que Surmeneh est à gauche.

[89] Tite-Live XXXVIII, XV, sub finem.

[90] Dans la Phrygie pisidique. — V, V, § 5.

[91] Klein-Asien, t. I, p. 605.

[92] I, 467. — M. Texier (Asie Mineure, p. 434-435, 468) pense que Beudos est Bajat (Bejad) et Anabura, Ak-Kilissé ; mais Tite-Live dit que Beudos Vetus est à 5 milles de Synnada, et il y a bien quinze à huit kilomètres de Surmeneh à Bejad ; au contraire, de Surmeneh à Eski Kara-Hissar, il n’y en a que sept ou huit. M. Texier ne parle point de Surmeneh, et le voisinage des carrières et la présence de ruines assez importantes l’avaient déterminé (p. 431) à reconnaître Synnada même dans Eski Kara-Hissar. Mais ces ruines ne sont point un empêchement à l’identification que j’adopte, puisque Beudos Vetus a battu monnaie : les mots Βευδήνων ώαλαίων sont signalés sur une médaille par M. Waddington. (Voyage en Asie Mineure.)

[93] Ritter, ibid. — Hamilton, I, 458.

[94] I, 468 ; pour sa position sur la frontière, voyez Tite-Live, ubi supra.

[95] Tite-Live, XXXVIII, XVIII. — Cf. Polybe, XXII, XI.

[96] Tite-Live, XXXVIII, XVIII.

[97] Gordium Pessinus und Sevri-Hissar, 1860 : je dois encore à la complaisance de M. Perrot la connaissance et la communication de cet opuscule.

[98] T. I, p. 457.

[99] T. I, p. 458.

[100] Continentibus itineribus. (XXXVIII, XVIII.)

[101] Tite-Live, livre XXXVIII, chapitre XVIII.

[102] Sur le volume du Sangarius, Même au-dessus de Pessinonte, voyez Ritter, p. 527, et Tchihatcheff, ubi supra, p. 89. — Polybe dit : κοΐλον όντα καί δύσβατον.

[103] Tite-Live, ubi supra. — Polybe, XXII, XX.

[104] Tite-Live, XXXVIII, XVIII.

[105] Tite-Live, XXXVIII, XIX.

[106] Voyez César, De bello gallico, II, IV. — Cf. De Courson, Histoire des peuples bretons, Introduction et t. II.

[107] Tite-Live, XXXVIII, XIX, in fine.

[108] Tite-Live, livre XXXVIII, chapitre XXII.

[109] Tite-Live, livre XXXVIII, chapitre XXIII.

[110] Tite-Live, XXXVIII, XXIV. — Polybe apud Plutarque, De virt. mul. (XXII, XXI, des fr. de Polybe.)

[111] Tite-Live, XXXVIII, XXIII.

[112] Tite-Live, XXXVIII, XXV.

[113] Tite-Live, XXXVIII, XXV. — Cf. Polybe, XXII, XXII.

[114] Tite-Live, livre XXXVIII, chap. XXVI-XXVII.

[115] Polybe XXII, XXIV. — Cf. Tite-Live, XXXVIII, XXXVII.

[116] Incertusque in dies terror quo velut tempestas eos populantis inferret. (Tite-Live, ibid.)

[117] Memnon, apud Photius, p. 230, éd. de Bekker.

[118] Polybe XXII, XXIV. — Tite-Live, livre XXXVIII, chap. XXVII, XXXVII.

[119] Polybe, XXVII. — Tite-Live, XXXIX.

[120] Tite-Live, XL.

[121] Chapitre VIII.