HISTOIRE DE L'EMPEREUR CHARLES-QUINT

 

CHAPITRE DOUZIÈME.

 

 

Charles part pour l'Espagne. — Le monastère de Saint-Just.- Le duc de Guise conduit l'armée française en Italie. — Siège de Saint-Quentin. — Défaite des Français. — Belle défense de Coligny. — Le duc de Guise prend le commandement de l'armée française. — Il emporte Calais, Guines et Ham. — Ferdinand élu Empereur. — Mariage du dauphin de France avec la reine d'Écosse. — Bataille de Gravelines. — Négociations pour la paix. — Mort de Charles-Quint. — Sa vie dans la retraite. — Son caractère. — Mort de Marie, reine d'Angleterre. — Conduite d'Élisabeth. — La paix est conclue à Cateau-Cambrésis. — Mort de Henri II. — Mort de Paul IV.

 

Tandis que ces opérations occupaient le pape et Philippe et fixaient toute leur attention, l'Empereur se débarrassa enfin des liens qui l'attachaient encore à ce monde, et partit pour se rendre au lieu de sa retraite. Il avait jusqu'alors conservé la dignité impériale ; ce n'était pas qu'il ne fût disposer à y renoncer. Il n'avait cherché, par ce délai, qu'à gagner quelques mois pour essayer, par une nouvelle tentative, d'exécuter le projet qu'il avait formé en faveur de son fils, et dont le succès lui tenait fort à cœur ; mais Ferdinand, qui s'était montré inflexible à cet égard, lors même que les sollicitations de l'Empereur étaient appuyées de toute l'autorité qui accompagne le pouvoir suprême, reçut avec plus d'indifférence et plus de dédain encore les ouvertures que lui faisait son frère après l'abaissement volontaire où il s'était réduit. Charles rougit lui-même d'avoir eu la faiblesse d'imaginer qu'il pourrait, dans son état actuel, obtenir ce qu'il avait auparavant tenté sans succès, et il renonça enfin à ce chimérique projet. Il abandonna alors le gouvernement de l'Empire ; ayant transféré à son frère, le roi des Romains, tous ses droits de souveraineté sur le corps germanique, il signa pour cet, effet un acte revêtu de toutes les formalités qu'exigeait une démarche de cette nature. Il remit cet acte entre les mains de Guillaume, prince d'Orange, et l'autorisa à le présenter au collège des électeurs.

Il ne restait plus d'obstacle qui pin différer le départ de Charles pour la retraite après laquelle il soupirait. Tout ayant été préparé depuis quelque temps pour son voyage, il partit pour Zuitbourg en Zélande, où le rendez-vous de la flotte était indiqué. Il dirigea sa route par Gand ; il s'y arrêta quelques jours, et s'y livra à cette douce et tendre mélancolie que tous les hommes, dans le déclin de l'âge, éprouvent en se retrouvant dans le lieu de leur naissance et en revoyant les objets qui les ont intéressés dans leur jeunesse. Charles poursuivit enfin sa route, accompagné de Philippe son fils, de l'archiduchesse sa fille, de ses sœurs, les reines douairières de France et de Hongrie, de Maximilien son gendre, et d'une suite nombreuse de gentilshommes flamands. Avant de s'embarquer, il prit congé de tout son cortège, en donnant à chacun des témoignages de son estime et de son affection. Il embrassa Philippe avec toute la tendresse d'un père qui voit son fils pour la dernière fois, et mit à la voile le 17 septembre, sous le convoi d'une flotte considérable, composée de vaisseaux espagnols, flamands et anglais.

Son voyage fut heureux et agréable, et il arriva à -Laredo, dans la Biscaye, le onzième jour après son départ de Zélande. Dès qu'il fut débarqué, il se prosterna sur le rivage, et se regardant déjà comme mort au monde, il baisa la terre en disant : Ô mère commune des hommes, je suis sorti nu du sein de ma mère, je retournerai nu clans ton sein. De Laredo il se rendit à Burgos, tantôt porté par ses gens dans une chaise, tantôt traîné dans une litière, n'avançant qu'avec beaucoup de peine, et souffrant à chaque pas des douleurs aiguës. Quelques nobles espagnols se rendirent à Burgos pour lui faire leur cour ; mais ils étaient en petit nombre, et leurs hommages furent très-froids. Charles s'en aperçut, et sentit, pour la première fois, qu'il n'était plus souverain. Charles renvoya un grand nombre de ses domestiques, dont le service lui devenait inutile ou à charge dans sa retraite, et il passa à Valladolid. Il y fit des adieux fort tendres à ses deux sœurs, et il ne voulut pas leur permettre de l'accompagner dans sa solitude, quoiqu'elles l'en conjurassent les larmes aux yeux, pour avoir, disaient-elles, la consolation de contribuer par leurs soins à soulager ses souffrances, et surtout pour en recueillir de l'instruction et de l'avantage, en se joignant à lui dans les pieux exercices auxquels il voulait consacrer les derniers jours, de sa vie.

De Valladolid il continua sa route vers Plaisance dans l'Estramadure. il avait autrefois passé par cette ville, et avait été singulièrement frappé de la belle situation du monastère de Saint-Just, appartenant à l'ordre de Saint-Jérôme, et éloigné de quelques milles de Plaisance ; il avait même dit à quelques personnes de sa suite que c'était un lieu où Dioclétien aurait aimé à se retirer. Cette impression s'était gravée si profondément dans son esprit, qu'il se décida à faire du couvent de Saint-Just son dernier séjour. Ce couvent était situé dans une vallée peu étendue, arrosée par un petit ruisseau, environnée de collines et ombragée d'arbres élevés et touffus. Par la nature du sol et par la température du climat, c'était la situation la plus salubre et la plus délicieuse de l'Espagne. Quelques mois avant son abdication, Charles y avait envoyé un architecte pour faire construire dans le monastère un appartement à son usage. Mais il ordonna expressément que le goût de ce nouveau bâtiment fût proportionné non à son ancienne dignité, mais à l'état simple qu'il voulait embrasser. On construisit seulement six chambres, dont quatre avaient la forme de cellules de moines, avec des murailles toutes nues ; les deux autres, de vingt pieds en carré, étaient tapissées d'une étoffe brune et meublées de la manière la plus simple. Ce petit bâtiment, de niveau avec le terrain, avait d'un côté une porte sur un jardin dont Charles avait donné lui-même le plan, et il l'avait rempli de différentes plantes qu'il voulait cultiver de ses propres mains. Il y avait, de l'autre côté, une communication avec la chapelle du couvent, dans laquelle il se proposait de faire des exercices de dévotion. Ce fut dans cette humble retraite, à peine suffisante pour loger commodément un simple particulier, que Charles entra, accompagné seulement de douze domestiques. Il y ensevelit dans la solitude et le silence sa grandeur, son ambition et tous ces vastes projets qui, pendant la moitié d'un siècle, avaient rempli l'Europe d'alarmes et d'agitation, et inspiré successivement à tous les peuples la terreur de ses armes et la crainte de se voir subjugués par sa puissance.

1557 — Le duc de Guise, qui avait constamment engagé le roi de France à continuer la guerre, eut, comme il l'espérait, le commandement de l'armée destinée à marcher au secours du pape, et qui était composée de vingt mille hommes des meilleures troupes qu'il y eût au service de France. Cette armée passa les Alpes dans une saison rigoureuse, et s'avança vers Home sans trouver aucune opposition de la part des Espagnols, qui se contentaient de couvrir les frontières du royaume de Naples. Le duc de Guise entra à Home au milieu d'une pompe triomphale, mais il n'y trouva pas les préparatifs de guerre aussi avancés qu'il l'avait espéré. Quoiqu'il s'aperçût que le poids de la guerre allait retomber tout entier sur lui, il ne laissa pas de s'avancer vers Naples, et ouvrit la campagne par le siège de Civitella, qu'il fut obligé de lever au bout de trois semaines. Il alla ensuite présenter la bataille au duc d'Albe, qui la refusa constamment. Réduit à l'impossibilité de rien tenter d'important par l'affaiblissement de son armée et par la faiblesse des secours que lui fournissait le pape, le duc de Guise supplia bientôt le roi de France de rappeler son armée.

Tandis que les Français épuisaient inutilement leurs ressources en Italie, Philippe résolut de donner une vigoureuse impulsion à la guerre dans les Pays-Bas. Après avoir, par l'ascendant qu'il exerçait sur sa femme, déterminé les Anglais à déclarer la guerre à la France, il donna le commandement de ses troupes au duc de Savoie, qui, trompant les Français par une marche habile, vint inopinément investir Saint-Quentin. Quelques jours auraient suffi au duc de Savoie pour se rendre maître de Saint-Quentin, si l'amiral de Coligny, qui croyait son honneur intéressé à tâcher de conserver à son pays une place de cette importance, située dans la province dont il avait le gouvernement, n'eût pris la courageuse résolution de s'y jeter lui-même avec tout ce qu'il put rassembler de troupes ; en effet, quoique une partie de son détachement eût été interceptée, il passa à travers l'armée ennemie et entra dans la ville.

Le duc de Savoie, ayant été joint par les Anglais sous les ordres du comte de Pembroke, continuait le siège avec la plus grande vivacité. Une armée si nombreuse et si bien pourvue de tout poussait ses attaques avec un grand avantage contre une garnison trop faible pour oser même tenter de troubler ou de retarder, par des sorties, les opérations des assiégeants. L'amiral, qui ne pouvait se dissimuler le danger pressant qui menaçait la ville et l'impossibilité où il était de la défendre longtemps, en donna avis au connétable de Montmorency, son oncle, qui commandait l'armée française, et lui indiqua en même temps un moyen de donner du secours aux assiégés. Le connétable, qui sentait l'importance de sauver une place dont la perte ouvrirait aux ennemis un passage dans le cœur du royaume, et qui désirait tirer son neveu de la situation périlleuse où son zèle pour le bien public l'avait engagé, prit la résolution de tenter ce que Coligny lui proposait, quelque danger qu'il y vît. Dans ce dessein, il s'avança de la Fère à Saint-Quentin, à la tête de son armée, qui n'était pas de moitié si nombreuse que celle des Espagnols ; il donna le commandement d'un corps de troupes d'élite à d'Andelot, frère de Coligny, et colonel général de l'infanterie française, et lui ordonna de pénétrer jusqu'à la ville par un chemin que l'amiral avait représenté comme très-praticable, tandis que lui-même, à la tête du gros de l'armée, attaquerait le camp des ennemis par un autre côté, et tâcherait d'y attirer toute leur attention. D'Andelot exécuta sa commission avec beaucoup plus de courage que de prudence ; ses soldats se précipitèrent avec une impétuosité aveugle sur l'ennemi. Quoiqu'ils eussent renversé le premier corps de troupes qui s'opposa à leur passage, la confusion se mit bientôt dans leurs rangs, et de nouvelles troupes étant venues fondre sur eux et les environner de toutes part, la plupart furent taillés en pièces ; mais d'Andelot, avec environ cinq cents des plus hardis et des plus heureux, parvint à pénétrer dans la ville.

Cependant le connétable fut obligé, pour l'exécution de son plan, d'avancer si près du camp des assiégeants, qu'il lui fut impossible de se retirer avec sûreté devant un ennemi qui lui était si supérieur en nombre. Le duc de Savoie aperçut bientôt la faute de Montmorency ; et avec les talents et la présence d'esprit d'un grand capitaine, il se disposa à en profiter. Il rangea promptement son armée en ordre de bataille, et épiant le moment où les Français commenceraient à défiler vers la Fère, il détacha toute sa cavalerie, sous les ordres du comte d'Egmont, pour tomber sur leur arrière-garde, tandis qu'il s'avancerait lui-même à la tête de l'infanterie pour soutenir l'attaque. Les Français se retirèrent d'abord dans le meilleur ordre et faisant bonne contenance ; mais, lorsqu'ils virent d'Egmont avancer sur eux avec un corps formidable de cavalerie dont il leur était impossible de soutenir le choc, la vue d'un danger si pressant, jointe au peu de confiance que leur inspirait leur général, dont l'imprudence était alors sentie du dernier des soldats, répandit une consternation générale dans l'armée : les Français commencèrent peu à peu à précipiter leurs pas, et les troupes de l'arrière-garde pressèrent si vivement celles qui les précédaient, que bientôt leur marche eut plutôt l'air d'une fuite que d'une retraite. D'Egmont, observant ce désordre, les chargea avec la plus grande impétuosité, et dans un instant toute la gendarmerie, qui faisait alors l'orgueil et la force des armées françaises, plia et s'enfuit avec précipitation. Cependant l'infanterie, que le connétable, par sa présence et son autorité, retenait attachée à ses drapeaux, continuait sa retraite en assez bon ordre ; mais d'Egmont ayant fait avancer quelques pièces de canon qu'il dirigea sur le centre de cette infanterie y porta le désordre et la confusion ; la cavalerie, renouvelant alors son attaque, rompit les rangs, et la déroute devint universelle. Environ quatre mille Français restèrent sur le champ de bataille ; dans ce nombre on compta le duc d'Enghien, prince du sang, et six cents gentilshommes. Le connétable, voyant qu'il n'y avait plus d'espérance de ramener la fortune, résolut de ne pas survivre à un désastre si funeste et causé par son imprudence ; il se précipita dans le plus épais des bataillons ennemis pour y périr l'épée à la main ; il reçut une blessure dangereuse ; épuisé par la perte de son sang, il fut entouré de quelques officiers flamands dont il était connu ; ils le garantirent de la fureur des soldats, et l'obligèrent à se rendre. Les ducs de Montpensier et de Longueville, le maréchal Saint-André, plusieurs officiers de distinction, trois cents gentilshommes et près de quatre mille soldats furent aussi faits prisonniers. Tous les drapeaux de l'infanterie, toutes les munitions de guerre et toute l'artillerie, excepté deux pièces de canon, tombèrent entre les mains des vainqueurs, qui ne perdirent pas plus de quatre-vingts hommes.

Cette bataille, non moins fatale à la France que les anciennes journées de Crécy et d'Azincourt, où les Anglais avaient triomphé sur le même terrain, ressemblait encore à celles-ci par la promptitude de la déroute, par l'imprudence du général, par le grand nombre des officiers de distinction tués ou faits prisonniers, par la perte légère que firent les vainqueurs, et par la consternation qu'elle répandit dans toute la France. Plusieurs habitants de Paris, aussi effrayés que si l'ennemi eût été aux portes de la ville, se retirèrent avec précipitation dans l'intérieur du royaume. Le roi tâcha, par ses exhortations et sa présence, de consoler et de ranimer ceux qui restaient ; et s'occupant lui-même avec la plus grande activité de faire réparer les fortifications délabrées de la ville, il se prépara à la défendre contre l'attaque à laquelle il s'attendait. Heureusement pour la France, la timidité de Philippe et la courageuse défense de l'amiral de Coligny, concoururent non-seulement à mettre la capitale à l'abri du danger dont elle était menacée, mais encore à donner aux Français un court intervalle, pendant lequel ils eurent le temps de se remettre de la frayeur et de l'abattement où les avait jetés un coup aussi funeste qu'inattendu. Henri en profita pour veiller à la sûreté de son royaume par des mesures vigoureuses et dignes du souverain d'une nation belliqueuse et puissante.

Immédiatement après la bataille, Philippe se rendit au camp Sous Saint-Quentin, et y fut reçu avec tout l'éclat d'un triomphe militaire. Les transports de joie que fit naître en lui ce succès, qui jetait un si grand lustre sur le commencement de son règne, furent tels, qu'ils adoucirent pour quelque temps son caractère hautain et sévère, et mirent dans ses manières une politesse qui ne lui était pas naturelle. Le duc de Savoie s'étant approché de lui, et voulant se mettre à ses genoux pour lui baiser les mains, Philippe le prit dans ses bras, et le serrant avec tendresse : C'est plutôt à moi, dit-il, à baiser vos mains, qui ont remporté une victoire si glorieuse, et qui nous coûte si peu de sang.

Dès que les réjouissances et les félicitations sur l'arrivée de Philippe furent terminées, on tint un conseil de guerre où l'on délibéra sur ce qu'il y avait à faire pour tirer de la victoire le plus grand avantage. Le duc de Savoie, secondé des plus habiles officiers qui s'étaient formés sous Charles-Quint, opina pour abandonner sur-le-champ le siège de Saint-Quentin, dont la réduction n'était pas un objet digne d'occuper l'armée, et pour aller mettre le siège devant Paris. Philippe, moins hardi ou plus prudent que ses généraux, préféra un avantage modéré, mais certain, à une expédition plus brillante, mais d'un succès phis douteux. Il fut d'avis de continuer le siège de Saint-Quentin, et ses généraux déférèrent d'autant plus volontiers à son sentiment, qu'ils ne doutaient pas qu'on ne fût maître de la ville en peu de jours : ils regardèrent ce délai comme une perte de temps de peu de conséquence pour l'exécution de leur plan, et facile à réparer par un redoublement d'activité.

Le mauvais état des fortifications, joint au petit nombre de troupes qui composaient la garnison et qui ne pouvaient plus espérer de secours ni de renfort, semblait justifier le calcul des généraux de Philippe ; mais en faisant ce calcul, ils n'avaient pas assez fait d'attention au Caractère de l'amiral de Coligny, qui commandait dans la place En effet, il la défendit avec tant de persévérance et d'habileté, il sut inspirer à la garnison tant de patience et de courage, que le siège, quoique poussé avec la plus grande vigueur par les Espagnols, les Flamands et les Anglais réunis, dont l'ardeur était encore excitée 'par la jalousie nationale, dura cependant dix-sept jours. La ville fut enfin prise d'assaut ; et Coligny, accablé par le nombre, fut fait prisonnier sur la brèche. Cependant le roi avait pris les mesures les plus actives pour la défense de son royaume, et Philippe, craignant l'enthousiasme dont tous les 'Français étaient animés, se borna, pendant le reste de la campagne, aux sièges de Ham et du Catelet, dont il se rendit maître.

1558 — Le duc de Guise ayant été rappelé en France avec son armée, le pape se vit obligé de faire la paix avec Philippe, et il obtint de ce prince des conditions plus favorables qu'il ne pouvait en espérer dans l'état actuel des affaires. Guise fut reçu en France comme le sauveur du pays, et se mettant aussitôt à la tête de l'armée au milieu de l'hiver, il trompa Philippe, qui croyait que l'effort des Français se porterait sur Saint-Quentin, et alla investir Calais, qui était toujours resté entre les mains des Anglais depuis la bataille de Crécy, c'est-à-dire depuis deux cent dix ans. Eu huit jours il enleva cette place, qui passait pour inexpugnable, et que les Anglais croyaient si bien défendue par sa position, surtout pendant l'hiver, qu'ils n'y laissaient qu'une garnison insuffisante. Immédiatement après, il s'empara de Guines et de Ham. Cette brillante expédition donna à toute l'Europe la plus haute idée des ressources de la France, et exalta au plus haut point le ressentiment des Anglais contre leur reine et ses ministres, qui avaient jeté le pays dans une querelle où il n'était pas intéressé, et lui avaient fait perdre, par leur imprudence, la plus précieuse de ses possessions hors de l'Angleterre.

Cependant le collège des électeurs réuni à Francfort avait reçu communication de l'abdication de Charles-Quint ; il avait déclaré Ferdinand son légitime successeur. Le nouvel empereur envoya un ambassadeur au pape. Celui-ci improuva d'une manière si dure la démission de l'Empire donnée par Charles en faveur de Ferdinand, sans la participation du Saint-Siège, que le nouvel empereur et tous ses successeurs, à son exemple, ont renoncé à se rendre à Rome pour s'y faire couronner.

Henri faisait ses préparatifs pour la prochaine campagne, et en même temps négociait avec les Écossais : il ne put les déterminer à prendre les armes contre l'Angleterre ; mais il conclut le mariage du dauphin son fils avec. la jeune reine d'Écosse, qui lui avait été fiancée en 1548. Cette union fut célébrée avec toute la pompe qui convenait au rang des époux et à la magnificence de la cour la plus brillante de l'Europe. Ainsi, dans l'espace de quelques mois, Henri eut la gloire de recouvrer une possession importante qui avait anciennement appartenu à sa couronne, et d'y réunir l'acquisition d'un grand royaume.

Le duc de Guise, mis de nouveau à la tête de l'armée avec des pouvoirs illimités, s'empara de Thionville après un siège de trois semaines. En même temps le maréchal de Termes emportait Dunkerque d'assaut, et allait prendre Nieuport, lorsque le comte d'Egmont vint, à la tête d'une armée supérieure, le forcer à la retraite. D'Egmont atteignit près de Gravelines l'armée française, qui marchait lentement, embarrassée du butin qu'elle avait fait à Dunkerque ; une bataille eut lieu, et les Français se défendaient avec avantage, lorsqu'une escadre anglaise, remontant la rivière d'Aa, vint les foudroyer de sa grosse artillerie. Les Français furent complètement mis en déroute, et ceux qui ne furent pas tués restèrent prisonniers avec leur général.

Le duc de Guise marcha aussitôt contre l'armée victorieuse avec toutes les forces qu'il put réunir, et l'espoir de ses compatriotes se fixa de nouveau sur lui, comme sur le seul général dont les armes eussent toujours été victorieuses ; mais les deux rois étaient également disposés à faire la paix. Henri chargea Montmorency, qui était toujours prisonnier, de saisir la première occasion pour négocier un traité définitif entre la France et l'Espagne. Le duc de Savoie était aussi disposé à favoriser un arrangement de cette nature, et il détermina Philippe, à envoyer Montmorency sur sa parole auprès de Henri, pour avancer la négociation, qui fut aussitôt entamée. L'abbaye de Cercamp fut choisie pour le lieu de réunion des plénipotentiaires, et une suspension d'armes interrompit toutes les opérations militaires.

Tandis que ces mesures préliminaires préparaient la conclusion d'un traité qui rendit la tranquillité à toute l'Europe, Charles-Quint, dont l'ambition y avait si longtemps porté le trouble, termina sa carrière dans le monastère de Saint-Just. Charles, en entrant dans cette retraite, s'était soumis à un genre de vie qui aurait convenu à un simple gentilhomme d'une fortune modique. Sa table était servie avec simplicité ; il n'avait qu'un petit nombre de domestiques, et vivait familièrement avec eux. Il avait absolument aboli pour le service de sa personne toute espèce d'étiquette et de cérémonie gênante, comme incompatibles avec l'aisance et le repos où il voulait couler le reste de ses jours. La douceur du climat, jointe à l'éloignement des affaires et des soins du gouvernement, avait calmé sensiblement la violence de sa goutte et suspendu les douleurs aiguës dont il avait été si longtemps tourmenté ; de sorte que, dans cette humble solitude, il goûta peut-être une satisfaction plus pure et plus parfaite que toutes ses grandeurs ne lui en avaient jamais procuré. Les pensées et les vues ambitieuses qui l'avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l'Europe, il n'avait pas même la curiosité de s'en informer ; il semblait voir cette scène tumultueuse qu'il avait quittée, avec tout le mépris et l'indifférence d'un homme qui en avait reconnu la frivolité, et qui jouissait du plaisir de s'être dégagé de ses liens.

D'autres amusements et d'autres objets l'occupaient dans sa retraite. Tantôt il cultivait de ses propres mains les plan tes de son jardin ; tantôt, suivi d'un seul domestique à pied, il allait se promener dans un bois voisin, monté sur un petit cheval, le seul qu'il eût conservé. Souvent ses infirmités le retenaient dans son appartement et le privaient de ces récréations actives ; alors il recevait la visite de quelques gentilshommes qui avaient leurs habitations près du couvent, et il les admettait familièrement à sa table, ou bien il travaillait à quelque ouvrage curieux de mécanique et il étudiait les principes de cette science, pour laquelle il avait toujours montré beaucoup de goût et de disposition. Il avait même engagé Turriano, un des plus ingénieux mécaniciens de son siècle, à l'accompagner dans sa solitude ; il travaillait avec lui à construire des modèles des machines les plus utiles, et à faire des expériences sur leurs propriétés ; et il n'était pas rare que les idées du monarque servissent à perfectionner les inventions de l'artiste. Il se délassait quelquefois à des ouvrages de mécanique purement curieux et singuliers : il faisait des figures qui, au moyen de ressorts intérieurs, imitaient les mouvements et les gestes humains, au grand étonnement des moines. Il prenait un plaisir particulier à construire des horloges et des montres.

Quelles que fussent les autres occupations qui remplissaient le reste de son temps, il en réservait constamment une grande partie pour des exercices de piété. Soir et matin, il assistait régulièrement au service divin, dans la chapelle du monastère. Il prenait beaucoup de plaisir à lire des livres de dévotion, particulièrement les ouvrages de saint Augustin et de saint Bernard ; et il avait dés conversations fréquentes sur des sujets de religion avec son confesseur et avec le prieur du couvent.

Le genre de vie que Charles avait embrassé était digne d'un homme parfaitement dégagé de tous les soins de ce monde et préparé à passer dans l'autre ; la première année de sa retraite s'écoula ou dans des amusements innocents qui adoucissaient ses peines et délassaient son esprit fatigué par une longue et excessive application aux affaires, ou dans des occupations pieuses qu'il regardait comme essentielles pour se disposer à un autre état. Mais environ six mois avant sa mort, la goutte, qui lui avait laissé un intervalle plus long que de coutume, reparut avec un surcroît de violence. Son tempérament épuisé eut à peine assez de force pour soutenir une si forte secousse, qui affaiblit son âme ainsi que son corps. Il perdit le goût de toute espèce d'amusements, et tâcha d'assujettir sa vie à toute l'austérité de la règle monastique. Il ne désirait plus d'autre société que celle des moines, et passait presque tout son temps à chanter avec eux les hymnes du missel. Pour expier ses péchés, il se donnait en secret la discipline avec une rigueur si excessive, qu'après sa mort on trouva le fouet de cordes dont il se servait teint de son sang. Ce n'était pas encore assez de ces actes de mortification, qui, quoique sévères, n'étaient pas sans exemple : l'inquiétude, la défiance et la crainte troublaient de plus en plus son esprit, et, diminuant à ses yeux le mérite de ce qu'il avait fait, le portaient à chercher quelque acte de piété extraordinaire et nouveau, qui pût signaler son zèle et attirer sur lui la faveur du Ciel. L'idée à laquelle il s'arrêta est une des plus bizarres et des plus étranges. Il résolut de célébrer ses propres obsèques avant sa mort. En conséquence, il se fit élever un tombeau dans la chapelle du couvent. Ses domestiques y allèrent en procession funéraire, tenant des cierges noirs dans leurs mains, et lui-même il suivait enveloppé d'un linceul. On l'étendit dans un cercueil avec beaucoup de solennité. On chanta l'office des morts ; Charles joignit sa voix aux prières qu'on récita pour le repos de son âme, et mêlait ses larmes à celles que répandaient les assistants, comme s'ils avaient célébré de véritables funérailles. A la fin de la cérémonie on jeta, suivant l'usage, de l'eau bénite sur le cercueil, et tout le monde s'étant retiré, les portes de la chapelle furent fermées. Charles sortit alors de la bière et se retira dans son appartement plein des idées lugubres que cette solennité ne pouvait manquer d'inspirer. Soit que la longueur de la cérémonie l'eût fatigué, soit que cette image de mort eût fait sur son esprit une impression trop forte, il fut saisi de la fièvre le lendemain. Son corps exténué ne put résister à la violence de l'accès, et il expira le 21 septembre, âgé de cinquante-huit ans six mois et vingt-cinq jours.

Comme Charles fut, par son rang et sa dignité, le premier souverain de son siècle, le rôle qu'il joua fut aussi le plus brillant, soit que l'on considère la grandeur, la variété ou le succès de ses entreprises. Ce n'est qu'en observant avec attention sa conduite, non en consultant les louanges exagérés des Espagnols ou les critiques partiales des Français, qu'on peut se former une juste idée du génie et des talents de ce prince. Il avait des qualités particulières qui marquent fortement son caractère, et qui non-seulement le distinguent des autres princes ses contemporains, mais encore expliquent cette supériorité qu'il conserva si longtemps sur eux. Dans tous les plans qu'il concerta, il porta toujours une prudence et une réserve qu'il tenait de la nature autant que de l'habitude. Né avec des talents qui se développèrent lentement et ne parvinrent que tard à la maturité, il s'était accoutumé à peser tous les objets qui l'intéressaient avec une attention exacte et réfléchie. Il y portait toute l'activité de son âme ; il s'y arrêtait avec l'application la plus sérieuse, sans se laisser distraire par le plaisir ni refroidir par aucun amusement, et il roulait en silence son objet dans son esprit. Il communiquait ensuite l'affaire à ses ministres, et, après avoir écouté leurs opinions, il prenait son parti avec une fermeté qui accompagne rarement cette lenteur dans les délibérations. Ainsi toutes les opérations de Charles, bien différentes des saillies brusques et inconséquentes de Henri VIII et de François Ier, avaient l'air d'un système lié, dont toutes les parties étaient combinées, tous les effets prévus, et où l'on avait même pourvu aux accidents. Sa célérité dans l'exécution n'était pas moins remarquable que sa patience dans la délibération. Il consultait avec calme, mais il agissait avec promptitude ; et il montrait autant de sagacité dans le choix des mesures qu'il avait à prendre, que de fécondité de génie dans l'invention des moyens propres à en assurer le succès. Il n'avait pas reçu de la nature l'esprit guerrier, puisque, dans l'âge où le caractère a le plus d'ardeur et d'impétuosité, il resta dans l'inaction ; mais, lorsque enfin il prit le parti de se mettre à la tête de ses armées, son génie se trouva tellement fait pour s'exercer avec vigueur sur quelque objet qu'il embrassât, que bientôt il acquit une connaissance de l'art de la guerre et des talents pour le commandement qui le rendirent l'égal des plus habiles généraux de son siècle. Charles possédait surtout au plus haut degré la science la plus importante pour un roi, celle de connaître les hommes et d'adapter leurs talents aux emplois divers qu'il leur confiait. Depuis la mort de Chièvres jusqu'à la fin de son règne, il n'employa aucun général, aucun ministre, aucun ambassadeur, aucun gouverneur de province dont les talents ne fussent proportionnés au service qu'il en attendait. Quoique dépourvu de cette séduisante aménité de mœurs qui distinguait François Ier et lui gagnait les cœurs de tous ceux qui l'approchaient, Charles n'était pas privé des vertus qui attirent la fidélité et l'attachement. Il avait une confiance sans bornes dans ses généraux ; il récompensait avec magnificence leurs services ; il n'enviait point leur gloire, et ne paraissait pas jaloux de leur pouvoir. Presque tous les généraux qui commandèrent ses armées peuvent être mis au rang des plus illustres capitaines ; les avantages qu'il remporta sur ses rivaux furent évidemment l'effet des talents supérieurs des officiers qu'il leur opposa ; cette circonstance pourrait en quelque sorte diminuer son mérite et sa gloire, si l'art de démêler et d'employer les meilleurs instruments n'était pas la preuve la moins équivoque du talent de gouverner.

On remarqua cependant, dans le caractère politique de Charles, des défauts qui doivent affaiblir beaucoup l'admiration qu'excitent ses talents extraordinaires. Il était dévoré d'une ambition insatiable : quoiqu'il y eût peu de fondement à l'opinion généralement répandue dans son temps, qu'il avait formé le chimérique projet d'établir une monarchie universelle en Europe, il est cependant certain que le désir de se distinguer comme conquérant le précipita dans des guerres continuelles, qui épuisèrent et écrasèrent ses sujets et ne lui laissèrent pas le temps de s'occuper à perfectionner dans ses États la police intérieure et les arts, objets les plus dignes d'occuper un prince qui fait du bonheur de ses peuples le but de son gouvernement. Charles ayant, dès sa jeunesse, réuni la couronne impériale aux royaumes d'Espagne et aux domaines héréditaires des maisons d'Autriche et de Bourgogne, tant de titres et de puissance lui ouvrirent une si vaste carrière de projets ambitieux, et l'engagèrent dans des entreprises si compliquées et si épineuses, qu'il sentait souvent que leur exécution surpassait ses forces. Alors il eut recours à de bas artifices, indignes de la supériorité de son génie ; quelquefois même il s'écarta des règles de la probité d'une manière déshonorante pour un grand prince. Sa politique insidieuse et perfide était encore plus frappante et plus odieuse par le contraste du caractère franc et ouvert de ses deux contemporains, François Ier et Henri VIII. Quoique cette différence fût particulièrement l'effet de la diversité du caractère de ces princes, on doit aussi l'attribuer en partie à une opposition dans les principes de leur conduite politique qui peut faire excuser à quelques égards ce vice de Charles, sans cependant le justifier entièrement. François et Henri, presque toujours entraînés par l'impulsion de leurs passions, se précipitaient avec violence vers le but qu'ils avaient en vue. Les mesures de Charles, étant le résultat d'une réflexion froide et tranquille, étaient combinées aveu art et formaient un système régulier. Les hommes du caractère des premiers poursuivent naturellement l'objet de leurs désirs sans chercher de déguisement et sans employer d'adresse ; ceux du caractère de Charles sont portés, soit en concertant, soit en exécutant leurs projets, à recourir à des finesses qui conduisent toujours à l'artifice et dégénèrent souvent en fausseté.

La mort de Charles-Quint était pour Philippe une nouvelle raison de hâter la conclusion d'un traité, parce qu'elle augmentait encore l'impatience qu'il avait de retourner en Espagne, où il n'y avait plus personne au-dessus de lui. Cependant, malgré les désirs réunis de toutes les parties intéressées à la paix, il survint un événement qui occasionna un délai inévitable dans les négociations. Environ un mois après l'ouverture des conférences à Cercamp, Marie d'Angleterre mourut, après un règne court et sans gloire ; et Élisabeth, sa sœur, fut proclamée reine avec une joie universelle. Comme les plénipotentiaires voyaient expirer leurs pouvoirs par la mort de Marie, ils ne purent continuer leurs négociations sans avoir une commission et des instructions de leur nouvelle souveraine.

1559 — Henri et Philippe sentirent également combien il était important de se rendre la nouvelle reine favorable, et ils employèrent à l'envi les moyens les plus propres à se concilier sa confiance. Philippe alla jusqu'à lui offrir de l'épouser. Élisabeth agit en cette circonstance difficile avec l'attention la plus sérieuse et avec ce discernement de ses vrais intérêts qu'on a toujours remarqué dans ses délibérations. Elle avait consenti à traiter particulièrement avec Henri ; mais elle interrompit bientôt sa correspondance, lorsque le roi de France permit à sa belle-fille, la reine d'Écosse, de prendre le titre et les armes de reine d'Angleterre. Dès ce moment, Élisabeth jugea qu'elle devait lier étroitement ses intérêts avec ceux de Philippe. Elle enjoignit donc à ses ambassadeurs d'agir en tout de concert avec les plénipotentiaires d'Espagne. Bien décidée à ne pas épouser Philippe, elle lui fit néanmoins une réponse vague, qui devait lui laisser quelque espérance.

Les conférences se renouèrent donc à Cercamp, et se continuèrent ensuite à Cateau-Cambrésis. Il y avait tant de points de difficultés entre des intérêts si divers, que la négociation se fût prolongée indéfiniment, si le connétable de Montmorency, passant alternativement aux cours de Paris et de Bruxelles, n'eût employé toute son adresse et son activité pour écarter les difficultés. L'obstacle le plus difficile à lever tenait à la prétention d'Élisabeth, qui exigeait la restitution de Calais. Philippe appuya d'abord vivement cette réclamation ; mais quand il vit qu'Élisabeth établissait le protestantisme en Angleterre, et qu'il devait renoncer à son union avec elle, il devint moins absolu sur ce point, et Élisabeth fut obligée de se relâcher de ses premières volontés à cet égard.

Le traité entre la France et l'Angleterre fut signé le premier ; il y fut stipulé que Henri resterait pendant huit ans en possession de Calais, et que, s'il ne rendait pas cette place à l'époque fixée, il paierait à l'Angleterre cinq cent mille couronnes. L'expédient que Montmorency trouva pour faciliter la paix entre la France et l'Espagne fut de négocier deux traités de mariage : l'un entre Élisabeth, fille aînée de Henri, et Philippe, qui supplanta l'infortuné don Carlos son fils, à qui cette princesse avait été promise dans les premières conférences de Cercamp ; l'autre entre Marguerite, sœur de Henri, et le duc de Savoie, auquel on rendit ses anciens États, à l'exception de quelques places qui restèrent aux Français. Les Français évacuèrent en outre leurs autres possessions en Italie et en Corse.

On vit ainsi la tranquillité renaître dans l'Europe. Les Français seuls se plaignirent des conditions inégales que le roi avait acceptées, entraîné par l'ascendant de Montmorency. Henri n'en ratifia pas moins le traité, et remplit avec la plus grande fidélité tous les engagements qu'il avait pris. Le duc de Savoie se rendit à Paris avec un cortège nombreux, pour y célébrer son mariage avec la sœur de Henri. Le duc d'Albe fut envoyé à la même cour, à la tête d'une superbe ambassade, pour épouser Élisabeth au nom de son maître. Ils furent reçus l'un et l'autre avec la plus grande magnificence. Au milieu des réjouissances et des fêtes qui se donnèrent à cette occasion, Henri perdit la vie par un événement extraordinaire et trop connu pour que nous le rappelions ici. François II, son fils, prince encore enfant, d'une constitution faible, d'un esprit plus faible encore, monta sur le trône. Bientôt après, Paul, âgé de quatre-vingt-neuf ans, mourut, le 18 août 1559 ; avant sa mort il avait condamné ses neveux à l'exil. La vie de ce pontife a été aussi réglée sur le trône que dans la congrégation dont il fut le fondateur. On vit ainsi disparaître, presque en même temps, tous les personnages qui avaient joué les rôles principaux sur le grand théâtre dû l'Europe. Une nouvelle période d'histoire s'ouvre à cette époque ; d'autres acteurs paraissent sur la scène, animés par d'autres vues et d'autres passions. De nouvelles querelles s'élèvent entre les princes, et de nouveaux plans d'ambition vont occuper et troubler le monde.

 

FIN DE L'OUVRAGE