LA VIE DE JÉSUS-CHRIST

 

CHAPITRE XXV.

Mort de Jésus.

 

Bien que le motif réel de la mort de Jésus fût tout religieux, ses ennemis avaient réussi, au prétoire, à le présenter comme coupable de crime d’État ; ils n’eussent pas obtenu du sceptique Pilate une condamnation pour cause d’hétérodoxie. Conséquents à cette idée, les prêtres firent demander pour Jésus, par la foule, le supplice de la croix. Ce supplice n’était pas juif d’origine ; si la condamnation de Jésus eût été purement mosaïque, on lui eût appliqué la lapidation[1]. La croix était un supplice romain, réservé pour les esclaves et pour les cas où l’on voulait ajouter à la mort l’aggravation de l’ignominie. En l’appliquant à Jésus, on le traitait comme les voleurs de grand chemin, les brigands, les bandits, ou comme ces ennemis de bas étage auxquels les Romains n’accordaient pas les honneurs de la mort par le glaive[2]. C’était le chimérique roi des Juifs, non le dogmatiste hétérodoxe, que l’on punissait. Par suite de la même idée, l’exécution dut être abandonnée aux Romains. On sait que, chez les Romains, les soldats, comme ayant pour métier de tuer, faisaient l’office de bourreaux. Jésus fut donc livré à une cohorte de troupes auxiliaires, et tout l’odieux des supplices introduits par les mœurs cruelles des nouveaux conquérants se déroula pour lui. Il était environ midi[3]. On le revêtit de ses habits qu’on lui avait ôtés pour la parade de la tribune, et comme la cohorte avait déjà en réserve deux voleurs qu’elle devait exécuter, on réunit les trois condamnés, et le cortège se mit en marche pour le lieu de l’exécution.

Ce lieu était un endroit nommé Golgotha, situé hors de Jérusalem, mais près des murs de la ville[4]. Le nom de Golgotha signifie crâne ; il correspond, ce semble, à notre mot Chaumont, et désignait probablement un tertre dénudé, ayant la forme d’un crâne chauve. On ne sait pas avec exactitude l’emplacement de ce tertre. Il était sûrement au nord ou au nord-ouest de la ville, dans la haute plaine inégale qui s’étend entre les murs et les deux vallées de Cédron et de Hinnom[5], région assez vulgaire, attristée encore par les fâcheux détails du voisinage d’une grande cité. Il est difficile de placer le Golgotha à l’endroit précis où, depuis Constantin, la chrétienté tout entière l’a vénéré[6]. Cet endroit est trop engagé dans l’intérieur de la ville, et on est porté à croire qu’à l’époque de Jésus il était compris dans l’enceinte des murs[7].

Le condamné à la croix devait porter lui-même l’instrument de son supplice[8]. Mais Jésus, plus faible de corps que ses deux compagnons, ne put porter la sienne. L’escouade rencontra un certain Simon de Cyrène, qui revenait de la campagne, et les soldats, avec les brusques procédés des garnisons étrangères, le forcèrent de porter l’arbre fatal. Peut-être usaient-ils en cela d’un droit de corvée reconnu, les Romains ne pouvant se charger eux-mêmes du bois infâme. Il semble que Simon fut plus tard de la communauté chrétienne. Ses deux fils, Alexandre et Rufus[9], y étaient fort connus. Il raconta peut-être plus d’une circonstance dont il avait été témoin. Aucun disciple n’était à ce moment auprès de Jésus[10].

On arriva enfin à la place des exécutions. Selon l’usage juif, on offrit à boire aux patients un vin fortement aromatisé, boisson enivrante, que par un sentiment de pitié on donnait au condamné pour l’étourdir[11]. Il paraît que souvent les dames de Jérusalem apportaient elles-mêmes aux infortunés qu’on menait au supplice ce vin de la dernière heure ; quand aucune d’elles ne se présentait, on l’achetait sur les fonds de la caisse publique[12]. Jésus, après avoir effleuré le vase du bout des lèvres, refusa de boire[13]. Ce triste soulagement des condamnés vulgaires n’allait pas à sa haute nature. Il préféra quitter la vie dans la parfaite clarté de son esprit, et attendre avec une pleine conscience la mort qu’il avait voulue et appelée. On le dépouilla alors de ses vêtements[14], et on l’attacha à la croix. La croix se composait de deux poutres liées en forme de T[15]. Elle était peu élevée, si bien que les pieds du condamné touchaient presque à terre. On commençait par la dresser[16] ; puis on y attachait le patient, en lui enfonçant des clous dans les mains ; les pieds étaient souvent cloués, quelquefois seulement liés avec des cordes[17]. Un bulot de bois, sorte d’antenne, était attaché au fût de la croix, vers le milieu, et passait entre les jambes du condamné, qui s’appuyait dessus[18]. Sans cela les mains se fussent déchirées et le corps se fût affaissé. D’autres fois, une tablette horizontale était fixée à la hauteur des pieds et les soutenait[19].

Jésus savoura ces horreurs dans toute leur atrocité. Une soif brûlante, l’une des tortures du crucifiement[20], le dévorait. Il demanda à boire. Il y avait près de là un vase plein de la boisson ordinaire des soldats romains, mélange de vinaigre et d’eau, appelé posca. Les soldats devaient porter avec eux leur posca dans toutes les expéditions[21], au nombre desquelles une exécution était comptée. Un soldat trempa une éponge dans ce breuvage, la mit au bout d’un roseau, et la porta aux lèvres de Jésus, qui la suça[22]. Les deux voleurs étaient crucifiés à ses côtés. Les exécuteurs, auxquels on abandonnait d’ordinaire les menues dépouilles (pannicularia) des suppliciés[23], tirèrent au sort ses vêtements, et, assis au pied de la croix, le gardaient[24]. Selon une tradition, Jésus aurait prononcé cette parole, qui fut dans son cœur, sinon sur ses lèvres : Père, pardonne-leur ; ils ne savent ce qu’ils font[25].

Un écriteau, suivant la coutume romaine, était attaché au haut de la croix ; portant en trois langues, en hébreu, en grec et en latin : LE ROI DES JUIFS. Il y avait dans cette rédaction quelque chose de pénible et d’injurieux pour la nation. Les nombreux passants qui la lurent en furent blessés. Les prêtres firent observer à Pilate qu’il eût fallu adopter une rédaction qui impliquât seulement que Jésus s’était dit roi des Juifs. Mais Pilate, déjà impatienté de cette affaire, refusa de rien changer à ce qui était écrit[26].

Ses disciples avaient fui. Jean néanmoins déclare avoir été présent et être resté constamment debout au pied de la croix[27]. On peut affirmer avec plus de certitude que les fidèles amies de Galilée, qui avaient suivi Jésus à Jérusalem, et continuaient à le servir, ne l’abandonnèrent pas. Marie Cléophas, Marie de Magdala, Jeanne, femme de Khouza, Salomé, d’autres encore ; se tenaient à une certaine distance[28] et ne le quittaient pas des yeux[29]. S’il fallait en croire Jean[30], Marie, mère de Jésus, eût été aussi au pied de la croix, et Jésus, voyant réunis sa mère et son disciple chéri, eût dit à l’un : Voilà ta mère, à l’autre : Voilà ton fils. Mais on ne comprendrait pas comment les évangélistes synoptiques, qui nomment les autres femmes, eussent omis celle dont la présence était un trait si frappant. Peut-être même la hauteur extrême du caractère de Jésus ne rend-elle pas un tel attendrissement personnel vraisemblable, au moment où, uniquement préoccupé de son œuvre, il n’existait plus que pour l’humanité[31].

A part ce petit groupe de femmes, qui de loin consolaient ses regards, Jésus n’avait devant lui que le spectacle de la bassesse humaine ou de sa stupidité. Les passants l’insultaient. Il entendait autour de lui de sottes railleries et ses cris suprêmes de douleur tournés en odieux jeux de mots : Ah ! le voilà, disait-on, celui qui s’est appelé Fils de Dieu ! Que son père, s’il veut, vienne maintenant le délivrer !Il a sauvé les autres, murmurait-on encore, et il ne peut se sauver lui-même. S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croyons en lui !Eh bien ! disait un troisième, toi qui détruis le temple de Dieu, et le rebâtis en trois jours, sauve-toi, voyons ![32] — Quelques-uns, vaguement au courant de ses idées apocalyptiques, crurent l’entendre appeler Élie, et dirent : Voyons si Élie viendra le délivrer. Il paraît que les deux voleurs crucifiés à ses côtés l’insultaient aussi[33]. Le ciel était sombre[34] ; la terre, comme dans tous les environs de Jérusalem, sèche et morne. Un moment, selon certains récits, le cœur lui défaillit ; un nuage lui cacha la face de son Père ; il eut une agonie de désespoir, plus cuisante mille fois que tous les tourments. Il ne vit que l’ingratitude des hommes ; il se repentit peut-être de souffrir pour une race vile, et il s’écria : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Mais son instinct divin l’emporta encore. A mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. Il retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis.

L’atrocité particulière du supplice de la croix était qu’on pouvait vivre trois et quatre jours dans cet horrible état sur l’escabeau de douleur[35]. L’hémorragie des mains s’arrêtait vite et n’était pas mortelle. La vraie cause de la mort était la position contre nature du corps, laquelle entraînait un trouble affreux dans la circulation, de terribles maux de tête et de cœur, et enfin la rigidité des membres. Les crucifiés de forte complexion ne mouraient que de faim[36]. L’idée mère de ce cruel supplice n’était pas de tuer directement le condamné par des lésions déterminées, mais d’exposer l’esclave, cloué par les mains dont il n’avait pas su faire bon usage, et de le laisser pourrir sur le bois. L’organisation délicate de Jésus le préserva de cette lente agonie. Tout porte à croire que la rupture instantanée d’un vaisseau au cœur amena pour lui, au bout de trois heures, une mort subite. Quelques moments avant de rendre l’âme, il avait encore la voix forte[37]. Tout à coup, il poussa un cri terrible[38], où les uns entendirent : O Père, je remets mon esprit entre tes mains ! et que les autres, plus préoccupés de l’accomplissement des prophéties, rendirent par ces mots : Tout est consommé ! Sa tête s’inclina sur sa poitrine, et il expira.

Repose maintenant dans ta gloire, noble initiateur. Ton œuvre est achevée ; ta divinité est fondée. Ne crains plus de voir crouler par une faute l’édifice de tes efforts. Désormais hors des atteintes de la fragilité, tu assisteras, du haut de la paix divine, aux conséquences infinies de tes actes. Au prix de quelques heures de souffrance, qui n’ont pas même atteint ta grande âme, tu as acheté la plus complète immortalité. Pour des milliers d’années, le monde va relever de toi ! Drapeau de nos contradictions, tu seras le signe autour duquel se livrera la plus ardente bataille. Mille fois plus vivant, mille fois plus aimé depuis ta mort que durant les jours de ton passage ici-bas, tu deviendras à tel point la pierre angulaire de l’humanité qu’arracher ton nom de ce monde serait l’ébranler jusqu’aux fondements. Entre toi et Dieu on ne distinguera plus. Pleinement vainqueur de la mort, prends possession de ton royaume, où te suivront, par la voie royale que tu as tracée, des siècles d’adorateurs.

 

 

 



[1] Josèphe, Ant., XX, IX, 4. Le Talmud, qui présente la condamnation de Jésus comme toute religieuse, prétend, en effet, qu’il fut lapidé, ou du moins, qu’après avoir été pendu, il fut lapidé, comme cela arrivait souvent (Mischna, Sanhédrin, VI, 4). Talmud de Jérusalem, Sanhédrin, XIV, 16 — Talmud de Babylone, même traité, 43 a, 67 a.

[2] Josèphe, Ant., XVII, X, 10 ; XX, VI, 2 ; B. J., V, XI, 1 — Apulée, Métamorphoses, III, 9 — Suétone, Galba, 9 — Lampride, Alexandre Sévère, 23.

[3] Jean, XIX, 14. D’après Marc, XV, 25, il n’eût guère été que huit heures du matin, puisque, selon cet évangéliste, Jésus fut crucifié à neuf heures.

[4] Matth., XXVII, 33 — Marc, XV, 22 — Jean, XIX, 20 — Episl. ad Hebr., XIII, 12.

[5] Golgotha, en effet, semble n’être pas sans rapport avec la colline de Gareb et la localité de Goath, mentionnées dans Jérémie, XXXI, 39. Or, ces deux endroits paraissent avoir été au nord-ouest de la ville. J’inclinerais à placer le lieu où Jésus fut crucifié près de l’angle extrême que fait le mur actuel vers l’ouest, ou bien sur les buttes qui dominent la vallée de Hinnom, au-dessus de Birket-Mamilla.

[6] Les preuves par lesquelles on a essayé d’établir que le Saint Sépulcre a été déplacé depuis Constantin manquent de solidité.

[7] M. de Vogüé a découvert, à 76 mètres à l’est de l’emplacement traditionnel du Calvaire, un pan de mur judaïque analogue à celui d’Hébron, qui, s’il appartient à l’enceinte du temps de Jésus, laisserait ledit emplacement traditionnel en dehors de la ville. L’existence d’un caveau sépulcral (celui qu’on appelle « Tombeau de Joseph d’Arimathie ») sous le mur de la coupole du Saint-Sépulcre porterait aussi à supposer que cet endroit était hors des murs. Deux considérations historiques, dont l’une est assez forte, peuvent d’ailleurs être invoquées en faveur de la tradition. La première, c’est qu’il serait singulier que ceux qui cherchèrent à fixer sous Constantin la topographie évangélique, ne se fussent pas arrêtés devant l’objection qui résulte de Jean, XIX, 20 et de Hébreux, XIII, 12. Comment, libres dans leur choix, se fussent-ils exposés de gaîté de cœur à une si grave difficulté ? La seconde considération, c’est qu’on pouvait avoir, pour se guider, du temps de Constantin, les restes d’un édifice, le temple de Vénus sur le Golgotha, élevé par Adrien. On est donc par moments porté à croire que l’œuvre des topographes dévots du temps de Constantin eut quelque chose de sérieux, qu’ils cherchèrent des indices et que, bien qu’ils ne se refusassent pas certaines fraudes pieuses, ils se guidèrent par des analogies. S’ils n’eussent suivi qu’un vain caprice, ils eussent placé le Golgotha à un endroit plus apparent, au sommet de quelqu’un des mamelons voisins de Jérusalem, pour suivre l’imagination chrétienne, qui de très bonne heure voulut que la mort du Christ eût eu lieu sur une montagne. Mais la difficulté des enceintes est très grave. Ajoutons que l’érection du temple de Vénus sur le Golgotha prouve peu de chose. Eusèbe (Vita Const., III, 26), Socrate (H. E., I, 47), Sozomène (H. E., II, 1), S. Jérôme (Episl. XLIX, ad Paulin.), disent bien qu’il y avait un sanctuaire de Vénus sur l’emplacement qu’ils croient être celui du saint tombeau ; mais il n’est pas sûr : 1° qu’Adrien l’ait élevé ; 2° qu’il l’ait élevé sur un endroit qui s’appelait de son temps « Golgotha » ; 3° qu’il ait eu l’intention de l’élever à la place où Jésus souffrit la mort.

[8] Plutarque, De sera num. vind., 49 — Artémidore, Onirocrit., II, 56.

[9] Marc, XV, 21.

[10] La circonstance Luc, XXIII, 27-31 est de celles où l’on sent le travail d’une imagination pieuse et attendrie. Les paroles qu’on y prête à Jésus n’ont pu être écrites qu’après le siége de Jérusalem.

[11] Talmud de Babylone, Sanhédrin, fol. 43 a. Comparez Proverbes, XXI, 6.

[12] Talmud de Babylone, Sanhédrin, l. c.

[13] Marc, XV, 23. Matth., XXVII, 34, fausse ce détail, pour obtenir une allusion messianique à Psaumes, LXIX, 22.

[14] Matth., XXVII, 35 — Marc, XV, 24 — Jean, XIX, 23. Cf. Artémidore, Onirocrit, II, 53.

[15] Lucien, Jud. voc., 12. Comparez le crucifix grotesque tracé à Rome sur un mur du mont Palatin. Civiltà cattolica, fasc. CLXI, p. 529 et suiv.

[16] Josèphe, B. J., VII, VI, 4 — Cicéron, in Verr., V, 66 — Xénopb. Ephes., Ephesiaca, IV, 2.

[17] Luc, XXIV, 39 — Jean, XX, 25-27; Plaute, Mostellaria, II, I, 13 — Lucain, Phars., VI, 543 et suiv., 547 — Justin, Dial. cum Tryph., 97 — Tertullien, Adv. Marcionem, III, 19.

[18] Irénée, Adv. hœr., II, 24; Justin, Dial. cum Tryph., 94.

[19] Voir le graffito précité.

[20] Voir le texte arabe publié par Kosegarten, Chrest. arab., p. 64.

[21] Spartien, Vie d’Adrien, 10 — Vulcatius Gallicanus, Vie d’Avidius Cassius, 5.

[22] Matth., XXVII, 48 — Marc, XV, 36 — Luc, XXIII, 36 — Jean, XIX, 28-30.

[23] Dig., XLVII, XX, De bonis damnat., 6. Adrien limita cet usage.

[24] Matth., XXVII, 36. Cf. Pétrone, Satiricon, CXI, CXII.

[25] Luc, XXIII 34. En général les dernières paroles prêtées à Jésus, surtout telles que Luc les rapporte, prêtent au doute. L’intention d’édifier ou de montrer l’accomplissement des prophéties s’y fait sentir. Dans ces cas d’ailleurs, chacun entend à sa guise. Les dernières paroles des condamnés célèbres sont toujours recueillies de deux ou trois façons complètement différentes par les témoins les plus rapprochés.

[26] Jean, XIX, 19-22.

[27] Jean, XIX, 25 et suiv.

[28] Les synoptiques sont d’accord pour placer le groupe fidèle loin, de la croix. Jean dit : « à côté », dominé par le désir qu’il a de s’être approché très près de la croix de Jésus.

[29] Matth., XXVII, 55-56 — Marc, XV, 40-44 — Luc, XXIII, 49, 55 ; XXIV, 10 — Jean, XIX, 25. Cf. Luc, XXIII, 27-31.

[30] Jean, XIX, 25 et suiv. Luc, toujours intermédiaire entre les deux premiers synoptiques et Jean, place aussi, mais à distance, « tous ses amis » (XXIII, 49). L’expression gnvstoÛ peut, il est vrai, convenir aux « parents ». Luc cependant (II, 44) distingue les gnvstoÛ des soggeneÝz. Ajoutons que les meilleurs manuscrits portent oÜ gnvstoÛ aætÒ et non oÜ gnvstoÛ aætoè. Dans les Actes (I, 14), Marie, mère de Jésus, est mise aussi en compagnie des femmes galiléennes ; ailleurs (Évang., Il, 35), Luc lui prédît qu’un glaive de douleur lui percera le cœur. Mais on s’explique d’autant moins qu’il l’omette à la croix.

[31] C’est là, selon moi, un de ces traits où se trahissent la personnalité de Jean et le désir qu’il a de se donner de l’importance. Jean, après la mort de Jésus, paraît en effet avoir recueilli la mère de son maître, et l’avoir comme adoptée (Jean, XIX, 27). La grande considération dont jouit Marie dans l’église naissante le porta sans doute à prétendre que Jésus, dont il voulait se donner pour le disciple favori, lui avait recommandé en mourant ce qu’il avait de plus cher. La présence auprès de lui de ce précieux dépôt lui assurait sur les autres apôtres une sorte de préséance, et donnait à sa doctrine une haute autorité.

[32] Matth., XXVII, 40 et suiv. — Marc, XV, 29 et suiv.

[33] Matth., XXVII, 44 — Marc, XV, 32. Luc, suivant son goût pour la conversion des pêcheurs, a ici modifié la tradition.

[34] Matth., XXVII, 45 — Marc, XV, 33 — Luc, XXIII, 44.

[35] Pétrone, Satiricon, CXI et suiv. — Origène, In Matth. Comment. series, 140 — texte arabe publié dans Kosegarten, op. cit., p. 63 et suiv.

[36] Eusèbe, Hist. eccl., VIII, 8.

[37] Matth., XXVII, 46 — Marc, XV, 34.

[38] Matth., XXVII, 50 — Marc, XV, 37 — Luc, XXIII, 46 — Jean, XIX, 30.