HISTOIRE DU PEUPLE D’ISRAËL

TOME QUATRIÈME

LIVRE IX. — AUTONOMIE JUIVE

CHAPITRE IX. — LA SIBYLLE JUIVE.

 

 

Vingt ou vingt-cinq ans après Daniel, parut à Alexandrie un poème juif, où l'influence de l'Apocalypse palestinienne était sensible pour le fond des idées, mais où la forme présentait une véritable originalité. Au lieu de prendre pour garant un personnage célèbre de l'Ancien Testament, l'auteur avait recours cette fois à un tout autre ordre de fiction. Ce fut la Sibylle même, la prophétesse perpétuelle du monde païen qu'il fit parler[1]. On sait quelle autorité ces vierges fatidiques s'étaient créée dans le monde grec et latin. Les sibylles devaient s'offrir d'elles-mêmes à l'esprit de faussaires en quête d'autorités incontestées sous le couvert desquelles ils pussent présenter aux Grecs les idées qui leur étaient chères. Il courait déjà dans le public des petits poèmes, prétendus cuméens, érythréens, pleins de menaces, annonçant aux différents pays des catastrophes. Ces dictons, dont l'effet était grand sur les imaginations, surtout lorsque des coïncidences fortuites semblaient les justifier, étaient conçus dans le vieil hexamètre épique, en une langue qui affectait de ressembler à celle d'Homère. Les faussaires juifs adoptèrent le même rythme, et, pour mieux faire illusion à des gens crédules, semèrent dans leur texte quelques-unes de ces prédictions que l'on croyait venir des prophétesses de la haute antiquité[2].

Cette forme de prophétie eut un succès extraordinaire. Une des règles du genre apocalyptique est l'attribution de l'ouvrage à quelque célébrité des siècles anciens. L'apocalyptisme palestinien eut son succès par les noms réels ou fictifs de Daniel, Hénoch, Moïse, Salomon, Baruch, Esdras. La forme de l'apocalyptisme alexandrin fut le sibyllisme. Quand un Juif ami du bien et du vrai, dans cette école tolérante et sympathique qui concevait un judaïsme sans circoncision ni sabbat, voulait adresser aux païens des avertissements, des conseils, il faisait parler une des prophétesses du monde païen, pour donner à ses prédications une force qu'elles n'auraient pas eue sans cela. Il prenait le ton des oracles érythréens, s'efforçait d'imiter le style traditionnel de la poésie prophétique des Grecs, s'emparait de quelques-unes de ces menaces qui faisaient beaucoup d'impression sur le peuple, et encadrait le tout dans des prédications pieuses. Répétons-le, de telles fraudes à bonne intention n'arrêtaient alors personne. On avait vu, dans l'intérêt des idées pieuses, s'établir une fabrique de faux classiques, où l'on mettait dans la bouche des auteurs grecs les maximes qu'on désirait inculquer ; la sibylle couvrit la même propagande. Ce genre de littérature répondait si bien aux besoins du temps que les chrétiens le continuèrent par des écrits formant une chaîne sans interruption jusqu'au VIe siècle. Une partie des produits de cette littérature bizarre nous est parvenue dans la collection en quatorze livres qu'on suppose avoir été formée et close du temps de Justinien.

Le caractère de cette littérature est celui de la littérature alexandrine en général. La forme est artificielle, tout imitée de l'antiquité classique. Le vers est fait avec une désolante facilité. C'est de la rhétorique, mais de la rhétorique sincère, n'excluant pas, à. certains moments, une véritable éloquence. La façon hachée et sans suite dont les laisses de vers se succèdent a quelque chose qui surprend et fait d'abord songer à une compilation. Mais c'est un artifice de l'auteur pour donner de la vraisemblance à sa fraude. Cette apparence saccadée était celle de tous les recueils érythréens. Les oracles étaient juxtaposés sans ordre ; il faut avouer qu'un tel style favorisait beaucoup le désir qu'on pouvait avoir de mêler les recueils, de faire des additions, des interpolations.

C'est vers l'an 140 avant Jésus-Christ[3] que fut composé le plus ancien et le plus important de ces poèmes singuliers[4], où le génie prophétique d'Israël trouvait sa dernière forme. La sibylle Érythrée fut celle que l'auteur choisit[5] pour adresser au vieux monde ses reproches et ses menaces. Le fond du livre était, comme dans Daniel, comme dans Hénoch, une histoire universelle, dont le peuple juif était le centre. L'histoire sainte de notre auteur était une sorte de pendant en vers d'Eupolème ou d'Artapan, composée, selon le goût du temps, d'un mélange bizarre de la Bible et des fables grecques[6] Les Titans et les Cronides s'y associaient aux mythes de Babel. Daniel est ici l'inspirateur de notre poète. La succession des empires est pour lui la même que pour le voyant palestinien[7]. Aux quatre empires, il pouvait ajouter celui des Romains[8], qu'il trouve terrible, destructeur, rapace, oppresseur. De tous les empires, ç'a été le plus dur, le plus inique, le plus impie[9]. Son faste, ses mœurs abominables, les vices qu'il a répandus, ses lupanars de jeunes garçons ont été la souillure du monde. Le peuple de Dieu finira par régner ; il sera pour tous les mortels le conducteur de la vie. Le jugement de Dieu sur les païens s'exercera par le sang, par le feu[10].

Cette sibylle juive a sûrement les idées les plus morales, les plus pures, les plus élevées. Elle apostrophe la Grèce comme une sœur égarée[11]. Elle l'aime ; tout le mal vient de l'idolâtrie, funeste invention de quelques rois pervers, très anciens. Le monothéisme était à l'origine ; il est primitif.

Ô Grèce, pourquoi as-tu mis ta confiance en des hommes, en des princes mortels[12], qui ne peuvent échapper à la fatalité de la mort ? Pourquoi offres-tu de vains présents à des morts, et sacrifies-tu à des idoles ? Qui t'a mis cette erreur dans l'esprit ? Qui t'a portée à cet attentat de quitter la face du Grand Dieu ? Ah ! plutôt révère le nom du Père de toute chose ; que ce nom ne te soit plus inconnu ! Il y a quinze cents ans que régnèrent sur les Grecs des rois superbes, qui introduisirent parmi les mortels les premiers maux, les corrompirent par le culte de nombreuses idoles de dieux ayant subi la mort, et vous remplirent ainsi l'esprit de choses vaines. Mais, quand la colère du Grand Dieu s'appesantira sur vous, alors vous reconnaîtrez la face du Grand Dieu. Toutes les âmes humaines, avec de grands gémissements, levant leurs mains vers le vaste ciel, commenceront à invoquer le Grand Roi et sa protection, et à chercher qui pourra les délivrer de sa grand colère.

Eh bien ! apprends ceci et grave dans ton esprit tous les maux qui surviendront dans le cours des années. Quand la Grèce, qui a offert vainement en sacrifice les bœufs et les taureaux mugissants, offrira en holocauste ses victimes au temple du Grand Dieu, elle évitera les malheurs de la guerre, la terreur et la peste, elle secouera de nouveau le joug de la servitude.

Le judaïsme est la lampe sacrée qui conservera dans le monde la lumière de la vérité.

Soumis aux volontés et aux desseins du Très Haut[13] ces hommes pieux honorent le temple du Grand Dieu par des libations, des viandes brûlées, de saintes hécatombes, des sacrifices de taureaux surnourris... Vivant dans la justice et dans l'observance de la loi du Très Haut, ils habiteront, parfaitement heureux, leurs villes et leurs grasses campagnes[14]. Exaltés par l'Immortel, devenus prophètes du genre humain[15], ils lui apporteront une grande joie. A eux seuls le Grand Dieu a donné la sagesse, la foi et de bonnes pensées du cœur. Préservés de vaines erreurs, ils ne révèrent point des simulacres de dieux, ouvrages fabriqués par les hommes, avec l'or, l'airain, l'argent, l'ivoire, le bois, la pierre, l'argile, ouvrages peints de vermillon, représentant des formes d'animaux et tout ce que les mortels, dans leur fol égarement, adorent. Mais ils lèvent vers le ciel leurs mains pures, que le matin, au sortir de leur lit, ils purifient dans l'eau ; ils honorent Dieu, toujours grand et immortel, et ensuite leurs parents ; en outre, plus que tous les hommes, ils se souviennent de la sainteté du lit nuptial. Ils ne se livrent pas à un impur commerce avec de jeunes garçons, comme les Phéniciens, les Égyptiens, les Latins, les Grecs, les Perses, les Galates, tous les Asiatiques enfin, qui violent et transgressent les chastes lois du Dieu immortel.

A cause de cela, l'Immortel enverra à tons les mortels des malheurs, la famine, les douleurs, les gémissements, la guerre, la peste et les souffrances qui font verser des larmes. Car ils n'ont pas voulu honorer saintement le Père immortel de tous les hommes ; ils ont honoré des idoles et vénéré les ouvrages de leurs propres mains. Les mortels eux-mêmes les renverseront ces idoles, et, par honte, les cacheront dans les fentes des rochers, lorsqu'un nouveau roi d'Égypte régnera sur ce pays — ce sera le septième de la dynastie grecque fondée par les Macédoniens, hommes vaillants[16] —, et que viendra d'Asie un grand roi, aigle ardent, qui couvrira toute la terre de fantassins et de cavaliers, brisera tout, remplira tout de maux, et renversera le royaume d'Égypte, puis, ayant pris toutes les richesses, s'éloignera sur les vastes plaines de la mer[17].

Alors devant le Grand Dieu, le Roi Immortel, ils fléchiront le genou sur la terre fertile ; les ouvrages fabriqués de main d'homme seront la proie du feu. Et alors Dieu donnera aux hommes une grande félicité ; car la terre, les arbres, les immenses troupeaux de brebis fourniront aux hommes des fruits véritables, du vin, du miel doux, du lait blanc et du froment, qui est la meilleure de toutes les nourritures pour les mortels...

L'auteur croit donc, comme l'auteur du livre de Daniel et tous les faiseurs d'apocalypses, que le but final de l'évolution humanitaire est à la veille de se réaliser. La conversion du monde au judaïsme et la fin de l'idolâtrie vont avoir lieu dans quelques années. La guerre, le plus grand des maux, pour celui qui ne croit pas à l'immortalité de l'âme, disparaîtra du monde.

Et alors Dieu enverra de l'Orient un roi qui fera cesser sur toute la terre la guerre funeste ; [des fauteurs de guerre] il tuera les uns et imposera aux autres des traités de paix. Il ne fera point tout cela de son propre dessein, mais pour obéir aux ordres sages du Grand Dieu. Et le peuple du Grand Dieu sera comblé de magnificences et de richesses, d'or, d'argent et de pourpre ; la terre fertile et la mer seront remplies de biens...

De nouveau[18], les fils du Grand Dieu vivront paisiblement autour du temple, se réjouissant des dons du Créateur, du juste juge, du Monarque, qui seul les défendra, les environnant d'un feu brûlant comme d'un mur. Ils seront à l'abri de la guerre dans les villes et dans les campagnes. La main de la guerre funeste ne pèsera plus sur eux. L'Immortel combattra pour eux ; le bras du Saint les couvrira. Et alors toutes les îles et les villes diront : c Combien l'Immortel aime ces hommes 1 en toute occasion il combat avec eux et leur vient en aide, ainsi que le ciel, la lune et le divin soleil.,

Et de leurs bouches sortiront de doux chants : c Venez, tombons tous à terre, prions le Roi immortel, le Dieu Grand et Très Haut. Envoyons des offrandes à son temple, puisqu'il est l'unique souverain. Tous, proclamons la loi du Dieu Très Haut, qui est de toutes les lois de la terre la plus juste. Nous nous étions égarés loin du sentier de l'Immortel, et, dans notre folie, nous adorions des images en bois, fabriquées par nos mains, les images d'hommes morts.,

Les âmes des hommes devenus fidèles s'écrieront :

Venez ! avec le peuple de Dieu, tombons sur notre face ; célébrons par des chants le Dieu créateur dans nos maisons. Pendant sept ans, parcourons la terre pour ramasser les armes meurtrières, les boucliers, les javelots, les casques, les flèches, les traits homicides : faisons-en un feu de joie ; pendant sept ans, on ne coupera plus de bois de chêne dans les forêts pour alimenter la flamme du feu.

Parfois l'auteur se défie de ses illusions, et tâche d'effrayer cette Grèce, qu'il voit si hostile à Israël et qu'il désespère de gagner.

Ah ! Grèce infortunée[19], dépose tes pensées d'orgueil. Si tu as souci de toi-même, prie l'Immortel ait grand cœur. Envoie dans cette ville[20] le peuple irrésolu[21] qui est originaire de la grande terre sainte. N'agite pas Camarina : mieux vaut que Camarina ne soit pas agitée. Ne tire point le léopard de son repos, de peur de t'attirer quelque malheur. Modère-toi ; ne garde pas dans ton sein l'audace orgueilleuse et cruelle qui te pousse à cette lutte terrible. Sers le Grand Dieu, afin d'avoir part avec eux[22], quand viendra le jour redoutable du jugement.

Ce jugement de Dieu est toujours conçu comme précédé de fléaux effroyables[23].

Du Ciel tomberont sur la terre des glaives de feu[24], des torches immenses tomberont aussi et flamboieront au milieu des hommes. La terre, la grande mère de tout, sera, dans ces jours, secouée par la main de l'immortel. Les poissons de la mer, toutes les bêtes de la terre, les familles innombrables des oiseaux, toutes les âmes des hommes, toutes les mers frissonneront devant la face de l'Immortel ; ce sera une terreur. L'Immortel brisera les sommets escarpés et les hauteurs des montagnes, et le noir Érèhe apparaîtra à tous les regards. Au haut des airs, les grottes dans les montagnes élevées seront pleines de cadavres ; les rochers dégoutteront de sang et formeront des torrents qui inonderont la plaine. Les remparts solidement construits tomberont tous à terre ; les hommes infortunés resteront sans défense, parce qu'ils ont méconnu la loi et le jugement du Grand Dieu, et parce que, dans votre égarement, vous vous êtes tous précipités, brandissant vos lances, contre le saint Lieu[25]. Et Dieu les jugera tous par la guerre, par le glaive, par le feu, par une pluie diluvienne. On verra tomber du ciel du soufre, des pierres et une grêle terrible. La mort sera sur tous les quadrupèdes. Et alors les hommes reconnaîtront le Dieu immortel, qui accomplit ces choses. La plainte et la clameur des mourants s'élèveront de la terre immense ; puis tous, muets, resteront étendus, baignés dans le sang. Et la terre boira le sang des hommes ; les bêtes féroces se rassasieront de leurs chairs.

Puis vient l'ère du bonheur parfait. La sibylle ici ne fait guère que copier le second Isaïe.

La terre, qui produit tout[26], donnera aux mortels d'excellents fruits, du froment, du vin et de l'huile. Du ciel coulera le doux breuvage d'un miel exquis ; les arbres prodigueront leurs fruits ; les gras troupeaux de bœufs, de brebis et de chèvres se multiplieront à l'infini. L'immortel fera jaillir des sources délicieuses de lait blanc comme la neige. Les villes regorgeront de biens ; les champs seront fertiles. Plus de glaive, plus de tumulte sur la terre ; plus de ces secousses profondes qui ébranlent le sol gémissant ; plus de guerre, plus de sécheresse, plus de famine, plus de grêle malfaisante et meurtrière pour les fruits. Une grande paix régnera sur toute la terre ; les rois garderont invariablement leurs traités ; l'Immortel dans le ciel étoilé donnera aux hommes par toute la terre une loi commune, qui enseignera ce qu'il faut faire aux infortunés mortels...

Et alors surgira un royaume[27], qui durera éternellement et s'étendra sur l'humanité entière. Celui qui a donné aux hommes pieux une loi sainte, a promis de leur ouvrir la terre, le monde, les portes des bienheureux, toutes les délices, l'esprit immortel et l'éternelle félicité. De toute la terre, on portera de l'encens et des présents à la maison du Grand Dieu ; et il n'y aura pas d'autre maison à vénérer pour les générations à venir que celle que Dieu a proposée au respect des hommes fidèles. Les mortels l'appelleront le Temple du Grand Dieu[28].

Tous les sentiers de la plaine, les rochers escarpés, les hautes montagnes, les flots furieux de la mer seront faciles à parcourir dans ces jours. Une paix et une félicité profondes régneront sur la terre. Les prophètes du Grand Dieu supprimeront le glaive ; car ils seront les juges et les rois équitables des mortels. Il y aura parmi les hommes des richesses qui ne seront pas acquises par l'injustice[29]. Ce sera la judicature et la magistrature du Grand Dieu.

Réjouis-toi, jeune fille[30], tressaille d'allégresse ; c'est une félicité éternelle que t'assure Celui qui a créé le ciel et la terre. Il habitera en toi ; à toi appartiendra l'immortelle lumière. Les loups mêlés aux agneaux mangent l'herbe sur les montagnes ; les léopards et les chevreaux paîtront ensemble ; les ours vagabonds seront parqués avec les génisses. Le lion carnassier mange la paille de la crèche comme le bœuf ; et de tendres enfants les conduisent enchaînés. La hèle féroce rampera inoffensive sur le sol. Les dragons dormiront avec les enfants sans leur nuire : car la main de Dieu sera sur eux[31].

Je te dirai un signe évident[32] qui te fera connaître quand la fin de toutes choses doit arriver sur la terre. Lorsque, dans le ciel étoilé des nuits, on verra des glaives, après le soir ou avant l'aurore ; lorsque des pluies de poussière fondront du ciel sur toute la terre ; lorsque, la clarté du soleil s'éteignant à midi dans le firmament, les rayons de la lune apparaîtront, et, revenant en arrière, éclaireront la terre ; lorsque se produira le signe des rochers suant des gouttes de sang ; quand vous verrez dans les nuages un combat de fantassins et de cavaliers[33], et dans l'air des vapeurs pareilles à la représentation d'une chasse de bêtes féroces ; c'est qu'alors le Dieu qui habite le ciel va mettre fin à la guerre. Mais il faut auparavant que tous les hommes sacrifient au Grand Roi.

 

 

 



[1] La sibylle dite juive, chaldéenne, persane, babylonienne, égyptienne, appelée Sabba ou Sabbatha, fille de Bérose et d'Erymanthe (?) (Pausanias, X, XII, 9 ; Suidas, au mot Σίβυλλα ; Cohort. ad gentes, ch. 17 ; Moise de Khorène) reste une énigme. Toutes ces données paraissent provenir de Polyhistor. Peut-être se rapportent-elles à un prologue aujourd'hui perdu. Voir Alexandre, Carm. sib., 2e édit., p. 16, note.

[2] Par exemple, III, 97-161, 433-488.

[3] La date du poème susdit résulte des faits suivants : 1° il est postérieur au livre de Daniel (cf. v. 388-400), à la ruine de Carthage et de Corinthe (146 av. J.-C.) ; 2° en trois endroits (v. 191-193, 316-318, 608-610) le poème se donne comme écrit sous le règne du 7e Ptolémée, c'est-à-dire Ptolémée Physcon (145-117). Les particularités du passage 388-400, selon l'explication de M. Hilgenfeld, iraient à une précision plus grande encore. Polyhistor connut le poème de l'an 140 (Eusèbe, Chron., éd. Schœne, I, 23).

[4] Le poème sibyllin de l'an 140 à peu près se compose essentiellement du livre III, moins les quatre-vingt-seize premiers vers et les onze derniers. Dans le détail, beaucoup d'intercalations plus modernes ont pu être pratiquées. Plusieurs critiques attribuent aux vers 295-488 une origine chrétienne ; cette opinion est erronée ; les mêmes particularités se remarquent dans toutes les parties du livre III, sauf les vers 1-96 et 818-828. On considère souvent le proœmium conservé par Théophile d'Antioche comme la préface de l'ouvrage. L'eschatologie du livre, bien plus avancée que celle du poème de 140, ne permet pas d'admettre cette opinion. Voir ci-après, p. 340, note 1. Si le proœmium eût été la préface du IIIe livre, on ne comprend pas pourquoi il ne serait pas dans la collection. Ce proœmium est bien un commencement ; mais ce n'est pas le commencement du poème de l'an 140.

[5] Lactance, Inst. div., IV, VI, 5, 13 ; VII, 19. Cf. Schürer, II, p. 800, note 71.

[6] Carm. sib., III, 105 et suiv. Comparez livres I et II ; Josèphe, Ant., I, IV, 3 ; Eusèbe, Chron., Schœne, I, 23.

[7] Carm. sib., III, 165 et suiv.

[8] III, 175 et suiv.

[9] Comparez l'Apocalypse d'Esdras. Origines du christianisme, V, 368.

[10] III, 286, 287, 670 et suiv.

[11] Carm. sib., III, 545 et suiv.

[12] L'auteur juif, pleinement évhémériste, croit que les dieux sont d'anciens rois divinisés. Voir Mém. sur Sanchoniathon (Acad. des Inscr., t. XXIII, 2e partie).

[13] III, 573 et suiv.

[14] On remarquera l'eschatologie de notre auteur ; pas de Messie, pas de paradis.

[15] Passage difficile et lacuneux. J'adopte la traduction de M. Delaunay.

[16] Cf. III, 192-193, 316-318. Cette formule, chez notre auteur, est synonyme de temps présent. Νέος (vers 608) veut dire nouvellement intronisé, non jeune.

[17] L'auteur regarde comme imminente une conquête de l'Égypte par la Syrie, qui n'eut pas lieu.

[18] Carm. sib., III, v. 702 et suiv.

[19] Carm. sib., III, v. 732 et suiv.

[20] Sans doute à Jérusalem.

[21] Allusion obscure à quelque événement du temps.

[22] Avec les saints.

[23] Comparez les Évangiles synoptiques et l'Apocalypse.

[24] Carm. sib., III, v. 672 et suiv.

[25] Comparez v. 663 et suiv.

[26] Carm. sib., III, v. 744 et suiv.

[27] Carm. sib., III, v. 766 et suiv.

[28] Lisez sûrement Νηόν au lieu de Ύίον, nonobstant Lactance, IV, VI.

[29] Omnis dives iniquus aut hæres iniqui. Saint Jérôme.

[30] Vierge fille de Sion. Cf. Zacharie, II, 10.

[31] Cf. Isaïe, XI, et second Isaïe.

[32] Carm. sib., III, v. 795 et suiv.

[33] Comparez II Macchabées, ch. v, et Josèphe, Tacite, dernier siège de Jérusalem. Comparez Virgile, mort de César, Concurrere acies.