Cependant,
la coalition des droites monarchiques contre le gouvernement républicain
suivait son cours. Quand Thiers, soutenu par toutes les gauches, eut réussi,
à force de génie et d'adresse, à payer l'indemnité allemande, à hâter la
libération du territoire et à restaurer dans toutes ses parties le
gouvernement national, alors les droites reconnurent que « la tâche était
désormais à la hauteur de leurs courages, » et ils renversèrent le président
de la République par le grand vote d'ingratitude du 24 mai 1873. La
nomination de M. Barodet à Paris contre Charles de Rémusat (27 avril) avait été, de l'aveu même de
Thiers et de M. Jules Simon, absolument étrangère à cette catastrophe. Si
Gambetta avait soutenu M. Barodet, c'est que la candidature de Rémusat lui
avait apparu comme un retour à la candidature officielle et comme un essai de
confiscation des gauches démocratiques au profit du centre gauche. Au 2't
mai, comme dans vingt votes antérieurs, Thiers eut pour lui la voix de
Gambetta et celles de tous ses amis. Le
maréchal de Mac-Mahon, élu président de la République, appela aux affaires
les chefs de la réaction cléricale, et la campagne de restauration
monarchique commença aussitôt. Dans ces circonstances critiques, ce fut
Gambetta qui conduisit la résistance des gauches après avoir rédigé cet appel
des représentants républicains à la nation : Citoyens, Dans la situation que fait à la France la crise
politique qui vient d'éclater, il est d'une importance suprême que l'ordre ne
soit pas troublé. Nous vous adjurons d'éviter tout ce qui serait de
nature à tourmenter l'opinion publique. Jamais le calme de la force ne fut plus nécessaire.
Restez calmes. Il y va du salut de la France et de la République ! Le
parti républicain se conforma à cette sage exhortation. Laissant à Gambetta
le soin de protester à la tribune de l'Assemblée contre les abus de pouvoir
et contre les tentatives de corruption et d'intimidation qui se produisaient
chaque jour[1], il resta calme devant toutes
les provocations du cléricalisme et du bonapartisme. Rien ne. le fit sortir de sa fière résignation et de sa forte
confiance dans l'avenir, ni les persécutions contre les libres penseurs, ni
l'insolence des consécrateurs de l'église du Sacré-Cœur, ni les menées
factieuses qui précédèrent et suivirent la fusion des deux branches de la
famille de Bourbon à Froshdorff, ni le régime de plus en plus agressif de
l'état de siège. La ferme attitude du centre gauche dérouta une première
fois, au mois d'octobre, le complot royaliste, et bientôt, plus intimidé par
l'énergie tranquille des républicains qu'il ne l'eût été par les
démonstrations les plus violentes, le comte de Chambord ne se soucia plus de
l'aventure : il déclara qu'il ne pouvait renoncer au drapeau blanc. (Lettre à
M. Chesnelong.) L'Assemblée nationale reprit ses séances le 5 novembre.
Quatre jours avant la publication de la lettre du comte de Chambord, les
membres du comité de direction des droites avaient soutenu publiquement que
la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon ne serait qu'un «
misérable expédient », auquel le président de la République ne consentirait
jamais. Croyant la monarchie faite, ils affirmaient que mieux valait même la
République que le provisoire. Mais après la déclaration du comte de Chambord,
qui était l'avortement du complot royaliste, force fut aux conjurés du 24 mai
de se rejeter sur la solution tant dédaignée de la prorogation. Le comité des Neuf adopta aussitôt ce système : maintenir le
provisoire à l'aide d'une dictature indéfinie et garder le pouvoir en
attendant les occasions, c'est-à-dire la mort du comte de Chambord. Ce fut
alors que Gambetta commença de son côté à retourner ses batteries : tout en continuant
à réclamer la dissolution de l'Assemblée, et à plaider cette cause dans de
magnifiques harangues, il laissa entrevoir la possibilité d'une transaction
sur le vote de lois constitutionnelles établissant la République. Il avait
déclaré vingt fois qu'entre la dissolution de la patrie et la dissolution de
l'Assemblée, il voterait la dissolution de l'Assemblée. Mais si, par un
miracle, par épuisement, par crainte de la colère du pays, par le sentiment
d'une responsabilité de plus en plus grave, par horreur du bonapartisme qui
relevait la tête, par patriotisme enfin, s'i-1 pouvait se former, sur la
frontière du centre gauche, une majorité pour fonder la République, fallait-il
s'obstiner ? Fallait-il s'attacher à la vieille théorie néfaste : « Périsse
la République plutôt qu'un principe ? » Louis Blanc, Quinet, M. Jules Grévy,
hésitaient. Gambetta ne balança point. Il laissa dénoncer par les
intransigeants la politique des résultats, et il négocia hardiment
avec le centre sur cette base commune : ou la dissolution (que le centre
avait toujours repoussée jusqu'alors), ou l'établissement de la République
par l'Assemblée., Mais d'abord, il fallait faire rentrer sous terre le
bonapartisme qui, après avoir été au 24 mai le protecteur du duc de Broglie,
l'avait débordé et finalement renversé avec le concours de la droite
légitimiste. Ce fut une des plus éloquentes campagnes oratoires de Gambetta. —
Discours du 1er juin 1874 à Auxerre, du 9 à l'Assemblée, du 26 au banquet
commémoratif de la naissance de Hoche. Ce duel entre l'Empire et la République était
attendu, prévu ; il était certain qu'un jour la démocratie déloyale, la
pseudo-démocratie, qui s'appelle et qui se vante d'être la démocratie
couronnée se rencontrerait avec la démocratie républicaine, la démocratie
française. C'est pourquoi ce duel était inévitable. Il est impossible, en effet, que ce pays qu'on a
tant trompé, que ce pays qui a supporté les Bonaparte, en les croyant par
deux fois les héritiers et les continuateurs de la Révolution française ; il
est impossible que ce pays soit complètement guéri et complètement éclairé.
Et pourquoi, Messieurs, en est-il ainsi ? N'aurions-nous donc pas subi assez
de désastres, assez d'humiliations et de hontes ? Non, Messieurs, la raison
n'est pas là. Ce pays est encore trop faible, trop peu éclairé ; on lui a
trop marchandé, on lui a mesuré d'une main trop avare l'éducation et la
lumière. Vous souvenez-vous du premier cri que poussa la
France républicaine, quand elle se vit au fond de l'abîme où l'avaient plongé
Bonaparte et ses amis ? Des écoles, des écoles ! C'était le cri célèbre : de
la lumière ! de la lumière ! Qu'a-t-on fait pour éclairer la France ? On
voudrait, hélas 1 qu'elle n'apprît rien. Un peuple ignorant est un peuple
docile ; mais il y a pour déjouer ces plans néfastes, mieux qu'un système
complet d'instruction publique, que cette éducation qu'on reçoit sur les
bancs de l'école : c'est l'éducation que nos mobiles et nos mobilisés ont
reçu dans les rangs de l'armée, c'est l'éducation devant le canon prussien ou
la lance du uhlan, alors que notre armée combattait pour la défense de la
patrie envahie ! ... Il suffit de ramener le souvenir de la France à ce passé
horrible, il suffit de montrer cette portion mutilée et saignante de la
France, en disant : C'est là qu'est la trace de l'envahisseur. Il nous a
quitté, mais il nous surveille. Il médite de revenir pour nous arracher
quelque autre province. Qui donc l'amène infailliblement ? N'est-ce pas
l'empire ? Est-il jamais entré victorieux dans ce
pays autrement qu'à la suite des Bonapartes ? (Auxerre, 1er
juin.) Puis,
lorsque le 5 juin, M. Girerd lut à la tribune de l'Assemblée une pièce qui
constatait l'existence d'un comité central bonapartiste conspirant pour
rétablir l'Empire, Gambetta interpella le cabinet dont M. de Fourtou était le
véritable chef : Ce qui fait la gravité du document, c'est la
complicité coupable qu'elle révèle de la part de certains agents de l'État
pour la faction dont il s'agit. M.
Rouher essaye de parer le coup en faisant appel aux rancunes de la majorité
contre les hommes du 4 septembre. Mais alors Gambetta : Je dis, Messieurs, que dans cette assemblée, je
n'ai jamais décliné la controverse ni la contradiction avec les honorables
membres que vous avez chargés d'installer des commissions d'enquête, et que
toutes les fois qu'on a apporté un rapport à cette tribune j'y ai répondu ;
mais j'ajoute qu'il y a quelqu'un ici à qui je ne reconnais ni titre ni
qualité pour demander des comptes à la révolution du 4 septembre, ce sont les
misérables qui ont perdu la France ! Rappelé
à l'ordre par le président Buffet, Gambetta reprit : Messieurs, il est certain que l'expression que j'ai
employée contient plus qu'un outrage : c'est une flétrissure, et je la
maintiens ! Le
lendemain, à la gare Saint-Lazare, Gambetta fut assailli et injurié par une
bande de bonapartistes, dont l'un alla même jusqu'à le frapper d'un coup de
poing au visage. Mais ces indignités ne profitèrent pas aux ennemis de la
République, et lorsque l'Assemblée se sépara le 31 juillet, il devint évident
que malgré les rejets consécutifs du projet de loi constitutionnelle présenté
par Casimir Perier et de la proposition de dissolution déposée par le marquis
de Malleville au nom de trois cents et quelques députés, une majorité allait
se former dans l'Assemblée pour sortir du provisoire et élever la République
contre le Bas Empire menaçant. Gambetta l'annonça à l'Assemblée la veille
même de sa prorogation (31 juillet 1874) : La vérité, la voici : plus vous allez, plus vous
vous mettez en opposition avec l'opinion. Et le secret de votre politique est
là : vous rusez avec elle au lieu d'agir ; vous ne voulez pas surmonter vos
anciennes défiances, vos anciennes rancunes. Cependant vous êtes destinés à vivre. Vous avez des
enfants, vous devez préparer l'avenir des générations futures : croyez-vous
pouvoir le leur préparer en dehors de la démocratie ? Est-ce qu'il appartiendra à une coalition de trois
ou quatre cents députés de faire rebrousser chemin à la Révolution française
? Le croyez-vous ? Si vous ne le croyez pas, il faut prendre un parti,
le prendre avec énergie. Allez en vacances : passez-y un mois, je souhaite
surtout que les électeurs vous disent la vérité, toute la vérité ; et alors,
confiant dans tout ce qui doit rester de patriotisme au fond de vos âmes, en
dehors de l'esprit de parti, je suis convaincu que ces vacances ne se
passeront pas sans que vous ayez remarqué l'orage qui s'amoncelle sur ce qui
reste de la France ; et, quand vous serez revenus, je suis convaincu que vous
ne prêterez pas les mains à des combinaisons artificielles. Si vous pouvez
faire la monarchie, vous la ferez ; si vous voyez que la République seule est
possible, vous la ferez, et vous ferez un gouvernement fort, capable de
refaire, comme nous en avons tous la passion, la gloire et l'honneur de la
France. La
généreuse espérance de Gambetta tut réalisée. Le 30 novembre, quand
l'Assemblée nationale reprit ses séances, la nécessité de sortir d'un
provisoire énervant était reconnue par tous les esprits patriotes et
éclairés. Il est
impossible d'entrer ici dans le détail des manifestations publiques, des
négociations et des discussions parlementaires qui aboutirent, le 30 janvier
1875, à la reconnaissance constitutionnelle de la République. On a raconté
ailleurs au prix de quels efforts Thiers Unit par détacher une dizaine de
voix du centre droit, Gambetta par déterminer ses amis de l'extrême gauche à
sacrifier, dans l'intérêt majeur de la cause commune, leurs sentiments
intimes sur la création d'une seconde Chambre et sur la septennalité de la
Présidence. Ce fut au bon sens persuasif et à l'activité infatigable de ces
deux chefs du parti républicain que la cause de la République dut de
triompher finalement à une voix de majorité, cette seule et unique voix qui
avait été proclamée suffisante pour restaurer la monarchie. L'assemblée avait
abordé, le 21 janvier, la discussion de la loi relative à l'organisation des
pouvoirs publics. Le 30 janvier, elle votait, par 353 voix contre 352, la
proposition présentée par M. Wallon : « Le président de la République est
élu, à la pluralité des suffrages, par le Sénat et la Chambre des députés
réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible.
» La République était désormais la loi. Cependant,
il restait un dernier écueil à franchir. Une disposition additionnelle à la
loi sur l'organisation des pouvoirs publics avait stipulé qu'elle ne serait
promulguée qu'après le vote du projet sur le Sénat, et cette disposition, qui
était l'œuvre du duc de Broglie, faillit être la pierre d'achoppement de la
République (11 et 12 février). En effet, l'Assemblée ayant commencé par adopter l'article 1er
d'un projet en vertu duquel le Sénat devait être nommé par les mêmes
électeurs que la Chambre des députés, le président de la République intervint
par un message qui bouleversa les constitutionnels et les détermina à se
joindre aux droites pour rejeter l'ensemble de la loi. Les royalistes et les
bonapartistes exultèrent aussitôt. « La gueuse est enterrée »,
disait le général Changarnier. M. Brisson déposa une proposition de
dissolution. Gambetta
intervint : Je dis, Messieurs, que nous avions donné le
spectacle d'un parti que vous aviez souvent qualifié d'intransigeant,
d'excessif, d'exclusif, de rebelle à tout compromis et à toute transaction
politique ; nous vous avions donné ce spectacle, non sans quelque courage et
sans, de grands sacrifices de la part de nos aînés et de nos devanciers dans
la vie politique, nous vous avions donné ce spectacle de nous associer à vous
et de vous dire : Conservateurs, vous voulez bien reconnaître qu'après
l'échec et l'avortement définitif de vos espérances monarchiques, il est
temps enfin de donner à la France un gouvernement qui pourra rester dans vos
mains, si vous êtes sincères et véritablement épris de ces principes libéraux
dont vous nous parlez sans cesse et dont vous suspendez constamment
l'application. Nous vous avons dit : Eh bien, nous faisons taire
nos scrupules, nous prenons sur nous de faire ce sacrifice aux nécessités
générales de l'État, troublé au dedans, menacé au dehors, et qui a plus
besoin que jamais de gagner sur les heures qui s'écoulent un temps que lui
convoite la jalousie de ses adversaires dans le monde ; nous prenons sur nous
de capituler entre vos mains, si vous voulez faire un gouvernement modéré et
conservateur. Nous avons consenti à diviser le pouvoir, à créer
deux Chambres ; nous avons consenti à vous donner le pouvoir exécutif le plus
fort qu'on ait jamais constitué dans un pays d'élection et de démocratie ;
nous vous avons donné le droit de dissolution, et sur qui ? sur la nation
elle-même, au lendemain du jour où elle aurait rendu son verdict f Mais cela
ne vous a pas suffi, vous avez voulu aller plus loin, exiger davantage ; vous
avez voulu préparer un sénat qui fût à vous, exclusivement à vous. Peut-être
cependant n'auriez-vous pas insisté dans ces prétentions extrêmes, et c'est
ici que se place la responsabilité du cabinet. Hier, vous aviez fait une
majorité ; vous avez fait aujourd'hui deux majorités. Dans la journée, le
cabinet, dont l'existence politique individuelle et collective était mise en
question d'une façon véritablement définitive si cette majorité restait
constituée, le cabinet s'est précipité chez le maréchal, et il en est revenu
avec une déclaration. Il vous l'a lue ; l'a-t-il commentée, expliquée ?
a-t-il apporté un argument, une raison politique ? Non, il s'est caché
derrière cette épée, et il vous a fait voter. Et maintenant, voici ce que j'ai à vous dire : Je
sais — pardonnez-moi de froisser vos illusions, — je sais qu'il en est encore
parmi vous qui poussent cet esprit de sagesse et de transaction politique
jusqu'à l'héroïsme, et qui croient pouvoir encore rencontrer, dans des rangs
ou rien de solide ne s'est présenté, des auxiliaires pour cette œuvre
impossible : oui, je le sais. Eh bien expérimentez vos illusions, la
déception ne tardera pas à venir. Jusqu'à présent nous vous avons donné des
gages, — je l'ai dit et je le maintiens, — plus tard on nous jugera, et on
nous jugera moins sévèrement, malgré les fautes que nous avons pu commettre,
que vous ne serez jugés vous-mêmes. Plus tard on dira que vous avez manqué la
seule occasion peut-être de faire une République véritablement ferme, légale
et modérée. Ce
discours produisit une profonde émotion. A gauche, on reprit courage ; à
droite, on se sentit jugé et condamné. De nouvelles négociations furent
entamées. M. Wallon déposa un projet d'organisation du Sénat qui fut
successivement adopté par la fraction du centre droit qui marchait avec MM.
d'Audiffret-Pasquier et Bocher, par le groupe Lavergne, par le centre gauche,
par la gauche républicaine à l'unanimité moins cinq voix, dont celle de M. Grévy,
et enfin par l'Union républicaine, après un discours de Gambetta qui arracha
des larmes aux délégués présents des autres groupes. L'accord étant fait de
ce côté, ce projet fut porté devant l'Assemblée, où le débat dura quatre
jours. Enfin, le 24 février, la loi sur le Sénat fut adoptée par 448 voix
contre 210, et le lendemain 425 suffrages contre 254 votèrent l'ensemble de
la loi sur l'organisation et la transmission des pouvoirs publics. Faire
ratifier par la démocratie l'œuvre de conciliation nationale qu'il avait
menée à bonne fin et préparer les élections générales de 1876 dans un sens
favorable à la République, telle fut la tâche que Gambetta se proposa pour la
fin de l'année. A part quelques idéologues, la politique qui avait conduit à
la proclamation de la République par l'Assemblée fut approuvée par tout le
parti républicain. A Belleville, le 25 avril, l'approbation fut chaleureuse,
même lorsque Gambetta y fit l'éloge du Sénat : Ceux qui ont eu les premiers l'idée de constituer
un sénat, dit-il, ont voulu dès l'origine créer là une citadelle pour
l'esprit de réaction, organiser là une sorte de dernier refuge contre les
dépossédés et les refusés du suffrage universel. Mais il faut voir si ceux
qui ont eu cette pensée l'ont bien réalisée ; si, voulant créer une chambre
de résistance, une citadelle de réaction, ils n'ont pas organisé un pouvoir
essentiellement démocratique par son origine, par ses tendances, par son
avenir. Messieurs, quant à moi, telle est ma conviction, et je vais essayer
de l'établir. Après la délibération commune, que va-t-il sortir des urnes ?
Un sénat ? Non, citoyens, il en sortira le grand conseil des communes
françaises. Voulez-vous me dire dans quel état de la vieille Europe on a
fait, à l'usage d'une démocratie, un instrument meilleur et plus avantageux ?
Par cette institution du Sénat, bien comprise, bien appliquée, la démocratie
est souveraine maîtresse de la France. Si
l'institution d'une seconde Chambre a pu s'acclimater en France, c'est à
Gambetta qu'elle le doit. C'est lui qui a convaincu la démocratie de la
nécessité d'une assemblée de contrôle. La victoire des républicains dans l'élection des sénateurs inamovibles par l'Assemblée nationale fut l'œuvre de Gambetta et le résultat d'une de ses plus habiles manœuvres parlementaires. Mais il fut battu sur la question du scrutin de liste. Également soucieux de la dignité et de la représentation vraie du suffrage universel, il demandait que la Chambre des députés fût élue au scrutin de liste. Les droites, soutenues par le président du conseil Buffet, tirent adopter le scrutin d'arrondissement qui devait leur permettre l'abus le plus scandaleux de la candidature officielle (13 et 26 novembre). Ce fut dans le discours du 26 que Gambetta prononça ces mots : « La modération, c'est la raison politique ». |