LES FRANÇAIS EN ITALIE DE 1494 A 1559

 

CHAPITRE VI. — CHARLES-QUINT.

 

 

SOMMAIRE.

L'élection au Saint Empire. — Campagne de 1521. — Bayard à Mézières. — Lautrec. — Bataille de Bicocca. — Trahison du connétable. — L'amiral Bonnivet. — Mort de Bayard. — Premier siège de Marseille. — La reprise du Milanais. — Pavie.

 

L'ÉLECTION AU SAINT EMPIRE.

 

On appelait Marignan la Journée des Suisses.

François Ier, comme Louis XI après Saint-Jacques, voulut, à tout prix, prendre à sa solde les vaillants montagnards qu'il avait vaincus. Pour une rente annuelle de 700.000 livres, la monarchie française contracta avec les cantons une alliance perpétuelle[1], que les Suisses ont scellée, pendant trois siècles, du plus pur de leur sang[2].

 

D'ailleurs, l'armée du roi avait grand besoin de ce renfort, car jamais plus redoutable ennemi ne menaça le territoire français.

 

Cet ennemi était l'empereur Charles-Quint.

 

Charles d'Autriche avait succédé, en 1516, à son aïeul maternel Ferdinand le Catholique ; puis, à la mort de l'empereur Maximilien, son aïeul paternel, il était devenu l'unique héritier des ducs de Bourgogne.

Dès lors, il avait songé à reprendre contre François Ier l'antique querelle de Louis XI et de Charles le Téméraire.

Plus heureux que son bisaïeul, il réalisa, du premier coup, les rêves ambitieux du grand duc d'Orient : le 28 juin 1519, il était élu empereur d'Allemagne.

 

C'était une grosse déception pour François Ier, qui s'était mis sur les rangs dans l'espoir de reconstituer l'empire de Charlemagne[3] ; mais, contrairement à ce qu'aurait fait Louis XI à sa place, le roi chevalier résolut de se venger, les armes à la main, de son échec diplomatique.

 

Alors commença entre le roi et l'empereur Charles-Quint une guerre plus âpre que jamais ; lui, pour nous chasser de l'Italie, et nous, pour la conserver. Mais ce n'a été que pour servir de tombeau à un monde de braves et vaillants Français.

Dieu fit naître ces deux grands princes ennemis jurés et envieux de la grandeur l'un de l'autre : ce qui a coûté la vie à 200.000 personnes et la ruine d'un million de familles. Enfin, ni l'un ni l'autre n'en ont rapporté que le repentir d'être cause de tant de misères.

Si Dieu eût voulu que ces deux monarques se fussent entendus, la terre eût tremblé sous eux, et Soliman, qui a vécu en même temps, eût eu assez à faire à sauver son État, au lieu que, cependant, il l'a étendu de tous côtés.

L'empereur a été un grand prince[4], lequel toutefois n'a surmonté notre maître que de bonheur pendant sa vie, et que parce que Dieu lui a fait la grâce de pleurer ses péchés dans le couvent où il se rendit deux ou trois ans avant de mourir.

Or, pendant cette guerre, qui dura vingt-deux mois, je vis de très belles choses pour mon apprentissage[5], et je me trouvai acquérir de la réputation.

 

C'est le capitaine Blaise de Montluc qui résume avec cette philosophie la rivalité de François Ier et de Charles-Quint.

Nous gagnerons beaucoup, au point de vue tactique, à feuilleter souvent encore les Commentaires du vaillant capitaine gascon, le livre qu'Henri IV appelait : La Bible des gens de guerre.

 

CAMPAGNE DE 1521.

 

Au mois de mars 1521, le duc de Bouillon, Robert de la Mark[6], père de l'historien Fleurange, commença les hostilités contre le nouvel empereur, en attaquant le Luxembourg.

 

François Ier mit aussitôt trois armées sur pied :

1° En Champagne, le duc d'Alençon, avec le maréchal de Châtillon pour le conduire, réunit au camp d'Attigny[7], sur l'Aisne, toutes les troupes disponibles du Nord et de l'Est ; il devait tenir tête à l'armée impériale du comte de Nassau, qui, après s'être emparé des principales villes du duché de Bouillon, menaçait la ligne de la Meuse[8] ;

2° Aux Pyrénées, André de Foix, sire de Lesparre, envahit la Navarre avec 300 lances et 5.000 Gascons ou lansquenets ;

3° En Lombardie, Lautrec, lieutenant général du roi, réunit à ses compagnies d'ordonnance 13.000 Suisses ou Vénitiens, pour faire lever le siège de Parme, que le maréchal de Foix-Lescun[9], défendait contre les armées du Pape et de l'Empereur[10].

 

Le comte d'Egmont, gouverneur des Flandres pour Charles-Quint, tenta au nord une diversion importante : il investit Tournai, au moment même où le comte de Nassau, maître de Mouzon ville française, venait mettre le siège devant Mézières.

 

François Ier, ne pouvant faire face à la fois à la Meuse et à l'Escaut, ordonna au duc d'Alençon de quitter le camp d'Attigny pour marcher contre le comte d'Egmont, et il chargea Bayard de la défense de Mézières.

 

BAYARD À MÉZIÈRES.

 

De ce commandement, dit Le Loyal Serviteur, le bon chevalier n'eut pas voulu tenir 100.000 écus ; car tout son désir était de faire service à son maître et d'acquérir honneur.

Il s'en alla jeter dans la place avec le jeune seigneur Anne de Montmorency, quelques autres jeunes gentilshommes, qui, de leur gré, l'accompagnèrent, et 2.000 gens de pied sous la charge du capitaine Boncal de Reffuge et du seigneur de Montmoreau[11].

 

Bayard n'était pas depuis deux jours à Mézières, que le comte de Nassau venait camper sur la rive droite de la Meuse, pendant qu'un autre lieutenant de l'Empereur, Francisque de Sickingen, passait le fleuve avec 14 ou 15.000 Allemands des bords du Rhin, et s'établissait sur la rive gauche. A la mi-septembre, l'investissement était complet.

Les remparts effondrés de Mézières ne renfermaient ni vivres, ni munitions, ni artillerie.

Bayard commença à faire remparer jour et nuit, et il n'y avait nul homme d'armes ni homme de pied qu'il ne mît en besogne ; lui-même, pour leur donner courage, y travaillait ordinairement.

 

Si nous étions dans un pré, disait-il à ses compagnons, et que nous eussions devant nous fossé de quatre pieds, encore combattrions-nous un jour entier avant d'être défaits. Or, nous avons, Dieu merci ! fossé, muraille et rempart, et, avant que les ennemis mettent le pied dans la ville, beaucoup de leur compagnie dormiront aux fossés !

 

Le comte de Nassau lui envoya, avec force compliments, l'invitation de capituler.

 

Héraut, mon ami, répondit Bayard au messager, je ne suis plus un enfant qu'on étonne avec des paroles ; j'espère conserver la place si longuement que vos maîtres s'ennuieront plus d'être au siège que moi d'être assiégé.

 

Cependant, le siège durait depuis trois semaines ; 5.000 coups de canon avaient été tirés contre la ville, une partie de l'infanterie avait déserté et, malgré tout son bon vouloir, Bayard ne se croyait pas assez fort pour résister au double assaut des deux armées assiégeantes.

Alors, il s'avisa d'un stratagème.

Il savait, de bonne source, que les deux lieutenants de l'Empereur avaient eu de nombreuses altercations ; que Sickingen n'obéissait qu'à contre-cœur au comte de Nassau, et qu'il avait fallu un ordre formel de l'Empereur pour le décider à passer la Meuse et à attaquer la place avec le fleuve à dos.

Le bon chevalier écrivit à Robert de la Mark, qui tenait Sedan, pour le prévenir, en grand mystère, qu'une armée de secours de 12.000 Suisses et de 800 lances françaises devait attaquer, le lendemain à la pointe du jour, le camp de Sickingen et que lui, Bayard, ferait pendant l'attaque une saillie par un des côtés de Mézières pour jeter Sickingen dans la Meuse. Il sera, disait-il, bien habile homme s'il s'en sauve !

 

Le paysan, qui portait la lettre, fut pris, comme le voulait Bayard, et conduit au capitaine Sickingen, qui vit dans la révélation de cette attaque imprévue une trahison du comte de Nassau.

Il m'a fait passer l'eau contre mon gré, dit-il à ses plus privés, pour me perdre, mais par le sang Dieu ! il n'en sera pas ainsi !

Et, sans faire sonner ses tambourins à l'étendard, il chargea tout son bagage et repassa la Meuse incontinent.

Le comte de Nassau lui ayant fait demander une explication, Sickingen lui répondit par des injures, et le menaça de lui livrer bataille.

Le bon chevalier se prit à rire à pleine gorge en apprenant le résultat de sa ruse de guerre, et, le lendemain, il eut le plaisir de voir, du haut du rempart, les deux corps ennemis trousser leurs quilles et lever le siège de Mézières[12].

Le comte de Nassau et Francisque de Sickingen rejoignirent l'Empereur à Valenciennes, où il avait pris le commandement de l'armée des Pays-Bas.

 

François Ier se mit en personne à la tête des troupes françaises[13], et une bataille décisive entre les deux monarques paraissait imminente, lorsque Charles-Quint, effrayé d'un échec subi par son avant-garde au passage de l'Escaut, regagna précipitamment les Flandres (22 octobre).

 

C'était pour les Français une campagne heureuse ; Bayard avait repris Mouzon, et la conquête du Hainaut allait remplacer l'invasion de la Champagne, lorsque le roi d'Angleterre Henri VIII imposa son intervention.

Pendant les négociations, Tournai, non secouru, fut obligé de se rendre faute de vivres.

 

En Navarre, Lesparre, après avoir pris Pampelune, assiégeait Logrono sur l'Ebre, lorsqu'il fut assailli et battu par une armée espagnole supérieure en nombre.

De leur rapide conquête, il ne resta aux Français que Fontarabie ; mais son gouverneur, Jacques Daillon du Lude[14], la défendit héroïquement pendant plus d'une année.

 

LAUTREC.

 

En Italie, la mauvaise fortune de Lautrec[15] et le manque d'argent pour solder les mercenaires étrangers, entraînèrent la perte du Milanais.

Opposé au vieux Prosper Colonna, qui luttait contre la furia francese, en manœuvrant prudemment sur l'échiquier lombard, tant de fois parcouru et étudié, Lautrec voulut imiter la prudence de son adversaire et devenir comme lui un nouveau Fabius[16].

Il temporisa, fatigua ses troupes par des contremarches et des lenteurs inutiles, et laissa prendre Milan, où son administration hautaine avait ravivé la haine contre la France[17].

 

Au mois d'avril 1522, après un rude hiver qui avait interrompu les opérations, l'armée italienne et espagnole[18] se tenait en observation à trois milles au nord de Milan, dans le parc de Bicocca[19].

 

Il y avait là une maison assez considérable au milieu d'un vaste rectangle de jardins disposés en terrasses, entourés de fossés continus et très-profonds. La campagne environnante était, comme toute la Lombardie, coupée de mille ruisseaux d'irrigation. Du côté de Milan, un pont en pierre donnait seul accès dans le rectangle[20].

 

Lautrec n'avait nulle envie d'attaquer cette position ; mais les Suisses, qui formaient la moitié de son armée, réclamaient impérieusement l'arriéré de leur solde qui avait été détournée par d'indignes intrigues de cour.

Les principaux de leurs capitaines, Albert Stein et Arnold de Winkelried, déclarèrent à Lautrec que leurs compagnons étaient résolus à ne plus attendre, et qu'ils allaient reprendre le chemin de leurs montagnes :

Cependant, dirent-ils, pour montrer à la terre entière que ce n'est ni la crainte de l'ennemi ni les périls de la guerre qui nous contraignent à la retraite, mettez-nous à la tête de votre armée, et conduisez-nous, dès demain, à l'attaque de la position ; nous n'aurons pas plus de peine à forcer le camp espagnol de Bicocca, que nous n'en avons eu à enlever le camp français de Novare[21].

 

Le maréchal Anne de Montmorency, capitaine général des gens de pied, Jean de Médicis[22], chef des chevau-légers italiens, les maréchaux de Foix et de La Palice au nom de la gendarmerie de France, et tous les capitaines, appuyèrent la requête des Suisses.

Cependant le seigneur de Pont-de-Rémy, envoyé en reconnaissance avec 400 hommes d'armes et 6.000 Suisses, contourna les fossés du parc de Bicocca, sans y trouver d'autre accès que le pont de pierre ; il reconnut que le front de la position était une haute terrasse bien garnie d'artillerie, et déclara qu'il n'y avait pas lieu de l'attaquer.

Les capitaines suisses restèrent inébranlables dans leur résolution de combattre le lendemain et de partir après la bataille[23].

Alors le seigneur de Lautrec, se voyant commandé par ceux qui lui devaient obéir, ordonna que le lendemain, jour de Quasimodo, l'armée fût prête à marcher.

 

Bataille de Bicocca (29 avril 1522).

Le point du jour étant venu, chacun se mit en état pour marcher droit à Bicocca[24].

Le maréchal de Foix, avec la gendarmerie de l'avant-garde, devait tourner la position par la gauche et assaillir le pont de pierre.

Il était précédé par Pont-de-Rémy, qui, avec sa compagnie de 50 hommes d'armes et les chevaliers nouveaux[25], était chargé d'avoir l'œil à ce que l'ennemi ne fît aucune saillie par quelque lieu, et ne vînt pas, par derrière, mettre en désordre notre armée. Pont-de-Rémy devait aussi porter secours au lieu où il verrait que serait le besoin[26].

 

Le maréchal de Montmorency devait, avec 8.000 Suisses, attaquer le front de la position, c'est-à-dire la terrasse défendue par l'artillerie, après que les pionniers de Pedro Navarro auraient fait les esplanades[27].

Lautrec, La Palice, le bâtard de Savoie et le grand-écuyer Galéas de San-Severino menaient la bataille, où était le reste de l'armée, tant de gendarmerie et de Suisses que d'autres gens de pied.

Le duc d'Urbin faisait l'arrière-garde avec les Vénitiens.

Jean de Médicis et sa cavalerie légère couvraient le flanc droit ; pour tromper l'ennemi, il avait remplacé les croix blanches de France par la croix rouge impériale[28].

 

Une vieille estampe italienne, conservée à la bibliothèque Nationale, donne une idée exacte des dispositions prises par Prosper Colonna.

En première ligne, 40 pièces de canon protégeaient le front des lansquenets, formés en une seule phalange rectangulaire sous le commandement de Georges Frandsberg ; la cavalerie italienne était massée en arrière de l'aile droite de l'infanterie allemande.

Le marquis de Pescaire, avec 400 lances et 6.000 fantassins espagnols, gardait le pont de pierre.

Au lieu de faire le siège de ce camp retranché ou, au moins, d'en préparer l'attaque par une violente canonnade, Lautrec laissa les 8.000 Suisses de la première bataille marcher en colonne profonde droit au rempart des ennemis.

Montmorency, capitaine général des Suisses, étant arrivé à un vallon que l'artillerie de la terrasse ne pouvait pas atteindre, pria les montagnards de temporiser quelque peu, afin de donner au maréchal de Foix le temps d'achever son mouvement tournant, et d'assaillir le pont de pierre.

 

C'était la seule manière d'assurer le succès de la double attaque ordonnée par le général en chef ; mais ces montagnards entêtés et indisciplinés ne voulurent rien entendre. Ils s'élancèrent à découvert, comme taureaux furieux, en entraînant avec eux Montmorency et toute la brillante noblesse volontaire qui avait mis pied à terre pour combattre aux côtés du maréchal.

Avant d'atteindre le rempart, plus de 1.000 des Suisses furent tués à coups d'artillerie, et le reste, en y arrivant, trouva un fossé et un parapet plus hauts que les piques.

Arrêtée court par ce double obstacle, la colonne du centre fut criblée, presque à bout portant, par l'artillerie et l'arquebuserie dont le rempart était farci, et, après avoir perdu 3.000 combattants dont 22 capitaines[29], elle fut forcée de battre en retraite vers le corps de bataille.

 

Le maréchal de Foix, retardé dans sa marche par les nombreux obstacles du terrain, n'atteignit le pont de pierre qu'après l'échec de l'attaque de front.

Cependant il força le passage à la première charge et pénétra dans la position ennemie avec 400 hommes d'armes.

Mais alors les Impériaux, étant délivrés des Suisses, tournèrent tout leur effort sur cette gendarmerie ; tellement qu'ils la contraignirent à repasser le pont en bien combattant. Le maréchal de Foix demeura sur la queue pendant toute la retraite qui fut lente, car ses gens ne pouvaient passer que deux ou trois de front[30]. Son cheval fut tué entre ses jambes par une arquebusade, mais il sauta aussitôt sur un autre et continua le combat[31].

Le marquis de Pescaire, saisissant avec à propos le moment favorable à une contre-attaque, s'élança hors du retranchement à la tête de l'infanterie espagnole, pour faire une saillie sur les Suisses pendant qu'ils se repliaient sur le corps de bataille.

Heureusement, Pont-de-Rémy, qui avait l'œil partout, fit une charge si furieuse contre les Espagnols qu'il les rembarra dedans leur fort.

Les Vénitiens, qui formaient l'arrière-garde des Français, restèrent immobiles, à l'abri de l'artillerie ennemie, sans prendre part à l'engagement. Et pourtant, s'ils eussent voulu assaillir de leur côté, comme firent la gendarmerie et les Suisses, les ennemis, obligés de diviser leurs forces et de faire face à trois attaques à la fois, auraient perdu la journée. L'inaction des Vénitiens nous coûta la victoire[32].

 

Ce n'était cependant qu'une bataille indécise ; la double attaque repoussée, les Français étaient encore assez nombreux pour recommencer. Lautrec le voulait ; la gendarmerie proposait aux Suisses de se mettre à pied à côté d'eux et de former la première pointe. Ce fut en vain : les Suisses déclarèrent que, vainqueurs ou vaincus, ils étaient décidés à abandonner, le lendemain, les enseignes françaises ; aucune prière ne put les fléchir.

Les capitaines français, la rage dans le cœur, furent donc obligés de battre en retraite à leur suite, et Prosper Colonna, contenant l'ardeur de Pescaire, n'osa pas quitter son fort pour les poursuivre.

 

Les Français évacuèrent la Lombardie, où ils ne conservaient que le château de Crémone[33] ; mais à son retour en France, Lautrec eut le droit de dire au roi que c'était à ses ministres plutôt qu'à ses soldats[34] qu'il devait attribuer la perte du Milanais[35].

 

TRAHISON DU CONNÉTABLE.

 

Comme Charles le Téméraire après Héricourt, François Ier se persuada qu'il serait plus habile ou plus heureux que ses lieutenants.

Il avait chargé l'amiral Bonnivet, son favori, de conduire en Piémont une nouvelle armée de 40.000 hommes, et il s'apprêtait à passer les Alpes pour prendre le commandement de cette armée, lorsqu'il fut arrêté par une triple invasion de son royaume et par la trahison de son cousin Charles de Bourbon.

Ce prince avait osé offrir son épée de connétable à Charles-Quint pour l'aider à conquérir et démembrer la France !

 

La campagne de 1523 fut un mélange de succès et de revers.

Les Anglais, qui avaient échoué, l'année précédente, au siège d'Hesdin[36], se joignirent à l'armée impériale du comte de Buren pour forcer, à Bray, le passage de la Somme, et les coalisés marchèrent sur Paris par Roie et Montdidier.

En même temps, le comte Guillaume de Furstemberg entrait en Champagne par le plateau de Langres avec 12.000 lansquenets, et une armée de 25.000 Espagnols mettait le siège devant Bayonne.

 

A la fin d'octobre, 6.000 chevaux et 28.000 hommes de pied anglais ou flamands, ayant bonne quantité d'artillerie, campaient sur l'Oise à onze lieues de Paris.

Si le connétable de Bourbon avait tenu la promesse qu'il avait faite à l'Empereur de rejoindre Guillaume de Furstemberg à la tête de toute la noblesse du Bourbonnais ; si cette seconde armée d'invasion avait marché sur Paris par la vallée de la Marne, pendant que les Anglais remontaient l'Oise, la capitale du royaume, dégarnie de troupes, serait tombée au pouvoir de l'ennemi.

Mais la noblesse du Bourbonnais resta fidèle à la patrie française ; le connétable ne trouva parmi ses gentilshommes qu'un seul complice, et lui-même dut s'enfuir en Allemagne sous des habits de laquais.

Les 12.000 lansquenets de la haute Marne, réduits à leurs propres forces, ne tinrent pas contre la gendarmerie d'ordonnance et contre les gentilshommes de l'arrière-ban, réunis à Chaumont par le duc de Guise Claude de Lorraine et par le seigneur d'Orval gouverneur de Champagne.

La cavalerie française suivit les lansquenets pas à à pas, coupant les vivres, enlevant les traînards, attaquant les détachements isolés.

Furstemberg fut obligé de s'en retourner comme il était venu ; mais le duc de Guise l'atteignit à Neufchâtel, au passage de la Meuse, et mit son arrière-garde en pleine déroute.

Les dames de Lorraine et de Guise, qui étaient aux fenêtres du château de Neufchâtel, en eurent le passe-temps[37].

 

Restait l'armée anglaise de l'Oise.

 

Le vieux Louis de la Trémoïlle[38] réunit dans Saint-Quentin 500 hommes d'armes des garnisons de Picardie et 10.000 gens du pays qui n'avaient jamais vu la guerre et qui ne faisaient que saillir de la charrue.

Il vint résolument, avec ces conscrits, prendre position à Corbie, sur les derrières de l'armée ennemie, pendant que le duc de Vendôme, accouru de Lyon en toute hâte, conduisait à Paris 400 hommes d'armes de Champagne et de Bourgogne.

 

Le duc de Suffolk et le comte de Buren, sachant la retraite de Furstemberg et craignant que M. de La Trémoïlle vînt d'une part pendant que M. de Vendôme viendrait de l'autre, et que, par ce moyen, leur armée fut affamée, délibérèrent de faire leur retraite et de repasser la Somme[39].

Les premiers froids[40] et le manque de vivres avaient cruellement éprouvé les Anglais ; cette nouvelle tentative les dégoûta pour longtemps du voyage de France.

Ils prirent, en s'en allant, Beaurevoir et Bohain ; mais Beaurevoir fut incontinent repris par Pont-de-Rémy, et Bohain par La Trémoïlle, bien que les ennemis ne fussent pas à plus de 6 lieues des Français ; par quoi il ne demeura pas aux Anglais une seule place dans les terres du roi, où ils avaient perdu cependant un grand nombre de leurs gens[41].

 

Lautrec défendit si bravement Bayonne que les Espagnols en levèrent le siège ; mais ceux-ci, en retournant en Castille, enlevèrent Fontarabie qui n'avait plus Jacques du Lude pour gouverneur.

 

L'AMIRAL BONNIVET.

 

Le successeur de Lautrec à l'armée d'Italie, Guillaume Gouffier seigneur de Bonnivet, amiral de France[42], ne fut pas plus heureux que son devancier.

Il descendit sans encombre en Piémont à la tête de 1.800 lances, 10.000 Suisses, 6.000 lansquenets, 12.000 piétons français ou gascons, 3.000 Italiens, et passa le Tessin au-dessus de Vigevano, sans que Prosper Colonna ait pu l'en empêcher.

S'il avait marché rapidement sur Milan, dont le château était tenu par une garnison française et dont les faubourgs n'étaient pas fortifiés, il eût, dès le début des opérations, assuré le succès de la campagne en s'emparant de la capitale du duché, car l'armée confédérée, qui s'y était concentrée, s'apprêtait à se retirer sur Côme si les Français venaient du côté de Pavie ou sur Pavie, s'ils venaient du côté de Côme.

Mais l'amiral avait, comme Lautrec, la prétention d'être un tacticien prudent qui voulait réagir contre la furia francese, seule cause, disait-il, de tous nos revers en Italie. Il perdit huit jours à aller du Tessin à Milan, et, au lieu de tenter un coup de main, il prépara un siège en règle (14 septembre).

Il traça, selon les règles enseignées par Pedro Navarro, un vaste camp retranché, qui s'étendait, au sud et à une portée de canon de Milan, entre l'abbaye de Chiaravalle et la route de Pavie ; il coupa les eaux qui alimentaient la ville, brûla les moulins, envoya un détachement ravitailler le château de Crémone réduit à 8 défenseurs, fit, au sud-est, occuper Lodi, et compléta, au nord-est, le blocus de Milan en envoyant Frédéric de Bozzolo s'établir sur la route de Côme.

 

Dès qu'il s'agissait d'une guerre de temporisation et de prudence, Prosper Colonna reprenait tous ses avantages.

Pour se procurer des vivres, il fit faire des pointes hardies par Jean de Médicis, redevenu l'ennemi des Français après avoir été leur allié dans la précédente campagne ; il fortifia les faubourgs, bloqua étroitement la garnison du château et lui opposa les arquebusiers espagnols.

Il envoya Antonio de Leyva à Pavie, le marquis de Mantoue à Pontedecimo, et il appela au secours de Milan le vice-roi de Naples, Charles de Lannoy, et l'armée vénitienne.

 

La Seigneurie de Venise s'était, cette fois, déclarée contre la France.

 

Le même hiver précoce qui avait fait reculer l'invasion anglaise, la rareté des vivres et l'oisiveté amenèrent bientôt le découragement dans le camp de l'amiral.

Les Suisses, faisant entendre leurs murmures accoutumés, demandaient une haute paie pour faire le service de la tranchée, et parlaient encore de s'en retourner dans leur pays si on ne les menait pas au combat.

Bonnivet, pour ne pas imiter Lautrec en livrant la bataille qu'on prétendait lui imposer, leva brusquement le siège et repassa le Tessin, afin de se concentrer à Abbiate-Grasso. Là, croyant que le froid et les neiges interrompraient les hostilités, il licencia l'infanterie du Dauphiné et du Languedoc, et attendit les renforts Suisses ou Grisons qui devaient lui venir par Ivrée et Bergame.

 

Le connétable de Bourbon et le marquis de Pescaire mirent à profit tant d'hésitations et de fautes tactiques. Prosper Colonna étant mort, le 30 décembre 1523, après avoir eu deux fois l'honneur de faire reculer les Français sans leur livrer bataille, ses quatre successeurs remplacèrent sa temporisation par une activité fiévreuse.

Le vice-roi de Naples et le marquis de Pescaire à la tête des Espagnols, le connétable de Bourbon venu d'Allemagne avec 12.000 lansquenets, et le duc d'Urbin chef de l'armée vénitienne, opérèrent leur jonction à Binasco dans les derniers jours de février 1524.

Le 2 mars, ils franchirent le Tessin sur 3 ponts, près de Pavie, en laissant à la garde de Milan François Sforza et Jean de Médicis.

Bayard, détaché à Rebecco[43], faillit être enlevé par Pescaire dans une surprise de nuit (camisade), et il eut grand'peine à regagner le camp de l'amiral[44].

L'armée française, ayant des forces trop inférieures pour attendre le choc, opéra sa retraite. Elle quitta, dans le meilleur ordre, le camp d'Abbiate-Grasso pour se diriger vers Mortara et Novare, où Bonnivet espérait être rejoint par les Suisses qui campaient devant Ivrée.

 

L'armée confédérée se mit à la poursuite des Français et vint occuper une forte position retranchée à Biandra, entre Verceil et Novare.

 

A peine Bonnivet avait-il quitté Abbiate-Grasso que le renfort de 5.000 Grisons que le roi lui avait promis paraissait aux environs de Bergame. Mais Jean de Médicis conduisit au-devant d'eux la garnison de Milan et les obligea à rebrousser chemin ; ensuite, il vint donner l'assaut à Abbiate-Grasso, qui, placée sur le grand canal, interceptait les convois venant du lac Majeur.

 

La situation des Français était des plus critiques ; cependant l'arrivée des 8.000 Suisses campés sur la rive droite de la Sésia devait permettre à l'amiral de mettre fin à cette retraite pénible, ou, au moins, de faire fuite de loup (comme disait Bayard) en assaillant brusquement l'avant-garde ennemie.

 

Bonnivet, général malhabile et ignorant, était un brave chevalier ; il voulut réparer par un coup d'audace toutes ses fautes de la campagne, et il envoya aux Suisses un pressant message pour les prier de le rejoindre.

Vaine prière ! les Suisses répondirent :

Qu'il leur suffisait de retirer ceux de leurs compagnons qui étaient encore avec l'amiral, attendu que le roi de France leur avait promis qu'ils trouveraient, à leur descente à Ivrée, le duc Claude de Longueville avec 400 hommes d'armes pour les accompagner, mais que le roi de France avait manqué à sa promesse et qu'ils n'avaient rien trouvé.

 

Alors les Suisses du camp français, sachant leurs compagnons sur le bord de l'eau, se mirent pour la plupart à vau-de-route, pour rejoindre les nouveaux venus1[45].

 

C'était pis encore qu'à Novare !

 

MORT DE BAYARD (30 avril 1524).

 

L'élite de la gendarmerie de France fut victime de l'incapacité du général en chef et du mauvais service des mercenaires étrangers.

Les confédérés marchaient en belles batailles après les Français. Le vice-roi avait débandé[46] 1.000 ou 1.200 chevau-légers et 7 ou 800 arquebusiers espagnols, pour entamer l'escarmouche et amuser notre armée, pendant qu'il arriverait avec la grosse troupe.

Mais Bayard et Vendenesse, le petit lion au grand cœur, se tenaient à l'arrière-garde avec quelque nombre de gens d'armes, montrant aux éclaireurs ennemis un visage si assuré qu'ils les faisaient demeurer tout coi ; et menu et souvent les rembarraient sur leurs batailles.

Cependant l'ennemi posta aux deux côtés du grand chemin de grosses hacquebutes à croc dont il tira plusieurs coups ; de l'un, fut tué le gentil seigneur de Vendenesse.

Le bon chevalier, assuré comme s'il eût été dans sa maison, faisait marcher les gens d'armes et se retirait le beau pas, toujours le visage tourné aux ennemis et l'épée au poing, leur donnant, à lui seul, plus de crainte qu'un cent d'autres.

Mais, comme Dieu le voulut permettre, fut tiré un coup de grosse arquebuse, dont la pierre le vint frapper au travers des reins et lui rompit tout le gros os de l'échiné.

Quand il sentit le coup, il se prit à crier :

Jésus !

Et puis dit :

Hélas ! mon Dieu, je suis mort !

Il prit son épée par la poignée et baisa la croisée en signe de la croix ; il devint incontinent tout blême, comme perdant ses esprits, et cuyda tomber. Mais il eut encore le cœur de prendre l'arçon de sa selle, et demeura en cet état jusqu'à ce qu'un jeune gentilhomme, son maître d'hôtel, l'aida à descendre et le mit sous un arbre.

 

Devant cet arbre, les vaillants capitaines espagnols défilèrent, l'un après l'autre, pour saluer le héros mourant.

Plût à Dieu ! gentil seigneur de Bayard, lui dit le marquis de Pescaire, qu'il m'en eût coûté une quarte de mon sang et que je vous tinsse en santé mon prisonnier ! Car, depuis que j'ai connaissance des armes, je n'ai entendu parler d'un chevalier qui, en vertu vous ait approché !

 

S'il faut en croire Martin du Bellay, le chevalier sans peur et sans reproche résuma toute sa vie d'honneur et de dévouement dans ses dernières paroles ; il dit à Charles de Bourbon :

J'ai pitié de vous, monsieur, de vous voir servir contre votre prince, votre patrie et votre serment !

 

Ainsi, — Bayard mourant l'affirme, — la Patrie doit primer toutes les ambitions et faire oublier toutes les rancunes : c'est le devoir du soldat, et l'esprit chevaleresque a survécu à Bayard et à Vendenesse pour demeurer la sauvegarde de l'honneur militaire[47].

 

La campagne d'Italie était terminée pour les Français. L'amiral Bonnivet, gravement blessé, laissa le commandement au comte de Saint-Pol ; l'armée atteignit Ivrée sans encombre et rentra en Dauphiné par le pas de Suze[48].

Les Suisses abandonnèrent les quinze pièces de grosse artillerie qui leur avaient été confiées, et retournèrent dans leur pays par la vallée d'Aoste.

Le château de Crémone, Novare, Alexandrie et Lodi ouvrirent leurs portes aux Espagnols.

L'Italie avait, une fois de plus, changé de maître.

 

PREMIER SIÈGE DE MARSEILLE (août 1524).

 

Charles de Bourbon trouva l'occasion favorable pour envahir la Provence et commencer la conquête du royaume éphémère que l'Empereur lui avait promis en récompense de sa trahison.

A la tête d'une armée de 15.000 hommes de pied, de 2.000 chevaux et de 18 pièces d'artillerie, il suivit, de Gênes à Nice, la route de la Corniche franchit le Var le 7 juillet 1524, et arriva, en 5 semaines, à Aix, par Antibes, Grasse, Fréjus, Draguignan et Brignoles, sans que le maréchal de La Palice, gouverneur de la Provence, ait pu lui disputer une seule de ces villes, mal protégées par des murailles en ruines.

Bourbon voulait passer le Rhône à Avignon, soulever la noblesse d'Auvergne et marcher sur Lyon, dont il avait rêvé de faire la capitale de son royaume de Provence.

Mais le marquis de Pescaire[49], qu'on lui avait imposé comme surveillant plutôt que comme lieutenant, lui déclara que l'Empereur désirait, à l'exemple du roi d'Angleterre, avoir un port de débarquement sur les côtes de France, et qu'il avait donné l'ordre d'entreprendre le siège de Marseille (19 août).

 

Ce ne sera qu'un mince retard, répondit Bourbon ; trois coups de canon étonneront si fort les Marseillais, qu'ils viendront, la hart au col, nous apporter les clefs de la ville !

 

Marseille n'était pas remparée ; elle était peu flanquée et dépourvue d'hommes et de munitions.

Mais le roi, averti du chemin que prenait Bourbon, dépêcha le capitaine romain Renzo de Céri[50], homme fort expert au fait des armes, et Philippe Chabot, seigneur de Brion, avec 200 hommes d'armes et 3.000 hommes de pied, pour se mettre dans Marseille.

Arrivés-là, ils firent telle diligence de remparer et construire plates-formes, qu'en peu de jours, avec l'aide tant des soldats que des citadins de la ville, ils mirent la place en état de donner honte à leurs ennemis[51].

 

Comme à Padoue en 1509, on construisit en arrière delà muraille romaine un retranchement intérieur, qu'on nomma le Rempart des dames parce que toutes les femmes de la ville, sans distinction de caste, y avaient travaillé.

Le bombardement commença le 7 septembre ; les canonniers marseillais y répondirent si vigoureusement, qu'un boulet, trouant latente du' marquis de Pescaire, tua son aumônier et deux de ses gentilshommes.

Pescaire envoya le boulet à Bourbon avec ce billet ironique :

Voilà les clefs de Marseille, que les citadins étonnés vous envoient !

 

En même temps, on annonçait au futur roi de Provence que François Ier s'avançait en personne à la tête d'une armée de secours.

L'artillerie impériale avait ouvert une brèche et Bourbon voulait qu'on donnât l'assaut, mais Pescaire exigea que la brèche fut reconnue. Des sept Espagnols qu'il y envoya, quatre furent tués ; les trois autres, plus ou moins blessés, revinrent en disant qu'il y avait en arrière de l'ouverture un fossé et un rempart de terre bien garnis d'artillerie et d'arquebusiers.

Vous voyez, dit Pescaire aux capitaines impériaux, que les Marseillais tiennent table ouverte, puisqu'il suffit de se rendre à la brèche pour aller souper en paradis. Pour mon compte, je n'en suis pas si pressé, et je m'en vais.

 

Pescaire quitta le camp et tous les Espagnols le suivirent. Bourbon, réduit à ses lansquenets, fut forcé de lever le siège et de rentrer en Italie par Toulon.

 

L'armée française s'était concentrée à Avignon.

1.500 hommes d'armes, 14.000 Suisses, 6.000 lansquenets, 10.000 piétons français ou italiens, répartis en 3 corps, passèrent la Durance au-dessus de Cavaillon.

Le maréchal de la Palice, commandant l'avant-garde, devança avec 500 chevaux le maréchal Anne de Montmorency qui conduisait l'infanterie, et il atteignit aux environs de Toulon la queue des ennemis.

Il défit bon nombre d'hommes et gagna un fort grand butin, car chacun, pour se sauver, laissait son bagage derrière, et les soldats de Bourbon, n'ayant plus la force de porter leurs armes, les jetaient par les chemins.

Montmorency les suivit avec de bonnes troupes jusque par delà de Toulon, ne leur donnant pas loisir de reprendre haleine.

Les Impériaux, sans s'amuser à poursuivre les paysans qui les inquiétaient dans leur route, arrivèrent à Monaco, le i5 octobre, en côtoyant la mer[52].

 

Bourbon embarqua sa grosse artillerie pour la mener à Gênes, et fit mettre la menue par pièces pour la porter à dos de mulet, parce que les chemins de sa retraite étaient presque impossibles pour y conduire charroi[53].

 

LA REPRISE DU MILANAIS (1624-1525).

 

Le roi s'était arrêté à Aix avec la bataille et l'arrière-garde.

Il réunit en grand conseil les princes et les capitaines qui l'avaient accompagné[54] et leur déclara son intention d'entrer immédiatement en Italie.

Il avait pour cela, disait-il, trois puissantes raisons :

La première, c'est qu'il avait grosse armée d'Italiens et d'aventuriers de France, qui avaient déjà fort endommagé son royaume et qui en parachèveraient la ruine si on les retenait. Par quoi, il était nécessaire de les envoyer ailleurs ; ce qu'on pourrait honnêtement faire en les menant guerroyer en Italie ;

La seconde, que son armée était en bon ordre et prête à marcher ;

La troisième, que ses gens d'armes avaient bon vouloir d'y aller pourvu que le roi fût du voyage, et qu'aussi sa présence croîtrait le cœur et courage de sa gendarmerie.

Le souvenir de Marignan exaltait le roi chevalier.

 

Précédé d'une forte avant-garde conduite par La Palice, il franchit le Pas de Suze et marcha droit à Milan, sans nulle part s'arrêter. Il voulait y devancer l'armée impériale, qui se dirigeait, à marches forcées, des Alpes liguriennes sur Pavie, par le Montferrat.

Le vice-roi de Naples, Jean de Lannoy, laissant Antonio de Leyva à Pavie avec 1.200 Espagnols et 6.000 lansquenets, entra à Milan le jour même où les Français atteignaient Vigevano. Il trouva les remparts et les bastions ruinés et les citadins peu désireux de soutenir un nouveau siège. Aussi, quand le marquis de Saluces et La Trémoïlle se présentèrent devant Milan à la porte de Verceil, Lannoy en sortit par la porte de Rome (26 octobre)[55].

 

Avant de faire son entrée dans la capitale de la Lombardie, François Ier voulut prendre Pavie.

 

Il vint établir son camp devant cette ville, le 28 octobre 1524.

Il logea le maréchal de Chabannes, avec l'avant-garde, vers le château, du côté du Tessin ; lui-même s'établit, avec la bataille, à l'abbaye de San Lanfano, assez près de la ville ; puis il envoya le maréchal de Montmorency, avec 3.000 lansquenets, 2.000 Italiens, 1.000 Corses et 200 hommes d'armes, passer le Tessin et se loger dans le faubourg de l'Ile Saint-Antoine.

Pour gagner ce faubourg, Montmorency fut contraint de battre une tour qui était sur le pont. L'ayant gagnée, il la fit remparer et garder, après avoir pendu ceux qu'il trouva dedans pour avoir été si outrageux de vouloir garder un tel poulailler à l'encontre d'une armée française.

 

Les logements pris, le roi fit faire les approches et mettre son artillerie en batterie ; laquelle, après quelques journées, fit une brèche, mais non raisonnable. Toutefois on donna l'assaut pour tâter l'opinion de ceux de dedans.

Nos gens, étant allés jusqu'au haut de la brèche, pensèrent la ville gagnée ; mais il advint autrement, car ils trouvèrent par dedans de larges et profondes tranchées bien flanquées ; les maisons voisines de ces tranchées étaient percées bien à propos et pourvues d'arquebuserie[56]. Ce qui fut cause que nos gens, après avoir longtemps combattu sur le haut de la brèche, furent contraints de se retirer[57].

 

La résistance d'Antonio de Leyva, un des plus grands capitaines que l'Empereur ait eus[58], donna à Lannoy, à Pescaire et à Bourbon le temps de réunir à Lodi une armée de 700 lances, de 500 chevau-légers et de 18.000 hommes de pied allemands, espagnols, basques ou italiens.

 

Au lieu de concentrer toutes ses forces pour marcher contre cette armée, le roi se laissa persuader par le pape Clément VII d'envoyer, sous Stuart d'Aubigny[59], un corps important à la conquête du royaume de Naples. Il ne resta devant Pavie que 800 lances, la grosse artillerie et moins de 13.000 hommes de pied[60].

 

Le siège, transformé en blocus, durait depuis plus de 4 mois, lorsque, le 20 février 1525, 8.000 fantassins grisons ou italiens désertèrent les enseignes françaises.

Les généraux de l'Empereur profitèrent de cette occasion pour engager une bataille décisive.

Les vieux capitaines du conseil du roi n'étaient pas d'avis d'accepter le choc d'une armée supérieure, avec une place forte à dos ; ils voulaient lever le siège et se retirer à Milan jusqu'à l'arrivée des renforts attendus de France[61] ; mais François Ier refusa de reculer devant Bourbon, le rebelle et le traître.

 

Pavie (24 février 1525).

L'amiral Bonnivet, sénéchal de la maison du Roi, en transporta le quartier de San Lanfano aux portes mêmes de Pavie, sur le bord du Tessin, au débouché de la route de Lodi par laquelle on attendait l'ennemi.

L'avant-garde s'établit dans l'espace compris entre le Tessin et la route de Milan ;

Le corps de bataille, entre les monastères de Saint-Paul et de Saint-Jacques, dans une position dominante située au sud du parc de Mirabello.

Dans ce parc, réduit des lignes françaises, campait le duc d'Alençon avec les 500 chevau-légers de l'arrière-garde.

 

On ne pouvait secourir Pavie au nord, qu'en renversant les murailles du parc de Mirabello et qu'en prenant d'assaut les redoutes, que le grand maître de l'artillerie Galiot de Genoilhac avait fait construire, de distance en distance, pour flanquer les lignes de contrevallation. Ces redoutes étaient armées de grosses pièces de position bien remparées et séparées par des gabions.

Ce fut cependant de ce côté que les généraux ennemis dirigèrent leur attaque ; mais, afin de donner le change à l'armée française, ils l'inquiétèrent par des escarmouches continuelles du côté du Tessin.

Dans la nuit du 23 au 24 février, tous les soldats de l'armée impériale prirent une chemise blanche pardessus leurs armes[62] pour se distinguer des Français, et se formèrent en bataille.

 

Le marquis del Guasto avec l'avant-garde s'avança silencieusement jusqu'aux murailles du parc ; des maçons, mêlés aux soldats, en abattirent 50 toises, sans que le duc d'Alençon ni ses gens se fussent réveillés au bruit des pioches et de l'éboulement.

Au point du jour, 3.000 arquebusiers, accompagnés de quelques chevau-légers, entrèrent par cette large brèche dans le parc de Mirabello ; ils furent bientôt suivis de 4.000 lansquenets ou Espagnols des vieilles bandes, mêlés ensemble, après lesquels marchaient un bataillon d'Espagnols et deux de lansquenets ayant deux grosses troupes de gendarmerie sur les ailes.

Cette colonne, laissant à sa gauche le quartier du Roi que les généraux ennemis trouvaient trop avantageux pour l'assaillir, se dirigea silencieusement vers Pavie.

Mais Galiot de Genoilhac et ses canonniers faisaient meilleure garde que le duc d'Alençon. Une formidable bordée de l'artillerie des redoutes réveilla subitement le camp français. Les gros canons firent, coup sur coup, de larges trouées dans les bataillons ennemis, de sorte que vous n'eussiez vu que bras et têtes voler.

La brèche fut criblée et devint inaccessible ; alors les lansquenets de Bourbon et les Espagnols du vice-roi de Naples se mirent à courir à la débandade pour chercher un refuge derrière les rampes du vallon de Saint-Paul.

Malheureusement, à la vue du désordre de l'ennemi, le roi bouillant de courage et d'ardeur de combattre, s'élança en dehors des lignes à la tête de sa maison et masqua l'artillerie qui ne put plus jouer, ce dont M. Galiot cuida désespérer.

 

François Ier ne savait, pas plus que Philippe de Valois ou que Jean le Bon, contenir, en face de l'ennemi, son ardeur chevaleresque.

 

L'infanterie d'élite du marquis del Guasto fit volte-face, à l'approche delà gendarmerie française, et soutint bravement son premier choc, pendant que Bourbon et Pescaire étendaient leur ligne de bataille de manière à déborder les Français.

 

Cependant, au premier coup de canon, le maréchal de La Palice avait quitté son quartier de San Lanfano pour venir se placer ; avec la gendarmerie et les bandes françaises qui composaient l'avant-garde, à la droite du corps de bataille, où il restait encore 4 à 5.000 lansquenets, débris des vieilles bandes noires de la Gueldre et de la Wesphalie, habituées à combattre sous la bannière de France et mises au ban de l'empire par Charles-Quint.

Le duc d'Alençon avait évacué en toute hâte le parc de Mirabello, et la cavalerie de l'arrière-garde s'était ralliée en arrière des Suisses, qui formaient l'aile gauche de la ligne de bataille.

 

Bourbon à la tête des 12.000 lansquenets du colonel Frendsberg attaqua furieusement les Suisses[63]. Les gros bataillons allemands, précédés par leur artillerie et flanqués par de la cavalerie, se formèrent en croissant et enserrèrent, comme dans une tenaille[64], la lourde redoute helvétique, qui, après une courte résistance, se retira derrière les retranchements[65].

 

Le roi avait enfoncé successivement l'escadron italien et les 500 gendarmes francs-comtois qui lui faisaient face ; il croyait déjà tenir la victoire quand il fut assailli par le marquis de Pescaire.

Cet habile capitaine avait intercalé, par petits pelotons, entre les escadrons de la cavalerie espagnole et allemande, 1.500 arquebusiers basques, les plus ingambes de son infanterie, dressés de longue main à cette manière de combattre renouvelée d'Arioviste et de César. Des soutiens compacts d'infanterie et de cavalerie suivaient sa première ligne à petite distance.

Les balles de deux onces des arquebusiers traversaient les armures les mieux trempées ; les hommes d'armes de France tombèrent l'un après l'autre, sans pouvoir atteindre les tirailleurs agiles, qui allaient recharger leurs arquebuses derrière les escadrons.

 

Le roi, pour diminuer les pertes, fit déployer les compagnies de sa maison ; mais alors, la cavalerie espagnole chargea à son tour ; la mêlée devint générale et, au milieu des joutes individuelles de ces deux cavaleries d'élite, les tireurs basques ajustèrent, presque à bout portant, les grands seigneurs de France, signalés à leurs coups par des cottes d'armes bariolées.

Au même moment, La Palice, avec la gendarmerie de l'aile droite, enfonçait deux fois la cavalerie italienne ; mais, assailli de tous côtés par les lansquenets victorieux de Bourbon et par l'infanterie espagnole du marquis del Guasto, pris à dos par la garnison de Pavie, le grand maréchal de France tomba sous son cheval et fut pris. Un lâche le tua d'un coup d'arquebuse.

La Trémoïlle[66], Louis d'Ars, le maréchal de Foix-Lescun, Suffolk Rose blanche et François de Lorraine, avaient été tués aux côtés du roi.

 

Cependant Pescaire était blessé et Lannoy avait tourné le dos ; la cavalerie du duc d'Alençon était intacte, et les Suisses, ralliés derrière les lignes, pouvaient encore tenter un effort décisif.

Mais, en apprenant la défaite de l'aile droite, le duc d'Alençon tourna bride dans la direction de Milan et s'enfuit avec ses chevau-légers[67].

Les Suisses restèrent sourds aux prières de leur chef Jean de Diesbach de Berne, et prirent aussi la route de Milan. Diesbach, désespéré, se jeta presque seul dans la mêlée pour y trouver une fin glorieuse.

 

La bataille était perdue.

 

François Ier, blessé à la jambe et entouré de tous côtés, se défendait encore avec sa grande épée[68] lorsque son cheval, frappé à mort, se renversa sur lui.

Le vice-roi de Naples, revenu sur le champ de bataille à la nouvelle de ce retour de fortune inattendu, reçut, en fléchissant le genou, l'épée sanglante du noble roi vaincu.

 

Nous avons lu le récit du vainqueur de Marignan : voici la lettre du vaincu de Pavie.

Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est salive. Et, pour ce que, en votre adversité, cette nouvelle vous fera un peu de réconfort, j'ai prié qu'on me laissât vous écrire cette lettre — ce que l'on m'a aisément accordé —, vous suppliant de vouloir prendre l'extrémité de vous-même, en usant de votre accoutumée prudence, car j'ai l'espérance, à la fin, que Dieu ne m'abandonnera point ; vous recommandant vos petits enfants et les miens, et vous suppliant de faire donner passage au porteur de cette lettre pour aller et retourner en Espagne, car il va devers l'Empereur pour savoir comme il voudra que je sois traité.

 

Le même connétable de Bourbon, qui avait partagé la gloire de Marignan, avait la honte d'être le vainqueur de Pavie.

 

La France, dit Montluc, a longtemps pleuré sa défaite et la prise du brave roi qui pensa trouver la fortune aussi favorable qu'à la journée des Suisses ; mais la fortune lui tourna le dos et fit voir combien il est grave qu'un roi se trouve lui-même à la bataille, vu que bien souvent sa prise amène la ruine de son État.

Toutefois, Dieu regarda le sien d'un œil de pitié et le conserva : car les victorieux perdirent le sens, éblouis de leur victoire !

 

 

 



[1] Traité de Fribourg, 29 novembre 1516.

[2] Un ministre de Louis XIV disait, devant un colonel des Gardes suisses : qu'avec l'argent donné aux Suisses par les rois de France, on ferait une chaussée de Paris à Bâle.

C'est possible, répondit le colonel, mais avec le sang versé par les Suisses pour le service des rois de France, on remplirait un canal allant de Bâle à Paris !

[3] Le souvenir de Charlemagne, mirage trompeur où se sont pris les plus grands princes des temps modernes, fascinait l'imagination de François Ier, et il rêvait la domination de l'Europe par l'union des Français et des Germains. (Henri Martin, liv. XLVI.)

[4] Les Picards, qui sont grands ocquineurs, l'appelaient Charles qui triche ; le badinage n'était pas mauvais, car il a été grand trompeur et un peu trop manqueur de foi. (Brantôme.)

[5] Montluc débuta, en 1521, comme archer dans la compagnie d'ordonnance du maréchal de Lautrec ; ce qu'on estimait en ce temps là, car il se trouvait de grands seigneurs qui étaient aux compagnies et deux ou trois en une place d'archer. Depuis, tout s'est abâtardi.

[6] On l'appelait le Grand Sanglier des Ardennes à cause de ses terres qui aboutissaient aux Ardennes, et parce qu'il ravageait toutes les terres de l'empereur et de ses autres voisins, en y faisant de grands maux, ni plus ni moins qu'un sanglier qui ravage les terres et les vignes des pauvres et bonnes gens. Ainsi fût-il le premier sujet des guerres entre le roi et l'empereur, car le roi le prit en protection. (Brantôme).

[7] Il y avait dix-huit mille lansquenets et les six mille aventuriers français de M. de Saint-Pol (qu'on nommait les six mille diables) et douze cents hommes d'armes tous logés dans les villages autour d'Attigny, tirant vers Sedan. (Fleurange).

[8] Mouzon, Sedan, Mézières.

[9] Lesparre, Lautrec et Lescun étaient les trois fils de Jean de Foix.

[10] 700 lances et 2.000 piétons espagnols, sous Fernand d'Avalos, marquis de Pescaire et Antonio de Leyva ; 500 lances italiennes sous le marquis Frédéric III de Gonzague, capitaine général de l'Église ; 16.000 fantassins allemands, romagnols et suisses sous Prosper Colonna. L'historien Francesco Guicciardini était le commissaire général de cette armée, et par conséquent le témoin des événements qu'il a racontés.

[11] Brave gentilhomme d'Angoumois, puîné de la maison de Mareuil. (Brantôme).

[12] Le roi fit à Bayard accueil merveilleux ; il ne se pouvait lasser de le louer devant tout le monde ; il le fit chevalier de son ordre et lui donna cent hommes d'armes en chef. (Loyal Serviteur, ch. LXIII).

De 1495, où il avait pris une enseigne, jusqu'à 1521, où il avait sauvé Mézières, le chevalier sans peur et sans reproche, le conseiller indispensable des généraux en chef, le héros de Padoue, de Brescia, de Ravenne n'était parvenu qu'à l'emploi de lieutenant de la compagnie d'ordonnance du duc Antoine de Lorraine. Pour obtenir une haute charge militaire, il fallait, à cette époque, être prince ou courtisan.

[13] En vertu de sa charge de connétable, Charles de Bourbon avait le droit de mener l'avant-garde ; François Ier, qui se plaignait de l'humeur taciturne, froide et mal endurante de son trop puissant vassal, donna ce commandement à son beau-frère, le duc d'Alençon. Ce fut là une des causes premières du ressentiment et de la trahison du connétable.

[14] Frère de M. de la Crotte, et défenseur du château de Brescia en 1512. Il endura le siège de Pampelune l'espace de treize mois, combattant et soutenant tous les assauts, plus que vaillant homme ne saurait faire ; n'étant pas seulement assailli ni combattu de la guerre, mais de la famine, si bien qu'il lui convint de manger les chats et les rats, et jusqu'aux cuirs et parchemins bouillis et grillés. (Brantôme).

[15] L'histoire s'étant montrée sévère pour Lautrec, il est juste d'invoquer en sa faveur le témoignage de Montluc, qui se connaissait en hommes de guerre : Nous perdîmes en cette guerre (1522) le duché de Milan ; il n'y eut point de faute de la part de M. de Lautrec, qui y fit tout le devoir d'un bon et sage général ; aussi était-il un des plus grands hommes de guerre que j'aie jamais connus. (Ch. II).

[16] Prosper Colonna a joui toute sa vie d'une grande réputation, et il sut encore en rehausser l'éclat dans ses dernières années. Il était habile et expérimenté, mais il ignorait l'art de saisir les occasions offertes par la négligence ou par la faiblesse des ennemis ; cependant, sa vigilance contre les coups de force ou les surprises compensait avantageusement sa lenteur, et on peut avec justice donner à ce général le surnom de Temporisateur.

Avant l'invasion de Charles VIII en Italie, la cavalerie, pesamment armée, était plus en usage que .l'infanterie, et l'on ne pouvait pas transporter et faire agir les engins de guerre sans beaucoup de peine ; aussi les batailles, quoique fréquentes, n'étaient-elles pas meurtrières, et les places les plus faibles arrêtaient-elles souvent les plus fortes armées, moins par l'habileté des assiégés que par l'ignorance des assiégeants. Peu à peu, les Italiens se rassurèrent contre la furie française ; ils perfectionnèrent la défense des places, qu'ils munirent de remparts, de fossés, d'autres ouvrages encore ; ils les garnirent d'une nombreuse artillerie, dont une ville assiégée tire plus de parti qu'une armée assiégeante. Prosper Colonna changea le système de guerre, et il eut la gloire de sauver deux fois le duché de Milan. Il fut le premier qui réduisit l'art de la guerre à couper les vivres à l'armée ennemie, à la ruiner par le découragement, la disette et la confusion qu'une sage lenteur y produit ; il sut vaincre et conserver ses conquêtes sans risquer de bataille, sans rompre une lance et sans tirer l'épée. Les bons généraux qui l'ont suivi ont adopté cette prudente méthode, et plusieurs ont soutenu de longues guerres, moins par la force des armes que par leur science et par leur habileté à profiter du moindre avantage. (Guicciardini, livre XV, ch. XVIII.)

[17] Il était hardi, brave et vaillant pour combattre en guerre et frapper comme un sourd ; mais pour gouverner un état, il n'y était pas bon. (Brantôme).

[18] 1.200 hommes d'armes, 10.000 Italiens ou Espagnols, 4.000 lansquenets, 3.000 Suisses. (Mémoires de Gaspard de Saulx-Tavannes.)

[19] La Bicoque.

[20] Guicciardini.

[21] Plusieurs historiens ont traduit cette version de Guicciardini par les trois mots impérieux : Argent, congé ou bataille ! C'est une interprétation inexacte.

[22] Neveu du pape Léon X ; il fit faire toutes ses enseignes noires après la mort de son oncle, pour le regret qu'il en eut ; de sorte que ses troupes n'étaient autrement nommées que les bandes noires. Elève du marquis de Pescaire, il acquit, en un rien, la réputation d'un très bon capitaine, même pour les gens de pied. (Brantôme.)

Les armes offensives et défensives de ces terribles bandes noires, qui de 1520 à 1527 ravagèrent l'Italie et firent surnommer leur chef le Grand Diable, sont conservées dans le palais du Podestat, à Florence. Les casques et les cuirasses, en acier bruni, sont à l'épreuve de la balle, comme le témoignent les nombreuses atteintes qu'elles ont reçues et qu'on y voit encore.

[23] J'ai vu le dépit des Suisses être cause de la perte de plusieurs plans et interrompre grandement les affaires du Roi. Ils sont, à la vérité, vrais gens de guerre et servent comme de rempart à une armée, mais il faut que l'argent ne manque pas, ni les vivres aussi ; ils ne se payent pas de paroles. (Commentaires de Montluc.)

[24] Mémoires de Martin du Bellay (1513 à 1547).

[25] A la veille de chaque bataille, le général en chef et les principaux capitaines de l'armée conféraient la chevalerie aux jeunes gentilshommes qui avaient mérité cette faveur. Ceux-ci devaient, pour gagner leurs éperons, marcher au premier front devant, comme nous l'avons vu au moyen âge, et se signaler entre tous.

[26] Cette pointe d'avant-garde de cavalerie doit fournir les éclaireurs et les flanqueurs pendant la marche en avant, pour former ensuite la réserve, quand le mouvement tournant du maréchal de Foix aura réussi. C'est à peu près le rôle que Jehan Chandos a assigné à Hugh Caverly à la bataille d'Auray, en 1364.

[27] C'est-à-dire quand ils auraient comblé les fossés avec des fascines, renversé les clôtures et percé les murailles.

[28] Prosper Colonna ne fut pas dupe de cet artifice ; pour le rendre inutile, il fit mettre à ses chevau-légers des épis sur leurs chapeaux. (Guicciardini, livre XIV, ch. XVIII).

[29] Le comte de Montfort, les seigneurs de Miolans, de Graville, de Launay et plusieurs autres furent tués ; le maréchal de Montmorency, porté par terre, fut relevé hors des fossés par ses gentilshommes. (Martin du Bellay).

[30] Martin du Bellay.

[31] M. de Lescun fit très bien avec la première troupe de la gendarmerie que son frère lui avait donnée à mener ; il força vaillamment le pont et entra dedans. Il combattit très bravement ; eut son cheval tué sous lui, et une grande estocade dans le visage. Mais pourtant il fallut se retirer, par le secours qui survint aux ennemis. Il y perdit son enseigne, qui s'appelait Roquelaure, brave gentilhomme gascon, et force gens d'armes de sa compagnie. (Brantôme).

[32] Martin du Bellay.

[33] Janot d'Herbouville, seigneur de Brunon, s'y maintint pendant deux années. Il mourut au printemps de 1523, mais les huit hommes qui restaient de la garnison tinrent bon jusqu'à l'arrivée des renforts français. Ce sont là des exemples bons à connaître et à retenir.

[34] Au sujet du mot soldat, nous trouvons, dans le premier discours de Brantôme sur les colonels et mestres de camp français, la curieuse étude étymologique suivante :

Dans le temps passé, les rechercheurs de mots et états antiques de notre France ne trouvent guère grand cas de l'infanterie de France d'abord ; car la plupart n'était composée que de marauts, bélitres, mal armés, mal complexionnés, faicts-néants, pilleurs et mangeurs de peuple. On les appela successivement brigands, francs-archers ou seulement archers, soudoyers, pillards, rustres, laquais, piétons, aventuriers de guerre. Or, depuis, tous ces noms se sont perdus et se sont convertis en ce beau nom de soldat, à cause de la solde qu'ils tirent. Les Espagnols et Italiens nous les ont mis en usage, encore que quelquefois les Italiens les appellent fantassins ; mais l'Espagnol use toujours de ce mot soldados, qui est le plus beau nom de tous ceux qu'on peut imposer aux gens de pied, et cela, n'en déplaise aux Latins avec leurs mots milites et pedites, qui sont fort sots et laids auprès de celui de soldats !

[35] Le roi reçoit froidement M. de Lautrec ; celui-ci lui dit que, s'il a perdu Milan, c'est parce qu'on ne lui a pas envoyé les 300.000 écus qu'on lui avait promis. Semblancay, général des finances, est appelé ; il s'excuse sur madame Louise de Savoie qui les avait pris. Le roi s'en courrouce aigrement à sa mère, qui accuse Semblancay, lui fait députer des commissaires et le fait pendre injustement. (Mémoires de Tavannes)

[36] Henry VIII, qui s'intitulait encore roi de France et d'Angleterre, avait déclaré la guerre à François Ier le 29 mai 1522 ; une flotte anglaise avait pris Morlaix (4 juillet) et débarqué à Calais l'amiral Surrey. Celui-ci avait opéré sa jonction avec l'armée impériale des Pays-Bas et mis le siège devant Hesdin. Le duc de Vendôme, sans s'exposer aux chances incertaines d'une bataille, harcela l'armée assiégeante, enleva ses convois, détruisit ses approvisionnements et obligea les deux corps ennemis à lever le siège et à regagner leurs points de départ.

[37] Martin du Bellay.

[38] Il avait soixante-trois ans.

[39] Martin du Bellay.

[40] C'était vers la Toussaint, environ dix ou douze jours après la Saint-Martin que les blés gelèrent presque universellement par tout le royaume de France. (Martin du Bellay).

[41] Jean Bouchet, Panégyrique de La Trémoille.

[42] Il avait fait son apprentissage aux armées et guerres d Italie sous M. le grand-maître Chaumont, où il fut toujours en bonne réputation ; et, pour ce, le roi le prit en grande amitié. Il était de fort gentil et subtil esprit et très habile, fort bien disant, fort beau et agréable. (Brantôme).

[43] Sur le Naviglio-Grande, au N.-O. d'Abbiate-Grasso, à moitié chemin de Buffalora.

[44] Le vice-roi de Naples eut avertissement comme le capitaine Bavard avec sa compagnie de 100 hommes d'armes, les seigneurs de Mézières et de Sainte-Mesmes ayant chacun 50 hommes d'armes, et le seigneur de Lorges avec les gens de pied français dont il était colonel, étaient logés à Rebecco, assez loin de notre camp et en un lieu mal aisé pour y être secouru. Il délibéra de leur donner une camisade et de les faire surprendre en leurs logis. A cet effet, il dépêcha le marquis de Pescaire avec l'infanterie espagnole et le seigneur Jean, de Médicis avec bon nombre de gens de cheval ; et, comme c'était de nuit que devait se faire l'exécution, il fit prendre à chacun une chemise blanche par-dessus ses armes pour mieux se reconnaître.

Pescaire et Médicis firent si bonne diligence qu'ils arrivèrent deux heures avant le jour sur notre guet, qui ne se trouva pas suffisant pour soutenir leur effort, et ils le renversèrent dedans Rebecco. De sorte que Bayard et les autres capitaines virent leur guet renversé sur leurs bras aussitôt qu'ils eurent l'alarme. Bayard, encore qu'il fût malade ayant pris médecine, monta aussitôt à cheval ; il trouva près de lui le seigneur de Lorges, et tous deux, avec ce qu'ils purent promptement assembler de soldats, soutinrent l'effort des ennemis, pendant que le reste se mettait ensemble pour se retirer vers le camp d'Abbiate-Grasso. En chemin, ils rencontrèrent monsieur l'amiral qui marchait avec l'armée au-devant d'eux pour les secourir. Nous y perdîmes peu d'hommes, mais tout le bagage y demeura. (Martin du Bellay).

[45] Martin du Bellay.

[46] Détaché du gros de son armée.

[47] Cette magnanime génération des Bayard, des La Trémoïlle, des La Palice, des Louis d'Ars finit la chevalerie, mais la chevalerie ne pouvait plus noblement finir. L'antique idéal des romans n'avait jamais été approché de si près par la réalité qu'au moment de s'éteindre. Le patriotisme et la discipline avaient régularisé, sans l'étouffer, l'esprit chevaleresque. (Henri Martin ; 4e partie, livre XLVII).

[48] Entre Suze et Briançon, Saint-Pol trouva le duc Claude de Longueville qui venait à son secours avec 400 hommes d'armes ; c'était trop tard : en arrivant quinze jours plus tôt, ces 400 lances se fussent jointes avec les Suisses nouvellement venus, lesdits Suisses eussent combattu, et tout eût été changé. Finalement, nous envoyons du secours, mais mal à propos, quand l'occasion est faillie, et nous faisons dépense inutile ; au moins l'ai-je vu souvent advenir de mon temps. (Martin du Bellay.)

[49] Il s'était fait déclarer capitaine général de l'armée de l'Empereur pour ne pas obéir à un traître. (Guicciardini.)

Ce sentiment de réprobation était partagé par toute la noblesse espagnole. L'Empereur ayant demandé au marquis de Vilenna à recevoir en son logis le prince de Bourbon, le marquis répondit qu'il y consentait, mais que l'Empereur ne trouverait pas mauvais s'il mettait a ensuite le feu à sa maison, car il ne voulait pas qu'on accusât cette maison d'avoir servi de retraite à un traître et infidèle à son roy. (Brantôme.)

[50] Dans Marseille s'était aussi jeté le seigneur Renzo de Céri ; gentilhomme romain de grande maison, beau et vaillant, qui s'était sauvé de la déroute de l'amiral Bonnivet et qui avait ramené delà les monts 3.000 bons vieux routiers de guerre. Aussi M. de Bourbon ne craignait rien tant que ledit Renzo et ses compagnons ; témoin le refrain de la vieille chanson des adventuriers de guerre de 1524 :

Quand Bourbon vint à Marseille,

Il dit à ses gens,

Vrai Dieu ! quel capitaine

Trouverons nous dedans ?

 

Il ne m'en chaut d'un blanc

D'homme qui soit en France,

Mais que ne soit dedans

Le capitaine Rance !

(Brantôme.)

[51] Martin du Bellay

[52] Martin du Bellay.

[53] Guicciardini, liv. XV, chap. XXIV.

[54] Le roi Henry II de Navarre, le duc d'Alençon, le comte de Saint-Pol, le duc d'Albanie (Stuart d'Aubigny), le duc Claude de Longueville, les maréchaux Chabannes de La Palice, Foix-Lescun et Anne de Montmorency, le grand maître de France Réné bâtard de Savoie, l'amiral Bonnivet, du conseil duquel le roi s'inspirait plus que de nul autre ; messire Louis de La Trémoïlle, le marquis Michel Antoine de Saluces, le comte François de Vaudemont, M. de Lorraine son frère, colonel de 3.000 lansquenets, Suffolk Rose blanche, avec pareille charge, Renzo de Ceri, Chabot de Brion, Galéas de San Séverino grand écuyer de France, le capitaine Louis d'Ars et plusieurs autres gros personnages qu'il serait de trop longue déduction à nommer. (Martin du Bellay.)

[55] Si le roi eût poussé vivement après l'armée impériale, la victoire et la conquête du duché de Milan étaient nôtres, car elle s'en allait en tel désordre que les soldats ennemis, exténués par leur retraite de Provence, jetaient leurs armes dans les fossés. (Martin du Bellay.)

[56] Exemple à retenir de l'organisation défensive des maisons en 1524.

[57] Martin du Bellay.

[58] Commentaires de Montluc.

[59] 600 hommes d'armes, 500 chevau-légers et 10.000 hommes de pied.

[60] Le roi, malgré les trop nombreux détachements qu'il avait à Gênes et dans les États de l'Église, se croyait plus fort que l'ennemi, parce qu'il payait son armée sur le pied de 1.300 lances et de 26.000 fantassins ; mais ce chiffre n'existait que sur les contrôles grâce à l'avarice des officiers et à la négligence des commissaires. Les compagnies d'ordonnance ne comptaient que 800 lances effectives (6.400 chevaux) et il n'y avait pas moitié de l'infanterie, le roi ayant peu auparavant cassé 3.000 Grisons pour éviter la dépense, et son camp étant affaibli tant par la longueur du siège que par les maladies qu'il avait eues. Eh ! que ces petites ménageries apportent quelquefois de pertes ! (Montluc.)

[61] Si le roi eût voulu croire le maréchal de La Palice, La Trémoïlle, Galéas de San Severino et Théodore Trivulce, il n'eût pas donné la bataille de Pavie. Tous lui conseillaient de lever le siège et de se retirer à Binasco.

— C'est la victoire seule, disait La Palice, qui fait l'honneur ou le déshonneur de la guerre. Si, au lieu de s'obstiner au siège, on veut se retirer, tarder et temporiser, l'armée ennemie se dissoudra d'elle-même par faute d'argent.

L'amiral Bonnivet déclara :

— Que M. de La Palice donnait conseil selon l'usage des vieux ; que, quant à lui, il n'avait jamais fui le combat de sa vie, et qu'il ne voulait pas penser que cette noble et ancienne valeur de combattre toujours qu'on avait vue à M. de La Palice se fût refroidie pour quelque petite charge d'années !

Monsieur de Lautrec appuya l'avis de Bonnivet.

— Eh bien ! répondit La Palice, à qui le rouge était monté au visage, que Dieu donne raison aux fols et aux superbes ! Quant à moi, afin qu'on ne pense pas que je refuse le péril, je m'en vais combattre à pied avec la première infanterie. Vous autres, gens d'armes français, combattez si vaillamment que l'on connaisse, dans ce cas périlleux, que la foi-lune vous a manqué plutôt que le courage ! (Brantôme.)

[62] C'est ce qu'on appelait faire une camisade.

[63] Seigneur de Mindelheim en Souabe.

[64] C'est une des formations indiquées par le Rosier des guerres.

[65] D'après les Mémoires du maréchal de Vieilleville rédigés par Carloix son secrétaire, les Suisses n'auraient pas même voulu combattre : Et pour montrer que le ciel s'était mis avec les hommes pour exterminer du tout ce grand roi, il avait en son armée 10 ou 12.000 Suisses qui firent, sur le gros du combat, haut le bois. Il ne fut pas possible de les faire combattre, mais ils se retirèrent de la bataille, prenant le chemin de Milan et s'excusant sur un vœu commun à leur nation de ne jamais combattre un vendredi. Mais la plaie de leur bataille perdue à Marignan était si récente que l'on jugea fort aisément qu'ils s'en voulurent ressentir, faisant pratiquer à ce pauvre prince, et à sa grande ruine, le proverbe qui défend de trop se fier à l'ennemi réconcilié. (Livre I, ch. XLIV).

[66] Au lit d'honneur il a perdu la vie

Le bon Loys Trimoïlle cy gisant,

Au dur conflit qui fut devant Pavie

Entre Espagnols et Français, par envie,

Dont son renom est en tous lieux luisant.

Il n'eut voulu mourir en languissant

Dans sa maison, ni sous obscure roche

De lâcheté, comme il allait disant ;

Pour ce est nommé chevalier sans reproche !

(Jean Bouchet.)

[67] Le roi avait envoyé, le jour précédent, M. le maréchal de Montmorency avec 100 hommes d'armes, 1.000 hommes de pied français et 2.000 Suisses pour garder le passage de Saint-Ladre, où il fut en armes jusqu'au point du jour. Duquel lieu oyant jouer l'artillerie, il marcha en diligence pour se joindre avec le roi, mais ce fut trop tard, car il était déjà près en son armée défaite. Cependant Montmorency voulut combattre, et, avec le peu de forces qu'il avait, il se jeta, sans reconnaître, dedans l'armée impériale et défit de grande furie l'un des bataillons de lansquenets impériaux ; mais il fut incontinent enveloppé, défait et pris par un gros host de cavalerie italienne, aimant mieux, en brave chevalier e.t loyal serviteur du roi et de la couronne de France, s'abandonner au hasard et se perdre, que de demeurer sain et sauf et voir son maître prisonnier. On dit qu'il fit cette aventureuse entreprise pour rallier les plus courageux de notre armée et principalement pour faire revenir au combat le duc d'Alençon, beau-frère du roi, qu'il voyait de loin, à son très grand regret, se retirer avec l'arrière-garde (de laquelle il était chef), encore fraîche et quasi entière, sans coup frapper ni faire contenance de vouloir combattre. Mais ce fut en vain, car il ne revint pas ; mais se retira et passa par-dessus le pont que le roi avait fait dresser sur le Tessin deux jours avant la bataille. (Mémoires de Vieilleville, livre I, ch. XLIV).

[68] François Ier était le plus beau et le plus grand homme de sa cour, et d'une telle force corporelle qu'aux joutes et tournois il renversait tout ce qui se présentait devant lui. Pour cette force et adresse et sa très belle assiette à cheval, les princes, seigneurs et capitaines de sa gendarmerie l'estimaient le premier homme d'armes de son royaume. Donc, se sentant ainsi nommé et en faveur de cette réputation, il avait institué la charge de premier homme d'armes de France, qui se donne à quelque chevalier d'honneur et de mérite et dont la charge est de chausser les éperons au roi le jour d'une bataille ; mais il faut que, ce faisant, il soit armé de toutes pièces, prêt à monter à cheval et à combattre ; et peut, par privilège spécial, marcher, ce jour-là, au rang des princes. (Mémoires de Vieilleville, livre Ier, ch. XLVI).

L'armure que François Ier portait à Pavie est conservée à l'Armeria de Capodimonte, à Naples ; la tête du cheval seule est bardée.