SOMMAIRE. Les preux. — Campagne de 1214. Bataille de Bouvines. — La Septième croisade. — Chypre. — Débarquement devant Damiette. — Le camp d'Achmoun. — Le feu grégeois. — Bataille de Mansourah. — Défense des lignes conquises. — La peste. — La retraite. LES PREUX. L'histoire militaire du moyen âge a été faite plusieurs fois. De plus érudits ont raconté les faits d'armes des preux, et, pour avoir une idée précise de l'armement et de la tactique des armées françaises, depuis l'époque Carlovingienne jusqu'à la Renaissance, il suffit d'étudier les tomes V et VI du Dictionnaire raisonné du mobilier français, par M. Viollet-le-Duc. C'est ce que nous avons fait nous-même. En puisant aux sources indiquées par le savant architecte, nous avons choisi deux exemples des prouesses féodales : la bataille de Bouvines et la Septième croisade. L'une et l'autre mettent d'autant mieux en lumière la composition et la tactique des grandes armées féodales, qu'elles ont été racontées par des témoins oculaires : Bouvines, par Guillaume le Breton, chapelain de Philippe-Auguste ; l'expédition d'Egypte, par le sire de Joinville, compagnon de gloire et d'infortune de saint Louis. CAMPAGNE DE 1214. Jean sans Terre avait formé contre Philippe-Auguste, son suzerain, une vaste coalition, où étaient entrés l'empereur d'Allemagne, Othon IV de Brunswick, Ferrand comte de Flandre, Renaut de Boulogne, les ducs de Brabant, de Lorraine, de Limbourg et le comte de Hollande. Les coalisés s'étaient, à l'avance, partagé le royaume qu'ils voulaient conquérir. Othon, à la tête de 100.000 hommes, marchait de Valenciennes vers Tournay, pendant que le roi d'Angleterre envahissait le Poitou[1]. Philippe-Auguste, après avoir convoqué ses vassaux, ses arrière-vassaux et la milice des communes, planta l'oriflamme de Saint-Denis[2] sous les murs de Tournay. 20.000 cavaliers et 39.000 piétons se groupèrent autour de l'oriflamme. Othon leva son camp de Valenciennes et s'avança jusqu'à Mortagne, à six milles de Tournay. Les deux armées restèrent quelque temps à deux lieues l'une de l'autre, chacune hésitant à prendre l'offensive. Le roi proposa d'aller attaquer l'ennemi, mais les barons l'en déconseillèrent, parce que les avenues étaient étroites et difficiles jusqu'à eux. Il fut donc ordonné qu'on retournerait en arrière, le 27 août 1214, et qu'on entrerait, par une autre plus pleine voie, en la contrée de Hainaut. Mais autrement advint qu'on ne s'était proposé, car Othon se mut, en cette même matinée, du châtel de Mortagne et chevaucha, tant comme il put, après le roi, en batailles ordonnées[3]. C'est-à-dire en trois colonnes : Celle de gauche, conduite par le comte Ferrand, se composait de la noblesse flamande et hollandaise ; Celle du centre, sous le commandement direct de l'empereur, comprenait 800 hommes d'armes du Brunswick, l'infanterie allemande et un corps de réserve de 16.000 Saxons ; Celle de droite, sous Renaut de Boulogne l'âme de la coalition, homme aussi subtil de parole que vaillant de la main, était formée des vassaux de Renaut, des vieilles bandes de routiers et de brabançons[4] qu'il avait prises à sa solde, et de 6.000 chevaliers ou archers anglais, conduits par le comte de Salisbury, frère naturel de Jean sans Terre. L'empereur Othon, le comte de Flandre et Renaut de Boulogne avaient juré de ne s'attaquer qu'au roi. Bataille de Bouvines (27 août 1214)[5].Depuis le matin, l'armée française défilait par le pont de Bouvines, sur la route de Tournay à Lille. L'avant- garde, formée par la chevalerie de l'Ile de France, sous le connétable de Montmorency, était déjà au delà de la Marq[6] avec une partie du corps de bataille, composé de l'infanterie des communes. Le reste des hommes d'armes, sous le commandement direct du roi, s'apprêtait à passer à son tour, lorsque le vicomte de Melun et Guérin, évêque de Senlis, envoyés en reconnaissance avec 3.000 sergents à cheval et arbalétriers, découvrirent, du haut d'un mamelon, les têtes de colonnes de l'Empereur. L'évêque vint prévenir le roi pendant que le vicomte tenait tête aux éclaireurs ennemis. Philippe-Auguste fit arrêter aussitôt cette dangereuse marche de flanc, compliquée d'un passage de défilé en présence de l'ennemi, et il rappela Montmorency en toute hâte. Le roi, après une brève oraison à Notre-Seigneur, se fit armer hâtivement et saillit sur son destrier, en aussi grande liesse que s'il dût aller à une noce ou à une fête. Lors, on entendit crier par les
champs : Aux armes, barons ! aux armes ! Trompes et buccines commencèrent à bondir et les batailles à retourner, qui avaient déjà passé le pont, et fut rappelée l'oriflamme de Saint-Denis, que l'on a coutume de porter par devant toutes les autres, au front de la bataille. Le roi se hâta de former en haie la gendarmerie qui l'entourait. Aidé de l'évêque de Senlis qui, pendant toute cette journée, lui servit de mestre de camp, il rangea ses chevaliers sur une seule ligne, de 1.040 pas de longueur, à peu près égale au centre de l'empereur. Seigneurs chevaliers, criait Guérin, le champ est grand ; élargissez vos rangs, que l'ennemi ne vous enclave ! Ordonnez-vous de telle sorte que vous puissiez combattre tous ensemble et d'un même front[7]. Voilà qui précise la tactique de la cavalerie féodale. Près du roi était Guillaume des Barres, la fleur des chevaliers, avec nombre d'autres preud'hommes, pour son corps garder. Galon de Montigni, fort chevalier du Vermandois, portait sa bannière d'azur semée de fleurs de lis d'or, et son chapelain, Guillaume le Breton, le suivait en chantant des psaumes. Cependant, l'armée impériale s'était déployée : A l'extrême droite, appuyée à la Marcq, les archers anglais et les routiers du Brabant flanquaient la noblesse des deux Lorraines et du Palatinat ; Au centre, l'infanterie allemande, était formée en phalanges profondes, hérissées de piques, et flanquées par des compagnies formées en coin ; derrière, en deuxième ligne, l'infanterie saxonne était la réserve. Dans l'intervalle des deux lignes, se tenait l'empereur Othon, entouré de 50 chevaliers allemands, qui avaient juré solennellement de pousser jusqu'au roi de France et de l'égorger. La bannière d'Othon, portée sur un grand char, représentait un aigle de bronze doré, terrassant un dragon. A gauche, le comte Ferrand avec les gens de la Flandre et du Hainaut. L'armée française se forma à peu de distance, face au nord-est. A l'aile droite, le duc de Bourgogne fut opposé aux Flamands, avec les hommes d'armes et les milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne et de Picardie ; son front était couvert par les sergents à cheval[8] du Soissonnais, qui engagèrent l'action générale, en chargeant les chevaliers flamands. Au centre les communes de l'Ile de France et de la Normandie, massées autour de l'oriflamme, formaient un rempart d'infanterie, en avant du Roi et de ses chevaliers. A l'aile gauche, le comte de Dreux mit en avant de la gendarmerie bretonne, les milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux. Le pont de Bouvines, l'unique moyen de retraite à travers les marécages, était gardé par les 150 sergents d'armes du roi, qui formaient la seule réserve de l'armée française. Nous avons dit que la bataille commença à l'aile droite, par une charge des deux gendarmeries opposées. Les Flamands l'emportaient, lorsque le connétable de Montmorency, accourant de la rive gauche de la Marcq avec la noblesse de l'Ile de France et les milices de Corbie, de Beauvais et de Laon, qu'il avait ralliées en chemin, forma son infanterie en colonne serrée, et prit en flanc le comte de Flandre. Après trois heures et plus, tout le fort de la bataille tourna sur Ferrand et les siens. Il fut abattu à terre, blessé, pris et lié avec maints de ses chevaliers. Tous ceux de son parti, qui combattaient en cet endroit du champ de bataille, moururent ou furent pris. Montmorency, victorieux à l'aile droite, put aller alors au secours du Roi. Les lourds piquiers allemands, suivis des chevaliers d'Othon, avaient chargé les communes ; ils les avaient rompues, sans réussir à leur faire lâcher pied, mais ils avaient percé jusqu'à la bannière royale. Guillaume des Barres et tous les preux se placèrent devant Philippe-Auguste ; mais pendant qu'ils soutenaient l'assaut des chevaliers allemands, les piétons avaient cerné le Roi et, avec leurs vouges, ils l'avaient jeté à bas de son destrier. C'en était fait de lui, si l'on avait trouvé un défaut à son armure. Renaut de Boulogne, guidé par la bannière royale, vit son droit seigneur gisant et il aurait pu l'achever, mais le scrupule du serment féodal l'en empêcha ; il passa outre. Galon de Montigny en élevant et en agitant la bannière, attira quelques chevaliers, qui délivrèrent le roi et le remirent à cheval. Parmi eux était Guillaume des Barres, qui déjà tenait Othon par son heaume et le martelait de sa masse d'armes, quand il avait entendu Montigny crier : Aux Barres ! aux Barres ! secours au Roi ! Il était temps que Montmorency intervint. L'arrivée de sa colonne serrée obligea les Allemands à battre en retraite. Othon s'enfuit ; son char fut renversé, et le centre de son armée se débanda. Albert de Saxe se retira sans combattre avec ses 16.000 hommes de troupes intactes, d'après l'axiome que nous avons déjà cité : quand la tête recule la queue fuit. Cependant à l'aile gauche, Renaut de Boulogne s'acharnait contre le comte de Dreux. Il bataillait si durement que nul ne le pouvait vaincre ni surmonter et le vide se faisait autour de son cimier en fanons de baleine. Pour résister à la cavalerie bretonne, il avait formé en cercle (en hérisson), sur 3 rangs de piques, 4 bandes de routiers et de brabançons, derrière lesquelles il ralliait ses hommes d'armes. De là, quand il avait repris haleine, il s'élançait de nouveau dans la mêlée. Les Anglais, sur son flanc droit, opposaient, depuis trois heures, une résistance impassible aux attaques réitérées des bannières de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux. L'évêque de Senlis, qui jusque-là n'avait été que le spectateur de la bataille, n'y tint plus. Une massue de frêne à la main, afin de ne pas transgresser les canons de l'Église, qui défendent de verser le sang, il se jeta au plus fort des Anglais, à la tête des milices de Picardie. Il assomma le comte de Salisbury et bien d'autres, recommandant aux miliciens de dire que c'étaient eux qui avaient fait ce grand abatis. Guérin se souvint cependant de son caractère d'homme d'église, pour sauver la vie à Renaut de Boulogne. Il le trouva désarçonné et assailli par les chevaliers du roi, qui, après la déroute du centre ennemi, était accouru en personne à la rescousse de son aile gauche. Il obtint qu'on lui fît quartier. Les quatre hérissons de Renaut furent rompus par 3.000 bidaux ou piquiers français. Une bande de 700 routiers, restée seule debout, refusa de mettre bas les armes. Le sire de Saint-Valery, avec 50 chevaliers et 2.000 miliciens du Vimeux, en eut raison, non sans peine. Les Français avaient tué 25.000 hommes et fait 9.500 prisonniers ; mais ils avaient perdu 15.000 des leurs, dont 1.000 chevaliers. La coalition était vaincue, la France sauvée. Grâce à la prouesse de la noblesse française, grâce au dévouement de l'infanterie des milices communales, les savantes dispositions de l'évêque de Senlis avaient permis au corps de bataille de tenir bon, jusqu'à l'arrivée du connétable de Montmorency. Celui-ci, en portant une force compacte à tous les points menacés de cette vaste ligne de bataille, avait successivement rétabli le combat à la droite et au centre. Il venait d'accomplir, avec les chevaliers de l'Ile de France, ce qu'Alexandre avait fait tant de fois avec les hétères et César avec les vétérans. Le Roi lui donna les seize enseignes conquises sur le champ de bataille, et la reconnaissance populaire confondit le nom de Montmorency avec le souvenir de cette grande victoire de Bouvines, qui fut l'acte de baptême de la nationalité française[9]. LA SEPTIÈME CROISADE (1248-1250). Après Philippe-Auguste, le chevalier français du moyen âge s'est incarné dans saint Louis, son petit-fils. Pieux, brave, adventureux, Louis IX, à l'appel des chrétiens d'Orient, quitta en 1248, son beau royaume de France, pour aller guerroyer contre les Infidèles. Le sire de Joinville a raconté simplement ce qu'il avait vu et son récit nous enseigne, de la façon la plus précise, ce qu'était la tactique féodale vers le milieu du XIIIe siècle. CHYPRE. Depuis 1187, Jérusalem appartenait au soudan du Caire. Saint Louis, par une haute conception stratégique, résolut de porter la guerre en Égypte. A cet effet, il fit réunir des approvisionnements considérables dans l'île de Chypre[10], où il donna rendez-vous aux princes dépossédés de la Palestine et à tous ceux des barons de la chrétienté qui songeaient encore à délivrer le saint Sépulcre. Chypre appartenait à un Français, Henri de Lusignan, qui concourut activement aux préparatifs de la croisade. Saint Louis, débarqué à Limisso, le 17 septembre 1248, perdit plusieurs mois, non-seulement à négocier avec les Tartares Mongols, qui lui proposaient de tenter une diversion contre Bagdad et Damas, mais encore à obtenir de Gênes, de Venise et de Pise, de nouveaux moyens de transport pour aborder en Egypte. A défaut d'une marine nationale, il avait fallu recourir, pour le voyage à Chypre, à des navires marchands qui ne voulaient pas aller au delà. C'était vraiment tenter l'impossible que de songer à des conquêtes d'outre-mer, sans une flotte à soi et sans une armée régulière et disciplinée, prête à suivre partout son chef au premier signal. Malgré le soin qu'avait pris saint Louis de s'assurer une base d'opérations, un centre d'approvisionnement et des alliances, les hésitations et les lenteurs de la milice féodale firent manquer tous ses projets. Les barons croisés voulurent attendre les retardataires. On hiverna à Chypre, on consomma la plus grande partie des approvisionnements et une première épidémie fit de nombreuses victimes. Au lieu d'attaquer le Soudan d'Égypte à l'improviste, on lui avait laissé tout le temps d'appeler l'islamisme à son aide, de réunir une puissante armée et de convoquer ses Mameluks. DÉBARQUEMENT DEVANT DAMIETTE (13 mai 1249). Ce ne fut que le 13 mai 1249 que 1.800 vaisseaux, grands ou petits, quittèrent l'île de Chypre, en emportant 2.800 chevaliers français, latins ou anglais, avec leurs suites de sergents, d'archers, d'arbalétriers et de valets. Il n'y en eut que 700 que le vent sépara du roi pour les mener en Acre et en autres terres étranges. Le jeudi après Pentecoste, arriva le roi devant Damiette et là, trouvâmes tout le pouvoir du Soudan sur la rive de la mer. C'était une belle armée. Le Soudan portait des armes d'or, que le soleil faisait resplendir. Le bruit que faisaient les Sarazinoiz avec leurs cors et leurs tymbales était épouvantable à ouïr. Le roi, malgré son conseil, voulut débarquer dès le lendemain. Joinville prit terre un des premiers. Il y avait sur la plage une grosse bataille de Turcs, qui comptait bien 6.000 cavaliers. Sitôt qu'ils nous virent à terre ils vinrent à nous, férant des esperons ; nous fichâmes les pointes de nos écus dans le sable, ainsi que le fust de nos lances et les pointes vers eux. Quand ils comprirent que nous allions leur en donner dans le ventre, ils tournèrent ce devant derrière et s'enfuirent. A notre gauche, arriva la galère du comte de Japhe, toute peinte à ses armes ; il y avait bien 300 nageurs, chacun ayant une targe avec un panoncel armoirié ; la galère s'avançait au bruit des panonceaux et des cors sarrasins, dont elle était remplie. Sitôt que la galère fut échouée, le comte et ses Chevaliers en saillirent, moult bien armés et attirés, et ils vinrent se ranger à côté de nous, après avoir fait tendre leurs pavillons. Sitôt que les Sarrasins virent ces pavillons, ils revinrent, férant des éperons pour nous courre sus, mais, quand ils virent que nous ne fuïons pas, ils se retirèrent de nouveau. A notre droite, à une grande portée d'arbalète, atterrit la galère qui portait l'enseigne de saint Denis. Quand le roi la vit sur la plage, il saillit en la mer ; avec de l'eau jusqu'aux aisselles, et, l'écu au col, le heaume en tête, le glaive (la lance) à la main, il vint jusqu'à sa gent qui était sur la rive. En voyant les Sarrasins, il mit le glaive dessous l'aisselle, l'écu devant lui, et il aurait couru sus à l'ennemi, si les prudeshommes qui l'entouraient l'eussent souffert[11]. Les Sarrasins envoyèrent trois pigeons messagers au Soudan, pour le prévenir du débarquement ; mais aucun secours n'arrivant, ils évacuèrent Damiette après avoir incendié les magasins. Damiette pris, au lieu de marcher sur le Caire, le roi voulut attendre son frère, le comte do Poitiers, qui amenait l'arrière-ban de France[12]. Pour que les Sarrasins ne pussent pas entrer à cheval dans le camp, il le fit enclore de grands fossés, et sur les fossés on postait, tous les soirs, des arbalétriers et des sergents, ainsi qu'aux entrées de l'ost (du camp). Depuis Charlemagne, qui avait si
bien connu le prix du temps, les héros du moyen âge semblaient l'avoir
oublié. Ils savaient gagner une bataille, conduire un siège, mais ils ne savaient
pas faire la grande guerre[13]. Quand, cinq mois après, l'armée remonta la rive droite du Nil, elle fut, faute d'équipages de ponts, arrêtée à chaque pas par les dérivations du fleuve et par les canaux. LE CAMP D'ACHMOUN (1230). A l'embouchure du canal d'Achmoun, en face de Mansourah, le roi résolut de jeter une digue entre les deux rives du canal. Les Sarrasins gardaient la rive gauche. Pour protéger les travailleurs, on construisit deux beffrois appelés chas-chastiaux[14]. C'étaient des galeries couvertes, roulantes et flanquées de tours en charpente avec un double toit de planches et de claies. Le tout était recouvert de cuirs verts ou d'épaisses étoffes de laine. Derrière les chastiaux on fit deux abris en charpente, pour protéger les arbalétriers qui tiraient sur les seize engins de l'ennemi. Jocelyn de Cornaut, notre mestre engingneur (ingénieur) fit construire en toute hâte 18 machines de jet. L'on commença la digue dans la
semaine de Noël, mais c était agir en aveugle, car les Sarrasins
élargissaient à mesure la rive opposée et défaisaient, en un jour, ce que
nous avions construit en trois semaines. On entoura le camp chrétien de fossés du côté de Damiette, afin de l'abriter des insultes de la cavalerie. Le comte d'Artois (oncle du roi), campé le long du canal, gardait les chas et les machines pendant le jour. Le roi et le comte d'Anjou faisaient face au Caire ; le comte de Poitiers et les chevaliers de Champagne face à Damiette ; ceux-ci prenaient la garde aux machines pendant la nuit. LE FEU GRÉGEOIS. Un soir, que nous guiettions (gardions) les chas-chastiaux, les Sarrasins approchèrent pour la première fois un engin appelé perrière, et ils mirent le feu grégeois dans la fronde de l'engin. Le premier coup tomba sur la chaussée entre nos deux chas-chastiaux. Nos esteigneurs se hâtèrent d'éteindre le feu ; et, comme ils étaient abrités par nos deux tours de charpente, les Sarrasins tirèrent en l'air et le pylet (la fusée) retomba tout droit sur eux. Ce feu grégeois venait à nous aussi gros que tonnel de verjus, en laissant une traînée aussi longue qu'une lance, avec autant de bruit que la foudre du ciel. Il semblait un dragon volant par l'air et il jetait une si grande clarté, que l'on y voyait dans le camp comme en plein jour. Trois fois dans la soirée ils nous le jetèrent avec la perrière et quatre fois avec les arbalètes-à-tour — balistes ou espringoles. Ce danger, qui paraît surnaturel, trouble les croisés ; ils se mettent à genou et demandent à Dieu la force de ne pas abandonner les défenses qu'on leur a baillées à garder, pendant que le saint roi, les mains tendues vers le ciel, dit en pleurant : Riau sire Dieu, gardez-moi ma gent ! Les Arabes avaient surpris le secret de cette composition mystérieuse, que les Grecs avaient employée à la défense de Constantinople. Inventée en 668, par Callinique, cette substance, tantôt foudroyante, tantôt incendiaire, était un mélange de salpêtre, de poix, de résine, d'huile, de jaune d'œuf, de suif ou d'ingrédient analogues, choisis, pesés, cuits, pétris suivant les caprices des artificiers. Cette trituration produisait un corps gras solide, qui se liquéfiait par la chaleur et s'attachait aux objets qu'il atteignait ; on ne pouvait l'éteindre qu'en l'étouffant. Nous employons encore aujourd'hui une substance analogue, c'est la roche à feu[15]. Les Arabes lançaient le feu grégeois avec de longs tubes d'airain, avec de grandes arbalètes ou dans des pots fermés — fusées volantes ou pots à feu[16]. Les Sarrasins, ajoute Joinville, amenèrent la perrière en plein jour, et ils jetèrent le feu grégeois en nos chas-chastiaux. Leurs engins couvraient de grosses pierres la chaussée et les approches des chastiaux, si bien qu'on dut les laisser brûler. Un nouveau chas que le roi fit construire avec le bois des navires eut le même sort. Alors il fallut renoncer à endiguer le canal d'Achmoun. Le conseil des barons résolut de le passer à gué, pour aller attaquer le camp sarrasin de la rive gauche. Bataille de Mansourah (5 mars 1250).Dès l'aube du mardi gras, le roi se dirige vers le point de passage, avec le gros des chevaliers. Il laisse à la garde du camp le duc de Bourgogne, le roi de Chypre et les barons de la Palestine. Les chevaliers du Temple forment la pointe d'avant-garde. Le comte d'Artois marche à la tète de la seconde bataille, suivi du comte de Salisbury et des chevaliers anglais. A quelque distance, viennent le roi et les grands feudataires, chacun à la tête de sa bataille. Le canal franchi, les Templiers s'arrêtent : c'est l'ordre du roi. Mais aussitôt que le comte d'Artois a passé le canal, il fond sur les mameluks, qui s'enfuient devant lui. Le grand maître du Temple, Guillaume de Sonnac, lui mande que : ce serait grande vileinnie d'aller devant eux, quand ils doivent marcher après, et il le prie de se conformer à l'ordre de marche réglé par le roi. Le comte ne sait que répondre,
mais un chevalier d'Artois, Foucaut du Merle, qui n'entend pas ce colloque,
continue à crier : Or à eulz ! or à eulz ! Alors les Templiers, pensant qu'ils seraient honnis s'ils se laissaient devancer par le comte d'Artois, férirent des éperons à qui mieux mieux et chassèrent les mameluks à travers les rues de Mansourah, jusqu'aux champs, par devers Babiloine (le Caire). Quand, après cette charge folle, il fallut revenir et rejoindre le gros de l'armée, les mameluks avaient barricadé les issues de la ville, et les terrasses des maisons étaient couvertes d'archers. Les chevaliers, criblés à grand force de traits et d'artillerie, c'est-à-dire de flèches, de pierres et de poutres, furent renversés sous leurs chevaux. Robert d'Artois, Salisbury, 300 chevaliers français, presque tous les croisés anglais et 280 chevaliers du Temple, restèrent écrasés dans les rues étroites de Mansourah. Le corps de bataille n'avait pas pu secourir l'avant-garde, parce que les Musulmans avaient assailli les bannières, à mesure qu'elles passaient le canal. Au lieu d'escarmoucher à distance, à coups de flèches et de carreaux d'arbalètes, ils avaient présenté leur nuée compacte au choc des chevaliers. Ceux-ci, séparés par petites troupes, restèrent entourés, de toutes parts, d'ennemis alertes, insaisissables, que rien ne lassait. Le roi combattait au premier rang. Oncques si bel homme armé ne vis.
Il paraissait par-dessus tous, depuis les épaules ; il avait son heaume qui
était doré et moult bel, sur la tête et une épée d'Allemagne en sa main. Les mameluks étaient armés de la lance. Je vis à ma portée, raconte Joinville, un Sarrasin, qui montait sur son cheval, pendant qu'un sien chevalier lui tenait le frein. Comme il prenait la selle à deux mains pour monter, je lui donnai de mon glaive par-dessous les aisselles et je le tuai. Quand son chevalier vit cela, il lâcha le cheval de son seigneur et, me donnant de son glaive entre les deux épaules, il me coucha sur le col de mon cheval et me tint si pressé que je ne pouvais tirer l'épée qui était à ma ceinture. Heureusement, je pus tirer mon épée d'arçon, et quand il me la vit brandir, il retira sa lance et me laissa. Le soir, le roi parvint à rallier un grand nombre de bannières au bord du canal. Le camp sarrasin ayant été évacué pendant la bataille, les croisés s'y installèrent, après avoir chassé les Bédouins qui le pillaient. Les machines et les engins à lancer le feu grégeois qui avait tant grevé les Franks restèrent en leur pouvoir ainsi que les vastes retranchements, que les Sarrasins avaient construits sur la rive gauche du canal, en face du camp chrétien. DÉFENSE DES LIGNES CONQUISES. Deux jours après, une nouvelle armée égyptienne vint donner l'assaut aux lignes conquises. Sur le midi, l'émir fit sonner les timbales et tambours, et les musulmans vinrent aux chrétiens, en manière de jeu d'échecs. A l'infanterie, qui jetait le feu grégeois, étaient mêlés, par troupes serrées, 4.000 mameluks richement armés. Les Bédouins attaquèrent au même moment le pont de bateaux, que les croisés avaient jeté sur le canal pour réunir les deux camps, et ils tentèrent de couper les communications de l'armée du roi avec le corps du duc de Bourgogne. Ceux des croisés qui pouvaient encore se tenir debout se partagèrent la défense des retranchements déjà assaillis de tous côtés et franchis par les Infidèles. Beaucoup se battaient sans heaume et sans haubert, ne les pouvant supporter pour les plaies et contusions qu'ils avaient reçues en la journée du mardi gras. Les gens du comte d'Anjou reculaient, et lui-même allait périr, lorsque le roi, son frère, le dégagea par une charge vigoureuse. Le bon roi porta et endura maints coups et son cheval eut la crinière brûlée par le feu grégeois. Derrière la bataille du comte d'Anjou, venaient celle des barons anglais et celle de Gauthier de Châtillon, pleine de prudeshommes et de bonne chevalerie. Ces deux batailles se défendirent si vigoureusement que les Turcs ne les purent percer ni rebuter. Puis venait le grand maître du Temple, avec ce qui restait de ses chevaliers. Ils se servirent des engins à lancer le feu grégeois, mais ils furent assaillis d'une telle quantité de pyles[17], que la terre en était jonchée derrière eux. Guillaume de Sonnac fut tué. Après le Temple, la bataille du sire de Malvoisin s'étendait jusqu'à un jet de pierre du Nil ; elle eut grand'peine à éteindre le feu grégeois qu'on lui lançait. A sa droite, était notre bataille de Champagne[18], séparée de l'ennemi par les chevaliers du comte de Flandre, qui coururent sus aux Sarrasins aigrement et rigoureusement, à pied et à cheval. Je fis tirer nos arbalétriers sur les mameluks, qui s'enfuirent. Alors les chevaliers flamands, franchissant le retranchement, fondirent sur les piétons sarrasins et les déconfirent. Après, venait la bataille du comte de Poitiers ; elle était à pied, lui seul était à cheval. Cette bataille fut promptement déconfite et déjà les Sarrasins emmenaient le comte, lorsque les bouchers et autres hommes et femmes, qui vendaient les vivres et denrées de l'ost, coururent avec de grands cris aux païens et leur arrachèrent leur prisonnier. La ferme contenance des barons de la Palestine et de l'île de Chypre obligea l'émir à la retraite. LA PESTE. Il n'y avait plus, pour les croisés, qu'un parti à prendre : profiter de cette nouvelle victoire pour' revenir promptement à Damiette s'y ravitailler et réparer les pertes des deux batailles de Mansourah. Mais la fatigue et la maladie avaient paralysé l'énergie du roi et de ses barons. Ils voulurent attendre que les blessés fussent en état de reprendre la campagne, et ils demeurèrent inactifs sous leurs tentes. La peste, la disette furent des ennemis plus impitoyables encore que les Sarrasins. On était en carême ; ces pieux chevaliers ne voulaient d'autre nourriture que les poissons du Nil. Ces bourbettes mangeaient les gens morts, et pour ce meschief et pour l'enfermeté de ce pays, où il ne tombe jamais une goutte d'eau, nous vint une maladie telle, que la chair de nos jambes se desséchait et se couvrait de tâches noires, les gencives pourrissaient ; le saignement de nez était signe de mort. RETRAITE DES CROISÉS. Après avoir vainement essayé d'entrer en négociations avec l'émir, il fallut abandonner la rive gauche du canal et battre en retraite vers Damiette. On fit passer les bagages, puis l'armée entière, du camp de Mansourah dans le camp de la rive droite ; les Sarrasins assaillirent l'arrière-garde, et le comte d'Anjou fut obligé de repasser le pont avec quelques chevaliers, pour la secourir. Tout le monde était passé le 5 avril. Le roi fit, en personne, monter sur les galères les malades et les blessés ; mais, malgré le scorbut et la fièvre qui le minaient, il refusa de s'embarquer et de se séparer de ceux de ses hommes d'armes, qui pouvaient encore marcher ou chevaucher. Dans la confusion de la retraite, on n'avait pas coupé les cordes du pont de bateaux. Les Sarrasins, survenant pendant l'embarquement, firent des malades un affreux carnage ; les mariniers effrayés s'enfuirent, mais ils allèrent donner dans les galères égyptiennes embossées à quelque distance. On leur tira telle foison de traits avec feu grégeois, qu'il semblait que les étoiles tombassent du ciel. Les nefs chrétiennes furent prises à l'abordage et on ne vit plus, sur tout le lit du fleuve, que nefs échouées et pillées, Chrétiens tués et jetés à l'eau. Cependant le roi cheminait à l'arrière-garde, monté sur un petit palefroi, à cause de sa grande faiblesse, et couvert seulement d'une robe-de soie. Quand les Sarrasins l'assaillaient, son porte-bannière, Geoffroy de Sargines, le défendait à grands coups d'épée. A Kiarceh, le roi n'était plus transportable ; on le mit au lit. Au même moment, les mameluks entraient dans le village. Saint Louis fut pris malgré le dévouement de ses chevaliers. Ses deux frères, qui avaient aussitôt rebroussé chemin, pour l'arracher aux mains des Infidèles, partagèrent son sort. La noble attitude de ce roi de France à demi-mort, frappa de respect les farouches mameluks, qui, pour éviter la peste, venaient d'égorger le plus grand nombre de leurs prisonniers. On dit même que les émirs offrirent à saint Louis le titre de sultan. Il eût préféré mourir que de régner sur les Infidèles. Les médecins arabes le guérirent et les vainqueurs se contentèrent de lui imposer une forte rançon. Malgré leur défaite, les nobles chevaliers du pays de France ont laissé en Orient un tel souvenir de leurs prouesses, que tout guerrier chrétien est encore pour les Orientaux un chevalier frank. |
[1] Jean sans Terre venait de mettre le siège devant la forteresse de la Roche-aux-Moines, lorsqu'à l'approche de Louis VIII, fils de Philippe, il s'enfuit lâchement bien qu'il eût une armée supérieure en nombre.
[2] Dans l'inventaire du trésor de Saint-Denis, en 1534, l'oriflamme est mentionnée comme : un étendard d'un cendal (étoffe précieuse) fort épais fendu par le milieu, en façon d'un gonfanon fort caduc, enveloppé autour d'un bâton couvert d'un cuivre doré et (muni) d'un fer longuet, aigu au bout.
[3] Guillaume le Breton (Histoires des gestes de Philippe-Auguste, — Tome XVI du Recueil des historiens de France).
[4] Au XIIe siècle, les grands feudataires entretenaient des bandes soldées, composées de gens à pied et à cheval, connues sous le nom de coteraux, brabançons ou routiers, bandits d'une cruauté implacable.
Louis VII en prit
quelques-unes à sa solde ; mais il dut bientôt y renoncer et, dans l'entrevue
de Vaucouleurs, en 1165, il fut stipulé entre lui et l'empereur Frédéric,
qu'aucun d'eux ne prendrait de routiers à son service. Si quelque noble les
employait, les évêques et les seigneurs devraient marcher contre lui et appeler
le roi, au cas où le coupable serait assez puissant pour les braver.
Henri II d'Angleterre fut
moins scrupuleux ; dans ses longues querelles avec ses fils, les deux partis se
soutenaient avec les routiers (1175).
Philippe-Auguste prit à sa solde (à raison de 1.000 livres par jour, s'il faut en croire Guillaume le Breton) un célèbre chef de bande Cadoc, qui lui rendit de grands services dans ses campagnes contre Jean sans Terre ; mais Cadoc commit tant d'exactions qu'il fallut l'emprisonner en 1213, et renvoyer les brabançons.
En 1214, ces bandes avaient pour chef Hugues de Boves, qui offrit leurs services au comte de Flandre et à Renaut de Boulogne.
(Edgard Boutaric, Institutions militaires de la France avant les armées permanentes, Paris. Henri Plon, 1863.)
[5] D'après Henri Martin, Liskenne et Sauvan, Adrien Pascal, Guizot et les chroniqueurs.
[6] Petit affluent de la Lys, coulant à travers des prairies marécageuses.
[7] Guillaume le Breton.
[8]
On appelait sergents les hommes d'armes non nobles :
en latin servientes, c'est-à-dire servants. Ce nom indique assez que,
dans le principe, ils allaient à l'armée, moins en qualité de combattants que
de serviteurs. En effet, sous les Carlovingiens, les églises étaient tenues
envers le roi à la prestation d'un nombre plus ou moins grand de chariots de
guerre et d'hommes armés pour les conduire et les défendre. Ces hommes
changèrent peu à peu de rôle : ils ne se bornèrent plus à protéger les convois
d'armes et de vivres, ils se battirent et devinrent les sergents, qui, à partir
de Louis VI, figurèrent, non sans quelque honneur, dans l'ost royal.....
L'accroissement considérable du domaine de la couronne sous Philippe-Auguste, Philippe le Hardi et Philippe le Bel, ainsi que les progrès de l'autorité royale, décuplèrent les ressources que la royauté trouvait au commencement du XIIIe siècle dans le tiers état. Les sergents prirent part à toutes les expéditions militaires du XIIIe siècle, non-seulement pour la défense du royaume, mais encore pour maintenir l'ordre à l'intérieur, en réprimant les tentatives de désobéissance des grands feudataires.
(Boutaric, idem.)
[9] Parmi les chevaliers troubadours du XIIe siècle, il en est un, Bertrand de Born, vicomte de Hautefort, qui nous a conservé, dans ses sirventes, la vive allure des combats féodaux.
C'est tout profit pour la tactique, que de lire encore, d'après le savant M. Demogeot (qui fut notre examinateur d'entrée à l'École militaire), cette ode guerrière, contemporaine de Bouvines.
[10] Quand nous vînmes en Chypre nous trouvâmes vivres à foison par la prévoyance du roi. Sur la rive de la mer, il y avait si grande quantité de tonneaux de vin, achetés depuis deux ans et mis les uns sur les autres, qu'à distance il semblait que ce fussent granges. Les froments et les orges formaient des montagnes à travers les champs ; mais, exposés à la pluie depuis longtemps, ils avaient germé et l'herbe y poussait. (Joinville, Histoire de saint Louis.)
[11] Il est intéressant de rapprocher ce débarquement de celui des croisés dans le Bosphore, en 1204. Voici le récit de Villehardouin :
Et le matin fut bel, après le
soleil un peu levant. L'empereur Alexis nous attendait à grants batailles et à
grants conrois (en
grand ordre), de l'autre part. Et on sonne les
bozines (trompettes). Les croisés ne demandent pas chacun qui doit aller devant
: mais qui avant peut, avant arrive
Et les chevaliers issirent des
vaisseaux et saillirent en la mer jusqu'à ceinture, tout armés, les heaumes
lacés, les glaives ès-mains, et les bons archers et les bons arbalestriers,
chacune compagnie où endroit elle arriva (prit terre comme elle put).
Et les Grecs firent moult grand semblant de les retenir. Mais quand ce vint aux lances baissées, les Grecs leur tournent le dos et s'en vont fuyant en leur laissant le rivage.
[12] Quand le suzerain voulait faire la guerre, il convoquait ses vassaux par un appel public, qui était le ban. Ceux qui étaient dispensés par le suzerain de répondre à ce premier appel, les retardataires ou les plus éloignés, devaient répondre à une seconde convocation : ceux- là formaient l'arrière-ban.
[13] Henri Martin, Histoire de France.
[14] Les chas-chastels étaient les beffrois ou les tours mobiles en bois, qu'on dressait devant les remparts assiégés, et dont la partie inférieure servait à abriter les travailleurs : c'est l'hélépole des Grecs.
On les façonnait le plus souvent avec des bois verts, afin de rendre plus difficile leur destruction par le feu. Ils étaient d'ordinaire posés sur quatre roues, et mus au moyen de cabestans, montés dans l'intérieur même de l'engin.
Le labeur de l'engingneur consistait à bien calculer la hauteur de la muraille, afin de pouvoir, au moment opportun, abattre le pont mobile sur les créneaux attaqués.
[15] Général Suzane, Histoire de l'artillerie française. Paris. Hetzel, 1874.
[16] Anne Comnène donne la recette du feu grégeois employé en 1106 par les défenseurs de Durazzo. On mêle la poix et la sève de quelques arbres verts ; on broie ce mélange avec du soufre et on le tasse dans de petits tuyaux de roseau, dans lesquels on l'introduit, par un souffle violent et continu comme celui d'un joueur de flûte. Ensuite, on L'enflamme en appliquant le feu à l'extrémité et, comme un météore brûlant, il tombe sur les objets qui lui sont opposés. Les gens de Durazzo, se trouvant face à face avec les Normands, leur brûlèrent ainsi la barbe et le visage.
[17] Pyle : pilum ; le terrible javelot romain a disparu depuis longtemps ; mais son nom a été conservé.
[18] Joinville en était le chef.