SOMMAIRE. Camper. — Marcher en avant. — Marcher en retraite. — Combattre. CAMPER. Le camp grec est une enceinte ronde ou elliptique. Toutes les rues aboutissent au centre, où l'on dresse la tente du général. Les esclaves entourent le camp d'un fossé et d'un retranchement à hauteur d'homme. Aux abords, ils creusent des trous de loup et sèment des chausse-trapes. Le camp est gardé par des postes de 50 hoplites, placés en dehors de l'enceinte, le long du fossé. De grands feux sont allumés pendant la nuit en arrière des fossés, afin de tromper l'ennemi, de le voir venir ou de l'attirer dans une embuscade. Des postes avancés détachent des sentinelles, qui se passent, de main en main, un grelot, pour prouver qu'elles veillent. Des officiers de ronde, accompagnés de porteurs de torches, parcourent la ligne des sentinelles, en agitant une sonnette. Les sentinelles doivent héler la ronde, quand elles entendent la sonnette. Le mot d'ordre (Jupiter, Pallas, Hercule) est échangé entre les sentinelles, et entre les rondes ou les patrouilles de quatre hommes, qui relient les postes. MARCHER EN AVANT. Quand la phalange se met en marche, l'aile droite qui, sur la ligne de bataille, est le poste d'honneur du général en chef, forme la tête de la colonne ; l'aile gauche forme la queue. Les Grecs marchent au son de la musique. Des joueurs de flûte accompagnent les syntagmes, pour marquer la cadence du pas et pour empêcher les rangs de se rompre. Un esclave porte les armes et les vivres de chaque hoplite (60 livres environ). Devant l'ennemi, les soldats, avant de charger, entonnent le Péan, hymne de guerre et de victoire. L'avant-garde et l'arrière-garde sont formées de troupes légères, psylites et archers à cheval thessaliens, soutenues quelquefois par des peltastes. Le corps de bataille se compose de la phalange, derrière laquelle marchent les éléphants (quand il y en a), les machines et les bagages. Les vivres de réserve sont portés par des bêtes de somme ou par des esclaves : c'est le convoi. La marche la plus rapide que cite Xénophon est celle d'Agésilas : 160 stades (29 kilomètres), du lever au coucher du soleil[1]. Alexandre, poursuivant Darius avec sa cavalerie, a fait 3.300 stades en 11 jours (15 lieues par jour). La marche en avant en ligne de colonnes de compagnies est, pour ainsi dire, décrite par Xénophon. Il s'agit de gravir une montagne, en présence de l'ennemi : Xénophon propose aux stratèges de quitter l'ordre en phalange, pour marcher en ligne de colonnes séparées : Si, leur dit-il, nous formons de petites colonnes, en laissant entre elles assez d'intervalle pour que les lochos des ailes débordent le front de l'ennemi, nous pourrons mettre, en tête de chaque colonne, les meilleurs de nos soldats, et chacune passera là, où le chemin lui paraîtra le plus praticable. Si l'ennemi veut pénétrer dans nos intervalles, il se mettra entre deux rangs de nos piques. Si un lochos fléchit, le plus voisin lui portera secours, et, dès que l'un d'eux aura pu gagner le sommet, pas un Perse ne résistera. Les stratèges adoptèrent l'avis de Xénophon. Ils partagèrent les hoplites en quatre-vingts colonnes de cent hommes. Les peltastes, formés en trois corps de six cents hommes, furent répartis aux ailes et au centre. Les psylites éclairaient la marche. Remarquons que le lochos de Xénophon n'est pas l'escouade de seize hommes sur une file, de la phalange macédonienne : c'est une compagnie de cent combattants, sur quatre rangs et vingt-cinq files. La moitié (le peloton) s'appelle pentecostie ; Le quart (la section), énomotie. MARCHER EN RETRAITE. Pour marcher en retraite, les hoplites forment d'ordinaire un carré, au milieu duquel on met les esclaves, les valets, les femmes et le butin. La troupe de sûreté se compose d'une avant-garde, de deux corps de flanqueurs et d'une arrière-garde. Les Dix mille n'ayant pas de cavalerie pour éclairer leur marche, Xénophon fit monter, par des peltastes, 40 de ses chevaux de bât. Il reconnut bientôt que le carré est un mauvais ordre de marche quand on a l'ennemi sur les talons. En effet, quand le chemin se resserre, les hoplites s'écrasent, se mêlent, et il est difficile de tirer bon parti d'hommes mal ordonnés. Quand les ailes reprennent leurs intervalles, des vides se font. C'est la description exacte du flottement de la marche de front. Les stratèges, pour empêcher ce flottement, divisent leurs petites phalanges de 600 hommes[2], en six lochos, ayant chacun leurs officiers particuliers. Ils continuent la retraite, en ployant et en déployant successivement les lochos. On réduisait le front de la colonne jusqu'à passer par file, si le défilé l'exigeait ; puis, peu à peu, on se reformait par énomotie, par pentecostie, par lochos et enfin par phalange de 600 hommes déployés, sur quatre rangs. Ne croirait-on pas lire l'article colonne de route du règlement de 1875 ? Des environs de Babylone, où s'était livrée la bataille de Cunaxa, jusqu'à Trébizonde, les Dix mille ont marché pendant huit mois, sans défaillance, en bravant le climat, les privations, les difficultés du chemin et en luttant sans relâche contre l'ennemi. Aussi, à la vue de la mer, quelques-uns demandent- ils à s'embarquer. Un hoplite se lève et résume en ces termes les travaux de cette mémorable campagne : Je suis las, dit-il, de plier bagage, d'aller, de courir, de porter les armes,
de marcher en rang, de monter la garde, de me battre. Je veux une trêve à
tous ces travaux ; je veux, comme Ulysse, m'en aller mollement bercé par les
vagues et ne me réveiller que dans un port de la Grèce. COMBATTRE. Les Grecs, au combat, comptent sur la force d'impulsion de la masse compacte et profonde. Le choc de leur infanterie, pesamment armée et. hérissée de piques, est irrésistible sur un terrain uni. Nous le verrons à Arbelles. Quand la phalange est de pied ferme, tous les efforts viennent se briser contre elle. Le combat des troupes légères n'est qu'un prélude ; il favorise la formation oblique de l'ordre de bataille. C'est la coutume, écrit Thucydide, que l'aile droite s'étende plus que l'aile gauche. Cela vient de ce que chaque soldat se porte à droite, pour s'abriter derrière le bouclier de son voisin, et que les hommes du premier rang prennent du large vers la droite, pour ne pas présenter à l'ennemi leur flanc découvert. Cette habitude a transformé l'ordre parallèle primitif. Ce qui était un hasard est devenu une combinaison pour les tacticiens, et l'ordre oblique, adopté également pour le centre et pour l'aile gauche, a valu aux généraux grecs la plupart de leurs succès. L'épaisseur de la phalange n'empêcha pas de former quelquefois une réserve. Épaminondas, à Mantinée, la mit derrière le centre ; Alexandre, à Arbelles, derrière l'aile gauche. Stratèges, dit Xénophon, je suis d'avis de placer quelques lochos en réserve derrière la phalange, afin qu'ils puissent la soutenir au besoin et que l'ennemi, arrivant en désordre, trouve des troupes fraîches et formées. Il réunit, à cet effet, les trois derniers rangs, qui comptent chacun 200 hommes environ, et il les place derrière les ailes et le centre, avec ordre de suivre la première ligne, à la distance d'un plèthre (30m, 864). Au moment du combat, Xénophon passe au galop sur le front de la phalange des hoplites, et devant les peltastes, placés aux ailes. Il leur dit : Vous marcherez à l'ennemi, la pique sur l'épaule droite, jusqu'à ce que la trompette sonne ; alors, vous abaisserez les piques, et vous vous avancerez lentement. Je défends qu'on s'élance au pas de course. Le mot d'ordre est : Jupiter
sauveur et Hercule conducteur ! Les Perses attendent les Grecs de pied ferme. Les peltastes jettent leur cri de guerre et, avant le signal, courent à l'ennemi. Aussitôt, fantassins et cavaliers persans marchent à leur rencontre. Les peltastes s'enfuient ; mais bientôt la phalange des hoplites s'avance au pas redoublé, la trompette sonne, le péan retentit, les piques s'abaissent, l'ennemi fuit à son tour et Timasion le poursuit avec ses quarante cavaliers improvisés. Les Grecs construisirent à la hâte sur le champ de bataille, avec les dépouilles de l'ennemi, un monument qui consacra leur victoire. |