HISTOIRE DE JULES CÉSAR

 

LIVRE DEUXIÈME. — HISTOIRE DE JULES CÉSAR.

CHAPITRE PREMIER. — 654-684.

 

 

I. — Premières années de César.

Vers l’époque où Marius, par ses victoires sur les Cimbres et les Teutons, sauvait l’Italie d’une formidable invasion, naissait à Rome celui qui devait un jour, en domptant de nouveau les Gaulois et les Germains, retarder de plusieurs siècles l’irruption des Barbares, donner aux peuples opprimés la conscience de leurs droits, assurer à la civilisation romaine sa durée, et léguer aux chefs futurs des nations son nom comme emblème consacré du pouvoir.

Caïus Julius César naquit à Rome le 4 des ides de quintilis (12 juillet) 654[1], et, en son honneur, le mois de quintilis, appelé Julius, porte depuis 1900 ans le nom du grand homme. Il était fils de C. Julius César[2], préteur, mort subitement à Pise vers 670[3], et d’Aurelia, issue d’une illustre famille plébéienne.

Par ses ancêtres comme par ses alliances, César avait hérité du double prestige que donnent une origine ancienne et une illustration récente.

D’un côté, il prétendait descendre d’Anchise et de Vénus[4] ; de l’autre, il était neveu du célèbre Marius, qui avait épousé sa tante Julie. Lorsque la veuve de ce grand capitaine mourut, en 686, César prononça son oraison funèbre, et traça ainsi sa propre généalogie : Ma tante Julie, par le côté maternel, est issue des rois ; par le côté paternel, elle descend des dieux immortels, car sa mère était une Marcia[5], et les Marcius Rex sont issus d’Ancus Marcius. La famille Julia, à laquelle j’appartiens, descend de Vénus elle-même. Ainsi notre maison réunit au caractère sacré des rois, qui sont les plus puissants parmi les hommes, la sainteté révérée des dieux, qui tiennent les rois eux-mêmes dans leur dépendance[6].

Cette orgueilleuse glorification de sa race atteste le prix qu’on mettait, à Rome, à l’ancienneté de l’origine ; mais César, issu de cette aristocratie qui avait produit tant d’hommes illustres, et impatient de marcher sur leurs traces, montra, dès son jeune âge, que noblesse oblige, au lieu d’imiter ceux dont la conduite laissait croire que noblesse dispense.

Aurelia, femme d’un caractère élevé et de mœurs sévères[7], contribua surtout à développer, par une direction sage et éclairée, ses heureuses dispositions, et le prépara à se rendre digne du rôle que lui réservait la destinée[8]. Cette première éducation, donnée par une mère tendre et vertueuse, a toujours autant d’influence sur notre avenir que les qualités naturelles les plus précieuses. César en recueillit les fruits. Il reçut aussi des leçons du Gaulois M. Antonius Gniphon, philosophe et maître d’éloquence, d’un esprit distingué, d’une vaste érudition, très versé dans les lettres grecques et latines, qu’il avait cultivées à Alexandrie[9].

La Grèce était toujours la patrie des sciences et des arts, et la langue de Démosthène familière à tout Romain lettré[10]. Aussi le grec et le latin pouvaient-ils être appelés les deux langues de l’Italie, comme ils le furent plus tard par l’empereur Claude[11]. César les parlait toutes les deux avec la même facilité, et, en tombant sous le poignard de Brutus, il prononça en grec les derniers mots sortis de sa bouche[12].

Quoique avide de plaisirs, il ne négligea rien, dit Suétone, pour acquérir les talents qui conduisaient aux honneurs publics. Or, selon les habitudes romaines, on ne parvenait aux premières magistratures que par la réunion des mérites les plus divers. La jeunesse patricienne, digne encore de ses ancêtres, ne restait pas oisive ; elle recherchait les charges religieuses pour dominer les consciences, les emplois administratifs pour agir sur les intérêts, les discussions et les discours publics pour capter les esprits par l’éloquence, enfin les travaux militaires pour frapper les imaginations par l’éclat de la gloire. Jaloux de se distinguer entre tous, César ne s’était pas borné à l’étude des lettres : il avait composé de bonne heure des ouvrages, parmi lesquels on cite les Louanges d’Hercule, une tragédie d’Œdipe, un Recueil de mots choisis[13], un livre sur la Divination[14]. Il parait que ces ouvrages étaient écrits d’un style si pur et si correct, qu’ils lui valurent la réputation d’écrivain éminent, gravis auctor linguœ latinæ[15]. Il fut moins heureux dans l’art de la poésie, si l’on en croit Tacite[16]. Cependant il noua est resté quelques vers adressés à la mémoire de Térence qui ne manquent pas d’élégance[17].

L’éducation avait donc fait de César un homme distingué, avant qu’il fût un grand homme. Il réunissait à la bonté du cœur une haute intelligence, à un courage invincible[18] une éloquence entraînante[19], une mémoire remarquable[20], une générosité sans bornes ; enfin il possédait une qualité bien rare, le calme dans la colère[21]. Son affabilité, dit Plutarque, sa politesse, son accueil gracieux, qualités qu’il avait à un degré au-dessus de son âge, lui méritaient l’affection du peuple[22].

Deux anecdotes d’une date postérieure doivent trouver ici leur place. Plutarque rapporte que César, pendant ses campagnes, surpris un jour par un violent orage, se réfugia dans une chaumière où se trouvait une seule chambre, trop petite pour plusieurs personnes. Il s’empressa de l’offrir à Oppius, l’un de ses officiers, malade, et lui-même passa la nuit en plein air, disant à ceux qui l’accompagnaient : Il faut laisser aux grands les places d’honneur, mais céder aux malades celles qui leur sont nécessaires. Une autre fois, Valerius Leo, chez lequel il dînait à Milan, lui ayant fait servir un plat mal assaisonné, les compagnons de César se récrièrent, mais il leur reprocha vivement ce défaut d’égards envers son hôte, disant qu’ils étaient libres de ne pas manger d’un plat qui leur déplaisait, mais que s’en plaindre hautement était un manque de savoir-vivre[23].

Ces faits, peu importants en eux-mêmes, témoignent cependant et du bon cœur de César et de cette délicatesse de l’homme bien élevé, qui observe partout les convenances.

A ses qualités naturelles, développées par une éducation brillante, venaient s’ajouter des avantages physiques. Sa taille élevée, ses membres arrondis et bien proportionnés, imprimaient à sa personne une grâce qui le distinguait de tous[24]. Il avait les yeux noirs, le regard pénétrant, le teint d’une couleur mate, le nez droit et assez fort. Sa bouche, petite et régulière, mais avec des lèvres un peu grosses, donnait au bas de sa figure un caractère de bienveillance, tandis que la largeur de son front annonçait le développement des facultés intellectuelles. Son visage était plein, du moins dans sa jeunesse, car sur les bustes, faits sans doute vers la fin de sa vie, ses traits sont plus amaigris et portent des traces de fatigue[25]. Il avait la voix sonore et vibrante, le geste noble et un air de dignité régnait dans toute sa personne[26]. Son tempérament, d’abord délicat, devint robuste par un régime frugal, et par l’habitude de s’exposer à l’intempérie des saisons[27]. Adonné, dès sa jeunesse, à tous les exercices du corps, il montait à cheval avec hardiesse[28], et supportait sans peine les privations et les fatigues[29]. Sobre dans sa vie habituelle, sa santé n’était altérée ni par l’excès du travail ni par l’excès des plaisirs. Cependant dans deux occasions, la première à Cordoue, la seconde à Thapsus, il fut pris d’attaques nerveuses, confondues à tort avec l’épilepsie[30].

Il portait une attention particulière à toute sa personne, se rasait avec soin ou se faisait épiler la barbe, ramenait artistement ses cheveux sur le devant de la tête, ce qui lui servit, dans un âge plus avancé, à cacher son front devenu chauve. On lui reprochait comme une affectation de se gratter la tête avec un seul doigt, de peur de déranger sa coiffure[31]. Sa mise était recherchée ; sa toge était garnie ordinairement d’un laticlave orné de franges jusqu’aux mains et retenu par une ceinture nouée nonchalamment autour des reins, costume qui distinguait la jeunesse élégante et efféminée de cette époque. Mais Sylla ne se trompait pas à ces apparences de frivolité, et répétait qu’il fallait prendre garde à ce jeune homme à la ceinture relâchée[32]. Il avait le goût des tableaux, des statues, des bijoux, et portait toujours au doigt, en souvenir de son origine, un anneau sur lequel était gravée la figure de Vénus armée[33].

En résumé, au physique et au moral, on trouvait dans César deux natures rarement réunies dans la même personne. Il joignait la délicatesse aristocratique du corps au tempérament nerveux de l’homme de guerre, les grâces de l’esprit à la profondeur des pensées, l’amour du luxe et des arts à la passion de la vie militaire dans toute sa simplicité et sa rudesse ; en un mot, il alliait l’élégance des formes, qui séduit, à l’énergie du caractère, qui commande.

II. — César présenté par Sylla (672).

Tel était César à l’âge de dix-huit ans, quand Sylla s’empara de la dictature[34]. Déjà il attirait les regards à Rome par son nom, son esprit, ses manières affables, qui plaisaient aux hommes, et peut-être encore plus aux femmes.

L’influence de son oncle Marius l’avait fait nommer, à l’âge de quatorze ans, prêtre de Jupiter, flamen dialis[35]. Fiancé à seize ans, sans doute malgré lui, à Cossutia, fille d’un riche chevalier, il s’était dégagé de sa promesse[36] dès la mort de son père, pour resserrer, une année après, son alliance avec le parti populaire, en épousant, en 671, Cornelia, fille de L. Cornelius Cinna, ancien collègue de Marius et le représentant de sa cause. De ce mariage naquit, l’année suivante, Julie, qui plus tard fut la femme de Pompée[37].

Sylla vit avec ombrage ce jeune homme, dont on s’occupait déjà, quoiqu’il n’est encore rien fait, se lier plus étroitement à ceux qui lui étaient opposés. Il voulut le contraindre à répudier Cornelia, mais il le trouva inébranlable. Lorsque tout fléchissait devant sa volonté, que, par son ordre, Pison se séparait d’Annia, veuve de Cinna[38], et que Pompée chassait ignominieusement sa femme, fille d’Antistius, mort à cause de lui[39], pour épouser Émilie, belle-fille du dictateur, César maintenait son indépendance au prix de sa sûreté personnelle.

Devenu suspect, il fut privé de son sacerdoce[40], de la dot de sa femme, et déclaré incapable d’hériter de sa famille. Obligé de se cacher aux environs de Rome pour se soustraire aux persécutions, il changeait de retraite chaque nuit, quoique malade de la fièvre ; mais, arrêté par une bande d’assassins aux gages de Sylla, il gagna le chef, Cornelius Phagita, en lui donnant deux talents (environ 12.000 fr.)[41], et sa vie fut préservée. Notons ici que, parvenu à la souveraine puissance, César rencontra ce même Phagita, et le traita avec indulgence, sans se souvenir du passé[42]. Cependant il errait toujours dans la Sabine. Son courage, sa constance, sa naissance illustre, son ancienne qualité de flamine, excitèrent un intérêt général. Bientôt des personnages importants, tels qu’Aurelius Cotta, frère de sa mère, et Mamercus Lepidus, allié de sa famille, intercédèrent en sa faveur[43]. Les vestales aussi, dont la seule intervention empêchait toute violence, n’épargnèrent pas leurs prières[44]. Vaincu par tant de sollicitations, Sylla céda enfin, en s’écriant : Eh bien, soit, vous le voulez ; mais sachez que celui dont vous demandez la grâce causera un jour la perte du parti des grands, pour lequel nous avons combattu ensemble, car, croyez-moi, il y a dans ce jeune homme plusieurs Marius[45].

Sylla avait deviné juste ; plusieurs Marius en effet se rencontraient dans César ; Marius grand capitaine, mais avec un plus vaste génie militaire ; Marius ennemi de l’oligarchie, mais sans passions haineuses et sans cruauté ; Marius enfin, non plus l’homme d’une faction, mais l’homme de son siècle.

III. — César en Asie (678-674).

César ne voulut pas rester froid spectateur du règne sanguinaire de Sylla, et partit pour l’Asie, où il reçut l’hospitalité de Nicomède, roi de Bithynie. Peu de temps après, il prit part aux hostilités qui continuaient contre Mithridate. Les jeunes gens de grande famille qui désiraient faire leur apprentissage militaire suivaient un général à l’armée. Admis dans son intimité, sous le nom de contubernales, ils étaient attachés à sa personne. C’est en cette qualité que César accompagna le préteur M. Minucius Thermus[46], qui l’envoya vers Nicomède, pour réclamer sa coopération au siége de Mitylène, occupée par les troupes de Mithridate. César réussit dans sa mission, et, à son retour, il concourut à la prise de la ville. Ayant sauvé la vie à un soldat romain, il reçut de Thermus une couronne civique[47].

Peu de temps après, il retourna en Bithynie pour y défendre la cause d’un de ses clients. Sa présence fréquente à la cour de Nicomède servit de prétexte 1 une accusation de honteuse condescendance. Cependant les relations de César avec les Bithyniens s’expliquent naturellement par les sentiments de reconnaissance pour l’hospitalité qu’il en avait reçue : ce fut cette raison qui l’engagea à défendre toujours leurs intérêts et plus tard à devenir leur patron, comme il résulte du fragment d’un discours conservé par Aulu-Gelle[48]. Les motifs de sa conduite furent néanmoins tellement dénaturés, que des allusions injurieuses se retrouvent dans certains débats du sénat et jusque dans les chansons des soldats qui suivaient son char de triomphe[49]. Mais ces sarcasmes, où perçait plus de haine que de vérité, comme dit Cicéron lui-même, magis odio firmata quam præsidio[50], ne furent répandus par ses adversaires que bien plus tard, c’est-à-dire à une de ces époques d’effervescence où les partis politiques, pour se décrier mutuellement, ne reculent devant aucune calomnie[51]. Malgré le relâchement des mœurs, rien n’était plus capable de nuire à la réputation de César que cette accusation, car une semblable impudicité non seulement était frappée de réprobation dans les rangs de l’aimée[52], mais, commise avec un étranger, elle eût été l’oubli le plus dégradant de la dignité romaine. Aussi César, que son amour pour les femmes devait mettre à l’abri d’un pareil soupçon, le repoussait-il avec une juste indignation[53].

Après avoir fait ses premières armes au siège de Mitylène, César servit sur la flotte du proconsul P. Servilius (616), chargé de faire la guerre aux pirates ciliciens, et qui reçut plus tard le surnom d’Isauricus pour s’être emparé d’Isaura, leur principal repaire[54], et avoir fait la conquête d’une partie de la Cilicie. Cependant il resta peu de temps avec Servilius, et, ayant appris la mort de Sylla, il retourna à Rome[55].

IV. — César de retour à Rome (676).

La République, divisée entre deux partis, était à la veille de retomber dans la guerre civile, que suscitait la divergence d’opinions des deux consuls, Lepidus et Catulus. Ils étaient prêts à en venir aux mains. Le premier, élevé au consulat contre l’avis de Sylla, mais par l’influence de Pompée, fomentait une insurrection. Il alluma, dit Florus, le feu de la guerre civile au bûcher même du dictateur[56]. Il voulait abroger les lois Cornéliennes, rendre aux tribuns leur puissance, aux proscrits leurs droits, aux alliés leurs terres[57]. Ces tentatives contre le régime établi par le dictateur s’accordaient avec les idées de César, et on chercha par des offres séduisantes à le mêler aux intrigues qui se tramaient alors, mais il refusa[58].

Le sénat parvint à faire jurer aux consuls de se réconcilier, et crut assurer la paix en donnant à chacun d’eux un commandement militaire. Catulus reçut le gouvernement de l’Italie, et Lepidus celui de la Gaule cisalpine. Ce dernier, avant de se rendre dans sa province, parcourut l’Étrurie, où les partisans de Marius vinrent se joindre à lui. Le sénat, instruit de ces tentatives, le rappela à Rome, vers la fin de l’année, pour tenir les comices[59]. Lepidus, laissant le préteur Brutus campé sous Modène, marcha sur Rome à la tête de son armée. Battu au pont Milvius par Catulus et Pompée, il se retira sur les côtes de l’Étrurie, et, après une nouvelle défaite, s’enfuit en Sardaigne, où il termina misérablement sa carrière[60]. Perpenna, son lieutenant, alla, avec les débris de ses troupes, rejoindre Sertorius en Espagne.

César avait eu raison de rester étranger à ces mouvements, car non seulement le caractère de Lepidus ne lui inspirait aucune confiance[61], mais il devait penser que la dictature de Sylla était trop récente, qu’elle avait inspiré trop de craintes, créé trop d’intérêts nouveaux, pour que la réaction, incomplète dans les esprits, pût déjà réussir par les armes. Il fallait, pour le moment, se borner à agir sur l’opinion publique, en flétrissant par la parole les instruments de la tyrannie passée.

Le moyen le plus ordinaire d’entrer dans la carrière politique était de susciter un procès à de hauts personnages[62] ; le succès importait peu ; l’essentiel était de se mettre en évidence par quelque discours remarquable et de faire preuve de patriotisme.

Cornelius Dolabella, un des amis de Sylla, honoré du consulat et du triomphe, et deux ans auparavant gouverneur de la Macédoine, fut alors accusé par César d’excès commis dans son gouvernement (677). Il fut absous par le tribunal, composé des créatures du dictateur[63] ; l’opinion publique n’en loua pas moins César d’avoir osé attaquer un homme que soutenaient des personnages éminents et que défendaient des orateurs tels que Hortensius et L. Aurelius Cotta. D’ailleurs, il déploya une telle éloquence, que ce premier discours lui valut tout d’abord une véritable célébrité[64]. Encouragé par ce succès, César cita, devant le préteur M. Lucullus, C. Antonins Hybrida, pour avoir, à la tête d’un corps de cavalerie, pillé quelques parties de la Grèce lorsque Sylla revenait d’Asie[65]. L’accusé fut également absous, mais la popularité de l’accusateur augmenta encore. Il prit aussi probablement la parole dans d’autres causes demeurées inconnues. Tacite parlé d’un plaidoyer de César en faveur d’un certain Decius le Samnite[66], le même sans doute que nomme Cicéron, et qui, fuyant la proscription de Sylla, avait été accueilli avec bienveillance par Aulus Cluentius[67]. Ainsi César se présentait hardiment comme le défenseur des opprimés grecs ou samnites, qui avaient tant souffert du régime précédent. Il s’était surtout attiré la bienveillance des premiers, dont l’opinion, d’une grande influence à Rome, contribuait à faire les réputations.

Ces attaques étaient bien un moyen d’attirer sur lui l’attention publique, mais elles annonçaient aussi du courage, puisque les partisans de Sylla étaient encore tous au pouvoir.

V. — César se rend à Rhodes (678-680).

Malgré la célébrité acquise comme orateur, César, décidé à rester étranger aux troubles qui agitaient l’Italie, jugea sans doute sa présence à Rome inutile à sa cause et gênante pour lui-même. Souvent il est avantageux aux hommes politiques de disparaître momentanément de la scène ; ils évitent ainsi de se compromettre dans des luttes journalières sans portée, et leur réputation, au lieu de s’affaiblir, grandit par l’absence. Pendant l’hiver de 678, César quitta donc de nouveau l’Italie, dans l’intention d’aller à Rhodes perfectionner ses études. Cette île, alors le centre des lumières, le séjour des philosophes les plus célèbres, était l’école des jeunes gens de bonne famille ; Cicéron lui-même était allé y chercher des leçons quelques années auparavant.

Pendant la traversée, César fut pris par des pirates près de Pharmacuse, petite île de l’archipel des Sporades, à l’entrée du golfe d’Iassus[68]. Ces pirates, malgré la campagne de P. Servilius Isauricus, infestaient toujours la mer avec des flottes nombreuses ; ils lui demandèrent vingt talents (116.420 francs) pour sa rançon. Il en offrit cinquante (291.000 francs), ce qui devait naturellement leur donner une haute idée de leur prisonnier et lui assurer un meilleur traitement ; il envoya ses affidés, et entre autres Épicrate, l’un de ses esclaves milésiens, chercher cette somme dans les villes voisines[69]. Quoique les provinces et les villes alliées fussent, en ce cas, obligées de fournir la rançon, il n’en est pas moins curieux de voir, comme preuve de la richesse de ces pays, un jeune homme de vingt-quatre ans, arrêté dans une petite île de l’Asie Mineure, trouver immédiatement à emprunter une somme considérable.

Resté seul avec un médecin et deux esclaves[70] au milieu de ces brigands farouches, il leur imposa par son ascendant et passa près de quarante jours à leur bord sans défaire jamais ni sa chaussure ni sa ceinture, pour éviter tout soupçon de vouloir s’échapper à la nage[71]. Il semblait moins un captif, dit Plutarque, qu’un prince entouré des ses gardes ; tantôt jouant avec eux, tantôt leur récitant des poèmes, il s’en faisait aimer et craindre, et leur disait en riant qu’une fois libre il les ferait mettre en croix[72]. Cependant le souvenir de Rome revenait à son esprit et lui rappelait les lattes et les inimitiés qu’il y avait laissées. Souvent on l’entendait dire : Quel plaisir aura Crassus de me savoir en cet état ![73]

Dès qu’il eut reçu de Milet et d’autres villes sa rançon, il la paya. Débarqué sur la côte, il s’empressa d’équiper des navires, impatient de se venger. Les pirates, surpris à l’ancre dans la rade de l’île, furent presque tous faits prisonniers, et leur butin tomba entre ses mains. Il les remit en dépôt dans la prison de Pergame, pour les livrer à Junius Silanus, proconsul d’Asie, auquel il appartenait de les punir. Mais, voulant les vendre pour en tirer profit, Junius répondit d’une manière évasive. César retourna à Pergame et les fit mettre en croix[74].

Il alla ensuite à Rhodes suivre les leçons d’Apollonius Molon, le plus illustre des maîtres d’éloquence de cette époque, qui déjà était venu à Rome, en 672, comme ambassadeur des Rhodiens. Vers le même temps, le proconsul M. Aurelius Cotta, un de ses oncles, avait été nommé gouverneur de la Bithynie, léguée par Nicomède au peuple romain, et chargé avec Lucullus de s’opposer aux nouveaux envahissements de Mithridate. Cotta, battu sur terre et sur mer près de Chalcédoine, se trouvait dans de grands embarras, et Mithridate s’avançait contre Cyzique, ville alliée que délivra plus tard Lucullus. D’un autre côté, un lieutenant du roi de Pont, Eumaque, ravageait la Phrygie, où il massacrait tous les Romains, et s’emparait de plusieurs provinces méridionales de l’Asie Mineure. Les bruits de guerre, les périls que couraient les alliés, enlevèrent César à ses études. Il passa en Asie, leva des troupes de sa propre autorité, chassa de la province le gouverneur du Roi, et retint dans l’obéissance les cités dont la foi était douteuse ou ébranlée[75].

VI. — César pontife et tribun militaire (680-384).

Pendant qu’il guerroyait sur les côtes d’Asie, à Rome ses amis ne l’oubliaient pas, et, pénétrés de l’importance pour César d’être revêtu d’un caractère sacré, ils le firent nommer pontife à la place de son oncle L. Aurelius Cotta, consul en 680, mort subitement en Gaule l’année suivante[76].

Cette circonstance l’obligea de retourner à Rome. La mer continuait à être parcourue par les pirates, qui devaient lui en vouloir de la mort de leurs compagnons. Pour leur échapper plus facilement, il traversa le golfe Adriatique sur une barque à quatre rames, accompagné seulement de deux amis et de dix esclaves[77]. Durant le trajet, croyant apercevoir des voiles à l’horizon, il saisit son épée, prêt à, vendre chèrement sa vie ; mais ses craintes ne se justifièrent pas, et il aborda sain et sauf en Italie.

A peine de retour à Rome, il fut élu tribun militaire, et il l’emporta à une grande majorité sur son concurrent, C. Popilius[78]. Ce grade déjà élevé, puisqu’il donnait le commandement d’environ mille hommes, était le premier échelon, auquel arrivaient facilement les jeunes gens de la noblesse, soit par l’élection, soit par le choix des généraux[79]. César ne semble pas avoir profité de cette nouvelle position pour prendre part aux guerres importantes dans lesquelles était engagée la République. Et cependant le bruit des armes retentissait de toutes parts.

En Espagne, Sertorius continuait avec succès la guerre commencée depuis 674 contre les lieutenants de Sylla. Rejoint, en 677, par Perpenna, à la tête de trente cohortes[80], il avait formé une armée redoutable, maintenu avec énergie le drapeau de Marius, et donné à une réunion de 300 Romains le nom de Sénat. Vainqueur de Metellus pendant plusieurs années, Sertorius, doué d’un vaste génie militaire, exerçant sur les Celtibériens et les Lusitaniens une grande influence, maître des défilés[81], songeait alors à franchir les Alpes. Déjà les Espagnols lui donnaient le nom de second Annibal. Mais Pompée, envoyé en toute hâte en Espagne, vint renforcer l’armée de Metellus, enlever à Sertorius tout espoir de pénétrer en Italie et le repousser même loin des Pyrénées. Les efforts réunis des deux généraux ne réussirent pas cependant à soumettre l’Espagne, qui, en 680, avait été presque entièrement reconquise par Sertorius. Mais, peu après cette époque, ses lieutenants essuyèrent des revers, les désertions se mirent dans son armée, et lui-même perdit de son assurance. Il aurait néanmoins résisté encore longtemps, si, par une infâme trahison, Perpenna ne l’eût fait assassiner. Le meurtre ne profita pas à son auteur. Quoique Perpenna eût succédé à Sertorius dans le commandement des troupes, il se trouva en butte à leur haine et à leur mépris. Bientôt, défait et pris par Pompée, il fut égorgé. Ainsi se termina, en 682, la guerre d’Espagne.

En Asie, Lucullus continuait avec succès la campagne contre Mithridate, qui soutenait courageusement la lutte et était parvenu à nouer des intelligences avec Sertorius. Lucullus le battit en Cappadoce (683), et le força de se réfugier auprès de Tigrane, son gendre, roi d’Arménie, qui bientôt essuya une sanglante défaite et perdit sa capitale, Tigranocerte.

En Orient, les barbares infestaient les frontières de la Macédoine ; les pirates de la Cilicie parcouraient impunément toutes les mers, et les Crétois prenaient les armes pour défendre leur indépendance.

L’Italie était déchirée par la guerre des esclaves. Cette classe déshéritée se soulevait de nouveau, malgré la répression sanglante de l’insurrection de Sicile, de 620 à 623. Elle avait acquis le sentiment de sa force par cela surtout que, dans les troubles civils, chaque parti, pour augmenter le nombre de ses adhérents, l’avait tour à tour appelée à la liberté. En 681, soixante et dix gladiateurs, entretenus à Capoue, se révoltèrent ; leur chef était Spartacus, ancien soldat fait prisonnier, puis vendu comme esclave. En moins d’un an, sa troupe s’était tellement grossie, qu’il fallut des armées consulaires pour le combattre, et que, vainqueur dans le Picenum, il eut un moment la pensée de marcher sur Rome à la tête de quarante mille hommes[82]. Forcé néanmoins de se retirer dans le midi de l’Italie, il lutta deux ans avec succès contre les forces romaines, lorsque enfin, en 683, Licinius Crassus, à la tête de huit légions, le défit en Apulie. Spartacus périt dans le combat ; le reste de l’armée des esclaves se partagea en quatre corps, dont l’un, en se retirant vers la Gaule, fut facilement dispersé par Pompée, qui revenait d’Espagne. Les six mille prisonniers faits dans la bataille livrée en Apulie frirent pendus tout le long de la route de Capoue à Rome.

Les occasions de se perfectionner dans le métier des armes ne manquaient donc pas à César ; mais on comprend son inaction, car les partisans de Sylla étaient seuls à la tête des armées : en Espagne, Metellus et Pompée ; le premier, beau-frère du dictateur ; le second, autrefois son meilleur lieutenant ; en Italie, Crassus, ennemi de César, également dévoué au parti de Sylla ; en Asie, Lucullus, ancien ami du dictateur, qui lui avait dédié ses Mémoires[83]. César trouvait donc partout ou une cause qu’il ne voulait pas défendre, ou un général sous lequel il ne voulait pas servir. En Espagne, cependant, Sertorius représentait le parti qu’il eût le plus volontiers embrassé ; mais César avait horreur des guerres civiles. Tout en demeurant fidèle à ses convictions, il semble, dans les premières années de sa carrière, avoir évité avec soin de mettre entre ses adversaires et lui cette barrière infranchissable qui sépare toujours, après le sang versé, les enfants d’une même patrie. Il avait à cœur de conserver à ses hautes destinées un passé pur de toute violence, afin que, dans l’avenir, au lieu d’être l’homme d’un parti, il put rallier à lui tous les bons citoyens.

La République avait triomphé partout, mais il lui restait à compter avec les généraux vainqueurs ; elle se trouvait en présence de Crassus et de Pompée, qui, fiers de leurs succès, s’avançaient vers Rome, à la tête de leurs armées, pour y demander ou y saisir le pouvoir. Le sénat devait être peu rassuré sur les intentions de ce dernier, qui naguère avait envoyé d’Espagne une lettre arrogante, dans laquelle il menaçait sa patrie de son épée, si on ne lui envoyait pas les ressources nécessaires pour soutenir la guerre contre Sertorius[84]. La même ambition animait Pompée et Crassus ; aucun des deux ne voulait être le premier à congédier son armée. Chacun, en effet, amena la sienne aux portes de la ville. Élus consuls l’un et l’autre, admis au triomphe et forcés par les augures et l’opinion publique de se réconcilier, ils se tendirent la main, licencièrent leurs troupes, et, pour quelque temps, la République recouvra un calme inespéré[85].

 

 

 



[1] Le célèbre auteur allemand Mommsen (Histoire romaine, III, 15) n’admet pas la date de 654. Il propose, mais avec réserve, la date de 652, par la raison que, depuis Sylla, l’âge requis pour les grandes magistratures était trente-sept ans pour l’édilité, quarante pour la préture, quarante-trois pour le consulat, et comme César avait été édile curule en 689, préteur en 692, consul en 695, il aurait, s’il était né en 654, exercé chacune de ces magistratures deux ans avant l’âge légal.

Cette objection, certes assez grave, disparaît à nos yeux devant d’autres témoignages historiques. D’ailleurs, on sait qu’à Rome on n’observait guère la loi, quand il s’agissait d’hommes éminents. Lucullus fut élevé à la première magistrature avant l’âge exigé, et Pompée était consul à trente-quatre ans. (Appien, Guerres civiles, I, XIV.) — Tacite, à ce sujet, s’exprime en ces termes : Chez nos ancêtres cette magistrature (la questure) était le prix du mérite seul, car alors tout citoyen avec du talent avait le droit de prétendre aux honneurs ; on distinguait même si peu laye qu’une extrême jeunesse n’excluait ni du consulat ni de la dictature. (Annales, XI, XXII.) — Dans tous les cas, si l’on admettait l’opinion de M. Mommsen, il faudrait porter la naissance de César non pas en 652, mais en 651. En effet, s’il était né au mois de juillet 652, il ne pouvait avoir quarante-trois ans qu’au mois de juillet 695 ; et, comme la nomination des consuls précédait de six mois leur entrée en charge, c’est au mois de juillet 694 qu’il aurait dû atteindre l’âge légal, ce qui reporterait à l’année 651 la date de sa naissance. Mais Plutarque (César, LXIX), Suétone (César, LXXXVIII), Appien (Guerres civiles, II, CXLIX), s’accordent à dire que César avait cinquante-six ans lorsqu’il fut assassiné, le 15 mars 710, ce qui fixe sa naissance à l’année 654. — D’un autre côté, suivant Velleius Paterculus (II, XLIII), César, sortant à peine de l’enfance, fut désigné flamine de Jupiter par Marius et Cinna ; or, à Rome, l’enfance finissait à quatorze ans environ, et le consulat de Marius et de Cinna étant de 668, César, suivant notre calcul, serait alors entré en effet dans sa quatorzième année. Le même auteur ajoute qu’il avait environ dix-huit ans lorsqu’en 672 il s’éloigna de Rome pour échapper aux proscriptions de Sylla : nouvelle raison de s’en tenir à la date précédente.

César fit ses premières armes en Asie, à la prise de Mitylène, en 674 (Tite-Live, Épitomé, LXXXIX), ce qui donne vingt ans comme date de son entrée au service. D’après Salluste (Catilina, XLIX), lorsque César fut nommé grand pontife, en concurrence avec Catulus, il était presque adolescent (adolescentulus), et Dion Cassius le dit à peu près dans les mêmes termes. Sans doute ils s’expriment ainsi à cause de la grande disproportion d’âge des deux candidats. L’expression de ces auteurs, quoique impropre, convient mieux néanmoins à notre système, qui attribue trente-sept ans à César, tandis que l’autre lui en donne trente-neuf. Tacite également, Dialogue des orateurs, XXXIV, en parlant de l’accusation contre Dolabella, tend à rajeunir César plutôt qu’à le vieillir.

[2] La famille des Julii était très ancienne, et l’on trouve des personnages portant ce surnom dès le IIIe siècle de Rome. Le premier dont l’histoire fasse mention est C. Julius Julus, consul en 265. Il y eut d’autres consuls de la même famille, en 272, 281, en 307, 324 ; des tribuns consulaires en 330, 351, 362, 367, et un dictateur, C. Julius Julus, en 402 ; mais leur filiation est peu connue. La généalogie de César ne commence en ligne directe qu’à partir de Sextus Julius César, préteur en 546. Nous empruntons à l’histoire de Rome par familles, du savant professeur W. Drumann (t. III, p. 120, Kœnigsberg, 1857), la généalogie de la famille des Jules, en y introduisant une seule variante, expliquée dans la note 58.

L’opinion la plue accréditée, chez les anciens, sur l’origine du nom de César, c’est que Julius tua un éléphant dans un combat. En langue punique, cæsar signifie éléphant. Les médailles de César, grand pontife, confirment cette hypothèse : au revers se trouve un éléphant foulant aux pieds un serpent. (Cohen, Médailles consulaires, pl. XX, 10.) On sait que quelques symboles des médailles romaines sont des espèces d’armes parlantes. Pline donne une autre étymologie du nom de César : Primusque Cæsarum a cæso matris utero dictas, qua de causa et Cæsones appellati. (Histoire naturelle, VII, IX.) — Festus (p. 57) s’exprime ainsi : Cæsar a cæsarie dictus est : qui scilicet cum cæsarie natus est, et p. 45 : cæsariati (comati). — Enfin Spartianus (Vie d’Ælius Verus, II) résume en ces termes la plupart des étymologies : Cæsarem vel ab elephanto (qui lingua Maurorum cæsar dicitur) in prœlio cæso, eum qui primus sic appellatus est, doctissimi et eruditissimi viri putant dictum ; vel quia mortua matre, ventre cæso sit natus ; vel quod cum magne crinibus sit utero parentis effusus ; vel quod oculis cæsiis et ultra humanum morem viguerit. — (Voir Isidore, Origines, IX, III, 12. — Servius, Commentaire sur l’Énéide, I, 290, et Constantin Manassès, p. 71.)

[3] Pline, Histoire naturelle, VII, LIII. — César était dans sa seizième année lorsqu’il perdit son père. (Suétone, I.)

[4] Il était issu de la noble famille des Jules, et, suivant une opinion accréditée depuis longtemps, il tirait son origine de Vénus et d’Anchise. (Velleius Paterculus, II, XLI.)

[5] En effet, la gens Marcia, une des plus illustres familles patriciennes de Rome, comptait parmi ses ancêtres Numa Marcius, qui avait épousé Pompilia, fille de Numa Pompilius, dont il avait eu Ancus Mamius, qui fut roi de Rome après la mort de Tullus Hostilius. (Plutarque, Coriolan, I. Numa, XXVI.)

[6] Suétone, César, VI. Ce passage, tel qu’on le traduit ordinairement, est inintelligible, parce que les traducteurs ont rendu les mots Martii Reges par les rois Martius, au lieu de la famille des Marcius Rex.

[7] Plutarque, César, X.

[8] Ingenii magni, memoriæ singularis, nec minus græce quam latine doctus. (Suétone, Sur les grammairiens illustres, VII.)

[9] Ainsi Cornélie, mère des Gracques ; ainsi Aurélie, mère de César ; ainsi Atia, mère d’Auguste, présidèrent, nous dit on, à l’éducation de leurs enfants, dont elles firent de grands hommes. (Tacite, Dialogue des orateurs, XXVIII.)

[10] A sermone græco puerum incipere malo. (Quintilien, Institution oratoire, I, I.)

[11] Claude, s’adressant à un étranger qui parlait grec et latin, lui dit : Puisque tu possèdes nos deux langues. (Suétone, Claude, XLII.)

[12] Καί σύ, τέκνον ! (Suétone, César, LXXXII.)

[13] Suétone, César, LVI.

[14] Fort jeune encore, il parait s’être attaché au genre d’éloquence adopté par Strabon César, et même il a fait entrer mot à mot, dans sa Divination, plusieurs passages du discours de cet orateur pour les Sardiens. (Suétone, César, LV.)

[15] Aulu-Gelle, IV, XVI.

[16] Car César et Brutus ont aussi fait des vers et les ont placés dans les bibliothèques publiques. Poètes aussi faibles que Cicéron, mais plus heureux que lui, parce que moins de personnes surent qu’ils en firent. (Tacite, Dialogue des orateurs, XXI.)

[17] Tu quoque, tu in summis, o dimidiate Menander,

Poneris, et merito, puri sermonis amator.

Lenibus atque utinam scriptis adjuncta foret vis,

Comica ut æquato virtus polleret honore

Cum Græcis ; neque in hac despectus parte jaceres !

Unum hoc maceror et doleo tibi deesse, Terenti.

(Suétone, Vie de Térence, III, V.)

[18] Libéral jusqu’à la profusion et d’un courage au-dessus de la nature humaine et même de l’imagination. (Velleius Paterculus, II, XLI.)

[19] Il tenait, sans contredit, le second rang parmi les orateurs de Rome. (Plutarque, César, III.)

[20] Nam cui Hortensio, Lucullove, vel Cæsari, tam parata unquam adfuit recordatio, quam tibi sacra mens tua loto mementoque, quo jusseris, reddit omne depositum ? (Latinus Pacatus, Panegyricus in Theodosium, XVIII, 3.) — Pline, Histoire naturelle, VII, XXV.

[21] Quamvis moderate soleret irasci, maluit tamen non pose. (Sénèque, Traité de la colère, II, XXIII.)

[22] Plutarque, César, IV.

[23] Plutarque, César, XIX.

[24] A des avantages extérieurs qui le distinguaient de tous les autres citoyens, César joignait une âme impétueuse et forte. (Velleius Paterculus, II, XLI.)

[25] Suétone, César, XLV.

[26] Il tient de sa voix, de son geste, de l’air grand et noble de sa personne, une certaine manière de dire toute brillante et sans le moindre artifice. (Cicéron, Brutus, LXXV, copié par Suétone, César, LV.)

[27] Plutarque, César, XVIII.

[28] Il eut, dès sa première jeunesse, une grande habitude du cheval, et il avait acquis la facilité de courir bride abattue, les mains jointes derrière le dos. (Plutarque, César, XVIII.)

[29] Il prenait ses repas et cédait au sommeil sans en goûter le plaisir, et seulement pour obéir à la nécessité. (Velleius Paterculus, II, XLI.)

[30] Suétone, César, LIII. — Plutarque, César, XVIII et LVIII.

[31] ... Et quand je regarde, disait Cicéron, ses cheveux si artistement disposés, et quand je le vois se gratter la tête d’un seul doigt, je ne saurais croire qu’un tel homme puisse concevoir un dessein si noir, de renverser la République romaine. (Plutarque, César, IV.)

[32] Suétone, César, XLV. — Cicéron disait également : Je me suis laissé prendre à sa manière de se ceindre, faisant allusion à sa robe traînante, qui lui donnait l’apparence efféminée. (Macrobe, Saturnales, II, III.)

[33] Dion Cassius, XLIII, XLIII.

[34] Velleius Paterculus, II, XLI.

[35] Suétone (César, I) dit que César fut désigné (destinatus) flamine ; Velleius Paterculus (II, XLIII) qu’il fut créé flamine. A notre avis, il avait été créé, mais non inauguré flamine ; or, tant qu’on n’avait pas accompli cette formalité, on n’était que flamine désigné. Ce qui prouve qu’il n’avait jamais été inauguré, c’est que Sylla put le révoquer ; et, d’un autre côté, Tacite dit (Annales, III, LVIII) qu’après la mort de Cornelius Merula le flaminat de Jupiter était resté vacant pendant soixante et douze années, sans que le culte spécial de ce dieu eût été interrompu. — Ainsi on ne comptait pas évidemment comme un flaminat réel celui de César, puisqu’il n’était jamais entré en charge.

[36] Dimissa Cossutia.... quæ prætextato desponsata fuerat (Suétone, César, I.) Le passage de Suétone indique clairement qu’il était fiancé et non marié à Cossutia, car Suétone se sert du mot dimittere, qui veut dire libérer, et non du mot repudiare, avec son véritable sens ; de plus, desponsata, qui signifie fiancée. — Plutarque dit que Cornelia fut la première femme de César, quoiqu’il prétende qu’il épousa Pompeia en troisièmes noces. (Plutarque, César, V.)

[37] Plutarque, César, V.

[38] Velleius Paterculus, II, XLI.

[39] Quelle indignité d’introduire dans sa maison une femme enceinte, du vivant même de son mari, et d’en chasser ignominieusement, cruellement, Antistia, dont le père venait de périr pour le mari qui la répudiait ! (Plutarque, Pompée, VIII.)

[40] Suétone, César, I.

[41] Plutarque, César, I. — Suétone, César, LXXIV.

[42] Suétone, César, LXXIV.

[43] Suétone, César, I.

[44] Les vestales jouissaient de grands privilèges ; venaient-elles à rencontrer fortuitement un criminel qu’on menait au supplice, celui-ci était mis en liberté. (Plutarque, Numa, XIV.) Valère Maxime (V, IV, 6) rapporte le fait suivant : La vestale Claudia, voyant qu’un tribun du peuple s’apprêtait à arracher par violence son père, Appius Claudius Pulcher, de son char de triomphe, s’interposa entre le tribun et ce dernier, en vertu du droit qu’elle avait de s’opposer aux violences. — Cicéron (Discours pour Cœlius, XIV) fait également allusion à cette anecdote célèbre.

[45] Suétone, César, I.

[46] Suétone, César, II.

[47] Suétone, César, II. — Pline, XVI, IV. — Aulu-Gelle, V, VI.

[48] C. César, grand pontife, dans son discours pour les Bithyniens, s’exprime ainsi dans son exorde : L’hospitalité que j’ai reçue du roi Nicomède, le lien d’amitié qui m’unit à ceux dont la cause est débattue, ne m’ont pas permis, Marcus Juncus, de décliner cette charge (celle d’être l’avocat des Bithyniens) ; car la mort ne doit pas effacer chez leurs proches la mémoire de ceux qui ont vécu, et l’on ne saurait, sans la dernière des hontes, abandonner ses clients, eux à qui nous devons appui, immédiatement après nos proches. (Aulu-Gelle, V, XIII.)

[49] Rien ne porta préjudice à sa réputation sous le rapport de la pudicité, dit Suétone, excepté son séjour chez Nicomède ; mais l’opprobre qui en rejaillit sur lui fut grave et durable ; il l’exposa aux railleries de tous. Je ne dirai rien de ces vers si connus de Calvus Licinius :

. . . . . . . . . . . . . Bithynia quidquid

Et pedicator Cæsaris unquam habuit.

Je tairai les discours de Dolabella et de Curion le père... Je ne m’arrêterai pas non plus aux édite par lesquels Bibulus affichait publiquement son collègue, en le taxant de reine de Bithynie... M. Brutus nous apprend qu’un certain Octavius, que le dérangement de sa tête autorisait à tout dire, se trouvant un jour dans une assemblée nombreuse, appela Pompée roi, puis salua César du nom de reine. C. Memmius aussi lui reproche de s’être mêlé avec d’autres débauchés pour présenter à Nicomède les vases et le vin de la table ; et il cite le nom de plusieurs négociants romains qui étaient au nombre des convives... Cicéron l’apostropha un jour en plein sénat. César y défendait la cause de Nysa, fille de Nicomède ; il rappelait les obligations qu’il avait à ce roi. Passons sur tout cela, je te prie, s’écria Cicéron, on ne sait que trop ce qu’il t’a donné et ce qu’il a reçu de toi. A son triomphe sur les Gaules, les soldats, parmi les vers satiriques qu’ils ont coutume de chanter en suivant le char du général, répétèrent ceux-ci, qui sont fort connus :

Gallias Cæsar subegit, Nicomedes Cæsarem.

Ecce Cæsar nunc triumphat, qui subegit Gallus :

Nicomedes non triumphat, qui subegit Cæsarem.

(Suétone, César, XLIX.)

[50] Cicéron, Lettres à Atticus, II, XIX.

[51] Ces bruits, comme d’autres calomnies, furent propagés par les ennemis de César, tels que Curion et Bibulus, et répétés dans les annales ridicules de Tanusius Geminus (Suétone, César, IX), dont Sénèque infirmait l’autorité. Tu sais que l’on ne fait pas cas de ces annales de Tanusius et comment on les appelle. (Sénèque, Épître 93.) Catulle (XXXVI, I) nous donne ce terme de mépris, auquel Sénèque fait allusion (cacata charta).

[52] Marius avait dans son armée un neveu nommé Caius Lucius, qui, épris d’une passion honteuse pour un de ses subordonnés, se porta sur lui à un acte de violence. Celui-ci tira son épée et le tua. Cité devant le tribunal de Marius, au lieu d’être puni, il fut comblé d’éloges par le consul, qui lui donna une de ces couronnes récompense ordinaire du courage. (Plutarque, Marius, XV.)

[53] César n’était pas fâché qu’on l’accusât d’avoir aimé Cléopâtre, mais il ne pouvait souffrir qu’on publiât qu’il avait été aimé de Nicomède. Il jurait que c’était une calomnie. (Xiphilin, Jules César, p. 30, édit. Paris, 1618.)

[54] Orose, V, XXIII.

[55] Suétone, César, III.

[56] Florus, III, XXIII.

[57] Appien, I, CVII.

[58] Suétone, César, III.

[59] Salluste, Fragments, I, p. 363.

[60] Florus, III, XXIII.

[61] Suétone, César, III.

[62] Les Romains regardaient comme honorables les accusations qui n’avaient pas pour motif des ressentiments particuliers, et l’on aimait que les jeunes gens s’attachassent à la poursuite des coupables comme des chiens généreux s’acharnent sur les bêtes sauvages. (Plutarque, Lucullus, I.)

[63] Plutarque, César, IV. — Asconius, Discours pour Scaurus, XVI, II, 245, éd. Schütz.

[64] Valère Maxime, VIII, IX, § 3. César avait vingt et un ans lorsqu’il attaqua Dolabella par un discours que nous lisons encore aujourd’hui avec admiration. (Tacite, Dialogue sur les orateurs, XXXIV.) — D’après l’ordre chronologique que nous avons adopté, César, au lieu de vingt et un ans, aurait en vingt-trois ans ; mais comme Tacite, dans la même citation, se trompe aussi de deux ans en donnant à Crassus, qui avait accusé Carbon, dix-neuf ans au lieu de vingt et un, on peut admettre qu’il a commis la même erreur pour César. En effet, Crassus dit lui-même son âge dans Cicéron (De l’Orateur, III, XX, 74) : Quippe qui omnium maturrime ad publicas causas accesserim annosque natus unum et viginti nobilissimum hominem in judiaium vocarim. L’orateur Crassus était né en 614. Il accusa Carbon en 685, date donnée par Cicéron. (De l’Orateur, I, XXVI, 121.)

[65] Plutarque, César, III. — Asconius, Commentaires sur le discours In toga candida, p. 84, 89, édit. Orelli.

[66] Dialogue sur les orateurs, XXI.

[67] Cicéron, Discours pour Cluentius, LIX. Les manuscrits de Cicéron portent Cn. Decitius.

[68] Cette île, appelée aujourd’hui Fermaco, est à l’entrée du golfe d’Assem-Kalessi. Pline et Étienne de Byzance sont les seuls géographes qui la mentionnent, et le dernier nous apprend en outre que c’est là qu’Attale, le célèbre lieutenant de Philippe de Macédoine, fut tué par ordre d’Alexandre.

[69] Polyen, Stratagèmes, VII, XXIII.

[70] Suétone, César, IV.

[71] Velleius Paterculus, II, XLI.

[72] Plutarque, César, II.

[73] Plutarque, Crassus, VIII.

[74] Suétone signale comme un acte d’humanité que leurs cadavres seuls aient été mis en croix, César les ayant fait étrangler auparavant pour abréger leur agonie. (Suétone, César, LXXIV. — Velleius Paterculus, II, XLII.)

[75] Suétone, César, IV.

[76] Velleius Paterculus, II, XLIII. — Asconius, Sur le discours de Cicéron In Pisonem, éd. Orelli.

[77] Velleius Paterculus, II, LIII.

[78] Suétone, César, V. — Plutarque, César, V.

[79] Les tribuns à la nomination du’ général s’appelaient ordinairement rufuli, parce qu’ils avaient été établis par la loi de Rutilius Rufus ; les tribuns militaires élus par le peuple se nommaient comitiati ; ils étaient réputés de véritables magistrats. (Pseudo-Asconius, Commentaire sur le premier discours de Cicéron contre Verrès, p. 142, éd. Orelli ; et Festus, au mot Rufuli, p. 261, Müller.)

[80] Plutarque, Sertorius, XV, XVI.

[81] L’ennemi était déjà maître des défilés qui mènent en Italie ; du pied des Alpes, il (Pompée) l’avait refoulé en Espagne. (Salluste, Lettre de Pompée au Sénat.)

[82] Velleius Paterculus, II, XXX ; et 100.000 selon Appien, Guerres civiles, I, CXVII.

[83] Plutarque, Lucullus, VIII.

[84] Salluste, Fragments, III, 258.

[85] Appien, Guerres civiles, I, XIV, 121.