HISTOIRE DE JULES CÉSAR

 

LIVRE PREMIER. — TEMPS DE ROME ANTÉRIEURS À CÉSAR.

CHAPITRE QUATRIÈME. — PROSPÉRITÉ DU BASSIN DE LA MÉDITERRANÉE AVANT LES GUERRES PUNIQUES.

 

 

I. — Commerce de la Méditerranée.

Deux cent quarante-quatre ans avaient été nécessaires à Rome pour se constituer sous les rois, cent soixante et douze pour établir et consolider la République consulaire, soixante et douze pour faire la conquête de l’Italie, et maintenant il lui faudra près d’un siècle et demi pour dominer le monde, c’est-à-dire l’Afrique septentrionale, l’Espagne, le midi de la Gaule, l’Illyrie, l’Épire, la Grèce, la Macédoine, l’Asie Mineure, la Syrie et l’Égypte.

Avant d’entreprendre le récit de ces conquêtes, arrêtons-nous un instant pour considérer l’état où se trouvait alors le bassin de la Méditerranée, de cette mer autour de laquelle se sont déroulés successivement tous les grands drames de l’histoire ancienne. Dans cet examen nous ne verrons pas sans un sentiment de regret que de vastes contrées, ou jadis produits, monuments, richesses, armées et flottes nombreuses, tout enfin révélait une civilisation avancée, soient aujourd’hui désertes ou barbares.

La Méditerranée avait vu grandir et prospérer tour à tour sur ses côtes les villes phéniciennes Sidon, Tyr, et ensuite la Grèce.

Sidon, déjà florissante avant le temps d’Homère, est bientôt éclipsée par la suprématie de Tyr ; puis la Grèce vient faire, concurremment avec elle, le commerce de la mer Intérieure : âge de grandeur pacifique et de rivalités fécondes. Aux Phéniciens principalement, le Sud, l’Orient, l’Afrique, l’Asie au delà du mont Taurus, la mer Érythrée (mer Rouge et golfe Persique), l’Océan et les lointains voyages. Aux Grecs, tous les rivages du Nord, qu’ils couvrent de leurs mille établissements. La Phénicie s’adonne aux entreprises aventureuses et aux spéculations lucratives. La Grèce, artiste avant d’être commerçante, propage, par ses colonies, son esprit et ses idées.

Cette heureuse émulation disparaît bientôt devant la création de deux nouvelles colonies sorties de leur sein. La splendeur de Carthage remplace celle de Tyr. Alexandrie se substitue à la Grèce. Ainsi une Phénicie occidentale ou espagnole partage le commerce du monde avec une Grèce orientale et égyptienne, fruit des conquêtes intelligentes d’Alexandre.

II. — Afrique septentrionale.

Riche des dépouilles de vingt peuples divers, Carthage était la capitale superbe d’un vaste empire. Ses ports, Afrique creusés de main d’homme, pouvaient contenir un septentrionale grand nombre de navires[1]. Sa citadelle, Byrsa, avait deux milles de circuit. Du côté de la terre la ville était défendue par une triple enceinte longue de vingt-cinq stades, haute de trente coudées, garnie de tours à quatre étages, pouvant abriter 4.000 chevaux, 300 éléphants et 20.000 fantassins[2] ; elle renfermait une immense population, puisque, dans les dernières années de son existence, après une lutte séculaire, elle comptait encore 700.000 habitants[3]. Ses monuments étaient dignes de sa grandeur ; on y remarquait le temple du dieu Aschmoun, assimilé par les Grecs à Esculape[4], celui du Soleil, recouvert de lames d’or valant mille talents[5], et le manteau ou peplum destiné à l’image de leur grande déesse, qui en avait coûté 120[6]. L’empire de Carthage s’étendait depuis les frontières de la Cyrénaïque (pays de Barca, régence de Tripoli) jusqu’en Espagne ; elle était la métropole de tout le nord de l’Afrique, et, dans la Libye seulement, elle possédait trois cents villes[7]. Presque toutes les îles de la Méditerranée, à l’ouest et au sud de l’Italie, avaient reçu ses comptoirs. Carthage avait fait prévaloir son hégémonie sur tous les anciens établissements phéniciens de cette partie du monde, et leur avait imposé un contingent de soldats et un tribut annuels. Dans l’intérieur de l’Afrique, elle envoyait des caravanes chercher les éléphants, l’ivoire, l’or et les esclaves noirs, qu’elle exportait ensuite dans les places commerciales de la Méditerranée[8]. En Sicile, elle récoltait l’huile et le vin ; à l’île d’Elbe, elle exploitait le fer ; de Malte, elle tirait des tissus estimés ; de la Corse, la cire, le miel ; de la Sardaigne, des blés, des métaux et des esclaves ; des Baléares, les mulets et les fruits ; de l’Espagne, l’or, l’argent et le plomb ; de la Mauritanie, des peaux d’animaux ; elle envoyait jusqu’à l’extrémité de la Bretagne, aux îles Cassitérides (les Sorlingues), des navires acheter l’étain[9]. Dans ses murs, l’industrie était florissante et l’on y fabriquait des tissus très renommés[10].

Aucun marché du monde ancien ne pouvait être comparé à celui de Carthage, où se pressaient des hommes de toutes les nations. Grecs, Gaulois, Ligures, Espagnols, Libyens, accouraient en foule sous ses drapeaux[11] ; les Numides lui prêtaient une cavalerie redoutable[12]. La flotte était formidable : elle s’éleva, à cette époque, jusqu’à cinq cents vaisseaux. Carthage possédait un arsenal considérable[13] ; on peut en apprécier l’importance par ce fait qu’elle livra à Scipion victorieux deux cent mille armes de toute espèce et trois mille machines de guerre[14]. Tant de troupes et d’approvisionnements supposent d’immenses revenus. Même après la bataille de Zama, Polybe pouvait encore l’appeler la ville la plus riche du monde. Elle avait déjà pourtant payé aux Romains de lourdes contributions[15]. Une agriculture perfectionnée ne contribuait pas moins que le commerce à sa prospérité. Un grand nombre de colonies agricoles[16] avaient été établies, qui, au temps d’Agathocle, s’élevaient à plus de deux cents. Elles furent ruinées par la guerre[17] (440 de Rome). La Byzacène (partie sud de la régence de Tunis) était le grenier de Carthage[18].

Cette province, surnommée Emporia, c’est-à-dire la contrée commerçante par excellence, est vantée par le géographe Scylax[19] comme la partie la plus magnifique et la plus fertile de la Libye. Elle avait, du temps de Strabon, des villes nombreuses, entrepôts des marchandises de l’intérieur de l’Afrique. Polybe[20] parle de ses chevaux, de ses bœufs, de ses moutons, de ses chèvres, comme formant d’innombrables troupeaux, tels qu’il n’en avait pas vu ailleurs. La seule petite ville de Leptis payait aux Carthaginois l’énorme contribution d’un talent par jour (5.821 francs)[21].

Cette fertilité de l’Afrique explique l’importance des villes du littoral des Syrtes, importance révélée, il est vrai, par des témoignages postérieurs, puisqu’ils datent de la décadence de Carthage, mais qui doivent s’appliquer d’autant plus à l’état florissant qui avait précédé. En 537, le vaste port de l’île Cercina (Kerkéni, régence de Tunis, en face de Sfax) avait payé dix talents à Servilius[22]. Plus à l’ouest, Hippo-Regius (Bône) était encore une ville maritime considérable au temps de Jugurtha[23]. Tingis (Tanger), dans la Mauritanie, qui se vantait d’une origine très ancienne, faisait un grand commerce avec la Bétique. Trois peuples africains subissaient dans ces contrées l’influence et souvent la suzeraineté de Carthage : les Numides massyliens, qui depuis eurent Cirta (Constantine) pour capitale ; les Numides massésyliens, qui occupaient les provinces d’Alger et d’Oran ; enfin les Maures, répandus dans le Maroc. Ces peuples nomades entretenaient de riches troupeaux, et tiraient du sol d’abondantes céréales.

Hannon, amiral carthaginois, envoyé, vers 245, pour explorer l’extrémité de la côte africaine jusqu’au delà du détroit de Gadès, avait fondé un grand nombre d’établissements dont, au temps de Pline, il ne restait plus de traces[24]. Ces colonies portèrent le commerce chez les tribus maures et numides, chez les peuples du Maroc et peut-être même du Sénégal. Mais ce n’était pas seulement en Afrique que s’étendaient ses possessions des Carthaginois, elles embrassaient l’Espagne, la Sicile et la Sardaigne.

III. — Espagne.

L’Ibérie ou l’Espagne, avec ses six grands fleuves, navigables pour les anciens, ses longues chaînes de montagnes, ses bois épais, les vallées fertiles de la Bétique (Andalousie), paraît avoir nourri une population nombreuse, guerrière, riche par ses mines, ses céréales et son commerce. Le centre de la Péninsule était occupé par les races ibérienne et celtibérienne ; sur les côtes, les Carthaginois et les Grecs avaient des établissements ; au contact des marchands phéniciens, les populations du littoral atteignirent un certain degré de civilisation, et du mélange des indigènes et des colons étrangers sortit une population métisse qui, tout en conservant le génie ibérique, avait adopté les habitudes mercantiles des Phéniciens et des Carthaginois.

Une fois établis en Espagne, les Carthaginois et les Grecs utilisèrent les bois de construction qui couvraient les montagnes. Gadès (Cadix), sorte de factorerie fondée à l’extrémité de la Bétique par les Carthaginois, devint un de leurs principaux arsenaux maritimes. C’est là que s’armaient des bâtiments qui se hasardaient jusque dans l’Océan pour aller chercher les produits de l’Armorique, de la Bretagne et même des Canaries. Bien que Gadès eût perdu de son importance par la fondation de Carthagène (la nouvelle Carthage) en 526, elle avait encore, au temps de Strabon, une si nombreuse population, qu’elle ne le cédait en grandeur qu’à Rome seule.. Les tables du cens portaient cinq cents personnes auxquelles leur fortune donnait le droit d’être comptées parmi les chevaliers, fait dont Padoue seule offrait l’exemple en Italie[25]. A Gadès, célèbre par son temple d’Hercule, affluaient les richesses de toute l’Espagne. Les montons et les chevaux de la Bétique le disputaient en renom à ceux des Asturies. Corduba (Cordoue), Hispalis (Séville), où les Romains fondèrent plus tard des colonies, étaient déjà de grandes places de commerce et avaient des ports pour les bâtiments qui remontaient le Bétis (Guadalquivir)[26].

L’Espagne possédait beaucoup de métaux précieux ; l’or, l’argent, le fer, le plomb, y étaient l’objet d’une active industrie[27]. A Osea (Huesca), on exploitait des mines d’argent ; à Sisapon (Almaden), l’argent et le mercure[28]. A Cotinse, le cuivre se trouvait à côté de l’or. Chez les Orétans, à Castulo (Cazlona, sur le Guadalimar), les mines d’argent occupaient, au temps de Polybe, 40.000 personnes, et produisaient par jour 25.000 drachmes[29]. En trente-deux ans, les généraux romains rapportèrent de la Péninsule des sommes considérables[30]. L’abondance des métaux en Espagne explique comment se trouvait chez plusieurs des chefs ou petits rois des nations ibères un si grand nombre de vases d’or et d’argent. Polybe compare l’un d’eux, pour son luxe, au roi des fabuleux Phéaciens[31].

Au nord et au centre de la Péninsule, l’agriculture et l’élève des bestiaux étaient la principale source de richesse. C’est là que se fabriquaient les laies, vêtements de laine ou de poil de chèvre, qui s’exportaient en grand nombre en Italie[32]. Dans la Tarraconaise, la culture du lin était très productive ; les habitants avaient été les premiers à tisser ces toiles si fines appelées carbasa et qu’on recherchait jusqu’en Grèce[33]. Le cuir, le miel, le sel, étaient apportés par cargaisons dans les principaux ports de la côte : à Emporioe (Empurias), établissement des Phocéens dans la Catalogne ; à Sagonte[34], fondée par des Grecs venus de l’île de Zacynthe ; à Tarraco (Tarragone), un des plus anciens établissements des Phéniciens en Espagne ; à Malaca (Malaga), d’où s’exportaient toutes sortes de salaisons[35]. La Lusitanie, négligée par les navires phéniciens ou carthaginois, était moins favorisée. On voit cependant, par le passage de Polybe[36] qui énumère les denrées de cette province avec leurs prix, que les produits de l’agriculture y étaient très abondants[37].

La prospérité de l’Espagne ressort d’ailleurs du chiffre élevé de sa population. Selon quelques auteurs, Tiberius Gracchus aurait pris aux Celtibères trois cents oppida. Dans la Turdétanie (partie de l’Andalousie), Strabon ne compte pas moins de deux cents villes[38]. L’historien des guerres d’Espagne, Appien, signale la multitude des peuplades que les Romains eurent à soumettre[39], et pendant la campagne de Cn. Scipion, plus de cent vingt se rendirent[40].

La péninsule ibérique comptait donc alors parmi les régions les plus peuplées et les plus riches de l’Europe.

IV. — Gaule méridionale.

La partie de la Gaule que baigne la Méditerranée n’offrait pas un spectacle moins satisfaisant. Des migrations nombreuses, venues de l’est, avaient refoulé la population de la Seine et de la Loire vers les bouches du Rhône, et, dès le milieu du IIIe siècle avant notre ère, les Gaulois se trouvaient à l’étroit dans leurs frontières. Plus civilisés que les Ibères, mais non moins énergiques, ils unissaient des mœurs douces et hospitalières à une grande activité, que développa encore leur contact avec les colonies grecques répandues des Alpes maritimes aux Pyrénées. La culture des champs, l’élève du bétail constituaient leur principale richesse, et leur industrie s’alimentait des produits du sol et des troupeaux. On y fabriquait des laies, non moins renommées que celles des Celtibères, exportées en grande quantité en Italie. Bons mariniers, les Gaulois transportaient par eau, sur la Seine, le Rhin, la Saône, le Rhône et la Loire, les marchandises et les bois de construction qui, même des côtes de la Manche, venaient s’accumuler dans les places commerciales phocéennes de la Méditerranée[41]. Agde (Agatha), Antibes (Antipolis), Nice (Nicæa), les îles d’Hyères (Stœchades), Monaco (Portus Herculis Monœci), étaient autant de stations navales qui entretenaient des relations avec l’Espagne et l’Italie[42].

Marseille n’avait qu’un territoire très circonscrit, mais son influence s’exerçait au loin dans l’intérieur de la Gaule. C’est à cette ville qu’on doit l’acclimatation de la vigne et de l’olivier. Des milliers de bœufs venaient tous les ans paître le thym aux environs de Marseille[43]. Les marchands marseillais parcouraient en tous sens la Gaule afin d’y vendre leurs vins et le produit de leurs manufactures[44]. Sans s’élever au rang de grande puissance maritime, la petite république phocéenne avait cependant des ressources suffisantes pour se faire respecter de Carthage ; elle s’allia de bonne heure aux Romains. Des maisons marseillaises avaient, dès le v° siècle de Rome, établi à Syracuse, comme elles le firent plus tard à Alexandrie, des comptoirs qui attestent une très grande activité commerciale[45].

V. — Ligurie, Gaule cisalpine, Vénétie et Illyrie.

Seuls dans la mer Tyrrhénienne, les Ligures n’étaient point encore sortis de cette vie presque sauvage qu’avaient menée à l’origine les Ibères, issus de la même souche. Si quelques villes du littoral ligure, et Gènes notamment (Genua), faisaient le commerce maritime, elles se soutenaient par la piraterie[46] plutôt que par des échanges réguliers[47].

Au contraire, la Gaule cisalpine proprement dite nourrissait, dès l’époque de Polybe, une population nombreuse. On peut s’en faire une idée par les pertes qu’essuya cette province pendant une période de vingt-sept années, de l’an 554 à l’an 582 ; Tite-Live donne un total de 257.400 hommes tués, pris ou transportés[48]. Les tribus gauloises fixées dans la Cisalpine, tout en conservant les mœurs originelles, étaient, par leur contact avec les Étrusques, parvenues à un certain degré de civilisation. Le nombre des villes dans cette contrée n’était pas fort considérable, mais on y comptait beaucoup de bourgades[49]. Adonnés à l’agriculture comme les autres Gaulois, les Cisalpins élevaient dans leurs forêts des troupeaux de porcs en telle quantité, qu’ils auraient suffi, au temps de Strabon, à l’alimentation de Rome[50]. Les monnaies d’or pur que l’on a, dans ces derniers temps, découvertes dans la Gaule cisalpine, surtout entre le Pô et l’Adda, et qui portent le type des Boïens et de quelques populations ligures, témoignent de l’abondance de ce métal, qui se recueillait en paillettes dans les eaux des fleuves[51]. De plus, certaines villes d’origine étrusque, telles que Mantoue (Mantua), Padoue (Patavium), conservaient des vestiges de la prospérité qu’elles avaient atteinte au temps où les peuples de la Toscane étendaient leur domination jusqu’au delà du Pô. A la fois ville maritime et place de commerce, Padoue, à une époque reculée, possédait un vaste territoire et pouvait mettre sur pied 120.000 hommes[52]. Les transports des denrées étaient rendus faciles au moyen de canaux traversant la Vénétie, creusés en partie par les Étrusques. Tels étaient notamment ceux qui joignaient Ravenne à Altinum (Altino), devenu plus tard le grand entrepôt de la Cisalpine[53].

Les relations commerciales entretenues par la Vénétie avec la Germanie, l’Illyrie, la Rhétie, remontaient bien au delà de l’époque romaine, et, dès une haute antiquité, c’était en Vénétie que parvenait l’ambre des bords de la Baltique[54]. Tout le trafic qui se concentra plus tard à Aquilée, fondée par les Romains après la soumission des Vénètes, avait alors pour centre les villes de la Vénétie, et les colonies nombreuses établies par les Romains dans cette partie de la presqu’île prouvent ses immenses ressources. D’ailleurs, les Vénètes, occupés à cultiver leurs terres et à élever leurs chevaux, avaient des mœurs pacifiques qui facilitaient les relations commerciales et contrastaient avec les habitudes de brigandage des populations répandues sur les côtes nord et nord-est de l’Adriatique.

Les Istriens, les Liburnes et les Illyriens étaient des nations plus redoutables par leurs corsaires que par leurs armées ; leurs barques légères et rapides couvraient l’Adriatique et entravaient la, navigation entre l’Italie et la Grèce. En l’an 524, les Illyriens mettaient à la mer cent lembi[55], tandis que leur armée de terre ne comptait guère plus de 5.000 hommes[56]. L’Illyrie était pauvre et n’offrit que peu de ressources aux Romains, malgré la fertilité du sol. L’agriculture y était négligée, même au temps de Strabon. L’Istrie renfermait une population beaucoup plus considérable, eu égard à son étendue[57]. Cependant, pas plus que la Dalmatie et le reste de l’Illyrie, elle n’avait atteint, à l’époque qui nous occupe, ce haut degré de prospérité qu’elle acquit plus tard par la fondation de Tergeste (Trieste) et de Pola. La conquête romaine délivra l’Adriatique des pirates qui l’infestaient[58], et alors seulement les ports de Dyrrachium et d’Apollonie obtinrent une véritable importance.

VI. — Épire.

L’Épire, pays de pâturages et de bergers, entrecoupé de montagnes pittoresques, était une espèce d’Helvétie. Ambracia (aujourd’hui Arta), que Pyrrhus avait choisie pour sa résidence, devenue une très belle ville, possédait deux théâtres. Le palais du roi (Pyrrheum) formait un véritable musée, car il fournit pour le triomphe de M. Fulvius Nobilior, en 565, deux cent quatre-vingt-cinq statues de bronze, deux cent trente de marbre[59], et des tableaux de Zeuxis mentionnés dans Pline[60]. La ville paya en outre, à cette occasion, cinq cents talents (2.900.000 francs) et offrit au consul une couronne d’or pesant cent cinquante talents (près de 4.000 kilogrammes)[61]. Il paraît qu’avant la guerre de Paul-Émile ce pays renfermait une population assez nombreuse et comptait soixante et dix villes, la plupart situées dans le pays des Molosses[62]. Après la bataille de Pydna, le général romain y fit un butin si considérable, que, sans compter la part du trésor, chaque fantassin reçut 200 deniers (200 francs environ), chaque cavalier 400 ; en outre, la vente des esclaves s’éleva au chiffre énorme de 150.000.

VII. — Grèce.

Au commencement de la première guerre punique, la Grèce proprement dite se divisait en quatre puissances principales : la Macédoine, l’Étolie, l’Achaïe et Sparte. Toute la partie continentale, qui s’étend au nord du golfe de Corinthe jusqu’aux montagnes du Pinde, était sous la dépendance de Philippe ; la partie occidentale appartenait aux Étoliens. Le Péloponnèse était partagé entre les Achéens, le tyran de Sparte, et des villes indépendantes. La Grèce, en décadence depuis un siècle environ, avait vu son esprit guerrier s’affaiblir et sa population diminuer ; et cependant Plutarque, en comprenant sous ce nom les peuples de race hellénique, avance que ce pays fournissait au roi Philippe l’argent, les vivres et les approvisionnements de son armée[63]. La marine grecque avait presque disparu. La ligue Achéenne, qui comprenait l’Argolide, Corinthe, Sicyone et les cités maritimes de l’Achaïe, avait peu de vaisseaux. Sur terre les forces helléniques étaient moins insignifiantes. La ligue Étolienne mettait 10.000 hommes sur pied, et, lors de la guerre contre Philippe, prétendait avoir contribué plus que les Romains à la victoire de Cynocéphales. La Grèce était encore riche en objets d’art de toute espèce. Lorsqu’en 535 le roi de Macédoine s’empara de la ville de Thermæ, en Étolie, il y trouva plus de deux mille statues[64].

Athènes, malgré la perte de sa suprématie maritime, conservait les restes d’une civilisation qui avait atteint jadis le plus haut degré de splendeur[65], et ces constructions incomparables du siècle de Périclès, dont le nom seul rappelle tout ce que les arts ont produit de plus parfait. On remarquait, entre autres, l’Acropole, avec son Parthénon, ses Propylées, les chefs-d’œuvre de Phidias, la statue de Minerve en or et en ivoire, et une autre en bronze, dont on apercevait au loin, de la mer, le casque et la lance[66]. L’arsenal du Pirée, bâti par l’architecte Philon, était, suivant Plutarque, un ouvrage admirable[67].

Sparte, quoique bien déchue, se distinguait par ses monuments et son industrie ; le fameux portique des Perses[68], élevé après les guerres médiques, et dont les colonnes en marbre blanc représentaient des vaincus illustres, faisait le principal ornement du marché. Le fer, tiré en abondance du mont Taygète, était merveilleusement travaillé à Sparte, dont les fabriques d’armes et d’instruments agricoles avaient de la célébrité[69]. Les côtes de Laconie abondaient en coquillages d’où l’on tirait la pourpre la plus estimée après celle de Phénicie[70]. Le port de Gythium, très peuplé et très actif en 559, avait encore de grands arsenaux[71].

Au centre de la presqu’île, l’Arcadie, quoique sa population fût composée de pasteurs, avait pour les arts le même amour que le reste de la Grèce. Elle possédait deux temples célèbres : celui de Minerve à Tégée, construit par l’architecte Scopas[72], où se trouvaient réunis les trois ordres d’architecture, et celui d’Apollon à Phigalie[73], situé à 3.000 pieds au-dessus de la mer, et dont les restes font encore l’admiration des voyageurs.

L’Élide, protégée par sa neutralité, s’adonnait aux arts de la paix ; l’agriculture y florissait ; ses pêcheries étaient productives ; on y fabriquait des tissus de byssus qui rivalisaient avec les mousselines de Cos et se vendaient an poids de l’or[74]. La ville d’Élis possédait le plus beau gymnase de la Grèce ; on venait s’y préparer, quelquefois un an à l’avance, pour le concours des jeux Olympiques[75].

Olympie était la cité sainte, célèbre par son sanctuaire et son jardin sacré, où s’élevait, an milieu d’une multitude de chefs-d’œuvre, une des merveilles du monde, la statue de Jupiter, œuvre de Phidias[76], et dont la majesté était telle, que Paul-Émile, à son aspect, se crut en présence de la divinité elle-même.

Argos, patrie de plusieurs artistes célèbres, comptait des temples, des fontaines, un gymnase, un théâtre, et sa place publique avait servi de champ de bataille aux armées de Pyrrhus et d’Antigone. Elle resta, jusque sous la domination romaine, une des plus belles villes de la Grèce. Dans son territoire se trouvaient le superbe temple de Junon, l’antique sanctuaire des Argiens, avec la statue d’or et d’ivoire de la déesse, ouvrage de Polyclète, et le vallon de Némée, où se célébrait une des quatre fêtes nationales de la Grèce[77]. L’Argolide possédait encore Épidaure avec ses sources thermales, son temple d’Esculape, enrichi des offrandes déposées par les malades[78], et son théâtre, un des plus grands du pays[79].

Corinthe, admirablement située sur l’isthme étroit qui séparait la mer Égée du golfe qui a gardé son nom[80], avec ses teintureries, ses fabriques célèbres de tapis, de bronze, rappelait encore l’ancienne prospérité hellénique. La population devait en être considérable, puisqu’on y comptait 460.000 esclaves[81] ; partout s’élevaient des palais de marbre, ornés de statues et de vases précieux. Corinthe passait pour la ville la plus voluptueuse. Parmi ses nombreux temples, celui de Vénus était desservi par plus de mille courtisanes[82]. Dans la vente du butin fait par Mummius, un tableau d’Aristide, représentant Bacchus, fut vendu 600.000 sesterces[83]. On vit, au triomphe de Metellus le Macédonique, un groupe, ouvrage de Lysippe, représentant Alexandre le Grand, vingt-cinq cavaliers et neuf fantassins tués à la bataille du Granique ; ce groupe, pris à Corinthe, venait de Dium, en Macédoine[84].

D’autres villes de la Grèce n’étaient pas moins riches en œuvres d’art[85]. Les Romains enlevèrent de la petite ville d’Érétrie, lors de la guerre de Macédoine, une grande quantité de tableaux et de statues précieuses[86]. On sait par le voyageur Pausanias quelle était la prodigieuse quantité d’offrandes apportées des contrées les plus diverses dans le sanctuaire de Delphes. Cette ville, qui par sa réputation de sainteté et ses jeux solennels, les jeux Pythiques, rivalisait avec Olympie, amassa pendant des siècles, dans son temple, d’immenses trésors, et, quand les Phocéens le pillèrent, ils y trouvèrent assez d’or et d’argent pour battre 10.000 talents de monnaie (environ 58 millions de francs). L’ancienne opulence des Grecs avait néanmoins passé dans leurs colonies, et, des extrémités de la mer Noire jusqu’à Cyrène, s’élevaient de nombreux établissements remarquables par leur somptuosité.

VIII. — Macédoine.

La Macédoine attirait à elle, depuis Alexandre, les richesses et les ressources de l’Asie. Dominant sur une grande partie de la Grèce et de la Thrace, occupant la Thessalie, étendant sur l’Épire sa suzeraineté, ce royaume concentrait en lui les forces vives de ces cités jadis indépendantes qui, deux siècles auparavant, rivalisaient de puissance et de courage. Sous une administration économe, les revenus publics provenant des domaines royaux[87], des mines d’argent du mont Pangée et des impôts, suffisaient aux besoins du pays[88]. En 527, Antigone envoyait à Rhodes des secours considérables, qui donnent la mesure des ressources de la Macédoine[89].

Vers l’an 563 de Rome, Philippe avait, par de sages mesures, relevé l’importance de la Macédoine. Il réunit dans ses arsenaux de quoi équiper trois armées et des vivres pour dix ans. Sous Persée, la Macédoine n’était pas moins florissante. Ce prince donna à Cotys, pour un service de six mois, avec 1.000 cavaliers, la somme considérable de 200 talents[90]. A la bataille de Pydna, qui consomma sa ruine, près de 20.000 hommes restèrent sur le terrain, et 11.000 furent faits prisonniers[91]. La richesse de l’armement des troupes macédoniennes surpassait beaucoup celle des autres armées. La phalange Leucaspide était vêtue d’écarlate et portait des armures dorées ; la phalange Chalcaspide avait des boucliers de l’airain le plus fin[92]. Le luxe prodigieux de la cour de Persée et celui de ses favoris nous révèlent mieux encore à quel degré d’opulence la Macédoine était arrivée. Tous déployaient dans leurs habits et sur leur table un faste pareil à celui des rois[93]. Dans le butin fait par Paul-Émile, se trouvent des tableaux, des statues, de riches tapisseries, des vases d’or, d’argent, de bronze et d’ivoire, qui étaient autant de chefs-d’œuvre[94]. Aucun triomphe n’égala le sien[95].

Valère d’Antium estime à plus de 120 millions de sesterces (environ 30 millions de francs) l’or et l’argent exposés en cette occasion[96]. La Macédoine, on le voit, avait absorbé les anciennes richesses de la Grèce. La Thrace, longtemps barbare, commençait aussi à sortir de l’état d’infériorité où elle avait langui. De nombreuses colonies grecques, fondées sur les rivages du Pont-Euxin, y faisaient pénétrer la civilisation et le bien-être, et, parmi ces colonies, Byzance, quoique souvent inquiétée par les barbares ses voisins, avait déjà une importance et une prospérité qui présageaient ses futures destinées[97]. Des étrangers, affluant de toutes parts dans ses murs, y avaient introduit une licence qui devint proverbiale[98]. Son commerce était surtout alimenté par des navires athéniens, qui allaient chercher les blés de la Tauride et les poissons du Pont-Euxin[99]. Quand Athènes sur le déclin était en proie à l’anarchie, Byzance, où florissaient les arts et les lettres, servait de refuge à ses exilés.

IX. — Asie Mineure.

L’Asie Mineure comprenait un grand nombre de provinces dont plusieurs devinrent, après le démembrement de l’empire d’Alexandre, des États indépendants. Les principales se réunirent en quatre groupes, composant autant de royaumes, savoir : le Pont, la Bithynie, la Cappadoce et Pergame. Il faut en excepter quelques cités grecques de la côte qui gardèrent leur autonomie ou furent placées sous la suzeraineté de Rhodes. Leur étendue et leurs limites varièrent souvent jusqu’à la conquête romaine, et plusieurs passèrent d’une domination à une autre. Tous ces royaumes participaient à différents degrés de la prospérité de la Macédoine.

L’Asie, dit Cicéron, est si riche et si fertile que la fécondité de ses campagnes, la variété de ses produits, l’étendue de ses pâturages, la multiplicité des objets que le commerce en exporte, lui donnent une supériorité incontestable sur tous les autres pays de la terre[100].

La richesse de l’Asie Mineure ressort du chiffre des impositions qu’elle paya aux différents généraux romains. Sans parler des dépouilles enlevées par Scipion, lors de sa campagne contre Antiochus, et par Manlius Vulso en 565, Sylla, puis Lucullus et Pompée, tirèrent chacun de ce pays environ 80.000 talents[101], outre pareille somme distribuée par eux à leurs soldats : ce qui donne le chiffre énorme de près de sept cents millions, perçus dans un espace de vingt-cinq années.

X. — Royaume de Pont.

Le plus septentrional des quatre groupes nommés ci-dessus forma une grande partie du royaume de Pont. Cette province, l’ancienne Cappadoce Pontique, jadis satrapie persane, asservie par Alexandre et ses successeurs, se releva après la bataille d’Ipsus (453). Mithridate III agrandit son territoire en y ajoutant la Paphlagonie, et ensuite Sinope et la Galatie. Bientôt le Pont s’étendit de la Colchide au nord-est jusqu’à la Petite Arménie au sud-est, et vint confiner à la Bithynie à l’ouest. Touchant ainsi au Caucase, dominant sur le Pont-Euxin, ce royaume, composé de peuples divers, offrait, sous des climats variés, des produits de différente nature. Il recevait les vins et les huiles de la mer Égée, ainsi que les blés du Bosphore ; il exportait en grand des salaisons[102], l’huile de dauphin[103], et, comme produits de l’intérieur, les laines de la Gadilonitide[104], les toisons d’Ancyre, les chevaux de l’Arménie, de la Médie et de la Paphlagonie[105], le fer des Chalybes, population de mineurs au sud de Trapézonte, déjà célèbre au temps d’Homère, et citée par Xénophon[106]. Là se trouvaient aussi des mines d’argent, abandonnées à l’époque de Strabon[107], et dont l’exploitation a été reprise dans les temps modernes. Dés ports importants sur la mer Noire ouvraient à ces produits des débouchés faciles. C’est à Sinope que Lucullus trouva une partie des trésors qu’il étala à son triomphe, et qui nous donnent une haute idée du royaume des Mithridate[108]. On admirait à Sinope la statue d’Autolycus, un des héros protecteurs de la ville, ouvrage du statuaire Sthénis[109].

Trapézonte (Trébizonde), qui, avant Mithridate le Grand, conservait une sorte d’autonomie sous les rois de Pont, avait un commerce étendu, ainsi qu’une autre colonie grecque, Amisus (Samsoun)[110], regardée, au temps de Lucullus, comme une des plus florissantes et des plus riches du pays[111]. A l’intérieur, Amasia, devenue depuis une des grandes forteresses de l’Asie Mineure et la métropole du Pont, avait déjà vraisemblablement, au temps des guerres Puniques, un certain renom. Cabire, appelée ensuite Sébaste, puis Néocésarée, centre de la résistance de Mithridate le Grand contre Lucullus, devait à son magnifique temple de la Lune une ancienne célébrité. Du pays de Cabire, il n’y avait, au dire de Lucullus[112], que quelques journées de marche jusqu’en Arménie, contrée dont la richesse peut s’évaluer d’après les trésors amassés par Tigrane[113].

On comprend dès lors comment Mithridate le Grand parvint, deux siècles plus tard, à opposer aux Romains des armées et des flottes considérables. Il possédait dans la mer Noire quatre cents navires[114], et son armée s’élevait à 250.000 hommes et 40.000 chevaux[115]. Il recevait, il est vrai, des secours de l’Arménie et de la Scythie, du Palus Méotide et même de la Thrace.

XI. — La Bithynie.

La Bithynie, province de l’Asie Mineure comprise entre la Propontide, le Sangarius et la Paphlagonie, formait un royaume qui, au commencement du VIe siècle de Rome, était limitrophe du Pont et embrassait diverses parties des provinces contiguës à la Mysie et à la Phrygie. Là se trouvaient plusieurs villes dont le commerce rivalisait avec celui des villes maritimes du Pont, et notamment Nicée et Nicomédie. Cette dernière, fondée en 475 par Nicomède Ier, prit une rapide extension[116]. Héraclée Pontique, colonie milésienne située entre le Sangarius et le Parthenius, gardait son commerce étendu et une indépendance que Mithridate le Grand lui-même ne put complètement abattre ; elle possédait un port vaste, sûr et habilement disposé, qui abritait une flotte nombreuse[117]. La puissance des Bithyniens n’était pas insignifiante, puisqu’ils mirent sur pied, dans la guerre de Nicomède contre Mithridate, 56.000 hommes[118]. Si le trafic était considérable sur les côtes de la Bithynie, grâce aux colonies grecques, l’intérieur n’était pas moins prospère par l’agriculture, et Bithynium était encore, au temps de Strabon, renommé pour ses troupeaux[119].

Une des provinces de la Bithynie tomba aux mains des Gaulois (478 de Rome). Trois peuples d’origine celtique se la partagèrent et y exercèrent une sorte de domination féodale. On l’appela Galatie, du nom des conquérants. Les places de commerce étaient : Ancyre, point d’arrivée des caravanes venant de l’Asie, et Pessinonte, une des métropoles du vieux culte phrygien, ou les pèlerins se rendaient en grand nombre pour adorer Cybèle[120]. La population de la Galatie était certainement assez considérable, puisque, dans la fameuse campagne de Cneius Manlius Vulso[121], en 565, les Galates perdirent 40.000 hommes. Les deux tribus réunies des Tectosages et des Trocmes mettaient sur pied à cette époque, malgré bien des défaites, 50.000 fantassins et 10.000 chevaux[122].

XII. — La Cappadoce.

A l’est de la Galatie, la Cappadoce, comprise entre l’Halys et l’Arménie, éloignée de la mer, traversée par de nombreuses chaînes de montagnes, formait un royaume resté en dehors des conquêtes d’Alexandre, et qui, peu d’années après sa mort, opposait à Perdiccas 30.000 hommes de pied et 15.000 cavaliers[123]. Au temps de Strabon, le froment et le bétail faisaient toute la richesse de ce pays[124]. En 566, le roi Ariarathe payait 600 talents l’alliance des Romains[125]. Mazaca (depuis Césarée), capitale de la Cappadoce, ville d’origine tout asiatique, avait été, dès une époque ancienne, renommée pour ses pâturages[126].

XIII. — Pergame.

La partie occidentale de l’Asie Mineure est mieux connue. Elle avait vu, après la bataille d’Ipsus, se former Royaume de le royaume de Pergame, qui, grâce aux libéralités intéressées des Romains envers Eumène II, s’accrut sans cesse jusqu’au moment où il tomba sous leur suzeraineté. A ce royaume se rattachèrent la Mysie, les deux Phrygies, la Lycaonie, la Lydie. Cette dernière province, traversée par le Pactole, avait pour capitale Éphèse, métropole de la confédération ionienne, à la fois le premier entrepôt du commerce de l’Asie Mineure et une des localités où les beaux-arts étaient cultivés avec le plus d’éclat. Cette ville avait deux ports : l’un se prolongeait jusqu’au centre de son enceinte ; l’autre formait un bassin au milieu même du marché public[127]. Le théâtre d’Éphèse, le plus grand qui ait jamais été bâti, avait 660 pieds de diamètre et pouvait contenir plus de 60.000 spectateurs. Les artistes les plus célèbres, Scopas, Praxitèle, etc. travaillèrent à Éphèse pour le grand temple de Diane. Ce monument, dont la construction dura deux cent vingt ans, était entouré de 128 colonnes, hautes chacune de 60 pieds, présents d’autant de rois. Pergame, capitale du royaume, passait pour une des plus belles cités de l’Asie, longe clarissimum Asiœ Pergamum, dit Pline[128] ; le port d’Élée renfermait des arsenaux maritimes et pouvait armer de nombreux vaisseaux[129]. Défendue par deux torrents, l’acropole de Pergame, citadelle inaccessible, était la résidence des Attalides ; ces princes, zélés protecteurs des sciences et des arts, avaient fondé dans leur capitale une bibliothèque de 200.000 volumes[130]. Pergame faisait un vaste trafic ; ses céréales s’exportaient, en grande quantité, dans la plupart des localités de la Grèce[131]. Cyzique, située dans une île sur la Propontide, avec deux ports fermés offrant environ deux cents cales pour les navires[132], le disputait aux plus riches cités de l’Asie. Elle faisait comme Adramyttium[133] un grand commerce de parfums, exploitait les carrières de marbre inépuisables de l’île de Proconnèse[134], et avait des relations si étendues que ses pièces d’or étaient la monnaie acceptée dans tous les comptoirs asiatiques[135]. La ville d’Abydos possédait des mines d’or[136]. Les blés d’Assus étaient réputés les meilleurs du monde, et réservés pour la table des rois de Perse[137].

On peut évaluer la population et les ressources de cette partie de l’Asie d’après les armées et les flottes dont disposèrent ses rois an temps de-la conquête de la Grèce par les Romains. En 555, Attale Ier, et, dix ans après, Eumène II, leur envoyèrent de nombreuses galères à cinq rangs de rames[138]. Les forces de terre des rois de Pergame étaient beaucoup moins considérables[139]. Leur autorité directe ne s’exerçait pas sur un territoire fort étendu ; cependant ils avaient beaucoup de villes tributaires : de là de grandes richesses et une petite armée. Les Romains tirèrent de ce pays, aujourd’hui à peu près stérile et dépeuplé, des impôts immenses, tant en or qu’en blé[140]. La magnificence du triomphe de Manlius et les réflexions de Tite-Live, rapprochées du témoignage d’Hérodote, révèlent toute la splendeur du royaume de Pergame. C’est après la guerre contre Antiochus et l’expédition de Manlius que le luxe s’introduisit à Rome[141]. Soldats et généraux s’étaient prodigieusement enrichis en Asie[142].

Les anciennes colonies de l’Ionie et de l’Éolide, telles que Clazomène, Colophon et beaucoup d’autres, qui dépendaient pour la plupart du royaume de Pergame, étaient déchues de leur ancienne grandeur. Smyrne, rebâtie par Alexandre, se faisait encore admirer par la beauté de ses monuments. L’expédition des vins, aussi renommés sur les côtes d’Ionie que dans les îles voisines, alimentait surtout le commerce des ports de la mer Égée.

Les trésors du temple de Samothrace étaient si considérables, que cela nous engage à parler ici d’un fait qui se rapporte à cette petite île, située assez loin de l’Asie, près des côtes de la Thrace : les soldats de Sylla s’emparèrent, dans le sanctuaire des Dieux Cabires, d’un ornement de la valeur de 1.000 talents (5.820.000 francs)[143].

XIV. — Carie, Lycie et Cilicie.

Sur la côte méridionale de l’Asie Mineure, quelques villes soutenaient le rang qu’elles avaient atteint un ou deux siècles auparavant. La capitale de la Carie était Halicarnasse, ville très forte, défendue par deux citadelles[144], et célèbre par une des plus belles œuvres de l’art grec, le Mausolée. Malgré la fertilité extraordinaire du pays, les Cariens avaient l’habitude de s’engager, comme les Crétois, en qualité de mercenaires, dans les armées grecques[145]. C’est sur leur territoire que se trouvait la ville ionienne de Milet avec ses quatre ports[146]. Les Milésiens avaient, à eux seuls, civilisé les bords de la mer Noire par la fondation de près de quatre-vingts colonies[147].

Tour à tour indépendante ou placée sous une domination étrangère, la Lycie, province comprise entre la Carie et la Cilicie, possédait quelques villes riches et commerçantes. L’une surtout, renommée par son antique oracle d’Apollon, aussi célèbre que celui de Delphes, se faisait remarquer par son port spacieux[148] : c’était Patare, qui put contenir toute la flotte d’Antiochus, brûlée par Fabius en 565[149]. Xanthus, la plus grande ville de la province, jusqu’où remontaient les navires, ne perdit son importance qu’après avoir été pillée par Brutus[150]. Ses richesses lui avaient valu antérieurement le même sort de la part des Perses[151]. Sous la domination romaine, la Lycie vit graduellement décliner sa population, et de soixante et dix villes qu’elle avait eues, elle n’en comptait plus que trente-six au VIIIe siècle de Rome[152].

Plus à l’est, les tûtes de la Cilicie étaient moins favorisées ; tour â tour dominées par les Macédoniens, les Égyptiens, les Syriens, elles étaient devenues des repaires de pirates, qu’encourageaient les rois d’Égypte par hostilité contre les Séleucides[153]. Du haut des montagnes qui traversent une partie de la province, descendaient des brigands pour piller les plaines fertiles situées du côté de l’Orient (Cilicia campestris)[154]. Cependant la partie arrosée par le Cydnus et le Pyrainus était plus prospère, grâce à la fabrique des toiles grossières et â l’exportation du safran. Là se trouvait l’antique Tarse, jadis résidence d’un satrape, et dont le commerce s’était développé avec celui de Tyr[155] ; Soles, qu’Alexandre imposait à cent talents pour la punir de sa fidélité aux Perses[156], et qui, par sa position maritime, faisait l’envie des Rhodiens[157]. Ces villes et d’autres ports entrèrent, après la bataille d’Ipsus, dans le grand mouvement commercial dont les provinces de Syrie devinrent le siège.

XV. — Syrie.

Par la fondation de l’empire des Séleucides, la civilisation grecque fut portée jusque dans l’intérieur de l’Asie, où à l’immobilité de la société orientale succéda la vie active de l’Occident. Les lettres et les arts helléniques fleurirent depuis la mer de la Phénicie jusque sur les bords de l’Euphrate. Des villes nombreuses furent bâties en Syrie et dans l’Assyrie avec toute la richesse et l’élégance des constructions de la Grèce[158] ; quelques-unes étaient presque ruinées du temps de Pline[159]. Séleucie, fondée par Séleucus Nicator, à l’embouchure de l’Oronte, et qui reçut, avec huit autres villes élevées par le même monarque, le nom du chef de la dynastie gréco-syrienne, devint un port très fréquenté. Construite sur le même fleuve, Antioche rivalisa avec les plus belles cités de l’Égypte et de la Grèce par le nombre de ses édifices, l’étendue de ses places, la beauté de ses temples et de ses statues[160]. Ses murailles, élevées par l’architecte Xenæos, passaient pour une merveille, et au moyen âge leurs ruines faisaient l’admiration des voyageurs[161]. Antioche comprenait quatre quartiers, ayant chacun sa propre enceinte[162], et l’enceinte commune qui les réunissait paraît avoir embrassé une étendue de six lieues de circonférence. Non loin de la ville, se trouvait la délicieuse résidence de Daphné, dont le bois, consacré à Apollon et à Diane, était l’objet de la vénération publique et le lieu où se célébraient des fêtes somptueuses[163]. Apamée était renommée par ses pâturages. Séleucus y avait établi des haras contenant plus de 30.000 juments, 300 étalons et 500 éléphants[164]. Le temple du Soleil, à Héliopolis (aujourd’hui Baalbek), était l’œuvre d’architecture la plus colossale qui eût jamais existé[165].

La puissance de l’empire des Séleucides s’accrut jusqu’au jour où les Romains s’en emparèrent. S’étendant de la Méditerranée à l’Oxus et au Caucase, cet empire était composé de presque toutes les provinces de l’ancien royaume des Perses, et renfermait des peuples d’origines différentes[166] : la Médie était fertile, et sa capitale, Ecbatane, que Polybe nous représente comme l’emportant par ses richesses et le luxe incroyable de ses palais sur les autres cités de l’Asie, n’avait point encore été dépouillée par Antiochus III[167] ; la Babylonie, naguère siège d’un empire puissant, et la Phénicie, longtemps la contrée la plus commerçante du monde, faisaient partie de la Syrie et touchaient aux frontières des Parthes. Des caravanes, suivant un itinéraire qui est resté le même pendant bien des siècles, mettaient en relation la Syrie avec l’Arabie[168], d’où lui arrivaient l’ébène, l’ivoire, les parfums, les résines et les épices ; les ports syriens étaient les échelles intermédiaires pour les marchands qui se rendaient jusque dans l’Inde, où Séleucus Ier était allé conclure un traité de commerce avec Sandrocottus. Les denrées de ce pays remontaient l’Euphrate jusqu’à Thapsacus ; de là elles étaient exportées dans toutes les provinces[169]. Des relations aussi lointaines et aussi multipliées expliquent la prospérité de l’empire des Séleucides. La Babylonie rivalisait avec la Phrygie pour les tissus brodés ; la pourpre et les tissus de Tyr, les verres, les ouvrages d’orfèvrerie et les teintures de Sidon, s’exportaient au loin. Le commerce avait pénétré jusqu’aux extrémités de l’Asie. Les étoffes de soie étaient expédiées des frontières de la Chine aux portes Caspiennes, puis de là dirigées par caravanes, à la fois vers la mer Tyrienne, la Mésopotamie et le Pont[170]. Plus tard, l’invasion des Parthes, en interceptant ces routes, empêcha les Grecs de pénétrer au cœur de l’Asie. Aussi Séleucus Nicator forma-t-il le projet d’ouvrir une voie de communication directe entre la Grèce et la Bactriane, en construisant un canal de la mer Noire à la mer Caspienne[171]. Les mines de métaux précieux étaient assez rares dans la Syrie ; mais l’or, l’argent, introduits par les Phéniciens, importés de l’Arabie ou de l’Asie centrale, y affluaient. On peut juger de la quantité de numéraire que possédait Séleucie, sur le Tigre, par le chiffre de la contribution à laquelle la soumit Antiochus III (mille talents)[172]. Les sommes que les monarques syriens s’engagèrent à payer aux Romains étaient immenses[173]. Le sol donnait des produits aussi considérables que l’industrie[174]. La Susiane, une des provinces de la Perse placées sous la domination des Séleucides, avait une telle renommée pour ses céréales, que l’Égypte seule pouvait rivaliser avec elle[175]. La Cœlésyrie était, comme le nord de la Mésopotamie, réputée pour ses troupeaux[176]. La Palestine fournissait en abondance le blé, l’huile et le vin. L’état de la Syrie était encore si prospère au VIIe siècle de Rome, que le philosophe Posidonius nous représente les habitants se livrant à des fêtes continuelles et partageant leur temps entre les travaux des champs, les banquets et les exercices du gymnase[177]. Les fêtes d’Antiochus IV dans la ville de Daphné[178] donnent l’idée du luxe que déployaient les grands de ce pays.

Les forces militaires réunies à diverses époques par les rois de Syrie permettent d’apprécier la population de leur empire. En 537, à la bataille de Raphia, Antiochus disposait de 68.000 hommes[179] ; en 564, à Magnésie, de 62.000 hommes d’infanterie et de plus de 12.000 cavaliers[180]. Ces armées, il est vrai, comprenaient des auxiliaires de différentes nations. Les seuls Juifs du canton du Carmel pouvaient mettre sur pied 40.000 hommes[181].

La marine n’était pas moins imposante. La Phénicie comptait des ports nombreux et des arsenaux bien approvisionnés : tels étaient Aradus (Ruad), Berytus (Beyrouth), Tyr (Sour). Cette dernière ville se relevait peu à peu de sa décadence. Il en était de même de Sidon (Saida), qu’Antiochus III, dans sa guerre avec Ptolémée, n’osa pas attaquer à cause de ses soldats, de ses approvisionnements et de sa population[182]. La plupart des villes phéniciennes jouissaient d’ailleurs, sous les Séleucides, d’une certaine autonomie favorable à leur industrie. Dans la Syrie, Séleucie, qu’Antiochus le Grand reprit aux Égyptiens, était devenue le premier port du royaume sur la Méditerranée[183]. Laodicée faisait un commerce actif avec Alexandrie[184]. Maîtres des côtes de la Cilicie et de la Pamphylie, les rois de Syrie en tiraient de nombreux bois de construction que le flottage des fleuves amenait des montagnes[185]. Réunissant ainsi leurs vaisseaux à ceux des Phéniciens, les Séleucides lançaient sur la Méditerranée des armées considérables[186].

Le commerce lointain occupait aussi de nombreux navires marchands ; la Méditerranée, comme l’Euphrate, était sillonnée par des barques qui apportaient ou exportaient des marchandises de toute sorte. Des vaisseaux voguant sur la mer Érythrée étaient en communication, par des canaux, avec le littoral méditerranéen. Le grand commerce de la Phénicie avec l’Espagne et l’Occident avait cessé, mais la navigation de l’Euphrate et du Tigre le remplaçait pour le Transport des produits, soit étrangers, soit fabriqués dans la Syrie même, et envoyés en Asie Mineure, en Grèce ou en Égypte. L’empire des Séleucides offrait le spectacle de l’ancienne civilisation, de l’ancien luxe de Ninive et de Babylone, transformés par le génie grec.

XVI. — Égypte.

L’Égypte, qu’Hérodote appelle un présent du Nil, n’égalait pas en superficie le quart de l’empire des Séleucides ; mais elle formait une puissance bien plus compacte. Sa civilisation remontait au delà de trois mille ans. Les sciences, les arts, y florissaient déjà quand l’Asie Mineure, la Grèce, l’Italie, étaient encore dans la barbarie. La fertilité de la vallée du Nil avait permis à une population nombreuse de s’y développer, à tel point que, sous Amasis II, contemporain de Servius Tullius, on y comptait vingt mille cités[187]. L’administration habile des premiers Lagides accrut considérablement les ressources du pays. Sous Ptolémée II, les revenus annuels s’élevaient à 14,800 talents (86.150.800 fr.) et à 1 million et demi d’artabes[188] de blé[189]. En dehors des revenus égyptiens, les impôts levés dans les possessions étrangères atteignaient le chiffre d’à peu près 10.000 talents par an. La Cœlésyrie, la Phénicie et la Judée, avec la province de Samarie, rapportaient annuellement à Ptolémée Évergète 8.000 talents (46 millions et demi)[190]. Une seule fête coûtait à Philadelphe 2.240 talents (plus de 13 millions)[191]. Les sommes accumulées dans le trésor montaient au chiffre, peut-être exagéré, de 740.000 talents (environ 4 milliards 300 millions de francs)[192]. En 527, Ptolémée Évergète put, sans trop amoindrir ses ressources, envoyer aux Rhodiens 3.300 talents d’argent, 1.000 talents de cuivre et dix millions de mesures de blé[193]. Les métaux précieux abondaient dans l’empire des Pharaons, comme l’attestent les traces d’une exploitation aujourd’hui épuisée et la foule d’objets en or renfermés dans les tombeaux. Pendant quelque temps maîtres du Liban, les rois d’Égypte en tiraient des bois de construction.

Ces richesses s’étaient surtout accumulées à Alexandrie, qui devint, après Carthage, vers le commencement du VIIe siècle de Rome, la première ville commerçante du monde[194]. Elle avait 15 milles de circonférence, trois ports spacieux et commodes, qui permettaient aux plus gros navires de venir mouiller à quai[195]. Là arrivaient les marchandises de l’Inde, de l’Arabie, de l’Éthiopie, de la côte d’Afrique : les unes apportées à dos de chameau de Myos-Hormos (au nord de Cosseïr), puis transportées sur le Nil[196] ; les autres venues par canaux du fond du golfe de Suez, ou amenées du port de Bérénice sur la mer Rouge[197]. L’occupation de cette mer par les Égyptiens avait mis un terme aux pirateries des Arabes[198] et permis de fonder de nombreux comptoirs. L’Inde fournissait les épices, les mousselines et les matières tinctoriales ; l’Éthiopie, l’or, l’ivoire et le bois d’ébène ; l’Arabie, les parfums. Tous ces produits étaient échangés contre ceux qui arrivaient du Pont-Euxin et de la mer Occidentale. L’industrie indigène des tissus imprimés et brodés, celle des verreries, prirent sous les Ptolémées un nouveau développement. Les objets exhumés des tombeaux de cette époque, les peintures qui les décorent, les mentions consignées dans les textes hiéroglyphiques et les papyrus grecs, prouvent que les genres d’industrie les plus variés étaient exercés dans le royaume des Pharaons et avaient atteint un haut degré de perfection. L’excellence des produits, la finesse du travail, attestent l’intelligence des ouvriers. Sous Ptolémée II, l’armée se composait de 200.000 fantassins, 40.000 cavaliers, 300 éléphants et 200 chars ; les arsenaux pouvaient fournir des armes à 300.000 hommes[199]. La flotte égyptienne proprement dite comprenait cent douze vaisseaux de premier rang (de 5 jusqu’à 30 rangs de rames), deux cent vingt-quatre de second rang et bâtiments légers ; le roi avait, en outre, plus de quatre mille navires dans les ports placés sous sa sujétion[200]. C’est surtout après Alexandre que la marine égyptienne prit une grande extension.

XVII. — Cyrénaïque.

Séparant l’Égypte des possessions de Carthage, la Cyrénaïque (régence de Tripoli), jadis colonisée par les Grecs et indépendante, était tombée aux mains du premier des Ptolémées. Elle possédait des villes commerçantes et riches, des p~aines fertiles ; la culture s’étendait même jusque sur les montagnes[201] ; le vin, l’huile, les dattes, le safran et diverses plantes, telles que le silphium (laserpitium)[202], faisaient l’objet d’un trafic considérable[203]. Les chevaux de la Cyrénaïque, qui avaient toute la légèreté des chevaux arabes, étaient recherchés jusque dans la Grèce[204], et les habitants de Cyrène ne purent faire de plus beau présent à Alexandre que de lui envoyer trois cents de leurs coursiers[205]. Cependant les révolutions politiques avaient déjà porté atteinte à l’antique prospérité de ce pays[206], qui constituait auparavant par sa navigation, son commerce et ses arts, peut-être la plus belle des colonies fondées par les Grecs.

XVIII. — Chypre.

Les îles nombreuses de la Méditerranée jouissaient d’une égale prospérité. Chypre, colonisée par les Phéniciens, puis par les Grecs, passée ensuite sous la domination des Égyptiens, avait une population qui gardait, de sa première patrie, l’amour du commerce et des voyages lointains. Presque toutes ses villes étaient situées sur les bords de la mer et munies d’excellents ports. Ptolémée Soter y entretenait une armée de 30.000 Égyptiens[207]. Aucun pays n’était plus riche en bois de construction. Sa fertilité passait pour supérieure à celle de l’Égypte[208]. Aux produits agricoles venaient se joindre les pierres précieuses, les mines de cuivre, exploitées depuis longtemps[209], et si abondantes, que ce métal tira son nom de l’île même (Cuprum). On voyait à Chypre de nombreux sanctuaires, notamment le temple de Vénus à Paphos, qui comptait cent autels[210].

XIX. — Crète.

La Crète, peuplée de races diverses, avait atteint dès l’âge héroïque une grande célébrité ; Homère chantait ses cent villes, mais elle était déchue depuis plusieurs siècles. Sans commerce, sans marine régulière, sans agriculture, elle n’avait plus guère de produits que ses fruits et ses bois, et la stérilité qu’on remarque aujourd’hui commençait déjà. Cependant tout porte à croire qu’à l’époque de la conquête romaine l’île devait être encore fort peuplée[211]. Livrés à la piraterie[212], réduits à vendre leurs services, les Crétois, archers renommés, combattaient comme mercenaires dans les armées de la Syrie, de la Macédoine et de l’Égypte[213].

XX. — Rhodes.

Si la Crète était en décadence, Rhodes, au contraire, étendait son commerce, qui prit graduellement la place de celui des villes maritimes de l’Ionie et de la Carie. Déjà habitée, au temps d’Homère, par une population nombreuse, et renfermant trois villes importantes, Lindos, Ialysos et Camiros[214], l’île était, au Ve siècle de Rome, la première puissance maritime après Carthage. La ville de Rhodes, bâtie pendant la guerre du Péloponnèse (346), avait, comme la cité punique, deux ports, l’un pour les bâtiments marchands, l’autre pour les vaisseaux de guerre. Le droit de mouillage rapportait un million de drachmes par an[215]. Les Rhodiens avaient fondé des colonies sur divers points du littoral méditerranéen[216], et entretenaient des relations d’amitié avec un grand nombre de villes dont ils reçurent plus d’une fois des secours et des présents[217]. Ils possédaient, sur le continent asiatique voisin, des villes tributaires, telles que Caunos et Stratonicée, qui leur payaient 120 talents (700.000 francs). La navigation du Bosphore, dont ils s’efforçaient de maintenir le passage libre, ne tarda pas à leur appartenir presque exclusivement[218]. Tout le commerce maritime depuis le Nil jusqu’au Palus-Méotide se trouvait ainsi dans leurs mains. Chargés d’esclaves, de bétail, de miel, de cire et de viandes salées[219], leurs navires allaient chercher sur lé littoral du Bosphore Cimmérien (mer d’Azof) des blés alors très renommés[220], et portaient sur la côte septentrionale de l’Asie Mineure les vins et les huiles. Au moyen de ses flottes, et quoique n’ayant qu’une armée de terre composée d’étrangers[221], Rhodes fit plusieurs fois la guerre avec succès. Elle lutta contre Athènes, notamment de 397 à 399 ; elle résista victorieusement, en 450, à Demetrius Poliorcète, et dut son salut au respect de ce prince pour un magnifique tableau d’Ialysos, œuvre de Protogène[222]. Pendant les campagnes des Romains en Macédoine et en Asie, elle leur fournit des flottes considérables[223]. Sa force maritime se maintint jusqu’à la guerre civile qui suivit la mort de César ; mais à cette époque elle fut anéantie.

La célébrité de Rhodes n’était pas moins grande dans les arts et les lettres que dans le commerce. Après le règne d’Alexandre, elle devint le siège d’une école fameuse de sculpture et de peinture, d’où sortirent Protogène et les auteurs du Laocoon et du Taureau Farnèse. On voyait dans la ville trois mille statues[224] et cent six colosses, entre autres la fameuse statue du Soleil, l’une des sept merveilles du monde, haute de 105 pieds, et qui avait coûté 3.000 talents (17.400.000 francs)[225]. L’école de rhétorique de Rhodes était fréquentée par des élèves accourus de toutes les parties de la Grèce, et César, comme Cicéron, alla s’y perfectionner dans l’art oratoire.

Les autres îles de la mer Égée avaient presque toutes perdu leur importance politique, et leur vie commerciale était absorbée par les États nouveaux de l’Asie Mineure, par la Macédoine et par Rhodes. Il n’en était pas de même de l’archipel de la mer Ionienne, dont la prospérité continua jusqu’au moment où il tomba au pouvoir des Romains. Corcyre, qui reçut dans son port les flottes romaines, devait à sa fertilité et à sa position favorable un commerce étendu. Depuis le IVe siècle, rivale de Corinthe, elle s’était corrompue comme Byzance et Zacynthe (Zante), qu’Agatharchide, vers 640, nous représente amollies par l’excès du luxe[226].

XXI. — Sardaigne.

L’état florissant de la Sardaigne venait surtout des colonies que Carthage y avait fondées. La population de cette île se rendit redoutable aux Romains par son esprit d’indépendance[227]. De 541[228] à 580, 130.000 hommes furent tués, pris ou vendus[229]. Le nombre de ces derniers fut si considérable, que l’expression Sardes à vendre (Sardi venales) devint proverbiale[230]. La Sardaigne, qui ne compte aujourd’hui que 544.000 habitants, en possédait alors au moins un million. La quantité des céréales, le nombre des troupeaux, faisaient de cette île le second grenier de Carthage[231]. L’avidité des Romains l’épuisa promptement. Cependant, en 552, les récoltes y étaient encore si abondantes, qu’on vit les marchands forcés de laisser aux matelots le blé pour le prix du fret[232]. L’exploitation des mines, le commerce de la laine, d’une qualité supérieure[233], occupaient des milliers de bras.

XXII. — Corse.

La Corse était beaucoup moins peuplée. Diodore de Sicile ne lui donne guère plus de 30.000 habitants[234], et Strabon nous les représente comme sauvages et vivant dans les montagnes[235]. D’après Pline, elle aurait eu trente villes[236]. La résine, la cire, le miel[237], exportés par quelques comptoirs que les Étrusques et les Phocéens avaient fondés sur les côtes, étaient presque les seules productions de l’île.

XXIII. — Sicile.

La Sicile, appelée par les anciens le séjour favori de Cérès, devait son nom aux Sicanes ou Sicules, race qui avait jadis peuplé une partie de l’Italie ; des colonies phéniciennes, et ensuite des colonies grecques, s’y étaient établies. En 371, les Grecs occupaient la partie orientale, environ les deux tiers de l’île ; les Carthaginois, la partie occidentale. La Sicile, à cause de sa prodigieuse fertilité, était, on le comprend, un objet de convoitise pour les deux peuples ; bientôt elle le fut pour Rome elle-même, et, après la conquête, elle devint le grenier de l’Italie[238]. Les discours de Cicéron contre Verrès montrent les quantités prodigieuses de blé qu’elle expédiait, et à quel chiffre élevé montaient les dîmes ou taxes qui procuraient aux publicains des profits immenses[239].

Les villes qui, sous la domination romaine, diminuèrent d’importance, en avaient une considérable au temps dont nous parlons. La première d’entre elles, Syracuse, capitale du royaume de Hiéron, comptait 600.000 âmes ; elle était composée de six quartiers compris dans une circonférence de 180 stades (36 kilomètres) ; elle fournit, lorsqu’elle fut conquise, un butin égal à celui de Carthage[240]. D’autres cités rivalisaient avec Syracuse en étendue et en puissance. Agrigente, au temps de la première guerre punique, contenait 50.000 soldats[241] ; c’était une des principales places d’armes de la Sicile[242]. Panormus (Palerme), Drepanum (Trapani) et Lilybée (Marsala), possédaient des arsenaux, des chantiers de construction et de vastes ports. La rade de Messine pouvait contenir 600 vaisseaux[243]. La Sicile est encore le pays le plus riche en monuments antiques ; on y admire les ruines de vingt et un temples et de onze théâtres, entre autres celui de Taormina, qui contenait quarante mille spectateurs[244].

Cette description succincte du littoral de la Méditerranée, deus ou trois cents ans avant notre ère, fait assez ressortir l’état de prospérité des différents peuples qui l’habitaient. Le souvenir d’une telle grandeur inspire un veau bien naturel, c’est que désormais la jalousie des grandes puissances n’empêche plus l’Orient de secouer la poussière de vingt siècles et de renaître à la vie et à la civilisation !

 

 

 



[1] Le port militaire en contenait à lui seul deux cent vingt. (Appien, Guerres puniques, XCVI, 437, éd. Schweighæuser.)

[2] Appien, Guerres puniques, XCV, 436.

[3] Strabon, XVII, III, 107.

[4] Appien, Guerres puniques, CXXX, 492.

[5] 5.820.000 francs. (Appien, Guerres puniques, CXXVII, 486.) D’après les travaux de MM. Letronne, Bœckh, Mommsen, etc., nous avons admis pour les sommes indiquées dans le cours de cet ouvrage les rapports suivants :

L’as de cuivre = 1/16 deniers = 6 centimes.

Un sesterce = 0,976 grammes = 19 centimes.

Le denier = 3,898 grammes = 76 centimes.

Le grand sesterce = 100.000 sesterces = 19.000 fr.

Le talent attique ou euboïque, de 26k,196gr. = 6.821 fr. 00 c.

La mine 486 gr. = 97 fr.

La drachme 4 gr., 87 = 0,97 fr.

L’obole 0gr.,73 = 0,16 fr.

Le talent éginétique équivaut à 8,600 drachmes attiques (87k,2) = 8.270 francs. — Le talent babylonien d’argent est de 38k,42 = 1.426 francs. (Voir, pour les détails, Mommsen, Römisches Münzwesen, p. 24-26, 66. — Hultsch, Griechische und römische Métrologie, p. 136-137.)

[6] Près de 100.000 francs. (Athénée, XII, LVIII, 609, éd. Schweighæuser.

[7] Strabon, XVII, III, 107.

[8] Scylax de Caryanda, Périple, p. 51 et suiv. éd. Hudson.

[9] Voyez l’ouvrage de Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, part. I, t. II, sect. V et VI, p. 183 et suiv. 188 et suiv. 3e éd.

[10] Athénée nous apprend que Polémon avait composé tout un traité sur les manteaux des divinités de Carthage. (XII, LVIII, 509.)

[11] Hérodote, VII, CLXV. — Polybe, I, LXVII. — Tite-Live, XXVIII, XII.

[12] En faisant, d’après Tite-Live, le relevé de ses troupes au temps de la seconde guerre punique, on trouve un effectif de 291.000 fantassins et 9.500 cavaliers. (Tite-Live, liv. XXI à XXIX)

[13] Carthage, en certaines circonstances, put façonner par jour cent quarante boucliers, trois cent épées, cinq cents lances et mille traits pour les catapultes. (Strabon, XVII, III, 707.)

[14] Strabon, XVII, III, 701.

[15] En 513, 3.200 talents euboïques (18.827.200 fr.) ; en 518, 1.200 talents (8.985.200 fr.) ; en 552, 10.000 talents (58.210.000 fr.). Scipion, le premier Africain, rapporta, en outre, de cette ville 123.000 livres d’argent. (Polybe, I, LXII, LXIII, LXXXVIII ; XV, XVIII. — Tite-Live, XXX, XXXVII, XLV.)

[16] Aristote, Politique, VII, III, § 5. — Polybe, I, LXXII.

[17] Diodore de Sicile, XX, XVII.

[18] Pline, Histoire naturelle, V, III, 24.

[19] Scylax de Caryanda, Périple, p. 49, éd. Hudson.

[20] Polybe, XII, III.

[21] Tite-Live, XXXIV, LXII.

[22] 58.200 francs. (Tite-Live, XXII, XXXI.)

[23] Salluste, Jugurtha, XIX.

[24] Pline, en citant ce fait, le révoque en doute. (Histoire naturelle, V, I, 8.) — Voy. le Périple d’Hannon, dans la collection des Petits géographes grecs.

[25] Strabon, III, V, 140.

[26] Strabon, III, II, 117.

[27] Pline, Histoire naturelle, II, III, 30. — Strabon, III, II, 120.

[28] Strabon, III, II, 117. — Pline, III, I, 8 ; XXXIII, VII, 40.

[29] A peu près 25.000 francs. (Strabon, III, II, 122.)

[30] 767.695 livres d’argent et 10.918 livres d’or, sans compter ce que fournirent certaines impositions partielles, parfois fort- élevées, comme celles de Marcolica, 1 million de sesterces (280.000 fr.), et de Certima, 2,400.000 sesterces (550.000 fr.). (Voy. les livres XXVIII à XLVI de Tite-Live.) Telles étaient les ressources de l’Espagne, même dans les moindres localités, qu’en 602 C. Marcellus imposait à une petite ville des Celtibères (Ocilis) une contribution de trente talents d’argent (environ 174.600 fr.), et cette contribution était regardée par les cités voisines comme des plus modérées. (Appien, Guerres d’Espagne, XLVIII, 158, édit. Schweighæuser.) Posidonius, cité par Strabon (III, IV, 185), rapporte que M. Marcellus tira des Celtibères un tribut de six cents talents (environ 3.492.600 fr.).

[31] Peuple de la fable dont parle Homère. (Athénée, I, XXVIII, 60, édit. Schweighæuser.)

[32] Diodore de Sicile, V, XXXIV, XXXV.

[33] Pline, Histoire naturelle, XIX, I, 10.

[34] A l’époque d’Annibal, cette ville était une des plus riches de la Péninsule. (Appien, Guerres d’Espagne, XII, 113.)

[35] Strabon, III, IV, 180.

[36] Polybe, XXXIV, Fragm. 8.

[37] Le médimne d’orge (52 litres) se vendait 1 drachme (0 fr. 97 cent.) ; le médimne de froment, 9 oboles (environ 1 fr. 45 cent.). (Les 52 litres valent en moyenne, en France, 10 fr.) Un métrétès de vin (39 litres) valait 1 drachme (0 fr. 97 cent.) ; un lièvre, 1 obole (0 fr. 16 cent.) ; une chèvre, 1 obole. (0 fr. 16 cent.) ; un agneau, de 8 à 4 oboles (0 fr. 50 cent. à 0 fr. 60 cent.) ; un porc de 100 livres, 5 drachmes (4 fr. 85 cent.) ; une brebis, 2 drachmes (1 fr. 95 cent.) ; un bœuf d’attelage, 10 drachmes (9 fr. 70 cent.) ; un veau, 5 drachmes (4 fr. 85 cent.) ; un Salent (26 kilogr.) de figues, 8 oboles (0 fr. 45 cent.)

[38] Strabon, III, II, 116.

[39] Appien, Guerres d’Espagne, I, 102. — Pompée, dace les trophées qu’il s’était fait élever sur la côte de la Catalogne, affirmait avoir soumis huit cent soixante et dix-sept oppida. (Pline, Histoire naturelle, III, III, 18.) Pline en comptait deux cent quatre-vingt-treize dans l’Espagne citérieure, et cent soixante et dix-neuf dans la Bétique. (Histoire naturelle, III, III, 18.) — On peut d’ailleurs apprécier le nombre des habitants par le calcul des troupes levées pour résister aux Scipions. En additionnant les chiffres fournis par les auteurs, on arrive au total effrayant de 317.700 hommes tués ou faits prisonniers. (Tite-Live, XXX et suiv.) En 548, on voit deux nations de l’Espagne, les Hergètes et les Ausétans, réunies à quelques petites peuplades, mettre sur pied 30.000 fantassins et 4.000 chevaux. (Tite-Live, XXIX, I.) On en remarque quinze à vingt autres dont les forces sont égales ou supérieures. Après la bataille de Zama, l’Espagne fournit à Asdrubal 50.000 hommes de pied et 4,500 chevaux. (Tite-Live, XXVIII, XII, XIII.) Caton n’a pas plutôt paru avec sa flotte en face d’Emporiæ qu’une armée de 40.000 Espagnols, qui ne pouvaient s’être rassemblés que dans le pays environnant, est déjà prête à le repousser. (Appien, Guerres d’Espagne, XL, 147.) Dans la Lusitanie même, pays beaucoup moins peuplé, on voit Servius Galba et Lucullus tuer aux Lusitaniens 12,500 hommes. (Appien, Guerres d’Espagne, LVIII et LIX, 170 et suiv.) Quoique dévasté et en partie dépeuplé par ces deux généraux, le pays, an bout de quelques années, fournit encore à Viriathe des forces considérables.

[40] Tite-Live, XXII, XX.

[41] Strabon, IV, I, 153 ; II, 157 ; III, 160.

[42] Voyez ce que dit M. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, II, 134 et suiv. 3e édit.

[43] Pline, XXI, XXXI.

[44] Diodore de Sicile, V, XXVI. — Athénée, IV, XXXVI, 94.

[45] Démosthène, XXXIIe Discours contre Zénothémis, 980, édit. Bekker.

[46] Strabon, IV, VI, 169.

[47] Diodore de Sicile, V, XXXIX.

[48] Voy. Tite-Live, XXIII à XLII.

[49] Voy. Strabon, V, I, 179, 180.

[50] Strabon, V, I, 181.

[51] L’or était aussi, originairement, très abondant dans la Gaule ; mais les mines d’où il était extrait, les rivières qui le charriaient, durent s’épuiser promptement, car le titre des monnaies d’or gauloises s’abaisse d’autant plus que l’époque de leur fabrication se rapproche davantage de la conquête romaine.

[52] Strabon, V, I, 177. — Tite-Live, X, II.

[53] Pline, Histoire naturelle, III, XVI, 119. — Martial, Epigr. IV, XXV. — Itinéraire d’Antonin, 126.

[54] Pline, Histoire naturelle, XXXVII, III, § 43.

[55] Petits bâtiments, fins voiliers et bons marcheurs, excellents pour la piraterie, aussi appelés liburnæ, du nom du peuple qui les employait.

[56] Polybe, II, V.

[57] Tite-Live, XLI, II, IV, XI.

[58] Polybe, II, VIII.

[59] Tite-Live, XXXIX, V.

[60] Pline, XXXV, LX.

[61] Polybe, XXII, XIII.

[62] Polybe, XXX, XV, 5. — Tite-Live, XLV, XXXIV.

[63] Plutarque, Flamininus, II.

[64] Polybe, V, IX.

[65] Aristide, Panathen. p. 149.

[66] Pausanias, Attique, XXVIII.

[67] Plutarque, Sylla, XX.

[68] Pausanias, Laconie, XI. — Il faut encore citer le fameux temple de bronze de Minerve, les deux gymnases et le Plataniste, grande place où avaient lieu les concours d’adolescents. (Pausanias, Laconie, XIV.)

[69] Étienne de Byzance, au mot Λακεδαίμων, p. 418.

[70] Pausanias, Laconie, XXI.

[71] Tite-Live, XXXIV, XXIX.

[72] Pausanias, Arcadie, XLV.

[73] Pausanias, Arcadie, XII. Trente-six colonnes sur trente-huit sont encore debout.

[74] Pline, Histoire naturelle, XIX, I, 4.

[75] Pausanias, Élide, II, XXIII et XXIV.

[76] Pausanias, Élide, I, II.

[77] Strabon, VIII, VI, 319, 320.

[78] Pausanias, Corinthie, XXVIII, I.

[79] Pausanias, Corinthie, XXVII.

[80] Les marchandises n’étaient pas forcées de faire le détour par Corinthe ; une route directe traversait l’isthme à sa partie la plus étroite, et l’on y avait même établi un système de rouleaux sur lesquels on transportait d’une mer à l’autre les vaisseaux d’un faible tonnage. Dans ce cas, Corinthe percevait un droit de transit. (Strabon, VIII, II, 287, 288. — Polybe, IV, XIX.)

[81] Pausanias, Attique, II.

[82] Cicéron, De la République, II, IV, 7, 8. — Strabon, VIII, VI, 325.

[83] Strabon, VIII, VI, 327. — Pline, Histoire naturelle, XXXV, X, § 38.

[84] Arrien, Expéditions d’Alexandre, I, 18. — Velleius Paterculus, I, XI. — Plutarque, Alexandre, XVI.

[85] Athénée, VI, 272.

[86] Tite-Live, XXXII, XVI.

[87] Tite-Live, XLV, XVIII.

[88] Tite-Live, XLII, XII.

[89] C’étaient, en argent, 100 talents (582.000 francs), et en blé, 100.000 artabes (52.500 hectolitres) ; enfin des quantités considérables de bois de construction, de goudron, de plomb et de fer. (Polybe, V, LXXXIX.)

[90] Environ 1.164.000 francs. Persée lui avait promis le double. (Tite-Live, XLII, LXVII.)

[91] Tite-Live, XLIV, XLII.

[92] Tite-Live, XLIV, XLI.

[93] Tite-Live, XLV, XXXII.

[94] Tite-Live, XLV, XXXIII.

[95] Il dura trois jours ; le premier suffit à peine à faire défiler les 250 chariots chargés des statues et des tableaux ; le second jour, ce fut le tour des armes, placées sur des chars que suivaient 3.000 guerriers portant 750 urnes remplies d’argent monnayé : chacune, soutenue par quatre hommes, contenait trois talents (en tout, plus de 13 millions de francs). Après eux venaient ceux qui portaient les coupes d’argent ciselées et sculptées. Le troisième jour, on vit paraître, dans la pompe triomphale, les porteurs d’or monnayé, avec 17 urnes, dont chacune contenait trois talents (en tout, environ 17 millions) ; paraissait ensuite une coupe sacrée, du poids de dix talents, et enrichie de pierres précieuses, faite par les ordres du général romain. Tout cela précédait les prisonniers, Persée et les siens ; enfin le char du triomphateur. (Plutarque, Paul-Émile, XXXII, XXXIII.)

[96] Tite-Live, XLV, XL.

[97] Polybe, IV, XXXVIII, XLIV, XLV.

[98] Aristote, Politique, VI, IV, § 1. — Élien, Histoires Variées, III, XIV.

[99] Strabon, VII, V, 258 ; XII, III, 487.

[100] Cicéron, Discours en faveur de la loi Manilia, VI.

[101] Plutarque, Sylla, XXV.

[102] Surtout ces poissons appelés pélamydes, recherchés dans toute la Grèce. (Strabon, VII, VI, 266 ; XII, III, 487, 470.)

[103] Strabon, XII, III, 470.

[104] Strabon, XII, III, 468. La Gadilonitide s’étendait au sud-ouest d’Amisus (Samsoun).

[105] Polybe, V, XLIV, LV. — Ézéchiel, XXVII, 13, 14.

[106] Xénophon, Retraite des dix mille, V, V, 34. — Homère, Iliade, II, 857.

[107] Strabon, XII, III, 470.

[108] On y vit passer une statue d’or du roi de Pont, de six pieds de hauteur, avec son bouclier garni de pierres précieuses, vingt étagères couvertes de vases d’argent, trente-deux autres pleines de vaisselle d’or, d’armes du même métal et d’or monnayé : ces étagères étaient portées par des hommes suivis de huit mulets chargés de lits d’or, et après lesquels en venaient cinquante-six autres portant l’argent en lingots, et cent sept chargés de tout l’argent monnayé, montant à 2.700.000 drachmes (2.619.000 francs). (Plutarque, Lucullus, XXXVII.)

[109] Plutarque, Lucullus, XXIII.

[110] Strabon, XII, III, 469, 410.

[111] Appien, Guerres contre Mithridate, LXXVIII.

[112] Plutarque, Lucullus, XIV.

[113] Voyez ce qui est rapporté par Plutarque (Lucullus, XXIX) des richesses et des objets d’art de toute espèce dont regorgeait Tigranocerte.

[114] Appien, Guerres de Mithridate, XIII, 658 ; XV, 662 ; XVII, 664.

[115] Appien, Guerres de Mithridate, XVII, 664. La Petite Arménie fournissait 1.000 cavaliers. Mithridate avait cent trente chars armés de faux.

[116] Strabon, XII, IV, 482. — Étienne de Byzance, au mot Νικομήδειον. — Pline, Histoire naturelle, V, XXXII, 149.

[117] Strabon, XII, III, 465.

[118] Appien, Guerres de Mithridate, XVII.

[119] Strabon, XII, V, 484.

[120] Strabon (XII, V, 486) nous dit que Pessinonte était le plus grand marché de la province.

[121] Tite-Live, XXXVIII, XXIII.

[122] Tite-Live, XXXVIII, XXVI.

[123] Diodore de Sicile, XVIII, XVI.

[124] Strabon, XII, III, 462.

[125] Environ 3.500.000 francs. (Tite-Live, XXXVIII, XXXVII.) — Voy. Appien, Guerres de Syrie, XLII, 602. — Demetrius se fit donner peu après mille talents (5.821.000 francs) par Olopherne pour l’avoir établi sur le trône de Cappadoce. (Appien, Guerres de Syrie, XLVII, 607.)

[126] Strabon, XII, II, 461-482.

[127] Falkener, Ephesus : London, 1862.

[128] Histoire naturelle, V, XXX, 126.

[129] C’est de là qu’on voit partir les flottes des rois de Pergame. (Tite-Live, XXXVIII, XL, 13 ; XLIV, XXVIII.)

[130] Le nom de Pergame, dans nos langues modernes, s’est conservé dans le mot parchemin (pergamena), par lequel on désigna la peau qui se prépara dans celte ville, en guise de papier, après que les Ptolémées eurent prohibé la sortie du papyrus égyptien.

[131] Attale Ier, roi de Pergame, donnait aux Sicyoniens 10.000 médimnes de blé (Tite-Live, XXXII, XL) ; Eumène II en prêtait 80.000 aux Rhodiens. (Polybe, XXXI, XVII, 2.)

[132] Strabon, XII, VIII, 492.

[133] Athénée, XV, XXXVIII, 513, édit. Schweighæuser.

[134] La mer de Marmara a tiré son nom de ces carrières de marbre.

[135] Κυζικηνοί στατήρες, de là sequina.

[136] Strabon, XII, VIII, 492, 493.

[137] Strabon, XV, III, 626.

[138] Tite-Live, XXXII, XVI ; XXXVI, XLIII.

[139] Tite-Live, XXXVII, VIII.

[140] Le petit roi Moagète, qui régnait à Cibyre, en Phrygie, donna cent talents et 10.000 médimnes de céréales (Polybe, XXII, XVII. — Tite-Live, XXXVIII, XIV et XV) ; Termissus, cinquante talents ; Aspendus, Sagalassus et toutes les cités de la Pamphylie en payèrent autant (Polybe, XXII, XVIII et XIX), et les villes de cette partie de l’Asie contribuèrent, à la première sommation du général romain, pour environ 600 talents (soit 3.500.000 francs) ; elles livrèrent aussi près de 60.000 médimnes de céréales.

[141] Tite-Live, XXXIX, VI.

[142] Manlius, quoiqu’il eût été dépouillé, à son retour, d’une partie de son immense butin par les montagnarde de la Thrace, fit encore porter à son triomphe des couronnes d’or de 212 livres, 220.000 livres d’argent, 2.103 livres d’or, plus 127.000 tétradrachmes attiques, 250.000 cistophores et 16.320 monnaies d’or de Philippe. (Tite-Live, XXXIX, VII.)

[143] Appien, Guerres de Mithridate, LXIII.

[144] Arrien, Campagnes d’Alexandre, I, XXIII. — Diodore, XVII, XXIII.

[145] Strabon, XIV, II, 565.

[146] Strabon, XIV, I, 542.

[147] Pline, Histoire naturelle, V, XXIX, XXX.

[148] Strabon, XIV, III, 568.

[149] Tite-Live, XXXVIII, XXXIX.

[150] Scylax, Périple, 39, éd. Hudson. — Dion Cassius, XLVII, XXXIV.

[151] Hérodote, I, CLXXVI.

[152] Pline, Histoire naturelle, V, XXVII, 101.

[153] Strabon, XIV, V, 571.

[154] Strabon, XIV, V, 570.

[155] Tarse avait encore des arsenaux maritimes au temps de Strabon (XIV, V, 574).

[156] Arrien, Anabase, II, V.

[157] Polybe, XXII, VII.

[158] Séleucus fonda seize villes du nom d’Antioche, cinq du nom de Laodicée, neuf du nom de Séleucie, trois du nom d’Apamée, une du nom de Stratonicée, et un grand nombre d’autres qui reçurent également des noms grecs. (Appien, Guerres de Syrie, LVII, 622.) — Pline (Histoire naturelle, VI, XXVI, 117) nous apprend que ce furent les Séleucides qui réunirent dans des villes les habitants de la Babylonie, qui n’habitaient auparavant que des bourgades (vici) et n’avaient d’autres cités que Ninive et Babylone.

[159] Pline (Histoire naturelle, VI, XXVI, 119) cite une de ces villes qui avait eu 10 stades de tour et n’était plus de son temps qu’une forteresse.

[160] Strabon, XVI, II, 638. — Pausanias, VI, II, § 7.

[161] Jean Malalas, Chronique, VIII, 200 et 202, éd. Dindorf.

[162] Strabon, XVI, II, 638.

[163] Strabon, XVI, II, 639.

[164] Strabon, XVI, II, 640.

[165] Il s’élevait sur une terrasse de 1.000 pieds de longueur sur 300 pieds de largeur, bâti avec des pierres de 70 pieds de long.

[166] L’empire de Séleucus comprit soixante et douze satrapies. (Appien, Guerres de Syrie, LXII, 630.)

[167] Polybe, X, XXVII : Ecbatane paya à Antiochus III un tribut de 4.000 talents (talents attiques = 23.284.000 francs), produit de la fonte des tuiles d’argent qui recouvraient un de ses temples. Déjà Alexandre le Grand avait fait enlever celles de la toiture du palais des rois.

[168] Le pays de Gerrha, chez les Arabes, payait 600 talents à Antiochus (talents attiques = 2.910.600 francs). (Polybe, XIII, IX.) — Il y avait jadis beaucoup d’or en Arabie. (Job, XXVIII, 1, 2. — Diodore de Sicile, II, L.)

[169] Strabon, XVI, IV, 662.

[170] Strabon, XI, II, 426 et suiv.

[171] Pline, Histoire naturelle, VI, XI, 131.

[172] Polybe, V, LIV. Si, comme il est probable, il s’agit ici de talents babyloniens, cela ferait 1.426.000 francs environ. Séleucie, sur le Tigre, était fort peuplée. Pline (Histoire naturelle, VI, XXVI, 122) évalue le chiffre de ses habitants à 600.000. Strabon (XVI, II, 638) nous dit que Séleucie surpassait même en grandeur Antioche. Cette ville, qui avait succédé à Babylone, parait avoir hérité d’une partie de sa population.

[173] En 565, Antiochus III donne 15.000 talents (talents attiques 87.315.000 francs). (Polybe, XXI, XIV. — Tite-Live, XXXVIII, XXXVII.) Dans le traité de l’année suivante, les Romains stipulèrent un tribut de 12.000 talents de l’or attique le plus pur, payables en douze ans, chaque talent de 80 livres romaines (69.852.000 francs). (Polybe, XXII, XXVI, 19.) En outre, Eumène devait recevoir 359 talents (2.089.139 francs), payables en cinq ans. (Polybe, XXII, XXVI, 120. — Tite-Live (XXXVIII, XXXVIII) dit seulement 350 talents.)

[174] Le père d’Antiochus, Séleucus Callinicus, envoyait aux Rhodiens 200.000 médimnes de blé (140.000 hectolitres). (Polybe, V, LXXXIX.) En 556, Antiochus donnait 540.000 mesures de blé aux Romains. (Polybe, XXII, XXVI, 119.)

[175] Suivant Strabon, XV, III, 623, le blé et l’orge y rendaient le centuple, et même deux fois autant, ce qui est peu probable.

[176] Strabon, XVI, II, 640.

[177] Athénée, XII, XXXV, 460, édit. Schweighæuser.

[178] Polybe, XXXI, III. — On voyait dans ces fêtes mille esclaves tenant des vases d’argent, dont le plus petit pesait 1.000 drachmes ; mille esclaves tenant des vases d’or et une profusion de la vaisselle la plus riche. Antiochus recevait chaque jour à sa table une foule de convives auxquels il laissait emporter sur des chariots d’innombrables provisions de toute sorte. (Athénée, V, XLVI, 311, édit. Schweighæuser.)

[179] Polybe, V, LXXIX.

[180] Tite-Live, XXXVII, XXXVII.

[181] Strabon, XVI, II, 646.

[182] Polybe, V, LXX.

[183] Tite-Live, XXXIII, XLI. — Polybe, V, LIX. — Strabon, XVI, II, 639, 640.

[184] Strabon, XVI, II, 640.

[185] Strabon, XIV, V, 571, 512.

[186] En 558, Antiochus mit en mer cent vaisseaux couverts et deux cents bâtiments légers. (Tite-Live, XXXIII, XIX.) C’est la plus grande flotte syrienne dont il soit fait mention dans ces guerres. Au combat de Myonnèse, la flotte commandée par Polyxénide se composait de quatre-vingt-dix navires pontés (574). (Appien, Guerres de Syrie, XXIII.) En 563, avant la lutte suprême contre les Romains, ce prince avait quarante vaisseaux pontés, soixante non pontés et deux cents bâtiments de transport. (Tite-Live, XXXV, XLIII.) Enfin, l’année suivante, un peu avant la bataille de Magnésie, Antiochus possédait, non compris la flotte phénicienne, cent vaisseaux de moyenne grandeur, dont soixante et dix pontés. (Tite-Live, XXXVI, XLIII ; XXXVII, VIII.) Cette marine fut détruite par les Romains.

[187] Hérodote, II, CLXXVII. — Diodore de Sicile, I, XXXI.

[188] Mesure assez grande pour en faire trente pains. (Franz, Corpus inscript. græcarum, III, 303. — Polybe, V, LXXIX.)

[189] Bœckh, Staatshaushaltung der Athener, I, XIV, 15.

[190] Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XII, IV.

[191] Athénée, V, p. 203.

[192] Appien, Préface, § 10. — On peut néanmoins juger par les données suivantes de l’énormité des sommes accumulées dans les trésors des rois de Perse. Cyrus avait gagné, par la conquête de l’Asie, 34.000 livres d’or monnayé et 500.000 d’argent. (Pline, XXXIII, XV.) Sous Darius, fils d’Hystaspès, 7,600 talents babyloniens d’argent (le talent babylonien = 1.426 francs) étaient versés annuellement au fisc royal, plus 140 talents, affectés à l’entretien de la cavalerie sicilienne, et 360 talents d’or (4.680 talents d’argent) payés par les Indes. (Hérodote, III, XCIV.) Ce roi avait donc un revenu annuel de 14,560 talents (108 millions de francs). Darius emmenait avec lui en campagne deus cents chameaux chargés d’or et d’objets précieux. (Démosthène, Sur les symmories, p. 185 ; XV, p. 622, éd. Müller.) Aussi, d’après Strabon, Alexandre le Grand trouva-t-il dans les quatre grands trésors de ce roi (à Suse, Persis, Pasargades et Persépolis) 180.000 talents (environ 1.337 millions de francs).

[193] Polybe, V, LXXXIX.

[194] Strabon, XVII, I, 678.

[195] Strabon, XVII, I, 672, 673.

[196] Strabon, XVI, IV, 664 ; XVII, I, 692.

[197] Strabon, XVII, I, 683.

[198] Diodore de Sicile, III, XLIII.

[199] Appien, Préface, § 10. — En 537, à Raphia, l’armée égyptienne s’élevait à 70.000 fantassins, 5.000 cavaliers, 73 éléphants. (Polybe, V, LXXIX ; voyez aussi V, LXV.) Polybe, qui nous donne ces détails, ajoute que la solde des officiers était d’une mine (97 francs) par jour. (XIII, II.)

[200] Théocrite, Idylle XVII, vers 90-102. — Athénée (V, XXXVI, 284) et Appien (Préface, § 10) donnent le détail de cette flotte. — Ptolémée IV Philopator fit construire jusqu’à un navire de quarante rangs de rameurs, qui avait 280 coudées de long et 80 de large. (Athénée, V, XXXVII, 285.)

[201] Hérodote, IV, CXCIX. Le plateau de Barca, aujourd’hui désert, était alors cultivé et bien arrosé.

[202] L’objet le plus important du commerce de la Cyrénaïque était le silphium, plante dont la racine se vendait au poids de l’argent. On en extrayait une espèce de gomme laiteuse qui servait de panacée aux pharmaciens et d’assaisonnement à la cuisine. Lorsque, en 658, la Cyrénaïque fut incorporée à la République romaine, la province payait son tribut annuel en silphium. Trente livres de ce suc, apportées à Rome en 667, étaient regardées comme une merveille ; et, lorsque César, au commencement de la guerre civile, s’empara du trésor publie, il trouva dans la caisse de l’État 1,500 livres de silphium enfermées avec l’or et l’argent. (Pline, XIX, XL.)

[203] Diodore de Sicile, III, XLIX. — Hérodote, IV, CLXIX. — Athénée, XV, XXIX, 487 ; XXXVIII, 514. — Strabon, XVII, III, 712. — Pline, Histoire naturelle, XVI, XXXIII, 143 ; XIX, III, 38-45.

[204] Pindare, Pythiques, IV, II. — Athénée, III, LVIII, 392.

[205] Diodore de Sicile, XVII, XLIX.

[206] Aristote, Politique, VII, II, § 10.

[207] Josèphe, Antiquités judaïques, XIII, XII, 2, 3.

[208] Élien, Histoire des animaux, V, LVI. — Eustathe, Comment. sur Denys le Périégète, 508. 198, éd. Bernhardt.

[209] Strabon, XIV, VI, 583. — Pline, Histoire naturelle, XXXIV, II, IV, 94.

[210] Virgile, Énéide, I, 415. — Stace, Thébaïde, V, 61.

[211] Strabon, X, IV, 408 et suiv.

[212] Polybe, XIII, VIII.

[213] On trouve des mercenaires crétois au service de Flamininus en 557 (Tite-Live, XXXIII, III), à celui d’Antiochus en 564 (Tite-Live, XXXVII, XL), à celui de Persée en 583 (Tite-Live, XLII, LI), et au service de Rome en 631.

[214] Iliade, II, 656, 670.

[215] Polybe, XXX, VII, an de Rome 590.

[216] Strabon, XIV, II, 558, 559. La ville de Rhode en Espagne, les établissements dans les Baléares, Gela en Sicile, Sybaris et Palœopolia en Italie, étaient des colonies rhodiennes.

[217] C’est ce qui arriva notamment à l’époque où s’écroula le fameux colosse de Rhodes, et où la ville fut violemment éprouvée par un tremblement de terre. Hiéron, tyran de Syracuse, Ptolémée, roi d’Égypte, Antigone Doson, roi de Macédoine, et Séleucus, roi de Syrie, envoyèrent des secours aux Rhodiens. (Polybe, V, LXXXVIII, LXXXIX.)

[218] Nous voyons en effet avec quel soin les Rhodiens se ménageaient des alliés du côté du Pont-Euxin. (Polybe, XXVII, VI.)

[219] Polybe, IV, XXXVIII.

[220] Strabon, VII, IV, 259.

[221] Tite-Live, XXXIII, XVIII.

[222] Pendant le siége de Rhodes, Demetrius avait formé le projet de livrer aux flammes des édifices publics dont l’un renfermait le fameux tableau d’Ialysos, peint par Protogène. Les Rhodiens envoyèrent une députation à Demetrius pour lui demander d’épargner un tel chef-d’œuvre. Après cette entrevue, Demetrius leva le siège, épargnant ainsi à la fois la ville et le tableau. (Aulu-Gelle, XV, XXXI.)

[223] En 555, vingt navires ; en 556, vingt bâtiments pontés ; en 563, vingt-cinq bâtiments pontés et trente-six vaisseaux. Cette dernière flotte de trente-six vaisseaux fut détruite, et cependant les Rhodiens purent remettre à la mer, la même année, vingt vaisseaux. En 584, ils avaient quarante vaisseaux. (Tite-Live, XXXI, XLVI ; XXXII, XVI ; XXXVI, XLV ; XXXVII, IX, XI, XII ; XLII, XLV.)

[224] Pline, XXXIV, XVII.

[225] Strabon, XIV, II, 557.

[226] Athénée, XII, XXXV, 461.

[227] Tite-Live, XXIII, XXXIV.

[228] Tite-Live, XXIII, XI.

[229] Tite-Live, XLI, XII, XVII, XXVIII. — Le chiffre de 80.000 hommes que les Sardes perdirent dans la campagne de T. Gracchus, en 578 et 579, était donné par l’inscription officielle que l’on voyait à Rome dans le temple de la déesse Matuta. (Tite-Live, XLI, XXVIII.)

[230] Festus, p. 322, éd. O. Müller. — Tite-Live, XLI, XXI.

[231] Voyez Heeren, t. IV, sect. I, ch. II. — Polybe, I, LXXIX. — Strabon, V, II, 187. — Diodore de Sicile, V, XV. — Tite-Live, XXIX, XXXVI.

[232] Tite-Live, XXX, XXXVIII.

[233] Strabon, V, II, 187.

[234] Diodore de Sicile, V, XIV. — Les Corses s’étant révoltés, en 573, eurent 2.000 tués. (Tite-Live, XL, XXXIV.) — En 581, ils perdirent 7.000 hommes et eurent plus de 1.100 prisonniers. (Tite-Live, XLII, VII.)

[235] Strabon, V, XI, 188-187.

[236] Pline, III, VI, 12.

[237] Diodore de Sicile, V, XIII. — En 578, les Corses furent imposés par les Romaine à 1.000.000 de livres de cire, et à 200.000 en 581. (Tite-Live, XL, XXXIV ; XLII, VII.)

[238] Cicéron, IIe action contre Verrès, II, II, LXXIV. — Les bœufs fournissaient des cuirs, employés surtout pour les tentes ; les moutons, une laine excellente pour les vêtements.

[239] Cicéron, IIe action contre Verrès, III, I, XX.

[240] Tite-Live, XXV, XXXI.

[241] Polybe, I, XVII et XVIII.

[242] Polybe, IX, XXVII. — Strabon, VI, II, 226.

[243] Voy. ce que disent Tite-Live (XXIX, XXVI) et Polybe (I, XLI, XLII, XLVI.) — Florus, II, II.

[244] Voy. l’ouvrage du duc de Serra di Falco, Antichita della Sicilia.