HISTOIRE DES SELDJOUKIDES

 

Extraite du TARIKHI GUZIDEH, ou HISTOIRE CHOISIE, d'HAMD ALLAH MUSTAUFI,

traduite et accompagnée de notes, par M. DEFREMERY.

 

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

Dans la disette presque absolue où nous sommes de documents originaux sur l’histoire des Seldjoukides, j’ai pensé que l’on accueillerait avec quelque intérêt la portion du Tarikhi Guzideh relative à cette puissante dynastie. Ce morceau, quoique beaucoup moins étendu que le chapitre correspondant du Rouzet esséfa, dont nous devons une édition à M. Vullers, renferme un assez grand nombre de détails négligés par Mirkhond. On y remarquera surtout quelques indications précieuses pour l’histoire des Ismaéliens ou Assassins, encore si incomplètement connue.

Ma traduction a été faite sur trois manuscrits appartenant à la Bibliothèque nationale (n°9 Brueix, n° 15 Gentil, et n° 25 supplément persan). J’y ai joint un assez grand nombre de notes, la plupart historiques et géographiques. Dans quelques-unes des premières, j’ai rectifié ou éclairci le récit de mon auteur, à l’aide de ceux d’Ibn Alathir d’Ibn Djouzi, d’Ibn Khaldoun et de Mirkhond.

 

SIXIÈME SECTION DU QUATRIÈME CHAPITRE, TOUCHANT L’HISTOIRE DES ROIS SELDJOUKIDES.

Ces princes forment trois branches:

La première a régné sur la totalité de l’Iran; mais quelques-uns des souverains qui la composent ont possédé seulement une partie de ce vaste empire. Ils sont au nombre de quatorze et leur domination a duré cent soixante et un ans, depuis l’année 429.

La seconde branche a régné dans le Kerman; elle se compose de onze princes. La durée de leur pouvoir s’est étendue depuis l’année 433 jusqu’a l’année 583; ce qui fait cent cinquante ans.

La dernière branche a gouverné le pays de Roum. Elle compte également onze souverains, qui ont régné depuis l’année 480 jusqu’à l’année 700; soit deux cent vingt ans.

Les souverains des diverses dynasties qui ont régné sous l'islamisme, étaient, pour la plupart, souillés de quelques vices. Ainsi, les Omeyyades étaient coupables de manichéisme[1] et d'attachement aux doctrines des Motazales[2] et des Kharidjis.[3] Quelques-uns des Abbassides faisaient aussi profession du dogme du libre arbitre. Les Saffarides et les Bouvaïhides étaient partisans des erreurs des Rafédites.[4] Quant aux Ghaznévides, aux Kharezmchahs, etc.,[5] on peut leur reprocher la bassesse de leur origine. Mais les Seldjoukides étaient innocents de tous ces défauts; de plus, ils étaient musulmans orthodoxes et dévots, bienfaisants et remplis de miséricorde pour leurs sujets. Grâce à cette conduite, aucun rebelle ne se révolta qui pût les réduire à la détresse, comme firent l’ingrat Thogril[6] sous la dynastie des Ghaznévides, et Sébuctéguin sous celle des Deïlémites.[7] En outre, quoique leurs serviteurs soient parvenus à des positions élevées, ils ne se sont pas révoltés contre leurs bienfaiteurs, et ils ont reconnu l'obligation où ils étaient de s'abstenir de l'ingratitude. Si quelquefois ils conçurent d'ambitieux désirs, du moins ils choisirent un membre de la famille des Seldjoukides, le firent asseoir sur le trône, et atteignirent, par ce moyen, le but qu'ils s'étaient proposé. Que Dieu maintienne toujours les grands dans l'obéissance qu'ils doivent aux princes ! Pour nous, nous allons maintenant exécuter notre dessein, en racontant l'histoire des Seldjoukides.

HISTOIRE DE LA PREMIÈRE BRANCHE DES SELDJOUKIDES.

Seldjouk était un Turc de la tribu des Kabaks et de la race d’Afraciab. Ses aventures sont ainsi rapportées dans la chronique d'Abou’lala: Son origine remonte à Afraciab par trente-quatre ancêtres. Il avait quatre fils: Israïl,[8] Micaïl, Moussa Bigou et Iounis. Ces hommes possédaient des richesses et des biens immenses. Dans l’année 376 (985-6), ils passèrent du Turkestan dans le Mavérannahr, à cause de l'insuffisance des pâturages du premier de ces deux pays, et fixèrent leur résidence auprès du Nour de Bokhara et du Soghd de Samarcande. Le sultan Mahmoud, de Ghiznin, vécut avec eux en bonne intelligence. Israïl alla le visiter. Mahmoud le reçut avec la plus grande humilité; au milieu de la conversation, il lui dit: « Si nous avions besoin d'un secours, de quel signe faudrait-il nous servir pour le demander, et en quel nombre arriverait-il? » Israïl tenait un arc dans sa main, et avait deux flèches passées à la ceinture de sa robe. Il les remit à Mahmoud et lui dit: « Lorsque tu enverras ces flèches à notre tribu, cent mille cavaliers viendront à ton secours.» « Mais s'il en fallait d’avantage? reprit le sultan. Israïl lui donna l’arc, en disant: « Lorsque tu enverras cet arc dans le Touran, il en arrivera autant de soldats que tu voudras. » Le sultan, ayant pris ombrage de la multitude des Turcs, usa de perfidie envers Israïl; il s'empara de sa personne, pendant qu'il était plongé dans l'ivresse, et l'emprisonna dans la forteresse de Calendjer.[9] Israïl resta en captivité durant sept ans, et mourut dans sa prison. Avant sa mort, il envoya un message à ses frères, et les excita à s'emparer du royaume. Les trois princes demandèrent au sultan la permission de passer au delà du Djeïhoun. Arslan Djazib[10] s'y opposa et dit: « Ces hommes sont innombrables. Il est à craindre qu'ils n'excitent quelque trouble.[11] »

Le sultan n'accueillit point ses représentations, et donna la permission demandée. Les Seldjoukides traversèrent le Djeïhoun, et établirent leur résidence aux environs de Niça et d'Abiverd. Micaïl avait deux fils, Djéghir Beg[12] et Thoghril Beg, qui devinrent les chefs de leur tribu. Les indices du bonheur et de la puissance brillaient sur leur front, et la lumière de la justice et de l'équité resplendissait sur leur visage. Les habitants du Khorasan se soumirent à eux, et ils leur portaient leurs procès à juger.[13]

Le sultan Massoud envoya une armée contre les deux frères; la victoire resta à ceux-ci, et l'armée de Ghazna retourna vaincue auprès du sultan. Ce prince voulut partir en personne pour tirer vengeance des Seldjoukides. Sur ces entrefaites, il eut de l'inquiétude du côté de l'Inde. On jugea plus nécessaire d'y remédier. En conséquence, il partit pour cette guerre, et envoya à Soubachi,[14] gouverneur du Khorasan, l'ordre d'éloigner les Seldjoukides de cette province. Soubachi envoya cette réponse: « Leur affaire est trop avancée pour que mes pareils puissent y mettre ordre.[15] » Massoud pensa qu'il exagérait les difficultés de l'entreprise. Il l'envoya à cette guerre, à force d'instances. Arriver et être tué fut une même chose pour lui.

Le sultan Thoghril Beg s'assit, à Nichabour, sur le trône de Massoud, dans l’année 429, et on lui donna le titre de roi. Il confia le gouvernement de Nichabour à son frère de mère,[16] Ibrahim, fils d’Inal (sic), qui commit en ce lieu de nombreux actes de tyrannie et d'oppression. Les habitants de Nichabour lui remirent un placet qui portait ces paroles: « O émir, renonce à l'injustice et suis le chemin de l'équité; car après ce monde, il y en aura un autre. Nichabour a vu et verra encore de nombreux gouverneurs comme toi. Les armes des habitants de Nichabour sont les prières du matin. Si notre sultan est éloigné, notre Dieu est proche. Il y a un être vivant qui ne meurt jamais, un être vigilant qui ne dort jamais, un être bien informé qui n'est jamais négligent, un roi qui ne sera jamais destitué. » Lorsqu'il eut lu ce papier, Ibrahim renonça à la tyrannie.

Dans l'année 432 (1040-1; lisez 431), le sultan Massoud combattit les Seldjoukides, aux environs de Merve, dans la plaine de Zendaïécan.[17] Il essuya une défaite et retourna à Ghiznin; renonçant à la possession du Khorasan, il se livra entièrement à la boisson. A la place des sons du tambour, il demanda les accords de la flûte et une coupe de vin. On a dit de lui:

Vers. —Tes ennemis étaient des fourmis; ils sont devenus des serpents. Extermine les fourmis devenues serpents; ne leur donne pas plus de répit, et ne perds pas de temps; car le serpent deviendra dragon, s'il en trouve le loisir.

Après la défaite de Massoud, les Seldjoukides s'emparèrent du royaume (du Khorasan). A cette époque, Salar-Bouzkani était leur vizir. Il les détermina à donner avis de cet événement au khalife, et à lui demander la concession de la dignité royale. Ensuite, ils partagèrent entre eux toute la contrée. L'aîné des deux frères, Djéghir, se réserva le Khorasan, et fit de Merve sa capitale. Hérat avec le royaume de l'Inde, fut donnée au vieux Moussa Bigbou.[18] On accorda Thabes et le Kerman à Caverd, fils de Djéghir Beg. Enfin, Thoghril Beg choisit pour sa part l'Irak Adjem et ce qu'il pourrait conquérir, et fit de Reï la capitale de ses états. Il logea, dans cette ville, dans le palais d'Ali Cameh le Deïlémite.[19] Il y trouva des cachettes d'où il enleva de grandes richesses, qu'il partagea entre ses troupes; puis il s'occupa de conquérir l'Irak, l'Azerbaïdjan, le Kurdistan et le Khouzistan.[20] Le khalife lui envoyait des ordres par lesquels il le mandait auprès de lui; mais il ne lui était pas possible d'entreprendre ce voyage. Enfin, au bout de dix-huit ans, lorsque les provinces citées plus haut lui furent soumises, il se mit en marche vers l'Irak Arab. Dans l’année 447 (1055), le khalife fit prononcer son nom, à Bagdad, dans la khotbah, et le fit graver sur la monnaie. De plus, il lui donna les surnoms de sultan Rocn Eddaulah Thoghril Beg Iemin émir al-Mouminin (le sultan colonne de l'empire, bras droit du prince des croyants). On prononça dans la khotbah le nom de Mélik Rehim, après celui de Thoghril.[21]

Dans le mois de ramadan de la même année, le prince seldjoukide parvint à Nehrévan et renversa les descendants de Bouveïh; puis il se mit en route, fit le pèlerinage de la Mekke,[22] et alla à Bagdad, où il rendit ses hommages au khalife.

Deux ans après, eut lieu la révolte de Béçaciri,[23] et le khalife fut fait prisonnier par ce rebelle. Le sultan délivra le khalife et vainquit Bécaciri, ainsi qu'il a été raconté. Après cela, Thoghril dit à son vizir Amid el-Mulc Abou Nasr-Kunduri: « Rends-toi à la résidence du khalife, et dis-lui: Comme, à cause des rebelles[24] (?) nous ne pouvons nous dispenser d'aller souvent à Bagdad, et que nous n'y avons pas même un morceau de pain, les cœurs des soldats et des citoyens souffrent de la peine; répète-lui donc ces paroles, afin qu'il assigne un morceau de pain (c'est-à-dire une solde) à mes troupes victorieuses. — Probablement, fît observer le vizir, le khalife adressera la même demande au sultan; néanmoins, j'exécuterai vos ordres. » Sur la route, il fut rencontré par le vizir du khalife. Il comprit que ce ministre se rendait auprès du sultan dans le dessein de lui faire cette demande. Il s'en retourna avec lui sans rien dire; puis il alla trouver le sultan, et lui dit: « Le vizir du khalife arrive, chargé d'un message de son maître. Si ce message a pour objet de te demander un morceau de pain (c'est-à-dire, une pension alimentaire), réponds-lui: « J'avais le dessein d'en assigner une au khalife; je dirai à un tel de la fixer. » Là-dessus, le vizir du khalife entra et s'acquitta de son message. Le sultan lui fit la réponse qui lui avait été suggérée par son ministre. Par le conseil d'Abou Nasr, le sultan mit Bagdad sous son autorité, assigna une pension alimentaire au khalife, et lui demanda sa fille en mariage. Le khalife refusa d'abord. Amid el-Mulc l'empêcha de toucher ses revenus; si bien que, se voyant réduit à la gêne, il donna son consentement à l'union demandée.[25]

Cependant Djéghir Beg mourut, dans le Khorasan, l'année 453 (1061). Thoghril Beg envoya son neveu Alp-Arslan, fils de Djéghir, pour le remplacer. Amid el-Mulc ayant conduit à Tabriz, auprès de Thoghril Beg, la fille du khalife Seïdeh Khatoun, on célébra le mariage de cette princesse avec le sultan. Ce dernier voulut que la consommation du mariage en eût lieu dans sa capitale, c'est-à-dire à Reï. Il se dirigea vers cet endroit. La température était chaude; il s'arrêta à Casran-Birouni[26] à cause de la bonté de l'air de cette localité. Il y fut pris d'une hémorragie que rien ne put arrêter. Le 8 de ramadan 455, il mourut de cette maladie.[27] La fille du khalife retourna à Bagdad, ayant encore sa virginité. Le règne de Thoghril fut de vingt-six ans, et sa vie en avait duré soixante et dix.

SULTAN ALP ARSLAN, FILS DE DJÉGHIR-BEG.

Conformément au testament du sultan, son neveu Soleïman, fils de Djéghir Beg, devait lui succéder; il s'assit sur le trône.[28] Le cousin germain de Thoghril Beg, Cotoulmich, fils d'Israïl, ne s'accommoda pas de cela. Il fit la guerre à Soleïman, avec le secours des Turcomans, et s’empara du royaume. Lorsque Alp Arslan fut informé de cette nouvelle, il se mit en marche pour combattre Cotoulmich. La bataille se livra à Dameghan.[29]

Cotoulmich tomba de cheval, sa tête heurta contre une pierre, et sa cervelle se répandit; il mourut de cette blessure. Le pouvoir fut affermi entre les mains d'Alp-Arslan. Le khalife Caïm Biemr-Illah lui donna les surnoms de sultan Adhed-Eddaulah Alp-Arslan Borhan émir el-Mouminin.

Alp-Arslan fit mettre à mort le vizir Amid el-Mulc Abou Nasr-Kunduri, et donna le vizirat à Nizam el-Mulc Abou Ali Hassan, fils d’Ishac. Au moment de sa mort, Amid el-Mulc fit jurer au bourreau de répéter, après son exécution, ses dernières paroles au sultan et au vizir. Il devait dire au premier: « Quel service béni de Dieu est le vôtre? Par lui j'ai conquis les deux mondes. Ton oncle m'a donné le vizirat en ce monde, et tu me donnes dans l'autre le rang de martyr. » Quant au vizir, l'exécuteur promettait de lui dire: « O la mauvaise coutume que tu viens d'établir ! Tu as appris aux sultans à tuer leurs ministres. Ce sera vraiment une merveille si vous n'éprouvez pas le même traitement que moi, toi et ta postérité. »

Hassan ibn Sabbah était hadjib (chambellan d'Alp-Arslan) et chiite, de la secte des sept imams ». Une haine religieuse s'éleva entre lui et Nizam el-Mulc, qui était sunnite. Un jour, le sultan demanda au vizir un relevé des revenus et des dépenses de l'empire. Nizam el-Mulc dit qu'il serait achevé au bout de deux ans. La longueur du temps demandé mécontenta le sultan. Hassan Sabbah le comprit et dit: « Si le sultan l'ordonne, j'achèverai ce compte en quarante jours. » Cette parole plut au prince; il chargea Hassan d'exécuter le travail en question. Hassan reprit: « Que le sultan commande donc que l'on mette à la disposition de son serviteur les registres et les scribes du divan. » Cet ordre fut donné. Quoique ce fût un échec complet pour Nizam el-Mulc, il n'y vit point de remède, et obéit. Hassan ibn Sabbah acheva, en quarante jours, un registre bien rédigé. Nizam el-Mulc redoutait à la fois le succès d'Hassan et sa propre destitution. Lorsque le livre de compte fut terminé, et le jour même où il devait être présenté au sultan, Nizam el-Mulc envoya son porte écritoire, avec un cachet d'or, auprès du porte écritoire d'Hassan. Cet homme, gagné par le présent de Nizam el-Mulc, lui apporta le registre de son maître. A cette époque, on transcrivait les comptes en employant les mots minha et min-zalica (parmi cela).[30]

Le sultan partit ensuite pour faire la conquête de l'Arménie, fit la paix arec le roi de cette contrée[31] et lui demanda sa fille pour femme.[32] Après un certain temps, il la répudia et ordonna à Nizam el-mulc de l'épouser. Nizam el-mulc eut plusieurs enfants de cette femme, entre autres, Khodjah Ahmed.

L'empereur grec Romain forma le projet de conquérir l'Iran. La plus grande partie de son armée fut détruite par l'excès de la chaleur. L'empereur s'en retourna, équipa de nouvelles troupes et marcha contre le sultan. Alp-Arslan alla à sa rencontre avec douze mille hommes. Les deux armées furent en présence à Mélazdjerd et le combat s'engagea. L'empereur hit fait prisonnier par un esclave grec nommé ….[33]

Ce qu'il y a de merveilleux, c'est que, au moment de la revue, l'inspecteur de l'armée musulmane ne voulut point enregistrer le nom de cet esclave, à cause de l'exiguïté de sa taille; mais le sultan lui dit: « Ecris le nom de cet homme[34] »; il est possible qu'il fasse prisonnier l'empereur lui-même. » Comme on le voit, cette espèce de prédiction se réalisa. L'empereur s'engagea à payer un tribut, et le sultan lui accorda la vie. Puis il retourna dans sa capitale, et envoya dans le Fars son frère Caverd, fils de Djéghir Beg. Caverd fit la guerre à Fadhlouïeh le Chebancareh,[35] et conquit la province de Fars.

Après un certain temps, il se révolta contre son frère. Alp-Arslan se mit en marche pour lui faire la guerre. Caverd alla à sa rencontre, afin de lui mander grâce de la vie, et le sultan la lui accorda.

Lorsque tout l'Iran fut soumis à Alp-Arslan, ce prince voulut conquérir le Mavérannahr, et partit pour faire la guerre au khan de cette contrée. Il traversa le Djeïhoun et prit le château de Berzem situé sur le bord de ce fleuve.[36] On amena devant lui Ioucef, gouverneur de la forteresse, qui avait été fait prisonnier. Le sultan lui adressa diverses questions, auxquelles Ioucef répondit avec une insolente rudesse. Alp-Arslan ordonna de lui faire souffrir le dernier supplice. Ioucef tira un couteau et se dirigea vers le sultan. Les djandars (gardes du corps[37]) voulurent l’arrêter. Comme le sultan avait une grande confiance dans son habileté à lancer les flèches, il empêcha les djandars d’exécuter leur dessein, et décocha trois flèches contre Ioucef.[38] Toutes trois manquèrent le but. Ioucef parvint enfin auprès du sultan et le blessa. Saad-Eddaulah-Ariz (l'inspecteur aux revues) se jeta sur Alp-Arslan, pour le couvrir de son corps; Ioucef le blessa également. Tous ceux qui étaient présents se dispersèrent, saisis d'épouvante. Ioucef se retirait, tenant dans sa main le couteau dont il avait frappé le sultan; mais Djami le ferrach (valet de chambre) le frappa à la tête d'un coup de marteau: il tomba et mourut de cette blessure. Cet événement arriva dans le mois de rebi (1er) 465 (novembre - décembre 1073). Depuis lors, il a passé en coutume de n'amener les coupables devant le prince, qu'après leur avoir lié les mains. Le sultan Alp-Arslan régna deux ans et demi dans le Khorasan, en remplacement de son père, et exerça pendant dix ans l'autorité souveraine dans l’Iran, comme successeur de son oncle. On rapporte qu'il dit, au moment de sa mort: « Pendant toute ma vie, je n'ai point placé ma confiance en moi, si ce n'est aujourd'hui, que je me suis laissé aller deux fois à m'enorgueillir: la première fois, lorsque, du sommet d'une hauteur, j'ai regardé mon armée, je l'ai trouvée nombreuse et magnifique, et je me suis dit à moi-même: « Désormais, personne ne pourra me résister; » la seconde, quand, par orgueil, je n'ai point permis que mes djandars fissent périr Ioucef; j'ai lancé une flèche contre lui et je l'ai manqué; mais lui m'a tué. Je subis la peine de ma présomption, et je péris de la main d'une personne moins puissante que moi. Il est nécessaire que les princes se tiennent bien en garde contre l'orgueil, et qu'ils sachent que la force et la puissance appartiennent à Dieu seul. »

MELIK CHAH, FILS D'ALP-ARSLAN.

Après la mort de son père, il monta sur le trône, grâce aux soins du vizir Nizam el-Mulc; et, à dire vrai, son règne fut le printemps de la dynastie des Seldjoukides, et l'époque de leur plus grande puissance. Son oncle paternel Caverd, fils de Djéghir Beg, marcha contre lui. Le combat s'engagea dans les environs de Caradj.[39] Les troupes de Caverd furent mises en déroute, et lui-même fut fait prisonnier. L'armée du sultan, enorgueillie d'avoir défait un si puissant adversaire, montra de l'insolence envers Mélik Chah, et demanda une augmentation de solde. Un jour, les officiers dirent à Nizam el-Mulc: « Si notre solde n'est point augmentée, nous ferons des vœux pour le bonheur de Caverd.[40] » Nizam el-Mulc répondit: « N'agissez point avec dureté,[41] afin que j'expose votre demande au sultan; il est possible qu'il cherche à vous satisfaire. »

Nizam el-Mulc exposa l'affaire au sultan, et, la même nuit, Caverd fut empoisonné.[42] Le lendemain matin, lorsque les émirs se présentèrent devant le vizir pour renouveler leurs importunités, Nizam el-Mulc leur dit: « La nuit dernière, il ne m'a pas paru convenable d'entretenir le sultan; car il était accablé de tristesse, à cause de la mort de son oncle. Dans sa prison, Caverd, poussé peut-être par le chagrin, a sucé du poison renfermé dans le chaton d'une bague, et il en est mort. » Les émirs de l'armée, retenus par la crainte que leur inspira cette nouvelle, n'osèrent rien dire et rentrèrent dans l'obéissance.

Tacach, frère du sultan, se révolta contre lui dans l'année 467 (1074), et assiégea Nichabour dans l’année 467 (1074).[43] Mélik Chah marcha contre lui et le priva de la vue.[44]

Dans la même année,[45] Mélik Chah envoya Soleïman, fils de Cotoulmich, afin qu'il enlevât Antioche aux Grecs. Dans l’année 471 (1078-9), Mélik Chah, ayant assiégé Samarcande, prit Soleïman Khan et s'empara de la ville.[46] Dans ce voyage, Nizam el-Mulc assigna le salaire des patrons de barque du Djeïhoun, sur le tribut d'Antioche. On connaît la parole qu'il prononça à ce sujet, savoir: qu'il avait agi ainsi, afin que, longtemps après, on parlât encore de l’étendue de l'empire.[47] Ce fut aussi pendant cette expédition, que Mélik Chah demanda en mariage Turcan Khatoun, fille de Thogmadj Khan, fils de Boghra Khan, fils de Nasr, fils d'Ilek Khan, fils de Boghra Khan l'Ancien. Le 25 de redjeb 479 (1086), un fils naquit, dans Sindjar, au sultan Mélik Chah; ce prince le nomma Sindjar. Dans l’année 481, le sultan forma le projet de visiter en pèlerin le temple de la Mekke. A Bagdad, un de ses esclaves tua le fils de Djami le ferrach, et s'enfuit dans le harem du khalife.[48] Ce dernier entreprit de le protéger. Djami se rendit près du sultan, et lui dit: « Fais au meurtrier de mon fils ce que j'ai fait à l'assassin de ton père. » Mélik Chah envoya le hadjib Comadj, fit prendre cet esclave et le livra à Djami, qui le massacra.

Le sultan partit ensuite pour le pèlerinage,[49] et fit beaucoup de bonnes œuvres dans ce voyage; il abolit l'impôt levé sur les pèlerins, et pour le remplacer, il assigna à l'émir de la Mekke une somme à prélever sur les revenus de l'Irak Arab.[50] Auparavant, c'était la coutume de prendre de chaque pèlerin, et cela en plusieurs endroits différents, la somme de sept miscals d'or. Dans le désert, sur la route de la Mekke, Mélik Chah fit construire des édifices, des puits et des ribaths.[51] Quelques-unes de ces constructions sont encore debout.

Mélik Chah se mit en voyage, à deux reprises différentes, pour visiter les diverses provinces de son empire, et les examina depuis Antioche en Syrie, et Laodicée en Asie Mineure, jusqu'au Mavérannahr et aux environs du Khitaï et de Khoten, et depuis la mer Caspienne jusqu'aux frontières du Yémen, et de Thaïef. La seconde fois, l'empereur grec se mit en hostilité avec le sultan. Ce prince marcha contre lui. Un jour, il quitta l'armée, avec quelques pages, pour prendre le plaisir de la chasse. Tout à coup, il tomba entre les mains des Grecs; il dit alors aux pages: « Ne montrez aucun respect pour moi, et comptez-moi pour un des vôtres; car si les Grecs me reconnaissent, ils ne me laisseront pas en vie. » Lorsque Nizam el-Mulc fut informé de cet événement, il conduisit, pendant la nuit, quelques pages à la tente du sultan, et fit répandre le bruit que ce prince était revenu. Dès l'aurore, il se rendit auprès de l'empereur, comme un ambassadeur. Le monarque grec lui demanda la paix; Nizam el-Mulc la lui accorda. L'empereur lui dit alors: « Un détachement de notre armée a fait prisonniers quelques-uns de vos soldats; quels sont-ils? » Nizam el-Mulc répondit: « Sans doute ce sont quelques esclaves de la plus basse extraction; car nous n'avions là-bas aucune connaissance de cette nouvelle. » Le César lui remit ses captifs. Nizam el-Mulc les compta en présence de l'empereur,[52] puis il partit. Lorsqu'il fut éloigné du camp des Grecs, il descendit de cheval, baisa l’étrier du sultan, et lui fit des excuses, en disant: « Si je n'avais point agi de la sorte, vous n'auriez point obtenu votre délivrance. » Le sultan lui fit des caresses, et reconnut l'obligation qu'il lui avait.[53] Lorsqu'il eut rejoint son armée, il combattit l'empereur et le fit prisonnier. Le prince vaincu reconnut le sultan et lui dit: « Si tu es roi, donne-moi la vie; si tu es marchand, vends-la-moi au prix d'une rançon; mais si tu es un boucher, tue-moi. » Mélik Chah répondit: « Je suis un roi et non un marchand ni un boucher. » Là-dessus, il lui donna la vie, et le renvoya dans son royaume, en disant: « Si j'avais conclu la paix avec toi, tu aurais été abusé par l'orgueil de ta puissance et celui de m'avoir fait prisonnier. J'ai combattu, afin que ta faiblesse, ainsi que ma puissance et ma grandeur d'âme, fussent bien connues; enfin, je t'ai donné la vie, pour que tu susses que je suis à la fois puissant et bon. » Au bout d'un certain temps, le César mourut; après lui, la souveraineté du pays de Roum fut donnée, par le sultan, à Daoud, fils de Soleïman, fils de Cotoulmich. La royauté de cette contrée resta dans la famille de Soleïman jusqu'au temps de Ghazan Khan.

Mélik Chah confia l'autorité sur le Kerman à son cousin germain Sultan Chah, fils de Caverd. Ce pouvoir demeura plus de cent ans dans la race de Sultan Chah. Mélik Chah accorda aussi la souveraineté de la Syrie à son frère Toutouch. Ce prince remporta des succès sur les Arabes, les Grecs et les Francs, et assiégea la ville de Sour. Il était sur le point de la prendre, lorsque le gouverneur de la place gagna un des échansons de Toutouch, qui donna du poison à son maître. Celui-ci avait à son service un habile médecin, qui comprit le danger; il fendit le ventre à un âne, en tira les intestins, et enveloppa Toutouch dans la peau de l'animal. En un mot, il traita ce prince d'une manière convenable et le guérit.

Mélik Chah envoya ses serviteurs gouverner les provinces de son empire; il donna la vice-royauté du Kharezm à Nouchtéguin-Gartcheh, qui fut la souche des Kharezm Chah; il accorda le gouvernement d'Alep à Cacim Eddaulah-Acsoncor, duquel descendirent les atabegs du Fars, du Diarbecr et de la Syrie; il envoya à Mossoul Djeghermich, après lequel le royaume de Mossoul parvint aux enfants d'Acsoncor; il expédia Imad-Eddaulah Touran à ………….. et à Cazouïn. Après lui, son fils …………….[54] exerça l'autorité.

Mélik Chah envoya Baghi-Sian à Antioche, Cotoulmich[55] à Damas, et Ortok à Hisn-Keïfa.[56] Après ce dernier,[57] son fils Socman devint roi d'Hisn-Keïfa et de Meïafarekin. Il fut lui-même remplacé par son fils Fakhr ed-din Cara Arslan, auquel succéda son fils Nour ed-din Mohammed,[58] qui mourut dans l’année 581 (1185). Après Mohammed, régna son fils Cothb ed-din Sokman. Le fils de ce dernier devint roi du temps de Mélik Camil, et périt de la main des soldats d'Houlagou Khan.[59]

Mélik Chah envoya Actimour à Mardin. Maintenant encore, la souveraineté de Mardin se trouve dans la famille de cet Actimour,[60] et Mélik Salih, fils de Nedjm ed-din Mansour, fils de Mélik Mozaffer Ed-din, règne en cet endroit. Enfin Mélik Chah envoya dans le Fars Rocn Eddaulah-Khamartéguin, auquel on attribue la construction du ribath (caravansérail) qui porte son nom, sur la route du Khorasan. Après Rhamartéguin, l'atabeg Djélal Eddaulah Djaveli exerça l'autorité, et fut remplacé successivement par l’atabeg Caradjah et l’atabeg Mangou-Bers (ce dernier gouverna le Fars au nom de l'atabeg Bouzabeh-Salgari); puis la souveraineté du Fars tomba entre les mains des Salgariens. Enfin Mélik Chah confia à plusieurs autres de ses esclaves les places frontières de ses états. La souveraineté de ces diverses contrées resta, durant de longues années, dans la famille de ces esclaves. Le revenu du pays de Roum fut accordé à Acsoncor et à Bouzan[61] (gouverneur d'Erroba ou Edesse et d'Harran). Comme le sultan était grand amateur de la chasse, il construisit, dans l’Iran et le Touran, beaucoup de colonnes avec les sabots des onagres qu'il avait tués.[62]

Nizam el-Mulc poussait le sultan à choisir, en qualité d'héritier présomptif, son fils aîné Barkiaroc. D'un autre côté, Turcan Khatoun voulait que Mélik Chah donnât ce titre à son propre fils Mahmoud; pour ce motif, elle prit en haine Nizam el-Mulc. Ce ministre avait douze fils entre les mains desquels résidait toute l'autorité. Turcan Khatoun représentait au sultan, sous le jour le plus honteux, les actes de Nizam el-Mulc et de ses fils, et, par ce moyen, elle le fit changer de sentiment à l'égard de son ministre. La chose en vint au point que le sultan envoya ce message à Nizam el-Mulc: « Serais-tu mon associé, puisque, de ton chef, tu confies les provinces à tes enfants? Si tu ne renonces point à cette conduite, j'enlèverai le turban de dessus ta tête, c'est-à-dire je te tuerai.[63] » Nizam el-Mulc fit répondre au sultan: « Mon turban et ta couronne sont liés ensemble, » Turcan Khatoun eut soin de relever ce que ces paroles avaient de blessant pour Mélik Chah,[64] et les rapporta à ce prince de la manière la plus défavorable. Le sultan, irrité, destitua Nizam el-Mulc et donna son poste à Tadj ed-din[65] Aboul Ghanaïm, naïb (préposé) de Turcan Khatoun. Il accorda également l’emploi de Cherf el-Mulc Abou Saïd,[66] le catib (écrivain), à Medjd el-Mulc Aboul Fadhl-Comi, et remplaça Kémal Eddaulah Abou Ridha, l’inspecteur aux revues (aridh), par Sédid-Eddaulah Aboul Méali. De grands dommages survinrent dans l'empire par suite de ces changements. Aboul Méali-Nehhas[67] a dit, à ce sujet, en parlant du sultan:

«Grâce à Abou Ali, à Abou Ridha, à Abou Saad, le roi, en présence de qui le lion parait aussi craintif que la brebis, tout ce qui, dans ce temps-là, venait à ta cour, était ou un messager de bonheur, ou une lettre chargée d'annoncer quelque victoire. Grâce à Abou’l Ghanaïm, à Aboul Fadhail et à Abou1 Méali, la tranquillité est revenue pour le royaume. Si tu as été fatigué de Nizam, de Kemal et de Cherf, à plus forte raison regarde ce qui t'est arrivé, à cause de Tadj, de Medjd et de Sedid.[68] »

Peu de temps après, les Fédaïs hérétiques (c'est-à-dire les Ismaéliens ou Assassins) assassinèrent Nizam el-Mulc, à ……………..,[69] le 12 de ramadan 485.

Ce meurtre fut le premier que les Fédaïs commirent dans l'Iran. Au moment d'expirer, Nizam el-Mulc composa ces vers:

« O roi fortuné, grâce a ta prospérité, j'ai enlevé, dorant trente ans, la poussière de l'injustice de dessus la face du Destin. Lorsque ma vie fut parvenue à sa quatre vingt seizième[70] année par la volonté de la Providence, je suis mort, au milieu d'un voyage, par la blessure d'une épée. J'ai porté devant Dieu le thoghru de la bonne renommée et le diplôme de la félicité, tous deux revêtus de ton apostille. J’ai laissé le mérite de mes vieux services à mon fil», et j'ai confié celui-ci à Dieu et au roi.[71] »

Lorsque Mélik Chah fut arrivé à Bagdad, il alla à la chasse. La chaleur de la température l'incommoda; il tomba malade, et mourut dans le mois de chewal de la même année. Ainsi se réalisa la prédiction que Nizam el-Mulc avait proférée au sujet de ce prince, c'est-à-dire: « Mon turban et ta couronne sont joints ensemble. » Le poète Moïzzi a dit, en parlant de Mélik Chah et de Nizam el-Mulc:

« Le vieux ministre est parti pour le paradis élevé, et le jeune roi est allé retrouver dans le mois suivant. Dieu a tout à coup rendu manifeste l'impuissance du sultan; vois la puissance divine, et considère la faiblesse royale. »

La durée du règne de Mélik Chah fut de vingt ans, et celle de sa vie de trente-huit. Le surnom qu'il reçût da khalife de Bagdad était: sultan Djélal Eddaulah Moizz ed-din Mélik Chah Iémin émir al-mouminin.

L'ère djélaléenne et le poète Moïzzi doivent leurs noms à ces divers titres de Mélik Chah.

Mélik Chah choisit Ispahan pour la capitale de son royaume. Il fut enseveli dans cette ville, dans le quartier de Kerran.[72] Le revenu de son empire montait, chaque année, à 21,000 toumans d'or rocnis.[73] Quarante-sept mille cavaliers l’accompagnaient continuellement. Leurs fiefs étaient disséminés dans les diverses provinces, afin qu'ils n'eussent point à craindre la détresse, en quelque lieu qu'ils se trouvassent.

Après la mort de Mélik Chah, Turcan Khatoun voulut que la souveraineté passât à son fils Mahmoud; le khalife Moctadi ne voulait pas le permettre. Turcan Khatoun fit de grandes promesses à Moctadi, et lui remit un fils qu’il avait eu de la sœur de Mélik Chah, et que le sultan appelait prince des croyants, quoique le khalife fut encore en vie; car il avait l'intention de transférer la capitale du khalife à Ispahan, et de placer ce jeune prince sur le trône khalifal, ce que Moctadi redoutait extrêmement. Enfin, Turcan Khatoun fit si bien, que le khalife donna la dignité de sultan à Mahmoud, fils de cette princesse, et prononça la khotbah en son nom.

BARKIAROC, FILS DE SULTAN MELIC CHAH.

Au moment de la mort de son père, il se trouvait à Ispahan. Turcan Khatoun, mère de Mahmoud, montra un grand empressement pour s'emparer de la personne de Barkiaroc, et envoya de Bagdad à Ispahan, dans l'espace de sept jours, Kerboca, esclave du sultan. Barkiaroc s'enfuit d'Ispahan, avec l'assistance des esclaves de Nizam el-Mulc, et monta sur le trône à Reï. A la fin du mois de dzou'lhidjdjeh 685 (janvier 1093), Kerboca, Anaz[74] et Comadj le combattirent à Béroudjerd[75] et retournèrent à Ispahan, après avoir essuyé une défaite. Barkiaroc les poursuivit vers cette ville afin de combattre Mahmoud, mais il accepta cinq cent mille dinars de Turcan Khatoun, accorda une trêve à cette princesse et s'en retourna.[76]

Turcan Khatoun séduisit l'émir Cothb ed-din Ismaïl, qui était oncle maternel de Barkiaroc,[77] lui promit de devenir sa femme et l'excita à combattre son neveu. Un combat s'engagea entre les deux princes, dans les environs de Caradj, dans l'année 86. Barkiaroc fut vainqueur; Ismaïl Iacouti fut fait prisonnier et tué dans le mois de ramadan de cette même année.[78]

Dans l'année 487, l’oncle paternel de Barkiaroc, Tacach, que le sultan Mélik Chah avait privé de la vue,[79] se re-volta contre son neveu. Celui-ci n'avait pas le pouvoir de lui résister.[80] Il reçut aussi, à cette époque, la nouvelle de la mort de Turcan Khatoun, arrivée à Ispahan, dans le mois de ramadan de la même année. Alors il se dirigea vers Ispahan. Son frère vint à sa rencontre. Ils s'embrassèrent étroitement sans descendre de cheval. Les esclaves de Mélik Chah, Anaz et Bolka-beg resserrèrent Barkiaroc, et voulurent le priver de la vue. Le même jour Mahmoud fut attaqué de la petite vérole, qui l'emporta le troisième jour. Barkiaroc devint tranquille possesseur de l'autorité. Il confia le vizirat à Mouveiyid el-Mulc Abou Becr, fils de Nizam el-Mulc. Il reçut de Bagdad les surnoms de sultan Rocn ed-din (colonne de la religion), Iémin émir Al-Mouminin (bras droit du prince des croyants). Barkiaroc livra bataille à son oncle Tacach, aux environs d'Hamadan, dans l’année 488. Il fut vainqueur, prit Tacach et l'emprisonna dans le château de Técrit, où il le fit mourir.[81]

Barkiaroc donna le vizirat à Fakhriel-Mulc, après avoir destitué Mouveiyid el-Mulc. Les Ismaéliens frappèrent Barkiaroc d'un coup de poignard. Mais cet attentat fut inutile[82]

Dans la même année, l'oncle paternel de Barkiaroc, Toutouch, le combattit dans la plaine de Bélenkoui, auprès de Reï, et fut tué.[83] Barkiaroc domina le royaume de Syrie à Zengui, fils d'Acsoncor.

Dans l'année 489 (1096 de J.-C.), son autre oncle Arslan Arghou,[84] forma le projet de le combattre. Barkiaroc craignit vivement ce nouvel ennemi, et ne se jugea pas assez fort pour lui résister. Néanmoins, il se mit en marche, poussé par la nécessité. Dieu l'aida de sa grâce. Avant la rencontre des deux armées, Arslan Arghou voulut avoir, à Merve, un tête à tête avec un page, et périt de la main de ce jeune homme. Barkiaroc donna la royauté du Khorasan dans l’année 490, à son frère Sindjar, fils de Mélik Chah. Il séjourna quelque temps dans cette province, lorsque Barkiaroc eut destitué Mouveiyid el-Mulc, celui-ci excita Anaz,[85] esclave du sultan Mélik Chah, à réclamer la souveraineté, et lui fournit les moyens de s'emparer de la puissance. Anaz partit d'Ispahan et prit le chemin du Khorasan, dans l'intention de combattre Barkiaroc. Mais le destin ne fut pas d'accord avec leurs résolutions. Avant que les deux armées en vinssent aux mains, au commencement de moharram de l'année 492, les Ismaïliens tuèrent Anaz à Savah. Dans la même année, les Francs enlevèrent Jérusalem aux musulmans, et firent martyrs soixante dix mille de ces derniers. Mouveiyd el-Mulc, après la mort d'Anaz, alla de l'Irak dans l’Arran, auprès de Mohammed, fils de Mélik Chah, qu’il excita à réclamer le royaume, les armes à la main. Mohammed, avec une armée considérable, se disposa à prendre le chemin de l'Irak.

Dans le mois de chevval 492 (1099 de J.-C.), l'armée de Barkiaroc se révolta, à cause de Medjd el-Mulc Abou'l fadhl Comi[86] qui était mustaufi mémalik (maître général des comptes), et sur qui reposait l'administration des états de Barkiaroc. Ce ministre avait réduit les émoluments des émirs. Les émirs Inanedj, Bighou et les fils de Borsac furent d'accord avec les soldats, et voulurent assassiner Medjd el-Mulc. Celui-ci s’enfuit et se retira dans le harem du sultan. Les émirs excitèrent du tumulte à la porte du harem. Lorsque Medjd el-Mulc vit que la situation était sans remède, il dit au sultan: « Livre-moi à eux, afin que ce trouble n'augmente pas. » Barkiaroc ne voulait point y consentir. Les émirs, renonçant à tout respect pour le sultan, entrèrent dans le palais, enlevèrent Medjd el-Mulc sous les yeux du prince, en le traînant par la barbe, et le mirent en pièces. Le désordre dépassa toute limite. Barkiaroc parvint à se retirer du milieu des rebelles, et s'enfuit à Ispahan par le chemin de Reï. D'Ispahan, il alla dans le Khouzistan. Seïf Eddin Sadacah, esclave de Mélik Chah,[87] se joignit à lui, avec une armée à la tète de laquelle ils se dirigèrent vers Ispahan. Cependant Mohammed, fils de Mélik Chah, arriva à Hamadan et s'assit sur le trône, en l’absence de Barkiaroc. Mouveiyid el-Mulc fut son vizir. Le sultan Barkiaroc livra bataille à son frère, dans le mois de redjeb 493, et fut défait. Gueuher Aïn,[88] gouverneur de Bagdad, fut tué dans ce combat. Après sa défaite, Barkiaroc se retira dans le Khouzistan. L'émir Aïaz, page du sultan Mélik Chah, se joignit à lui avec une armée.[89]

Barkiaroc revint dans l’Irak et combattit son frère dans le mois de djoumada second 494. Mohammed fut mis en déroute et Mouveiyd el-Mulc devint prisonnier. Au bout de quelques jours, il se concilia le cœur des émirs, et prit des engagements envers le sultan, afin qu'il lui confiât le vizirat Barkiaroc y consentit, et Mouveiyd el-Mulc s'occupa de remplir ses engagements. Sur ces entrefaites, un porte aiguière, durant la grande chaleur du jour, s'imaginant que le sultan dormait, se mit à blâmer l'élévation de Mouveiyd el-Mulc au vizirat et la mauvaise conduite qu'il avait tenue envers Barkiaroc. Cet homme accusait les Seldjoukides de manquer de courage. Le sultan était éveillé; il fut irrité de cette parole, envoya chercher Mouveiyd el-Mulc, le tua de sa main, le 20 de chaban de la même année, et dit au porte aiguière: « Tu vois comment les Seldjoukides ressentent les injures. »

A la suite de ce combat, Mohammed s'enfuit à Reï. Sindjar, qui était son frère cadet, arriva du Khorasan pour le joindre. Lorsque Barkiaroc fut informé de leur réunion, malgré l'affaiblissement de son corps et la violence de sa maladie, il partit de Bagdad pour les combattre. Des négociateurs s'interposèrent et conclurent un traité.[90] Mohammed se rendit à Cazouïn; mais il se repentit d'avoir consenti à la paix, priva de la vue Aïtéguin Mahroui (face de lune), et massacra Basmal[91] par le motif que ces émirs l'avaient poussé à faire la paix. Le sultan Barkiaroc s'avança pour le combattre. Dans le mois de rabi second 495, ils se livrèrent bataille près de Saveh. Le sultan Mohammed, avant été mis en déroute, se retira à Ispahan. Barkiaroc marcha à sa poursuite. Ils combattirent encore une fois. Mohammed fut défait et s’enfuit à Guendjeh.[92] Dans le mois de djoumada second 496, les deux frères conclurent de nouveau la paix, à condition que la Syrie, le Diarbecr, les cantons de l’Irak arrosés par l'Euphrate, l’Azerbaïdjan, le Moughan, l’Arran, l'Arménie et la Géorgie appartiendraient au sultan Mohammed, et les autres provinces au sultan Barkiaroc, et que l'on ne prononcerait pas, dans la khotbah, le nom de l'un de ces princes dans l'étendue des états de l'autre. Barkiaroc forma la résolution de se rendre à Bagdad. Mais, sur la route, la maladie dont il souffrait devint extrêmement grave. Il déclara pour son successeur son fils Mélik Chah, et le confia à l’atabeg Aïaz. Dans le mois de djoumada second 498,[93] il mourut à Ouroudjerd (Beroudjerd), âgé de vingt-cinq ans et après un règne de douze ans.

SULTAN MOHAMMED, FILS DE MELIK CHAH.

Après la mort de son frère, il se rendit à Bagdad, afin de combattre Sadacah[94] et Aïaz, qui étaient esclaves de son père, et l'avaient lui-même combattu pour secourir Barkiaroc. Ces deux personnages voulaient que le rang de Barkiaroc passât à son fils Mélik Chah. Une armée considérable s'était rassemblée auprès d'eux, de sorte que la supériorité du nombre était de leur côté. Un violent combat s'engagea. Sur le champ de bataille, au dessus de l'armée de Sadacah (Sébaou) et d'Aïaz, se montra un nuage semblable à un dragon, la gueule tout ouverte et laissant sortir de sa gueule comme une pluie de feu. Leur armée prit l'épouvante, jeta ses armes et se rendit auprès de Mohammed, demandant la vie sauve. Mohammed fit prisonniers Sadacah et Aïaz et les mit à mort.[95] Puis il emprisonna Mélik Chah, fils de Barkiaroc, et se rendit à Bagdad. Le khalife Mostazhir lui montra la plus grande considération et lui donna le surnom de sultan Ghaïas ed-din Mohammed, copartageant ou associé, du prince des croyants.

Après cela, le sultan Mohammed s'occupa de l'affaire des Mélahideh (c'est-à-dire, des Ismaéliens), qui avaient pris des forces pendant sa contestation avec son frère. Ahmed Atach[96] s'était emparé de Chah-diz (le château du roi), à Ispahan. Plus de trente mille hommes avaient embrassé sa doctrine. Le sultan donna ses soins au siège du château. Au bout de quelque temps, les provisions de la place furent entièrement consommées. Le vizir du sultan Mohammed, Saad el-Mulc, était un des sectateurs d'Ahmed Atach.[97] Celui-ci lui fit passer un message ainsi conçu: « Envoie-nous des vivres, sinon nous rendrons le château. » Le vizir répondit: « Patientez encore deux ou trois jours, afin que je fasse périr ce chien. » Comme le sultan était d'un tempérament sujet aux échauffements, il se faisait saigner tous les mois. Saad el-Mulc Avedji, (sic), gagna le barbier du sultan, afin qu'il saignât son maître avec une lancette frottée de poison. Ce fait parvint au sultan, par l'indiscrétion de la femme du chambellan de Saad el-Mulc Avedji, qui le révéla à son amant, pendant un rendez-vous. Le lendemain, le sultan feignit d'être malade et manda le barbier. (Lorsque celui-ci fut arrivé,) il le regarda d'un air irrité; le barbier eut peur et avoua la chose. Le sultan ordonna de saigner le barbier avec sa lancette, et ce malheureux mourut à l'instant même. Il ne resta plus aucun doute au sultan, touchant l'impiété de Saad el-Mulc Avedji et sa haine envers son maître. Il le fit périr avec ses adhérents, et donna la femme du chambellan à son amant, qui avait révélé le complot. Dans la même semaine, le sultan conquit la forteresse. On amena à Ispahan Ahmed Atach avec le dernier opprobre, et on le tua.

Un aveugle que l'on appelait Alévi-Médeni (c'est-à-dire l'alide de Médine), avait sa maison à Ispahan, à l'extrémité d’une ruelle obscure.[98] A l'arrivée de la nuit, il se tenait au bout de cette ruelle, et suppliait que quelqu’un le conduisît jusqu'à la porte de sa maison. Les passants le menaient à cet endroit, pour l'amour de Dieu. Alors plusieurs individus s'élançaient hors de la maison, entraînaient le charitable guide de l'aveugle, et le tuaient, en lui faisant souffrir toutes sortes de tortures. Ils firent périr de cette manière beaucoup de personnes. Les habitants d'Ispahan voyaient ainsi disparaître leurs parents. Personne ne parvenait à s'échapper de cette maison.

Cela dura jusqu'à ce qu'un certain jour, une femme demanda l'aumône à la porte de ce logis, et entendit un gémissement. Elle s'imagina que la maison contenait quelque malade, et elle fit des vœux en sa faveur. Les habitants, de crainte que leur conduite ne fût connue, voulurent entraîner cette femme dans leur logis et la tuer. La malheureuse s'enfuit. Les habitants d'Ispahan se rendirent dans cette maison; ils prirent Alévi Médéni, sa femme et quelques-uns de ces hérétiques. Ils firent des perquisitions pendant quelque temps. On trouva dans cette maison des citernes et des puits remplis d'hommes, soit tués, soit pendus, soit attachés à la muraille avec quatre clous; quelques-uns, enfin, à demi égorgés. Un cri d'indignation sortit de la bouche des assistants. Il fut connu de tout le monde que les Rafédhites et les Bathéniens ne négligeaient absolument rien pour faire du mal aux musulmans, de toutes les manières possibles; qu'ils pensaient obtenir, pour cela un prix magnifique et une récompense superbe, et qu'ils regardaient comme un grand péché de ne pas commettre de meurtres et de ne pas obtenir de succès. Que Dieu préserve toujours les musulmans de la méchanceté de ces malheureux !

Les habitants d’Ispahan tuèrent Alévi Médéni, sa femme et ces Mélahideh, avec le dernier opprobre. Quiconque reconnut un de ses parents parmi les victimes des Ismaéliens, emporta son cadavre et le fit ensevelir. Le sultan Mohammed envoya l’atabeg Chirguir pour faire la guerre à Hassan ibn Sabbah et aux Ismaéliens du château d'Alamout. L'atabeg assiégea cette place, et réduisit les hérétiques à de dures extrémités. Mais, à cause de la mort du sultan, il ne put achever sa conquête.[99]

Dans l'année 500 (1106-7), le vizir Fakhr el-Mulc, fils de Nizam el-Mulc, périt de la main d'un Fédaï;[100] son frère Dhia el-Mulc Ahmed obtint le vizirat. Ce vizir était mal avec Ala-Eddaulah Abou Hachim Hamadani. Il s'engagea à payer au sultan 800.000 dinars, à condition qu'on livrerait entre ses mains Ala-Eddauiah Abou Hachim, afin qu'il le traitât selon ses mérites; le sultan y consentit. Ala Eddaulah apprit cette nouvelle. Il alla à Ispahan par le chemin de Djabélic,[101] vit le sultan à l’insu du vizir, pleura et lui dit: « Il est probable que Dieu ne permettra pas que le sultan de l’islamisme livre un petit-fils du prophète entre les mains d'un hérétique. Si le sultan désire de l'argent, je lui compterai 800,000 dinars, afin qu'il me protège contre la méchanceté de cet homme, et qu'il m'ordonne de le traiter selon ses mérites. » Le sultan y consentit. Ala-Eddaulah s'en retourna, et dans l'espace de quarante jours,[102] il envoya ces sommes à la résidence du sultan, sans faire aucun emprunt ou vendre aucun objet; et traita avec bonté Dhia el-Mulc, en retour de sa méchanceté. Ala-Eddaulah mourut dans l'année 502.[103] Le sultan Mohammed alla faire la guerre sainte dans l'Hindoustan,[104] et livra une grande bataille. Il tira d'un temple d'idoles une idole, la plus grande de toutes, et qui pesait près de dix mille mans. Les Indiens lui marchandèrent cette idole pour son pesant de perles. Il ne voulut pas la vendre, disant: « Les hommes diraient que Adzer était un sculpteur d'idoles et Mohammed un marchand d'idoles.[105] » Il transporta cette statue à Ispahan, et, par mépris pour elle, il la fit coucher dans le médrécéh qu'il avait fondé, sur le seuil de l'appartement où se trouve son tombeau.[106] Elle y est encore aujourd'hui.

Le 24 de dzou'lhidjdjeh 511, (18 avril 1118),[107] le sultan Mohammed mourut. Il fut enseveli à Ispahan, dans le médrécéh. Au moment de sa mort il composa ces vers:

« L'univers m'a été soumis par les coups du cimeterre conquérant du monde et de la massue qui ouvre les forteresses, de même que le corps est soumis à l'intelligence. J'ai pris beaucoup de villes d'un seul signe de main; j'ai conquis beaucoup de châteaux d'un seul mouvement de pied. Lorsque la mort a fondu sur moi, tout cela ne m'a été d'aucune utilité; la seule stabilité est celle de Dieu; la seule royauté, la royauté du Tout Puissant. »

La durée du règne du sultan Mohammed fut de treize ans et demi, celle de sa vie de trente-sept ans.

SULTAN SINDJAR, FILS DE MELIK CHAH.

Du vivant de ses frères Barkiaroc et Mohammed, il fut durant vingt ans gouverneur du Khorasan. Après leur mort, il fut pendant quarante ans et quatre mois sultan des sultans. Toutes les contrées, depuis les limites du Khitaï et de Khoten jusqu'à l'extrémité de l'Egypte et de la Syrie, et depuis la mer des Khozars (mer Caspienne) jusqu'au royaume du Yémen, étaient dans sa puissance. Entre les sultans de l'islamisme, il occupait le même rang que Perviz entre les Chosroês, grâces à ses nombreuses conquêtes, à l'élévation de son rang et à sa puissance. Il livra dix-neuf batailles célèbres, et fut victorieux dans dix-sept. Le khalife Mostarchid lui donna le surnom de sultan Moizz ed-din Sindjar, Borhan émir al-mouminin. Au commencement de son règne, il assista le sultan Behram chah le Ghaznévide, le renvoya dans son royaume et lui imposa un tribut de 4.000 dinars par jour.

Après la mort du sultan Mohammed, fils de Melik chah, il se rendit dans l’Irak. Son neveu Mahmoud, fils de Mohammed, lui fit la guerre et s'enfuit à Saveh, après avoir été mis en déroute. Puis il se présenta devant le sultan Sindjar et implora son pardon. Sindjar l'accueillit avec bonté, et lui accorda la souveraineté de l’Irak jusqu'à l'extrémité de la Syrie. Mais il prit une portion de chaque province, qu'il plaça sous l'autorité de son propre divan, afin que le pouvoir de Mahmoud sur ces provinces fut diminué.[108]

Lorsque Mahmoud mourut, son frère Thoghril fut désigné par Sindjar pour lui succéder. Lorsque Thoghril vint aussi à mourir, son frère Massoud le remplaça. Quand ce dernier fut mort à son tour, Mélik chah, fils de Mahmoud, succéda à son oncle. Lorsqu'il eut été déposé, son frère Mohammed devint roi. L'histoire de chacun de ces princes sera racontée séparément ci-après.

Dans l'année 515[109] (1121-22), la mère du sultan Sindjar mourut. Quelques ennemis allongèrent la main de la tyrannie. Le sultan leur infligea un châtiment, et en tua plusieurs. Dans l'année 524 (1130), le prince de Samarcande se révolta contre le sultan Sindjar, et cessa de payer le tribut. Le sultan partit pour lui faire la guerre, assiégea Samarcande, jusqu'à ce que les habitants fussent réduits à la disette, et que la plupart périssent par la famine et la contagion. Les autres voulurent se jeter sur le prince de Samarcande,[110] Ahmed, fils de Soleïman. Ce prince alla trouver le sultan et demanda la vie sauve. Sindjar lui accorda l'aman, et l'emmena avec lui dans le Khorasan, après avoir nommé un de ses esclaves vali de Samarcande. Mais au bout de quelque temps, il rendit à Ahmed le gouvernement de cette ville.[111]

Dans l'année 530 (1105-6), le sultan Behram Chah le Ghaznévide se révolta. Sindjar se rendit à Ghiznin, soumit Behram, à la suite d'un siège, et reçut son tribut. Sindjar eut ensuite a combattre le Khârezm Chah Atsiz. Mais cette guerre se termina par un traité, et le sultan confirma Atsiz dans sa principauté.[112]

Dans l’année 535 (1140-1), il se mit en marche pour combattre le khan du (Cara) Khitaï. Son armée se révolta; il fut défait, le Mavérannahr sortit de son pouvoir, et tomba entre les mains des infidèles. Beaucoup de soldats du sultan furent tués. Férid Eddin catib a composé à ce propos les vers suivants:

« O roi, un monde a été redressé par tes dards. Ton épée a cherché la vengeance sur tes ennemis durant quarante ans. Si un accident fâcheux[113] t’est survenu, c'est aussi par l'ordre du destin; car le seul être qui demeure dans le même état, c'est Dieu. »

Turcan Khatoun, femme du sultan Sindjar, l'émir Aboul Fadhl-Seïstani,[114] Comadj et plusieurs de leurs pareils, furent faits prisonniers dans ce combat. Le nombre des martyrs est au-dessus du calcul. Les prisonniers furent délivrés au bout de quelque temps, et allèrent rejoindre le sultan. Tout ce que Sindjar avait amassé dans le cours de sa vie fut perdu dans ce combat, qui eut lieu dans la plaine de Cathavan, aux environs de Samarcande.[115] On rapporte, à propos de cet endroit, un jeu de mots, qui est en même temps un des miracles de Mahomet. Ce prophète a dit: « La plaine de Cathavan est une des prairies du paradis. » Comme cette localité est située dans le pays des infidèles, les musulmans ne connaissaient pas d’une manière certaine le sens de cette parole, jusqu'au jour où tous ces musulmans périrent martyrs en ce lieu. Alors la signification cachée de ce hadits (parole du prophète) fut manifeste. La crainte qu'inspirait Sindjar fut diminuée dans le cœur des hommes par ce revers.

Dans l'année 543 (1148-9), le sultan Sindjar se rendit dans l'Irak. Son neveu Massoud, fils de Mohammed, vint lui rendre hommage. Dans cette circonstance, le Ghaznévide Behram Chah envoya à Sindjar une lettre qui lui annonçait sa victoire sur les Ghouriens, et la mort de Sam et qui était accompagnée de la tête de Souri, prince royal du Ghour.[116] Fakhr ed-din Khalid Heravi composa à ce sujet les vers suivants:

« Ceux qui t’ont servi avec hypocrisie ont abandonné le capital de leur vie. Sam, fils de Sam, est mort loin de ta tête, et voici que l’on apporte dans l’Irak la tête de Souri. »

Dans l'année 544, Ali Tchitri, que le sultan avait élevé du rang de bouffon à la dignité de hadjib et d'émir d'Héri (Hérat), se révolta contre Sindjar et se ligua avec Ala Eddin Hassan le Ghouride. Ils se mirent en marche pour combattre Sindjar.[117] Ils furent mis en déroute et faits prisonniers. Sindjar fit périr Ali Tchitri et emprisonna Ala-Eddin Hassan. Ce prince était un homme d'un esprit plaisant, d'une éloquence persuasive; il s'exprimait également bien en vers et en prose. Par ses discours séduisants, il se rendit agréable au sultan, si bien que celui-ci lui rendit le royaume de Ghour.[118]

Dans l'année 548 (1143), Sindjar tomba entre les mains des Ghozz. Voici comment la chose arriva les Ghozz formaient un peuple innombrable. On leur avait imposé un tribut annuel de vingt-quatre mille moutons, qu'ils acquittaient à la cuisine du sultan. Un receveur allait en prendre livraison, au nom du maître d'hôtel. Peut-être que cet officier dit aux émirs des Ghozz des paroles désagréables:[119] ils le tuèrent, et à partir de ce moment, ils ne payèrent plus rien. Le maître d'hôtel fournissait à la dépense sur ses propres ressources, et n'osait parler de cette affaire au sultan. Cela dura jusqu'à ce que l’émir Comadj, gouverneur de Balkh, arrivât à la cour. Le maître d'hôtel lui exposa la situation, et lui demanda son assistance en cette occasion. L'émir Comadj prit à ferme le tribut dû par les Ghozz, moyennant 30.000 moutons, et reçut le titre de gouverneur de ce peuple. Il envoya son fils dans leur campement. Ils refusèrent d'obéir. Vers le même temps, Comadj se rendit dans leur canton pour se livrer au plaisir de la chasse.

Lorsque les Ghozz virent le père et le fils presque seuls dans un même endroit, ils les combattirent et les tuèrent.[120] Alors ils craignirent les conséquences de ce double meurtre, et, par ce motif, ils envoyèrent un ambassadeur à la cour du sultan, sollicitèrent leur pardon, implorèrent la vie sauve, et s'engagèrent à payer le prix du sang. Le sultan voulait accueillir leurs excuses. Plusieurs émirs l'en empêchèrent, et l'amenèrent, par leurs importunités, à combattre les Ghozz. Ceux-ci envoyèrent au-devant de Sindjar leurs femmes et leurs enfants, demandèrent humblement une sauvegarde, et offrirent, comme une amende, un man d'argent et un cheval par chaque maison. Le sultan avait le désir de leur montrer de la miséricorde. Barnacach Héravi l'en empêcha. La guerre s'engagea. Les autres émirs, en haine de Barnacach, combattirent mollement. Le sultan fut mis en déroute. Beaucoup de soldats périrent sur le chemin de……….[121] Un des serviteurs du sultan, nommé Maudoud, fils de Ioucef, qui ressemblait à Sindjar, tomba entre les mains des Ghozz, et ceux-ci s'imaginèrent que c'était le sultan. Ils baisèrent la terre devant lui, et le firent asseoir sur le trône. Cet homme avait beau leur dire: « Je ne suis pas le sultan, » ils ne l'écoutaient pas. Mais, enfin, quelqu'un le reconnut, rendit témoignage de sa véracité, et dit: « C'est le fils d'un cuisinier du sultan. » Ils pendirent à son cou un panier de farine, et le chassèrent à pied de leur camp. Ils arrivèrent à Merve, en poursuivant le sultan. Les troupes de ce prince, après avoir pris la fuite, ne s'étaient pas ralliées. Un petit nombre de personnes qui se trouvaient dans la capitale s'enfuirent, et Sindjar fut fait prisonnier. Les Ghozz baisèrent la terre devant lui, et le firent asseoir sur le trône. Ils établirent des officiers, pris parmi eux, et firent tout ce qu'ils voulurent, tellement qu'ils écrivaient des ordres, et contraignaient, par leurs importunités, le sultan à les signer. Sindjar demeura près de quatre ans au milieu d'eux. Pendant tout ce temps, de peur que sa femme Turcan Khatoun ne restât prisonnière dans les mains des Ghozz, le sultan ne prit pas de mesures pour recouvrer sa liberté. Cependant, les Ghozz firent des dégâts, et se crurent permis de s'emparer des richesses et des femmes des musulmans. Il ne resta pas, dans tout le Khorasan, un seul endroit qui ne fut dévasté par leur violence. Les ouléma, les grands et les cheikhs du monde périrent dans les tortures auxquelles ils les exposèrent, afin de leur extorquer de l'argent. Parmi ces victimes, on remarquait le savant imam, le maître des ouléma de son temps, le cheikh des cheikhs de l’univers, Mohammed, fils de Yahia, à l'égard de qui Rhacani a dit:

Vers. — Dans la religion de Mahomet le prophète, il n'y a eu personne plus vertueux que Mohammed, fils de Yahia, la victime de la terre. Le premier (c'est-à-dire le prophète) a fait de ses dents, au moment du danger, un sacrifice à la pierre;[122] le second (Mohammed, fils de Yahia) a fait de sa bouche, au jour du carnage, une offrande à la terre.

.Les Ghozz tuèrent Mohammed, fils de Yahia, en remplissant sa bouche de terre, et en bouchant son nez, avec la même matière.

Lorsque, au commencement de l’année 551 (1156), Turcan Khatoun fut morte, Sindjar prit des mesures pour s'évader. Il gagna l'émir ………………………[123] le Ghozz, qui était son gardien, et se rendit au bord du Djeïhoun, sous prétexte de se livrer au plaisir de la chasse. L'émir Ahmed (fils de) Comadj,[124] gouverneur de Termed, avant préparé des embarcations, attendait le prince sur les rives du fleuve. Le sultan se jeta dans Termed à l’aide de ces navires. Dans le mois de ramadan 551, Sindjar rassembla une armée et se rendit à Merve, avec le secours de l'émir Ahmed ibn Comadj et de ses autres serviteurs particuliers. Mais comme la vie du sultan était arrivée à sa fin, que son bonheur avait cessé, et que ses états avaient été dévastés, ces préparatifs ne furent d'aucune utilité. La tristesse s'empara de l'esprit du sultan, et se changea en une maladie mortelle. Il mourut le 26 de rebi Ier 552 (8 mai 1157), âgé de soixante douze ans. Après lui, les peuples décernèrent la royauté au fils de sa sœur, Mahmoud Khan, fils de Mohammed khan, de la postérité de Boghra Khan. Il exerça l’autorité pendant cinq ans et demi. Mouveïyed-Aïbeh se révolta contre lui, dans le mois de ramadan 557 (septembre 1162), le fit prisonnier et le priva de la vue. Mahmoud mourut au bout d'un an. Quant au Khorasan, une partie de cette province passa entre les mains de Mouveiyed-Aïbeh,[125] une autre partie entre celles du Kharezm-chah, et le reste tomba au pouvoir des Ghourides.

SULTAN MAHMOUD, FILS DE MOHAMMED.

Après la mort de son père, il monta sur le trône dans l'Irak. Lorsqu'il eut fait la guerre à son oncle et conclu la paix avec lui, Sindjar lui confia la souveraineté de l’Irak, de l’Azerbaïdjan, de Bagdad, du Diarbekr, du Fars, de l'Arran, de l'Arménie et du Gurdjistan (?). Le khalife Mostarchid lui donna le surnom de Moïn Eddin[126] Mahmoud Iémin émir al-mouminin. Il devint gendre du sultan Sindjar, en épousant ses deux filles. Il eut de chacune un fils. Dans l'année 514 (1120-1), son frère, sultan Massoud, lui livra une bataille près d'Hamadan[127] et se retira à Gorgan, après avoir essuyé une défaite. Dans le mois de séfer de l'année 515, il vint à Reï. L'atabeg Chirguir et Alfacachat ben Touran[128] vinrent de Cazouïn se joindre à lui. Ils combattirent Mahmoud à Kermanchah, lurent défaits et se retirèrent à Dinaver. Sultan Mahmoud exerça la souveraineté durant quatorze ans. Il aimait beaucoup les femmes, et, pour cette raison, ses eunuques parvinrent au rang d'émirs.

Une inimitié s'éleva entre lui et le khalife Mostarchid. Il prit Bagdad, à la suite d'un siège, et fit la paix avec le khalife. Mahmoud avait une connaissance parfaite des détails de finance, et son royaume était gouverné sagement. Le 11 de chevval 525 (1131), il mourut, âgé de vingt-sept ans. Son vizir, Cavam ed-din Nacir, fils d'Ali, Derkedjini s'occupa d'affermir les bases de la souveraineté, et donna le nom de roi au fils de Mahmoud, Daoud.[129]

Mais cela ne lui réussit point, et le sultan Sindjar éleva au trône le frère de Mahmoud, Thogril.

SULTAN THOGRIL, FILS DE MOHAMMED.

Après la mort de son frère, il parvint à la royauté, par l’ordre de son oncle. Le khalife Mostarchid le surnomma sultan Rocn ed-din Iémin émir al-mouminin. Une guerre s'engagea entre lui et son frère aîné[130] Massoud. Il fut successivement victorieux et vaincu. Pour ce motif, il tua le vizir Cavam ed-din Aboul Cacim Nacir, fils d'Ali, Derkedjini.[131] Il régna durant trois ans et deux mois, et mourut à Hamadan, dans le mois de moharram de l'année 529 (octobre - novembre 1 134), à l'âge de vingt-cinq (vingt sept) ans.

SULTAN MASSOUD, FILS DE MOHAMMED.

Lorsque Thogril fut mort à Hamadan, les grands de l'empire envoyèrent quelqu'un à Bagdad, et mandèrent Massoud, afin de le reconnaître pour sultan; d'autres appelèrent de l'Azerbaïdjan Daoud, fils de Mahmoud. Massoud s'empressa de partir et arriva à Hamadan avant Daoud. Le pouvoir fut affermi sur sa tête.

Pour mettre fin aux troubles causés par Daoud et par l'atabeg Carasoncor, qui était le principal soutien de l'empire, et qui tenait le parti de ce jeune prince,[132] il déclara Daoud son successeur, lui donna en mariage sa fille Gueuher Khatoun, et l'envoya gouverner, avec une autorité royale, l'Arran et l'Arménie. Daoud choisit Tabriz pour sa capitale, et sa puissance fut reconnue dans l’Azerbaïdjan, l'Arran et l'Arménie. Il régna durant sept ans sur ces provinces. Au bout de ce terme, on accusa plusieurs habitants de Tabriz d'appartenir à la secte des Ismaïliens. Daoud les fit périr. Les Mélahideh envoyèrent un fédaï pour tirer vengeance de cette action. Dans l'année 533,[133] on frappa Daoud d'un coup de poignard, dans le meïdan, sur la porte du bain; il mourut de cette blessure.

Cependant, le khalife Mostarchid et le sultan Massoud marchèrent l'un contre l'autre. Le combat s'engagea près de Dinaver.[134] L'armée du khalife fut mise en déroute. Mostarchid fut fait prisonnier par les soldats du sultan; et quelque temps après, les Mélahideh l'assassinèrent près de Méraghah, ainsi qu'il a été raconté plus haut.

Après ces événements, le sultan se rendit à Bagdad. Le khalife Rachid prit la fuite à son approche et périt également aux portes d'Ispahan, de la main d'un fédaï molhid. Massoud donna la dignité khalifale à Moctafi, et reçut de ce pontife les surnoms de sultan Ghaïats ed-din Massoud Cacim émir al-mouminin. Le sultan retourna à Hamadan. Plusieurs émirs, qui avaient des projets de révolte, s'étaient réunis à Alichter.[135] Le sultan se rendit en une seule nuit d'Hamadan à Alichter, et surprit inopinément ces émirs. Ils furent obligés de faire leurs soumissions, et le sultan leur pardonna. Ensuite il confia le vizirat au khodjah Kémal ed-din Mohammed Khazin. Le pouvoir de ce vizir devint tellement stable, qu'il ne daigna plus montrer le moindre égard aux émirs. Ceux-ci firent parvenir leurs plaintes à l'atabeg Carasoncor. Sur ces entrefaites, Mankou-berz se révolta dans le Fars.[136] Le sultan fit partir son frère Seldjouk Chah et l'atabeg Carasoncor, pour le combattre. L'atabeg envoya ce message au sultan: « Je ne partirai pas, tant que tu ne m'auras pas envoyé la tête du vizir. » Le sultan fit mettre à mort le vizir, contre son gré. L'atabeg Carasoncor partit alors avec Seldjouk Chah, conquit le Fars, y établit Seljouk Chah en qualité de roi et s'en retourna. Mankouberz (Bouzabeh) rentra alors dans le Fars; Seldjouk Chah s'enfuit devant lui et revint dans l’Irak. Après son retour du Fars, l’atabeg Carasoncor mourut dans l’Azerbaïdjan. L'atabeg Ildéguiz et l'atabeg Djavéli[137] devinrent puissants en sa place. Le sultan Massoud donna en mariage à l'atabeg lidéguiz la veuve de son frère Thogril, qui était frère d'Arslan.[138] L'atabeg eut de cette princesse deux fils, Kizil Arslan et Mohammed. Massoud accorda la possession de l'Azerbaïdjan et de l’Arran à l'atabeg Ildéguiz et celle du Fars à l'atabeg Djavéli.

Celui-ci réprima les attaques des Chébancariens sur cette province.[139] Ensuite l'atabeg Bouzabeh, fils de Zengui,[140] se ligua contre le sultan avec ses neveux Mohammed et Mélik Chah, fils de Mahmoud,[141] et Abbas, vali de Reï, en fit autant avec Soleïman Chah, frère de Massoud. Ils se réunirent dans le canton d’Alem[142] près d’Hamadan; mais quoi qu'ils eussent résolu de combattre Massoud le lendemain matin, ils s'enfuirent pendant la nuit sans aucun motif. Le sultan fit partir une armée à leur poursuite; mais elle ne les rencontra pas. Au bout de quelque temps, les rebelles vinrent faire leur soumission. Les courtisans du sultan desservirent Soleïman Chah près de Massoud, si bien que celui-ci fit arrêter son frère et l'emprisonna dans le château de Cazouïn, où il resta enfermé durant sept ans.[143]

Le sultan Massoud se mit en marche pour faire la guerre aux Mélahideh, et assiégea le château de Cahireh, dans le pays de Cazouïn. Mais son armée montra de la faiblesse, et la discorde se mit entre les soldats. Le sultan fut obligé de s'en retourner, sans avoir pu achever la conquête du château. Les musulmans furent extrêmement affligés de ce revers, et les Mélahideh en devinrent plus audacieux.[144]

Sur ces entrefaites, l’atabeg Djavéli mourut à Zendjan. Le royaume de Fars fut confié après lui à l’atabeg Caradjah.[145] Abd Errahman devint tout puissant à la cour du sultan, en place de Djavéli. Au bout de quelque temps, Caradjah fut tué dans le Fars, et ce royaume fut en proie à la dévastation. Massoud le donna à son neveu Mohammed, fils de Mahmoud, à qui il fit épouser sa fille Gueuher Khatoun, qui avait été la femme de Daoud. Il nomma l’atabeg Bouzabeh ministre de ce prince. L’atabeg Mankouberz exerçait l'autorité, en qualité de naïb (lieutenant) de Bouzabeh.[146]

L'atabeg Bouzabeh, le hadjib Abd Errahman, Abbas, vali de Reï, convinrent de se révolter contre le sultan. Celui-ci fut informé de leur dessein. Il les éloigna l'un de l'autre, et envoya le hadjib Abd-Errahman dans l'Arran.[147] Khasbeg, fils de Belenkiri, et l'atabeg Ildéguiz, qui étaient les serviteurs dévoués du sultan, partirent avec Abd-Errahman. Ils cherchaient une occasion favorable pour le tuer. Enfin, un jour qu’il s'était séparé de son armée et s'était écarté au loin dans la plaine pour chasser, ils l'assassinèrent. Lorsque cette nouvelle arriva à la cour du sultan, Abbas voulut s'enfuir. Le sultan fut informé de son dessein, il le fit arrêter et mettre à mort. Puis il envoya dire à l'atabeg Bizabeh (Bouzabeh): « Tu as appris le sort de tes confédérés; probablement tu ne veux pas[148] rester derrière eux. » Bouzabeh rassembla une armée, s'empara d'Ispahan et marcha contre le sultan. Ils se livrèrent bataille aux portes d'Hamadan,[149] dans l'année 541 (1146-7). Il se fit un grand carnage. Enfin, Bouzabeh fut fait prisonnier, et mis à mort par l’ordre du sultan. Sa femme Zahideh Khatoun emporta son corps à Chiraz, et l’ensevelit dans un médrécéh qu'il avait construit.

Dans l'année 543 (1148-9), le neveu de l'atabeg Bouzabeh, Soncor, fils de Maudoud, se révolta dans le Fars afin de venger son oncle, s'empara de cette province et l'enleva à tout jamais aux Seldjoukides. Mohammed, fils de Mahmoud, revint du Fars près de son oncle. Massoud survécut quatre ans à cette révolte. Il mourut aux portes d'Hamadan, dans la première nuit du mois de redjeb 547 (2 octobre 1152). Dans la même nuit, on transporta son corps dans la ville, et on l'ensevelit dans le médrécéh de Serberzeh. Il avait régné dix-huit ans et en avait vécu quarante cinq.

SULTAN MÉLIK CHAH, FILS DE MAHMOUD.

Il s'assit sur le trône, après la mort de son oncle, et reçut de Bagdad le surnom de sultan Moghits ed-din, Mélik Chah Iémin émir al-mouminin. Il avait du penchant pour le jeu et les plaisirs, et donnait peu d'accès près de lui aux émirs. Khasbeg,[150] fils de Bélenkiri, le craignit1. Il le déposa, après un règne de quatre mois, le mit en prison et donna la souveraineté en sa place à son frère. Mélik chah s’échappa de prison et se retira dans le Khouzistan. Sa soeur lui envoyait d'Ispahan ce dont il avait besoin. Après la mort de son frère Mohammed, il se rendit à Ispahan et remonta sur ie trône. Il mourut au bout de quinze jours, le 11 de rabi 1er 555[151] (21 mars), à l'âge de trente deux ans. La durée de son séjour dans le Khouzistan, après sa déposition, fut de huit ans.

SULTAN MOHAMMED, FILS DE MAHMOUD.

Il monta sur le trône, après la déchéance de son frère. Il prit de l'ombrage de la puissance de Khasbeg, fils de Bélenkiri, et le fit périr dans le kiosque d’Hamadan, avec Zengui le djandar. L'armée s'agita; mais le sultan fit jeter les têtes de ses victimes en bas du kiosque, et le tumulte s'apaisa. Ensuite, il se gagna le cœur des émirs, à force de présents. On dit qu'il enleva de si grandes richesses du trésor de Khasbeg, que dans le nombre il y avait treize mille charges d'âne d'or.[152] Le reste était en proportion. A Bagdad, on donna au sultan le surnom de Ghaïats ed-din Mohammed Cacim émir al-mouminin. Son oncle Soleïman Chah s’enfuit du château de Cazouïn[153] par le secours de Mokhtassle cotoaal (gouverneur); et, d'un commun accord, l’atabeg Ildéguiz, Albacach Koun-Khar (derrière d'âne),[154] Fakhr ed-din Zengui, Alp Arghou-Bazdar (le fauconnier), Ioucef Kharezm Chah, beau-frère de Soleïman, marchèrent contre Mohammed. Le sultan n'avait pas la puissance nécessaire pour leur résister. Il se dirigea vers Ispahan, avec Mouvaffec Curd-Bazou (bras de héros), Réchid-Djandar[155] et……...[156] Tout le monde consentit à reconnaître l'autorité de Soleïman Chah. Il ne vint à l'esprit de personne qu'une construction aussi solide, un édifice aussi stable, pût être renversé par quoi que ce fût. Mais tout à coup Soleïman Chah soupçonna les émirs, à cause de son extrême infortune.

Il s'enfuit durant la nuit. A l'aurore, les émirs commencèrent à piller, et s'emparèrent du trésor et des chevaux de Soleïman Chah. Mais ensuite, se défiant les uns des autres, ils se retirèrent chacun dans son pays. Le sultan Mohammed revint à Hamadan, sans essuyer aucune peine. L'autorité fut affermie en sa personne. Soleïman Chah se retira dans le Mazandéran. De cette province, il alla à Ispahan; mais il ne put rien faire, et se réfugia près du khalife. Celui-ci lui donna le surnom de Al-Mélik al-Mostadjir (le roi qui implore le secours de Dieu), lui fournit des bagages et des munitions, et lui accorda le titre de sultan. Soleïman se retira ensuite près de l’atabeg Ildéguiz. L’atabeg le secourut contre son propre gré. Ils marchèrent contre le sultan Mohammed. Celui-ci se dirigea à leur rencontre, avec une armée nombreuse et accompagne d'Inanedj, vali de Reï; de Mouvaffec Kurd-Bazou et de….[157] Les deux armées se livrèrent bataille, au bord de l'Araxe. Mohammed fut vainqueur. Soleïman s'enfuit et se retira à Mossoul. L'atabeg Ildéguiz se soumit à Mohammed, et envoya à la cour du sultan dans l'Irak, en qualité d'otage, son fils Pehlévan, qui fut connu dans la suite sous le nom d'atabeg Mohammed.

Cependant le sultan Sindjar vint à mourir dans le Khorasan; l'empire ne conserva ni couleur, ni parfum et le Khorasan sortit de la puissance des Seldjoukides.

A la fin de l'année 553 (1158 de J.-C.),[158] Mohammed marcha contre Bagdad avec une armée considérable, et dans la compagnie de Zeïn ed-din Ali Kutchuk, général des troupes de Mouçoul. La position du khalife devint pénible. Tout à coup on reçut la nouvelle que l’atabeg Ildéguiz et Mélik chah, fils de Mahmoud, étaient arrivés aux portes d’Hamadan. Sultan Mohammed prit le parti de la retraite. L'armée s'empressa de repasser le Tigre. Les Bagdadiens devinrent audacieux, et la multitude des fuyards parvint jusqu'à la porte de la demeure du sultan. Mohammed fut forcé de s'enfuir; il s’arrêta à une parasange de Bagdad, afin que les bagages le rejoignissent. Les troupes de Bagdad n’avaient ni assez de force, ni assez de courage pour marcher à sa poursuite l'espace d'une parasange. Zeïn ed-din Ali Kutchuk montra de la bravoure, si bien qu'il fit parvenir les bagages en sûreté, près du sultan, à Holvan.

Lorsque le sultan fut arrive près d’Hamadan. L’atabeg Ildéguiz se retira, et Mélik Chah retourna dans le Khouzistan. Mohammed envoya un message au khalife, fit la paix avec lui, et demanda en mariage sa fille Kerman Khatoun. Lorsque cette princesse approcha d'Hamadan, le sultan, quoiqu'il fût malade, alla à sa rencontre; mais, à cause de son état de maladie, il ne consomma pas son mariage avec elle. Il mourut dans le mois de dzou’lhidjdjeh 554 (janvier 1159), après un règne de sept ans.

SULTAN SOLEÏMAN CHAH, FILS DE MOHAMMED.

Il fut ramené de Mossoul, grâce aux efforts de Mouvaffec Curd-Bazou, qui était le plus puissant des émirs; et on lui donna la royauté. Pour contenter l’atabeg Ildéguiz, il déclara son successeur Arslan, fils de Thogril. Les émirs Mouvaffec Curd-Bazou. Inanedj, gouverneur de Reï,[159] et plusieurs autres, se méfièrent des intentions du sultan à leur égard. Ils mandèrent Arslan, fils de Thogril, et l'atabeg Ildéguiz. Tous deux arrivèrent à la fin de ramadan 555 (septembre 1160). Soleïman Chah fut déposé et emprisonné, après un règne de huit mois. Il mourut en prison, dans l’année 556. On ensevelit son corps à Hamadan, près de celui de son frère Massoud. Il avait reçu de Bagdad le surnom de sultan Moïzz ed-din Soleïman Chah Borhan émir al-Mouminin.

SULTAN ARSLAN, FILS DE THOGRIL.

Il monta sur le trône, après la déposition de son oncle, et épousa la fille du khalife, Kerman Khatoun. L'atabeg Ildéguiz, qui était le mari de sa mère, administra son royaume. Arslan reçut de Bagdad le surnom de Rocn Eddin Arslan Cacim émir al-mouminin. Izz Eddin Caïmaz,[160] vali d'Ispahan, et Inanedj, vali de Reï, montrèrent de l'inclination pour Mohammed, fils de Seldjouk Chah, et marchèrent contre Arslan. Les deux armées se livrèrent un violent combat près au château de Farrazin,[161] dans le canton de Caradj. Sultan Arslan fut vainqueur, et les confédérés prirent la fuite.

Du coté de l'Arran, le roi des Abkhaz fit une incursion sur le territoire musulman. Le sultan Alp-Arslan et l’atabeg Ildéguiz partirent pour le combattre. Ils lui livrèrent bataille dans les environs du château de Gag.(Gaga[162]), et furent vainqueurs. Les Abkhaz retournèrent dans leur pays. De nombreux prisonniers tombèrent entre les mains des musulmans. Jamais, jusque-là, ces derniers n'avaient soutenu d'aussi grand combat contre les Abkhaz, et n'avaient obtenu un butin aussi considérable. Par suite de cette victoire, la contrée de Cabban tomba au pouvoir des musulmans.

Vers ce temps, on apprit que les Mélahideh avaient construit et construisaient des châteaux dans les environs de Cazouïn, et que, par ce motif, les habitants de Cazouïn étaient pleins d'inquiétude.[163]

Le sultan Arslan partit pour faire la guerre à ces sectaires. En peu de temps, il prit quatre forteresses sur les Mélahideh; un de ces châteaux forts était le château de Cahireh, que le sultan Massoud n'avait pas pu prendre. Arslan lui donna le nom d'Arslan Cucha (sic).[164]

Arslan se rendit de Cazouïn à Ispahan. L'atabeg Zengui le Salgarien vint en cette ville lui rendre hommage, et reçut de lui un traitement flatteur. Le sultan le confirma dans la souveraineté du Fars. L'émir Inanedj, vali de Reï, se réfugia près du Kharezm Chah.

Dans l'année 561 (1165-6), une armée fut envoyée de Kharezm à son secours, par Sultan Chah,[165] fit de grands dégâts dans la contrée de Cazouïn, d'Abher et de Zendjan, et emporta du butin. Le sultan Arslan Chah et l'atabeg Ildéguiz partirent pour combattre Inanedj, mais il s'enfuit dans le Mazandéran; il revint à Reï dans l'année 563. Arslan fit marcher contre lui son frère utérin, l'atabeg Nosret ed-din Pehlevan Mohammed, fils d'Ildéguiz. Inanedj fut vainqueur, et poursuivit les fuyards jusqu'à Mezdécan.[166] L'atabeg Ildéguiz partit pour lui faire la guerre. Lorsqu'il fut arrivé aux portes de Reï, on se fit des propositions de paix; mais le lendemain matin, au moment où l'entrevue devait avoir lieu, on trouva Inanedj assassiné, et l'on découvrit que plusieurs de ses esclaves avaient pris la fuite. La possession de Reï fut acquise au sultan. Il la donna à l'atabeg Mohammed, qui épousa la fille d’Inanedj,[167] 2,... Khatoun; ce fut de cette femme que naquit Inanedj Cotloug.

Acsoncor, prince de Méragah, se révolta contre le sultan, et médita de le combattre. L'atabeg Mohammed partit, sur l'ordre du sultan, et le vainquit. Méragah fut confié aux frères du rebelle, Ala Eddin Kerneh, et Rocn Eddin Acta.[168]

Dans l’année 568 (1172-3), la mère du sultan Arslan mourut. L'atabeg Ildéguiz ne lui survécut qu'un mois. Le cadhi Rocn Eddin a écrit ces vers à ce sujet:

« O douleur ! la bienveillance du sort a disparu, et un monarque comme Chems Eddin est parti après elle. »

Dans le cours des révolutions du firmament, personne n'a signalé, en cinq cents ans, ce qui est arrivé dans ce seul mois. »

Dans l'année 569, le roi des Abkhaz se dirigea une seconde fois contre les pays musulmans. Le sultan partit pour le combattre, avec ses frères utérins, les atabegs Mohammed et Kizil Arslan, fils d'Ildéguiz. Mais il tomba malade; et il ne fut pas livré de combat important. Les deux armées s'éloignèrent l'une de l'autre. Le sultan retourna à Hamadan, et épousa Sitti-Fatimeh, fille d'Ala-Eddaulah. Il survécut quinze jours à ce mariage, et mourut au milieu de djoumada 2e 571 (31 décembre 1175),[169] après un règne de quinze ans, huit mois et quinze jours.

SULTAN THOGRIL, FILS D’ARSLAN.

Après la mort de son père, il monta sur le trône, et reçut de Bagdad les surnoms de sultan Rocn ed-din Thogril-Cacim émir Al-Mouminin. C'était un souverain puissant, doué dune belle figure, d'un bon caractère et d'un esprit agréable. Il a composé des poésies remarquables, entre autres les vers suivants:

« Hier, c'était une entrevue tellement délicieuse; aujourd’hui, c’est une séparation aussi désolante. Hélas ! sur le livre de ma vie, la fortune inscrit celle-ci pour un jour et celle-là pour un autre jour.[170] »

Au commencement du règne de Thogril, les rênes des affaires, générales ou particulières, furent tenues par son oncle paternel l'atabeg Mohammed, fils d’Ildéguiz, et le commandement de l'armée fut confié à son autre oncle Kizil Arslan. Tous deux montrèrent de la science et de la bravoure dans l'exercice de leurs fonctions. Le roi des Abkhaz[171] marcha contre l'Azerbaïdjan, et Mohammed, fils de Thogril, fils de Mohammed, qui était l'oncle paternel du sultan Thogril, se dirigea vers la province d'Irak, et la plupart des émirs se joignirent à lui. Les atabegs firent deux expéditions en un mois, et vainquirent les deux ennemis. Tant que l’atabeg Mohammed resta vivant, c'est-à-dire durant dix ans, le royaume du sultan Thogril fut un objet d'envie pour les jardins du paradis. Dans le mois de redjeb 581, les sept planètes se réunirent dans la même minute, dans le troisième degré de la Balance. Ce fut la première conjonction qui arriva dans les trois signes aériens, ou conjonction de toutes les planètes. Les astrologues prédirent qu'il ne resterait plus la moindre trace de culture sur la terre habitée; que les montagnes elles-mêmes seraient renversées, et que le vent les soulèverait à plusieurs guez de hauteur. Le poète Anvéri se distinguait par son exagération dans ses pronostics. Les hommes, par suite de la crainte que leur inspiraient ces prédictions, se construisirent des demeures dans les montagnes et sous la terre et dépensèrent pour cet objet des sommes considérables. Or, cette prédiction devait s'accomplir dans le premier mois d'automne. Il se trouva qu'au temps fixé, il n'y eut pas assez de vent pour vanner le blé. A cause du manque de vent, on ne put cette année-là vanner tout le blé.[172] Au jour désigné par les astrologues, on porta une lampe au haut d'un minaret; le vent n'éteignit pas la lumière, et elle brûla jusqu'à la nuit. Dans cette circonstance, la vérité de ce hadiths: « les astrologues en ont menti,[173] j'en jure par le maître de la caaba, » fut démontrée de toute évidence. Un homme considérable a dit à ce propos, en parlant d'Anvéri.

Vers. Anvéri a dit qu'à cause des vents violents les édifices et même les montagnes les plus hautes seraient renversés. Au jour marqué par lui, aucun vent n'a soufflé.

« O Dieu, qui envoies les vents, c'est toi qui as la science, et non Anvéri. »

Quoique, en apparence, cette prédiction ne fut pas accomplie, cependant, en vérité, elle obtint une réalisation complète. Dans la même année, Djenguiz Khan reçut dans le Touran le commandement de sa tribu, et s'occupa à soumettre les autres peuples mongols. Dans l'Iran, l’atabeg Mohammed. à qui était dû le bon ordre du royaume, mourut à Reï, au mois de dzou'lhidjdjeh de cette même année, et l'état fut rempli de troubles. Les grands de l'empire s'attaquèrent l'un l'autre, et chacun se révolta. Cette conduite ne réussit à aucun d'eux. Après la mort de l’atabeg Mohammed, Thogril confia l'autorité et le commandement des troupes à Kizil Arslan. Plusieurs brouillons semèrent la défiance entre lui et le sultan. L’atabeg Kizil Arslan épousa la veuve de son frère ………….. Khatoun,[174] fille d’Inanedj. Pendant la pompe qui accompagna cette union, il ne surveilla plus d'aussi près sultan Thogril. Le sultan se sépara de lui, et se rendit à Semnan. Kizil Arslan partit à sa poursuite. Ils se rencontrèrent dans les environs de Daméghan, et se battirent durant quelques jours. Malgré le nombre de ses troupes, l’atabeg Kizil Arslan fut vaincu, et se retira à Reï, puis dans l'Azerbaïdjan. Le sultan se rendit à Hamadan. Une armée considérable arriva de Bagdad au secours de Kizil Arslan. Les confédérés combattirent le sultan, sur le bord du Séfid-Roud, et furent défaits.[175] Le sultan se dirigea vers l'Azerbaïdjan. L’atabeg Kizil Arslan se rendit à Hamadan, et fit faire la khotbah au nom de Sindjar, fils de Soleïman Chah. Puis il retourna dans l’Azerbaïdjan, afin d'attaquer le sultan. Celui-ci se retira dans l’Irak. Cotloug Inanedj, fils de l’atabeg Mohammed, se révolta contre le sultan, et s'empara d'Ispahan. Thogril partit pour le combattre. Cotloug se retira d’Ispahan à Zendjan, par la route de Saveh. Le sultan le suivit; ils en vinrent aux mains. Thogril fut vaincu, à cause dune maladie dont il souffrait alors, et retourna à Hamadan. Kizil Arslan arriva tout à coup, se saisit du sultan et de son fils Mélik Chah, et les envoya dans l’Azerbaïdjan où ils furent emprisonnés dans le château de Kehran.[176] La puissance souveraine passa entre les mains de Kizil Arslan. Mais, le matin même du jour où il devait s'asseoir sur le trône, il fut trouvé assassiné.[177] Cela arriva dans le mois de chevval de l’année 587. On imputa sa mort aux fedaï Mélahideh.

La même nuit, l'atabeg Nosret ed-din Abou Bekr, fils de Mohammed, partit pour l'Azerbaïdjan, et monta sur le trône. Seïf ed-din Mahmoud délivra de prison sultan Thogril et son fds, et les conduisit dans la capitale de l’Irak. Au milieu de djoumada second 588, le sultan Thogril livra une bataille à Cotlough Inanedj, près de Cazouïn, et fut vainqueur. Vers la même époque, le Kharezm Chah Tacach arriva à Reï, et disputa au sultan la royauté de l'Irak. Ils conclurent la paix, à condition que la possession de Reï serait laissée à Tacach. Celui-ci s'en retourna à la suite de cet accommodement. Thogril, pour éloigner toute cause de discorde, épousa………. Khatoun, mère d’Inanedj Cotlough. Cette princesse conspira avec son fils. Tous deux formèrent le dessein d'empoisonner le sultan. Celui ci devina leur projet; il fit boire le breuvage à la princesse, qui mourut sur le champ. Thogril fit arrêter Inanedj Cotlough et l'emprisonna; mais au bout de quelque temps, il le relâcha sur l'intercession des grands de l'Etat. Alors Inanedj Cotlough disputa à son frère Nosret ed-din Abou Bekr la possession de l'Azerbaïdjan. Ils se combattirent quatre fois en l'espace d'un mois. L'atabeg Abou Bekr demeura vainqueur. Inanedj Cotlough se réfugia auprès du Kharezm Chah Tacach Khan. Celui-ci envoya une armée à son secours.

Dans le mois de moharram 590, une bataille s'engagea près de Khar Reï. Le sultan Thogril fut vainqueur. C'est à ce sujet que l'on a dit:

Roubaï. — O roi, devant tes illustres guerriers le Kharezmien est méprisable; il est avili par ton khandjar tranchant. Dorénavant, on ne pourra plus voir, si ce n'est en songe, le misérable Kharezmien sur toute la surface de ton meïdan (hippodrome).[178]

A la suite de sa victoire, le sultan Thogril se rendit à Reï, et s'y livra à la boisson. C'est alors qu'il composa ces deux vers:

« Dans ce monde, nous nous repaissons et nous nous promenons; donnons et jouissons, et écartons tout souvenir fâcheux; ni la richesse, ni les maisons, ni les propriétés héréditaires ne sont stables; dis: ne laisse rien.

Le bruit de la marche de l'armée du Kharezm Chah et de sa prochaine arrivée se répandit promptement.[179] Les grands de l'empire du sultan Thogril écrivirent des lettres à Tacach. Thogril n'avait pas connaissance de cela, à cause de son goût pour les plaisirs. Son vizir a dit de lui:

« Si la puissance de Feridoun te profite beaucoup, tes jours seront semblables à la fête du naarouz (le nouvel an) par leur allégresse; mais si tu te plonges dans le sommeil de la négligence, lorsqu'il s'agit de tes propres affaires, je crains bien qu'il ne soit jour, lorsque tu t'éveilleras. »

Peu de temps après, Tacach arriva. Inanedj Cotlough se joignit à lui, et partit en avant contre Thogril, à la tète de l'armée kharezmienne. Ils en vinrent aux mains, tout près de Reï, à la fin de rabi 1er 590.[180] Le sultan, emporté par ses illusions de jeune homme, par sa bravoure et par l'ivresse, engagea le combat, accompagné seulement d'une misérable troupe de soldats. Il se rencontra face à lace avec Cotlough Inanedj, et fit une charge, en récitant ces vers du Chah nameh:

« Lorsque la poussière se fut élevée sous les pieds de cette nombreuse armée, les joues de nos guerriers célèbres devinrent jaunes de frayeur. Pour moi, je frappai un seul coup de cette massue, et je laissai l'armée dans le même endroit. Je poussai de dessus ma selle une telle clameur, que la terre tourna sous leurs pieds comme une meule. »

Il ignorait que, dans le moulin de la fortune, le meunier de la puissance céleste broyait le grain de sa vie sous la meule de la destruction. Comme la fortune lui avait tourné le dos, il ne put la retenir par sa bravoure. Dans son ivresse, il frappa un coup de massue sur les pieds de devant de son cheval. Celui-ci tomba la tête en avant, et le sultan fut désarçonné. En ce moment, Inanedj Cotlough arriva près de lui. Thogril lui dit: « O héros du monde, je suis le sultan, accorde-moi la vie. » Inanedj Cotlough répondit: « Au moment de mourir, n'attends pas de moi de la grandeur d’âme. Ta mort est l'objet de tout ce tumulte. » En même temps, il le frappa d'un coup de javeline à la poitrine, et le tua. Le Kharezm chah Tacach arriva sur l'heure. Il fit couper la tête de Thogril, l'envoya au khalife, et mit en croix son corps, dans la ville de Reï. On a composé à cette occasion les vers qui suivent:

« O roi, aujourd'hui la possession de ce monde est une cause d’affliction; la voûte azurée change à chaque instant de couleur; hier, il n'y avait entre ta tête et le ciel que l'espace d'un guez (moins d'un mètre). Aujourd'hui, il y a la distance d'une parasange entre ta tête et ton corps. »

Tacach Khan dit à un compagnon de plaisir du sultan Thogril: « La bravoure du sultan était telle, qu'il n'a seulement pas pu résister à une de nos charges.[181] » Cet homme répondit:

Vers. —Houman était plus fort que Bijen; le mérite devient un défaut lorsque la fortune se détourne de nous.

La puissance des sultans seldjoukides finit dans l'Irak avec le sultan Thogril; et cette province tomba au pouvoir des Kharezmchahi. Les émirs et les atabegs des Seldjoukides, qui s'étaient révoltés contre eux, en furent tous punis par une grande infortune, et éprouvèrent un malheur de la part de ceux-là mêmes à qui ils avaient eu recours. Pour avoir refusé de défendre leur bienfaiteur, ils furent anéantis l'un après l'autre. Puisse Dieu n'éprouver personne par le péché d'ingratitude !

Parmi les atabegs qui ne se révoltèrent pas contre les Seldjoukides, était l'atabeg Nosret ed-din Abou Becr, fils de Mohammed, fils d’Ildéguiz. Après la mort de son oncle Kizil Arslan, ce prince exerça, pendant vingt ans, la souveraineté sur l'Arran et l'Azerbaïdjan, et mourut en l'année 607. Son frère Mozaffer ed-din Uzbeg lui succéda, et régna quinze ans. Dans l'année 622, lorsque le sultan Djélal ed-din Mankberni, Kharezm Chah, se fut emparé de l’Azerbaïdjan, Uzbeg mourut dans le château d'Alendjak,[182] de chagrin et des suites d'une colique.[183] Son fils Khamouch et son esclave Caradjah essayèrent pendant quelque temps de s'emparer du pouvoir, avec des succès fort divers, mais ils ne réussirent pas, et le royaume tomba aux mains des Kharezmchahi.

A la suite de ce long chapitre, Hamd Allah a donné, en cinq pages, l’histoire des deux dynasties des Seldjoukides du Kerman et de l'Asie Mineure. Cette portion de son livre ne présentant guère qu'une sèche nomenclature de princes, j'ai cru devoir la remplacer par la traduction d'un autre chapitre du Tarikhi Guzideh, qui complète sur quelques points l'histoire des Seldjoukides de la Perse.


NEUVIÈME SECTION DU QUATRIÈME CHAPITRE, § 2.[184] TOUCHANT LES ISMAÉLIENS DE L'IRAN, QUI FURENT AU NOMBRE DE HUIT, ET DONT LA PUISSANCE DURA CENT SOIXANTE ET ONZE ANS, DEPUIS L'ANNÉE 483 (1090 DE J.-C.), JUSQU'A L'ANNÉE 654 (1256).

Le premier d'entre eux était Hassan Ibn Sabbab, fils d'Ali, fils de Mohammed, fils de Djafer, fils de Mohammed Essabbah, de la postérité de Youssouf Himiari, roi du Yémen.[185] Dans le principe, il était chiite et de la secte des partisans des douze imams, et chambellan d'Alp-Arslan, le seldjoukide.[186] Mais il fut converti à la secte des partisans des sept imams, par les discours d’Abd el-Mélik Athach.[187] Une dispute eut lieu, ainsi qu'il a été raconté, entre lui et le vizir Nizam el-Mulc touchant le compte du revenu[188] des provinces. Il s'éloigna de la cour du sultan Alp-Arslan, et se rendit à Reï, qui était le lieu de sa naissance, dans l’année 464 (1071-2); et comme il n'était point tranquille, par suite de la crainte que lui faisaient éprouver le sultan et Nizam el-Mulc, il passa en Syrie, dans l'année 474 (1081-1082), et invita les hommes à reconnaître Nizar, fils de Mostancir.[189] Il résida quelques années dans cet endroit, Nizar lui donna un de ses fils, encore enfant. Hassan amena cet enfant dans l’Iran, et l’éleva. Comme Nizam el-Mulc le faisait chercher, il se cachait avec soin. Il s'arrêta dans la contrée d’Ispahan, chez le reïs Aboul Fadhl Lonbani.[190] Un jour, au milieu de ses dévotions, il dit: « Si je trouvais deux amis dévoués, je troublerais ce royaume. » Le reïs Aboul Fadhl supposa qu'il était atteint de folie. Car (se disait-il), comment un empire qui s'étend depuis les frontières les plus reculées du pays de Cachgar, jusqu'à Antioche, recevrait-il du dommage, de l'assistance prêtée par deux hommes à Hassan? » Dans cette pensée, il servit à Hassan les aliments et les boissons que l’on a coutume de servir aux personnes atteintes de démence. Hassan comprit le motif de cette conduite. Il alla d’Ispahan à Reï, et appela en secret à sa doctrine les habitants de divers châteaux. Le reïs Mozaffer, qui était gouverneur de Kirdkouh, au nom de l’émir Dad Habech,[191] et Hossein Caïni, gouverneur de Terchiz, forteresse du Couhistan, et les gouverneurs d'autres châteaux du Khorasan, accueillirent ses prédications. Il se dirigea vers Cazouïn, et envoya des dais à Alamout. Les habitants de ce lieu entrèrent dans sa secte. Dans l'année 483, il monta dans la forteresse d'Alamout. Le nom de ce château, dans l'origine, était Alah-Amout, c'est-à-dire le nid de l'aigle;[192] et, par une circonstance merveilleuse, le total des valeurs numérales des lettres qui composent le mot Alamout, fournit la date de l'année de l'entrée d'Hassan dans Alamout, selon l’ère des Arabes. A cette époque, un Alide nommé Mehdi occupait Alamout, au nom du sultan Mélik Chah.[193] Hassan lui dit: « Comme je n'ai aucune propriété dans ce château, je ne me crois point permis d'obéir en ce lieu. Si tu le juges convenable, vends-moi dans la forteresse autant de terre qu'il en pourra tenir dans une peau de bœuf, afin que j'obéisse pour ma possession, et que je ne pèche point envers Dieu. » Mehdi lui céda cette quantité de terre. Hassan coupa une peau de bœuf en lanières, l’étendit autour du château, et dit: « Tout le château m'appartient, » Mehdi n'eut pas le pouvoir de résister, il lui abandonna la forteresse.[194] Hassan écrivit un bon de trois mille dinars, à toucher, comme prix du château, sur le reïs Mozaffer, gouverneur de Kerdkouh.[195] Puis il s'occupa de prêcher sa doctrine.

Le sultan Mélik Chah avait un esclave nommé Altountach, auquel il avait donné le Roudbar, en guise de fief. Cet homme faisait des incursions contre le château, et tuait tous ceux des compagnons d'Hassan qu'il rencontrait. La situation d'Hassan devint difficile et gênante; car il n'avait point encore amassé de provisions dans la forteresse. Altountach vint à mourir, et la puissance d'Hassan se fortifia de jour en jour. Hossein Kaïni gagna à la secte un grand nombre d'hommes dans le Couhistan. On représenta ces événements au sultan Mélik Chah. Il envoya une armée considérable, commandée par Arslan Tach, pour exterminer Hassan, et Kizil-Tach,[196] avec un fort détachement, contre Hossein Kaïni. Arslan Tach serra de près Hassan, et peu s'en fallut que le château ne fut pris. Dans ce temps-là, il y avait dans la place, avec Hassan, soixante dix hommes. Le dihdar Abou Ali Ardestani envoya, du Couhistan, de Thalekan et de Reï, trois cents hommes, au secours d'Hassan. Ces hommes attaquèrent de nuit l'armée d'Arslan Tach, et furent vainqueurs.[197] Arslan retourna vaincu à la cour du sultan.

Vers ce même temps, le vizir Nizam el-Mulc, qui avait excité le sultan à exterminer les hérétiques, périt de la main d'un fedaï ismaélien, à Sahneh.[198]

Mélik Chah aussi mourut à Bagdad, à la même époque. Dans le Couhistan, Kizil Tach réduisit Hossein Kaïni aux dernières extrémités. Puis il s'en retourna, à cause de la mort du sultan. Après la mort de Mélik Chah, ses fils, Barkiaroc et Mohammed se firent la guerre au sujet de la royauté. Ils ne s'occupaient pas de l'affaire d'Hassan ibn Sahbah; de sorte que sa puissance prit de l'accroissement.[199] Dans le château de Lenbéser,[200] on n'exécutait point ses ordres. Dans le mois de zou’lcadeh 490 (août - septembre 1102), il envoya Kia-Buzurg-Umid-Roudbari, qui s'introduisit à la dérobée dans le château, en tua le gouverneur, et conquit la place.

Lorsque le sultan Mohammed, fils de Mélik Chah[201] fut reconnu en qualité de souverain, il fit des efforts pour détruire les Ismaéliens, et envoya une armée pour conquérir leurs forteresses. Le château d'Alamout fut assiégé durant huit ans.[202] A la fin, Mohammed envoya l’atabeg Chirguir, qui montra beaucoup de zèle dans la guerre et le siège.[203] Le château était sur le point d'être pris; mais cette conquête fut arrêtée par la mort du sultan.

Lorsque Sindjar fut monté sur le trône, il fit aussi des efforts contre Hassan. Celui-ci gagna une des concubines favorites du sultan,[204] qui, une nuit, enfonça un couteau dans la terre, auprès de la couche du prince. Hassan envoya à Sindjar le message suivant: « Si je n'avais point eu dans mon cœur de l’affection pour le sultan, ce couteau que l’on a enfoncé dans la terre durcie, aurait été plongé bien plus facilement dans son sein tendre et délicat. Quoique j'habite la cime de ce rocher, ceux qui sont vos confidents sont dans un accord intime avec moi. » Le sultan fut rempli de crainte par ce message; désormais il ne fit plus d'entreprise contre Hassan, et le tranquillisa en accueillant son message.[205]

La puissance d'Hassan parvint alors à son apogée. Le reïs Aboul Fadhl-Lonbani vint le trouver, et Hassan lui dit: « Tu vois ce que j'ai fait lorsque j'ai eu trouvé des amis dévoués, et cependant tu me soupçonnais de folie. » Le reïs répondit: « J'ai toujours confessé ton savoir, mais à l'esprit de qui eût-il pu venir qu'on pût amener la chose à ce point? » Hassan reprit: « Tu as vu ce que j'ai fait pour la puissance; si j'obtiens l'assistance divine, tu verras aussi ce que je ferai pour la religion. » Hassan affichait des prétentions à une tempérance parfaite, à un tel point que, dans l'espace de trente-cinq ans qu'il exerça l'autorité, personne ne but de vin dans ses états. Il avait deux fils; on les accusa de boire du vin et de pratiquer la fornication; il les fit périr tous deux sous le fouet.[206]

Lorsque, à l'époque du siège, Hassan se vit réduit aux dernières extrémités, il envoya sa femme avec deux de ses filles au château de Kirdkouh, et écrivit au reïs Mozaffer: « Comme ces femmes filent pour la maison de la prédication, donne-leur en retour ce qui leur sera nécessaire. » C'est une coutume suivie chez les Ismaéliens d'éloigner, au temps de la détresse, les femmes et les enfants.[207] La force du caractère d'Hassan était si grande que, pendant tout le temps de son gouvernement, il ne sortit que deux fois de sa maison, et qu'il ne monta sur sa terrasse qu'une seule fois.[208] Le reste du temps il était continuellement en prières, ou occupé à composer des écrits contenant des explications des dogmes fondamentaux et autres de la théologie, et des commentaires sur les institutions de la religion musulmane. Il disait qu'il y a un sens caché sous l'apparence extérieure de la loi, et que ce sens caché a lui-même un autre sens caché, et ainsi de suite. Le nom de Bathinien fut donné à cette secte à cause de cela.

Dans la nuit du mercredi 6 de rabi second 518 (de J. C. 1124), Hassan mourut. Il désigna pour son successeur Kia Buzurg Umid, afin qu'il appelât les hommes à sa doctrine, avec l’aide du dehdar Abou Ali, de Hassan Adem-Casrani,[209] et du Kia Abou Djafer.

Kia Buzurg Umid Roudbari succéda à Hassan, en vertu du testament de celui-ci. Il persévéra dans les impostures de son prédécesseur, et le regardait comme son guide et son modèle, mais il observait extérieurement la foi. Pendant quatorze ans, deux mois et vingt jours, il exerça l'autorité dans Roudbar et les châteaux des Ismaéliens,[210] et mourut le 26 de djoumada second 532 (11 mars 1138).

Mohammed ben Buzurg Umid succéda à son père. Il observait aussi de temps en temps la loi à l'extérieur Son fils affichait des prétentions à l’imamat, mais lui s'y opposait. Lorsqu'il eut régné vingt-quatre ans huit mois et sept jours, il mourut le 3 de rabi premier 557 (20 février 1162.)

Hassan, fils de Mohammed, fils de Buzurg Umid, exerça l'autorité après son père. Il prétendit à la dignité d'imam, sous le prétexte que Hassan ben Sabbah avait amené à Alamout un fils de Nizar, fils de Mostancir; que, lorsque cet enfant parvint à l'âge viril, il lui naquit un fils. Ce fils eut, dit-on, d'après une version, commercé avec la femme de Mohammed, fils de Buzurg Umid, laquelle mit au monde Hassan. D'après la croyance des Ismaéliens, toutes les actions défendues que l'imam fait sont licites et permises pour lui, et il n'y a pas de péché de sa part à les commettre. Bien plus, il est savant malgré l'imperfection même de ses connaissances.[211] D'après une autre version, Hassan était petit-fils de Nizar; sa mère le porta dans la maison de Mohammed, fils de Buzurg Umid, et le mit à la place de l'enfant de Mohammed, de sorte que la royauté parvint à ce rejeton des imams; mais les deux récits méritent peu de confiance. En somme, Hassan prétendit à l’imamat, à la faveur de cette fausse origine, et fit remonter sa généalogie à Mostancir de la manière suivante: Alcahir bi Couvveti’llahi Hassan,[212] fils d'Hadi, fils de Nizar, fils de Mostancir. Le 17[213] de ramadan 559 (8 août 2 164), à une époque ou la puissance des Ismaéliens du Maghreb était renversée,[214] sous le khalifat de Mostandjid et la souveraineté du sultan Arslan, fils de Thoghril le Seldjoukide, il fit placer au milieu de l'hippodrome un minber tourné du côté de la Kiblah, contre la coutume des musulmans.[215] Il arbora quatre étendards, l'un rouge, l'autre jaune, le troisième blanc et le dernier vert, au-dessus des quatre piliers du minber. Puis il dit: « Je suis imam, je dispense les hommes de toute contrainte, j'abroge les commandements de la foi. Cette période est l'époque fixée pour le jour de la résurrection;[216] il faut que les hommes soient intérieurement avec Dieu et qu'ils n'attachent aucune attention au culte extérieur. » Après ces paroles, il descendit, rompit le jeune et commit toutes sortes d'actes défendus. Ses sujets l'imitèrent; ils appelèrent ce jour la fête de la résurrection, et en firent le commencement d'une ère, ne daignant plus tenir aucun compte de celle de l'hégire. Sur chaque édifice élevé qu'ils construisirent par la suite dans cette contrée, ils écrivaient la date de la construction d'après l’ère de l’Id-alkiam. On surnomma Hassan Ala zierihi esselam (que le salut soit sur son nom!), et on lui adressait la parole en l'appelant du titre de khodavend (seigneur). Les musulmans de Cazouïn lui donnèrent le nom de Kourkia (le seigneur aveugle). Ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'il prétendit à la qualité de descendant d’Ali le 17 de ramadan qui est le jour même du meurtre de ce khalife. La base de sa doctrine est que le monde est éternel, le temps infini, la résurrection purement spirituelle. Le paradis et l'enfer sont des figures de langage. La véritable résurrection pour chacun, c'est la mort. Hassan expliqua à sa manière toutes les règles fondamentales de la loi, les fit aboutir à l'impiété et au polythéisme, et prononça que si dans ce temps de résurrection les hommes observaient le sens apparent de la loi, ils en seraient punis par les combats et les châtiments. Comme il excitait à regarder le mal comme permis et à renoncer à toute dévotion, l'ignorance prit en peu de temps de profondes racines dans le cœur des hommes. Tout son peuple fut bientôt affermi dans cette croyance. L'hérésie parvint à son comble, tellement que plusieurs d'entre les Ismaéliens crurent à la divinité d'Hassan. Lorsque la chose en fut arrivée là, quelques-uns qui professaient encore l'islamisme, et qui avaient conservé quelque dévotion préférèrent s'exiler du lieu de leur naissance; ils allèrent dans l’Irak et le Khorasan. Quelques autres, qui n'avaient pas le pouvoir de s'éloigner, prenaient patience et cherchaient l'occasion favorable. Lorsque le temps fixé fut enfin arrivé, Hassan, fils de Namver,[217] de la famille de Bouveïh, qui était frère de la femme d'Hassan, envoya celui-ci dans l'enfer, le 6 de rabi premier 561 (10 janvier 1166). Hassan avait régné quatre ans.

Mohammed, fils d'Hassan, fils de Mohammed, fils de Buzurg Umid, monta sur le trône après le meurtre de son père, et mit à mort Hassan, fils de Namver, avec toute sa famille. L'impiété augmenta sous son règne; les commandements de la loi furent entièrement anéantis dans cette contrée. De son temps les Ismaéliens versèrent beaucoup de sang, suscitèrent des troubles, causèrent de grands maux et enlevèrent des sommes considérables. Lorsque Mohammed eut régné quarante-six ans, il mourut le 10 de rabi premier 607. Quelques-uns ont dit que son fils Djélal Eddin Hassan, à cause qu'il désapprouvait la manière de vivre de Mohammed, lui fit prendre du poison, d'accord en cela avec les courtisans. Il régna après son père. Comme du vivant de celui-ci, il avait envoyé à Bagdad et auprès des sultans, et avait fait voir qu'il désapprouvait la conduite de Mohammed, lorsqu'il fut monté sur le trône, il jugea nécessaire de confirmer cette démonstration. Il fit disparaître de ses états les objets défendus, donna cours aux prescriptions et aux prohibitions de la loi, et manifesta son innocence de cette conduite blâmable tenue par son père. On envoya de Bagdad un diplôme qui rendait témoignage du retour d'Hassan à l'islamisme, et on le surnomma le nouveau musulman. Comme les habitants de Cazouïn, en raison du voisinage, étaient mieux informés des discours et des actions des Ismaéliens, il demanda aux imams de cette ville de lui envoyer des hommes de confiance. Ces individus tirèrent de la bibliothèque d'Hassan Sabbah et des autres Ismaéliens, les livres remplis de mensonges et les compositions des Baténiens et les brûlèrent. Conformément aux fetvas des habitants de Cazouïn, Djélal Eddin Hassan prononça des malédictions contre ses ancêtres, de sorte que la sincérité de sa foi fut connue des hommes avec certitude. Dans l’année 609 il envoya sa mère en pèlerinage. Le khalife la traita avec considération, et lui permit de distribuer gratuitement de l'eau aux pèlerins, avant tous les autres rois.[218] De plus, il permit que les émirs du Guilan et les autres musulmans s'unissent, par des mariages à Djélal Eddin Hassan. Celui-ci demanda en mariage quatre filles d'émirs du Guilan. Ala Eddin naquit de la fille de l’émir de Coutem.[219]

Djélal Eddin contracta amitié avec l'atabeg de l'Azerbaïdjan Mozaffer Eddin Uzbeg, et alla à son secours contre Menguéli, prince de l'Irak.[220] Ils passèrent ensemble une année et demie. L'Atabeg Uzbeg accorda à Hassan des marques de considération.

Lorsque Menguéli eut été vaincu, l’atabeg donna Abheret Zendjan à Djélal Eddin. Pendant un certain temps, ces deux villes furent soumises à son autorité. Lorsque Djenguiz Khan entra dans l'Irak, Hassan lui envoya faire sa soumission, Djenguiz Khan lui donna l’aman. Après que Hassan eut régné onze ans et demi, il mourut d'une dysenterie, au milieu de ramadan de l'année 618. Quelques-uns ont dit que ses femmes et sa sœur lui donnèrent du poison, et qu'on les fit périr pour ce motif.

Lorsque son père mourut, Ala Eddin Mohammed était âgé de neuf ans. Ayant renoncé à la conduite de son père et à l'islamisme, il s'abandonna à l'imposture et à la coupable tolérance de ses aïeux. Lorsqu'il parvint à l'âge de puberté, il répandit le sang avec excès; son cerveau se dérangea et il finit par devenir fou. Personne n'osait lui parler à ce sujet ou inventer un remède ou un moyen pour le guérir; il agissait d'après ses seules résolutions. En conséquence l'hérésie augmenta de son temps. On vit alors des maux de toute espèce: meurtres, vols, interruption des communications, impiété et tolérance coupable. Personne ne pouvait l'informer de ces actions. S'il en avait connaissance par lui-même, il faisait comme s'il les eût ignorées. La haine s'éleva entre lui et son fils Khorchah; ils se tendirent mutuellement des embûches. Ala Eddin avait un favori nommé Hassan Mazandérani; jusqu'à ce que la barbe de cet homme devint blanche, Ala Eddin se livra avec lui au péché de pédérastie. Il lui avait donné une de ses concubines en mariage. En présence de la femme ou du mari, il satisfaisait sa passion avec celui des deux qui lui plaisait.[221] Hassan Mazendérani l’avait pris en haine; il révéla cette haine à Khorchah: celui-ci resta muet. Hassan Mazendérani comprit que son silence était la preuve de son consentement. Lorsque Ala Eddin s'endormit ivre au sommet de la montagne, Hassan le tua, à la fin de chewal, de l'année 653 (1255).[222] Ala Eddin avait exercé le pouvoir trente-cinq ans et un mois, et en avait vécu quarante-cinq. Maulana Chems Eddin Aïoub Thavouci, a composé sur sa mort une élégie dont les deux vers suivants font partie.

« Comme Azran le trouva ivre au moment de saisir son âme, il le porta vers le lieu d'expiation des hommes injustes, pour dissiper son ivresse; les échansons de l'enfer se présentèrent devant lui, afin que la coupe de la joie fût brisée dans son sein. »

Rocn Eddin Khorchah monta sur le trône après la mort de son père. Afin d'éloigner les soupçons et de repousser l'accusation d'avoir participé au meurtre de celui-ci, il tua Hassan Mazandérani et ses enfants, en punition de l'assassinat d'Ala Eddaulah. Il envoya une armée pour conquérir le château de Chalroud-Khalkhal;[223] cette place fut prise et livrée à un massacre général. Lorsque Khorchah eut régné pendant un mois,[224] Houlagou Khan vint le combattre; on se fit une guerre acharnée. Comme Khorchah comprit qu'il n'avait pas le pouvoir de résister à Houlagou, il sortit du château de Meïmoun à la fin de chewal 654, et fit sa soumission à ce prince. Celui-ci ordonna de détruire les châteaux des Ismaéliens. Dans l'espace d'un mois, on conquit et on démolit près de cinquante châteaux forts, comme Alamout, Meïmoun-Diz, Lar,[225] Sérouch, Sorkh-Dizek, Tébreh, Behram-Diz, Ahen-Koub, Souran, Tadj, Samiran,[226] Ferdous, Mançourieh. Parmi tous les châteaux des Ismaéliens, il n'en resta plus en aucun lieu un seul florissant, excepté les deux forteresses de Kerdcouh et de Lenbéser, qui furent elles-mêmes conquises au bout de quelque temps. La puissance des Ismaéliens parvint à son terme; les mortels furent délivrés de leur tyrannie et de leur oppression, et le monde fut purifié de l'infidélité et de la révolte.[227] On avait jeté les fondements du château d’Alamout du temps du khalife abbasside Motevekkil et dans l'année 246 (860-1), par l'ordre de celui qui appelait vers la vérité (aldaï ila’l-hakki), Hassan, fils de Zeïd al-Bakiri, roi de cette contrée.[228] Il resta florissant l'espace de quatre cent dix ans.

NOTE ADDITIONNELLE.

On aurait tort de conclure, d'après les assertions de notre auteur, que le château d’Alamout fut entièrement détruit par Houlagou. Nous avons vu, dans le passage du Tarikhi Guzideh rapporté dans la note de la page précédente, que ce château existait encore sous le règne du fils de Houlagou. Les historiens orientaux et les voyageurs européens attestent son existence à des époques bien postérieures. Voyez les deux passages rapportés par M. Quatremère, Histoire des Mongols, t. I, p. 215, note. Le château d’Alamout servait de prison d'état sous les monarques séfévis ou sophis. L'auteur de l'Etat de la Perse (ms. français de la Bibliothèque nationale, n° 10, 534-5), nous apprend (p. 15 et 16) qu'Ali Couli Khan, gouverneur de Tauris et sipehsalar ou généralissime, ayant été destitué une seconde fois, par Chah Abbas II, pour ses cruautés et ses exactions tyranniques « fut relégué vers Kasuin, avant esté envoyé du commencement en prison en un château appelé Alamout, et depuis un peu eslargy. » Chardin rapporte (t. X, p. 20) que Chah Soleïman mit Séfi Couli Khan, gouverneur d'Arménie, en prison à Alamouth, avec la princesse sa femme et Mir Ali Beg son second fils. Puis il ajoute: « Alamouth est un fort château proche de Casbin, bâti sur une haute roche, aux bords d'un précipice, qui sert de tout temps de prison aux illustres disgraciez, et où, dans les siècles précédents, les rois reléguaient les personnes de leur sang, et d'autres, dont on voulait se défaire sans éclat. »

On serait mal fondé à croire qu'Houlagou parvint à extirper entièrement de ses états la doctrine des Ismaéliens. Il n'y réussit pas mieux que son contemporain, le sultan Beïbars en Syrie. Hamd Allah Mustaufi, dans son Traité de géographie intitulé Nozhet-el-Coloub, s'exprime ainsi: « Les habitants du canton de Roudbar (dans lequel était situé Alamout) professent les doctrines des Bathiniens. » (Ms. Schulz; ms. persan 127, fol. 367 v.) Moiin Eddin Mohammed d'Isfizar, auteur d'une histoire d'Hérat, rapporte que de son temps, c'est-à-dire vers l'année 1500, une partie des habitants du Couhistan étaient encore attachés aux dogmes des Ismaéliens. Ils levaient parmi eux une contribution pécuniaire, sous le titre de denier de Hassan Sabbah, dont le produit était consacré à l'entretien et à l'ornement de son sépulcre, etc. L'on dit même, ajoute cet écrivain, que mainte vieille femme met à part chaque dixième pelote de fil qu'elle a filée, ce qu'elle appelle la dîme de l'imam, c'est-à-dire de Hassan Sabbah. » (Voyez M. d'Ohsson, Histoire des Mongols, t. III, p. 202; 203, note. M. Quatremère, Histoire des Mongols de la Perse, p. 176, note.) Chéref Eddin Ali Iezdi, dans son Zafer nameh ou histoire de Timour (ms. de Brueix, fol. 239), fait mention des Mélahideh ou Ismaéliens de la bourgade d'Ankévan.

Un voyageur anglais, le colonel Monteith, a décrit les ruines d'Alamout. Voici les détails qu'il donne sur cet endroit: « Nous commençâmes l’ascension d'une montagne raboteuse et escarpée, sur la cime, ou plutôt autour des côtés de laquelle (car il renfermait une portion considérable de la partie supérieure) courait un mur solidement bâti en pierres. Sur le sommet est une tour qui, étant entièrement renfermée dans l'enceinte du mur extérieur, était probablement destinée seulement à servir de vigie. Sur un côté, au-dessus d’un profond ravin, il paraît y avoir eu une résidence considérable, qui avait jadis une communication, par le moyen d'un escalier étroit, avec un jardin situé en dessous. La partie inférieure de la montagne a été disposée en terrasse, mais le tout est loin de répondre à la description du paradis terrestre dépeint par quelques auteurs; le climat est réellement froid, et pendant au moins la moitié de l'année, cet endroit doit avoir été une habitation désagréable. . . . Dans l'édifice que je visitai, il n'y a pas d'inscriptions. Un réservoir de bains et une vaste place sont les seules constructions maintenant existantes. » (The Journal of the royal geographical Society of London, t. III, p. 15, 16.)

Dans son intéressant mémoire sur les trois principales sectes du musulmanisme, les Wahabis, les Nosaïris et les Ismaélis (Paris, 1818, in-8°), feu Rousseau a donné quelques détails sur les restes des Ismaéliens qui subsistaient en Perse au commencement de ce siècle. « Nous apprîmes, dit-il (p. 54), qu'ils conservent jusqu'à ce jour leur imam, qu'ils font descendre d’Ismaïl même, fils aîné de Djafar il-Sadek, et dont la résidence est à Kehk, petit village du district de Kom. Cet imam, nommé Schah Khalil-Ollah, a succédé à son oncle, Mirza Aboul kasem, qui joua un grand rôle sous le règne des Zendes.... Nous ajouterons que Schah Khalil Ollah est presque révéré comme un dieu par ses partisans, qui lui attribuent le don des miracles, l'enrichissent continuellement de leurs présents, et l'appellent souvent du nom pompeux de khalife......... Le commun des Persans connaît plus particulièrement ce personnage sous le nom de seïd Kehki. » Fraser, dans son voyage dans le Khorasan, a parlé avec plus de détails de ce même Khalil Allah; il est seulement en désaccord avec Rousseau, touchant le lieu de la résidence de ce chef de secte. Le passage de Fraser me paraît si curieux, que je crois devoir le reproduire ici en entier.

« …………….Aujourd'hui encore, le cheikh ou chef de la secte des Ismaélites ou Hassani, est aveuglément révéré par ceux qui subsistent encore, quoique leur zèle ait perdu le caractère profond et effrayant qu'il revêtait autrefois. Il n'y a pas longtemps (l'auteur écrivait en 1825) qu'un de ces sectaires, nommé Chah Khalil Allah, résidait à Iezd, tandis que Mohammed Zéman Khan, fils du premier ministre actuel, était gouverneur de cette ville. C'était un homme d'un caractère très respectable, d'une grande influence, et tenant à sa solde cent gholams (esclaves), qui lui appartenaient. Mais il fut mis à mort par les habitants d'Iezd, dans un tumulte auquel ils furent poussés par les actes tyranniques de leur gouverneur. Chah Khalil Allah accorda son assistance au gouverneur, et les Iezdis, mécontents de cela, fondirent dans sa maison et le massacrèrent, Les Bhoras de l’Inde étaient particulièrement dévoués à leur saint, et plusieurs, ce jour-là, se sacrifièrent pour sa cause. Entre autres, la résistance opposée aux meurtriers par un pehlévan (lutteur) indien de cette secte, est particulièrement mentionnée: il se plaça devant la porte de la chambre jusqu'à laquelle les insurgés avaient pénétré, et la tint fermée avec ses bras vigoureux, jusqu'à ce qu'il tombât couvert de blessures.

« Mirza Abd Errezzak, qui fut en relations avec cet homme durant son séjour à Iezd, raconte comme une preuve curieuse du respect dans lequel il était tenu, qu'un jour, tandis que lui-même faisait une visite au saint, celui-ci s'occupait, dans le cours de la conversation, à couper les ongles de ses mains et de ses pieds. Le Mirza ramassa les rognures de dessus le tapis pour les jeter; alors un Indien de la secte, qui se trouvait dans la chambre, assis à une distance respectueuse, l'empêcha d'agir ainsi, par un geste significatif. Lorsqu'il quitta la chambre, l'Indien le suivit et lui demanda avec beaucoup d'instances les morceaux d'ongles, comme une possession très précieuse, ce que le Mirza, souriant en lui-même de la superstition de cet homme, lui accorda au bout de quelque temps. C'est ainsi que les rognures de ses cheveux, l'eau dans laquelle il s'était lavé, et de pareilles saletés étaient conservées comme de précieuses reliques par ses sectateurs. Au lieu de payer des gages à ses serviteurs, il leur donnait souvent une de ses vieilles robes qu'ils coupaient en morceaux et vendaient pour un prix élevé aux pèlerins qui venaient visiter le saint. Ces dévots sont si ardents à répandre des présents sur leur chef spirituel, que celui-là avait accumulé de grandes richesses. Il fut remplacé dans son caractère religieux par un de ses fils, qui obtint de la secte un respect pareil. » (Journey into Khorassan, p. 376, 377.)

 

 

 



[1] On peut consulter, sur cette expression et sur l'adjectif Zendik, d’où elle dérive, une curieuse note de M. Quatremère, Mémoires historiques sur la dynastie des khalifes fatimides, p. 35-38. Aboulféda raconte que le khalife abbasside Mahdi, étant arrivé à Halep, apprit qu'il y avait dans cette contrée des zendiks. Il les rassembla, les tua et déchira leurs livres. Annales muslemici, t. II, p. 44. D'après le même auteur (ibid. p. 50), le poète Béchchar fut tué à cause de son impiété. Ce Béchchar, ajoute Aboulféda, préférait le feu à la terre et approuvait la conduite d’Iblis, refusant de se prosterner devant Adam. » (Cf. Ibn Khallican, traduction de M. de Slane, t. 1, p. 255.)

[2] D'après Makrizi (cité par Silvestre de Sacy, Exposé de la religion des Druzes, i. I, p. XVIII), « cette secte prit naissance dans l’école de Hasan, fils d'Abou'l Hasan Basri, après la centième année de l'hégire. Les Motazales ..... soutinrent que les actions des hommes leur appartiennent et que Dieu n'est point le créateur du mal. Ils enseignèrent ouvertement que Dieu ne sera point vu par les hommes dans l'autre vie; ils nièrent que le Corps dût éprouver le tourment du sépulcre; ils soutinrent que l'Alcoran est créé et a eu un commencement, et plusieurs autres propositions particulières à leur secte. Les Motazales nommaient leur système de doctrine la justice, et la profession de l’unité [Ibid. p. x, xi et xii, note). Mais, quoi qu'ils aient pu faire, le nom de Cadris, qui désigne leur croyance au système du libre arbitre, leur est demeuré, comme on peut le voir dans un passage du Tarifât (cité par S. de Sacy, loc. laud.).

[3] Selon Makrizi (ibid. p. 12), les Kharidjis enseignaient que tout péché rend infidèle et qu'on peut légitimement se soulever contre l'imam et combattre contre lui.

[4] Voyez le même ouvrage (p. xiv - xvi).

[5] Le manuscrit 25 ajoute, « et aux Salgariens ».

[6] On peut consulter, sur ce Thogril, Aboulféda, Annales, t. III, p. 138, 140; Mirchondi Historia Gasnevidarum, p. 117-121, et le Tarikhi Guzideh, ms. 15 Gentil, fol. 179 r. et v.

[7] Voyez Aboulféda, ibid. p. 514, 516, Mirchond's Geschichte des sultane aus dem Geschlecht Bujek, p. 27, 28. Voyez encore Aboulféda, ibid. p, 460, et Mirkhond, Histoire des Samanides. p. 181 et p. 255, note 84, de mon édition.

[8] Israïl, fils de Seldjouk, parait être le même personnage qui est appelé, par Ibn Alathir, Arslan (t. V, fol. 61 v.).

[9] Le nom de Calendjer est mentionné dans divers passages de Firichtah publiés par F. Wilken (Mirchondi Historia Ghasnevidarum, p. 150, 169, 205, 232, 240). On trouve sur Calendjer un article intéressant dans le East India Gazetteer, de Walker Hamilton (verbe Callinger).

[10] Ce personnage était gouverneur de Thous. (Voyez ma traduction de l’histoire des Samanides, de Mirkhond, p. 208. Cf. Mirchondi Historia Gasnevidarum, p. 29, 30, 33, 54, 55, 59.) Au lieu d’Aldjazib, Ibn Alathir (ma. de C. P. t. V, fol. 72 r.) écrit le trésorier. Il ajoute que ce personnage conseilla à Mahmoud de faire couper les ponces des Turcs, afin qu'ils ne pussent plus se servir de leurs arcs, ou bien de les faire noyer dans le Djeïhoun.

[11] L’écrivain de ces lignes ne regarde point comme exact ce qui est consigné dans la plupart des chroniques célébras, à savoir que le sultan Mahmoud fit Inverser la Djeïhoun aux enfants de Seldjouk, dans le dessein de s’emparer de leurs richesses, et qu’Arslan Hazib (sic) essaya en vain de détourner le sultan de cette conduite. Mirchondi Historia Gasnevidarum, p. 22

[12] Je lis Djéghir ou Tchekir, avec Mirkhond; au lieu de Djafer. Aboulféda (t. III, p. 104) écrit Djaghrou. M. Quatremère (Histoire des Mongols, p. 445) a lu Tchefr beigh sur la foi du Tarikhi Vassaf. Aux deux fils de Micaïl, cité dans notre auteur, Ibn Alathir en ajoute un nommé Beïgou.

[13] On pourrait lire et traduire « leur portaient des présents. »

[14] A la place de Soubachi, je pencherais à lire Siachi. En effet nous voyons dans Mirkhond que ce mot signifiait général. Cf. Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 71 v.). Ailleurs, l'auteur du Rouzet esséfa (op. supra laud.) appelle le personnage dont il est ici question, Siachi. Je croie qu'il dot lire aussi Siachi Téguin et non Siasi Téguin dans plusieurs passages de l'Histoire des Ghaznévides de Mirkhond. Au lieu de Siachi, A. L. Davids écrit Basatchi ou Savatchi et traduit ce titre par « capitaine » ou « guerrier » (Grammaire turque, traduction française, p. xxiii.) D'Herbelot (Biblioth. orientalis, verbo Selgiuki) et Deguignes (Hist. des Huns, p. 187) lisent Bassaschi, qu'ils traduisent également par « capitaine. » A la place de Siachi Téguin, S. de Sacy a lu Sinaschi Téguin, dans sa notice du Tarikh otbi (Notice des manuscrits, t. IV, p. 384 et suiv.). Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, fol. 70 r. et v., 72 v. 73 r.) écrit Sabachi. Ailleurs (fol. 41 v.) il mentionne un individu nommé Sabachi Tekin.

[15] Cf. Mirkhond, Historia Seldschukidarum, p. 51. Dans cet ouvrage (p. 38 à 39), Mirkhond a suivi une version tout à fait différente de celle d’Hamd Allah.

[16] La même expression se retrouve dans Mirkhond et c’est par erreur que, en citant ce denier écrivain, M. Saint-Martin l'a traduit par « oncle maternel » (Mémoires sur l'Arménie, t. II, p. 204, note c), faute déjà commise par d'Herbelot (art. Thogril). Cet Ibrahim Inal se révolta contre Thoghril à deux reprises différentes, en 441 (1049) et en 450 (1058). Après lui avoir pardonné la première fois, le sultan le fit étrangler avec une corde d'arc. (Voyez Aboulféda, t. III, p. 130, 168 et 176; Mirkhond, p. 62, 63; M. Quatremère, Mémoires sur l'Egypte, t. II, p. 323, 324 et 327; et Saint-Martin. Ibid; p. 216.) Au lieu d'Ibrahim Inal, Deguignes (t. II, p. 190) a eu tort d'écrire « Ibrahim, fils d’Inal », et encore plus d'ajouter « fils de Seldgouk »; il est vrai que, plus loin, Deguignes a écrit Ibrahim Inal. On lit dans Ibn Alathir (fol. 70 r.) « Inal, nommé aussi Ibrahim, était frère utérin de Thoghril Beg et de Daoud. »

[17] J'ai adopté cette leçon, qui est donnée à la fois par le ms. 25, supp. et par Khondémir (Habib essiier, ms. de la Bibliothèque nationale, n° (d'entrée) 1750, fol. 341 v.). Khondémir (ibid.) place là bataille dont il est ici question dans le mois de ramadan 431. Au lieu de Zendaïécan et Dendekan, il faut sans doute lire, avec le Lobb el-Lobab (p. 107), Dendanécan. C’est le même endroit qui est appelé, dans Édrici, Dendalcan (trad. de M. A. Jaubert, t. I, p. 467). On lit, dans le Méracid al-Ittila (p. 257): « Dendanécan. » C'est une petite ville de territoire de Mervechchahidjan, à dix parasanges de cette ville, au milieu des sables. Elle est à présent dévastée, il n'en reste plus qu'un ribath (caravansérail) et un minaret. Elle se trouve entre Sarakhs et Merv. (Voyez aussi Aboulféda, Géographie, édition de MM. Reinaud et de Slane, p. 458.)

[18] A Hérat, le ms. 9 Brueix ajoute Ghiznin, et le ms. 25 supplément, Bost et Ghiznin.

[19] Il faut lire Ali, fils de Cameh. Ce personnage était lieutenant de Rocn eddaulah, à Reï. (Voyez ma traduction de l’Histoire des Samanides par Mirkhond, p. 148) Ibn Alathir nous apprend que l'année 373 vit mourir Ali, fils de Cameh, général de l’année de Rocn-eddaulah.

[20] Le ms. 25 ajoute le Fars. Thoghril Beg ne conquit pas lui même cette dernière province; mais Abou Mansour Foulad Sutoun, prince bouveïhide, qui s’était emparé de Chiraz, y fit faire la khotbah au nom de Thoghril, reconnaissant, par là, la suzeraineté du sultan seldjoukide. (Voyez Aboulféda, t. III, p. 140; Mirchond's Geschichte der sultans,Bajeh, p. 54; Ibn Khaldoun, ms. 743 quater du supp. ar. t. IV, fol. 238 r.)

[21] Mélik Réhim (Abou Nasr Khosrev Firouz) était un prince Bouveïhide, qui, après la mort de son frère Abou Calendjar Merzban (440=1048), s'était rendu maître de l'autorité à Bagdad. (Voyez Aboulféda, t. III, p. 138; Mirkhond, Geschichte der Sultane... Bujeh, p. 53; le même, Historia Seldschukidarum, p. 60.)

[22] Thoghril ne fit pas le pèlerinage de la Mekke, mais publia seulement qu'il allait le faire; et cela, afin de te ménager un prétexte de se rendre à Bagdad, qui était sur sa route. (Voyez Mirkhond, Geschichte der Sultane)

[23] On peut consulter, sur cet important événement, Aboulféda, t. III, p. 144 et 168-176; Mirkhond, p. 64-65; et surtout M. Quatremère, Mémoires sur l'Égypte, t. II, p. 320 à 328.

[24] Mot difficile à lire sur le texte de la BNF.

[25] Mirkhond est beaucoup moins explicite sur le» moyens employés par Amid el-mulc pour amener le khalife à consentir au mariage de sa fille avec Thoghril Beg. Voici comment il s'exprime: « Amid el-mulc Kunduri interposa sa médiation, et, grâce à la bonté des moyens qu'il employa, Caïm donna son consentement. (Hist. Seldschukidarvm, p. 65. Cf. Ibn Alathir, fol. 93 r.)

[26] On lit dans un passage du Méracid el-Ittila, rapporté par Weijers (apud Veth, Lobb el-Lobbab). Casran, c'est le pluriel persan de Casr, et ce mot désigne deux endroits appelés les châteaux, c'est-à-dire, l'intérieur et l'extérieur. Ce sont deux cantons considérables, situés près de Reï, dans les montagnes qui dépendent de cette ville. (Cf. le même passage, publié donc manière pins complète par Uylenbroék, Iraca Persicae Descriptio). Ibn Alathir nous apprend qu'après la mort de Mahmoud le Ghaznévide, Féna Khosrev, fils de Medjd-eddaulah, méditant la conquête de Reï, se dirigea vers Casran, qui était une place forte, et s'y fortifia (t. V, fol. 64 v.).

[27] D'après Ibn Djouti, Thoghril Beg mourut à Reï, le vendredi 8 de ramadan. Amid el-mulc assiégeait alors Cotoulmich, (sic), dans le château de Kerdcouh. On lui députa un courrier… Cet homme partit à la fin de la journée du vendredi et arriva près du ministre, le lundi, à l'aurore, ayant parcouru plus de soixante parasanges. (Mirat-ezzéman, ms. arabe 641, fol. 94 r.) Amid el-mulc se mit en route pour Reï, accompagné de l'armée et y arriva le samedi 16 de ramadan.

[28] Nos manuscrits paraissent présenter ici une lacune. Je crois donc devoir traduire le récit plus circonstancié d'Ibn Alathir: « Lorsque le sultan Thoghril Beg fut mort, Amid el-mulc el-Kunduri fit asseoir sur le trône Soleïman, fils de Daoud Djaghri Beg, frère du sultan Thoghril Beg. Ce dernier lui avait légué la royauté. La mère de Soleïman résidait auprès de Thoghril Beg, qu'elle avait épousé, après la mort de son premier mari. (Ibn Alathir, fol. 90 v.) Lorsque l’on eut fait la khotbah pour Soleïman, les émirs ne purent s'entendre. Baghi Sian et Ardem (Ibn Khaldoun, Ibn Djouzi) marchèrent sur Cazouïn, et firent prononcer la khotbah au nom d'Alp Arslan Mohammed, fils de Daoud Djeghri-Beg, qui était alors prince du Khorasan et avait pour vizir Nizam el-mulc. Les hommes étaient disposés en sa faveur. Lorsqu’Amid el-mulc el-Kunduri vit que l'affaire tournait contre lui, il ordonna de faire la khotbah à Reï pour le sultan Alp-Arslan et ensuite pour son frère Soleïman. » (Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 92 v. 93 r. Ibn Khaldoun, ms. du suppl. arabe, n° 742, t. IV, fol. 241 r. et Ibn Djouzi, Mirat-ezzèman, ms. arabe, n° 641, fol. 87 r. et v. 94 r. et v.) D'après le premier de ces auteurs (fol. 95 r.), dans l'année 458 (1066), Alp Arslan donna en fief la ville de Balkh à son frère Soleïman.

[29] D'après Ibn Alathir (ibid. fol. g3 v.), ce combat eut lieu auprès de Reï; on ignora la cause de la mort de Cotoulmicb, mais on dit qu'il mourut de frayeur (Cf. Aboulféda, t. III, p. 202; Ibn Khaldoun, fol. 41 r. et v. Ibn Djouzi, fol. 95 r. et v.)

[30] Puisqu'il est ici parlé des livres de compte chez les Orientaux, je ne crois pas hors de propos de transcrire quelques mots d'un auteur inédit, dont le nom m'est inconnu, mais qui, de son aveu, résidait depuis vingt ans à Ispahan, lorsqu'il écrivait son ouvrage: « Les livres ou papiers de compte, quoiqu'ils aient leurs gros couvercles de gros cartons et maroquin; ne sont reliés ni a la grecque ni a la romaine; ainsi ouverts des quatre côtés, leurs feuillets marqués de leur chiffre, pour en retrouver l’ordre et les remettre en estat et fermer les attachants avec une corde de soie croisée l'une sur l'autre, à la façon d'une balle ou fardeau.» (Etat de la Perse, fragment sans nom d'auteur, ms. de la Bibl. nationale, n° 10534.

[31] Par ce titre, Hamd Allah désigne sans doute le prince Pagratide Kakig, fils d’Apas, roi de Kars. (Voyez Saint-Martin, op. sup. laud. t I, p. 375.)

[32] Grégoire bar Hebraeus place ce mariage en l'année 459 de l’hégire (1066-7 de J.- C.); mais au lieu d'une fille du roi d'Arménie, il parle de la fille de la sœur de Fakrath (Bagrat), roi des Géorgiens et des Abkhaz. Cette assertion, du reste, est assez d’accord avec les paroles d’Ibn Djouzi (fol. 111 v.) et avec Ibn Alathir — Du reste, pour tout ce qui regarde les expéditions d’Alp-Arslan en Géorgie et en Arménie, il faut consulter une savante note de M. Saint-Martin, t. II, p. 224-229. (Voyez aussi le même ouvrage, t. I, p. 374, 375.) Au lieu de Soumari, qu'a lu Saint-Martin, d'après notre ancien ms. d'Ibn Alathir, la copie plus correcte et plus complète du même ouvrage que vient d'acquérir la Bibliothèque nationale, porte distinctement Sourmari, leçon qui est donnée par Aboulféda (cité par M. Saint-Martin, dict. loc.)y et qui se retrouve dans un autre passage d’Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 286 v. (Cf. Saint-Martin, ibid. t I, p. 132, et Sir W. Ouseley, Travels, t. III, p. 437.) Je profiterai de cette occasion pour indiquer et rectifier quelques erreurs qui ont échappé à M. Saint-Martin. Ce savant dit (p. 227) que la place désignée par Ibn Alathir sous le nom de Mariam Néchin, était une superbe ville, environnée par une muraille faite avec de grandes pierres, et garnie de croix attachées avec du plomb et du fer. Il faut en réalité traduire: « C'était une place fortifiée, et munie d’une muraille de pierres grandes et dures, attachées, etc. » On voit que le savant auteur des Mémoires sur l'Arménie a confondu ici et plus loin, p. 228, fortifiée, avec belle et le pluriel de dur, avec le pluriel de croix. M. Saint-Martin ajoute: « Les musulmans montèrent sur les barques qu'ils avaient amenées et donnèrent l'assaut à la ville, etc. Le texte dit seulement: «Les musulmans arrivèrent près de sa muraille; ils y dressèrent des échelles et montèrent sur le faite du mur, parce que les pioches étaient émoussées et ne pouvaient plus dire de trous, à cause de la dureté des pierres. — M. Saint-Martin continue ainsi: « Les habitants furent tous passés au fil de l’épée ou emmenés en captivité, et les édifices furent tous renversés et livrés aux flammes. » Ibn Alathir se contente de dire: « Ils (Mélik chah et Nizam el-mulc) brûlèrent les églises, les ruinèrent, et tuèrent un grand nombre d'habitants. Beaucoup d'autres embrassèrent l'islamisme et échappèrent au massacre. (Cf. sur cette expédition Ibn Djouzi, fol. 98 v.)

[33] Ce nom est écrit de trois manières différentes par nos trois copies. Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, f. 96 v.) dit que Romain fut fait prisonnier par un des esclaves de Gueuher Aiin. Cet historien ajoute: « Son maître l'avait précédemment offert à Nizam el-mulc, qui l'avait refusé par mépris pour lui. Gueuher Aiin en fit l'éloge. Nizam el-mulc lui dit: « Il est possible qu'il nous amène le roi des Grecs prisonnier. » (Cf. Ibn Djouzi, fol. 129 r.)

[34] D’après Bénakéti (ms. 526 de la bibliothèque de l'Université de Leyde), ce fut le gouverneur de Bagdad, Saad-Eddaulah (Gueuher Aiin), qui fit cette observation à l'inspecteur. Ces deux assertions ne sont point inconciliables: nous voyons ci-dessous (p. 442), que Saad-Eddanlah-Ariz fut blessé en voulant défendre Alp-Arslan. Or, Ibn Alathir dit la même chose de Saad-Eddaulah Gueuher-Aiin (f. 97 r. et 120 r.) Il paraîtrait, d'après cela, que Gueuher-Aiin réunissait les fonctions d'inspecteur aux revues et celles de gouverneur de Bagdad.

[35] D'après Mirkhond (Geschichte der Sultane... Bujeh. p. 56), le vrai nom de cet homme était Fadhl ben Haçan. Il était général du Bouveïhide Abou Mansour Foulad Sutoun. Il se révolta contre son maître, le fit prisonnier, et le retint enfermé dans une forteresse jusqu'à sa mort. Dans l’année 448 (1056), il s'empara de la province de Fars (Cf. Ibn Djouzi fol. 81 r). Lorsque Mélik Cader (lisez Caverd), le Seldjoukide, ajoute Mirkhond, se dirigea du Kerman vers le Fars, Fadhlouïeh, ayant pris la fuite, alla trouver en toute hâte Alp-Arslan. (Cf. sur la guerre de Caverd et de Fadhlouïeh, Ibn Djouzi, fol. 89 v. 99r. 100 r et v.) Il s'en retourna, après avoir reçu du divan de ce prince le gouvernement du Fars, moyennant un tribut. Mais lorsqu'il vit son autorité reconnue dans cette contrée, il se révolta ouvertement. Par ordre du sultan, le khodjah Nizam el-mulc conduisit une armée contre Fadhlouïeh, le fit prisonnier après un combat, et l'envoya au château d'Istakhar, où il resta en captivité, jusqu'à ce qu'il mourût. (Cf. les passages du Tarikhi Vassaf et de Khondémir traduits par M. Quatremère, Histoire des Mongols de la Perte, p. 445, 446.) Le savant que nous venons de citer n'a pas connu un endroit d’Ibn Alathir relatif aux mêmes événements, non plus que les passages d'Ibn Djouzi indiqués ci-dessus, à l'exception du premier de tous. C'est ce qui nous engage à donner ici la traduction du récit d'Ibn Alathir: « Dans l’année 464, le sultan Alp-Arslan envoya son vizir Nizam el-mulc, avec une armée, dans la province de Fars. Il y avait dans cette contrée une forteresse des plus inexpugnables, dont le maître Fadhlouïeh ne rendait pas au sultan une obéissance sincère. Nizam el-mulc l'assiégea et l'invita à se soumettre au sultan; mais il refusa. Le vizir le combattit; mais sans succès, à cause de l'élévation de la forteresse. Cependant les assiégeants séjournaient auprès de cette place depuis peu de temps, lorsque les habitants firent proclamer par un héraut qu'ils demandaient l'aman, afin de livrer la forteresse au vizir. Tout le monde fut étonné de cela. Le motif de la reddition du château fut que l'eau de tous les puits qui s'y trouvaient se perdit dans la terre dans la même nuit. La soif contraignit les habitants â se rendre. Nizam el-mulc leur accorda l'aman et reçut la forteresse. Fadhloun se réfugia sur le faite de cette place, où se trouvait un édifice élevé. Il s'y retrancha. Nizam el-mulc fit marcher une troupe de soldats vers le tien où étaient les parents de Fadhloun, afin qu'ils les lui amenassent et pillassent ce qui leur appartenait. Fadhloun apprit cette nouvelle; il abandonna son refuge, à la dérobée, avec les soldats qui l'avaient accompagné, et se mit en marche, afin de défendre sa famille. L'avant-garde de Nizam el-mulc se porta à sa rencontre. Il fut effrayé de son approche, et ceux qui étaient avec lui se dispersèrent. Il se cacha parmi des plantes. Un des soldats le rencontra, le fit prisonnier et le conduisit à Nizam el-mulc. Celui-ci le mena au sultan, qui lui donna l'aman et le relâcha. » (Ibn Alathir, ms. de C P. t. V. fol. 97 r. ou ms. du suppl. arabe n° 740, t. IV, fol. 82 r. et v.; cf. Ibn Khaldoun, fol. 242 v.) Je crois devoir joindre ici un extrait du récit d'Ibn al-Djouzi, qui présente des détails plus étendus et offre deux circonstances différentes: « Dans le mois de chaban (de l'année 461), on reçut la nouvelle que Nizam el-mulc avait fait prisonnier Fadhlouïeh, fils d'Alouïeh, le Chebancareh. Voici à quel sujet: Fadhlouïeh s’était précédemment révolté contre le sultan, avait fait la paix avec Carout Beg (sic) et s'était ligné avec lui contre Alp-Arslan. Il se fortifia dans ses châteaux, qui étaient des places fortes, et se renferma dans une forteresse appelée Kharchénah. Alp-Arslan était parti d’Ispahan, an commencement de moharrem, se dirigeant contre Fadhlouieh... Il arriva à Chiraz et y plaça deux préposés. Hasnouïeh, frère de Fadhlouïeh, vint le trouver et lui demanda l'aman. Il prétendit qu'il s'était séparé de son frère, lorsque celui-ci s'était révolté contre le sultan, il s'engagea à conquérir les châteaux et à faire connaître les richesses de Fadhlouïeh. Le sultan accueillit ses protestations, et lui promit de le bien traiter. Puis il marcha de Chiraz vers le Karman, tandis que Nizam el-mulc prenait successivement les châteaux de Fadhlouïeh, les unes par la sagesse de ses mesures, les antres de vive force. Il campa enfin auprès de Kharchénah et dressa une tente en face de cette forteresse Le sultan apprit que le frère de Fadhlouïeh était placé auprès de lui comme un espion. Il le fit venir, dans un accès d'ivresse et lut dit: « Où est ce que tu nous as promis ... Ce prince répondit: « J'ai désiré conquérir les châteaux et enlever les richesses de mon frère; mais un antre que moi a été chargé de ce soin. » Le sultan lui dit: «Tu en as menti, tu es l'espion de ton frère auprès de moi. » Puis il dit à l'émir Abou Ali, fils d'Abou Calendjar, fils de Bouveïh: « Prends-le et tue-le; car lui et son frère ont tué Abou Mansour. Abou Ali répondit: « Le fils de mon frère est ici; il est plus digne que moi d'exercer le droit du talion. » Il livra Hasnouïeh à son neveu. Celui-ci l’égorgea avec un couteau que lui donna le sultan. (Mirât ezzemam, fol. 117 r. et v. Cf. ibid. 118 r.) D'après le même auteur (fol. 122 r.), dans l’année 461, les serviteurs du sultan tuèrent Fadhlouïeh, au moment où il était sur le point d'être tiré de prison par ses affidés. — On peut comparer, sur la prise du château de Fadhlouïeh, plusieurs passages d'auteurs persans, rapportés par Sir William Ouseley, Travels in various countries of the East, t. II, p. 404-407. Un de ces écrivains, Ahmed al-Ghaffari, dans son Djihan-Ara, appelle la place en question le château de Horsèh à cinq parasanges de Djehrom. Le château de Khourcheh, à cinq parasanges de Djehrom, est mentionné dans le Nozhet el Coloub, chap. xii, section des châteaux. Khourcheh est le nom que le même auteur donne au château de Djehrom. (Ouseley, tome II, page 109, note). Nous avons vu plus haut que Fadhlouïeh appartenait à la nation des Chébancareh. M. Quatremère (Histoire des Mongols, p. 440-450) a donné des détails circonstanciés sur ce peuple. (Voyez aussi S. de Sacy, Mémoires sur diverses antiquités de la Perse, p. 274-275, note, et Sir William Ouseley, ibid., p. 84, 471-473.) M. Quatremère finit son mémoire par ces mots: « Aujourd'hui il parait que le nom de ce peuple est complètement oublié, et M. Pottinger, non plus que M. Kinneir, n'en fait pas la moindre mention. » On voit qu'il en est autrement de Sir W. Ouseley. Je pense que c'est du pays des Chébancareh qu'il est question dans Marco Polo, sous le nom de Soucora ou, d'après des manuscrits, Somchara et Soncara. (Édition de la Société de Géographie, p. 29.) Marsden suppose que ce nom désigne le Korkan ou Gourkan. Mais cette conjecture me paraît inacceptable. (Voyez Travels of Marco Polo, p. 78, n. 161.)

[36] Cet endroit est sans doute le même qu’Édrici nomme Bourouzem qu’il place à une journée de Djordjaniah. (Géographie, t. II, p. 192.) Au lieu de Benem, Ibn al-Djouzi (fol. 144 r.) écrit Biroun.

[37] Il faut consulter sur ce mot une note de M. Quatremère, Histoire des Sultans Mamlouks, t I, p. 14 & 15.

[38] Mirkhond ne parle que d’une seule flèche. (Hist. Seldschukidarum, p. 99.)

[39] C'est ainsi que je crois devoir lire au lieu de ce que portent nos trois manuscrits et le texte imprimé de Mirkhond.

[40] Littéralement: « Que Caverd soit heureux » (sic).

[41] Au lieu de « dureté », je préférerais lire « précipitation. »

[42] D'après Ibn Alathir, Mélik Chah fit étrangler Cavert par Saad-Eddaulah Gueuher Aïn (fol. 98 r.). (Cf. Aboulféda, t. III, p. 996; Ibn Khaldoun, fol. 243, r. Ibn el-Djouzi, fol. 143r. et v.)

[43] Mirkhond dit, au contraire, qu'il se fortifia dans Nichabour, (p. 103). La même leçon se rencontre dans le Djami moufdi, ou Chronique de Mohammed, Moufid Moustaufi (ms. 45 Gentil, fol. 32 r.).

[44] On verra plus loin, sous la date des années 487 et 488, quelle fut la fin de ce Tacach. La ressemblance de nom a été cause que Deguignes a confondu Tacach avec son frère Toutouch. Cette erreur a été signalée par feu M. Audiffret (Biographie universelle, t. XLVI, p. 418). Seulement, je dois faire observer que cet estimable savant est en désaccord avec Mirkhond et Hamd Allah, lorsqu'il place la révolte de Tacach dans l’année 476 (1083 et non 1089, comme on lit dans la Biographie universelle, sans doute par une erreur typographique); qu'il fait assiéger ce prince dans Termed et rapporte que Mélik Chah lui pardonna.

Ibn Alathir a mis la révolte de Tacach dans Tannée 473. Voici le récit de cet historien: « Dans le mois de chaban 473, le sultan Mélik Chah se rendit à Reï. Il passa son armée en revue et réforma sept mille soldats, dont il n'était pas satisfait. Ces hommes allèrent trouver le frère du sultan, Tacach, qui se trouvait à Bouchindj. La puissance de ce prince fut fortifiée par leur arrivée. Il se mit en rébellion ouverte contre son frère Mélik Chah, s'empara de Merv-erroud, de Merv-echchahidjan, de Termedz et d'autres villes, et marcha vers Niçabour, parce qu'il espérait faire la conquête du Khorasan. A cette nouvelle, le sultan se dirigea en toute hâte vers le Khorasan et arriva à Nichabour, avant que Tacach se fût emparé de cette ville. Lorsque Tacach apprit la venue de son frère, il s'éloigna de Niçabour et se fortifia dans Termedz. Le sultan marcha contre lui et l'assiégea dans cette place. Tacach avait fait prisonniers plusieurs des serviteurs du sultan; il les relâcha. La paix fut conclue entre les deux frères; Tacach alla trouver le sultan et renonça à la possession de Termedz. » (t. V, fol. 101 v. Ibn Djouzi, fol. 171 v. et 172 r.)

Ibn Alathir raconte ce qui suit, sous la date de l’année 476: « Lorsque cette année fut arrivée et que Tacach vit que le sultan était éloigné, il renouvela sa révolte. Ses compagnons préféraient le désordre, et lui conseillèrent de renoncer à l'obéissance de son frère. Il y consentit, se mit en marche avec eux et s'empara de Merv-erroud et d'autres localités, jusqu'à un château voisin, de Sarakhs, qui appartenait à Massoud, fils de l'émir Tadjir; cet individu avait précédemment fortifié cette place. Il y lut assiégé par Tacach et les siens, et fut sur le point d'être forcé. » Ibn Alathir raconte ensuite que les assiégeants, effrayés par une ruse d'Abou'l fotouh-et-Thouci, ami de Nizam el-Mulc, et du gouverneur du Khorasan, Abou Ali, décampèrent subitement, abandonnant leurs tentes et leurs bêtes de somme et laissant leurs marmites sur le feu. Massoud sortit du château et s'empara de ce qui se trouvait dans le camp. Le sultan arriva dans le Khorasan, au bout de trois mois, marcha contre Tacach et le fit prisonnier, après lui avoir juré qu'il ne lui ferait aucun mal. Une des personnes qui accompagnaient Mélik Chah l'autorisa, par un fetva, à remettre l’affaire à la décision de son fils Ahmed; celui-ci ordonna d'aveugler Tacach et le mit ensuite en prison. » Fol. 103 v. et cf. Ibn al-Djouzi, fol. 185 r. et v. 186 r. et v. 189 r. Elmakin a placé en 477 la révolte de Tacach, qu'il appelle Nis, (sans doute pour Toutouch). (Hist. Saracenica, p. 285.) C'est aussi en 477 qu'Ibn Khaldoun met la seconde révolte de Tacach. Fol. 243 v. 244 r.

[45] Ibn Alathir (t. V, fol. 103 v.) place cet événement dans l'année 477.

[46] Le même historien rapporté ce fait à l'année 482 et donne au prince de Samarcande le nom d'Ahmed Khan, fils de Khidr Khan. Fol. 107 r. cf. Ibn Khaldoun, fol 245 v.

[47] Cf. Mirkhond, p. 103.

[48] D'après Mirkhond (p. 100), cet esclave appartenait au khalife, et non à Mélik Chah.

[49] Il faut consulter, sur les souverains musulmans qui ont fait le pèlerinage, l'excellent ouvrage de M. Reinaud, Monuments arabes, etc. t. II, p. 222, 223.

[50] J'ai complété la phrase de notre auteur, à l'aide de ce texte de Mirkhond: « Il donna un fief considérable à l'émir des deux villes saintes. » P. 104.

[51] Ce mot désigne ici des caravansérails. Voyez M. Quatremère, Notice sur le Matla Assaadeïn, p. 19, note 2. Cf. les Notices des manuscrits, t XIII; p. 241 et Burnes, Voyage à Bokhara, traduction française, t II, p. 241. D'après cet illustre et à jamais regrettable voyageur (op. sup. laud. p. 320), le même mot signifie « un groupe de maisons de Turcomans sédentaire ».

[52] D'après Mirkhond (p. 105), il leur dit des paroles désagréables.

[53] Mirkhond a rapporté deux fois cette même anecdote. La première fois, il l'attribue à Alp-Arslan. Il est à peine besoin de faire observer combien peu ce récit paraît digne de foi.

[54] Ce nom est écrit différemment dans nos trois copies. Je pencherais à lire Alfacachat; car cette orthographe se retrouve dans deux passages subséquents du Tarikhi Gazitdeh, passages que je crois devoir transcrire ici: « Le sultan Mélik Chah vint à Cazouïn, à l'époque où il inspectait les diverses provinces de son empire. Comme il vit que les habitants étaient troublés par les attaques des Deïlémites, il nomma gouverneur de Cazouïn le fils d'un de ses esclaves, Imad Eddaulah Touran ben Alfacachat et lui ordonna d'acheter dans cette ville des maisons et des propriétés, afin qu'il fût obligé, par là, de prendre un plus vif intérêt à ce qui touchait les Cazouïniens. » (Ms. 9 Brueix. fol. 299 r.). « Après cela, Imad-Eddauleh Touran, fils d’Alfacachat, fut chargé du gouvernement de Cazouïn. C’était le fils d'un esclave du sultan Mélik Chah (peut-être de cet esclave grec dont il a été question ci-dessus, et qui fit prisonnier l'empereur Romain Diogène). Il fut remplacé par son fils. Ils occupèrent et poste pendant cinquante et un ans. Comme ils étaient retenus, la plupart du temps, par leur service auprès des sultans (Seldjoukides), leur esclave, Zahid Khoumar Tach administrait les affaires à Cazouïn. Il reste encore des monuments utiles élevés par lui, soit dans Cazouïn, soit dans la Mekke, les uns et les autres à l'usage des Cazouïniens. La mort de Zahid eut lieu dans l'année 530. Quand il prit le parti de faire pénitence de ses péchés, et qu'il abandonna les affaires, Iça Nasrani le remplaça. Lorsqu’Alfacachat, fils de Touran, fut mort, les imams de Cazouïn se rendirent à Bagdad et demandèrent un gouverneur. Le khalife Moctafi envoya à Cazouïn, en cette qualité, son esclave Barnacach Bazdar (le fauconnier), dans l'année 535 (1140-1) (d'après Ibn Alathir, fol. 166 r. Barnacach Bazdar était un des principaux émirs du sultan Massoud). Ce personnage et ses descendants gouvernèrent Cazouïn durant cent seize ans. Ils amassèrent des richesses considérables. Le dernier d'entre eux fut Mélik Nacir ed-din, fils de Mozaffer ed-din Alp Arghoun, fils de Barnacach Bazdar. » (Ibid. fol. 300 v. 301 r.)

[55] Au lieu de Cotoulmich, je n'hésite pas à lire Toutouch. (Voyez Aboulféda, t. III, p. 946.) La même faute a été commise par Mirkhond (p. 107), et son éditeur a négligé de la signaler.

[56] C'est ainsi que je lis, au lieu des leçons altérées de nos trois manuscrits.

[57] Hamd Allah est tombé, à force de concision, dans des erreurs que je dois relever. 1° Mélik Chah n'envoya pas Ortok à Hisn Keïfa. Cette ville ne passa sous la domination des Ortokides qu'en 495 (1101), époque où elle fut donnée à Sokman par un Turcoman appelé Mouça, qui en avait le gouvernement au nom de Cavam-Eddaulah Kerbogha. (Ibn Alathir, Camil ettévarikh, t. IV, fol. 193 r. et v.). 2° Sokman, étant mort en 498 (1106), fut remplacé par son fils Ibrahim, que notre auteur a passé sous silence, ainsi que Rocn ed-daulah Daoud, qui lui succéda en 522 (1128). En 562 (1167) Cara Arslan eut pour successeur Nour ed-din Mahmoud; 3° Après la mort de Cothb ed-din Sokman (597=1100), Hisn-Keïfa et Amid passèrent entre les mains de son frère Mélik Salib Nacir ed-din Mahmoud, qui fut remplacé, en 618 ou 619 (1221-1232), par son fils Mélik Massoud. (Ibn Alathir. ms. de C. de P. t. V, f. 286 v.; Aboulféda, t. IV, p. 192, 194, 308; Rasmussen, Annales Islamismi, p. 32.) Ce dernier fut dépouillé de ses états par Mélik Camil en 619 (1231). Après ces diverses vicissitudes, dont on peut voir le récit dans Aboulféda (ibid. p, 392, 394), il se joignit aux Turcs qui le tuèrent. 4° Enfin, Sokman ne posséda jamais Meïafarékin; maïs cette ville fut donnée en fief à son frère Ilghaii, dans l'année 515 (1111), par le sultan Mahmoud. (Aboulféda, t. III, p. 41; Rasmussen, op. sup. laud., p. 27; Aboulfaradj, texte arabe, p. 379.)

[58] Au lieu de Mohammed, on pourrait vouloir lire Mahmoud. Telle est, du moins, l’orthographe que l’on rencontre dans Rasmussen (ibid. p. 130) et dans Aboulféda (t. III, p. 604). Cependant dans deux autres passages (t IV, p. 192, 308), ce dernier auteur nous offre la leçon Mohammed.

[59] J'ai suivi, en cet endroit, la leçon du ms. 9 Brueix. D'après cette dernière leçon, il faudrait traduire: « son fils Camil qui fut tué, etc. » Mais nous savons qu'aucun roi d'Hisn Keïfa n'a pris le titre honorifique de Mélik Camil. En conséquence, si l’on admet l'orthographe des mas. 15 Gentil et 15 suppl., il faut en même temps admettre qu'Hamd Allah a voulu désigner ici Mélik Camil Nacir ed-din Mohammed, prince de Meïafarékin, qui fut fait prisonnier en défendent sa capitale contre les Mongols et mis à mort par Houlagou. Dans cette dernière hypothèse, le texte de notre auteur serait encore plus fautif, car Mélik Camil régnait, comme nous venons de le voir, sur Meïafarékin et, d’ailleurs, il appartenait, non à la famille des Ortokides mais à celle des Aïoubites.

[60] Ceci encore est une inexactitude. En effet, à l'époque où écrivait Hamd Allah et depuis l’année 498 (1104), la principauté de Merdin était possédée par la famille d’Ilghazi, fils d’Ortok, qui s’en était emparé après la mort de son frère Socman. Peut-être, au lieu d’Actimour, Hamd Allah avait-il écrit Ilghazi. Mais, dans cette hypothèse, il n’en aurait pas moins commis un anachronisme de quinze à vingt années. Quant à Mélik Salih, dont parle notre auteur, il monta sur le trône de Mardin en 711 (1312) et ne mourut qu’en 756 (1355). Rasmussen, loc. laud., p. 42. Cf. The travels of Ibn Battuta, translated by rev. Samuel Lee, p. 50.)

[61] Au lieu de Bouzan, qu'on lit dans Aboulféda, Ibn Alathir écrit tantôt Yézan (t. iv fol. 146 v.), tantôt Buzan (ibid. fol. 247 v.)

[62] Mirkhond a reproduit ce fait, en y ajoutant quelques détails dont voici la traduction: « Pour chaque pièce de gibier qu'il abattait, Mélik Chah donnait un dinar à un pauvre. Dans ces déserts (ceux de Nedjef et de Kerbéla), Mélik Chah tua tant de pièces de gibier, que l’on put élever des colonnes avec les bois des cerfs. » Hist. Seldsch. p. 107, 108, 109. (Cf. Ibn Alathir, 105 v. et 111 r.) Voici les paroles de cet historien: « Dans l’année 478 (1085), le sultan et Nizam el-Mulc partirent (de Bagdad), afin de chasser dans le désert. Ils visitèrent les deux sépulcres du khalife Ali et d'Hossein. Le sultan entra ensuite dans le désert; il tua, à la chasse, beaucoup de gazelles et d’autres animaux, et ordonna de construire la colonne des cornes. » « Mélik Chah fit bâtir la colonne des cornes; sur le chemin de la Mekke; il en construisit une autre toute pareille dans le Mavérannahr (Cf. Ibn al-Djouzi, fol. 210 r.). « Il fit une fois une chasse considérable et ordonna de compter le nombre des animaux tués; on en trouva dix mille. Il commanda de distribuer en aumônes dix mille dinars. » (Cf. Mouradja d’Ohsson, Tableau général de l’empire ottoman, éd. in-8°, t. IV, p. 26.) L'exemple de Mélik Chah a été imité par des princes postérieurs. On peut voir dans Kaempfer (Amaenitates exoticae, p. 289-292) et dans Chardin (éd. de 1723, t. VIII, p. 139 et 140) la description du « Minarei kellé » (colonne des têtes ou tour des cornes), qui, selon ce dernier voyageur, fut construit à Ispahan par Chah Ismaïl ou Chah Thahmasp (Kaempfer désigne positivement Chah Thahmasp). D'un autre côté, le missionnaire Sanson attribue cet édifice à Chah Abbas. (Voyer l'ouvrage intitulé Voyage ou relation de l’état présent du royaume de Perse, Paris, 1695, p. 95, 96 et la planche en regard de cette dernière page, cf. Voyage du sieur Paul Lucas au Levant, tom. II, p. 298, et Voyage du tour du Monde, de Gemelli Careri, éd. de 1727 t. II, p. 101 et 252.) Morier a vu auprès de Khoï deux kelleh minar qui sont, dit-il, les monuments commémoratifs d'une chasse extraordinaire de Chah Ismaïl lequel est rapporté avoir tué en un jour une multitude de chèvres sauvages, dont les têtes et les cornes furent disposées en rangs épais autour de deux piliers de briques. Ces deux piliers sont maintenant déjetés considérablement de leur perpendiculaire, et le premier fort tremblement de terre complétera très vraisemblablement, leur chute. » (Second journey through Persia, p. 305, 306.) Zacaria ben Mohammed Cazouïn nous apprend, dans son Açar albilad, qu'il se trouvait à Iafédjin, bourgade du territoire d’Hamadan, une colonne formée avec des sabots d'onagre et dont on attribuait la construction au monarque sassanide Ghapour, fils d'Ardéchir. (Voyez Uylenbroëk, Iracae Persicae Descriptio, p. 21 et 22 du texte arabe; cf. p. 63. — Dans le mois de rabi second 501, nous apprend Ibn Djouzi (fol. 259 v.), le sultan Mohammed fit son entrée à Bagdad. Sur la route, avant d'arriver dans cette ville, il fit une chasse considérable, et envoya au khalife quarante gazelles portées sur quatre dromadaires. La marque du sultan Mélik Chah se trouvait sur ces animaux, car ce prince prenait les gazelles à la chasse, les marquait de son cachet et les laissait aller.

[63] Pour bien comprendre la menace de Mélik Chah, il est nécessaire de recourir à Mirkhond. Voici de quelle manière le sultan s'exprime, dans cet auteur: « J'ordonnerai d'enlever l'écritoire de devant tes mains et le turban de dessus ta tète » (p. 114). Chez les Orientaux, une écritoire passée à la ceinture des ministres, comme de tous les gens de plume, est un signe de leur office. (Voyez Chardin, Voyages, t. VI, p. 90; Malcolm, Hist. de la Perse, trad. fr. t. IV, p. 377 et t. II, p. 82, note; M. Reinaud, Monuments arabes, etc. t. II, p. 381.) Ibn Djouzi nous apprend qu'après la mort du sultan Thoghril Beg, le vizir Amid el-Mulc Kunduri réunit tout l'argent, toutes les bêtes de somme et les étoffes, etc., qui se trouvaient dans les deux camps, et les donna aux soldats, sans excepter même sa propre écritoire; il ne lui resta que le cheval qu'il montait. Mirât ezzeman, fol. 94 r. Quant au turban, imamah en arabe, destar en persan, c'est la marque distinctive des hommes de lois. De là vient que les mots désignant un homme de loi. (Voyez M. Quatremère, Histoire des sultans mamlouks, t. I, p. 244, 245, note.) En menaçant Nizam el-Mulc de lui enlever l’écritoire et le turban, Mélik Chah le menaçait implicitement de le dépouiller des insignes du vizirat, et non de le tuer, comme le dit Hamd Allah.

[64] Littéralement: « Donna de la couleur et de l'odeur à ces paroles. »

[65] Au lieu de Tadj ed-din, Aboulféda (t III, p. 286), Aboulfaradj (p. 364) et Mirkhond (p. 115, 147) écrivent Tadj el-Mulc.

[66] Au lieu d'Abou Saïd, Khondémir (Habib essiier, ms. p. 1751) écrit Abou Saad.

[67] Au lien de Nahhas, qu'on lit à la fin dans deux de nos mss., dans Khondémir et dans le Djami Moufidi (fol. 40 r), Mirkhond (p. 116) a écrit autre chose.

[68] Je ne suis nullement certain d'avoir bien rendu le sens de cet vers, surtout du troisième qui paraît en contradiction avec l'intention prêtée au poète par Hamd Allah et Mirkhond, de montrer ce que les changements faits par Mélik Chah dans l'administration avaient eu de malheureux. Dans le quatrième vers, le poète a joué sur la signification propre des mots nizam (ordre), kémal (perfection), cherf (noblesse), tadj (couronne) et medjd (gloire).

[69] Nos différents mss. ne nous présentent ici que des leçons discordantes, entre lesquelles il ne sera pas difficile de faire un choix. Mirkhond porte « à Néhavend », et, plus loin (p. 107), « à Béroudjerd. » La première de ces deux leçons a été reproduite par Khondémir (ms déjà cité, fol. 344 r.) et elle nous semble préférable à l'autre. En effet, Ibn Alathir (tom. IV, fol. 139 r.), Aboulfaradj (texte arabe, p. 36») et Aboulféda (t. III, p. 38 s) placent le théâtre du meurtre de Nizam el-Mulc dans le voisinage de Néhavend. Aboul méhacin est encore plus explicite. D'après son récit (Nodjoum, ms. 660, fol. 165 r. cf. Ibn al-Djouzi, fol. 208 r.), Nizam el-Mulc fut tué dans une bourgade du territoire de Néhavend, à l'endroit même où avait eu lieu la bataille gagnée par les musulmans sur les Perses, du temps d'Omar Ibn al-Khattab. Quant au lieu mentionné par notre auteur, nous pensons qu’il faut le reconnaître dans Sahneh, gros bourg visité par Pietro della Valle, Thévenot et Otter, et situé à six heures de marche de Biçoutoun, sur la route que suivent les caravanes pour se rendre de Bagdad à Hamadan. (Voyage de M. Otter, II, p. 188; Voyage de P. della Valle, trad. fr., éd. de 1745, t II, p. 343; Thévenot. Voyage au Levant, 3e édit., t III, p. 240, 241) Nous soupçonnons également que c'est le même endroit dont le nom se lit Salmé sur la carte de l'Euphrate et du Tigre, par d’Anville, et qu'Édrici (tr. fr. t. II, p. 163, 165) appelle Sobha. Voyez encore les Voyages d'un missionnaire (le père Villote) en Turquie, en Perse, etc. p. 405; Olivier, Voyage dans l’empire ottoman, etc. éd. in-8°, t. V, p. 46; Macdonald Kinneir, Geographical memoir, etc. p. 130, 131.) Bénakéti (dicto leco) nous apprend que Nizam el-Mulc fut tué près de Néhavend, dans un endroit appelé ?? (Sic). D'après un itinéraire de Sultanieh à Bagdad, rapporté par Morier (Premier voyage, trad. fr. t. II, p. 243), Sahna se compose de quatre cents maisons. Selon Aucher Eloy (Relations de voyages en Orient, p. 247), Sana est un grand village, mais à moitié ruiné. (Voyez aussi Adrien Dupré, Voyage en Perse, t. 1, p. 252 et Fraser, Travels in Koordîstan, t. II, p. 203). Le Journal d'un voyage dans la Turquie d'Asie et la Perse, fait en 1807 et 1808 (p. 82), n'accorde que cinquante maisons à Sahneh ou, comme il écrit, Saana. On trouve un article sur le village de Sahneh dans le Nozhet-el-Coloub, ms. P, 127, fol. 435 r.

[70] D'après Aboulfaradj, Nizam el-Mulc mourut à l'âge de soixante treize ans.

[71] Ces vers se retrouvent dans Mirkhond (p. 148), sauf quelques légères différences; c'est ainsi que, au lieu de quatre-vingt-seize ans on lit, dans Mirkhond, quatre-vingt-treize ans.

[72] Kerran, dit Soyouthi (Lobb el-Lobab), est le nom d'un quartier d'Ispahan. D’après Hamd Allah Mustaufi (apud sir W. Ouseley, Travels, etc. t. III, p. 8), Ispahan se composait, dans l'origine, de quatre villages, parmi lesquels se trouvait Kerran. Ce quartier existait encore du temps de Chardin, qui en parle comme d'un faubourg comprenant deux mosquées, deux caravansérails, deux cimetières et vingt-huit maisons. Voyage, t. VIII, p. 237, 238; cf. t. IX, p. 248.) Notre célèbre voyageur explique le nom de ce faubourg par « quartier des sourds »; et il raconte, à l'appui de cette interprétation, une légende ridicule, dans laquelle figurent Nemrod et Abraham. Plus loin (t. VIII, p. 137), il mentionne un jardin « nommé Megbare, à cause du tombeau de Sultan Mélik Chah, qui est au milieu, dans une chapelle couverte d'un beau dôme. »

[73] Ces dinars étaient sans doute appelés ainsi d'après Thogril Beg, qui portait le surnom de Rocn ed-din.

[74] Le nom de ce personnage est écrit différemment dans les historiens. Ibn Alathir l'appelle Onar. Ms. de C. P. t. V, fol. 111 v. 112 v., 114 r°, 118 r., 119 r., 122 r. Ailleurs (fol. 142 v. et 147 v.), il mentionne un émir de Sindjar, nommé Onar et fol. 179 r°, un autre personnage du même nom, lieutenant du prince de Damas. Abou'l Méhucin (man. arabe, n° 662, fol. 16 v.) écrit deux fois le nom de ce dernier, Obor, et une fois (18 r.), Obar. Noveïri appelle Atsiz le personnage dont il est question dans notre auteur. Voyez. ms. de la bibl. de Leyde, n° 21, fol. 86r.)

[75] D’après Ibn Djouzi Mirât, ms. arabe 641, fol. 213 r.), la bataille eut lieu le 10 de dzou'lhidjdjeh, près de Keï. Mais Ibn Alathir dit positivement (man. de C P., tom. V, fol. 111 r.) qu'elle fut livrée dans le voisinage de Béroudjerd et à la fin du mois de dzou'lhidjdjeh. (Cf. Aboulféda. Annales, t. III, p. 286.)

[76] Selon Ibn Djouzi (ibid. fol. 213 v.), il fut convenu, par ce traité, qu'Ispahan et le Fars appartiendraient à la khatoun et à son fils. Mahmoud, et les autres provinces à Barkiaroc, avec le titre de sultan.

[77] Ismaïl était à la fois le cousin et le beau-frère de Mélik Chah, et non son frère, comme Deguignes l'a dit par erreur, Histoire des Huns, t. II, p. 224.

[78] D'après Ibn Alathir (man. arabe 537, suppl. t. IV, fol. 148 r., man. de C. P., t. V, fol. 112 v.), Ismaïl, ayant été mis en fuite, se rendit à Ispahan. Turcan Khatoun l'accueillit avec considération; elle fit même prononcer la khotbah en son honneur, et graver sur les monnaies son nom, après celui de Mahmoud. Peu s'en fallut que l'affaire ne se terminât entre elle et Ismaïl par un mariage. Les émirs s’y opposèrent, principalement l'émir Onar (sic), qui administrait l'autorité et était chef de l'armée. Ils préféraient qu’Ismaïl les quittât et prirent ombrage de ce prince. De son côté, il les craignit, se sépara d'eux et envoya demander à sa sœur Zobeïdeh, mère de Barkiaroc, la permission d'aller la trouver, elle et son fils. Elle y consentit. Il se joignit a eux et séjourna auprès d'eux pendant quelques jours. Kumuchtékin-Aldjandar, Acsoncor et Bouzan, allèrent le visiter pendant qu'il était seul. Il leur révéla ses projets; il désirait la souveraineté, et était disposé, pour l'obtenir, à tuer son, neveu. A ces paroles, ils fondirent sur lui et le massacrèrent. Ils apprirent à sa sœur ce qu'il méditait; et cette révélation la consola de sa mort. (Cf. Ibn Khaldoun, t V, fol. 247 r. et v.) Ibn Alathir dit qu'Ismaïl, fils de Iacouti, fut tué dans le mois de chaban.

[79] Cf. note antérieure

[80] Mirkhond est ici d'accord avec notre auteur. Comme Barkiaroc n'avait point, dit-il, la force nécessaire pour résister à son oncle, il se dirigea vers Ispahan. » (Hist. Seldschukidarum, p. 152.) Mais Ibn Djouzi, Ibn Alathir, Aboulféda, Ibn Khaldoun et Noveïri (man. de la bibl. de Leyde, n° 2 i, fol. 86 r.), sont unanimes pour dire que la retraite de Barkiaroc sur Ispahan fut la suite d'une défaite que lui avait fait éprouver son autre oncle Toutouch. Voici les propres paroles d'Ibn Djouzi, le plus ancien de tous ces auteurs: « Barkiaroc se rendit à Ispahan, afin de se confier à son frère Mahmoud, et de lui demander des secours, contre son oncle Tadj Eddaulah (Toutouch). Ms. ar. 641, fol. 213 v. Le récit d'Ibn Alathir est beaucoup plus circonstancié et plus explicite, ce qui m'engage à en donner la traduction: « Dans le mois de chevval 487 (oct. - nov. 1094), Barkiaroc fut mis en déroute par l'armée de son oncle Toutoucb. Il se trouvait à Nisibe. Lorsqu'il apprit la marche de son oncle vers l'Azerbaïdjan, il partit de Nisibe, traversa le Tigre à Béled, au-dessus de Mossoul, et marcha vers Arbil, et de là, par le territoire de Sorlhab, Gis de Bedr, jusqu'à ce qu'il ne restât plus entre lui et son oncle qu'une distance de huit parasanges. Il n'avait avec lui que mille hommes, tandis que son oncle en avait cinquante mille. L'émir Iacoub, fils d'Ortok, se détacha de l'armée de Toutouch, fondit sur Barkiaroc, le mit en déroute et pilla ses bagages. Il ne resta avec le sultan que Borsac, Kumuchteguin al-Djandar et Al-Iaric? Noveïri, ms. de Leyde, n° 21, fol. 86 r.), trois des principaux émirs. Il marcha vers Ispahan. La khatoun, mère de son frère Mahmoud, était morte précédemment, ainsi que nous le raconterons. Ceux qui se trouvaient à Ispahan empêchèrent Barkiaroc d'entrer dans cette ville. Puis ils le lui permirent, mais avec l'intention de le trahir et de s'emparer de sa personne. Lorsqu'il approcha de la ville, son frère Mélik Mahmoud en sortit et alla à sa rencontre. Barkiaroc entra dans Ispahan, où les émirs le gardèrent de près. Il arriva que son frère Mahmoud fut pris de la fièvre et de la petite vérole. Les émirs voulaient priver de la vue Barkiaroc. Amin-Eddaulah Ibn al-Telmiz, le médecin, leur dit: « Le roi Mahmoud a été atteint de la petite vérole à un degré qui laisse peu d'espoir de guérison. Je vois que vous avez de la répugnance à reconnaître pour souverain Tadj Eddaulah (c'est-à-dire Toutouch). Ne vous pressez donc pas de priver de la vue Barkiaroc. Si Mahmoud meurt, reconnaissez-le pour roi; si, au contraire, Mahmoud guérit, vous serez les maîtres de rendre aveugle Barkiaroc. » Mahmoud mourut à la fin de chewal . . . Barkiaroc eut aussi la petite vérole, en guérit. » (Ibn Alathir, man. de C. P., fol. 113 v.; cf. Aboulféda, t III, p. 392, 394, 396; Noveïri, dicto loco; Ibn Khaldoun, fol 247 v.)

De même que notre auteur, Ibn Alathir (f. 114 r.) et Aboulféda (p. 396) disent que Turcan Khatoun mourut dans le mois de ramadan 487. Ils ajoutent les détails suivants: elle était sortie d’Ispahan, afin de se rendre près de Tadj Eddaulah-Toutouch et de se joindre à lui. Mais elle tomba malade, revint sur ses pas et mourut, après avoir recommandé à l'émir Onar (sic) et à l'émir Sermez —gouverneur d'Ispahan, de conserver le royaume à son fils Mahmoud. Il n'était resté entre ses mains que la forteresse d'Ispahan; mais elle commandait encore à dix mille cavaliers turcs. » (Cf. El-Makin, Historia saracenica, p. 288.)

D'après Ibn Djouzi (fol. 217 r.), Turcan Khatoun séjourna à Hamadan. Elle écrivit à Toutouch et inspira à ce prince le désir de l'épouser. ... Il marcha vers Hamadan. La khatoun sortit à sa rencontre. Elle mourut entre Hamadan et Ispahan. Plus loin (f. 217 v.), il dit qu'elle mourut dans le mois de ramadan 487, et il ajoute que, d'après un récit, elle fut empoisonnée sur le chemin.

Ces passages d'Ibn Alathir m'ont paru mériter d'être reproduits, malgré leur longueur, d'abord, parce qu'ils corrigent et complètent le texte de notre auteur; puis, parce qu'ils peuvent rectifier ce qu'a dit des mêmes événements un savant numismatiste, M. Adrien de Longpérier. Faute d'avoir consulté Aboulféda et El-Makin, cet antiquaire distingué a cru pouvoir avancer que « les historiens ne nous apprenaient pas la date bien positive de la mort de Turcan Khatoun, ni de l'accord momentané des deux frères, ni de la mort de Mahmoud. (Journal asiatique, 4e série, t. VI, p. 310.) Il s'est appuyé sur ce prétendu silence des historiens et sur une précieuse monnaie d'or, frappée à Ispahan, en l'année 486 (1093), avec les noms de Barkiaroc, de Mahmoud et de Moctadi-biemr-Illah, pour supposer que Mahmoud mourut, soit dans le dernier mois de 486, soit dans le premier de 487, tandis que nous savons par Aboulféda, Ibn Alathir, Mirkhond, que la mort de Mahmoud eut lieu dans le dixième mois de l’année 487. Il me paraît aussi s'être trop avancé en disant que « la présence du nom des deux frères Barkiaroc et Mahmoud avec un même titre de sultan, ne peut s expliquer que par l'union de si courte durée qui suivit la mort de Turcan et précéda presque immédiatement celle de Mahmoud. » Pourquoi ne pas admettre que cette monnaie fut frappée après l’accommodement conclu, au commencement de l'année 486, entre Barkiaroc et Turcan khatoun, et après la levée du siège d'Ispahan par le sultan ?

[81] Le récit d'Hamd Allah me parait avoir encore besoin d'être contrôlé à l'aide de celui d’Ibn Alathir. « Dans le mois de rébi 1er 487, dit le chroniqueur arabe, Barkiaroc fit noyer son oncle paternel Tacach, ainsi que sou fils. Mélik Chah avait fait ce prince prisonnier, lors de sa révolte, et l’avait privé de la vue et emprisonné dans le château de Técrit. Lorsque Barkiaroc fut monté sur le trône, il fit venir Tacach auprès de lui, à Bagdad. Dans la suite, il s'empara de billets adressés à ce prince par son frère Toutouch, qui l'excitait à se joindre à lui. On dit que Tacach voulut se rendre à Balkh parce que les habitants de cette ville désiraient sa présence. Barkiaroc le fit mettre à mort. Lorsqu'il eut été noyé, son corps fut entraîné à Sermenraï (par les eaux du Tigre). De là, on le porta à Bagdad, où il fut enseveli auprès du tombeau d'Abou Hanifah. » (Man. de C. P., t. V, fol. 114 r.)

[82] Dans le mois de ramadan 488 (septembre 1005), le sultan Barkiaroc fut blessé au bras par un de ses porte-parasols, originaire du Sedjistan. Cet homme fut pris. Deux autres individus, natifs de la même province, l'avaient assisté. Lorsque le premier fut frappé (du fouet), il confessa que ces deux hommes l’avaient aposté. Ils reconnurent la vérité de cet aveu. On les frappa violemment, afin qu’ils avouassent qui leur avait ordonné d’agir ainsi. Ils ne confessèrent rien. On les amena auprès d'un éléphant, afin de les jeter sous les pieds de cet animal. On fit avancer d'abord l'un d'eux. Il dit: « laissez moi et je vous ferai des aveux. » On le lâcha. Il dit alors à son compagnon: « O mon frère, il n'y a pas moyen d'éviter cette mort; ne couvre donc pas de honte les habitants du Sédjistan, en révélant leurs secrets. » Ils furent tous deux mis à mort. (Ibn Alathir, fol. 115 v.) D'après Ibn Djouzi (fol. 220 v.), l'assassin dénonça deux Sedjistaniens, qui lui avaient donné cent dinars. Mirkhond a aussi fait mention de cet attentat (p. 153, 154); seulement dans ce passage, il faut lire les Ismaïliens, au lieu de Ismaïl, qui ne présente aucun sens.

[83] D'après Ibn Djouzi (fol. 211 r.) et Ibn Khallikan (Biogr Dictionary, t. I, p. 274), la bataille eut lieu le dimanche 17 de séfer. Il me paraît plus que probable, d'après cela, que Hamd Allah a fait d’une seule et même bataille livrée par Barkiaroc à Toutouch, deux actions différentes, la première entre Barkiaroc et Tacach, la seconde entre Barkiaroc et Toutouch.

[84] Ibn Alathir, fol 116 r. Aboulféda, t. III, p. 310 et Ibn Khaldoun, fol. 248 r. écrivent plus correctement Arslan Arghoun. Ces trois auteurs attribuent le meurtre de ce prince à une cause moins honteuse que celle rapportée par Hamd Allah et, après lui, par Mirkhond (p. 154) Dans un autre passage (fol. 97 v.), Ibn Alathir écrit Arslan Arghou.

[85] C'est ce même personnage que Deguignes (Histoire des Huns, t. II, p. 226) appelle Anzar. On trouve, sur sa mort, dans Ibn Alathir, t V, fol. 118. v. ou ms. de la bibliothèque de l’Institut, p. 24, 25 et dans Ibn Khaldoun, fol 249, r., des détails circonstanciés.

[86] C'est ce ministre que Deguignes (t. II, p. 327) appelle Moudgiared el-Mulc, surnommé Kami. Au lieu de Comi, Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, fol. 116 v. 118 v. 119 r. 120 v. écrit Al-Bélaçani; Ibn Khaldoun (fol. 248 r. et v. 249 v. 250 r. 255 r.) offre une autre leçon. Ibn Djouzi (fol. 233 v.) porte seulement. Alcomi Almustaufi.

[87] Seif-eddaulab Sadacah n’était pas un esclave de Mélik Chah, mais un chef arabe très puissant. L'erreur d'Hamd Allah est corrigée dans le passage correspondant d’Ibn Alathir: « L'émir Sadacah, prince de Hilteb, se joignit à Barkiaroc, » fol. 119 v. Ibn Khaldoun, fol. 250 r.

[88] Le Kouhadabin de Deguignes, t. II, p. 228. (Cf. Ibn Alathir, fol. 120 r. Ibn Djouzi, 238 r. Ibn Khaldoun, fol. 250 r.)

[89] Avec cinq mille cavaliers, selon Ibn Alathir, fol. 120 v.

[90] Le récit d'Hamd Allah est confirmé par Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 123 v. 124 r. et par Ibn Djouzi, fol. 245 v. On voit donc que Deguignes a eu tort d'avancer que « les propositions de paix ne furent point acceptées. » (T. II, pag. 229)

[91] Au lieu de Basmal, notre ancien ms. d'Ibn Alathir (fol. 188 v.), ainsi qu'Ibn Khaldoun (fol. 251 v.), porte Basmak. Le ms. de C. P. t. V, fol. 124 r. offre seulement ?arabe ? En place d’Aïtéguin, Mirkhond, p. 160, écrit Abtéguin.

[92] Cette bataille eut lieu le 8 de djoumada second 496), aux portes de Khoï. (Voyez Ibn Alathir. ms. de C. P. t. V. fol. 127 r.; n° 537 supp. t. IV, fol. 201 v.

[93] Le 2 de rébi al-akhir, selon Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 119 r. et n° 537, supp. t. IV, fol 209 v. Au lieu de djomada second, leçon du ms. 9 Brueix, le ms. 25 supp. porte le 12 de rebi premier, et le n° 15 Gentil, le 12 de djomada dernier. Enfin, selon Ibn Djouzi, fol. 253 v. Barkiaroc mourut dans le mois de rebi premier, à l'âge de vingt-quatre ans et un mois.

[94] Le Sedécias de d'Herbelot, Bibl. orient., verbo Mohammed, fils de Mélik Chah. Au lieu de Sadacab, il faut, sans aucun doute, lire Sebaou, ou Sébavah, car Sadacah ne fut jamais l’esclave de Mélik Chah, ainsi que je l'ai déjà fait observer ci-dessus; et d'ailleurs, loin de se joindre à Aïaz pour soutenir Mélik Chah, fils de Barkiaroc, il envoya ses deux fils, Bédran et Dobaïs, au sultan Mohammed, afin de l'exciter à marcher vers Bagdad, où se trouvaient Aïaz et Mélik Chah. Ibn Alathir, ms. de la bibliothèque de l'Institut, p. 120; ms. de C. P. t. V, fol 129 v. (Cf. Ibn Djouzi. fol. 253 r.) On voit, d'ailleurs, dans le premier de ces auteurs (ms de l’Institut, p. 122, et ms. de C. P., fol. 130 r.), que Mohammed excepta Sebaou et Inal-al-Hoçami de l'amnistie qu'il accorda à Aïaz et aux autres émirs partisans de Mélik Chah. (Cf. Bondari, Histoire des Seldjoukides, ms. de la Bibliothèque nationale, n° 767A, fol. 63 r.) Il est assez souvent fait mention de Sébaou dans Ibn Alathir et dans Ibn Khaldoun. Le dernier de ces deux auteurs nous apprend que, lorsque l'émir Anaz eut été tué, l'isbehbed (sic) Sebaou, s'enfuit à Damas, où il séjourna quelque temps; après quoi, il alla trouver le sultan Mohammed l'année 51 (sic, lisez 501. cf. Ibn Alathir, ms. de C. P fol. 137 v.). Mohammed le traita avec considération, et lui donna en fief Rahbah Malik ben Thauk. Fol. 249 r. Il me parait démontré, par le rapprochement de ce passage avec un autre endroit d'Ibn Khaldoun et avec un texte d'Ibn Alathir, que les détails sur Sebaou, dont on vient de voir la traduction, ont été transposés, soit par Ibn Khaldoun lui-même, soit par un copiste, et qu'ils appartiennent au récit de la mort de l'émir Aïaz, c'est-à-dire à l'année 498. Voici le passage d'Ibn Khaldoun auquel j'ai fait allusion: « Tancrède, prince d’Antioche et l'un des Francs, marcha, dans l'année 498, vers la forteresse d'Arbah, (lisez Artah), un des châteaux forts du prince d'Alep. La position de la garnison devint pénible, et elle demanda du se cours à Ridhouan. Il marcha à son aide. Les Francs s'avancèrent à la rencontre de Ridhouan, mais ensuite ils lui demandèrent la paix. L’isbehbed Sebaou (c'est ainsi que je lis, au lieu de ce que porte le texte imprimé), un des émirs seldjoukides, qui s'était retiré près de Ridhouan, après le meurtre de son maître Aïaz, l'empêcha d'y consentir. » (Voyez Ibn Khaldoun Narratio de expeditionibus Francorum in terras islamismo subjectas, edidit Tomberg, p. 18. Cf. Ibn Alathir, C. P., fol. 130 v. Il faut encore lire isfehbed ou isbehbed, en place d'ishébek, à la ligne 12 de la même page). Il est encore fait mention, dans Ibn Alathir, de l'isbehbed Sabavah, fils de Khamartékin (Djahartékin, selon l’ancien ms.). (Voyez le ms. 537 supp. fol. 193 r. et ms. de C. P., fol. 125 r.) D'après les considérations exposées ci-dessus, on ne doit pas hésiter à changer Sadacah, en Sebaou ou Sebavah, dans le texte imprimé de Mirkhond (Hist. Seldschukid. p. 161). (Voyez encore, sur Sebaou, Ibn Khaldoun, fol. 267 v. Ibn Alathir, fol. 138 r. et v.)

[95] Nous avons vu, dans la note précédente, que Mohammed ne fit pas prisonnier Sebaou. D'ailleurs, je dois faire observer que ces événements sont racontés d'une manière entièrement différente par Ibn Alathir, ms. de C P. fol. 129 v. 130 r. et par Ibn Djouzi, fol. 252 v., 253 r.

[96] Le véritable nom de cet individu est, d’après Ibn Alathir, Ahmed, fils d'Abd el-Mélik, fils d’Atach. (Voyez ms. de l'Institut, p. 165 ou ms. de C. P. fol. 134 v. Cf. ibidem, fol. 122 r. et Abou'l méhacin, Nodjoum, ms. arabe, n°660, fol. 183 r.) Au lieu de Atach, Bondari, fol. 63 r., porte Otach, ainsi que le ms. d'Ibn Djouzi, de la bibliothèque de Leyde, n° 88, fol. 84 v. Notre ms. (fol. 255 v.) ne marque pas la voyelle du aïn.

[97] Selon Bondari, Saad el-Mulc Savédji, loin de favoriser les Ismaéliens et de partager leurs doctrines, leur fit une guerre acharnée. Mais le reïs d'Ispahan, Abd Allah Al-Khatibi, fit croire au sultan que son vizir avait du penchant pour les Bathiniens. (Ms. arabe 767A, fol. 63 v. 64 r. et v.) On lit, dans Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, fol. 135 v., copié par Noveïri, ms. de Leyde, 2 i, f. 93 v.): « Dans le mois de chevval de l'année 500, le sultan Mohammed fit arrêter son vizir Saad el-Mulc Aboul méhacin, confisqua ses richesses et le fit mettre en croix aux portes d'Ispahan Quatre de ses principaux compagnons furent crucifiés en même temps que lui. Le vizir avait été accusé de trahir le sultan, et les quatre autres furent accusés de partager les croyances des Bathiniens. » Ibn Djouzi (ms. 641, fol. 257 r. ou ms. de Leyde, fol. 86 v.) et Abou'l méhacin (Nodjoum, ms. 660, fol. 183 r.) disent qu'on rapporta à Mohammed que son vizir et plusieurs catibs ou secrétaires avaient écrit à son frère Sindjar.

[98] Ibn Alathir, ms. 537 supp. t. IV, fol. 180 v. r., ms. de C. P. t. V fol. 122 r. et Ibn Djouzi, ms. 641, fol. 241 r. ou ms de Leyde, fol. 65 v. disent que ce fait se passât sous la première partie du règne de Barkiaroc.

[99] On trouvera des détails circonstanciés sur Chirguir, et sur le siège d'Alamout par cet émir, dans une des notes qui accompagneront la traduction de la neuvième section du chapitre iv du Tarikhi Guzideh (Histoire des Ismaéliens de l'Iran, qui furent au nombre de huit, etc.).

[100] Fakhr el-Mulc Abou'l mozaffer Ali était vizir de Sindjar et non de Mohammed. (Voyez Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 133 r ou ms. de l'Institut, p. 152; Bondari, fol 181 v. 182 r. Aboul méhacin, ms. 660, fol. 183 r. et v. Ibn Djouzi, fol. 257 r. et v. Ibn Khaldoun, ms. 742/4, t. IV, fol. 255 r.)

[101] D'après le Méracid-al-Ittila, Djabélic est un canton voisin d’Ispahan. Mirkhond se contente de dire que Abou Hachim se rendit, en une semaine, d'Hamadan à Ispahan par un chemin peu connu. (Historia Seldschukidarum, p. 169).

[102] Dans une seule semaine, selon Mirkhond, p. 171.

[103] Dans l'année 502 mourut Hassan al-Alévi Abou Hachim, reïs d'Hamadan. C'était un homme généreux, riche et courageux. Il répandait les aumônes et les dons. Le sultan Mohammed Chah l'imposa à une somme de neuf cent mille dinars, qu'il acquitta dans l'espace de vingt et quelques jours. (Ibn Djouzi, fol 263r. Abou'l méhacin, Nodjoum. ms. 660, fol. 184 v. Ibn Alathir, ms. de C. P. fol. 139 v.)

[104] D'Herbelot fait entreprendre à Mohammed une expédition dans l'Inde qui n'est qu'une répétition de celle que Mahmoud le Ghaznévide y fit et, par conséquent, une fable à l'égard de Mohammed. » (Histoire générale des Huns. t. II, p. 135.)

[105] Cette réponse est celle-là même que les historiens persans placent dans la bouche de Mahmoud le Ghaznévide, lorsqu'il refusa de rendre aux brahmanes l'idole du temple de Souménat. (Voyez Malcolm, Histoire de la Perse, traduction française, t. II, p. 35. Cf. Ferid ed-din Attar, apud S. de Sacy, Pend-nameh, p. 70-72; Firich-tah et Haïder Razi, apud Wilken, Historia Ghaznevidarum, p. 216, 217, note.)

[106] De pareils exemples d'intolérance sont assez fréquents dans l’histoire musulmane. Je me contenterai d'en rapporter un qui nous est transmis par le célèbre voyageur Ibn Batoutah: « Près de la porte orientale de la grande mosquée de Delhi, on voit deux idoles colossales en cuivre étendues à terre et réunies par des pierres. Toute personne qui entre dans la mosquée ou qui en sort, les foule aux pieds. L'emplacement de cette mosquée était jadis un bodkhaneh, c'est-à-dire, un temple d'idoles. Mais après la conquête musulmane il fut changé en mosquée. » (Ms. 910 du suppl. arabe, fol. 86 v.)

[107] Le 11 de dzou'lhidjdjeh, selon Ibn Djouzi, fol. 287 r. Mais notre auteur est ici d'accord avec Ibn Alathir, ms. de C. P fol. 144 v.

[108] Cette assertion a besoin d’être modifiée d après celle d’Ibn Alathir. Sindjar, dit cet historien, « rendit à Mahmoud toutes les contrées dont il s'était emparé, à l'exception de Reï. (Fol. 148 r. Cf. Ibn Khaldoun, 259, v.)

[109] 9 Brueix: 525. La véritable date est 515. (Voyez Ibn Alathir, 15 r. Ibn Djouzi, 303v.)

[110] Ibn Alathir, V, 160 v., appelle ce prince Arslan Khan Mohammed, fils de Soleïman, fils de Boghra Khan Daoud. (Cf. le même, fol. 172 v. et Ibn Khaldoun, 266 r.)

[111] Ibn Alathir, dictis locis, assure que Sindjar rendit le gouvernement de Samarcande, non à Arslan Khan, qui mourut dans son exil, mais à Mélik Mahmoud, fils d'Arslan Khan, et neveu de Sindjar par sa mère.

[112] Cf. sur ces événements, Mirkhond, Hist. des sultans du Khârezm de mon édition, p. 4 et suiv.

[113] Littéralement « un coup du mauvais œil. »

[114] Voyez sur ce prince, et la part qu'il prit à cette bataille, les pages 17-30 et 41, 42 de l'opuscule intitulé: Mirchondi Historia Thaheridarum. historicis noitris hucusqae incognitorum Persiae principum, edidit D. E. Mitscherlich, Gottingen, 1841. (Cf. Mirkhond, Hist. Seldschukid. p. 179-180.) Ibn Alathir mentionne Aboul Fadhl Nasr, fils de Khalaf, prince du Sedjistan, dans le récit de la première expédition de Sindjar contre Ghazna (fol. 142 v.) (Voyez encore Ibn Alathir, fol. 199 r, sub anno 559)

[115] J'ai adopté pour ce mot l'orthographe d'Ibn Alathir, fol. 173 r. Nos trois manuscrits, et Ibn Khaldoun, fol. 266 r. portent Cathran. Mais la leçon d'Ibn Alathir a pour elle l'autorité de Soyouthi (Lobb allobab, édition Veth, p. 210).

[116] Voyez sur ces événements, ma traduction de l'Histoire des sultans Ghourides, par Mirkhond. p. 23-26.

[117] D'après Ibn Alathir, fol. 181 r. le combat de Sindjar contre les Ghouriens n'eut lieu que dans l'année 547 (Cf. ibidem, fol. 182 v. lignes 26 et 27.)

[118] On peut recourir, pour des détails plus circonstanciés, à l'Histoire des sultans Ghourides.

[119] Mirkhond est on ne peut plus explicite à cet égard. (Hist. Seldschukidarum, p. 184.)

[120] Selon Ibn Alathir, Ala ed-din Comadj fut tué dans la grande bataille que Sindjar perdit contre les Ghozz, fol. 182 v. (Cf. Ibn Khaldoun, fol. 267 r.) Mais plus loin, il rapporte une autre version, d'après laquelle Comadj fut vaincu par les Ghozz, après un combat qui avait duré un jour entier; il tomba entre les mains des vainqueurs, avec son fils Abou Becr, et tous deux turent mis à mort. (Fol. 183 r. ligne 1. Cf. Ibn Khaldoun, fol. 268 r.)

[121] Mot non traduit

[122] Allusion aux deux dents de Mahomet, qui furent brisées par un coup de pierre, à la bataille d’Ohod.

[123] Khondémir (Habib-essiier) nomme Elias le gardien de Sindjar. Les manuscrits ont une lacune (15 Gentil) ou des noms différents.

[124] Ce personnage est sans doute le même que Mohammed, fils d’Abou Becr, fils de Comadj, qui d'après Ibn Alathir (fol. 183 r.), commandait l’avant-garde de Sindjar, conjointement avec Mouveyed-Al-Abeh, dans la bataille contre les Ghozz.

[125] J'ai composé sur l'histoire de ce prince turc, de son fils et de son petit-fils, un Mémoire étendu, qui a paru dans ce Recueil, nos de novembre - décembre 1846, p. 446-482.

[126] Le ms. 9 Brueix porte moghits, comme on lit dans le n° 15 Gentil.

[127] Près de la colline d'Açad-Abad, Ibn Alathir, ms. de C. P., t. V, fol. 149 r.

[128] Cf. sur ce personnage et sur son père Imad-Eddaulah Touran, une des notes précédentes; numéro d'avril - mai, p. 451-452.

[129] Derkedjini fut aidé dans cette entreprise par Acsoncor al-Ahmedih, prince de Meraghah et atabeg du jeune Daoud. (Voyez Ibn Alathir, ms. de C. P. t. V, fol. 161 v. 163 r. Ibn Khaldoun, 262 v. 263 r.) Cet émir fut tué à Hamadan, dans le mois de chevval 527 (août 1133), par des Bathiniens. On dit que le sultan Massoud aposta le meurtrier. (Ibn Alathir, fol. 163 v°; Ibn Khaldoun, fol. 263 v° Cf. Mirkhond, Notices et Extraits, t. IX, p. 221.) On lit dans Bondari: « On reçut la nouvelle que les Bathiniens s'étaient introduits dans la tente d'Acsoncor, à Merdj Caratékin, et l'avaient frappé de leurs couteaux. » Au lieu de Derkedjini, ou mieux Derkézini, Ibn Alathir, fol. 161 v. 162 v. 163 v. écrit autrement. Cette leçon ne contredit pas la première. En effet, nous apprenons de l'auteur du Méracid-al-Ittila, qu'Ançabad est une bourgade du canton d'Al-Alem, située près de Derguzin. On lit, il est vrai, dans notre manuscrit du Méracid, ainsi que dans las Extraits d'Uylenbroëk (Iracae persicae descriptio, p. 63), Anabad, au lieu d’Ançabad. Mais cet article étant placé entre ceux d'Ondah, et d'Inçan, il est évident qu’Anabad est une leçon fautive, et qu'il faut la remplacer par Ançabad.

[130] Au lieu de « aîné, » le ms. 25 supp. porte « cadet. » Mais nous savons, par Ibn Alathir, que Thogril naquit au mois de moharrem 503 (fol. 147 r.), tandis que Massoud vint au monde dans le mois de dzou'lcadeh 502 (fol. 180 r.).

[131] Le sultan Thogril lui imputant ses revers, le fit mettre en croix à Sahour-khast. Quelque temps auparavant, Thogril lui avait dit, tandis qu'il fuyait avec rapidité devant son frère Massoud: « Qu'est devenue l'armée, que sont devenues tes anciennes promesses de succès? » Le vizir me repondit: « Ne t'inquiète pas et ne crains rien; j'ai envoyé plusieurs Hachichi pour tuer tes ennemis. » Le sultan se mit en colère, et lui dit: « L'exactitude des accusations d'hérésie proférées contre toi est devenue manifeste, et ton impiété s'est révélée avec évidence. » Il ordonna de le dépouiller et de le mettre à mort. (Bondari, ms. arabe 767 A, fol. 117 r.)

[132] L'atabeg Carasoncor était prince de l’Azerbaïdjan et de l'Arran. Il mourut à Ardébil, dans l’année 535 (1140-41), d'une phtisie lente. Il avait été esclave de Mélik Thogril. Le sultan Massoud le craignait. (Ibn Alathir, fol. 172 r. Ibn Khaldoun, 265 v. Cf. sur le pouvoir de Carasoncor, Mirkhond, Hist. Seldschukidarum, p. 201, 203, et ci-dessous, p. 350.) Si l'on en croit Ibn Alathir (fol. 168 v.), et Ibn Khaldoun (fol. 264 v.), Carasoncor abandonna le parti de Daoud, combattit ce prince par l’ordre de Massoud, el le vainquit, dans l’année 530 (1135-6).

[133] Si Daoud régna sept ans sur l’Azerbaïdjan, au nom de Massoud, sa mort dut arriver au plus tôt en 539; car en 532, il était encore en guerre avec son oncle. Mais Aboul Méhacin place le meurtre de Daoud en 537 (1142-3). Il l'appelle Daoud, prince d'Arzendjan, (lisez Azerbaïdjan). Il se promenait, dit-il, un jour à cheval, dans le marché de Tabriz. Une troupe de Bathéniens fondirent sur lui et le tuèrent en trahison, avec plusieurs de ses familiers. (Ms. 661, fol. 12 r.) Dans l’année 38, dit Bondari, le sultan Daoud, fils de Mahmoud, périt de la main des Mélahideh, à Tabriz. On dit que l'émir Zengui, fils d'Acsoncor, aposta les Hachichis Bathéniens, qui le tuèrent; car Massoud avait résolu de faire marcher Daoud vers la Syrie, afin de défendre les places frontières de l'islamisme. (Fol. 134 v.)

[134] Bondari dit que cette bataille eut lieu dans une prairie nommée Ada-Merk (fol. 199 v). Ce nom est écrit différemment sur nos différentes copies d'Ibn Alathir (ms. 740 suppl. arabe, t. V, p. 13; ms. C. P. 166 r. ms. de l'Institut). Enfin, Mirkhond place la scène du combat à Pendj-Angucht, au delà d’Açad-Abad. Le Pseudo Fakhr ed-din Razi, confondant le théâtre de la guerre avec le lieu où Mostarchid fut assassiné, dit que les deux princes se rencontrèrent devant Méraghab. (Mines de l’Orient, t V, p. 30.)

[135] C'est ainsi que je lis avec le ms. 25 suppl. Le ms. 9 Brueix porte autre chose. Mirkhond se contente de désigner cet endroit par les mots: « une telle prairie. » La plaine d'Alichter est marquée sur la carte de M. Lavard. Ibn Alathir mentionne deux fois Lichter sous l'année 568 (fol. 210 r.), comme un endroit voisin de Néhavend. Mais il paraît évident, par le chiffre de quarante parasanges, qu'il indique, ensuite comme formant la distance entre Lichter et Néhavend, que le premier nom est placé fautivement au lieu de Touster.

D'après Mirkhond (p. 200), le chef de la conjuration était l'émir Borsoc. Le sultan étant monté à cheval, vers le milieu de la nuit, galopa avec célérité, et arriva dans la prairie où les émirs étaient campés, à l'heure de midi et au moment où ils reposaient.

[136] Le ms. 25 renferme ici une lacune entre le nom de l'atabeg et les mots que j'ai traduits par « se révolta. » Le mot Mankouberz ne se trouve ici que par suite d'une inadvertance de l'auteur ou de ses copistes. En effet, nous apprenons par Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, 170 r.), et Ibn Khaldoun (fol. 265 r.), que l'émir Mankoubers, prince du Fars fut vaincu, fait prisonnier et mis à mort par le sultan Massoud, dans l'année 53a (1138), au mois de chaban. Mankoubers avait pour lieutenant ou préposé (naïb), dans le Khouzistan, l'émir Bouzabeh. Le dernier chargea le sultan, dans un moment où l'armée seldjoukide s'était dispersée pour piller ou pour donner la chasse aux fuyards. Massoud prit la fuite, sans tenter la moindre résistance. Plusieurs émirs, comme Sadacah, fils de Dobaïs, prince de Hilleh, et un fils de Carasoncor, prince de l'Azerbaïdjan, furent faits prisonniers par Bouzabeh. Ce dernier, ayant appris le meurtre de son maître, massacra tous ses captifs, par représailles. Puis il marcha vers le Fars, s'en rendit maître, et le joignit au Khouzistan. Il est évident, d'après ce qui précède, qu'au lieu du nom de Mankouberz, nous devons lire celui de Bouzabeh. Ce fait est d'ailleurs mis hors de doute par deux autres textes d'Ibn Alathir et d'Ibn Khaldoun. Ces deux auteurs nous apprennent (ms. de C. P. fol. 171 r., fol. 265 v.), que dans l'année 533, l'atabek Carasoncor, prince de l'Azerbaïdjan, réunit des troupes nombreuses et se mit en marche, afin de venger son fils, tué par Bouzabeh. Lorsqu'il approcha du Fars, Bouzabeh se fortifia dans le Château blanc, Carasoncor parcourut toute la contrée, et s'en empara, sans rencontrer d'obstacle; mais il ne put s'arrêter à faire le siège des forteresses. Il remit la province entre les mains de Mélik Seldjouk Chah, fils du sultan Mahmoud, et retourna dans l'Azerbaïdjan. Bouzabeh sortit de son refuge, dans l’année 534 (1139-40), mit en fuite Seldjouk Chah, le prit et l'emprisonna dans une place forte. Il a été question plus haut, dans le récit du règne de Mélik Chah (voir plus haut), de Mangoubers et de Bouzabeh, auxquels notre auteur donne le titre d'atabeg. Seulement, par une erreur, soit de l'historien lui-même, soit des copistes, on y lit que Mangoubers gouverna le Fars au nom de Bouzabeh. Nous venons de voir que tout le contraire eut lieu. Le nom de Mangoubers est écrit différemment chez les auteurs orientaux. Dans sa notice du Nizam ettévarikh de Beïdhavi (Notices et Extraits des Manuscrits, t. IV, p. 690), Silvestre de Sacy a lu Mankourberz. Deux manuscrits de cet ouvrage (ms. persan 117, fol. 102; ms. 78 Anquetil, fol. 65), portent Mankouberz et Mankoubers. Dans trois copies de la IVe partie du Rouzet-esséfa la leçon est différente. Enfin, on trouve dans Khondémir (Khilacet, ms. 101, Saint-Germain, fol. 225 r.; Habib essiier, ms. de la bibliothèque de Leyde, fol. 236) les leçons. En effet, c'est ainsi qu'Ibn Khaldoun écrit le nom de Mankouberz et que ce même nom est orthographié par Ibn Alathir, fol. 110 r., dans un passage relatif à un émir mis a mort par le sultan Mahmoud, dans la troisième année de son règne. —- Le nom de Château blanc, dont il est question ci-dessus, désigne la forteresse plus connue sous le nom persan de Celaahi Séfid et sur laquelle on peut consulter les Nouvelles annales des voyages, VIe série, t. X, p. 70. Je me contenterai de faire observer ici que c'est par une erreur grave, que sir W. Ouseley a confondu Celaahi Séfid avec la ville de Beïdha, située plus prés de Chiraz. (Voyez Travels in various countries of the East, t. III, p. 571.)

[137] Le man. 9 Brueix porte un mot que le man. 25, supplément, omet. Ibn Alathir, fol. 102 r. et Ibn Khaldoun, fol. 265 v., nous apprennent qu'après la mort de Carasoncor, l'Azerbaïdjan et l’Arran furent confiés à l'émir Djavéli et-Thogrili. Nous lisons dans Ibn Alathir (fol. 176 v.), que « l'émir Djavéli et-Thogrili, prince de l'Arran et d'une portion de l'Azerbaïdjan, mourut dans l'année 541 (1146-7). Il s'était mis en marche avec des projets de révolte. Mais il périt de mort subite. Ayant voulu tendre un arc, il se rompit un vaisseau, cracha le sang et expira. » D’après Mirkhond, au contraire (p. 210), l'émir Djavéli marcha vers l'Azerbaïdjan, par ordre du sultan. Lorsqu'il fut arrivé à Zendjan, un jour où la lune se trouvait dans la constellation des Gémeaux, il se fit saigner; et aussitôt après, il se mit à tirer de l'arc. Par la volonté divine, la veine de son bras s'étant rompue, le fil de sa vie fut tranché.

[138] Au lieu d'Arslan, qui est indubitablement la vraie leçon, le man. 9 Brueix porte Alp-Arslan, et le man. 25, on ne peut plus défectueux en cet endroit, omet ce mot, ainsi que presque toute la phrase.

[139] Hamd Allah est tombé ici dans une erreur grossière, en confondant l'émir Djavéli et-Thogrili avec un autre personnage du même nom, dont il a été question ci-dessus (règne de Mélik Chah). Ces deux émirs n'ont de commun que le nom. L'un, surnommé Sécaou ou Sècaoua, fut d'abord gouverneur de Mossoul. (Cf. M. Reinaud, Extraits d'auteurs arabes relatifs aux croisades, p. 22, 25; Aboulféda, Annales, t. III, p. 360, 362), puis du Fars, en qualité d'atabeg ou tuteur d'un enfant de deux ans, fils du sultan Mohammed et nommé Djaghri. Ce fut lui qui fit la guerre aux Chébancariens ou Chébancareh. (Voyez Ibn Alathir, man. de C. P., t V, fol. 143 v.; Ibn Khaldoun, fol. 258 r.; cf. Mirkhond, 4e partie, man. de l'Arsenal, et le Tarikhi-Vassaf, cité par M. Quatremère, Hist. des Mongols, p. 446.) Djavéli-Sécaou mourut dans l'année 510 (1116-7), c'est-à-dire, trente et un ans avant le second Djavéli ou Djavéli et-Thogrili, qui ne fut jamais gouverneur du Fars et ne fit pas la guerre aux Chébancareh.

[140] Au lieu de Bouzabeh, Hamd Allah écrit ailleurs (VIIIe section du ive chapitre, man. 9 Brueix, fol. 169 v.), Bizabeh. Il dit, dans ce dernier endroit, que Bizaheh était fils du fameux atabeg Zengui. Mais cette généalogie me paraît peu probable, car tout le commencement de cette section fourmille d'erreurs historiques et chronologiques. Je me propose de discuter ce qui regarde Bouzabeh et les origines de la famille Salgarienne, dans un travail sur les atabegs du Fars, du Louristan et de l'Azerbaïdjan.

[141] Je crois devoir joindre ici la traduction d'un passage d'Ibn Alathir, relatif à ces événements. « Dans l’année 540 (1145-6), Bouzabeh, prince du Fars et du Khouzistan, marcha avec ses troupes vers Cachan. Il était accompagné de Mélik Mohammed, fils du sultan Mahmoud. Mélik Soleïman Chah, fils du sultan Mohammed, se joignit à eux. Bouzabeh et l'émir Ahbas, prince de Reï, se réunirent, convinrent de se révolter contre le sultan Massoud, et s'emparèrent d’une grande partie de ses états. Il reçut cette nouvelle à Bagdad. Il avait auprès de lui l'émir Abd Errahman (fils de) Thogairek, son chambellan (émir Hadjib), qui était tout puissant dans l'empire et avait de l'inclination pour les rebelles. Le sultan partit de Bagdad, dans le mois de ramadan .... Les deux armées s'approchèrent l'une de l'autre, et elles étaient à la veille de se livrer bataille, lorsque Soleïman Chah alla trouver son frère le sultan Massoud. Abd Errahman entreprit de conclure la paix sur les bases que désiraient les rebelles. »

A ces détails, Ibn Khaldoun (fol. 266 v.) ajoute les suivants: « Le gouvernement de l'Azerbaïdjan et de l'Arran, en remplacement de Djavéli et-Thogrili, fut ajouté à celui de Khalkhal, que possédait déjà Abd Errahman. Le sultan choisit pour vizir Aboul Feth, fils de Darast, vizir de Bouzabeh. Ibn Alathir reprend (f. 175 v.) « Le sultan fut tenu en chartre privée par ses émirs; ils éloignèrent Bek Arslan, fils de Bélenkéri, plus connu sous le nom de Khasbek, qui était le confident du sultan et son favori, Khasbek passa au service d'Abd Errahman, afin que celui-ci l'épargnât.

[142] On peut consulter sur ce canton ce que j'ai dit ailleurs (Journ. asiat., n° de février 1847 p. 185, note.)

[143] D'après Ibn Alathir (sub anno 541, fol. 176 v), ce fut dans le château de Técrit que Massoud emprisonna Soleïman Chah.

[144] Il sera encore question plus loin (règne d'Arslan, fils de Thogril), du château de Cahireh. D'après Mirkhond (Hist. Seldschukidarum, p. 305), il y avait dans les environs de Cazouïn, « une forteresse appartenant également aux Ismaïliens et construite sur la cime d'une roche très dure (littéralement sourde). Le sultan Mahmoud (où d'après le manuscrit de l'Arsenal, dont la leçon est confirmée par notre auteur, Massoud), avant dressé ses tentes dans les environs de ce château élevé, l'assiégea, avec toutes ses troupes, durant trois mois. Il fit de grands efforts pour en expugner ces détestables sectaires, mais lorsqu'il était sur le point de s'en emparer, la discorde s’étant mise entre les grands de l'empire, ils abandonnèrent le siège et toutes leurs peines lurent en pure perte. (Cf. le Tarikhi Guzideh, man. 9 Brueix, fol. 299 r.) Mirkhond a encore parlé du château de Cahireh, dans une autre section de son IVe volume. « C'était, dit-il, une forteresse située sur les frontières du Roudbar, proche Cazouïn, séparée de la terre habitée par son élévation et sa hauteur, et contiguë au ciel. » (Hist. des sultans du Kharezm de mon édition, p. 38.)

[145] Ceci est encore une erreur, née de la confusion et de l'anachronisme que nous avons relevés ci-dessus. Caradjah, surnommé Essaki ou l’échanson, devint gouverneur du Fars et du Khouzistan, sous le sultan Mahmoud et après la mort de Djavéli-Sécaou. Il était atabeg ou tuteur de Seldjouk Chah, fils du sultan Mohammed. (Ibn Alathir, fol. 117 v., 162 r., Ibn Khaldoun, 263 r.; Aboulféda, III, p. 446). Il commandait l'aile droite de Massoud et de Seldjouk Chah, dans la bataille que ces deux princes perdirent contre leur oncle Sindjar, près de Dinaver, le 8 redjeb de l’année 526. Il fut fait prisonnier et mis à mort par Sindjar. (Ibn Alathir f° 162, v. Ibn Khaldoun, dicto leco.)

[146] Autre erreur et autre anachronisme déjà relevés ci-dessus.

[147] Au lieu d'Arran, le man. 9 Brueix porte Armen. Je n'ai pas hésité à préférer la première leçon, car Ibn Alathir, fol. 176 v., dit positivement que le meurtre d'Abd Errahman eut lieu près de Guendjeh. Le même historien fait jouer à un nommé Zengui le djandar, le rôle que notre auteur donne ici à Ildéguiz. Enfin, il ajoute qu'Abd Errahman, lorsqu'il fut tué, se trouvait an milieu de son cortège accoutumé.

[148] Le ms. 15 porte « tu voudras,» et cette leçon s'accorde mieux avec le texte de Mirkhond, p. 214.

[149] A Merdj-Caratékin (la prairie de Caratékin), Ibn Alathir, fol. 177 r. Le même historien place cette bataille dans l’année 542. (Cf. Ibn Khaldoun fol. 267 r.)

[150] C’était ce même Khasbeg qui avait placé Mélik Chah sur le trône, d'après les dernières volontés du sultan Massoud. (Ibn Alathir, fol. 180 v.; Ibn Khaldoun, 267 v.)

[151] Le 15, selon Mirkhond, p. 220. D'après le même auteur, le second règne de Mélik Chah dura trois mois et quelques jours, ce qui est beaucoup plus vraisemblable et ce qui s'accorde mieux avec le récit d'Ibn Alathir, fol. 191 v., 192 v.

[152] Au lieu de charges d'âne d'or, les mss. 9 Brueix, et 15 Gentil, portent 13.000 pièces de satin rouge. Cette leçon nous paraît plus vraisemblable. D'ailleurs, elle a été reproduite par Mirkhond, p. 222, avec l'addition de ces deux mots « non ouvragé. »

[153] Au lieu de Cazouïn, le manuscrit 25 suppl. porte Ferrazin. Nous avons vu plus haut que d'après Ibn Alathir, Massoud emprisonna son frère Soleïman Chah dans le château de Técrit. Comme le récit du premier règne de Soleïman Chah, selon Ibn Alathir, diffère fort de celui d'Hamd Allah, je crois devoir en donner ici la substance. Dans l’année 551 (1156), Zein ed-din Ali kutchuk, lieutenant de Cothb ed-din Maudoud, fils de Zengui, prince de Mossoul, arrêta Mélik Soleïman Chah. Soleïman Chah avait jadis résidé près de son oncle Sindjar, qui l'avait déclaré son héritier présomptif, et avait fait prononcer la prière pour lui sur les minber du Khorasan. Lorsque Sindjar eut été défait par les Ghozz, Soleïman devint le chef des troupes du Khorasan. Mais n'ayant pu résister aux Ghozz, il se retira près du Kharezm Chah, qui lui fit épouser la fille de son frère Acsis. Dans la suite, ce prince apprit une action de Soleïman Chah, qui lui déplut; il l’éloigna de sa cour. Soleïman Chah marcha vers Ispahan, mais le chihneh (gouverneur) de cette ville l'empêcha d'y entrer. Il prit le chemin de Cachan. Mohammed Chah expédia contre lui une armée qui l’écarta de cette ville. Il se dirigea vers le Khouzistan; mais Mélik Chah le repoussa. Il prit alors la route d'Al-Lahaf, et campa à Al-Bendenidjeïn, d'où il envoya un député au khalife Moctafi pour lui faire connaître son arrivée. Après plusieurs ambassades réciproques, on convint que Soleïman Chah enverrait sa femme à Bagdad, en qualité d'otage. Le khalife traita avec considération cette princesse, et permit à son mari de venir le trouver. Soleïman vint à Bagdad, accompagné d'une troupe dont le chiffre ne dépassait pas trois cents hommes. Il y séjourna jusqu'au commencement de moharrem 551 (derniers jours de février 1156). A cette époque, il fut appelé au palais du khalife, avec le cadhi des cadhis, les témoins et les principaux des Abbassides. Là, il jura au khalife d'être son ami sincère, de persévérer dans l'obéissance qu'il lui devait, et de ne se mêler en aucune circonstance de ce qui regardait l'Irak. Lorsqu'il eut prêté ce serment, on fit la khotbah pour lui à Bagdad, et il reçut les surnoms de son père Ghaïats-Eddounia Veddin, etc. Trois mille cavaliers des troupes de Bagdad se réunirent à lui. A la tête de cette petite armée, il marcha vers le Djebel, dans le mois de rabi 1er. Le khalife se mit aussi en marche vers Holvan et envoya à Mélik Chah, frère de Mélik Mohammed, pour l'inviter à assister son oncle. Mélik Chah arriva avec deux mille cavaliers. L'oncle et le neveu se jurèrent une fidélité réciproque, et Mélik Chah fut déclaré successeur de Soleïman Chah. Le khalife les assista d'argent et d'armes. Ils se mirent en marche. Ildéguiz se réunit à eux, et leur armée devint considérable. Lorsque Mélik Mohammed apprit ces nouvelles, il envoya demander le secours de Cothb ed-din Maudoud et de Zeïn Elddin, leur promettant des présents considérables s'il était vainqueur. Ils consentirent à l'aider. Il marcha alors contre Soleïman Chah. Le combat s'engagea dans le mois de djoumada 1er. Soleïman Chah et ses auxiliaires furent mis en déroute, et leur armée se dispersa. Soleïman Chah se dirigea vers Bagdad, par la route de Chehrizour. Zeïn ed-din Ali sortit à sa rencontre, avec un détachement des troupes de Mossoul. Il le fit prisonnier et le conduisit dans le château de Mossoul, où il l'emprisonna, sans cesser toutefois de lui montrer de la considération et du respect. (Ms. de C. P., t. V, fol. 185 v. 186 r. Cf. Ibn Khaldoun, 268 v.)

[154] Nos trois manuscrits orthographient différemment le nom de cet émir. J'ai adopté l'orthographe d'Ibn Alathir. Ce personnage possédait, dit-il, la ville d’Al-Lahaf, et le château d'Al-Mahéki. Fol. 184 v.

[155] Mirkhond mentionne un personnage nommé Réchid Djamehdar (le maître de la garde-robe), chihneh ou gouverneur d'Ispahan, et qui doit être le même que notre Héchid-Djandar. (Voyez Hist. Selschukid. p. 235.)

[156] Le nom de cet émir est écrit diversement dans nos copies.

[157] Je me trouve encore embarrassé par les leçons discordantes de nos trois manuscrits.

[158] Au mois de dzou’lhidjdjeh 551 (février 1156), selon Ibn Alathir fol. 186 v.

[159] D’après Ibn Alathir, au contraire, Soleïman Chah écrivit à Inanedj, pour implorer son secours contre Cherf ed-din Kurd-Bazou. L'ambassadeur arriva dans un moment où Inanedj était malade. L'émir envoya au sultan cette réponse. « Lorsque je serai rétabli, je me rendrai près de toi avec mon armée. » Kurd-Bazou ayant eu avis de cette promesse, feignit de se réconcilier avec le sultan et s'empara de sa personne, par la ruse, dans le mois de chevval 556 (555 selon Ibn Khaldoun). (Man. de C. P., fol. 193 r.; cf. Ibn Khaldoun 271 r.)

[160] Telle est la leçon que j'ai cru devoir adopter, au lieu des mots qu'offrent nos trois manuscrits. Mirkhond mentionne plusieurs fois un personnage nommé Izz-Eddin-Caïmar (Historia Seldschukidarum, p. 28, 229, 233), et qui est le même que celui dont il est ici question. Ailleurs, il nomme les enfants de Caïmar ». Au lieu de Caïmar, je lis Caïmas, nom qui se rencontre fréquemment dans l'histoire musulmane, et que je trouve porté, vers cette époque, par trois personnages différents: Caïmaz-es-Sulthani, l'émir Caïmaz-el-Amidi, et Caïmaz-el-Ardjuvani, émir El-Hadjdj. (Ibn Alathir, fol. 188 v., 191 r., 192 v.) Le même historien mentionne, sous les années 567, 569, 570, un Cotb Eddin Caimaz, qui exerçait un grand pouvoir à la cour du khalife Mostadhi-iemr-billah.

[161] Nous apprenons de l'auteur du Méracid-al-Ittila (apud Uylenbroëk, Iracae persicae descriptio, p. 72), que Farrazin était le nom d'un château situé aux portes de Caradj, entre Hamadan et Ispahan. J'ai donc cru devoir lire Farrazin, et substituer Caradj aux; leçons altérées de nos trois manuscrits.

[162] C'est ici la leçon des manuscrits 25, supplément, et 15, Gentil. Le manuscrit 9, Brueix, porte autre chose. (Cf. sur cette guerre d'Arslan, fils de Thogril, et du roi de Géorgie George III, une note de Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. II, p. 242, 243; Ibn Alathir, man. de C. P., t. V, fol. 195 v.; Ibn Khaldoun, man. 742, t. IV, fol. 271 v., 272 r.; Rachid ed-din, Djami-Ettévarikh. man. persan, 68 A, fol. 88 r. et v.)

[163] On trouve dans le pseudo Fakhr ed-din Razi des détails curieux sur l'appréhension continuelle où le voisinage des Ismaïliens tenait les habitants de Cazouïn. (Voyez Silvestre de Sacy, Chrest. Arab., t. I, p. 82, 83.) On lit dans Ibn Alathir, sous la date de l'année 560 (1164-5): « Les Ismaïliens fondèrent une forteresse dans le voisinage de Cazouïn. On en parla à Chems ed-din Ildéguiz. Il ne désapprouva pas cette conduite, de crainte de s'attirer les attaques perfides des Ismaïliens. Ceux-ci s'avancèrent ensuite vers Cazouïn et l'assiégèrent. Les habitants leur résistèrent courageusement. Un de mes amis, ou plutôt un des imams mes maîtres, m'a raconté ceci: J’étais à Cazouïn, m'occupant de sciences. Il y avait dans cette ville un homme qui commandait à une troupe nombreuse, et qui était connu par sa bravoure. Il avait un turban rouge, dont il entourait sa tête lorsqu'il combattait. Je l’aimais et je recherchais sa société. Un jour que j'étais en sa compagnie, il me dit: Je me vois aux prises avec les Mélahideh. Ils se dirigeront demain vers la ville; nous sortirons à leur rencontre, et nous les combattrons. Je serai au nombre des hommes les plus hardis; j'aurai la tête entourée de ce turban. Nous les combattrons, dis-je, et aucun autre que moi ne sera tué. Après quoi, les Ismaïliens s'en retourneront. » Il me dit donc cela; et vraiment, le lendemain, voici que le bruit se répand de l'arrivée des Ismaïliens. Les habitants sortirent à leur rencontre. Je me rappelai le discours de cet homme, et je sortis, sans autre dessein que de regarder si ce qu'il avait dit était vrai ou non. Il se passa peu de temps avant que les habitants revinssent; le cadavre de cet homme était porté sur leurs bras, avec son turban rouge. Ses compagnons racontèrent qu'il n'avait point été tué parmi eux d'autre personne que lui. Je restai étonné en voyant comme son discours avait été vrai, et qu'aucune de ses paroles n'était modifiée par l'événement. .......» « Lorsque, reprend Ibn Alathir, ce cheikh me raconta cette histoire, je ne songeai point à lui en demander la date. Seulement, elle a eu lieu vers cette époque et dans cette contrée; c'est pourquoi je l'ai consignée ici par conjecture. » (Man. 740, suppl. t. V, p. 210, 211; ou ms. de C. P., t. V, p. 199 r.) Peut-être cet événement est-il le même que Mirkhond a raconté soin la date 523. (Notices des Manuscrits, t. IX, p. 219.)

[164] Il a déjà été question de ce château dans une des notes précédentes (p. 354, 355). Ainsi que je l'ai fait observer ailleurs (Hist. des sultans du Kharezm, par Mirkhond, p. 38, note 1), au lieu de Arslan Cucha, il faut lire Arslan Cuchad, c'est-à-dire (château) conquis par Arslan. (Cf. M. C. d'Ohsson, Histoire des Mongols, t. III, p. 171.)

[165] Au lieu de Sultan Chah, il faut évidemment lire Il-Arslan. Mirkhond a commis une erreur non moins grave en nommant sultan Tacach au lieu de son père, Il-Arslan. (Hist. Seldschukid. p. 237.)

[166] Voyez sur cet endroit, ce que j'ai dit dans ce recueil, février 1847

[167] Les manuscrits diffèrent. D Herbelot a écrit Firnah (verbo Thogril ben Arslan).

[168] Dans l’année 563 (1167-8), Acsoncor al-Ahmed Ili, prince de Méragah, envoya demander à Bagdad que l'on fit la khotbah au nom du roi qui se trouvait auprès de lui, c'est-à-dire, du fils du sultan Mohammed Chah. Il promettait de ne pas entrer dans l'Irak, et de n'exiger rien de plus que cette cérémonie. Il offrait, en outre, de payer une somme lorsqu'il aurait obtenu sa demande. Le khalife lui accorda ce qu'il sollicitait. Cette nouvelle parvint à Ildéguiz, qui en fut mécontent, équipa une armée considérable, en donna le commandement. A son fils Al-Behlévan, et la fit marcher contre Acsoncor. Un combat s'engagea, qui se termina par la défaite d'Acsoncor et sa retraite dans Méragah. Al-Behlévan l'y assiégea; mais des ambassadeurs intervinrent des deux côtés; la paix fut conclue, et Al-Behlévan retourna près de son père, à Hamadan. » (Ibn Alathir, fol. 301 r et v. Conf. Ibn Khaldoun, 272 v.; Rachid-Eddin, ms. 68 A, fol. 96 v., 97 r.)

[169] Ibn Khaldoun place la mort d'Arslan en 673 (man. suppl. arabe, fol. 273 r.), et Aboulféda paraît être du même avis, car il dit: « Dans le mois de moharrem 573 (juillet 1177), on fit la khotbah au nom de sultan Thogril ben Arslan. (Ann. Mosl. IV, 34.)

[170] D’Herbelot (article Thogrul ben Arslan) a ainsi rendu le second de ces deux vers: « Tel est l'état déplorable de ma vie. La fortune efface de ma vie ce qu'hier elle avait écrit de favorable pour moi. » Les vers de Thogril III renferment la même idée que M. de Lamartine a exprimée dans sa pièce intitulée Le lac

« Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,

Où l’amour, à longs flots, nous verse le bonheur.

S'envolent loin de nous de la même vitesse,

Que les jours de malheur. »

[171] Au lieu de Melik Abkhaz, un de nos manuscrits porte Mélik Baïndjaz. C'est une mauvaise leçon de ce genre qui a égaré d'Herbelot et lui a fait donner au roi de Géorgie le nom de Badangiar. Deguignes a renchéri encore sur l’erreur de d'Herbelot, en faisant du roi chrétien un émir nommé Badangiar. (Histoire des Huns, t. II, p. 264)

[172] D'Herbelot a mentionné deux fois la méprise des astrologues (Biblioth. orient., articles Annaan et Thogrul ben Arslan). Dans le second endroit, il a mal rendu une phrase de l'auteur persan qu'il avait sous les yeux, en disant. « Dans tout le temps marqué, il ne souffla aucun vent qui ait empêché les paysans de battre et de vanner leur grain en pleine campagne. » Il a eu tort aussi de dire que l'irruption de Djenguiz Khan et de ses Mongols dans les provinces de l'Iran eut lieu dans la même année que la conjonction des planètes. Ibn Alathir a parlé de ces événements sous la date de l'année 582. « Les astrologues, dit-il, avaient prédit jadis, et tout récemment encore, que le 29 de djoumada dernier de cette année (16 septembre 1186}, les cinq (sic) planètes se rencontreraient dans le signe de la Balance; qu'à cause de leur conjonction, un vent violent et une poussière épaisse s'élèveraient, feraient périr les hommes et ruineraient les provinces. Mais lorsque cette année fut arrivée, la prédiction fut démentie par l'événement. Aucun vent ne souffla, si bien que l'achèvement de la moisson du froment et de l'orge fut retardé faute de vent pour vanner le grain. Dieu fit mentir la prédiction des astrologues et les couvrit de confusion. » (Ms. de C. P. t. V, fol. 231 r.)

L'opinion d'Ibn Alathir s'accorde avec les Tables alphonsines, qui, selon d'Herbelot (art Annan), marquent cette conjonction l'an 582 de l'hégire.

[173] Ce hadith a été rapporté par Abd Errezzac, dans un passage qui n'a pas été exactement rendu par M. Quatremère. • Dans cette nuit, dit l'historien persan, par un décret de la Providence divine, un incendie allumé par le feu du ciel atteignit le palais de l'empereur de la Chine, qui était nouvellement bâti. La vérité du hadits: Les astrologues ont menti, fut confirmée par cet accident, (Notice sur le Matlaa Assaadeïn, p. 338). Au lieu de ces mots, M. Quatremère a traduit (ibid. p. 442) « Et la prédiction ordinairement fausse des astrologues se trouva complètement vérifiée. » Il est vrai qu'on lit quelques pages plus haut (p. 331, 332): « Dans cette année, les astrologues du Khita avaient prédit qu'un dommage causé par le feu atteindrait le palais de l'empereur. Pour ce motif, on n'avait pas allumé de lampes dans le palais.» Mais de deux choses l'une: ou Abd Errezzac a voulu dire que les astrologues n'avaient annoncé qu'un incendie causé par l'imprudence des hommes, ou plutôt, dans le passage cité en premier lieu, il faut lire « ne fut pas confirmé, » au lieu de « fut confirmé.» Mais, quelque opinion que l'on adopte, il est impossible de traduire comme l'a fait M. Quatremère.

[174] Voyez ci-dessus, n° d'octobre 1848, p. 368, note 2.

[175] D'après Ibn Alathir (fol. 240 r.) l'armée de Nacir était commandée par le vizir Djélal ed-din Obaïd Allah, fils de Iounis. Elle partit de Bagdad le 3 de sôfer, et arriva près d'Hamadan. Kizil ne la joignit pas. Thogril s'avança à la rencontre du vizir avec son armée. Ils en vinrent aux mains près d’Hamadan. L'armée de Bagdad lâcha pied. Le vizir tint ferme avec on Coran et son épée; mais il fut fait prisonnier. (Cf. Ibn Khaldoun, fol. 273 v. et Mirkhond p. 252).

[176] Ms. 25 supplément. (Voyez le Nozhet-el-Coloub. Ms. p. 127. fol. 381 v.)

[177] Ibn Alathir dit positivement que Kizil Arslan fit faire la khotbah en son nom, en qualité de sultan, et frapper les cinq naubets, honneur réservé à la dignité souveraine. (Fol. 247 v. cf. Ibn Khaldoun, 273 v. et Mirkhond, p. 252).

[178] Au lieu de ce mot, nos trois manuscrits portent Semnau, nom d’une ville du Khorasan qui n'appartenait point à Thogril et qui, par conséquent, n'a que faire ici. J'ai adopté le mot Meïdan, d'après Mirkhond. (Historia Seldschukidarum, p. 259).

[179] Littéralement « fut chaud ».

[180] 9 Brueix, « dans rabi second; » 25 supplément, « à la fin de rabi second; » « le 24 du mois de rabi premier, » selon Ibn Alathir, fol. 254 v.

[181] Mirkhond place ce mot dans la bouche de Nizam el-Mulc Massoud, vizir de Tacach (Hist. Seldschukid. p. 261, 262).

[182] Voyez sur ce château fort, Indjidj, apud Brosset, Journal asiatique, mars 1837, p. 222, note, et Morier, Second journey, p. 309, 312.

[183] Cf. Mirkhond, Histoire des sultans du Khorezm, p. 109 de mon édition.

[184] Ms. 9 Brueix, fol. 173 r.; ms. 15 Gentil, fol. 229 r.

[185] Cette illustre origine a été refusée à Hassan par !e vizir Nizam el-Mulc, dont Mirkhond a transcrit les propres paroles (Notices des manuscrits, t. IX, p. 194). « Hassan ayant, dit-il, rapporte son origine aux Arabes, s'exprimait ainsi. « Je suis au nombre des enfants de Sabbah Himiari. Mon père alla de Coufah à Com et de Com à Reï. » Mais les habitants du Khorasan et, en particulier, ceux du pays de Thous, ayant nié la vérité de cette parole, disaient: « Ses «ancêtres étaient au nombre des paysans de cette contrée. »

[186] Ce renseignement est encore en contradiction avec le récit de Nizam el-Mulc, d après lequel Hassan resta inconnu pendant le règne du sultan Alp-Arslan, et ne se montra que sous le règne de Mélik Chah. Ibid. p. 195-196.

[187] Il faut sans doute lire Abd el-Mélik, fils d'Athach. En effet, le fils de ce personnage est nommé par Ibn Alathir (ms. de l'Institut, p. 165, par Aboul méhacin (Nodjoum, ms. arabe 660, f. 183 r.), et par Aboulféda, Annales, sub anno 500, Ahmed, fils d'Abd el-Mélik, fils d'Athach. Cet Ahmed a joué un grand rôle dans l'histoire des Ismaéliens, quoique M. de Hammer ne l’ait pas nommé dans son histoire de ces sectaires. Voyez Mirkhond, Historia Seldschukidarum, p. 164, 166, 167, 168; Ibn Alathir, t. IV, fol. 181 r. 182 v.; ms. de l'Institut, p. 165-170; Aboulféda, loc. laud.; Ibn Khaldoun, ms. ar. suppl. n° 74, t. IV. fol. 40, 41 r.; Aboul méhacin, loc. laud. (Bondari, Histoire des Seldjoukides, ms. arabe 767 A. fol. 63 r. et v.) mentionne cet Ahmed, fils d’Abd el-Mélik et lit ainsi le nom de son aïeul, Othach. Mirkhond (Notices des manuscrits, t. IX, p. 204) cite Abd el-Mélik. Le même historien nous apprend qu’Abd el-Mélik fut obligé de s'enfuir à Alamout, à cause de la crainte que lui inspiraient les habitants d'Ispahan. (Hist. Seldschukid. p. 164.)

[188] Voyez plus haut.

[189] II faut consulter, sur la révolte et la mort de ce prince, un long extrait de Noveïri, traduit par M.de Slane, dans sa version anglaise d’Ibn Khallican (t. I, p. 160-161, note 7; cf. M. d'Ohsson, Histoire des Mongols, t. III. p. 167, 168, note.)

[190] C'est ainsi que j'ai cru devoir lire avec le ms. 25 suppl. Lonban, dit l'auteur du Méracid-al-ittila (ms. arabe de la Bibliothèque nationale, p. 480, cf. le Lobb el Lobab, éd. Veth, p. 230, est une grande bourgade près d’Ispahan. Une des portes de cette dernière ville tire son nom de celui de Lonban. Ce dernier détail est confirmé par Abd errezzak, qui cite « la porte de Lonban, » (Notice sur le Matla assaadeïn, par M. Quatremère, p. 70). C'est à tort que M. Quatremère a lu Lenban. M. Bland est tombé dans une pareille erreur, en prononçant Labnan (Account of the Atesh Kedah, p. 16). Chardin mentionne plusieurs fois la porte de Lombon. (Voyez ses Voyages, t. VIII, p. 13 et 137; cf. ibid. p. 212.) Mirkhond a placé la retraite d'Hassan à Ispahan avant son voyage en Egypte. Il a mentionné cependant l'opinion embrassée par notre auteur.

[191] Au lieu de Habech, il faut lire Habechi, « l'Abyssin. » Aboulféda, qui mentionne cet émir (t. III, p. 312), l'appelle Dada. Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, fol. 117 r., écrit Dadz Habechi, fils d'Altountac.

[192] La même forme est donnée par Ibn Alathir (t. IV, fol 181 r.), Mirkhond ibid. p. 208 et Aboulféda (t. III, p. 330, 332); voici de quelle manière le premier de ces trois écrivains raconte les circonstances de la construction d’Alamout: « Au nombre des forteresses dont s'emparèrent les Ismaéliens, était encore Alamout, qui fait partie du territoire de Cazouïn. On raconte qu'un roi du Deïlem allait souvent à la chasse; il lâcha un jour un aigle dressé à la chasse et le suivit. Il le vit s'abattre sur la place où s'éleva depuis ce château; il trouva que c'était un lieu fort d'assiette, et ordonna d'y construire une forteresse qu'il appela Alah Amout. Le sens de ces deux mots, dans la langue du Deïlem, est l'enseignement de l'aigle. » L'on nomme ce lieu et ce qui l'avoisine, Thalecan, là sont des châteaux bien fortifiés, dont le plus célèbre est Alamout. » On voit que l'explication des mots Alah Amout, donnée par Ibn Alathir et, d'après lui, par Aboulféda (loc. laud.), diffère de celle adoptée par notre auteur et par Mirkhond (loc. laud.). Ainsi que nous le verrons à la fin de cet extrait, le château d’Alamout fut bâti, dans l'année 246 (860-1) par l'Alide Hassan ben Zeïd. On peut consulter, à ce sujet, un curieux passage du Nozhet-al-Coloab, traduit par M. Quatremère (Histoire des Mongols de la Perse, p. 313, note). Je ferai seulement observer que, dans cet endroit, il faut lire cent soixante et onze ans, au lieu de soixante et onze ans. En effet, comme notre auteur l’a énoncé, dans le titre de cette notice, la puissance des Ismaéliens de l'Iran dura cent soixante et onze ans, depuis l'année 483, jusqu'à l'année 654.

[193] D'après Ibn Alathir, Alamout et les cantons environnants avaient été donnés à forme, à un nommé Chéref Chah Aldjaféri, qui avait choisi pour son lieutenant dans cet endroit un homme de la famille d'Ali, plein d'ignorance et de simplicité. (T. IV, p. 181 r.)

[194] Ibn Alathir a raconté d'une manière bien plus vraisemblable les circonstances de rétablissement d’Hassan dans Alamout. D'après cet auteur (t. IV, p. 181 v. 182 r.), lorsque Hassan eut mis à l'épreuve les habitants des cantons voisins d’Alamout, il établit m résidence auprès d'eux. Il chercha à les induire en erreur et les prêchait en secret. Il manifestait beaucoup de dévotion et ne revêtait que des habits d'un drap grossier. L’Alide maître du château conçut la meilleure opinion de lui et l'admit dans son intimité. Lorsqu’Hassan eut affermi son pouvoir, il entra un jour près de l'Alide, dans la forteresse, et lui dit: « Sors de ce château. » L'Alide sourit et pensa qu'il plaisantait. Mais Ibn Sahbah ordonna à quelques-uns des compagnons de l'Alide de le faire sortir. Ils le conduisirent à Daméghan. Hassan lui remit ses richesses et s'empara du château.

[195] Il faut consulter sur Kerdkouh, les passages rassemblés par M. Quatremère. (Histoire des Mongols, p. 278, note.)

[196] Au lieu de Kizil Tach, Mirkhond (p. 211) écrit Kizil Saric, et je pencherais à préférer cette dernière leçon. En effet, je regarde ce Kizil Saric comme le personnage appelé Kelsari ou Kelsarigh, par Ibn Alathir (t. IV, fol. 182 r., ms. de C. P. t. V, fol. 122 v.) et qui fut nommé par le sultan gouverneur du Couhistan.

[197] Mirkhond a raconté un peu différemment le même fait, et sa version me semble plus vraisemblable. « Les hommes envoyés par Abou Ali ayant, dit-il, saisi l'occasion favorable, se jetèrent, une certaine nuit dans le château, et firent une attaque nocturne contre l'armée d'Arslan Tach, avec le secours d'une troupe d'habitants du district de Roudbar, qui s'étaient abouchés avec eux du dehors. » (Ibidem, p. 211.)

[198] Voyez plus haut une note étendue sur ce sujet.

[199] Quoi qu'en dise Hamd Allah, Barkiaroc chercha plus d'une fois à réprimer les entreprises des Ismaéliens. Dans l'année 484 (1091), ces sectaires s’étaient emparée du château de Vachmcouh (J'ai lu Vachmkouh avec M. Quatremère, qui a cité ce passage d’Ibn Alathir (Histoire des Mongols, 177, note). Mais je ne dois pas omettre de faire remarquer que le nom de ce château est écrit autrement dans Aboulféda et dans le ms. d'Ibn Alathir cité plus haut, Vasnamcouk, dans le ms. de C. P.), auprès d’Abher et avaient fait souffrir de grands dommages aux habitants des cantons voisins et, en particulier, à ceux d'Abher. Ces derniers implorèrent le secours du sultan Barkiaroc, qui envoya contre le château des hommes chargés de l'assiéger. Le siège dura huit mois; enfin, la forteresse fut prise dans l'année 489 (1096), et ceux qui s'y trouvaient furent tués jusqu'au dernier (Ibn Alathir, t. IV, fol. 182 r.}. Dans l'année 494 (1101), dit Aboul méhacin (ibid. fol. 175 r.), le sultan Barkiaroc tua une troupe de Bathéniens, au nombre de trois cents et plus. Puis il écrivit au khalife d'arrêter tous ceux qu'il soupçonnait d'appartenir à leur secte. (Cf. Ibn Alathir. t. IV, fol. 179 v. 184 r. et v. 185 r.}

[200] J'ai cru devoir lire Lenbéser, leçon qui est à peu près la même que celle donnée dans des vers rapportés par Rachid ed-din (Histoire des Mongols de la Perse, p. i4a). Ailleurs, le même historien écrit Lembéser (p. 186, 198, 212), Mirkhond (p. 213, 215, 217, 219, 228) porte Lamser. Enfin, on lit Lemser, dans le Djihan Cachai, dont l'auteur nous apprend que cette ville était située dans le canton de Roudbar, non loin d'Alamout. (Voyez M. Quatremère, Histoire des Mongols, p. 143, note 23.)

[201] Et non fils de Barkiaroc, comme on lit dans cette phrase de ta traduction de Mirkhond, par Jourdain: « Barkiaroc étant mort, son fils Mohammed, qui lui succéda, etc. » (p. 159). Les mots de son fils ont été ajoutés par le traducteur, et jamais addition, ne fut plus malencontreuse. Jourdain aurait évité cette erreur, s'il se fût rappelé que, trois pages plus haut, Mirkhond avait nommé Barkiaroc et Mohammed, fils de Mélik Chah.

[202] Au lieu de « huit, » le ms. 9 Brueix porte « sept » et le ms. 25 suppl. « vingt. » D'après Ibn Alathir (man. de l'Institut, p. 316), au mois de moharrem 503 (août 1109), le sultan fit marcher son vizir Nizam el-Mulc (lisez Dhia el-Mulc, voyez Bondari, fol. 67 r. Mirkhond, Hist. Seldschuk. p. 169) Ahmed, fils de Nizam el-Mulc, contre le château d'Alamout. Il l'assiégea; mais l'hiver arriva sur ces entrefaites, et il dut s'en retourner sans avoir atteint son but. » Mirkhond a parlé de cette expédition d'une manière plus détaillée (p. 215). « Mohammed ordonna, dit-il, à Ahmed, fils de Nizam el-Mulc, de marcher avec une armée redoutable vers le pays de Roudbar, et de s'occuper du siège des châteaux des Ismaéliens. Ahmed, ayant d'abord entrepris le siège du château d'Alamout, anéantit les semailles et les moissons des Bathéniens. Les assiégés furent réduits aux dernières extrémités, et envoyèrent leurs familles dans d'autres forteresses. Au commencement de l'année 511 (1117), le sultan Mohammed commanda à l’atabeg Nouchtéguin Chirguir de conduire l'armée, et de faire des efforts proportionnés à son pouvoir, afin de conquérir Alamout et les autres places des Ismaéliens. »

[203] L'émir Anouchtéguin Chirguir était gouverneur de Savah, d'Avsa et de Zendjan, au nom de Thoghril, fils de Mohammed, alors âgé de huit ans et dont il était l’atabeg. Tous les châteaux que Chirguir parvint à enlever aux Ismaéliens furent annexés a la principauté de Thoghril (Ibn Alathir, dans les Extraits d'historiens arabes relatifs aux croisades publiés par l'Académie des Inscriptions, t. I, p. 317). Il faut lire dans le même ouvrage (p. 305 et 306) les détails du siège d'Alamout par Chirguir. Nous y ajouterons seulement un fait que nous devons à Bondari (fol. 85 r.). Aboulcacim Derkézini, qui devint depuis vizir, entreprit de séparer l'armée, à cause de son penchant pour les Ismaéliens et de la promesse qu'il leur avait faite de les aider. Il obtint du (nouveau) sultan (Mahmoud) la permission de faire arrêter Chirguir. Les soldats levèrent le siège en désordre. Les habitants d'Alamout les poursuivirent et en tuèrent plusieurs. Les autres se retirèrent de divers côtés. Les assiégeants transportèrent dans le château des munitions et des vivres pour une valeur de plus de deux cent mille dinars. Plus loin (fol. 101 v.), Bondari place l’arrestation de Chirguir après la levée du siège, ce qui s'accorde mieux avec le récit d'Ibn Alathir; c'est pourquoi je crois devoir donner ici une traduction un peu abrégée de ses paroles: « Lorsque Mahmoud fut investi de la souveraineté, après, la mort de son père, et que Derkézini fut maître du pouvoir, il employa la ruse pour rappeler Chirkir et soulagea par là le château. Puis il ne cessa de mettre en usage les ruses les plus déliées, si bien qu'il fit paraître Chirkir coupable, aux yeux du sultan, de fautes prétendues. Enfin, cet émir fut emprisonné avec son fils Cherf eddaulah. Derkézini continua à tromper le sultan sur leur compte, et finit par obtenir de ce prince la permission de répandre leur sang. D’après Ibn Alathir (ms. de C. P. t. V, fol. 161 v.), Chirkir et son fils Omar, émir hadjib, ou chambellan du sultan Mahmoud, furent tués dans le mois de djoumada second 525.

[204] L’un de ses serviteurs, d'après Mirkhond, p. 316.

[205] Cet événement me paraît avoir eu lieu en l'an 497 (1103-4). En effet, Ibn Alathir a placé à cette époque un traité conclu par Sindjar avec les Ismaéliens. « Dans cette année, dit-il, Boazghouch isfehselar (général) de l'armée de Sindjar, rassembla une grande partie des troupes du Khorasan et des volontaires, et marcha pour combattre les Ismaéliens. Il se dirigea sur Thabes, qui leur appartenait, la ruina, ainsi que les forteresses et les bourgs qui l'avoisinaient, et tua ou fit prisonniers un grand nombre de ces sectaires. Puis les compagnons de Sindjar conseillèrent à ce prince de leur accorder l'aman, à condition qu'ils n'élèveraient pas de nouvelles forteresses, n'achèteraient pas d'armes et n'appelleraient personne à partager leur croyance. Beaucoup d'individus furent mécontents de cette pais et la reprochèrent à Sindjar. » (Camel ettévarikh, t. IV, fol. 209 ou ms. de C. P., t. V, fol. 129 r.) Mirkhond a aussi parlé de cette paix et des conditions auxquelles elle fut conclue.

[206] Cf. à ce sujet le récit plus détaillé de Mirkhond (pages 216, 217).

[207] Probablement dans la crainte que leur courage ne fût amolli par la vue des souffrances de ces êtres faibles, et aussi pour diminuer le nombre des bouches inutiles.

[208] Ce récit diffère un peu de celui de Mirkhond, d'après lequel Hassan ne sortit jamais du château et ne monta sur la terrasse que deux fois.

[209] Mirkhond appelle ce personnage « le général Hassan Casrani. » Jourdain a eu tort de substituer à ce nom celui de Houssein Caïni (p. 161), d'autant plus qu'à la page précédente on lit ces mots « Sur ces entrefaites, Hossein Caïni, daï du Couhistan, fut tué par Hossein Demavendi. » Au lieu de Casrani, on lit dans le Débistan, Fakrani (The Dabistan, translated, etc. by Anthony Troyer, t. II, p. 441). A la place de Kaïni, le même ouvrage écrit partout Fany (ibid. p. 436, 437, 441). M. Troyer, trompé par cette fausse leçon et par la traduction de Jourdain, a aussi adjoint Hossein Kaïni à Hassan Casrani et à Abou Ali (p. 441, note 4).

[210] Le récit d'Hamd Allah semble ici en contradiction avec celui de Mirkhond, d'après lequel le règne de Buzurg Umid aurait duré vingt quatre ans, Mais je suis persuadé que Mirkhond avait écrit « quatorze ans. » D'abord Mirkhond, qui, comme notre auteur, donne plus de vingt quatre ans de règne à Mohammed, fils de Buzurg Umid, place également la mort de ce prince en 557 (1162), ce qui ne serait pas exact si Buzurg Umid avait régné vingt quatre ans. Ensuite Mirkhond s'exprime ainsi au sujet de Mohammed: « De même que Mostarchid l’Abbasside fut tué à la fin du règne de Kia Buzurg Umid, de même Rachid billah périt au commencement de la puissance et de la prospérité du fils de Buzurg Umid (Mohammed). » Or, nous savons par Ibn Alathir (t V, p. 33), et Aboulféda (t. III, p. 476, 478), que Rachid billah fut assassiné le 25 de ramadan 532 (7 juin 1138). J'ignore sur quelle autorité M. de Hammer a donné à Buzurg Umid un règne de quatorze ans et trois jours. (Hist. de l’ordre des Assassins, trad. IV., p. 140).

[211] Je ce suis pas sûr d'avoir bien rendu la fin de cette phrase, que nos manuscrits rapportent très différemment. J'ai du supposer l'omission de deux mots afin d'obtenir un sens. Mirkhond se contente de dire: « C'est l'opinion des Ismaéliens que toute action faite par leur imam est licite, ou plutôt digne d'approbation. » (Notices des Manuscrits, t. IX. p. 228.)

[212] Les mss. 15 Gentil et 9 Brueix ajoutent ici « fils de Mehdi. » (Voyez le Debistan, loc. laud. p. 444.)

[213] J'ai adopté cette date donnée par le ms. 9 Brueix, par Mirkhond (p. 224, 225, 226) et le Debistan (p. 445), de préférence à celle du 19, que l'on trouve dans les autres manuscrits. C'est par inadvertance que dans la traduction du premier des trois passages de Mirkhond cités plus haut, Jourdain a traduit « le 19 de ramadan, » au lien de 17 comme portait son texte. (Voyez Notices des Manuscrits, p. 166.)

[214] Hamd Allah paraît avoir anticipé ici sur l'ordre des événements; en effet, la dynastie des khalifes Fatimides ne fut éteinte que dans les premiers jours de l’année 567 (1170).

[215] En effet, ainsi que nous l'apprend Mouradgea d'Ohsson, le minber est toujours placé à la gauche de l'autel ou mihrab, qui est lui-même tourné du côté de la kiblah, ou direction de la Mecque (Voyez le Tableau de l'Empire ottoman, édit. in-8°, t. III, p. 170, cf. ibid. p. 93, 94.)

[216] Dans le style des Baténiens et des Druzes, la résurrection signifie le jour de la manifestation de l'imam et de sa doctrine, du triomphe de sa religion et de l'abolition de toute autre secte. » S. de Sacy, apud Jourdain, p. 166, note 1. Cf. M. C. d'Ohsson, Histoire des Mongols, t. III, p. 167.

[217] Au lieu de Hassan ben Namver.

[218] Le mot dont la signification générale est celle de « fondation pieuse, d'objet consacré gratuitement à l'usage des musulmans, » se prend souvent dans le sens de « fontaine où l'on trouve de l'eau sans payer, » et de « distribution gratuite d'eau faite aux pèlerins de la Mekke. » (Cf. Burckhardt, Voyage en Arabie, trad. fr., t. I, p. 299.) Mirkhond dit que Djélal ed-din Hassan fit accompagner sa mère d'un étendard et d'un sebil, selon la coutume des souverains musulmans. (Hist. des Ismaéliens, apud Notices des Manuscrits, t. IX, p. 233.) Dans le même endroit, et dans un autre chapitre de son grand outrage (Hist. des Sultans du Kharezm, p. 66), Mirkhond raconte que Nacir lidin Allah ordonna de faire passer, sur la route de la Mekke, l'étendard de Djélal ed-din avant celui des autres rois, et notamment avant le drapeau et la caravane envoyée par le sultan Mohammed.

[219] On lit dans le Nozhet-el-Coloub (manuscrit de Schulz, non paginé): « Coutem fait partie du IVe climat et est située sur le bord de la mer (Caspienne). C'est un port fréquenté par les vaisseaux du Gorgan, du Thabaristan et du Chirvan. Elle jouit d'un revenu considérable. » L’auteur du Méracid-al-Ittila se contente de dire que Coutem est une petite ville du Guilan. Coutem est mentionnée dans le récit de la campagne d'Oldjaïtou dans le Guilan, en l'année 1307 de notre ère. (Voyez d'Ohsson, Histoire des Mongols, t. IV, p. 494.) Une localité du nom de Koutum est citée dans le Journal du voyage, du P. de la Maze, de Chamakié à Ispahan, par la province de Guilan. Ce n'est, dit ce missionnaire, qu'une grande et belle maison isolée dans la plaine, et entre deux longues allées de très beaux arbres. (Lettres édifiantes et curieuses, édition Mérigot, t. IV, p. 80.) Koutum est le même endroit qui est indiqué, par M. le général Trézel, sous le nom de Khodem, comme une station située à cinq lieues de Recht. (Voyez la Notice sur le Ghilan et le Mazandéran, apud Jaubert, Voyage en Arménie et en Perse, p. 428). C'est encore cette localité que je crois reconnaître dans deux passages de la relation d'Hanway sous les formes altérées Kohtune et Cuedun. (Cf. An historical account of the British trade over the Caspian sea, etc. t. I, p. 226 et 263.) Quoique la carte annexée à la 4e partie de ce volume ait fait de Coutem deux endroits différents, sous les noms de Kohtune et de Cuedom, il est évident, d'après la comparaison des divers itinéraires de l’auteur, qu'il ne s'agit là que d'un seul et même lieu.

[220] Cf. sur cette expédition les détails que j'ai donnés ailleurs (Recherches sur quatre princes de Hamadan, dans le Journal asiatique, février 1847, p. 164-167.)

[221] Les mots y sont employés absolument dans le même sens par Cachifi, Anvari soheïli, édit. de 1829, p. 186, l. 8.

[222] D'après Rachid Eddin (Histoire des Mongols de la Perse, t. I, p. 174), ce meurtre eut lieu la nuit du mercredi 30 de dzou'lcadeh.

[223] C'est ici la leçon du ms. 25 supp., les deux antres portent Salroud-Khalkal et Chakerd-Khalkhal. Il faut sans doute lire Chah roud.

[224] Ms. 9 Brueix: un an.

[225] C'est ainsi qu'il faut lire et non Lal, comme a fait le savant M. C. d'Ohsson, Hist. des Mongols, t. III, p. 193.

[226] Au lieu de ce mot, les mss. 16 Gentil et 9 Brueix portent Chamiran. (Voyez sur Samiran mon mémoire sur la famille des Sadjides.) D'après un des passages du Méracid-al-Ittila que j’ai cités en cet endroit, Samiran était la place forte du roi du Deïlem. Cela me fait pencher à lire Samiran au lieu de Scheberek dans un passage de l'Histoire des Mongols, par M. C. d'Ohsson, t. III, p. 197, ou il est question de Schéherek, l'antique résidence des souverains du Deïlem.

[227] J'ajoute ici un fait curieux, que je n'ai vu consigné nulle part ailleurs, et qui a échappé aux recherches de M. d’Ohsson, ainsi qu'à l'historien de l'Ordre des Assassins: « Dans l'année 674 (1275-6), dit Hamd Allah Mustaufi, une troupe de Melahideh furent d'intelligence avec un fils de Khorchah, lui donnèrent le nom de Nouri-Daulet (la lumière de l'empire) et s'emparèrent du château d’Alamout. Le désordre excité par eux devint considérable. Abaca khan fit partir une armée qui démolit entièrement la forteresse d’Alamout, et vainquit ces Melahideh.» (Tarikhi Guzideh, ms. 9, Brueix, fol. 194 v.)

[228] Voyez sur ce personnage la note 18 de ma traduction de l'Histoire des Samanides, par Mirkhond.