PALESTINE

 

LIVRE PREMIER. — ÉTAT PHYSIQUE ET TOPOGRAPHIE DE LA PALESTINE

CHAPITRE IV. — Division de la Palestine. - Topographie.

 

 

La Palestine, renfermée dans les limites que nous avons indiquées plus haut (ch. 1), se divisait naturellement en deux parties, l'une à l'est, l'autre à l'ouest du Jourdain. Avant l'arrivée des Hébreux le pays était divisé en différents cantons, portant les noms des peuplades cananéennes qui y étaient établies. Les Hébreux divisèrent la Palestine en douze cantons, selon les douze tribus. Sous Roboam, fils de Salomon, dix tribus se séparèrent de la dynastie davidique, et le pays fut divise en deux royaumes, celui d'Israël et celui de Juda. Depuis l'exil jusqu'à l'époque d'Alexandre nous manquons de données positives. Depuis les Maccabées jusqu'à la destruction de Jérusalem par Titus, nous trouvons la Palestine divisée en quatre provinces, savoir la Galilée, la Samarie, la Judée et la Pérée, cette dernière à l'est du Jourdain, les trois autres à l'ouest, en allant du nord au midi. Cette division non-seulement est la plus conforme à la nature du pays, mais c'est aussi celle sur laquelle nous avons le plus de données certaines. Nous la trouvons dans plusieurs auteurs grecs et romains, dans le Nouveau Testament, dans les écrits de Josèphe et dans ceux des premiers Pères de l'Église. Nous prendrons donc pour base de notre topographie cette division en quatre provinces, en nous réservant de revenir, dans l'histoire, sur les autres divisions que nous venons d'indiquer. Dans chaque province nous nommerons les villes qui ont une certaine importance dans l'histoire du pays.

 

I. — LA GALILÉE.

Le nom de Galilée vient de l'hébreu Galil ou Galila, qui signifie cercle, district. Le mot Galil se trouve déjà dans le livre de Josué (20, 7, et 21, 32) comme nom géographique désignant un district de la Palestine septentrionale, surtout le canton de Naphtali. Salomon donna à Hiram, roi de Tyr, vingt villes du pays de Galil (I Rois, 9, 11) ; les Phéniciens s'y établirent, beaucoup d'autres étrangers vinrent fixer leur demeure dans le nord de la Palestine, et delà cette contrée fut appelée le Galil (district) des païens[1]. Mais la province de Galilée dont nous parlons ici était beaucoup plus étendue que l'ancien Galîl. Elle était limitée au nord par le territoire de Tyr et par l'Antiliban, à l'est par le Jourdain avec les deux lacs de Samochonitis (Merôm) et de Tibériade, l'ouest par cette partie de la Phénicie qui s'étendait, le long de la côte, depuis Tyr jusqu'au Carmel qui du temps de Josèphe appartenait aux Tyriens[2]. Au sud-ouest et au sud la limite, partie du Carmel, passait près de Ginée (Djennîn) devant la montagne d'Éphraïm, et allait de là au sud-est jusqu'au Jourdain, un peu au-dessus de Scythopolis. On voit que la Galilée embrassait les montagnes de Naphtali et la plaine d'Esdrélon. Là où les montagnes s'approchent du Carmel elles forment avec celui-ci le défilé que parcourt le Kison et par lequel les habitants de la province pouvaient communiquer avec la côte. Cette communication, très-importante pour la province, la mettait continuellement en rapport avec le territoire phénicien de la côte. Les relations forcées avec des voisins païens exercèrent de tout temps une grande influence sur le caractère des Galiléens. Ils montrèrent moins d'éloignement que les habitants du midi pour la religion et les mœurs de l'étranger et moins de zèle pour la religion de Moïse. Après le retour de l'exil de Babylone, les relations entre les Galiléens et les païens étaient bien plus étendues, car la province renfermait dans son sein un grand nombre de ces derniers. Delà le mépris que les Juifs affectaient pour les Galiléens, qui se faisaient reconnaître d'ailleurs par leur langage corrompu et par leur mauvaise prononciation.

La Galilée était moins grande que la Judée, mais un peu plus grande que la Samarie. Sa longueur du nord au midi était d'environ vingt lieues ; sa largeur, de l'ouest à l'est, de neuf à onze lieues. Mais sa population était très-forte à raison de sa grande fertilité. Au nombre les Galiléens ajoutèrent le courage guerrier et un certain esprit d'indépendance, et ils savaient tenir tête aux nations étrangères qui les entouraient. Dans la guerre contre les Romains Josèphe y rassembla, sans beaucoup de peine, une armée de 100.000 hommes.

Composée de montagnes au nord et d'une grande plaine au midi, la province se divisa en haute et basse Galilée[3]. Nous allons énumérer les principales villes, en allant du nord au midi.

DAN, ainsi appelé par la tribu de Dân qui en fit la conquête (Juges, ch. 18), est souvent nommé dans la Bible comme ville frontière à l'extrémité septentrionale de la Palestine. Avant la conquête elle s'appelait Laïsch, ou Léschem[4]. Elle était située, selon Eusèbe, à une distance de 4 milles romains à l'ouest de Paneas (Banian), et du temps de saint Jérôme il existait encore, à la même place, un bourg de ce nom[5]. A Dân se trouvait l'un des deux veaux d'or de Jéroboam.

KÈDES, ville lévitique et l'une des six villes de refuge[6], était également située dans les environs de Paneas, sur la limite du territoire de Tyr, et, selon saint Jérôme, à vingt milles de cette ville.

KINNÉRETH, qui a donné son nom au lac de Génésareth, était situé saris doute à l'endroit où le Jourdain tombe dans ce lac. A deux lieues de là était CAPHARNAOUM (village de Nahoum). Cette ville n'est pas mentionnée dans l'Ancien Testament, ruais elle joue un certain rôle dans les Évangiles. Jésus y avait fixé sa demeure, et il y séjournait très-souvent pendant les trois années de sa vie publique. Il prêchait dans la synagogue de cette ville et y opérait plusieurs cures merveilleuses. Boniface, évêque de Dalmatie, qui visita la Palestine au XVIe siècle, vit les ruines de Capharnaoum au milieu desquelles s'élevaient deux palmiers. Quaresmius, au XVIIe siècle, vit également ces deux palmiers, et non loin de là un caravansérail nommé Meniéh. Les ruines de Capharnaourn que Burckhardt vit, non loin de Meniéh, sont appelées par les Arabes Tell-Houm.

BETHSAÏDA (lieu de pêche) sur le lac, au-dessous de Capharnaoum, lieu de naissance des apôtres Pierre et André. A côté de Bethsaïda, les Évangiles mentionnent Chorazin ou Corozaïn[7], qui devait être situé dans les mêmes environs, mais dont on ne trouve aucune trace dans les anciens auteurs. En continuant de suivre les bords du lac, on trouve, à environ quatre lieues de Capharnaoum, la ville de

TIBÉRIADE (ou Tabariyya), une des principales villes de la Galilée, et encore assez considérable dans les temps modernes. Elle fut bâtie par le tétrarque Hérode Antipas qui en fit sa capitale, et le nom qu'il lui donna était un hommage rendu à l'empereur Tibère. Située dans une plaine étroite entourée de montagnes, elle pourrait par une culture plus soignée obtenir, tous les fruits des tropiques, mais elle est très-chaude et malsaine. Pour peupler la ville, Hérode y attira des Juifs pauvres et même des païens, en leur donnant des terrains et en leur accordant beaucoup de privilèges ; car les Juifs orthodoxes avaient une certaine répugnance pour le séjour de cette ville, pour la fondation de laquelle il avait fallu détruire beaucoup d'anciens tombeaux. Tibériade resta capitale de la Galilée, jusqu'à l'époque où Hérode Agrippa H lui préféra Séphoris, l'ancienne capitale. Tibériade se soumit, sans attendre un siège, à Vespasien arrivé de Syrie ; ce qui lui valut dans la suite plusieurs faveurs de la part des Romains. Après la destruction de Jérusalem, les plus grands docteurs juifs, qui ne voulurent pas quitter la terre sainte, s'établirent à Tibériade, qui devint un point central pour l'érudition rabbinique. De l'académie de Tibériade émana la Mischna ou le texte talmudique, rédigé par Rabbi Juda le Saint, et plus tard la Masora, ou l'appareil critique du texte biblique[8]. Sous Constantin le Grand une église chrétienne fut fondée dans cette ville, qui devint un des sièges épiscopaux de la Palestine. Les juifs et les chrétiens furent expulsés de Tibériade en 636, lorsque la Syrie fut conquise par les Arabes. L'évêché y fut rétabli pendant les croisades. — La ville moderne de Tabariyya, appartenant au pachalik de Saint-Jean d'Acre, et entourée d'un mur en basalte, est beaucoup plus petite que l'ancienne Tibériade, qui, selon Burckhardt, était située un peu plus vers le midi. Elle avait dans les derniers temps 4000 habitants, pour la plupart musulmans ; les habitants juifs, au nombre de 1000, sont originaires d'Espagne, de Barbarie et de Syrie ; 40 à 50 familles y sont venues de Pologne. Leur quartier est séparé du reste de la ville par un mur n'ayant qu'une seule porte, qui se ferme au coucher du soleil. Il n'y a dans la ville que très-peu de chrétiens ; leur église, consacrée à saint Pierre, se trouve, selon la tradition, à l'endroit où l'apôtre pêcheur jeta son filet. Des missionnaires de Nazareth y viennent dire la messe à la fête de saint Pierre. Selon les rapports des Juifs de Jérusalem que nous avons sous les yeux, le tremblement de terre du 1er janvier 1837 a presque entièrement détruit la ville de Tabariyya, qui ne présente plus qu'un monceau de ruines. — Les célèbres thermes de Tibériade existent encore maintenant au sud-est de la ville, sur les bords du lac ; ils ont quatre sources, et la ruasse d'eau, selon Burckhardt, serait suffisante pour faire marcher un moulin. Ces eaux thermales ont de l'analogie avec celles d'Aix-la-Chapelle ; les habitants les considèrent comme tin bon remède contre les rhumatismes. On y vient de tous les points de la Syrie, surtout au mois de juillet.

La dernière ville sur les bords du lac est TARICHÉE, conquise par Vespasien. Son nom ne se trouve pas dans la Bible.

Si maintenant nous nous rendons dans l'intérieur de la province, nous trouvons, à 4 lieues N. O. de Tibériade, la ville de

SAPHET, maintenant Safad, au N. N. E. du Thabor. Elle est mentionnée dans le livre de Tobie, selon la Vulgate[9]. Avant le dernier tremblement de terre elle renfermait 7000 habitants et 600 maisons, dont 150 appartenaient aux juifs et environ 100 aux chrétiens grecs. Les juifs, au nombre de 300 familles, d'origine espagnole ou polonaise, y possédaient sept synagogues et une école rabbinique. Safad est considérée par les juifs comme une ville sainte, de même que Tibériade, Jérusalem et Hébron[10].

SÉPHORIS, ancienne capitale de la Galilée, et, après la destruction de Jérusalem, siège du synedrium, qui plus tard se transporta à Tibériade. Elle était située sur une montagne. Hérode Antipas, qui avait fait élever beaucoup de constructions et des fortifications, lui donna le nom de Diocæsarea. Dans la Bible on ne parle pas de cette ville ; mais elle est mentionnée par Josèphe et souvent dans le Talmud. La tradition chrétienne y place la demeure des parents de Marie, mère de Jésus. En 339 elle fut détruite par les Romains, parce que ses habitants s'étaient révoltés contre Gallus. A sa place on trouve maintenant le village de Safouri avec 600 habitants.

KANA (maintenant Kefer Kanna), à 2 lieues S. E. de Séphoris, célèbre dans l'histoire de Jésus, qui, selon l'Évangile de saint Jean (ch. 2), y opéra son premier miracle. C'est un misérable village habité principalement par des chrétiens catholiques, qui prétendent indiquer aux voyageurs la maison où Jésus changea l'eau en vin. L'impératrice Hélène y fit bâtir une église dont on voit encore les ruines.

Au midi de Kana, en montant à travers des collines calcaires, couvertes de broussailles, on arrive à la petite ville de

NAZARETH, célèbre dans l'histoire du christianisme, et qui aujourd'hui porte le nom de Nasra. Cette ville, qui joue un si grand rôle dans le Nouveau Testament, comme le lieu où demeuraient les parents de Jésus et où celui-ci reçut son éducation, était en elle-même très-insignifiante. Elle n'est mentionnée ni dans l'Ancien Testament[11], ni dans les écrits de Josèphe, ni dans le Talmud. Est-ce que quelque chose de bon peut venir de Nazareth ? demande Nathanaël dans l'Évangile de Jean (1, 46), ce qui prouve assez le peu de cas que l'on faisait de cette petite ville. Cependant elle eut le privilège de prêter son nom à Jésus et à ses partisans, qui furent appelés Nazaréniens ou Nazaréens, épithète d'abord injurieuse, mais par laquelle les sectateurs de Jésus ne dédaignèrent pas de se désigner eux-mêmes jusqu'à ce que, sous le règne de Claude, ils adoptèrent le nom de Chrétiens[12]. Selon la tradition, l'impératrice Hélène fit bâtir à Nazareth l'église de l'Annonciation. Du temps des croisades cette ville devint le siège d'un archevêché. Après les victoires des musulmans elle tomba presque entièrement en ruine. En 1620, la confrérie de terra sauta obtint la permission de restaurer l'église de l'Annonciation. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Nazareth se releva un peu sous la domination du cheik Dâher[13], qui traitait les chrétiens avec assez d'humanité. Du temps de Volney, les chrétiens formaient les deux tiers des habitants ; mais en 1812 Burckhardt, qui appelle Nazareth une des villes les plus considérables du pachalik d'Acre, y compta 2000 Turcs et 1000 chrétiens[14]. Ce qu'on trouve de plus remarquable à Nazareth, c'est le couvent des franciscains avec l'église dite de l'Annonciation. Burckhardt y trouva onze moines, pour la plupart Espagnols. Sous le chœur de l'église, 17 marches conduisent dans un souterrain que les chrétiens prennent pour le lieu de l'Annonciation de Marie. On y trouve deux colonnes de granit dont l'une est brisée au milieu. On sait que, selon la légende, la maison de Marie, qui s'y trouvait autrefois, fut, dans l'année 1291, transportée par les anges à Lorette. L'église de l'Annonciation est, après celle du Saint-Sépulcre, la plus belle de la Syrie. On montre, en outre, à Nazareth la demeure de Joseph, le puits de Marie, et, dans la partie occidentale de la ville, une église qui, dit-on, se trouve à la place de la synagogue dans laquelle Jésus avait prêché. Enfin, du côté de la plaine d'Esdrélon, on montre le rocher du haut duquel les Nazaréens voulurent précipiter Jésus (Luc, 4, 29).

EN-DÔR, au midi du Thabor, est connu par la pythonisse que consulta le roi Saül. On montre sa grotte près du village de Denouni, à 2 lieues et demie de Nazareth.

NAÏM, dans la plaine d'Esdrélon, près d'En-dôr. Cette petite ville, à la place de laquelle Mariti trouva des ruines et un petit village, est mentionnée dans l'Evangile de Luc (ch. 7, v. 11), où l'on raconte que Jésus ressuscita un jeune homme dont il rencontra le convoi à la porte de la ville.

APHEK, dans la plaine d'Esdrélon. Près de cette ville se livra, entre les Hébreux et les Philistins, le combat dans lequel Saül et son fils Jonathan perdirent la vie. Cette ville appartenait à la tribu d'Isachar. Un autre Aphek, appartenant à la tribu d'Aser, était situé près du territoire de Sidon. Deux autres villes de la plaine, MEGIDDO et THAANACH, se présenteront dans l'histoire des Hébreux. Elles sont célèbres par plusieurs combats.

Sur la côte de la Galilée nous trouvons quelques villes qui de fait n'avaient pas été conquises par les Hébreux, mais qui, selon le plan de Josué, devaient faire partie du canton d'Aser[15]. Parmi ces villes nous remarquons Achzib et Acco.

ACHZIB, appelé par les Grecs Ecdippa, à trois lieues au-dessus d'Accu. Maintenant on y trouve un bourg appelé Zib.

ACCO (Ptolémaïde, Saint-Jean d'Acre), au nord du Carmel, ancienne ville phénicienne et port de mer. Le nom de Ptolémaïde lui fut donné, sans doute, par l'un des Ptolémées d'Égypte ; mais on ne saurait dire positivement par lequel d'entre eux. Sous Alexandre Jannée, elle était momentanément entre les mains des Juifs, mais elle fut bientôt prise par Ptolémée Lathyre d'Égypte. L'empereur Claude en fit une colonie romaine. Dans les premiers temps du christianisme elle était le siège d'un évêque, dépendant du patriarche d'Antioche. Sous l'empereur Héraclius, en 636, elle tomba entre les mains des Arabes conduits par Omar. A l'époque de la première croisade, elle appartenait, comme toute la Palestine, au sultan d'Égypte. Prise par Baudouin fer, roi de Jérusalem, en 1104, elle acquit bientôt une grande importance, surtout par son port, très-commode pour le débarquement des croisés et pour l'arrivage des provisions. En 1187 elle se rendit au sultan Saladin ; mais en 1191 elle fut prise de nouveau par les chrétiens, sous Richard Cœur de lion et Philippe-Auguste, roi de France. En 1192 elle devint le siège des chevaliers de l'ordre de Saint-Jean, d'où elle reçut le nain de Saint-Jean d'Acre. Les chrétiens se maintinrent pendant un siècle dans cette ville, qui fut la dernière à se rendre aux musulmans. Ce fut en 1291, le 4 mai, que Mélic El-Aschraph, ou Serapha, sultan d'Égypte, la prit d'assaut ; 60.000 chrétiens y perdirent la vie. Depuis cette chute elle était restée presque déserte. En 1517 elle fut prise par les Turcs. Dans la seconde moitié du dix-huitième siècle le pacha Dâher et, après lui, le fameux Djezzâr, y firent exécuter des travaux importants, qui la rendirent une des premières villes de la côte. Depuis elle a acquis quelque célébrité par l'expédition de Napoléon, et tout récemment par la victoire des Anglais. Chez les Orientaux la ville a toujours conservé son nom antique, que les Arabes prononcent Acca. On dit qu'elle a maintenant près de 15.000 habitants qui font le commerce de blé, de soie et de coton. Les ruines anciennes et même celles du temps des croisades ont presque entièrement disparu ; elles ont été employées aux nouvelles constructions. Le port, un des mieux situés de la côte, est comblé. La campagne autour d'Acca est une plaine d'environ huit lieues de longueur, sur une largeur de deux lieues ; le sol est fertile et l'on y cultive avec beaucoup de succès le blé et le coton. Mais les ondulations du terrain y causent des bas-fonds où les pluies d'hiver forment des lagunes dangereuses en été par leurs vapeurs infectes[16]. La plaine est traversée par le Bélus.

 

II. — LA SAMARIE.

Cette province, la plus petite des quatre, tire sou nom de la ville de Samarie, qui depuis le roi Omri, son fondateur, avait été la résidence des rois d'Israël. Ses limites septentrionales sont celles du midi de la Galilée ; à l'est elle est limitée par le Jourdain, au midi par la Judée ; à l'ouest elle ne s'étendait pas jusqu'à la mer, car le pays de la côte à partir du Carmel appartenait à la Judée. Les montagnes d'Éphraïm traversent la province du nord au midi, mais elle renferme au nord une partie de la plaine d'Esdrélon et à l'est la plaine du Jourdain avec quelques autres vallons formés par les branches orientales des montagnes. Le sol, même celui des montagnes, est très-fertile et encore maintenant assez bien cultivé ; il produit du blé, du coton, du tabac, des olives, beaucoup de fruits et quelques soies. La plus belle végétation, des montagnes aux formes pittoresques, des vignes, des bois d'oliviers, des prairies et des champs arrosés par les torrents qui descendent des hauteurs, font du pays de Samarie une des plus belles contrées de la Syrie. Maintenant on appelle cette contrée le pays de Nablous, qui en est le chef-lieu. Aujourd'hui, comme dans les temps anciens, les habitants, renfermés dans leurs montagnes presque inaccessibles, y sont jusqu'à un certain point à l'abri de la tyrannie de leurs maîtres et des commotions qui peuvent venir du dehors. Aucune grande route ne traverse la province, les voyageurs s'en écartent généralement, attirés au nord sur la route qui conduit de Damas à la mer, et au midi vers les mémorables hauteurs de Jérusalem. Les habitants n'ont pas perdu à cet isolement ; beaucoup de gens aisés sont venus chercher chez eux un refuge contre la persécution, et ils passent maintenant pour le plus riche peuple de la Syrie[17].

Mais c'est aussi le pays sur lequel les voyageurs nous ont donné le moins de détails ; aucune des cartes que nous possédons ne nous donne exactement la position et les distances respectives des différentes localités[18]. Dans l'histoire des Juifs nous verrons jouer aux Samaritains un rôle très-secondaire à côté des habitants de la Judée ; nous verrons aussi la cause des inimitiés qui ne cessèrent de diviser les deux provinces, l'origine et le développement de la secte des Samaritains, dont quelques faibles débris existent encore aujourd'hui dans le pays de Nablous, reconnaissant la loi de Moïse, dédaignant Jérusalem et se tournant dans leurs prières vers la montagne de Garizim, siège de leur ancien sanctuaire.

Voici maintenant les villes les plus importantes de la province de Samarie, en commençant par la plaine du Jourdain et en montant de là dans l'intérieur.

BETH-SEAN, maintenant Bisân, selon Burckhardt, à deux lieues du Jourdain et à 4 de Tibériade. Du temps de Saül cette ville était encore entre les mains des Cananéens[19] ; mais sous Salomon elle appartenait déjà aux Hébreux[20]. Les Grecs l'appelèrent Scythopolis, ce qui a fait supposer à quelques savants que les Scythes, à l'époque de leur passage à travers la Palestine (631 avant J. C.), passage dont parle Hérodote[21], avaient établi une colonie dans cette ville. Mais il n'est pas probable que cet événement (dont, du reste, les monuments des Hébreux ne parlent pas) ait pu donner lieu, après plusieurs siècles, à un changement de nom, lorsque la langue grecque se répandit en Palestine. D'autres ont supposé que le nom de Scythopolis était une corruption de Succoth-polis, mot moitié hébreu moitié grec, et qui signifie ville des tentes, hypothèse qui nous paraît encore moins satisfaisante que la première. Du temps de Josèphe, cette ville faisait partie du district de Decapolis[22], mais nous en parlons ici à cause de sa position à l'ouest du Jourdain. Dans les premiers siècles du christianisme elle était le siège d'un évêché, et d'un archevêché au temps des croisades. Maintenant Bisân est un petit village composé de 70 à 80 maisons. On y trouve encore des ruines considérables à travers lesquelles coule un ruisseau appelé Moyet-Bisân. Burckhardt, qui a vu ces ruines, pense que la ville ancienne devait avoir trois milles anglais de circonférence. Au midi de Scythopolis, à une distance d'environ trois lieues, était situé

SALEM ou SALUMIAS, petite ville qui intéresse le lecteur chrétien, parce que Jean baptisait près de là, dans un endroit appelé Ænon (Évang. de Jean, 3, 23). Selon saint Jérôme, c'est le Salem de Melchisedek, que d'autres prennent pour Jérusalem.

ABEL-MÉHOLA, également dans la plaine du Jourdain, et, selon saint Jérôme, à dix milles romains de Scythopolis, était la patrie du prophète Elie.

Dans l'intérieur nous remarquons les villes suivantes :

GINÉE (Djennîn), sur la limite septentrionale des montagnes d'Éphraïm vers la plaine d'Esdrélon. Cette ville n'est pas mentionnée dans la Bible ; mais, selon Josèphe, c'était la ville frontière de la Samarie, du côté de la Galilée, à 6 ou 7 lieues N. de Samarie.

YEZREEL ou ESDRÉLON (Stradela), à 4 lieues N. E. de Samarie, une des villes les plus importantes du royaume d'Israël, et qui avait donné son nom à toute la plaine dans laquelle elle était située. Le roi Achab y avait un palais, des fenêtres duquel Isabel fut précipitée dans la rue, par ordre de Jéhu (2 Rois, 9, 33). Au temps des croisades il n'y avait à la place d'Esdrélon qu'un petit bourg, que Guillaume de Tyr appelle parvum Gerinum. Brochard l'appelle Zaraïm. Dans les environs d'Esdrélon était située, selon le livre de Judith, la ville de Bethulia, qui n'est point mentionnée ailleurs.

SAMARIE, ville forte bâtie par Omri, roi d'Israël, sur une montagne qu'il avait achetée d'un certain Schemer ; de là le nom de Schomrôn (Samarie). Cette ville, située à environ 16 lieues N. de Jérusalem, devint, depuis la septième année du règne d'Omri[23], la résidence des rois d'Israël, qui avant cette époque avaient résidé à Thirsa. Détruite par Sahnanassar, roi d'Assyrie, elle fut bientôt restaurée par les colons assyriens. Plus tard elle fut encore détruite par Jean Hyrcan, le Maccabéen. Rebâtie par Gabinius, gouverneur romain en Syrie, elle devint très-florissante sous le roi Hérode. Celui-ci y fit bâtir un temple en l'honneur de l'empereur Auguste, et changea le nom de Samarie en celui de Sébaste (mot grec, en latin Augusta). Les écrivains arabes du moyen âge la mentionnent encore sous le nom de Sebastiyya. Cotwyk, voyageur du XVIe siècle, n'en trouva plus que quelques ruines peu considérables. D'Arvieux y trouva encore les ruines d'une église, où l'on prétend montrer le tombeau de Jean-Baptiste entre ceux des prophètes Elisa et Obadia. Environ quarante ans après, Maundrell[24] vit à peine quelques traces de cette église. A l'endroit de l'ancienne Sébaste, il ne trouva qu'un jardin, et au nord un carré où l'on voyait de grandes colonnes. Clarke qui, en 1801, ne trouva plus aucune trace de Sébaste, place l'ancienne Samarie à 3 lieues S. de Djennin, où il vit sur une montagne une forteresse appelée Santorri, connue à tous les autres voyageurs. Mais le témoignage de Maundrell est trop positif, et il n'est pas étonnant que cent ans après lui le nom de Sebastiyya eût disparu avec ses ruines.

SICHEM (Nablous), une des villes les plus anciennes du pays de Canaan, située dans une vallée entre le mont Ébal au nord et le mont Garizim au midi, à 2 lieues S. de Samarie. Au temps d'Abraham il y avait là un bois de térébinthes appelé Moré (Genèse, 12, 6) ; mais déjà du temps de Jacob, nous y trouvons la ville de Sichem, sous un prince des Hévites, nominé Hamor. Ce prince avait un fils nommé Sichem, et il est probable qu'il fut le fondateur de la ville, à laquelle il donna le nom de son fils. Après la conquête des Hébreux, Sichem, appartenant au canton d'Éphraïm, devint une ville lévitique ; on v transporta les restes de Joseph. Ce fut là que Josué, avant de mourir, convoqua une grande assemblée nationale, et donna aux anciens et aux chefs des tribus ses derniers conseils. La ville fut détruite par le juge Abimélech contre lequel les Sichémites s'étaient révoltés (Juges, ch. 9). Nous ne la trouvons ensuite mentionnée que sous David (Ps., 60, v. 8). Après la mort de Salomon, il se tint à Sichem une assemblée nationale par suite de laquelle eut lieu le schisme des dix tribus. Jéroboam, le premier roi d'Israël, embellit la ville et y fixa sa résidence. Sous lès rois de Perse, Sichem devint le siège principal du culte des Samaritains, qui bâtirent un temple sur le mont Garizim. Ce temple, après avoir duré environ deux cents ans, fut détruit par Jean Hyrcan. Dans l'Évangile de Jean, la ville de Sichem est mentionnée sous le nom de Sichar[25] ; près de la ville se trouvait le puits de Jacob, auprès duquel Jésus eut son entretien avec la Samaritaine. L'empereur Vespasien fit de Sichem une colonie romaine, qui reçut le nom de Flavia Neapolis. Depuis cette époque l'ancien nom disparaît peu à peu dans les auteurs. De Neapolis les Arabes ont fait Nablous, qui est encore aujourd'hui le nom de l'antique Sichem. Cette ville eut de bonne heure une communauté chrétienne ; Justin le martyr y vit le jour. L'empereur Zénon expulsa les Samaritains du mont Garizim et y bâtit une église ; Justinien rétablit à Sichem cinq églises que les Samaritains avaient brûlées[26]. Nablous, incendiée pendant les croisades, fut rebâtie en 1283. C'est encore maintenant une ville considérable par son commerce et son industrie. Parmi les habitants on trouve 20 à 30 familles chrétiennes du rit grec et un très-petit nombre de Samaritains pauvres et opprimés[27]. Les habitants de Nablous se distinguent par un esprit turbulent et guerrier ; ils sont gouvernés par leurs propres cheiks, et le pacha a beaucoup à faire pour les tenir en respect. On montre au nord de la ville le tombeau de Joseph, sur lequel les musulmans ont bâti une petite mosquée.

SILOH, ville de la tribu d'Éphraïm, où Josué fit placer le tabernacle ou le temple portatif, était située au midi de Sichem et au nord de Bethel. Il n'en reste plus aucune trace.

BETHEL, petite ville d'une haute antiquité ; elle s'appelait d'abord Louz. Le patriarche Jacob, après y avoir vu en songe l'échelle qui touchait au ciel, lui donna le nom de Bethel-êl (maison de Dieu). Elle fut prise par les Ephraïmites, quoique, par le sort, elle dût appartenir à la tribu de Benjamin. Après le schisme, Jéroboam y plaça l'un de ses deux veaux d'or ; c'est pourquoi les prophètes Osée et Amos appellent la ville Beth-aven (maison de crime). Elle existait encore du temps des Romains ; Vespasien la conquit et y mit une garnison. Au temps de saint Jérôme, Bethel n'était plus qu'une petite bourgade ; les itinéraires n'en parlent pas.

Nous devons encore mentionner les villes de Thimnath-Sérah et de Thirsa, qui appartenaient à la province de Samarie, mais dont nous ne saurions fixer la position. La première fut donnée à Josué pour prix de ses grands services. Au temps de saint Jérôme, on montrait encore le tombeau de, Josué sur l'une des montagnes d'Éphraïm. — Thirsa mérite une mention comme ancienne résidence des rois d'Israël, avant la fondation de Samarie. L'amant du Cantique appelle sa bergère belle comme Thirsa (c. 6, v. 1).

 

III. — LA JUDÉE.

Sous le nom de Judée, qui, comme nous l'avons déjà dit (ch. 1), est souvent employé pour désigner tout le pays des Hébreux, nous comprenons ici la province qui, à l'ouest du Jourdain, s'étend des limites de la Samarie à l'Arabie Pétrée. La limite du nord, qui, selon Josèphe, passe près du bourg d'Anoua[28], va de la au Jourdain, en face de l'embouchure du Yabbok ; à l'est nous trouvons la limite naturelle formée par le Jourdain et la mer morte ; les limites méridionales sent celles que nous avons indiquées pour la Palestine en deçà du Jourdain. A l'ouest, la Judée, longtemps limitée par le territoire des Philistins, s'étendait plus tard jusqu'à la Méditerranée ; elle embrassait même tout le bas pays de la côte de Samarie et s'étendait au N. O. jusqu'au Carmel.

Les montagnes de la Judée sont les plus élevées de la chaîne occidentale. A l'est de Rama le pays s'élève de plus en plus en différents plateaux ; plus on avarice et plus le terrain est nu et stérile ; les sommets les plus élevés ont généralement la forme conique. Aucun sentier ne guide le voyageur dans ces rochers presque inaccessibles ; ce n'est que par deux gorges, appelées la vallée de Jérémie et la vallée des Térébinthes, que les voyageurs venant de Yâfa peuvent pénétrer u Jérusalem, située au point le plus élevé de la Palestine.

La Judée, naturellement la moins fertile de toutes les provinces de la Palestine, était cependant, selon le témoignage de Josèphe, riche en blé, en fruits et surtout en vin. Les plaines à l'est et à l'ouest offraient de bons pâturages, et même sur les hauteurs, où la nature abandonnée à elle-même ne semblait rien promettre, le travail de l'homme ne fut pas sans succès.

La province de Judée, qui, depuis les conquêtes de Jean Hircan, renfermait aussi une grande partie de l'Idumée, fut divisée en onze toparchies, savoir : Jérusalem, Gophna, Acrabata, Tamna, Lydda, Ammaüs, Pella, Idumée, En-gadi, Hérodion et Jéricho. Nous ne nous arrêterons pas à cette division mentionnée par Josèphe et Pline[29], mais dont il n'existe aucune trace dans le Nouveau Testament. Pour notre topographie la nature même du pays nous offre une division plus commode. Nous commencerons par les villes situées dans la plaine orientale, à l'ouest du Jourdain et de la mer Morte ; de là nous monterons dans la contrée montagneuse de l'intérieur, et nous terminerons par les villes de la côte et du pays des Philistins, en allant, dans chaque division, du nord au midi.

A. JUDÉE ORIENTALE.

JÉRICHO, appelée aussi la ville des palmiers, à deux lieues du fleuve, et à six lieues N. E. de Jérusalem, une des villes les plus célèbres de la Judée et d'une haute antiquité. Son local est une plaine de six à sept lieues de long sur trois de large, autour de laquelle règnent des montagnes stériles qui la rendent très-chaude (Volney, t. II, ch. 6). Ce fut la première ville de Canaan conquise par les Israélites. On trouvera les détails de cette conquête dans la partie historique de cet ouvrage. Josué la fit raser, et il maudit celui qui la rebâtirait ; nous la retrouvons néanmoins sous les juges ; car après la mort du juge Othniel, nous voyons les Moabites s'emparer de la ville des palmiers (Juges, 3, 13). Sous David aussi il est question de Jéricho (2 Sam., 10, 5). Cependant, selon le premier livre des Rois (16, 34), cette ville ne fut rebâtie que du temps du roi Achab, par un certain Hiel de Bethel, et ce fut alors seulement que s'accomplit la malédiction de Josué. Pour lever la difficulté on a pensé que Josué avait voulu défendre seulement de rétablir les fortifications et que ce fut là ce que fit Hiel[30]. Bientôt après, nous y trouvons une école de prophètes (2 Rois, c. 2, v. 5 et 15) ; les célèbres prophètes Elie et Elisa y demeurèrent quelque temps. Quand les Juifs furent revenus de l'exil de Babylone, Jéricho devint, après Jérusalem, la ville la plus importante de la Judée. Nous la trouvons parmi les villes fortifiées par Jonathan, prince maccabéen. Un fort appelé Doch se trouva, du temps des Maccabées, au nord de Jéricho (1 Maccab., 16, 15). Hérode Ier fit élever à Jéricho un palais, un amphithéâtre et un hippodrome. Ce roi, dans les dernières années de sa vie, résidait souvent à Jéricho et il y mourut. Pendant le siège de Jérusalem, sous Vespasien, la ville de Jéricho fut détruite ; mais elle fut restaurée par l'empereur Adrien. Pendant les croisades elle fut réduite en cendres. Maintenant on ne trouve à sa place qu'un misérable village que !es Arabes appellent Rihà ; il est habité par 40 à 50 familles musulmanes qui vivent de brigandage. On n'y voit presque plus de ruines de l'ancienne ville ; l'abbé Mariti n'y trouva qu'une espèce de tour démolie, que l'on prétendait être le reste d'une église bâtie à l'endroit où se trouvait la maison de Zachée, chef des publicains (Évang. de Luc, ch. 19). Encore au XVIIe siècle on montrait aux crédules pèlerins le sycomore sur lequel monta Zachée pour voir Jésus. Dans les environs de Jéricho on montre la source d'Elisa dont les eaux furent adoucies par un miracle de ce prophète (2 Rois, c. 2, v. 19 et suiv.). Cette source, dit M. de Chateaubriand[31], est située à deux milles au-dessus de la ville, au pied de la montagne où Jésus-Christ pria et jeûna pendant quarante jours. Elle se divise en deux bras. On voit sur ses bords quelques champs de doura, des groupes d'acacias, l'arbre qui donne le baume de Judée[32], et des arbustes qui ressemblent au lilas pour la feuille, mais dont je n'ai pas vu la fleur. Il n'y a plus de roses ni de palmiers à Jéricho, et je n'ai pu y manger les nicolaï d'Auguste : ces dattes, au temps de Belon, étaient fort dégénérées. Un vieil acacia protège la source ; un autre arbre se penche un peu plus bas sur le ruisseau qui sort de cette source, et forme sur ce ruisseau un pont naturel.

GUILGAL ou GALGALA, sous Jéricho, à une distance de dix stades. Après avoir passé le Jourdain, les Israélites campèrent à Guilgal, qui resta le quartier général de Josué pendant tout le temps que dura la guerre avec les Cananéens. Cette place joue aussi un certain rôle dans l'histoire de Samuel et de Saül. Nous y reviendrons dans la partie historique. Depuis longtemps il ne reste plus de trace de Guilgal. Josèphe ne le mentionne pas dans l'histoire contemporaine[33].

ÉN-GADI, situé sur le milieu du rivage occidental de la mer Morte, à environ 13 lieues de Jérusalem. Seetzen trouva au même endroit un ruisseau qui porte encore le nom de Ain-djiddi. Il y avait dans les environs beaucoup de palmiers[34] ; les vignes d'Én-gadi sont mentionnées dans le Cantique. Au milieu du dernier siècle Hasselquist y trouva encore des vignes cultivées par les Arabes, qui en vendaient le raisin aux chrétiens.

En continuant notre voyage le long du lac Asphaltite, laissant à l'ouest la ville de Carmel, ainsi que les déserts de Maôn et de Ziph, avec les villes du même nom, nous trouvons au midi du lac une plaine renfermée entre les branches des deux chaînes de montagnes entre lesquelles se trouve le Jourdain et qui viennent se rapprocher ici. Dans cette plaine était située la ville de

SOAR ou SEGOR, la seule des cinq villes de la vallée de Sifidim qui ait été épargnée dans la terrible catastrophe arrivée au temps d'Abraham et dont nous avons déjà parlé. Cette ville d'une haute antiquité avait porté d'abord le nom de Bala ; le nom de Segor a traversé plus de trente siècles. Eusèbe et saint Jérôme rapportent que de leur temps Segor avait une garnison romaine. Dans les premiers siècles du christianisme cette ville fut le siège d'un évêque, dépendant du patriarche de Jérusalem. Nous la trouvons encore mentionnée sous le nom de Zoghar par le géographe arabe Aboulféda, qui vivait dans la première moitié du XIIIe siècle. Burckhardt place Segor à l'endroit où se trouve maintenant le village de Ghor-Safiéh, au S. E. de la mer Morte. Le même voyageur nous a donné le premier une description exacte de la plaine dans laquelle se trouve ce village et dont la largeur varie entre 1 et 5 milles. A l'ouest elle est sablonneuse et stérile, mais au sud-est elle est très-fertile en plusieurs endroits. Elle est habitée par environ trois cents familles arabes, qui y cultivent le dourra et le tabac et qui portent le nom de Ghowarin (habitants du Ghôr). Ils sont très-pauvres et ils ont beaucoup à souffrir des Bédouins de ces environs. En été il règne dans la vallée une chaleur insupportable qui amène des fièvres intermittentes.

B. JUDÉE INTÉRIEURE.

GUÉBA (Gaba), une des villes frontières du royaume de Juda au nord[35]. Près de cette ville les Philistins sont vaincus par David (II Sam. 5, 25). Il ne faut pas la confondre avec GABAA, située dans les mêmes environs et qui fut le lieu de naissance de Saül (de là Gabaath-Saül). Cette dernière ville s'était rendue fameuse par un événement raconté dans les derniers chapitres du livre de Juges et dont nous parlerons plus loin. A quelque distance à l'ouest de Gaba et de Gabaa était située la ville de

GUIBEÔN ou GABAON, à environ 2 lieues N. O. de Jérusalem. Du temps de Josué cette ville formait avec celles de Chephira, Beérôth et Kiriathyaarïm, un district indépendant qui avait une constitution démocratique. Les Gabannites échappèrent par une ruse à la destruction commune des peuplades cananéennes (Jos., ch. 9). Après la conquête, Guibéôn devint une des villes lévitiques. A la fin du règne de David et au commencement de celui de Salomon le temple portatif se trouvait à Guibeôn.

Laissant à l'ouest Gazer et Beth-Horôn (divisé en haut et bas Beth-Horôn), nous trouvons, à peu de distance S. E. de Guibeôn, la ville de

RAMA, selon Eusèbe et Jérôme à six milles N. de Jérusalem, sur le chemin de Bethel. On l'appelait aussi Ramathaïm-Sophim[36]. Ce fut le lieu de naissance et la résidence du prophète et juge Samuel. Après le schisme, Rama tomba entre les mains du roi d'Israël, mais Asa, roi de Juda, reprit cette ville. Quelques auteurs prennent Rama ou Ramathaïm pour la ville d'Arimathée du Nouveau Testament, lieu de naissance de Joseph qui donna la sépulture à Jésus. Plusieurs voyageurs modernes ont trouvé dans ces environs un village appelé par les Arabes Nebi-Samouil et où l'on montre dans une mosquée le tombeau du prophète Samuel. [Il y avait encore trois autres villes du nom de Rama, dans les cantons d'Aser et de Naphtali et dans la Pérée.] Dans les environs de Rama était probablement Mispah ou Maspha, où se réunissaient, dans les temps anciens, les assemblées nationales des Hébreux[37].

De Rama nous nous dirigœns vers Jérusalem, en traversant le bourg d'Emmaüs — qu'il ne faut pas confondre avec la ville d'Emmaüs, située dans la Judée occidentale et appelée, par les Romains, Nicopolis — et les villes sacerdotales d'Anathôth, et de Nôb.

Nous arrivons enfin à la capitale de la Palestine dont l'histoire remonte jusqu'au temps d'Abraham, qui depuis son commencement portait les noms de justice et de paix, et qui dans ses ruines s'appelle encore la sainte. Objet de tous les bienfaits du ciel comme de ses châtiments les plus sévères, Jérusalem a obtenu, au prix de ses vicissitudes, les hommages qui lui sont adressés des différentes parties du monde. Dans sa lutte contre les nations elle a dû périr pour devenir l'objet de leurs respects et de leur culte. Maintenant qu'elle ne présente plus qu'une image de désolation, le voyageur s'arrête à chaque pierre pour y chercher un souvenir ; mais malgré les mille investigations dont elle a été l'objet, sa topographie ancienne, après tant de bouleversements, présente de nombreuses difficultés. Entre les traditions d'une pieuse crédulité et les paradoxes du scepticisme, il n'est pas facile de démêler la vérité. Nous ne pouvons pas nous livrer ici à de longs développements, mais nous remplirons le devoir de l'historien impartial, en présentant les résultats d'un examen consciencieux des documents les plus authentiques.

JÉRUSALEM.

Probablement l'ancienne Salem (la pacifique) où régnait Melchisedek. Avant David cette ville s'appelait Jébus (Yebous), parce qu'elle était habitée par les Jébusites. On ne saurait dire précisément à quelle époque elle reçut le nom de Jérusalem (Yerouschalem, héritage de la paix). Ce nom se trouve déjà dans le livre de Josué (10, 1, et 12, 10) ; mais cela ne prouve nullement qu'il remonte jusqu'à l'époque de la conquête. L'empereur Adrien, qui rebâtit la ville détruite par Titus, lui donna le nom d'Ælia capitolina, et les géographes arabes du moyen âge l'appellent encore Ilia, mais plus souvent El-Kods, ou Béit-el-Makdas (le sanctuaire). Il est probable qu'elle portait ce nom déjà dans les temps anciens, car Cadytis, grande ville de Syrie, dont parle Hérodot[38], et qui, dit-il, fut conquise par Nécho, roi d'Égypte, ne saurait être que Jérusalem. Le nom de Cadytis n'est sans doute qu'une corruption du mot araméen Kadischtha (la sainte).

1. L'ANCIENNE JÉRUSALEM.

La ville de Jérusalem est située à 31° 47' lat. N. et 33° long. E. au point le plus élevé des montagnes de la Judée, sur les anciennes limites des cantons de Benjamin et de Juda. La montagne qui sert d'assiette à la ville, descendant en pente vers le nord, est entourée à l'est, au midi et à l'ouest, de profondes ravines, au delà desquelles se trouvent des montagnes plus élevées, de sorte que la ville ne peut être vue de loin. On y distinguait autrefois trois collines, l'une au sud-ouest, la plus étendue et en même temps la plus élevée : c'est le mont Sion, le fort des anciens Jébusites, qui ne fut conquis que sous le règne de David. En face du Sion, au N. E., se trouvait une colline moins élevée, en forme de croissant, dont les Hébreux avaient probablement pris possession dès les premiers temps de la conquête, et où la ville s'agrandissait de plus en plus depuis le temps de David[39]. Un poète sacré a dit (Ps. 48, V. 3) : Il s'élève magnifiquement, délice de toute la terre, le mont Sion ; du côté du nord est la ville du grand roi. La seconde colline ne porte pas de nom particulier dans la Bible ; plus tard la citadelle qu'y avait élevée Antiochus Épiphane lui fit donner le nom d'Acra. Sion fut appelée la haute ville, Acra la basse ville ; elles étaient séparées l'une de l'autre par un vallon qui, courant du nord-ouest au sud-est vers la fontaine de Siloé, aboutissait dans la vallée de Kidrôn (Cédron), et s'appelait, selon Josèphe, le vallon des fromagers. Au sud-est d'Acra était une troisième colline, appelée Moria[40], sur laquelle était assis le temple. Elle était d'abord séparée de la colline d'Acra par une large vallée ; mais le prince maccabéen Simon, qui rasa la citadelle d'Antiochus, fit aplanir l'Acra et combler la vallée, de sorte que les deux hauteurs de Moria et d'Acra n'en formèrent plus qu'une seule[41]. A l'ouest, ou plutôt au S. O du temple, il y avait, sur la vallée de Tyropcœn ou des fromagers, un pont qui conduisait à l'angle N. E. du Sion, où se trouvait une plate-forme, appelée Xystus[42].

Les trois collines que nous venons de nommer formèrent depuis David et Salomon l'emplacement de la ville de Jérusalem. Quant au mont Moria, il n'avait été d'abord qu'une colline irrégulière, dont la surface n'aurait pas suffi pour toutes les constructions dépendantes du temple. Salomon fit élever un mur du fond de la vallée de l'est et remplir de terre tout l'espace intérieur, pour augmenter ainsi l'aire de la colline. Le mur était d'une hauteur de 400 coudées (v. Jos., Antiq., l. 18, ch. 3, § 9). Dans la suite des temps, des constructions immenses furent encore entreprises pour agrandir la colline et en soutenir les côtés (v. Guerre des Juifs, l. 5, ch. 5, § 1). La surface ainsi encadrée formait un carré d'un stade en long et en large.

Au nord du Moria il y avait une quatrième colline, qui, sous Agrippa Ier, fut jointe à la ville par un agrandissement de son enceinte, et qui s'appelait Bezetha[43] ; le quartier qui l'entourait fut appelé la ville neuve. De ce côté la ville était beaucoup moins fortifiée par la nature ; aussi de tout temps les sièges de Jérusalem se faisaient-ils du côté du nord. Des trois autres côtés les profondes ravines la rendaient inexpugnable. Celle de l'est s'appelait la vallée de Kidron, du nom du torrent qui la parcourt, ou la vallée de Josaphat (Joël, ch. 4, v. 2 et 12), nom qu'elle porte encore aujourd'hui ; elle a environ 2000 pas de longueur et elle sépare Jérusalem de la montagne des oliviers, qui est à l'est. La ravine du midi s'appelait vallée de Hinnom, ou du fils de Hinnom (Gué Ben-Hinnom) ; à l'une des extrémités de cette vallée se trouve la source de Siloé, ou de Guihon, au pied du Moria et au S. E. du Sion. La ravine moins profonde de l'ouest s'appelait vallée de Guihon.

Les différents quartiers de Jérusalem furent, à différentes époques, entourés de murailles. Josèphe en distingue trois : la première, appelée la plus ancienne, environnait Sion et une partie du Moria ; la partie du nord commençait au nord-ouest de la tour nommée Hippicos du nom d'un ami du roi Hérodes, tombé dans un combat contre les Parthes[44] —, s'étendait de là au xystus et aboutissait au portique occidental du temple ; elle séparait ainsi la haute ville d'avec la basse. A l'ouest, partant de la tour Hippicos, la muraille passait par un endroit appelé Bethso, jusqu'à la porte dite des Esséniens ; de là elle tournait au S. E. et environnait tout le midi de Sion jusque vers la source de Siloé ; puis elle tournait au nord, et au N. E., traversait la place appelée Ophla[45], et venait aboutir au portique oriental du temple, de sorte qu'elle enfermait, outre le Sion, tout le côté méridional du Moria.

La deuxième muraille commençait à la porte de Genath ou des jardins, qui se trouvait dans la première muraille à l'est de la tour Hippicos. S'avançant delà vers la partie septentrionale de la ville, elle tournait ensuite vers l'est et venait aboutir au château Antonia, qui flanquait l'angle N. O. du temple.

La troisième muraille, commençant à la tour Hippicos, s'étendait en droiture vers le nord jusqu'à la tour Psephina. Se tournant ensuite vers l'est, elle passait devant le tombeau d'Hélène[46] qu'elle laissait au nord, traversait les grottes royales, et se repliant enfin vers le midi, elle venait se joindre à l'ancienne muraille dans la vallée de Kidron. Cette troisième muraille ne fut commencée que sous le roi Agrippa Ier ; elle avait 25 coudées de hauteur et 10 coudées d'épaisseur.

Les murailles étaient construites obliquement ou en zigzag[47], et garnies d'un parapet crénelé. De distance en distance elles étaient flanquées de tours : dans les Psaumes (48, 13) on parle des tours de Sion ; le roi Ouzia en fit élever à plusieurs portes de Jérusalem (2 Chron. 26, 9). Dans les temps anciens une des plus importantes était, sans doute, la tour de Hananel, mentionnée par Jérémie (31, 38), Zacharie (14, 10) et Nehemias (3, 1, et 12, 39) ; ce dernier nomme aussi la tour Méah et celle des fours (3, 11 ; 12, 38). Dans les derniers temps les trois murailles avaient 164 tours, dont 90 se trouvaient dans la muraille extérieure, éloignées de 200 coudées les unes des autres ; dans la deuxième muraille on en comptait 14, et dans l'ancienne 60. Elles avaient pour la plupart vingt coudées de largeur, et elles étaient élevées d'autant de coudées au-dessus de la muraille. Josèphe nomme, comme tours principales, Hippicos, Phasaël, Mariamne et Pséphinos[48] ; les trois premières se trouvaient dans la partie septentrionale de l'ancienne muraille, en allant de l'ouest à l'est ; la dernière, comme on l'a vu, était dans la troisième muraille, à l'extrémité N. O. de la ville. Elle était octangulaire et d'une hauteur de 70 coudées ; du haut de cette tour on pouvait voir l'Arabie à l'est et la Méditerranée à l'ouest.

Les portes de l'ancienne Jérusalem sont nommées dans différents passages de la Bible, surtout dans le livre de Nehemias ; mais il est impossible de bien fixer leur position respective. Ce que plusieurs savants, d'ailleurs peu d'accord entre eux, ont dit à ce sujet, repose sur des hypothèses bien vagues ; l'illustre Reland lui-même n'a cru pouvoir rien dire de positif, et il s'est contenté d'une simple nomenclature. Nous énumérons ici les portes de Jérusalem dans l'ordre qui est, sinon certain, du moins le plus probable, en partant du nord-est, et en allant de là à l'ouest, au midi et à l'est, pour faire le tour de la muraille.

1. La porte dite Ancienne ou Première, au N. E. ; 2. la porte d'Ephraïm ou de Benjamin au nord, conduisant dans les cantons de ces deux tribus ; 3. la porte de l'Angle[49], au N. O., à une distance de quatre cents coudées de la précédente ; 4. la p. de la Vallée, à l'ouest, conduisant probablement à la vallée de Guihon et à la source du Dragon (Nehem., 2, 13) ; 5. la p. des Ordures au S. O., à mille coudées de la précédente (ib. 3, 13) : il paraît que c'est la même qui plus tard fut appelée la porte des Esséniens ; 6. la p. de la Source, au S. E. ainsi nommée de la source de Siloé (?). Peut-être est-ce la même que Jérémie (19, 2) appelle Harsîth (p. de la Poterie) et qui conduisait à la vallée de Hinnom. Au midi, où le mont Sion était inaccessible, il n'y avait probablement pas de portes. Il nous reste encore cinq portes, qui devaient se trouver à l'orient, ou au S. E. du temple en allant du midi au nord ; ce sont : 7. la porte de l'Eau ; 8. la p. des Chevaux ; 9. la p. de la Revue ou du Recensement (Vulg. porta Judicialis, Nehem. 3, 31) ; 10. la porte des Brebis ; 11. la p. des Poissons[50]. — La porte de la Geole (Nehem. 12, 38) était, à ce qu'il paraît, une des portes du temple.

La mesure de l'enceinte de l'ancienne Jérusalem, après la construction de la troisième muraille, était, selon Josèphe, de trente-trois stades, qui, selon le calcul établi par d'Anville, font 2.493 toises 2 pieds. On pourrait donc s'étonner de lire dans Josèphe, que, pendant le siège de Jérusalem par Titus, onze cent mille hommes y perdirent la vie. Hécatée d'Abdère cité par Josèphe (contre Apion, l. I, ch. 22) fixe le nombre des habitants de Jérusalem, au temps d'Alexandre le Grand, à environ 120.000. Ce nombre variait sans doute aux différentes époques, mais on ne trouve nulle part des données positives à cet égard.

Quant aux rues de Jérusalem, la Bible n'en nomme qu'une seule, c'est la rue des Boulangers (Jerem. 37, 21). Dans le Talmud on nomme quelques marchés ou bazars, tels que le marché des Engraisseurs (ou l'on vendait des animaux engraissés), le marché des Lainiers[51] et le marché Supérieur, qui, selon quelques talmudistes, était habité par des foulons païens[52]. Devant les portes il y avait, comme dans toutes les villes de grandes places qui servaient aux assemblées populaires[53].

Les principaux édifices de l'ancienne Jérusalem étaient : 1° le Temple, fondé par Salomon sur le mont Moria, rebâti sous Zorobabel et magnifiquement restauré par Hérode : nous donnerons dans l'histoire de Salomon et d'Hérode la description des deux temples et des édifices qui en dépendaient ; 2° le fort de Sion, conquis sur les Jébusites par Joab, général de David, et appelé depuis la ville de David : il était protégé au nord par un rempart appelé Millo ; 3° le palais de Salomon, surnommé la Maison de la forêt du Liban[54], à cause de la grande quantité de bois de cèdre dont on s'était servi pour sa construction. Ce palais devait être situé dans la partie méridionale du Sion, la plus élevée de la ville ; car la reine, logée d'abord dans la citadelle de David, monte de là dans sa maison, qui faisait partie du palais[55]. Nous reviendrons sur cet édifice dans l'histoire de Salomon.

Dans la conquête de Jérusalem par les Babyloniens tous les grands édifices devinrent la proie des flammes (2 Rois, 25, 9 ; Jérémie, 52, 13). Sous Zorobabel le temple fat rétabli avec beaucoup moins de magnificence. Plus tard les princes maccabéens firent bâtir au N. O. du temple un château appelé Baris[56] ; Hérode le fortifia et lui donna le nom d'Antonia, en l'honneur de Marc-Antoine, son ami et son protecteur. Le château formait un carré dont chaque côté était d'un demi-stade ; à l'intérieur se trouvait un palais entouré d'un mur quadrangulaire qui était flanqué de quatre tours. Trois de ces tours avaient une hauteur de 50 coudées, la quatrième de 70 ; cette dernière était celle du S. E., la plus rapprochée du temple. Du haut de cette tour la garde romaine observait ce qui se passait dans les cours du temple. Depuis le temps d'Hérode on élevait dans Jérusalem beaucoup de beaux édifices dans le goût grec. Outre le temple, restauré et agrandi par Hérode, nous remarquons le palais royal, bâti en marbre blanc. Entouré d'un mur de 30 coudées de hauteur, il occupait avec ses plates-formes et ses jardins, ornés de bassins et d'aqueducs, le N. E. et l'est du Sion. Josèphe dit que la magnificence de ce palais était au delà de toute description[57] ; Agrippa II y ajouta un nouveau bâtiment.

Au milieu de la basse ville se trouvait le palais d'Hélène d'Adiabène. Josèphe, qui mentionne ce palais (Guerre d. J. VI, 6, 3), parle, au même endroit, de deux édifices publics incendiés par les Romains avant la conquête du Sion et qui, par conséquent, se trouvaient dans la basse ville : il les appelle άρχεΐον (palais des magistrats ou archives) et βουλευτήριον (palais du conseil du Synedrium). Nous savons, par plusieurs passages du Talmud, que le Synedrium, qui avait toujours tenu ses séances dans l'une des dépendances du temple, fut transféré, quarante ans avant la destruction de Jérusalem, dans un endroit du Moria appelé Hanouyôth (les boutiques) et de là dans un autre local de la ville[58].

Avant de passer à la description de la moderne Jérusalem, nous rappellerons brièvement les principaux événements dont cette ville fut le théâtre. Les détails de son histoire se trouveront dans l'histoire générale de la Palestine.

La Bible ne nous fait pas connaître l'époque de la fondation de Jérusalem. Josèphe, les rabbins, tous les anciens Pères de l'Église, à l'exception de St. Jérôme, s'accordent à retrouver Jérusalem dans la ville de Salem, où régnait, du temps d'Abraham, le roi Mekhisédek (roi de la justice). Du temps de Josué nous y trouvons le roi Adonisédek (maître de la justice), qui trouva la mort en tombant entre les mains des Hébreux, avec quatre autres rois cananéens, près de Guibeôn (Jos. ch. 10). Quelque temps après, la basse ville fut conquise par les Hébreux ; les Jébusites y restèrent établis à côté des enfants de Juda et de Benjamin. La haute ville ne pat être arrachée aux Jébusites que dans la huitième année du règne de David, qui en fit sa résidence. Par le temple de Salomon, Jérusalem devint le centre du culte hébreu. Après le schisme elle resta la capitale du royaume de Juda. Dans la cinquième année de Rehabeam (Roboam), elle fût prise et pillée par Sésac, roi d'Égypte. Sous le règne de Joram, des hordes de Philistins et d'Arabes pénétrèrent dans la ville, pillèrent le palais du roi et emmenèrent captifs ses fils et ses femmes (2 Chr., 21, 17). Sous le roi Amasia, la ville fut saccagée par Joas, roi d'Israël. Sous Ézéchias, elle fut vainement assiégée par les Assyriens ; mais environ 130 ans après, les Chaldéens, sous Nabuchodonosor, la détruisirent de fond en comble. Rebâtie, ainsi que le temple, par suite de la permission accordée par Cyrus, la chute de l'empire des Perses lui amena de nouveaux malheurs. Jérusalem se rendit à Alexandre, qui la traita avec beaucoup de bienveillance. Après la mort d'Alexandre elle fut prise par le roi d'Égypte Ptolémée, fils de Lagus. Antiochus Épiphane, roi de Syrie, la saccagea (170 ans avant l'ère chrétienne) et profana le temple en y plaçant la statue de Jupiter Olympien. Après quelque temps de paix, sous les princes maccabéens, Pompée entra victorieux dans Jérusalem, l'an 63 avant J.C., et quelque temps après, le temple fut pillé par Crassus. Hérode embellit Jérusalem par de magnifiques édifices. Mais bientôt la Judée devint province romaine : une révolte des Juifs amena cette guerre qui se termina par la terrible catastrophe de Jérusalem ; conquise par Titus, l'an 71 de l'ère chrétienne, elle fut entièrement détruite. Quelques tours et un petit nombre de maisons que Titus avait épargnées furent rasées par l'empereur Ælius Adrien, par suite d'une nouvelle révolte des Juifs (136). Adrien voulut détruire jusqu'au nom de Jérusalem ; il fit bâtir à sa place une nouvelle ville qu'il nomma Ælia Capitolina, en l'honneur de Jupiter Capitolinus, et dont l'entrée fut défendue aux Juifs, sous peine de mort. Lorsque le christianisme monta sur le trône des Césars, Jérusalem vit s'élever, au lieu des temples païens, un grand nombre de monuments chrétiens, dans les endroits que la tradition avait désignés comme le théâtre de la vie et de la mort de Jésus. En 615, la ville fut conquise par Cosroês, roi de Perse. L'empereur Héraclius la reprit en 627 ; mais peu de temps après, en 636, elle tomba entre les mains des hordes arabes conduites par le khalife Omar. Elle tomba ensuite successivement au pouvoir des sultans persans, des Fatimites d'Égypte, des Seldjoukides. En 1099 elle fut prise par les croisés sous Godefroi de Bouillon, et elle devint le siège des rois chrétiens. En 1187, le sultan Saladin la conquit et mit fin au royaume de Jérusalem. Le sultan Malec El-Camel la céda, en 1229, à l'empereur Frédéric II, mais elle fut reprise par les musulmans en 1244. Elle resta ensuite sous les sultans d'Égypte et de Syrie de différentes dynasties jusqu'à ce que, en 1517, elle fut conquise par les Turcs sous Selim Ier. Ibrahim-Pacha s'en empara en 1832 ; mais, par suite des derniers événements de la Syrie, elle vient de rentrer de nouveau sous la domination immédiate de la Porte.

2. LA MODERNE JÉRUSALEM.

Le terrain de Jérusalem n'a pu traverser tant de bouleversements, sans se modifier sensiblement ; c'est pourquoi il est si difficile, souvent même impossible, de reconnaître les anciennes localités dans la ville moderne. Les hauteurs sont abaissées dans plusieurs endroits ; la vallée de Tyroptœon est comblée, et il en reste à peine quelque légère trace près de la fontaine de Siloé. La ville n'occupe plus toute l'ancienne enceinte, car le mont Sion en est exclu en grande partie, et nous savons qu'il l'était déjà à l'époque où Adrien fit bâtir Ælia[59]. Il paraît que depuis ce temps Jérusalem a conservé à peu près la même étendue. Les descriptions qui nous restent du moyen âge, par Guillaume de Tyr, Jacob de Vitriaco, Brochard et autres, s'accordent, sur tous les points essentiels, avec celles des voyageurs modernes. Mais alors Jérusalem n'offrait pas encore cet aspect de misère et de désolation qui frappe maintenant les regards du voyageur. Le géographe arabe Kazwini cite un auteur natif de Jérusalem, qui vante les belles constructions de cette ville[60]. Nous donnons ici un extrait de la description d'Edrisi, auteur arabe du XIIe siècle[61] :

Beït-el-Mokaddas est une ville illustre, ancienne et pleine d'antiques monuments. Elle porta le nom d’Ilia. Située sur une montagne d'un accès facile de tous les côtés[62], elle s'étend de l'Ouest à l'est. A l'occident est la porte dite d'el-Mihrâb ; au-dessous est la coupole de David (sur qui soit le salut !) ; à l'orient, la porte dite de la Miséricorde, laquelle est ordinairement fermée et ne s'ouvre que lors de la fête des rameaux ; au midi, la porte de Seihoun (Sion) ; au nord, la porte dite d'Arnaud el-Ghorâb. En partant de la porte occidentale ou d'el-Mihràb, on se dirige vers l'est par une large rue et l'on parvient à la grande église dite de la Résurrection et que les Musulmans appellent Komamé....

A l'orient de cette église, en descendant par une pente douce, on parvient à la prison où le seigneur Messie fut détenu et au lieu où il fut crucifié..... Si vous sortez de l'église principale en vous dirigeant vers l'orient, vous rencontrerez la sainte demeure qui fut bâtie par Salomon, fils de David, et qui fut un lieu de pèlerinage du temps de la puissance des Juifs..... C'est aujourd'hui la grande mosquée connue par les Musulmans sous le nom de Mesdjid el-Aksa.

Benjamin de Tudèle, qui écrivit environ vingt ans après Edrisi, donne aussi quatre portes à la ville de Jérusalem[63] ; il les appelle : porte d'Abraham[64], porte de David, porte de Sion, porte de Josaphat. Sans doute ces noms étaient plus usités parmi les Juifs.

La muraille qui maintenant environne la ville de Jérusalem fut bâtie en 1534, par ordre du sultan Soliman. Elle a une hauteur de 40 pieds, sa largeur est de trois pieds, et elle est flanquée de tours de 120 pieds de hauteur. On y trouve sept portes, dont deux sont condamnées.

Dans le mur septentrional il y a deux portes : vers l'occident, la porte de Damas, appelée par les Arabes Bâb el-Amoud (porte de la Colonne), qui mène à Nablous, à Nazareth, à Saint-Jean d'Acre et à Damas ; vers l'orient la porte d'Hérode ou d'Éphraïm, en arabe Bâb el-Zaheri[65] ; elle est fermée.

A l'orient il y a aussi deux portes : vers le nord, la porte Saint-Étienne[66] ; c'est là, dit-on, que saint Étienne fut lapidé ; les Arabes l'appellent Bâb Sitti-Mariam (porte de Notre-Dame Marie), parce qu'elle conduit au tombeau de Marie. Par cette porte on va à Jéricho, en passant par la montagne des Oliviers. Vers le sud est la porte Dorée qui donne sur le parvis du temple ; elle est murée.

Au midi, on trouve, vers l'orient, la porte des Ordures, qui mène à la fontaine de Siloé ; en arabe elle s'appelle Bab el-Mogharebé (porte des Barbaresques). Vers l'occident, sur le Sion, que le mur traverse, est la porte de Sion ou Bab el-Nabi Daoud (porte du prophète David). En dehors de cette porte, sur le sommet du Sion, on montre la maison de Caïphe, maintenant une église arménienne ; non loin de là est une mosquée, bâtie, dit-on, sur le tombeau de David. A l'ouest se trouve un édifice, qui autrefois était un couvent franciscain, et qui maintenant est un hôpital turc. On y montre deux salles : dans l'une, dit-on, Jésus célébra la dernière pâque ; dans l'autre le Saint-Esprit descendit sur les apôtres. Sur le Sion se trouvent aussi les cimetières chrétiens.

A l'occident on ne trouve que la porte de Bethléhem, qui mène à Bethléhem et à Hébron. A droite est le chemin de Yâfa. Les Arabes appellent cette porte Bâb el-Khalil (porte de l'Ami de Dieu, c'est-à-dire d'Abraham), probablement parce qu'elle mène à Hébron, surnommée el-Khalîl, comme ville d'Abraham. Près de cette porte se trouve le château des Pisans, monument gothique du temps des croisades ; la tour de David, qui en fait partie, existait cependant avant cette époque.

Plusieurs voyageurs ont fait le tour de la muraille et ont compté le nombre des pas. Voici les mesures indiquées par Maundrell, qui sortit par la porte de Bethlehem :

De cette porte à l'angle N. O. de la muraille

400

pas.

De là à la porte de Damas

680

— à la porte d'Hérode

380

— à la prison de Jérémie

150

— à l'angle N. E

225

— à la porte de Saint-Étienne

385

— à la porte Dorée

240

— à l'angle S. E. du Moria

380

— à la porte des Ordures

470

— à la porte de Sion

605

— à l'angle S. O

215

— à la porte de Bethlehem

500

Total

4630

pas.

Ces mesures nous font très-bien connaître les proportions de la ville ; nous avons au nord 1435 pas, au midi 1290 pas, à l'est 1005 pas, à l'ouest 900 pas. On voit qu'elle forme une espèce de trapèze, dont les côtés les plus longs sont au nord et au midi ; c'est pourquoi Edrisi dit qu'elle s'é tend de l'ouest à l'est[67]. Voici maintenant les noms des rues de Jérusalem, d'après l'Itinéraire de M. de Chateaubriand : Les trois principales se nomment : 1° Harat bâb el-Amoud, la rue de la Porte de la Colonne : elle traverse la ville du nord au midi ; 2° Souk el-kebir, la rue du Grand-Bazar : elle court du couchant au levant ; 3° Harat el-Alam, la Voie douloureuse : elle commence à la porte de la Vierge, passe au prétoire de Pilate, et va finir au Calvaire.

On trouve ensuite sept autres petites rues :

Harat el-Moslemin, la rue des Musulmans.

Harat el-Naçàra, la rue des Chrétiens : elle va du saint sépulcre au couvent latin.

Harat el-Arman, la rue des Arméniens, au levant du château.

Harat el-Yahoud, la rue des Juifs : les boucheries de la ville sont dans cette rue — elle est située entre le Sion et le Moria, là où était autrefois la vallée de Tyropcœn.

Harat bâb-Hotta, la rue près du Temple.

Harat el-Zahara. Mon drogman, dit M. de Chateaubriand, me traduisait ces mots par strada Comparita. Je ne sais trop ce que cela veut dire. Il m'assurait encore que les rebelles et les méchantes gens demeuraient dans cette rue.

Harat el-Mogharebé, la rue des Maugrabins ou des Barbaresques.

Ces rues sont étroites et irrégulières, elles ne sont pavées qu'en partie. Les maisons présentent des masses lourdes de terre argileuse ou de pierre ; elles sont très-basses, et elles ont, pour la plupart, des toits plats ou des coupoles.

On ne voit de fenêtres que dans la partie supérieure ; elles sont petites et grillées[68].

Les relations des voyageurs diffèrent beaucoup entre elles sur le nombre des habitants de Jérusalem. Elles balancent entre quinze et vingt mille ; dans ce nombre les Juifs paraissent entrer pour un tiers.

Nous indiquerons encore rapidement les principaux édifices de la moderne Jérusalem : 1° L'église du Saint-Sépulcre vers le N. O. de la ville ; elle fut incendiée dans la nuit du 11 au 12 octobre 1808, mais elle a été rebâtie plus tard. 2° Le couvent San-Salvador, entre les portes de Damas et de Bethlehem. 3° Le principal couvent des Grecs près de l'église du Saint-Sépulcre. 4° L'église des Arméniens, au pied du Sion, bâtie, dit-on, à l'endroit où était la maison d'Anne le pontife. 5° La grande mosquée d'Omar avec ses dépendances. Elle est bâtie sur le Moria, où des voyageurs modernes ont encore découvert des traces des anciens murs[69].

Dans l'histoire moderne de la Palestine nous donnerons sur quelques-uns de ces édifices des détails topographiques. Mais nous devons, pour compléter la topographie de Jérusalem, ajouter quelques mots sur les lieux qu'on appelle le Calvaire et le saint sépulcre.

Golgotha ou le lieu du crâne (calvariæ locus) était situé, selon Eusèbe et St. Jérôme, au nord du Sion. C'est là tout ce que nous savons sur cette place destinée aux exécutions ; il n'est dit nulle part que ce fût une colline. Près de cet endroit, dans un jardin, se trouvait, selon l'Évangile de Jean, le tombeau où Jésus fut déposé. Le Calvaire ainsi que le tombeau étaient hors de la ville ; maintenant on les montre en dedans, presque au milieu de la ville. Cette circonstance n'a en elle-même rien d'étonnant ; cependant l'inspection des lieux a fait naître dans l'esprit de plusieurs voyageurs des doutes fort graves sur l'authenticité du Calvaire et du saint sépulcre ; et la plupart des savants modernes qui ont écrit sur cette matière, refusent d'admettre que ces lieux aient pu exister là où on les montre maintenant[70]. M. de Chateaubriand, après avoir tâché de corroborer la tradition par le témoignage de plusieurs auteurs anciens, envie le sort des premiers voyageurs, qui n'étaient point obligés d'entrer dans toutes ces critiques, parce que, dit-il, ils trouvaient dans leurs lecteurs la religion qui ne dispute jamais avec la vérité. Cependant dès le quatorzième siècle il s'était élevé des doutes sur le saint sépulcre, et il y a plus de deux siècles que Quaresmius se plaignit amèrement de ces misérables hérétiques d'Occident qui nient que le saint sépulcre soit celui où le corps de Jésus fut déposé[71]. Il y a environ cent ans, Korte, voyageur allemand, malgré l'exaltation religieuse qui se manifeste dans son ouvrage, se prononça avec beaucoup de vivacité contre la tradition reçue ; il s'était aperçu au premier regard que ce qu'on appelle maintenant le Calvaire ne pouvait nullement être le véritable Golgotha, ce qu'il prouve avec beaucoup de détails[72]. Il se pourrait bien, à la vérité, que le Golgotha ait été situé dans le quartier de Bezetha, qui lors de la mort de Jésus était encore exclu de la ville ; car la troisième muraille n'existait pas encore. Mais il paraît être bien difficile d'exclure le Calvaire actuel même de la deuxième enceinte de l'ancienne Jérusalem ; d'Anville, malgré la précision et la rigoureuse exactitude qui caractérisent ses recherches, s'exprime à ce sujet d'une manière si vague, que, loin de dissiper les doutes, il leur donne une nouvelle force. Après avoir dit que, avant l'accroissement de Bezetha, l'enceinte de la ville ne s'étendait pas au delà du côté du nord de la tour Antonia, il ajoute : Il faut même rabaisser un peu vers le sud, à une assez petite distance de la face occidentale du temple, pour exclure de la ville le Golgotha ou Calvaire, qui, étant destiné au supplice des criminels, n'était point compris dans l'enceinte de la ville. — Sans vouloir rien décider à cet égard, nous observerons seulement que la tradition primitive de la découverte du saint sépulcre ne se présente pas avec assez de garanties pour ne pas donner prise à la critique. Voici comment cette tradition est rapportée par M. de Chateaubriand lui-même : Constantin, ayant fait monter la religion sur le trône, écrivit à Macaire, évêque de Jérusalem. Il lui ordonna de décorer le tombeau du Sauveur d'une superbe basilique. Hélène, mère de l'empereur, se transporta en Palestine, et fit elle-même chercher le saint sépulcre. Il avait été caché sous la fondation des édifices d'Adrien. Un juif, apparemment chrétien, qui, selon Sozomène, avait gardé des mémoires de ses pères, indiqua la place où devait se trouver le tombeau. Hélène eut la gloire de rendre à la religion le monument sacré[73]. Quelque faible que soit l'autorité de cette tradition, elle a encore trouvé des défenseurs parmi les modernes[74].

3. ENVIRONS DE JÉRUSALEM.

A l'orient se présente la montagne des Oliviers, qui s'étend le long de la vallée de Josaphat. Elle a trois sommets ; celui du nord est le plus élevé[75], on y voit les ruines d'une tour. Sur le sommet du milieu est la chapelle de l'Ascension ; au même endroit l'impératrice Hélène avait fait bâtir une magnifique église ; car ce fut laque, selon la tradition chrétienne, eut lieu l'ascension de Jésus. Dans la chapelle on montre encore aux crédules pèlerins la trace de son pied gauche. Le sommet occidental s'appelle la montagne du Scandale (mons offensionis), à cause du culte idolâtre qu'y célébra le roi Salomon. — Du haut de la montagne des Oliviers on a une vue magnifique. A l'orient s'étend la plaine de Jéricho, à travers laquelle on voit couler le Jourdain et se verser dans la mer Morte ; à l'occident on voit la ville et au delà on aperçoit la Judée, jusque dans les environs de la Méditerranée ; au nord la vue s'étend au delà des monts Ebal et Garizim, et au midi jusqu'à Bethléhem et Hébron.

Au pied de la montagne, du côté de la ville, on trouve au nord, presque à la naissance du torrent de Kidron, le jardin des Oliviers, connu dans l'Évangile sous le nom de Gethsemani (pressoir d'huile), maintenant Djesmaniyyé. On y arrive de la ville, en sortant par la porte Saint-Étienne, et en passant sur un pont du Kidron. Le jardin appartient aux Pères latins du couvent San-Salvador ; il a environ 160 pieds carrés, et on y trouve encore huit gros oliviers, que l'on croit très-anciens. Au nord jardin, on montre dans une chapelle souterraine le prétendu sépulcre de Marie, mère de Jésus. On y descend par 47 marches de marbre. Arrivé au milieu de l'escalier, on trouve d'un côté le tombeau de Joachim et d'Anne, parents de Marie, et de l'autre côté celui de Joseph, son mari. Toutes les sectes chrétiennes et même les musulmans ont des oratoires dans cette chapelle. — De Gethsemani jusqu'au village de Siloan, situé au S. O. de la montagne des Oliviers, s'étend la vallée de Josaphat. Là se trouvent les tombeaux des juifs. Voici ce qu'en dit M. de Chateaubriand : Les pierres du cimetière des Juifs se montrent comme un amas de débris au pied de la montagne du Scandale, sous le village arabe de Siloan : on a peine à distinguer les masures de ce village des sépulcres dont elles sont environnées. Trois monuments antiques, les tombeaux de Zacharie, de Josaphat et d'Absalon, se font remarquer dans ce champ de destruction. A la tristesse de Jérusalem, dont il ne s'élève aucune fumée, dont il ne sort aucun bruit ; à la solitude des montagnes, où l'on n'aperçoit pas un être vivant ; au désordre de toutes ces tombes fracassées, brisées, demi-ouvertes, on dirait que la trompette du jugement s'est déjà fait entendre, et que les morts vont se lever dans la vallée de Josaphat. En face du village de Siloan, au pied du Moria, est la fontaine dite de Marie. C'est peut-être la même qui, dans la Bible, est appelée la fontaine Roghel ou du foulon (Jos. 15, 7). Entre le Sion et le Moria, là où la vallée de Josaphat vient se joindre à la vallée de Hinnom, se trouve la source de Siloé, qui jaillit d'une roche calcaire. C'est la seule source d'eau vive que possède la ville de Jérusalem ; ses eaux se divisent en deux branches et forment deux étangs, qui existaient déjà du temps d'Isaïe, et qui servaient alors comme aujourd'hui à laver le linge. L'un est appelé par Isaïe l'étang supérieur (ch. 7, v. 3), l'autre l'étang inférieur (ch. 22, v. 9) ; le premier, qui arrosait les jardins royaux, est appelé l'étang royal (Néhém., 2, 14). Toutes les fois que Jérusalem était menacée d'un siège, on détournait l'eau de Siloé et on bouchait la source, de sorte que la ville était toujours suffisamment pourvue d'eau, tandis que les assiégeants en manquaient. Ce moyen fut également employé par Hiskia (ou Ézéchias) lors du siège des Assyriens, et à l'époque des croisades. Saladin força par là Richard Cœur de lion de renoncer au siège de Jérusalem[76]. Près de là on montre, à côté d'un marier blanc, l'endroit du chêne Roghel où, selon la tradition, Isaïe fut scié en deux, par ordre du roi Manassé, et où il fut enterré.

Au midi du Sion, au delà de la vallée de Hinnom, on montre Hakel-dama ou le Champ du sang, acheté des trente pièces d'argent de Judas. Derrière ce champ s'élève le mont du Mauvais conseil. Cette montagne paraît être celle que Clarke prend pour le véritable Sion. Il trouva dans sa paroi septentrionale beaucoup de tombeaux taillés dans le roc, et qui en partie portent l'inscription grecque τής άγίας Σιών.

Dans le vallon à l'ouest de la ville, appelé Guihôn, on trouve une piscine portant le même nom ; elle est presque à sec et on ne voit pas de source dans ses environs, ce qui peut faire supposer qu'elle était destinée à recevoir les eaux de pluie descendant des hauteurs voisines. En tournant de là au nord de la ville, on rencontre, avant d'arriver à la porte de Damas, une grotte dans laquelle, dit-on, Jérémie composa ses lamentations. Elle a environ 30 pieds en long et en large et 40 pieds de profondeur. Le toit est soutenu par deux colonnes. Il ne faut pas la confondre avec une fosse qui se trouve plus à l'est et qu'on appelle la prison de Jérémie.

A trois ou quatre portées de fusil de la grotte, on trouve un des plus beaux monuments d'architecture ancienne ; c'est celui qu'on appelle les Sépulcres des rois. Il ne faut pas penser ici aux tombeaux des rois de Juda ; car nous savons par la Bible que les tombeaux se trouvaient sur le mont Sion. D'ailleurs on reconnaît dans les ornements l'art grec. Pococke et Clarke ont pris les Sépulcres des rois pour le monument d'Hélène, reine d'Adiabène, dont parle Josèphe ; mais cet écrivain, en faisant la description de la troisième muraille de Jérusalem, distingue expressément le monument d'Hélène des grottes royales, qui sont, sans aucun doute, les sépulcres en question. Ce qu'il y a de plus probable, c'est que ces sépulcres datent des derniers rois de la Judée, successeurs d'Hérode. Nous reproduisons ici la description qu'en a donnée M. de Chateaubriand :

En sortant de Jérusalem par la porte d'Éphraïm, on marche pendant un demi-mille sur le plateau d'un rocher rougeâtre où croissent quelques oliviers. On rencontre ensuite au milieu d'un champ une excavation assez semblable aux travaux abandonnés d'une ancienne carrière. Un chemin large et en pente douce vous conduit au fond de cette excavation, où l'on entre par une arcade. On se trouve alors au milieu d'une salle découverte taillée dans le roc. Cette salle a trente pieds de long sur trente pieds de large, et les parois du rocher peuvent avoir douze à quinze pieds d'élévation.

Au centre de la muraille du midi, vous apercevez une grande porte carrée, d'ordre dorique, creusée de plusieurs pieds de profondeur dans le roc. Une frise un peu capricieuse, mais d'une délicatesse exquise, est sculptée au-dessus de la porte : c'est d'abord un triglyphe, suivi d'une métope ornée d'un simple anneau ; ensuite vient une grappe de raisin entre deux couronnes et deux palmes. Le triglyphe se représente, et la ligne se reproduisait sans doute de la même manière le long du rocher ; mais elle est actuellement effacée. A dix-huit pouces de cette frise règne un feuillage entremêlé de pommes de pin et d'un autre fruit que je n'ai pu reconnaître, mais qui ressemble à un petit citron d'Égypte. Cette dernière décoration suivait parallèlement la frise, et descendait ensuite perpendiculairement le long des deux côtés de la porte.

Dans l'enfoncement et dans l'angle à gauche de cette grande porte s'ouvre un canal où l'on marchait autrefois debout, mais où l'on se glisse aujourd'hui en rampant. Il aboutit par une pente assez roide, ainsi que dans la grande pyramide, à une chambre carrée, creusée dans le roc avec le marteau et le ciseau. Des trous de six pieds de long sur trois pieds de large sont pratiqués dans les murailles, ou plutôt dans les parois de cette chambre, pour y placer des cercueils. Trois portes voûtées conduisent de cette première chambre dans les autres demeures sépulcrales d'inégale grandeur, toutes formées dans le roc vif, et dont il est difficile de comprendre le dessin, surtout à la lueur des flambeaux. Une de ces grottes, plus basse que les autres et où l'on descend par six de grés, semble avoir renfermé les principaux cercueils. Ceux-ci étaient généralement disposés de la manière suivante : le plus considérable était au fond de la grotte, en face de la porte d'entrée, dans la niche ou dans l'étui qu'on lui avait préparé ; des deux côtés de la porte deux petites voûtes étaient réservées pour les morts les moins illustres, et comme pour les gardes de ces rois, qui n'avaient plus besoin de leur secours. Les cercueils dont on ne voit que les fragments, étaient de pierre, et ornés d'élégantes arabesques.

Ce qu'on admire le plus dans ces tombeaux, ce sont les portes de ces chambres sépulcrales ; elles sont de la même pierre que la grotte, ainsi que les gonds et les pivots sur lesquels elles tournent. Presque tous les voyageurs ont cru qu'elles avaient été taillées dans le roc même ; mais cela est visiblement impossible, comme le prouve très-bien le P. Nau. Thévenot assure qu'en grattant un peu la poussière on aperçoit la jointure des pierres, qui y ont été mises après que les portes ont été posées avec leurs pivots dans les trous. J'ai cependant gratté la poussière et je n'ai point vu ces marques au bas de la seule porte qui reste debout : toutes les autres sont brisées et jetées en dedans des grottes.

En allant un peu au nord-ouest on trouve d'autres tombeaux qu'on donne pour ceux des juges d'Israël. On prétend que Othniel, Gédéon, Samson, Jephta, et d'autres anciens héros d'Israël y sont enterrés. Maintenant ces tombeaux offrent souvent une retraite aux bergers[77].

Avant de quitter Jérusalem pour continuer notre voyage vers le midi, nous ferons encore une excursion à Bethphage et Bethania, villages célèbres dans les Évangiles, et qui étaient situés à l'est de la montagne des Oliviers, sur la route de Jéricho. Ce fut à Bethphage que Jésus fit chercher l'âne sur lequel il fit son entrée à Jérusalem. Depuis longtemps il n'existe plus de trace de ce village ; Quaresmius dit (t. II, p. 335) que de son temps on montrait encore l'endroit où il était situé.

Bethania est à environ trois quarts de lieue de Jérusalem ; là demeura Lazare avec ses sœurs Marie et Marthe, et Jésus y passait souvent les nuits, dans les derniers temps de sa vie, lorsqu'il ne se croyait plus en sûreté à Jérusalem. Maintenant Béthanie est un petit village de la plus misérable apparence. On y trouve quelques familles arabes ; dont les chefs mettent à profit la crédulité des pèlerins chrétiens, en leur faisant montrer, pour une rétribution, la maison de Lazare et son tombeau taillé dans le roc. A côté de ce tombeau se trouve une mosquée.

Le premier endroit qui au S. E. de Jérusalem attire notre attention, est la petite ville de

BETHLÉHEM, de la plus haute antiquité ; elle avait porté d'abord le nom d'Ephratha[78]. La vallée de Rephaïm la sépare de Jérusalem, dont elle est éloignée à peine de deux lieues. Elle est assise sur une hauteur dans un pays de coteaux et de vallons, et Volney nous assure que c'est le meilleur sol de ces cantons ; les fruits, les vignes, les olives, les sésames y réussissent très-bien. C'est de là, sans doute, qu'elle portait le nom d'Ephratha qui signifie fertilité. M. de Chateaubriand dit pourtant n'avoir point remarqué dans la vallée de Bethlehem la fécondité qu'on lui attribue. Bethléhem, qui a toujours été une des plus petites villes de la Judée, est célèbre cependant dans l'Ancien Testament, comme lieu de naissance de David, et, dans le Nouveau, comme celui de Jésus. Maintenant Bethléhem est un village qui a environ cent maisons, habitées par quelques centaines de familles, pour la plupart chrétiennes. On y voit peu de Mahométans et point de Juifs. Déjà au XIIe siècle Benjamin de Tudèle n'y trouva que douze Juifs qui exerçaient la profession de teinturiers.

Volney trouva à Bethléhem 600 hommes capables de porter le fusil dans l'occasion. De ces 600 hommes, dit-il, on en compte une centaine de chrétiens latins, qui ont un curé dépendant du grand couvent de Jérusalem. Ci-devant ils étaient uniquement livrés à la fabrique des chapelets ; mais les RR. PP. ne consommant pas tout ce qu'ils pouvaient fournir, ils ont repris le travail de la terre. A l'est du village, à deux cents pas de distance, se trouve sur une hauteur le couvent latin qui, par une cour fermée de hautes murailles, tient à la célèbre église de la Nativité ou de Maria de pæsepio (Notre-Dame de la Crèche). Cette église fut fondée par l'impératrice Hélène à l'endroit où, selon la tradition, naquit Jésus. Elle fut souvent détruite et a été nouvellement restaurée, et l'architecture grecque qu'on y reconnaît encore se mêle aujourd'hui aux différentes parties ajoutées par les princes chrétiens. Le géographe arabe Edrisi dit (p. 346) qu'elle est belle, solide, vaste, et ornée à tel point qu'il n'est pas possible d'en voir qui lui soit comparable. On en trouve la description dans l'Itinéraire de M. de Chateaubriand. Des deux côtés de l'autel il y a deux escaliers tournants ayant chacun 15 degrés, par lesquels on descend à la grotte ou Jésus vit le jour ; elle occupe l'emplacement de l'étable et de la crèche. Selon M. de Chateaubriand, elle a 37 pieds et demi de long, onze pieds trois pouces de large, et neuf pieds de haut. Elle est taillée dans le roc ; les parois de ce roc sont revêtues de marbre, et le pavé de la grotte est également d'un marbre précieux. Trente-deux lampes éclairent cette grotte. La place qu'on donne pour celle de la naissance de Jésus est du côté de l'orient ; elle est marquée par un marbre blanc entouré d'un cercle d'argent radié en forme de soleil. A l'entour on lit cette inscription : Hic de virgine Maria Jesus Christus natus est. La crèche se trouve à sept pas de là vers le midi. On va même jusqu'à montrer, à deux pas de la crèche, la place où Marie était assise lorsqu'elle présenta l'enfant aux adorations des mages ; on y a élevé un autel. Enfin on montre au pèlerin une chapelle souterraine où la tradition place la sépulture des enfants massacrés par ordre d'Hérode, et près de là on voit la grotte de saint Jérôme, avec son tombeau et ceux de sainte Paule et de sainte Eustochie. A côté de l'église, au midi, est le couvent des Grecs, et, à l'ouest de ce dernier, celui des Arméniens.

A une demi-lieue de Bethléhem, au N. O., on montre le tombeau de Rachel, épouse du patriarche Jacob. On lit dans la Genèse (35, 20) que Jacob y éleva un monument. Benjamin de Tudèle et le rabbin Pétachia y trouvèrent un monument composé de onze pierres, selon le nombre des onze fils de Jacob[79] ; il était surmonté d'un dôme qui reposait sur quatre colonnes. Edrisi dit : Sur ce tombeau sont douze pierres placées debout ; il est surmonté d'un dôme construit en pierres. Le monument qu'on y voit maintenant n'est plus le même ; c'est un petit édifice carré de fabrique turque, surmonté d'un petit dôme. L'abbé Mariti croit qu'il ne date que de 1679.

Au midi de Bethléhem, tin chemin pierreux d'environ une lieue conduit à trois réservoirs d'eau qui sont d'une haute antiquité et qu'on fait même remonter jusqu'à Salomon. Ils sont placés sur une pente ; le plus élevé verse son eau dans le deuxième, d'où elle coule dans le plus bas. Selon Richardson, le premier a 480 pieds de long, le deuxième 600, et le troisième 660 ; leur largeur est de 270 pieds ; ils sont taillés dans le roc, d'une forme carrée, et ils avaient en haut un encadrement de pierre, comme l'a observé l'abbé Mariti. Le premier de ces réservoirs revoit son eau d'une fontaine qui en est éloignée d'environ 140 pas, et qu'on appelle la fontaine scellée, par allusion à un passage du Cantique des cantiques (4, 12). Les Arabes l'appellent plus communément Râs-el-Aïn (tête de la source). A côté des réservoirs est un aqueduc construit en briques, par lequel une partie de l'eau de la fontaine scellée était conduite à Jérusalem. Maintenant il se trouve en fort mauvais état ; mais il est très-intéressant pour l'archéologue à qui il présente, ainsi que les réservoirs, un véritable monument hébraïque. La fontaine scellée ne coule plus avec abondance ; aussi les réservoirs sont-ils presque à sec. Autrefois ils arrosaient le vallon qui se trouve près de là et qu'on appelle le jardin fermé de Salomon (Cantique, 4, 12), sans doute parce qu'il est entouré de collines.

Au S. E. de Bethléhem, à la distance de six milles romains, était située la ville de

THECOA, patrie du prophète Amos. Dans ces environs se trouve la montagne des Francs, sur laquelle on voit les ruines d'un château du temps des croisades.

HEBRÔN, situé à 5 lieues au sud de Bethléhem, est une des villes les plus anciennes du pays de Canaan. Selon le livre des Nombres (13, 22) elle fut bâtie sept ans avant Soan ou Tanis en Égypte. Son nom primitif était Kiriath-Arba (ville d'Arba)[80]. Abraham s'établit sur le territoire de Hebrôn, dans le bois de Mamré (Genèse, 13, 18) ; il y acheta un caveau, appelé la caverne double, où il enterra sa femme Sara. Plus tard il y fut enterré lui-même, ainsi que son fils Isaac avec sa femme Rebecca, et Jacob avec sa femme Léa[81]. Du temps de Josué, Hoham, roi de Hebrôn, fut fait prisonnier et mis à mort par les Hébreux. Hebrôn avec son territoire fut donné à Caleb, qui fit valoir une promesse de Moïse ; mais bientôt la ville fut donnée aux Lévites de la famille de Kehath, et elle devint une des six villes-asiles. David y avait sa résidence jusqu'à la conquête du fort de Sion. Nous trouvons Hebrôn parmi les villes où les Juifs s'établirent de nouveau après l'exil ; mais il paraît que plus tard les Iduméens s'en emparèrent, car ils en furent chassés par Judas Maccabée (I Macc. 5, 65). Occupée par les Romains, elle leur fut arrachée par Simon fils de Gioras, un des chefs de l'insurrection ; mais le général romain Céréalis la prit d'assaut, tua la garnison juive et brûla la ville. Pendant les croisades Hebrôn était un évêché, et portait le nom de Saint-Abraham, en l'honneur du patriarche qui y avait demeuré. Benjamin de Tudèle dit que l'église de Saint-Abraham, bâtie sur le tombeau des patriarches, avait été une synagogue sous la domination musulmane. Maintenant il y a là une mosquée appelée Mesdjed-al-Khalîl en l'honneur d'Abraham, que les musulmans surnomment Al-Khalîl ou l'ami (de Dieu). Ils donnent ce dernier nom à la ville elle-même, quoiqu'ils l'appellent aussi par son ancien nom, qu'ils prononcent Habroun. Maintenant Hebrôn a 400 maisons ; les habitants sont musulmans, on ne trouve parmi eux qu'un petit nombre de Juifs. Voici la description de Volney (Voyage, t. II, à la fin du ch. 6) : Habroun est assis au pied d'une élévation sur laquelle sont de mauvaises masures, restes informes d'un ancien château. Le pays des environs est une espèce de bassin oblong, de cinq à six lieues d'étendue, assez agréablement parsemé de collines rocailleuses, de bosquets de sapins, de chênes avortés et de quelques plantations d'oliviers et de vignes  Les paysans cultivent encore du coton, que leurs femmes filent, et qui se débite à Jérusalem et à Gaze. Ils y joignent quelques fabriques de savon, dont la soude leur est fournie par les Bédouins, et une verrerie fort ancienne, la seule qui existe en Syrie : il en sort une grande quantité d'anneaux colorés, de bracelets pour les poignets, pour les jambes, pour les bras au-dessus du coude, et diverses autres bagatelles que l'on envoie jusqu'à Constantinople. Au moyen de ces branches d'industrie, Habroun est le plus puissant village de ces cantons. Outre le tombeau des patriarches, qui se trouve sous la mosquée, et qui est inaccessible aux Juifs et aux Chrétiens, on montre à Hebrôn le tombeau d'Isaï (Jessé), père de David, et celui d'Abner, général de Saül. Au midi de la ville, Troilo trouva, en 1666, une ancienne piscine ayant 66 pieds de long et deux fois autant de large ; on y descendait par quatre escaliers en pierre, ayant chacun 40 degrés. Une piscine de Hebrôn est mentionnée dans le deuxième livre de Samuel (4, 12). Dans les environs de Hebrôn était située la ville de DEBIR, anciennement Kiriath-Sépher (ville des livres).

BEERSCHÉBA ou BERSABA était la ville la plus méridionale de la Judée et de tout le pays des Hébreux ; c'est pourquoi on dit souvent dans la Bible : de Dân à Bersaba, pour désigner tout le pays du nord au midi. Le nom signifie, selon la Genèse (21, 31), puits du serment ; ce fut Abraham qui nomma ainsi cet endroit, à cause du serment d'alliance qui y eut lieu entre lui et Abimélech, roi des Philistins. Nous voyons par deux passages du prophète Amos (5, 5 et 8, 14) que de son temps un culte idolâtre avait été établi à Bersaba. La ville existait encore du temps d'Eusèbe et de saint Jérôme ; elle était alors occupée par une garnison romaine. Seetzen y trouva encore un village qui porte le nom de Bir-sabea.

C. JUDÉE OCCIDENTALE.

La Judée occidentale embrasse toute la côte du pays de Samarie, ou la plaine de Saron, ainsi que la grande plaine appelée Scheféla, et le pays des Philistins. Les villes suivantes méritent une mention particulière :

DOR, au pied du Carmel, qui, de ce côté, est appelé par les Arabes Râsel-hedjl (tête de la plaine). Anciennement cette ville fut la résidence d'un roi cananéen (Jos. 12, 23). Plus tard Dor était une forteresse considérable ; le roi de Syrie, Antiochus Sidètes, l'assiégea par terre et par mer, avec 120.000 hommes d'infanterie et 8000 cavaliers (I Maccab. ch. 15, v. 11, etc.) Du temps de saint Jérôme on n'y voyait plus que des ruines. Maintenant on trouve à sa place un village qui porte le nom de Tortoura.

CÉSARÉE, sur la Méditerranée, et appelée Cæsarea Palestina, pour la distinguer de Cæsarea Philippi dans la Pérée. Elle fut appelée d'abord Tour de Straton, probablement du nom de son fondateur ; Hérode, qui l'entoura d'une nouvelle muraille et l'embellit par des palais de marbre, lui donna le nom de Césarée, en l'honneur de l'empereur Auguste, auquel il y consacra un temple. La ville acquit une grande importance par le port magnifique qu'Hérode y fit construire, et dont Josèphe nous a donné la description (Antiq., l. 15, c. 9, § 6). Les habitants étaient pour la plupart Grecs ou Syriens, et ils s'accordaient fort mal avec les habitants juifs. Une rixe sanglante, qui s'éleva entre les Juifs et les païens, sous le gouverneur romain Gessius Florus, devint la première cause de l'insurrection générale des Juifs contre les Romains. Après la destruction de Jérusalem, Césarée était la capitale de la Palestine et la résidence du gouverneur romain. On parle souvent de cette ville dans les Actes des Apôtres : le centurion Cornelius y fut converti au christianisme ; l'apôtre Paul s'y rendit plusieurs fois, et y passa deux ans en prison. Dès les premiers siècles de l'Église, Césarée devint le siège d'un évêque ; sous Constantin elle possédait une des trois églises métropolitaines de Palestine. En 1101 elle fut prise d'assaut par les croisés, sous Baudouin Ier roi de Jérusalem ; elle fut reprise par Saladin. Maintenant on n'y voit plus que des ruines, au milieu desquelles sont quelque buttes de pêcheurs. Ce lieu désert, séjour de chacals et de sangliers, porte encore le nom de Kaiçariyyé. Entre Césarée et Yâfa (Joppé) était situé Apollonia, sur la mer, et à peu de distance de cette dernière ville, à l'est, était Antipatris, sur la route de Césarée à Jérusalem.

YAFO (appelée par les Grecs Joppé et maintenant par les Arabes Yâfa), située sur la Méditerranée, à quinze lieues N. O. de Jérusalem, est une des villes les plus anciennes de l'Asie. D'anciennes traditions la font même remonter avant le déluge[82]. Selon la fable grecque, ce fut près de Joppé qu'Andromède fut attachée sur un rocher par la vengeance des Néréides. Pline rapporte que de son temps on montrait encore dans le rocher les traces des chaînes d'Andromède[83]. Le rocher auquel Andromède fut attachée se montrait même encore du temps de saint Jérôme[84]. Dans les temps anciens, Yafo était le seul point par lequel les Israélites communiquaient avec la Méditerranée. Les cèdres du Liban dont on avait besoin pour le temple et les autres constructions, arrivèrent par le port de Yafo (2 Chron. 2, 15 ; Ezra, 3, 7) ; le prophète Jonas s'y embarqua pour Tarschisch. Au reste, il est peu question de cette ville dans les écrits bibliques. Plus tard les princes maccabéens Jonathan et Simon la conquirent sur les Syriens (I Maccab. 10, 76 ; 14, 5). Lors de l'insurrection des Juifs contre les Romains, la ville fut prise d'assaut et brûlée par Cestius ; huit mille habitants furent massacrés par les soldats romains. Quelque temps après, les Juifs relevèrent les murs de la ville ; des pirates sortis du port de Yafo inquiétèrent les côtes de la Phénicie et de la Syrie, ce qui attira de nouveau contre cette ville les attaques des Romains. Vespasien la conquit par une surprise nocturne, la rasa, et fit élever à sa place une citadelle, dans laquelle il mit une garnison romaine. Depuis Constantin le Grand jusqu'à l'invasion des Arabes, Yafo était le siège d'un évêque. Plus tard les croisés rétablirent cet évêché. Yâfa ou Jaffa, comme on l'appelle communément, était une place très-importante pour les chrétiens. Baudouin Ier la fortifia ; Saladin la reprit en 1188. Depuis cette époque elle a partagé le sort de toute la Palestine sous ses différents dominateurs. A la fin du seizième siècle, lorsque Cotwyk visita la Palestine, Yâfa ne présentait qu'un monceau de ruines. En 1647, Monconys n'y trouva qu'un château et trois cavernes creusées dans le roc[85]. Ainsi la moderne Yâfa a, tout au plus, un siècle et demi d'existence. Dans les temps modernes, Yâfa est de nouveau devenue célèbre par l'expédition de Napoléon et par le fameux massacre de 4000 prisonniers turcs. Ce fut le 6 mars 1799 que les Français prirent la ville après une lutte acharnée. Nous reviendrons sur cet événement dans la partie historique de cet ouvrage. Après le départ des Français, les Anglais bâtirent un bastion à l'angle sud-est de Yâfa. Cette ville ne présente, selon M. de Chateaubriand, qu'un méchant amas de maisons rassemblées en rond, et disposées en amphithéâtre sur la pente d'une côte élevée. Un mur qui par ses deux points vient aboutir à la nier l'enveloppe du côté de terre, et la met à l'abri d'un coup de main. Yâfa a environ 5000 habitants. On y trouve un hospice pour les pèlerins ; c'est une simple maison de bois bien bâtie sur le port et appartenant aux Pères du couvent de Saint-Salvador à Jérusalem. Dans les environs il y avait autrefois des jardins magnifiques ; on y trouve encore des grenadiers, des figuiers, des citronniers, des palmiers, des buissons de nopals et des pommiers. Le port de Yâfa, formé par une ancienne jetée, est petit et presque comblé. Les bâtiments sont obligés de jeter l'ancre loin du rivage.

LYDDA ou LOD (Diospolis), à trois lieues à l'est de Yâfa. Cette ville fut bâtie par un descendant de Benjamin (I Chron. 8, 12) et elle est mentionnée dans le livre de Nehemias (11, 35) comme ville des Benjaminites. Il paraît cependant que, sous la domination syrienne, elle faisait partie de la province de Samarie ; car Démétrius Soter la détacha de cette province, ainsi que les villes d'Apherema et de Rama, et il donna les trois villes à Jonathan Maccabée (I Maccab., 11, 34). Détruite par Cestius, elle fut rétablie plus tard sous le nom de Diospolis. Depuis le quatrième siècle Lydda eut un évêque, dépendant du patriarche de Jérusalem. L'évêché rétabli par les croisés reçut le nom de saint George ; ce saint, disait-on, y avait subi le martyre. Il y avait dans cette ville une église consacrée saint George et dont Guillaume de Tyr fait remonter la fondation à l'empereur Justinien. D'Arvieux en trouva encore des ruines. Maintenant il n'y a à la place de Lydda qu'un misérable village, portant encore le même nom, que les Arabes prononcent Loudd. Volney dit que l'aspect d'un lieu où l'ennemi et le feu viennent de passer, est précisément celui de ce village.

RAMLA est à une demi-lieue au sud de Lydda, dans la belle plaine de Saron. Selon le géographe arabe Aboulféda, cette ville fut fondée en 716 par le khalife Soliman fils d'Abdalmélik. Reland dit (Palæst., p. 959) qu'il ne connaît pas d'auteur plus ancien, qui ait fait mention de cette ville, que le moine Bernard, qui visita la Palestine en 870. Plusieurs auteurs la prennent pour l'ancienne Arimathia, que saint Jérôme place près de Lydda (voyez Reland, p. 580). Volney trouva la ville de Ramla presque aussi ruinée que Loudd ; elle avait cependant quelque importance par le commerce de coton filé et de savon. On y trouve le couvent des moines de terre sainte, qui sert d'hospice aux pèlerins, et qui fut fondé, Biton, par Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Près de la ville, sur le chemin de Yâfa, est la tour des Quarante martyrs, autrefois le clocher d'un monastère bâti par les Templiers, aujourd'hui le minaret d'une mosquée ruinée.

Dans ces environs étaient situées très-probablement les antiques villes d'Adoullam et de Thimna ou Thamnatha, qui existaient déjà du temps du patriarche Jacob (Genèse, 38, 12), et la forteresse de Modéin, où demeurait le prêtre Mattathias, père des Maccabées.

La Judée se terminait au S. O. par le TERRITOIRE DES PHILISTINS, qui renfermait les villes suivantes du nord au midi :

YABNÉ (2 Chron., 26, 6). Cette ville, appelée par les Grecs Jamnia, est souvent mentionnée dans les livres des Maccabées. Elle est située à peu de distance de la nier, et, selon Volney, à trois lieues de Ramla. Philon (dans sa relation de l'ambassade envoyée à Caligula) appelle Jamnia une des villes les plus populeuses de la Judée, et il nous dit que, de son temps, la plus grande partie de la population était juive[86]. Déjà quelque temps avant la destruction de Jérusalem, le siège du grand Synedrium fut transféré dans cette ville, et bientôt elle fut illustrée par une grande académie rabbinique. A sa place est maintenant un village qui porte encore le nom de Yabné : Ce village, dit Volney, n'a de remarquable qu'une hauteur factice, comme celle du Hesi[87], et un petit ruisseau, le seul de ces cantons qui ne tarisse pas en été. Son cours total n'est pas de plus d'une lieue et demie.

EKRÔN (Accaron) fut, comme Gath, Ascalon, Gaza, et les autres villes de ces contrées, prise plusieurs fois par les Hébreux et reprise par les Philistins. Alexandre Balas, roi de Syrie, donna cette ville à Jonathan Maccabée. Du temps de saint Jérôme Accaron était un grand bourg ; habité par des Juifs. Il était situé entre Jamnia et Asdôd, mais plus à l'est, à quelque distance de la mer.

GATH à l'est d'Ekrôn, fut la patrie de Goliath. David, poursuivi par Saül, se réfugia auprès d'Achis, roi de Gath. Devenu roi, il fit la conquête de Gath et de ses environs (I Chron., 18, 1). Plus tard cette ville tomba pour quelque temps au pouvoir des Syriens (2 Rois, 12, 18). Le roi Ouzia en démolit les murailles ; depuis lors elle ne joue plus aucun rôle dans l'histoire. Maintenant il n'en reste plus de trace.

ASCHDÔD ou ASDÔD, environ à dix lieues au nord de Gaza, à quelque distance de la Méditerranée[88]. Les Grecs l'appelèrent Azotos. Sous Salomon, qui possédait tout le pays jusqu'à Gaza, elle fut au pouvoir des Hébreux. Plus tard les Philistins la reprirent, mais Ouzia la leur enleva de nouveau et fit démolir les fortifications. Sous Hiskiah (Ézéchias) elle fut prise par les Assyriens (Isaïe, 20, 1). Hérodote raconte (l. II, ch. 157) que Psammétique, roi d'Egypte, assiégea Azot pendant vingt-neuf ans et il ajoute que c'est le plus long siège qu'on connaisse. Probablement le siège fut abandonné et repris plusieurs fois. Il paraît qu'à cette époque la ville fut presque entièrement détruite ; car le prophète Jérémie parle des restes d'Asdôd (ch. 25, v. 20). Judas Maccabée y renversa les autels des idolâtres ; ses frères Jonathan et Simon, après avoir vaincu, près de cette ville, Apollonius, général des Syriens, la brillèrent, ainsi que le temple du dieu Dagôn. Le général romain Gabinius la fit rebâtir. Un village du nom d'Esdoud, célèbre pour ses scorpions, est tout ce qui rappelle au voyageur l'ancienne Azot.

ASCALON, sur la Méditerranée, entre Asdôd et Gaza. La tribu de Juda s'empara de cette ville après la mort de Josué, mais elle retomba bientôt au pouvoir des Philistins. Ce ne fut que sous les Maccabées que les Juifs s'en rendirent maîtres, mais les habitants étaient, pour la plupart, païens. Ascalon est la ville natale de Sémiramis et d'Hérode le Grand. Diodore de Sicile (II, 4) raconte que Derceto, mère de Sémiramis, honteuse des liaisons qu'elle avait eues avec un jeune Syrien et dont Sémiramis était le fruit, se jeta dans un lac près d'Ascalon, après avoir fait tuer son amant et exposer sa fille dans un lieu désert. Les Syriens lui élevèrent près du lac un temple magnifique, ou ils l'adoraient sous la forme d'un poisson, ayant une tête de femme. Cette déesse Derceto est probablement la même qu'Hérodote (I, 105) mentionne sous le nom de Vénus Urania, dont le temple à Ascalon fut pillé par les Scythes. Ce temple, ajoute Hérodote, est le plus ancien qui ait été consacré à cette déesse. Depuis le quatrième siècle jusqu'à l'invasion des Arabes, Ascalon était un évêché. Sous les musulmans, elle était une des villes maritimes les plus importantes ; elle avait une double enceinte de murailles[89], et sa beauté la fit surnommer Arous el-Schâm (la fiancée de la Syrie). Les croisades furent funestes à cette ville : Baudouin III, roi de Jérusalem, s'en empara en 1153, après un siège de huit mois. En 1187 elle fut rendue à Saladin. Lorsque, en 1191, les chrétiens, sous Richard Cœur de lion, s'avancèrent de nouveau contre Ascalon, le sultan y fit mettre le feu, et l'année suivante, par une convention faite entre les deux rois, les chrétiens et les musulmans achevèrent en commun la destruction de la ville. Depuis cette époque elle n'a plus été rebâtie t mais on en voit encore les ruines, qui ont été visitées par plusieurs voyageurs, et notamment par M. le comte de Forbin, dont nous citerons ici la description pittoresque[90]. Après avoir parlé du village d'El-madjdal[91] et de la plaine qui conduit à Ascalon, il continue ainsi : Cette ville, qui ne compte plus un seul habitant, est située sur un coteau immense, formant le demi-cercle : la pente est presque insensible du côté de la terre, mais l'escarpement est très-considérable au-dessus de la mer qui forme la corde de cet arc. Les remparts, leurs portes sont debout ; la tourelle attend la sentinelle vigilante. Les rues vous conduisent à des places, et la gazelle franchit l'escalier intérieur d'un palais ; l'écho des vastes églises n'entend plus que le cri du chacal ; des bandes entières de ces animaux se réunissent sur la place publique et sont à présent les seuls maîtres d'Ascalon. Les Arabes qui la nomment Djaurah[92], frappés sans doute de sa tristesse imposante, en font le séjour des esprits malfaisants : ils assurent que, la nuit, cette ville est souvent éclairée, qu'on y entend le bruit de voix innombrables, le hennissement des chevaux, le cliquetis des armes et le tumulte des combats.

Non loin de ces monuments gothiques, se trouvent les grands débris d'un temple de Vénus : quarante colonnes de granit rose de la plus haute proportion, des chapiteaux, des frises du plus beau marbre, s'élèvent au-dessus d'une voûte profonde et entrouverte[93]. Un puits d'un orifice immense descend dans les entrailles de la terre ; des figuiers, des palmiers, des sycomores, voilent en partie ce grand désastre. Quel contraste pittoresque et philosophique que celui de ces ruines grecques disputant d'élégance avec l'ogive et les colonnes accouplées qui supportent le dôme d'une chapelle de la Vierge ! Elle dominait ce rivage, et fut sans doute invoquée plus d'une fois au milieu des périls de cette côte orageuse. On lit encore sur l'azur de sa voûte ces paroles écrites en caractères gothiques : Stella matutina, advocata navigantium, ora pro nobis.

Les travaux du port sont devenus le jouet des vagues ; elles se rompent avec furie et a une grande hauteur sur des rochers, bases inébranlables de ces tours inutiles, de ces créneaux abandonnés. Je ne pouvais m'arracher de ce lieu ; j'aurais voulu attendre les ténèbres, qui devaient, ce me semble, repeupler ce séjour lugubre et redoutable.

Volney dit que les ruines d'Ascalon s'éloignent de jour en jour de la mer, qui jadis les baignait, et que toute cette côte s'ensable journellement, au point que la plupart des lieux qui ont été des ports dans l'antiquité sont maintenant reculés de quatre ou cinq cents pas dans les terres.

Plusieurs auteurs anciens parlent d'une espèce particulière d'oignons qui venaient des environs d'Ascalon. Les Romains les appelaient ascalonia[94], d'où les Italiens ont fait scalogna et les Français escalote, échalote.

GAZA, à cinq lieues d'Ascalon, était la dernière ville importante de la côte de Canaan, du côté de l'Égypte. Nous la trouvons déjà mentionnée dans la Genèse (10, 19) comme limite de Canaan. Comme Ascalon, elle fut conquise par la tribu de Juda et reprise par les Philistins. Ce fut ici que, selon le livre des Juges (ch. 16), Samson renversa le temple de Dagôn et mourut avec les Philistins qui y étaient assemblés. Alexandre le Grand, en se dirigeant de Tyr sur l'Égypte, prit Gaza après un siège de cinq mois, et y mit une garnison. Plus tard elle se rendit par capitulation à Jonathan Maccabée, qui en avait fait brûler les faubourgs. Le roi des Juifs Alexandre Jannée détruisit la ville, après l'avoir assiégée pendant un an. Elle fut restaurée et fortifiée par Gabinius, général romain ; saint Jérôme en parle encore comme d'une ville considérable. Les musulmans s'en emparèrent en 634. Restaurée par les chrétiens, sous Baudouin III, elle fut donnée aux Templiers (1152). Saladin la reprit en 1187. Sur la moderne Gaze, c'est Volney qui nous donne les meilleurs renseignements ; aussi nous ne pouvons mieux faire que de citer ici ses propres paroles :

Gaze, dit-il, est un composé de trois villages, dont l'un, sous le nom de château, est situé au milieu des deux autres sur une colline de médiocre élévation. Ce château, qui put être fort pour le temps où il fut construit, n'est maintenant qu'un amas de décombres. Le serai de l'aga, qui en fait partie, est aussi ruiné que celui de Bandé ; mais il a l'avantage d'une vaste perspective. De ses murs, la vue embrasse et la mer, qui en est séparée par une plage de sable d'un quart de lieue, et la campagne, dont les dattiers et l'aspect ras et nu à perte de vue rappellent les paysages de l'Égypte : en effet, à cette hauteur, le sol et le climat perdent entièrement le caractère arabe. La chaleur, la sécheresse, le vent et les rosées y sont les mêmes que sur les bords du Nil, et les habitants ont plutôt le teint, la taille, les mœurs et l'accent des Égyptiens que des Syriens.

La position de Gaze, en la rendant le moyen de communication de ces deux peuples, en a fait de tout temps une ville assez importante. Les ruines de marbre blanc que l'on y trouve encore quelquefois, prouvent que jadis elle fut le séjour du luxe et de l'opulence : elle n'était pas indigne de ce choix. Le sol noirâtre de son territoire est très-fécond, et ses jardins, arrosés d'eaux vives, produisent même encore, sans aucun art, des grenades, des oranges, des dattes exquises, et des oignons de renoncules recherchés jusqu'à Constantinople. Mais elle a participé à la décadence générale ; et, malgré son titre de capitale de la Palestine, elle n'est plus qu'un bourg sans défense, peuplé tout au plus de deux mille âmes. L'industrie principale de ses habitants consiste à fabriquer des toiles de coton ; et comme ils fournissent eux seuls les paysans et les Bédouins de ces cantons, ils peuvent employer jusqu'à cinq cents métiers. On y compte aussi deux ou trois fabriques de savon. Autrefois le commerce des cendres ou qalis était un article considérable. Les Bédouins, à qui ces cendres ne coûtaient que la peine de brûler les plantes du désert et de les apporter, les vendaient à bon marché ; mais depuis que l'aga s'en est attribué le commerce exclusif, les Arabes, forcés de les lui vendre au prix qu'il veut, n'ont plus mis le même empressement à les recueillir, et les habitants, contraints de les lui paver à sa taxe, ont négligé de faire des savons : cependant ces cendres méritent d'être recherchées pour l'abondance de leur soude.

Volney donne ensuite des détails sur le passage des caravanes qui fournissent de grands avantages aux habitants de Gaze.

Au sud-est de Gaza était GERAR, sur les limites de l'Idumée. Du temps d'Abraham et d'Isaac nous y trouvons établi Abimélech, roi des Philistins (Genèse, 20, 2 ; 26, 1).

La dernière ville maritime, avant d'arriver à la frontière d'Égypte, était RAPHIA. Près de cette ville Ptolémée Philopator vainquit Antiochus le Grand. Elle fut prise et détruite par Alexandre Jannée, et rebâtie par Gabinius. Son nom actuel est Refah ; cette ville, située à 7 lieues N. E. d'El-Arîsch, appartient maintenant à l'Égypte.

 

IV. — LA PÉRÉE.

Le nom de Pérée (Περαία, Peræa), qui, dans son acception la plus vaste, désigne tout le pays des Hébreux à l'est du Jourdain, est la traduction grecque du mot hébreu Éber (ce qui est au delà). En hébreu cette province fut appelée Éber ha-yardén (trans Jordanem) ou Gilead (Deutéron., 34, 1). Ce dernier nom, comme celui de Pérée, se prend souvent dans un sens plus restreint : on va voir que, depuis la période grecque, le nom de Pérée désignait une province entre le Yabbok et l'Arnon ; Gilead, dans les temps anciens, avait désigné particulièrement la partie septentrionale, occupée par les descendants de Machir, fils de Manassé (Nombres, 32, 40). En outre, le nom de Gilead se prenait souvent pour le pays montagneux des deux côtés du Yabbok, opposé au pays bas ou à la plaine ; dans ce sens on dit souvent : Montagne de Gilead (voyez Deutéron. ch. 3, v. 10-13).

Trois petites rivières, l'Hiéromax, le Yabbok et l'Arnon, coulant dans des ravins profonds et escarpés, divisent naturellement le pays à l'est du Jourdain et de la mer Morte en quatre plateaux, qui, à l'est, se perdent dans l'Arabie déserte et, à l'ouest, tombent presque à pic dans le Ghôr ou la plaine du Jourdain. Le plateau le plus méridional, formant le pays des Moabites, n'entre pas dans notre description. Au nord de Moab, entre l'Arnon et le Yabbok, habitèrent du temps de Moïse, à l'est les Ammonites et à l'ouest, jusqu'au Jourdain, une peuplade amorite gouvernée par le roi Sihon, qui fut vaincu par les Hébreux. Au delà du Yabbok était le royaume de Basân, habité par une autre peuplade amanite sous le roi Og, qui fut également vaincu par Moïse. Ce royaume s'étendait, au Y. 0. et au nord, jusqu'aux districts de Gessur et de Maacha et au mont Hermon, et à l'est, jusqu'au désert. Il renfermait le district d'Argob avec 60 villes. Il paraît que le Basân proprement dit ne formait que la partie S. E. de ce royaume, plus tard la Batanée. Moïse donna le pays de Sihôn aux tribus de Ruben et de Gad[95], et celui de Og à la grande moitié de la tribu de Manassé. Dans la période gréco-romaine la Pérée ou la Transjourdaine fut divisée en cinq provinces, savoir : la Trachonitide, la Gaulanitide, l'Auranitide, la Batanée et la Pérée. Les quatre premières, auxquelles plusieurs auteurs ajoutent l'Iturée, formaient l'ancien pays de Basân.

Il est bien difficile de fixer exactement les limites et les localités de ces provinces : les anciens monuments nous laissent bien des doutes ; les voyageurs ont rarement pénétré jusque dans ces contrées infestées par des hordes barbares. Au commencement de ce siècle le pays au delà du Jourdain était encore une terra incognita ; mais depuis la publication des voyages de Seetzen et de Burckhardt[96] il est beaucoup mieux connu. Parmi les noms de districts et de villes donnés par ces intrépides voyageurs, nous retrouvons beaucoup de noms anciens ; nous voyons même reparaître plusieurs noms qui nous sont conservés dans le Pentateuque, et qui n'ont pas changé depuis Moïse jusqu'à nos jours.

Le grand plateau qui s'étend du Hermon au scheriat-Mandhour (Hieromax) embrasse maintenant les districts suivants : 1° Djolân, près du Jourdain et du lac de Tibériade. 2° Djedour, au nord, le long de la pente orientale du Djebel-Héïsch. 3° Hauran, qui, au nord, est limité par les montagnes appelées Djebel-Kessoué et Djebel-Khiara, et, au midi, se perd dans le désert ; à l'ouest, le Hauran est séparé du Djedour et du Djolân par la route des pèlerins qui va de Chebarib Remtha (Burck., p. 285). Ce district est riche en blé, mais sans arbre. 4° El-Ledja, à l'est de la plaine de Hauran, un sombre labyrinthe de rochers de basalte. Seetzen dit (p. 335) que les villages du Ledja, presque tous ruinés, sont situés sur des hauteurs rocailleuses, et que la couleur noire du basalte, les maisons, les églises et les tours tombées en ruine, le manque d'arbres et de buissons, donnent à cette contrée un air sauvage et mélancolique qui fait frémir le voyageur. 5. Djebel Hauran, au S. E. du Ledja, couvert de forêts de chênes qui varient avec d'excellents pâturages. On comprend quelquefois les trois derniers districts sous le nom commun de Hauran.

Entre le scheriat-Mandhour et le Zerka (Yabbok) sont, du nord au midi, les districts d'El-Bottein, ou Belâd Erbad, de Belâd-Beni-Obéid, d'Adjeloun et de Morad. A l'est de ces districts s'étend celui d'Ez-zouéit. Le pays entre le Zerka et le Wadi-Moudjeb (Arnon) s'appelle maintenant El-Belka[97].

Nous reviendrons maintenant sur la division ancienne, et nous tâcherons de fixer les limites des différentes provinces.

1° LA TRACHONITIDE. Ce nom vient du mot grec τραχών (contrée rocailleuse), et il embrassait tout le pays qui s'étend depuis les montagnes au midi de Damas (Djebel Kessoué) jusqu'à Bostra ou Bosra[98], c'est-à-dire, Djedour, une grande partie du Haurân et le Ledja. Tel fut, à ce qu'il paraît, le sens du mot Trachonitis dans son acception la plus large[99] ; mais ce nom désignait plus particulièrement le district du nord-est, appelé maintenant Ledja[100]. L'Iturée, ainsi nommée de Yetour, fils d'Ismaël, était une contrée montagneuse[101] ; on ne saurait donc la retrouver, avec Burckhardt (p. 286), dans le district de Djedour, qui est un pays plat (a flat country). Mais il parait que c'était une partie de la Trachonitide, ou, comme le veut Eusèbe, cette province elle-même. Reland (p. 106) prend l'Iturée pour l'Auranitide.

2° LA GAULANITIDE, ainsi appelée de la ville de Golan dans l'ancien royaume de Basân (Deutéron., 4, 43). Le nom se trouve encore maintenant dans celui de Djolân, qui n'est autre chose que Golan, selon la prononciation arabe. C'est en effet dans le Djolân que nous devons chercher l'ancienne Gaulanitide, qui probablement embrassait aussi le Djedour actuel. Ses limites étaient, au nord et au N. O., le Djebel Héisch ou Hermon, au midi le scheriat-Mandhour, à l'est l'Auranitide, à l'ouest le Jourdain supérieur et le lac de Tibériade.

3° L'AURANITIDE. Dans ce nom on reconnaît facilement celui du Hawrân ou Haurân[102], que le prophète Ezéchiel, dans une de ses visions (ch. 47, v. 16 et 18), nomme parmi les districts limitrophes du territoire de Damas. On a vu que ces contrées portent encore aujourd'hui le même nom ; mais le Hauran actuel embrasse, outre l'ancienne Auranitide, une partie de la Trachonitide et de la Batanée. On voit que l'Auranitide avait la Trachonitide à l'est, la Gaulanitide à l'ouest ; au midi était probablement la Batanée.

4° LA BATANÉE. Ce nom vient sans doute de celui de Basân ou Baschan, mais nous avons déjà vu que la province de Batanée n'embrassait qu'une partie de l'ancien royaume de Basân. On n'est pas d'accord sur la position géographique de cette province, et il règne à ce sujet une certaine confusion dans les auteurs anciens, et notamment dans Josèphe, qui, sous le nom de Batanée comprend tantôt tout le pays de Basân, tantôt le district de ce nom[103]. Nous ne devons donc ici avoir égard qu'aux passages où Josèphe distingue la Batanée des autres provinces transjourdaines. Or, dans quelques-uns de ces passages, il dit que la Batanée est limitrophe de la Trachonitide[104] ; il n'est donc pas probable que ce soit le district appelé maintenant E-Bottéin, comme le disent Gesénius et Rosenmüller[105], car ce district est séparé, par le Haurân, de la Trachonitide proprement dite. La ressemblance des deux noms ne prouve rien, s'il est vrai, comme le dit Burckhardt (Travels, p. 287), que le district de Bottien tire son nom de la principale tribu qui l'habitait[106]. Si je ne me trompe, nous devons chercher l'ancienne Batanée à l'est du Bottein, dans la partie méridionale de la plaine de Haurân, et elle s'étendait très-probablement au midi du Ledja jusque dans le Djebel-Haurân[107], de sorte qu'elle limitait l'ancienne Trachonitide ou le Ledja au sud-ouest et au sud. Il est probable qu'on aura conservé le nom de Basân ou Batanée particulièrement au district qui renfermait les villes d'Edréï et d'Astharoth, capitales de l'ancien royaume de Basân, et dont les ruines se trouvent dans la plaine de Hauran. Je citerai, à l'appui de cette opinion, que, encore du temps d'Edrisi, la ville d'Edréi ou Adraât était désignée aussi sous le nom de Bathaniyya ou Bathnia[108].

5° LA PÉRÉE proprement dite comprenait tout l'ancien pays des Amorrhéens ou Amorites entre le Yabbok et l'Arnon, gouverné, du temps de Moïse, par le roi Sihon. Voici comment Josèphe s'exprime sur le royaume des Amorrhéens : Ce pays est situé entre trois fleuves et il ressemble à une île ; car l'Arnon le limite au midi ; le côté septentrional est circonscrit par le Jabacch (Yabbok), qui, se jetant dans le fleuve de Jourdain, lui abandonne aussi son nom ; la partie occidentale du pays est bordée par le Jourdain[109]. — Dans un autre passage, où Josèphe compare la Galilée avec la Pérée, il donne sur cette dernière les détails suivants : La Pérée est beaucoup plus grande, mais elle est, en grande partie, déserte et raboteuse, et trop sauvage pour la production de fruits d'une noble espèce. Cependant le sol est doux et très-fertile et les champs sont parsemés d'arbres variés ; on y cultive surtout l'olivier, la vigne et les palmiers. Elle est arrosée par les torrents qui descendent des montagnes, et pour le cas où ceux-ci viendraient à manquer par l'effet du Sirius, elle est assez pourvue de sources perpétuelles. Elle s'étend en longueur depuis Machærous jusqu'à Pella, et en largeur depuis Philadelphie (Rabbath-Ammon) jusqu'au Jourdain. Pella, que nous venons de nommer, est sa limite septentrionale ; celle de l'occident est le Jourdain ; au midi elle a pour limite la Moabitide, et à l'orient elle est bornée par l'Arabie et la Silbonitide, et, en outre, par le territoire de Philadelphie et de Gerasa[110].

Machærous était une forteresse située à soixante stades du Jourdain ; c'est là tout ce que nous savons sur sa position[111]. Quant à celle de Pella, nous n'en savons rien de positif ; mais comme Josèphe fait monter la limite orientale de la Pérée jusqu'au territoire de Gerasa, Pella, qui était à l'extrémité septentrionale de la Pérée, devait être située au delà du Yabbok, de sorte que la Pérée s'étendait au nord plus loin que l'ancien royaume des Amorrhéens, maintenant le Belka. Josèphe appelle même Gadara métropole de la Pérée[112], de sorte que cette province s'étendrait jusque vers l'Hieromax ; mais il se peut que le nom de Pérée soit pris ici dans son acception la plus large.

Avant de parler des villes de la Transjourdaine, nous devons encore expliquer un terme géographique qui se trouve plusieurs fois dans les Évangiles ; c'est celui de Décapolis ou district des dix villes[113]. C'étaient dix villes situées dans différentes contrées et probablement confédérées. Pline dit[114] qu'on n'est pas d'accord sur les villes qui formaient la Décapolis, mais que la plupart comptent les villes suivantes : Damascus, Philadelphia, Raphana, Scythopolis, Gaddara, Hippon, Dion, Pella, Galasa (Gerasa) et Canatha. Ces villes étaient, pour la plupart, habitées par des païens.

Nous allons maintenant énumérer les principales villes de tout le pays au delà du Jourdain, en allant du nord au midi.

PANEAS ou CÆSAREA PHILIPPI, au pied du Hermon, dans la Gaulanitide. Cette ville est sans doute d'origine syro-macédonienne, comme parait le prouver le nom grec de Paneas ou Paneade, dérivé du dieu Pan, que l'on adorait dans ces contrées. Au nord-est de la ville est une grotte qui, avec le bois voisin, était consacrée à Pan et portait le nom de Panéum. C'est de cette même grotte que sort l'un des ruisseaux qui forment le Jourdain. Encore maintenant on voit dans le rocher qui est au-dessus de la grotte des niches destinées autrefois à recevoir des statues. Toutes ces niches portent des inscriptions que Burckhardt n'a pu déchiffrer ; mais il donne de l'une d'elles quelques fragments où l'on reconnaît très-distinctement les mots ίερεύς θεοΰ Πανός (prêtre du dieu Pan)[115]. Dans ces environs, Hérode bâtit un temple en l'honneur d'Auguste ; le tétrarque Philippe, fils d'Hérode, agrandit et embellit la petite ville de Panéade et changea son nom en celui de Césarée[116], auquel on ajouta le nom de Philippe pour distinguer cette ville de Césarée en Judée, dont nous avons déjà parlé. Cæsarea Philippi est mentionnée dans les Évangiles ; Jésus visita ses environs (Matth. 16, 13 ; Marc, 8, 27). Selon la tradition chrétienne, la femme que Jésus guérit du flux de sang était de cette ville, et s'appelait Bérénice. On dit que, par reconnaissance, elle éleva devant sa maison un monument qui se composait de la statue de Jésus et de celle d'une femme à genoux. L'empereur Julien, dit-on, fit renverser ce monument[117]. Du temps de  Constantin il y avait déjà à Césarée une grande communauté chrétienne ; elle avait un évêque dépendant du patriarche d'Antioche. Sous les Arabes la ville s'appelait Baniâs, nom corrompu de Paneas et dont les croisés ont fait Belinas[118]. — Aujourd'hui Baniâs n'est qu'un village d'environ cent cinquante maisons ; les habitants sont pour la plupart Turcs, mais on y trouve aussi des Grecs, des Druses et des Nozairiens. Burckhardt dit que Baniâs dépend de l'émir de Hasbeïa.

BETHSAÏDA, village dont le tétrarque Philippe fit une ville qu'il appela JULIAS, en l'honneur de la fille d'Auguste[119]. Reland (p. 654) fut le premier a s'apercevoir qu'il y avait deux Bethsaïda, l'un en deçà, l'autre au delà du Jourdain. Bethsaïda-Julias était situé au nord-est du lac de Génésareth, là où le Jourdain tombe dans ce lac[120]. Reland pense que dans les Évangiles on ne parle que de Bethsaïda en Galilée, parce que du temps de Jésus l'autre Bethsaïda s'appelait déjà Julias ; cependant, en prenant celui qui est mentionné dans l'Évangile de Luc (ch. 9, v. 10) pour Bethsaïda-Julias, on fait disparaître plusieurs grandes difficultés de la topographie évangélique.

GAMALA, sur une hauteur, non loin du lac de Génésareth, ville forte prise par Vespasien. Le district dans lequel elle était située, s'appelait Gamalitica.

GADARA, située, selon Pline, non loin de l'Hiéromax[121], et, selon saint Jérôme, en face de Scythopolis et de Tibériade, sur une montagne au pied de laquelle il y a des eaux thermales et des bains. Josèphe l'appelle la forte métropole de la Pérée. — Près d'Om-Kéis, village situé à une lieue au sud du Mandhour, Seetzen trouva des ruines qu'il prend pour celles de Gadara. Burckhardt croit que ce sont plutôt celles de Gamala ; mais M. Læke, l'éditeur des voyages de Burckhardt, se déclare pour l'opinion de Seetzen, qui s'accorde parfaitement avec tout ce que rapportent les auteurs anciens que nous venons de citer[122]. Dans les ruines on trouve surtout un grand nombre de sarcophages en basalte ornés de bas-reliefs, où l'on voit des génies, des festons, des guirlandes de fleurs. A l'ouest et au nord, Burckhardt trouva les restes de deux grands théâtres. — Ce fut dans les environs de Gadara que se passa, selon les Évangiles, la guérison des démoniaques, qui fut si fatale à un troupeau de pourceaux[123]. Gadara faisait partie de la Décapolis ; plus tard c'était un évêché. — A Om-Kéis on ne trouve maintenant que quelques familles vivant dans des cavernes. A une lieue de là, près du Mandhour, se trouvent les eaux thermales dont parle saint Jérôme. La principale source est celle qu'on appelle maintenant Hammet-el-Sehéikh ; l'eau est si chaude qu'il est difficile d'y tenir la main ; les pierres sur lesquelles elle coule sont couvertes d'une épaisse couche de soufre. On préfère le bain d'El-Schéikh à celui de Tabariyyah, et au mois d'avril les habitants de Nablous et de Nazareth s'y rendent en grand nombre. En remontant le Mandhour on rencontre encore neuf autres sources dont Burckhardt a donné les noms (p. 277, 278).

De Gadara nous tournons à l'est pour chercher quelques villes qui devaient être situées à l'intérieur, jusque vers le désert. Du nombre de ces villes était GOLAN, ville lévitique et l'une des six villes-asile, mais dont nous ne saurions fixer la position géographique. Comme il est probable que le Djolân actuel tire son nom de cette ville, elle devait être située dans les environs du lac de Tibériade, au nord-est de Gadara et au nord de l'Hieromax (Mandhour). — Plus à l'est étaient les villes d'Astharoth et d'Edréï, résidences des rois de Basân. Quant à Edréï, il ne peut plus y avoir de doute sur sa position ; Seetzen et Burckhardt ont retrouvé dans le Haurân les ruines de cette ville, qui portent encore le nom de Draa ou Adraa. Otto de Richter y trouva des débris de colonnes d'ordre ionique et dorique, et les restes d'un bazar où il crut reconnaître l'architecture arabe[124]. La position d'Astharoth est incertaine ; Læke pense que cette ville se trouvait à l'endroit ou est maintenant le château de Mézârib, à quelques lieues au sud-ouest de Draa, et il appuie cette opinion de quelques arguments fort concluants[125].

A l'est de Draa la ville de KENATH (Canatha), appelée aussi Nobah (Nombres, 32, 92), et qui plus tard était une des villes de Décapolis, a été retrouvée dans Kanouat, dont Burckhardt a décrit les ruines (p. 83-86) ; il estime la circonférence de l'ancienne ville à deux et demi ou trois milles anglais. Il n'y trouva que deux familles druses cultivant le tabac.

Dans Salkhat, à quelques lieues au midi de Kanouat, se retrouve l'ancienne SALCHA, ville frontière du royaume de Basân (Deutéron., 3, 10). Burckhardt, qui donne la description de Salkhat (p. 99-101), dit que c'est une ville avec un château fort ; le château est situé sur une colline, au pied de laquelle est la ville, à l'ouest et au midi. Elle a plus de 500 maisons ; mais lors de la visite de Burckhardt, elle était entièrement abandonnée.

A quelques lieues à l'ouest de Salkhat nous trouvons la ville de Bosra, qui est appelée, par Aboulféda, capitale du Hauran, et où Burckhardt trouva des ruines considérables de trois quarts d'heure de circonférence (Travels, p. 226). C'est là sans doute la ville célèbre que les Grecs et les Romains appellent BOSTRA, et à laquelle les Pères de l'Église donnent l'épithète de metropolis Arabiæ[126]. Selon Eusèbe, elle est à 24 milles romains d'Adraa, ce qui s'accorde bien avec la position de Bosra, capitale du Hauran. Dans les inscriptions grecques que Burckhardt a copiées dans cette ville, nous trouvons deux fois le nom de Bostra (p. 228 et 232), et il est étonnant que, malgré cela, le célèbre voyageur place la ville de Bostra bien loin de là au nord, près des sources du Jourdain[127], ce qui est une erreur manifeste. — Reste à savoir maintenant si Bostra est mentionné dans la Bible. Je ne le pense pas, quoique Gesénius et Rosenmüller n'hésitent pas à prendre le Bosra de la Bible pour le Bosra du Hauran, c'est-à-dire pour Bostra. Mais, dans la Bible la ville de Bosra est toujours présentée comme métropole du pays d'Edom[128], qui était situé loin de Bostra, au midi du pays de Moab et de la Judée. Selon Reland et Ritter, il faut chercher Bostra dans Beësthra (Jos., 21, 27) ou Astharoth, assertion qui n'a que la valeur d'une simple conjecture. Il est à remarquer que le nom de Bostra ne se trouve nulle part dans la Vulgate, ni même dans la version des Septante, qui cependant remplace très-souvent les noms hébreux par ceux usités parmi les Grecs. Ainsi il reste douteux si Bostra est une ville bien ancienne et à quelle époque elle remonte. L'empereur Trajan embellit cette ville et y mit une légion ; on trouve encore des monnaies portant pour inscription : Trajana Bostra[129]. Dans les actes de plusieurs conciles il est question d'évêques de Bostra[130]. — Les ruines de cette ville présentent la forme d'un ovale, s'étendant de l'est à l'ouest ; les principaux édifices, tels que temples, théâtres, palais, se trouvaient à l'est ; tous ces monuments datent du temps des empereurs romains. Une grande mosquée, remontant aux premiers temps de l'islamisme, est encore debout.

Au sud-ouest de Bosra (à la distance de 10 ou 12 lieues) Seetzen retrouva les ruines d'une autre ville célèbre dans l'antiquité, qui n'est pas mentionnée dans la Bible, et qui a été placée par d'Anville et d'autres géographes au N. E. du lac de Tibériade, à plus de 20 lieues N. O. de son véritable emplacement[131] ; c'est la célèbre ville de GERASA, dont les ruines portent encore chez les indigènes le nom de Djerasch. Nous traduirons ici la relation de Seetzen et nous y joindrons quelques notes d'après la relation de Burckhardt, qui a également visité Gerasa, et qui donne de très-longs détails sur ses ruines remarquables[132]. Seetzen, après avoir parle du village de Souf, continue ainsi[133] :

Le jour suivant fut un des plus intéressants de tout le voyage. Ce jour j'eus le plaisir d'examiner les magnifiques ruines de Djerasch, situées à deux heures de marche à l'est (de Souf), et qui sont un pendant remarquable des ruines justement admirées de Palmyre et de Baalbec. Je ne conçois pas que cette ville jadis si florissante ait pu rester jusqu'ici aussi totalement inconnue aux amateurs d'antiquités. Elle est située dans une contrée fertile, assez ouverte, qui autrefois dû être ravissante. La ville est traversée d'un beau ruisseau[134]. Déjà avant d'y entrer je trouvai beaucoup de sarcophages ornés de jolis bas-reliefs, et j'en vis un sur le chemin qui portait une inscription grecque. Le mur est entièrement renversé, mais on aperçoit toute son étendue qui est d'environ trois quarts de lieue ou d'une lieue[135]. Il était bâti en pierre de taille. L'enceinte de la ville présente un terrain inégal qui s'abaisse du côté du ruisseau. Il ne s'est conservé aucune maison privée, mais je trouvai plusieurs édifices publics, qui se distinguent par une architecture exquise. Deux amphithéâtres d'un marbre beau et solide, avec des colonnes, des niches, etc., sont très-bien conservés ; de même quelques palais et trois temples. L'un de ces derniers avait un péristyle de douze grandes colonnes d'ordre corinthien, dont onze sont encore debout[136] ; dans un autre je trouvai une colonne renversée du plus beau granit égyptien ayant la surface polie. Je vis aussi une des portes de la ville ; elle était magnifique et bien conservée, et se composait de trois arcades ornées de pilastres[137]. Ce qu'il y a de plus beau dans ces ruines, ce sont deux longues rues qui se croisent, et qui des deux côtés étaient encadrées d'une suite de colonnes de marbre d'ordre corinthien ; l'une de ces rues[138] aboutissait dans une place, entourée de soixante colonnes, d'ordre ionique, rangées en demi-cercle. Là où les deux rues se croisent, il y a à chacun des quatre angles un grand piédestal de pierre de taille ; autrefois on y voyait probablement des statues. On voit encore une partie du pavé, qui était en pierres carrées. Je comptai en tout plus de 200 colonnes, qui, en partie, portent encore leur entablement ; mais le nombre des colonnes renversées est infiniment plus grand. Je ne vis que la moitié de l'espace qu'occupait la ville[139] ; mais il est très-probable que dans l'autre moitié, de l'autre côté du ruisseau, on trouve encore mainte chose remarquable[140]..... Djerasch ne peut être que l'ancienne Gerasa, ville de Décapolis........ Un fragment d'inscription grecque que je copiai ici me porte à croire que l'empereur Marc- Aurèle Antonin avait beaucoup de part aux constructions de cette ville[141].

La ville de Gerasa avait donné son nom à tout le district. Saint Jérôme dit que la contrée d'Arabie autrefois appelée Galaad (Gilead) s'appelait de son temps Gerasa[142]. Le rabbin Saadia, du Xe siècle, dans sa version arabe du Pentateuque, rend le nom de Gilead par Belâd-Djerasch. Les évêques de Gerasa sont cités dans les actes des conciles (Reland, p. 808). Il y existait encore une citadelle du temps des croisades ; les historiens de l'époque l'appellent Jarras ; le roi Baudouin II en fit le siège[143].

C'est aussi dans ces environs, au N. O. de Gerasa, guenons devons chercher les villes de YABESCH, ou Jabes-Galaad, et d'ÉPHRÔN. La première était célèbre par un événement raconté dans le livre des Juges (c. 21). A la fin du 1er livre de Samuel on raconte que les habitants de Jabes-Galaad dérobèrent pendant la nuit les cadavres de Saül et de ses fils, suspendus aux murs de Beth-Schân (Béisân). Cette ville était donc très-probablement située non loin du Jourdain en face de Beth-Schân, près du ruisseau qui porte encore maintenant le nom de Wadi Yabes et qui se jette dans le Jourdain près de Béisân (Burck., p. 289). — Ephrón était une grande forteresse près d'un défilé (I Maccab., 5, 46) ; il paraît qu'elle se trouvait également près du Jourdain, en face de Beth-Schân (ib., v. 52).

Au S. O. de Gerasa était MAHNAÏM, sur les limites de Manassé et de Gad, non loin de la rive septentrionale du Yabbok. Selon la Genèse (32, 2), Jacob rencontra à cet endroit des messagers de Dieu ou des anges, et il appela l'endroit Mahnaïm (deux camps), faisant allusion à son propre camp et à celui des messagers célestes. De là il passa le Yabbok (ib., v. 23). Dans ces environs était probablement la ville d'Amathous, grande forteresse sur le Jourdain, dont parle Josèphe (Ant., XIII, 13, 3) et dont les ruines subsistent encore sous le nom d'Amata (Burck., p. 346). Près de là était aussi PENOUEL ou PHANUEL (face de Dieu), dont on fait également remonter le nom au patriarche Jacob (Gen., 32, 31). Il en est de même de SUCCOTH (cabanes), endroit où Jacob établit son camp après avoir passé le Yabbok et fait la paix avec Ésaü (ib., ch. 33, v. 17), et où plus tard on bâtit une ville.

Une des plus grandes villes de la tribu de Gad, au midi du Yabbok, était RAMOTH ou RAMATHMISPHÉ, ville lévitique et ville-asile. Les Syriens s'en étaient emparés sous Achab, roi d'Israël ; celui-ci, en attaquant les Syriens, fut mortellement blessé. Selon Eusèbe, cette ville était à 15 milles ouest (ou plutôt N. O.) de Rabbath-Ammôn, capitale des Ammonites. — Dans ces environs on trouve maintenant la forteresse d'As-salt, située sur la pente d'une colline, et entourée de hauteurs escarpées. Selon Burckhardt (p. 349), c'est la seule place habitée dans le Belka, et les habitants sont entièrement indépendants. Les pachas de Damas ont essayé plusieurs fois de s'emparer de cette ville, mais toujours sans succès. La population se compose d'environ 400 familles musulmanes et 80 familles chrétiennes de l'église grecque, qui vivent en parfaite amitié et égalité les unes avec les autres. Une vieille mosquée est le seul monument que présente cette ville. Dans les environs il y a des jardins ; la plupart des habitants s'occupent d'agriculture.

Au S. O. d'As-salt, là où le Jourdain reçoit un ruisseau, appelé Wadi-Schoab, sont des ruines qui portent le nom de Nimrîn ; c'est là, sans doute, le BETH-NIMBA de la Bible[144] qui s'appelait aussi Nimrîm (Isaïe, 15, 6). A côté de cette ville, nous trouvons mentionné BETH-HARAN, qui, selon Eusèbe, était à cinq milles au sud de Beth-Nimra, et qui reçut d'Hérode le nom de Livias[145]. Non loin de là, sur le Jourdain, était sans doute Bethbara (Juges, 13, 24) ou Bethabara (lieu de passage), où, selon saint Jérôme (Onomast.) et Origène, Jean baptisait dans le Jourdain[146] ; et un peu plus au midi étaient Abel-schittim, et Beth-yeschimôth, où les Hébreux campèrent quelque temps avant de passer le Jourdain (Nombres, 33, 49). Selon Josèphe, Abila (Abel-Sittim) était à 60 stades du Jourdain[147]. Cet endroit était en face de Jéricho, et Beth-yeschimôth au S. E. de la même ville, près de la mer Morte.

A l'est ou au N. E. de ces dernières villes était AROËR devant Rabbath (Ammon), qu'il ne faut pas confondre avec un autre Aroër, sur l'Arnôn[148]. A quelque distance, au midi, était YAËZER, ville Lévitique, selon Eusèbe à 10 milles à l'ouest (S. O.) de Philadelphie (Rabbath-Ammôn). Seetzen (p. 429) trouva dans cette direction les ruines d'une ville appelée Sir, d'où une petite rivière du même nom coule dans le Jourdain[149]. Comme Eusèbe parle aussi d'une rivière qui est près de Yaëzer, et qui tombe dans le Jourdain, il est très-probable que cette ville se trouvait à l'endroit où est maintenant Sir. Aroër et Yaëzer étaient sur les limites orientales de la tribu de Gad. En allant de là au sud et au S. E. nous trouvons les villes de Ruben, qui, en partie, portent encore aujourd'hui leurs noms anciens. Ce sont les villes suivantes :

ELEALÉ (Nombres, 32, v. 3 et 37). Les ruines de cette ville ont été retrouvées par Seetzen (p. 430) et Burckhardt (p. 365) sous le nom d'El-Aal. Le nom signifie hauteur, en hébreu comme en arabe, et en effet El-Aal, est situé, selon Burckhardt, sur le soin-met d'une colline qui domine toute la plaine, et d'où l'on a vue sur tout le Belka méridional. On trouve encore quelques parties de la muraille, qui était bien bâtie. Dans les ruines il n'y a rien de bien remarquable ; on y trouve surtout un grand nombre de citernes.

HESBON, l'ancienne capitale des rois amorites (Nombres, ch. 21, v. 26 et suivants). Selon Eusèbe elle était située à un mille d'Elealé ; Seetzen l'a retrouvée sous le nom de Husbân, à une demi-lieue S. O. d'El-Aal[150]. Sous ce même nom elle est mentionnée par Aboulféda, qui l'appelle une petite ville dans une vallée fertile.

Dans la Bible, cette ville appartient tantôt à Ruben, tantôt à Gad[151]. Plus tard nous la trouvons, ainsi que Elealé et les autres villes de ces contrées, sous la domination des Moabites[152]. Josèphe la compte parmi les villes moabites que les Juifs possédaient sous Alexandre Jannée[153]. On trouve ici, dit Burckhardt, les ruines d'une grande ville ancienne, ainsi que les restes de quelques édifices bâtis de petites pierres ; quelques frits de colonnes brisés sont encore debout. Il y a là un certain nombre de puits profonds, taillés dans le roc, et un grand réservoir d'eau pour servir aux habitants pendant l'été. Seetzen rappelle, au sujet de ce réservoir, les paroles du Cantique (7, 5) : Tes yeux comme les piscines à Hesbôn.

SIBMA était, selon les commentaires de saint Jérôme (Isaïe, 16, 8), seulement à un demi-mille (500 pas) de Hesbôn. Cet endroit était célèbre pour ses vignes[154].

BAAL-MEON (Nombres 32, 28). Burckhardt trouva à environ trois quarts d'heure S. E. de Hesbôn les ruines de Myoun, qui, selon lui, est Baalmeón. Dans ces environs était aussi la ville-asile de Bécer (Bosor), dont la position ne peut plus être exactement fixée.

MÉDABA. (Nombres, 21, 30). Les ruines de cette ville existent encore sous le même nom, à quelque lieues S. E. de Hesbôn ; elles ont, selon Burckhardt (p. 366), une demi-lieue de circonférence. On y voit une grande piscine, et à l'occident se trouvent les fondements d'un temple antique. A une demi-lieue à l'ouest de Médaba, sont les ruines d'El-Teym, que Burckhardt suppose être le Kiryathaïm de la Bible (Nombres, 34, 37).

YAHAS (Jasa). Près de cette ville les Hébreux, sous Moïse, vainquirent Sihôn, roi des Amorrhéens, qui s'y était rendu à leur rencontre dans le désert[155]. Il résulte de là que Yahas était situé sur la limite du territoire amorite, vers le désert. Eusèbe la place entre Médaba et Dibôn (Δηβούς). Elle avait donc Médaba au N. O. et Dibôn au S. O. Au sud étaient Diblathaïm et Beer-Elim. Kedémoth, d'où Moïse envoya des ambassadeurs à Sibon, et Méphaath, qui se trouve plusieurs fois mentionnée à côté de Kedémoth et de Yahas (Josué, 13, 18, et ailleurs), devaient également être situées sur la limite orientale du pays des Amorites.

DIBÔN. Cette ville est appelée aussi Dibôn-Gad, parce qu'elle fut rebâtie par les Gadites[156]. Seetzen en retrouva les ruines dans une plaine magnifique. Legh y arriva de l'Arnôn, à travers une plaine couverte de gazon et coupée par une ancienne voie romaine[157]. Selon Burckhardt (p. 372), Dibôn est situé à environ une lieue au nord de l'Arnôn, dans un bas fond. Ceci explique pourquoi dans l'oracle d'Isaïe (15, 2) sur la chute de Moab, Dibôn monte sur les hauteurs pour pleurer. Dibôn appartenait alors aux Moabites, comme les autres villes voisines.

AROËR, sur la rive septentrionale de l'Arnôn, à la limite méridionale de la Pérée. On l'appelle souvent dans la Bible Aroër sur l'Arnôn[158], pour le distinguer de l'autre Amer, dont nous avons parlé[159]. Burckhardt arriva de Dibôn aux ruines d'un endroit appelé Akeb el-Debs : De là, dit-il (p. 372), nous suivîmes, en nous dirigeant à l'est, le haut du ravin au fond duquel coule la rivière (Arnôn), et au bout d'un quart d'heure nous arrivâmes aux ruines d'Araayr, l'Aroër des Écritures, situé au bord d'un précipice ; un sentier conduit de là à la rivière.

Dans l'ouest, près de la mer Morte, nous nommerons encore les villes de Nebo et de Callirrhoé.

NEBO était située près de la montagne du même nom, probablement celle qui maintenant s'appelle Attarous[160]. Il paraît que les Moabites adoraient dans cet endroit le dieu Nebo ; c'est le nom de la planète de Mercure chez les Chaldéens.

CALLIRRHOÉ sur la mer Morte, célèbre pour ses eaux thermales. Selon les anciens rabbins, c'est Lascha ou Lasa mentionné dans la Genèse (10,19)[161].

Saint Jérôme, dans son commentaire sur ce passage, est du même avis.

 

 

 



[1] Isaïe, ch. 8, v. 23. Comparez I Maccabées, 5, 15.

[2] De Bell. jud., l. 3, ch. 3, § 1.

[3] Josèphe, de Bello jud., l. 8, ch. 3. Mischna, traité de Sehebiith (année sabbatique), ch. 9, § 2.

[4] Il peut paraître singulier, lorsqu'on considère le Pentateuque comme l'ouvrage de Moïse, d'y trouver le nom de la ville de Dân (Genèse, II, 14 ; Deutéron., 34, 1). Mais il se peut que Moise ait écrit Laïsch, et qu'on se sort permis plus tard de substituer le nom de Dan, qui était plus connu.

[5] Onomasticon sous le mot Dân.

[6] Voyez Nombres, ch. 35, v.9 et suiv., et Josué, ch. 20, v. 7.

[7] Matthieu, 11, 21 ; Luc, 10, 13.

[8] Voyez l'ouvrage publié par Jean Buxtorf, le père, sous le titre de Tiberias, p. I - 22.

[9] Tobie, ch. I, v. 1.

La ville de Sephath ou Saphet, mentionnée Juges, I, 17, était dans la Judée.

[10] Voyez les voyages de Burckhardt et de Jowett. Volney place Safad à 7 lieues au nord de Tabariyya, et, selon lui, c'est un village presque abandonné.

[11] Selon l'Évangile de Matthieu (2, 23), les prophètes auraient prédit que le Messie serait appelé Nazaréen, c'est-à-dire habitant de la ville de Nazareth. Mais une pareille prédiction ne se trouve nulle part, et l'assertion de l'évangéliste ne repose probablement que sur une interprétation allégorique du mot hébreu Nécer (surculus), Isaïe, ch. II, v. 1. Voyez le commentaire de St. Jérôme sur ce passage d'Isaïe.

[12] Voyez les notes de Lipsius sur Tacite, Annal., l. 15, ch. 44. Plus tard le nom de Nazaréens fut donné à une secte hérétique. En Orient c'est encore aujourd'hui le nom des chrétiens en général.

[13] Voyez un précis de l'histoire de ce cheik dans les Voyages de Volney, t. II, ch. 1.

[14] D'autres voyageurs modernes sont loin d'être d'accord avec Burckhardt. Tandis que Joliffe ne compte que 1.200 à 1.400 habitats, Prokesch, un des plus récents, en compte 5.000.

[15] Voyez Juges, I, 31.

[16] Volney, II, ch. 5.

[17] Voyez Volney, II, ch. 6.

[18] Voyez Ritter, Erdkunde, II, p. 393.

[19] Voyez I Samuel, 31, 10.

[20] I Rois, 4, 12.

[21] L. I, ch. 10.

[22] De Bello jud., l. 3, c. 3.

[23] Voyez I Rois, ch. 16, v. 23, 24.

[24] A journey from Aleppo to Jerusalem, p. 59.

[25] On pense que c'est un sobriquet que les Juifs, par mépris, donnaient à la ville de Sichem ; on y ferait allusion au verbe s'enivrer.

[26] Voyez Relandi Palæstina, p. 1010.

[27] En 1815 Otto de Richter ne trouva plus que 15 familles samaritaines.

[28] Selon Eusèbe, Anoua était situé à 15 milles S. de Sichem.

[29] Josèphe, de Bello jud., l. III, c. 3, § 5. Pline, Hist. nat., l. V, c. 14. Ce dernier n'indique que 10 toparchies.

[30] Voyez Michaélis, Mosaisches Recht (Droit mosaïque), t. III, § 145, p. 13 et 14.

[31] Itinéraire de Paris à Jérusalem.

[32] C'est-à-dire l'huile de Zahkoum.

[33] Un autre Guilgal se trouva dans les environs de Sichem.

[34] Pline dit (Hist. nat., l. 5, c. 17) : Engad dum oppidum fuit secundum ab Hierosolymis fertilitate palmetorumque nemoribus.

[35] Voyez II Rois, ch. 23, v. 8.

[36] Voyez I Samuel, ch. 1, v. 1 et 19.

[37] Voyez Juges, ch. 20, v. 1 ; ch. 21, v. 5 et 8 ; I Samuel, ch. 7, v. 6 ; ch. 10, v. 17.

[38] L. 2, ch. 159 ; l. 3, ch. 5.

[39] C'est peut-être cette partie de la ville, qui dans la Bible est désignée sous le nom de Secunda. Voyez II Rois, 22, 14 ; II Chron., 34, 22 ; Sophonia, 1, 10.

[40] Selon la tradition, c'est ce même mont Moria, sur lequel Abraham voulut offrir en sacrifice son fils Isaac.

[41] Ainsi les trois collines de Jérusalem n'en formaient que deux : Duos colles, immensum editos, claudebant muri. Tacite, Hist., V, 11.

[42] Il parait que Moria, à l'occident, regardait Acra et la partie N. E. du mont Sion. Selon d'Anville (Dissertation sur l'étendue de l'ancienne Jérusalem et de son temple), le côté occidental du Moria regardait Acra, et le pont qui conduisait au xystus du mont Sion se trouvait du côté du midi. Mais cette opinion est réfutée par deux passages que nous trouvons dans les ouvrages de Josèphe. Dans les Antiquités (l. 20, ch. 8, § 11) Josèphe raconte que les prêtres firent élever un mur à l'occident du temple, pour empêcher le roi Agrippa II d'observer les cérémonies sacrées du haut de son palais qu'il avait fait construire près du xystus. Le même auteur raconte, dans la Guerre des Juifs (l. 6, ch. 6, § 2) que, après la conquête de la basse ville et du temple, les Juifs retranchés sur le Sion demandèrent un entretien à Titus, et que celui-ci se présenta du côté occidental du temple ; car, ajoute-t-il, il y avait là sur le xystus des portes et un pont qui joignait la haute ville avec le temple.

Ces passages de Josèphe peuvent aussi servir de réfutation à l'opinion émise par Clarke, et adoptée par Ritter (Erdkunde, II, 406 et suiv.), selon laquelle le Tyropcœon de Josèphe serait la vallée de Hinnom de la Bible. Ce qu'on appelle maintenant le mont Sion ne serait alors qu'une partie de l'Acra, et le véritable Sion serait une autre montagne au midi de la vallée de Hinnom. Cette opinion, qui changerait toute la topographie de l'ancienne Jérusalem, est d'ailleurs en opposition avec deux passages de Josué (ch. 15, v. 8, et ch. 18, v. 16) desquels il résulte que la vallée de Hinnom était au midi de la ville des Jébusites, c'est-à-dire de Sion.

[43] Selon un passage de Josèphe (Guerre des Juifs, l. 5, ch. 4, § 2) le nom de Bezetha signifierait ville-neuve ; mais il n'existe aucun mot hébreu ou chaldaïque, ressemblant à Bezetha, qui ait ce sens-là. Dans d'autres endroits Josèphe écrit Beth-zétho, village près de Jérusalem (Antiq., l. 12, ch. 10, § 2, et ch. 11, § 1.) Les mots Beth-zétha, par abréviation Bezétha, ne peuvent signifier autre chose que plantation ou jardin d'oliviers. Ainsi, dans la version syriaque du Nouveau Testament (Act. des Ap., 1, 12), le mot έλαιών, olivetum, est rendu par Béth-zétho. Je ne doute pas que le passage où Josèphe parait rendre ces mots par ville neuve, ne soit tronqué ; cet auteur, dans le 2e livre de la Guerre des Juifs (ch. 19, 4), distingue lui-même Bezetha de la ville neuve.

[44] La tour Hippicos se trouvait à peu près à l'endroit, où est maintenant la tour de David.

[45] Ophla ou Ophel est le nom d'une place de Jérusalem et non pas d'une colline, comme l'ont cru plusieurs auteurs. Le mot hébreu Ophel parait signifier lieu élevé, fortifié par l'art, tour. La place Ophla était située au midi du temple. Voyez Reland, Palæst., p. 855 ; d'Anville, Dissert., § 2.

[46] Hélène était mère d'Isates, roi d'Adiabène, qui embrassa le judaïsme, ainsi que l'avait lait sa mère. Celle-ci rendit de grands services aux Juifs dans la famine qui eut lieu sous le règne de l'empereur Claude. Voyez la partie historique de cet ouvrage.

[47] Selon Tacite : per artem obliqui, aut introrsus sinuati, ut latera oppugnantium ad ictus patescerent. Hist., V, 11.

[48] Phasaël était le nom du frère d'Hérode, tombé à la prise de Jérusalem par Pacorus, général des Parthes. Mariamne était le nom de la reine. On peut voir la description de ces différentes tours, dans Josèphe, Guerre des Juifs, l. 6, ch. 4, § 3.

[49] La porte de l'angle n'est pas mentionnée par Nehemias ; mais on en parle 2 Rois, 14, 13, et dans quelques, autres passages.

[50] Selon la paraphrase chaldaïque, au 2° livre des Chroniques, ch. 33, V. 14, c'était une porte où se tenaient les marchands de poisson.

[51] Mischna, ou texte du Talmud, traité Éroubin, ch. 10, § 9.

[52] Voyez ibid., traité Schekalim, ch. 8, § I, et les commentaires de Maïmonide et de Bartenora.

[53] Voyez Nehemias, 8, 1 ; 2 Chroniques, 32, 6.

[54] Voyez I Rois, ch. 7, V. I et 2. La plupart des commentateurs, ayant mal compris ces deux versets, ont cru qu'il s'agissait de deux palais différents, et ils ont pris la maison du Liban pour un palais d'été. Mais toute la description, v. 2-11 ne peut s'adapter qu'au palais où résidait Salomon. C'est dans ce sens aussi que Josèphe a compris ce passage ; cet auteur ne parle que d'un seul palais, auquel il rapporte la description du ch. 7, sans mentionner la maison de la forêt du Liban. Voyez Antiquités, l. 8, ch. 5, § 1 et 2.

[55] I Rois, ch. 7, v. 8 ; ch. 9, V. 24 ; et II Chroniques, ch. 8, v. 11.

[56] Voyez Josèphe, Antiquités, l. 15, ch. 11, § 9. Le mot βάρις, ou, comme prononçaient les Juifs, Barah, signifie en général, château fort, citadelle. Le mot hébreu Birah fut sans doute emprunté par les Juifs aux Perses ; on ne le trouve que dans les livres postérieurs à l'exil de Babylone.

[57] Guerre des Juifs, V, 4, 4.

[58] Voyez Selden, de Synedriis, p. 958.

[59] Voyez sur Ælia : Dissertations pour servir à l'histoire des Juifs, par M. de Boissi, T. I, p. 312 et suiv.

[60] Voyez l'ouvrage de Kazwini, intitulé adjaïb al-boldân (les merveilles des pays), manuscrit de la bibl. rov. — troisième climat, l'article Beït-al-makdas.

[61] Géographie d'Edrisi, traduite de l'arabe en français, par P. Amédée Jaubert. T. I, p. 341 et suiv. Edrisi acheva son ouvrage en janvier 1154.

[62] Ceci est inexact, mais l'erreur n'appartient qu'au traducteur ; le texte arabe dit : Elle est située sur une montagne, et de tons les côtés on y arrive en montant.

[63] Itinerarium Benjaminis, éd. l'Empereur, p. 42.

[64] Je ne doute pas qu'il ne se soit glissé une faute dans le texte de Benjamin ; au lieu de Abrâm il faut lire, sans doute, Éphraïm. La porte d'Éphraïm est celle qu'Edrisi appelle Amoud el-Ghoràb ; la porte de David est celle d'El-Mihrab, et la porte de Josaphat celle de la Miséricorde.

[65] M. de Chateaubriand traduit Porte de l'Aurore ou du Cerceau ; le mot Zaheri n'a pas ce sens, c'est probablement un nom propre.

[66] Près de cette porte, à l'intérieur, on trouva une piscine desséchée et à demi comblée ; elle est longue de 150 pieds et large de 50. On croit que c'est la mêle qui, dans l'Evangile de Jean est appelée Bethesda.

[67] D'Anville évalue les 4530 pas de Maundrell à 1955 toises 4 pieds 2 pouces, et il montre que cette mesure s'accorde assez exactement avec le plan de Deshayes (vov. Dissertation sur l'étendue de l'ancienne Jérusalem, § 3). Selon Sieber, voyageur allemand, le plus grand diamètre de Jérusalem est de 1500 pas.

[68] Voyez Wallfahrten im morgenlande, par Otto de Richter, p. 48.

[69] Voyez Clarke, Travels, vol. IV, p. 386, et la relation du voyage de MM. Robinson et Smith, missionnaires américains (1838), insérée dans le recueil allemand Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. II, p. 348, 347. Ces deux voyageurs ont découvert près du mur les débris d'une arche faisant partie du pont qui conduisait au Xystus.

[70] Voyez surtout le savant ouvrage allemand : Ueber Golgatho und Christi Grab, par Piessing, Halle, 1789. — Jahn, Arch. bibl., t. III, p. 252. — Ritter, Erdkunde, t. II, p. 417. La question a été définitivement résolue, dans le même sens, par MM. Robinson et Smith, l. c., p. 349.

[71] Audivi nounullos nebulones occidentales hiereticos, detrahentes iis, quæ dicuntur de jam memorato sacratissimo Domini nostri sepulchro, et nullius momenti ratiunculis, negantes illud vere esse in quo positum fuit corpus Jesu. Etucidatio Terræ sanctæ historica, vol. II, p. 515.

[72] Reise nach dem weiland gelobten Lande, Altona, 1741, p. 210 et suiv.

[73] Itinéraire de Paris à Jérusalem, Introduction, second mémoire.

[74] M. Scholz, professeur à l'université de Bonn, qui a fait le voyage de Jérusalem, a publié sur ce sujet une dissertation intitulée : Commentatio de Golgothæ et sanctissimi D. N. J. C. sepulcri situ, Bonnæ, 1825.

[75] Tout récemment, M. Schubert, voyageur bavarois, a mesuré les hauteurs de la Palestine. Selon lui, la montagne des Oliviers est élevée de 2255 pieds au-dessus de la mer, le Sion de 2381 pieds.

[76] Voyez Barhebræi, Chronicon syriacum, p. 421.

[77] Voyez Quaresmius, Elucidat., t. II, p. 728.

[78] Genèse, 35, 19.

[79] Car Benjamin, ajoute Pétachia, n'était pas encore né, et ce ne fut qu'en mourant que sa mère lui donna le jour (voyez Nouveau Journal asiatique, novembre 1831, p. 396).

[80] Elle fut fondée probablement par Arba, père des Anakim, anciens habitants de ces contrées (voyez Josué, ch. 14, v. 15, et ch. 21, v. 11).

[81] Du temps de Josèphe on voyait encore les monuments des patriarches en beau marbre et construits avec élégance. Voyez Guerre des Juifs, l. IV, ch. 9, 7.

[82] Joppe Phœnicum, antiquior terrarum inundatione, ut ferunt. Pline, Hist. nat., l. V, ch. 13.

[83] Hist. Nat., l. c. : Insidet (Joppe) collem, præjacente saxo, in quo vinculorum Andro, medœ vestigia ostendunt.

[84] Comment. in Jonam, c. I : Hic locus est in quo usque hodie saxa monstrantur in littore, in quitus Andromeda religata Persei quo udam sit liberata præsidio.

[85] Chateaubriand, Itinéraire, 3e partie.

[86] Philonis Opera, p. 790, édit. de Genève.

[87] Autre village des Bédouins, non loin de Yabné.

[88] Selon Reland (p. 608) il y avait deux villes de ce nom, l'une sur la mer, l'autre dans l'intérieur. Mais il parait que dans les passages cités par Reland, il est question tantôt du port d'Asdôd, tantôt de la ville, qui était située à quelque distance à l'intérieur. C'est dans ce sens que Pline parle aussi de deux villes du nom de Jamnia (Hist. nat. V, 13, § 14).

[89] Edrisi, p. 340.

[90] Voyage dans le Levant, par M. le comte de Forbin, p. 48, 49, de la grande édition.

[91] Selon Volney, c'est à El-madjdal, situé à trois lieues d'Esdoud, qu'on file les plus beaux cotons de la Palestine, qui cependant sont très-grossiers.

[92] M. de Forbin s'est trompé ; les Arabes nomment la ville Ascalân. Joliffe qui visita ces lieux à la même époque (1817), dit, dans ses Letters from Palestina, que Djorah est un hameau près d'Ascalon, au nord.

[93] Nous ne savons comment mettre d'accord cette relation avec celle de d'Arvieux qui, en 1618, ne trouva plus que sept ou huit colonnes debout, et avec celle de Joliffe qui a vu seulement beaucoup de fûts de colonnes mutilées, dont la plupart étaient de granit gris, et une ou deux de très-beau porphyre ; mais il ne trouva plus ni base ni chapiteau assez bien conserve, pour pouvoir reconnaître à quel ordre d'architecture appartenaient ces colonnes.

[94] Voyez Pline, Hist. Nat., l. 19, c. 6.

[95] La tribu de Gad occupait aussi, au delà du Yabbok, la plaine du Jourdain, jusqu'au lac de Kinnéreth ou de Tibériade.

[96] Seetzen visita ces contrées en 1806 ; ses relations se trouvent dans le recueil allemand publié par Zach sous le titre de Monattiche Correspondenz (Correspondance mensuelle), tome XVIII, Gotha, 1808. — Burckhardt fit ses voyages dans les années 1810 et 1812 ; mais son important journal, que nous avons déjà cité plusieurs fois, n'a été publié que dix ans plus tard, après la mort de l'auteur, sous le titre suivant : Travels in Syria and the holy Land, by the late John Lewis Burckhardt, London, 1852, un vol. in-4° de 668 pages. Il est accompagné de plusieurs cartes et plans. Quelques autres voyageurs ont marché depuis sur les traces de Seetzen et de Burckhardt ; nous nommerons surtout Otto de Richter (Wallfahrten, Berlin, 1822) et Buckingham (Travels in Palestine, through the countries of Bashan and Gilead, London, 1821),

[97] Ceux qui désirent de plus amples détails sur les divisions actuelles du pays, sur les villages qu'il renferme et sur ses habitants, peuvent lire Burckhardt, Travels, p. 285-309.

[98] Voyez Reland, p. 109.

[99] Voyez Ritter, Erdkunde, t. II, p. 354.

[100] Dans les ruines de Missema, situé dans le Ledja, Burckhardt trouva plusieurs inscriptions grecques dont l'une commence par ces mots : Julius Saturninus aux Phœnésiens, au chef-lieu de la Trachonitide, salut. Voyez Travels, p. 117.

[101] Voyez Reland, p. 107.

[102] Le nom de Hauran vient sans doute de trou, caverne. Il y a dans ces contrées beaucoup de cavernes qui aujourd'hui, comme dans les temps anciens, servent de retraite aux brigands.

[103] Voyez Reland, p. 202, 317 et 318.

[104] Voyez Antiqu. Jud., l. 17, c. 2, § 1 ; Guerre des Juifs, l. 1, c. 20, § 4.

[105] Archéol. biblique, t. II, 1re partie, p. 127.

[106] Burckhardt dit cependant lui-même, nous ne savons sur quelle autorité, que le district de Bottein renferme la plus grande partie de l'ancienne Batanée.

[107] Selon Ptolémée (l. 5, c. 16), le pays habité par les Arabes Trachonites, sous le mont Alsudamus, faisait partie de la Batanée ; le mont Alsadamus parait être celui qu'on appelle maintenant Kelt-Hauran et qui forme le sommet le plus élevé du Djebel-Hauran. Voyez la préface de Læke aux voyages de Burckhardt, p. XII.

[108] Voyez Edrisi, traduction française de M. Jaubert, t. I, p. 251.

[109] Ant. Jud., IV, 5, 2.

[110] Guerre des Juifs, III, 3, 3.

[111] Cette forteresse, la plus célèbre du pays des Juifs, fut batte par Alexandre Jannée, rasée par Gabinius et relevée par Hérode. C'est là que Jean-Baptiste fut décapité. Selon Seetzen, cette place existerait encore sous le nom de Mkaur, ou plutôt Om-Kaur ; mais la place qu'il indique me parait un peu trop éloignée de l'Argon, limite méridionale de la Pérée.

[112] Guerre des Juifs, IV, 7, 3.

[113] Voyez Matthieu, 4, 25 ; Marc, 5, 20 et 7, 31.

[114] Hist. nat., V, 18.

[115] Voyez Travels, p. 38, 39.

[116] Hérode Agrippa II l'appela Neronias, pour flatter Néron ; mais elle ne conserva ce nom que peu de temps.

[117] Voyez Reland, p. 922. Eusèbe prétend avoir vu ce monument (Hist. ecclés., l. 7, ch. 18) ; mais des savants modernes ont pensé qu'Eusèbe s'est trompé et que le monument qu'il a vu était consacré à un empereur romain. Voyez Beausobre, dans la Bibliothèque germanique, t. XIII.

[118] C'est sous ce nom qu'elle est mentionnée par Benjamin de Tudèle (p. 51), qui dit que Belinas est l'ancienne Dân, erreur qu'il partage avec les anciens rabbins et avec saint Jérôme dans ses Commentaires (Ezéch., 27, 15 ; Amos, 8, 14), et qui a été reproduite par l'éditeur de Burckhardt (p. 39). Selon Eusèbe, dans l'Onomasticon, Dân était à 4 milles de Paneas (à l'ouest).

[119] Josèphe, Antiqu., 18, 2, 1. Ce Bethsaïda situé dans le domaine du tétrarque Philippe, ne pouvait être qu'à l'est du Jourdain, aussi Pline dit-il expressément que la ville de Julias était à l'orient (Hist. nat., 15, 15).

[120] Voyez Josèphe, Guerre d. J., III, 10, 7.

[121] Gadara, Hieromiace prœfluente, Hist. nat., V, 18.

[122] Voyez Burckhardt, Travels, p. 271, et la Préface, p. IV.

[123] Matthieu, 8, 28 ; Marc, 5, 1 ; Luc, 8, 26. Dans tous ces passages la Vulgate porte ; in agrum Gerasenorum ; de même le texte grec de Matthieu Γερασηνών. Mais il faut lire partout Gadarenorum, comme l'a la version syriaque ; car Gerasa est bien loin du lac de Tibériade, dans les environs duquel se passa cette scène.

[124] Wallfahrten, p. 172.

[125] Burckhardt, Travels, préface, p. XII. Sur Mézârib voyez ibid., p. 241 et suiv.

[126] Voyez Ritter, Erdkunde, II, p. 358.

[127] Voyez Travels, p. 41. Burckhardt dit : Bostra must not be confounded with Boszra in the Haouran ; both places are mentioned in the Books of Moses. Il me semble qu'il y a ici double erreur : le Bostra des Grecs est sans doute le Bosra du Hauran, mais rien ne prouve que cette ville soit mentionnée dans les livres de Moïse, ou dans quelque autre livre de la Bible.

[128] Voyez Genèse, 36, 33 ; Isaïe, 34, 6 ; 63, 1 ; Amos, 1, 12 ; Jérémie, 49, 13 et 22 ; I Chron., 1, 44. Si l'on veut que Bostra se trouve mentionné dans la Bible, ce pourrait être Bosorra, I Maccab., 5, 26, et une ville de Bosra comptée par Jérémie (48, 24) parmi les villes de Moab, en supposant que les Moabites aient fait des conquêtes dans le Hauran. Reland (p. 666) dit fort bien, en parlant de Bostra : Non confundenda hæc est cum Botzra (Bosra) Idumæorum Jerem. 49, 13 et alibi memorata, uti nec cum Botzra Moabitarum Jerem. 48, 24. Nec mirum nomen quod locum munitum notat, pluribus urbibus commune fuisse. — Le Bosra édomite de la Bible se retrouve peut-être dans Bosséira, village du Djebal, ou Burckhardt trouva également des ruines considérables (Travels, p. 407).

[129] Voyez Reland, p. 665. On trouve encore d'autres monnaies, jusqu'à Trajan Dèce, sur lesquelles Bostra est appelée colonia (colonie romaine). Selon Damascius, cité par Photius, la colonie ne fut fondée que sous Alexandre Sévère. Voyez Belley, dans les Mémoires de l'Acad. des inscr., t. XXX, p. 307 et suiv.

[130] Reland, p. 666.

[131] L'erreur de d'Anville est due principalement à la fausse leçon des Évangiles, ou on lit Gerasenorum au lieu de Gadarenorum, et dont nous venons de parler dans une note précédente. — Mais il est inconcevable que la faute de d'Anville ait été reproduite après les découvertes de Seetzen et de Burckhardt ; ainsi dans l'atlas de la Bible de Vence, publié en 1833, on n'a fait que suivre l'ancienne routine, tant pour Gerasa que pour beaucoup d'autres villes de la Transjourdaine, ce qui prouve combien peu on s'est occupé en France des importantes découvertes faites dans ces contrées. Cependant les relations de Seetzen ont été consultées par Malte-Brun.

[132] Voyez Travels, p. 251-264 ; on y trouve aussi un plan des ruines de Gerasa.

[133] Voyez Monatl. Correspondenz, t. XVIII, p. 424.

[134] C'est le Wadi-Déir, qui se jette dans le Wadi-Zerka ; on l'appelle aussi Kerouan ou Seil-Djerasch. Il traverse la ville du nord au midi.

[135] Selon Burck. une lieue un quart.

[136] Ce temple, selon Burckhardt (p. 264), était supérieur en goût et en magnificence à tout ce que la Syrie possédait en ce genre, à l'exception du temple du soleil à Palmyre.

[137] Cette porte est au midi : It is a fine arch, and apparently in perfect preservation, with a smaller one on each side adorned with several pilasters. Burckhardt.

[138] C'est la plus longue, qui traverse la ville du nord au midi et qui est parallèle au Wadi. L'hémicycle est au midi, et à cinq minutes de là est la porte dont nous venons de parler.

[139] C'est-à-dire la partie qui se trouve à l'ouest ou à la rive droite du Wadi.

[140] Cette partie de la ville est la plus élevée. Malheureusement Burckhardt, qui n'a pu employer que 4 heures à visiter les ruines de Djerasch, n'a examiné que la partie septentrionale de la rive gauche du Wadi ; il y trouva, en face du grand temple, les restes d'un édifice qu'il suppose avoir été un bain. Une source qui est près de là, dans la montagne, et dont l'eau, coulant de l'est à l'ouest, se verse dans le Wadi, est probablement la même dont parle saint Épiphane (vov. Reland, p. 807). Burckhardt croit que vers le midi il n'y avait que des maisons privées, et qu'il ne s'y trouvait aucun édifice remarquable (p. 263).

[141] Il parait qu'on rencontre fort peu d'inscriptions dans les ruines de Djerasch ; car Burckhardt, qui copiait toujours avec une scrupuleuse exactitude toutes les inscriptions qui se présentaient à ses regards, ne donne ici que quatre fragments indéchiffrables. Le premier (p. 259) est sans doute celui dont parle Seetzen ; on y reconnait les lettres MAPKONAYP... N....

[142] Comment. in Obadiam, v. 19 : Cunctam possidebit Arabiam, quæ prius vocabatur Galaad et nunc Gerasa nuncupatur.

[143] Gesta Dei per Francos, p. 615. On y fait déjà observer que Jarras est l'ancienne Gerasa.

[144] Voyez Nombres, 32, 36 ; Jos., 13, 27.

[145] Selon Josèphe (Antiqu., l. 18, ch. 2, § 1), Hérode Antipas lui donna le nom de Julias.

[146] Dans l'Évangile de Jean, 1, 28, on lit Bethania. Origène corrige Bethabara, parce que, dit-il, il n'y avait pas de Bethania sur le Jourdain.

[147] Antiqu., V, I, 1. Voyez sur les différents lieux nommés Abel et Abila, les Dissertations de M. de Boissi, t. I, p. 283 et suiv.

[148] Voyez Josué, ch. 13, v. 16 et 25.

[149] Comparez Burckhardt, p. 364.

[150] La même distance résulte de la relation de Burckhardt (p. 365), qui, après être parti de Fehéis, compte de là cinq heures trois quarts à El-Aal et six heures un quart à Husbân.

[151] A Ruben : Nombres, 32, 37 ; Jos., 13, 17. A Gad : Jos., 21, 37, et I Chron., 6, 66.

[152] Isaïe, 15, 4 ; 16, 9 ; Jérémie, 48, 2.

[153] Antiqu., XIII, 15, 4.

[154] Voyez ce que nous avons dit à ce sujet dans le chapitre d'histoire naturelle.

[155] Voyez Nombres, 21, 23 ; Deutéron., 2, 32.

[156] Voyez Nombres, 32, 34 ; 33, 43. On l'appelle aussi Dimón. Isaïe, 16, 9.

[157] Voyez William Macmichaels, Journey from Moscow to Constantinople, p. 242.

[158] Deutéron., 2, 36 ; 3, 12 ; 4, 48. Josué, 12, 2 ; 13, 16.

[159] Il y avait un troisième Aroër dans la Judée, vov. I Samuel, 30, 28. — A cause d'un passage d'Isaïe (17, 2), plusieurs commentateurs supposent un quatrième Aroër sur le territoire de Damas ; mais il n'existe pour cela aucune autre autorité. Voyez Gesénius, Commentar über den Jesaia, t. I, p.558, 567.

[160] Burckhardt, p. 370. Gesénius (l. c., p. 610) pense que le nom d'Attarous vient de la ville d'Ataróth (Nombres, 32, 33), située dans ces environs.

[161] Voyez la paraphrase chaldaïque de Yonathan a ce passage de la Genèse, et Beréschith rabba, ch. 37.