PALESTINE

 

LIVRE PREMIER. — ÉTAT PHYSIQUE ET TOPOGRAPHIE DE LA PALESTINE

CHAPITRE III. — Histoire naturelle.

 

 

Nous donnerons ici le résumé de tout ce que la Palestine ancienne et moderne offre de plus remarquable dans les trois règnes de la nature, en recueillant ce que nous trouvons à ce sujet dans la Bible et dans les relations des voyageurs. Les poètes hébreux aiment à contempler le Créateur dans les merveilles de la nature, et pour bien comprendre leurs images il faut connaître surtout le monde qui les entoure. L'Écriture, en vantant la sagesse de Salomon et les livres qu'il composa, nous dit qu'il parla sur toutes les plantes depuis le cèdre du Liban jusqu'a l'hysope qui croit sur les murs, ainsi que sur les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles et les poissons. Malheureusement nous ne possédons plus ces trésors scientifiques, mais des savants modernes y ont suppléé par de savantes et minutieuses recherches. L'histoire naturelle de la Bible a été traitée dans plusieurs ouvrages spéciaux, où sont expliqués tous les objets d'histoire naturelle mentionnés dans l'Écriture sainte[1]. Nous nous bornerons dans ce chapitre à ce qui a rapport spécialement à la Palestine ; le reste appartient aux antiquités bibliques et a l'histoire du commerce et des sciences chez les Hébreux.

A. MINÉRAUX.

Les pierres calcaires et crétacées dominent dans les montagnes de la Palestine ; çà et là on y trouve des couches de grès. Au nord-est cependant, dans le pays de Basan et surtout dans le Hauran, le basalte prédomine, et on en trouve encore sur quelques points à l'ouest du lac de Tibériade. Seetzen parle de travaux exécutés en basalte, qu'il trouva dans ces contrées ; il y vit particulièrement beaucoup d'anciens sarcophages. Ritter[2] a pensé que le lit de fer d'Og, roi de Basan, dont il est question dans le Deutéronome (3, 11), pouvait bien être un sarcophage de basalte. Cette conjecture a beaucoup de vraisemblance ; d'autant plus que le basalte renfermant quelquefois jusqu'à un cinquième de fer, pouvait être considéré par les Hébreux comme étant de même nature que ce métal et en porter le nom[3]. Dans le Hauran on se sert du basalte pour les constructions et le pavage. Il paraît que Salomon fit venir du basalte du pays de Basan pour paver les routes de Jérusalem ; ce sont là, sans doute, les pierres noires dont parle Josèphe (Antiq., liv. 8, ch. 7, § 4).

Les environs de la mer Morte fournissent à la Palestine plusieurs substances minérales fort utiles, telles que le sel, le soufre et l'asphalte. Au sud-ouest du lac, il y a des mines de sel gemme, situées dans le flanc des montagnes qui règnent de ce côté[4]. L'eau du lac renferme elle-même beaucoup plus de sel que toutes les autres eaux connues. Sur cent parties d'eau il y en a 42,80 de sel[5]. A l'est du lac, le sel se dépose en couches d'un pied d'épaisseur, et toutes les pierres sur cette partie du rivage sont incrustées de sel ; les objets qui tombent dans le lac se couvrent bientôt d'une croûte saline[6]. On trouve aussi sur le rivage des morceaux de bitume et de soufre[7]. Nous avons déjà parlé des puits d'asphalte mentionnés dans la Genèse ; on en trouve aujourd'hui à l'ouest de la mer Morte[8].

Parmi les métaux, le fer et le cuivre devaient, selon les paroles de Moïse (Deutér., 8, 9), être abondants dans la Palestine, et surtout dans le canton de la tribu d'Aser (ib., 33, 25), entre Sidon et le Carmel. Cependant il n'en est pas question dans les relations de voyages. Volney dit seulement que le fer est abondant dans les montagnes de Kesrâouan et des Druzes, et qu'on parle d'une mine de cuivre à Antabès, au nord d'Alep. Mais il ne sait rien dire de positif sur la Judée.

B. VÉGÉTAUX.

Nous avons déjà dit que le climat de la Palestine favorise la végétation la plus variée. Nous ne pouvons pas avoir la prétention d'énumérer ici toutes les plantes que produit ce pays[9] ; nous nous bornons aux plus remarquables et à celles dont-il est souvent fait mention dans la Bible.

a. CÉRÉALES ET LÉGUMINEUSES.

Le blé le plus commun en Palestine, comme dans toute la Syrie et l'Égypte, est le froment. Les Hébreux le cultivaient beaucoup ; ils en tiraient aussi du pays des Ammonites, et c'était un de leurs articles de commerce. Salomon donnait chaque année à Hiram, roi de Tyr, vingt mille cor de froment et vingt cor d'huile, en échange du bois de cèdre et de cyprès que lui fournissait ce roi. Parmi les denrées que les Juifs apportaient sur les marchés de Tyr, nous trouvons en première ligne le froment de Minnith[10] (Ézéch., 27, 17). On mangeait aussi les épis, coupés avant d'être mûrs et rôtis au feu ; des épis rôtis se trouvaient parmi les offrandes du temple, on en offrait particulièrement avec les prémices (voy. Lévit. 2, 14 et 23, 14). La récolte du froment se fait à la fin d'avril. L'épeautre, espèce particulière de froment, se trouvait aussi en Palestine ; il paraît résulter d'un passage d'Isaïe (28, 25) qu'on le semait au bord des champs.

L'orge était peu estimée ; elle servait surtout à nourrir les chevaux (I Rois, 5, 8), et de nos jours encore on en fait le même usage ; on la coupe à la fin de mars. L'avoine est fort rare[11].

Le riz est maintenant cultivé avec succès sur les bords du lac d'El-houla[12]. Dans la Bible il n'en est pas question ; le Talmud le connaît sous le nom de Orez (όρυζα) — Le dourra, maintenant très-commun en Palestine et en Égypte, est une espèce de millet. Les Arabes pétrissent la farine de dourra avec du beurre, de l'huile, de la graisse et du lait de chameau, et ils en font du pain dont Niebuhr trouva le goût fort désagréable. Une autre espèce de millet est mentionnée dans la Bible (Ezéch., 4, 9) sous un nom usité encore aujourd'hui chez les Arabes, c'est le dokhn[13] (holcus dochna, Linn). On le cultive en Syrie et en Égypte ; étant encore vert il sert de fourrage ; quand il est mûr on en fait de l'empois ; mais on le mange aussi comme bouillie, ou même sous la forme de pain, ce qui résulte aussi du passage d'Ézéchiel.

Parmi les plantes légumineuses la Palestine produit surtout des lentilles et des fèves. Les premières sont déjà mentionnées dans l'histoire du patriarche Jacob, auquel Ésaü vend son droit d'aînesse pour un plat de lentilles[14]. Dans le 2e livre de Samuel (ch. 23, v. 11) il est question d'un champ semé de lentilles, et dans le même passage il est parlé des fèves, sous le nom de Phôl (2 Sam., 17, 28), qu'elles portent encore aujourd'hui chez les Arabes.

b. PLANTES POTAGÈRES OU CULTIVÉES.

Les herbes amères (Merorîm) qui servaient de salade sont mentionnées dans l'Exode (12, 8) ; on devait en manger avec l'agneau pascal. A ce sujet le Talmud nomme plusieurs espèces, entre autres la laitue et l'endive. — Les Hébreux aimaient le porreau, l'ail et l'oignon, qu'ils regrettaient de ne plus trouver dans le désert après leur sortie d'Égypte (Nombres, 11, 5). Les Égyptiens s'abstenaient de manger ces plantes auxquelles ils rendaient un culte[15], et elles se trouvaient probablement en grande quantité à la disposition des Hébreux, qui, plus tard, n'auront pas manqué de les cultiver dans leurs jardins en Palestine. En effet, il est souvent question de ces plantes dans la Mischna, au sujet de la dîme et de l'année sabbatique. — Les concombres et les pastèques figurent également parmi les plantes d'Égypte tant regrettées des Hébreux ; nous les rencontrons aussi dans la Palestine ancienne et moderne. Le prophète Isaïe compare la montagne déserte de Sion à la cabane du gardien dans un champ de concombres. Volney, trouva à Yâfa des pastèques, préférées même à celles de Broulos sur la côte d'Égypte. Isaïe (ch. 28, v. 25, 27) parle de la nielle et du cumin ; Jésus-Christ mentionne la menthe et l'aneth, comme des plantes dont les pharisiens payaient la dîme[16], et qui, par conséquent, étaient cultivées. Dans l'Évangile de St. Luc, Jésus parle aussi de la rue, que la Mischna compte parmi les herbes potagères non soumises à la dîme. — Le sénevé, à ce qu'il paraît, était cultivé dans les jardins, car il était soumis à la dîme[17] ; maintenant il croît sans culture. Chez les rabbins le grain de sénevé a passé en proverbe, pour désigner une chose extrêmement petite ; ce qui explique ces paroles de l'Évangile (Luc, 17, 6.) : Si vous aviez une foi semblable au grain de sénevé[18].

c. HERBES ET ARBUSTES SAUVAGES.

Parmi les plantes qui croissent sans art il en est une qui joue un grand rôle dans la loi de Moïse, où elle est appelée Ézob, mot qu'on rend ordinairement par hysope, mais que tous les rabbins arabes expliquent par Sahtar[19], qui est l'origan, plante aromatique de la famille des labiées et analogue à notre hysope. Cette plante aime un sol sec et pierreux, et ou la voit quelquefois croître au milieu des bâtiments en ruine ; c'est pourquoi l'Écriture dit : l'Ézob qui croît sur le mur. (I Rois, 5, 13.) Pour les aspersions du sang des sacrifices et de l'eau lustrale, Moïse recommande de se servir d'un bouquet d'ézob. Dans plusieurs cérémonies symboliques de purification, on se servait en même temps de bois de cèdre et d'ézob[20], comme des deux degrés extrêmes de l'échelle des plantes. — La câpre est mentionnée dans l'Ecclésiaste (12, 5), selon les anciennes versions, et souvent dans le talmud. — Le prophète Jérémie (2, 22) parle de la saponaire. St. Jérôme, qui conserve dans sa traduction le mot hébreu borith, dit dans le commentaire, que ce mot désigne une herbe qui croît en Palestine dans des endroits humides et qui sert au lavage. — L'indigo, dit Volney, croît sans art sur les bords du Jourdain au pays de Bisân, et il ne demande que des soins pour acquérir de la qualité. Selon le même auteur, la Palestine abonde en sésame propre à faire de l'huile. — Dans l'histoire du prophète Élie il est question du genêt (I Rois, ch. 19, v. 4 et 5) ; le prophète, fugitif dans le désert, s'endort sous un arbuste de genêt (Rôthem, en arabe ratam). Dans les déserts de l'Orient on fait du feu avec cet arbuste ; dans les Psaumes (120, 4), la langue du calomniateur est comparée à la braise du genêt. — L'arbre merveilleux du prophète Jonas à Ninive est, selon le commentaire de St. Jérôme, très-commun en Palestine ; il croît dans des endroits sablonneux. Le mot hébreu est kikayôn ; les rabbins arabes expliquent ce mot par El-kheroua, qui est le ricin. Les détails que donne St. Jérôme s'appliquent parfaitement à cet arbuste. De ses graines on fait de l'huile ; il en est question dans la Mischna, où on l'appelle huile de kik. N'oublions pas le roseau de marais du lac de Merôm, qui, selon Pline, sert à faire d'excellentes flèches (Hist. Nat., 6, 13) ; là, dit le même auteur, il croît aussi du papyrus, comme à Babylone et sur le Nil.

En fait de plantes nuisibles, ou qu'on prenait pour telles, à cause de leur goût amer, la Bible mentionne les pakkouôth[21], espèce de concombres sauvages (cucumeres asinini) ; l'absinthe qui chez les auteurs hébreux est très-souvent l'image du malheur et de tout ce qui est désagréable et nuisible ; le rôsch[22] que quelques commentateurs ont pris pour la coloquinte, d'autres pour la ciguë. Il paraît que le mot hébreu signifie plante vénéneuse, en général. Selon un passage du prophète Osée (10, 4), le rôsch pousse dans les sillons des champs ; ici c'est probablement la zizanie (ζιζάνιον, lolium temulentum, l'ivraie annuelle des botanistes), dont il est question dans l'Évangile de St. Matthieu (ch. 13, y. 25 et suiv.), et qui cause des vertiges et des éblouissements[23]. Volney dit, en parlant des paysans de la Syrie[24] : Pour ne rien perdre du grain, ils y laissent toutes les graines étrangères, même l'ivraie (en arabe Ziouân), qui donne des vertiges et des éblouissements pendant plusieurs heures, ainsi qu'il m'est arrivé de l'éprouver.

C'est ici qu'il v a lieu de dire quelques mots du fameux arbre de Sodome, mentionné déjà probablement par Moïse sous le nom de vigne de Sodome (Deutéron. ch. 32, v. 32). Selon Josèphe, on trouve dans les environs de la mer Morte un fruit d'une Belle apparence, mais qui, dès qu'on le touche, se change en cendres (De Bello jud. l. 4, c. 8, § 4). On pense bien que les voyageurs et les pèlerins ont cherché ce fruit ; quelques-uns ont douté de son existence, d'autres, comme Hasselquist, l'ont pris pour le solanum melongena de Linné, que l'on trouve en grande quantité dans le voisinage du lac et qui est quelquefois rempli de poussière, lorsqu'il est attaqué par un insecte. M. de Chateaubriand, après avoir cité les opinions de différents autres voyageurs, ajoute ce qui suit : Me voilà bien embarrassé, car je crois aussi avoir trouvé le fruit tant cherché : l'arbuste, qui le porte croît partout à deux ou trois lieues de l'embouchure du Jourdain ; il est épineux, et ses feuilles sont grêles et menues ; son fruit est tout à fait semblable en couleur et en forme au petit limon d'Égypte. Lorsque ce fruit n'est pas encore mûr, il est enflé, d'une sève corrosive et salée ; quand il est desséché il donne une semence noirâtre qu'on peut comparer à des cendres, et dont le goût ressemble à un poivre amer.

d. ARBUSTES ET FLEURS D'AGRÉMENT. - BAUMES.

Les jardins de la Palestine étaient riches en parfums de diverses espèces ; au milieu de cette nature enchanteresse qui entoure de toutes parts les deux amants du Cantique des cantiques s'exhalent les odeurs les plus suaves, les fleurs et les parfums viennent répandre tous leurs charmes sur le langage d'amour des fiancés. Plusieurs plantes qui offrent des images à l'auteur du Cantique n'étaient connues parmi les Hébreux que comme des objets de luxe introduits des pays étrangers, surtout de l'Inde et de l'Arabie. Nous ne parlerons ici que des plantes indigènes : Mon ami (dit l'amante dans le Cantique) est comme une grappe de Copher dans les vignes d'En-Gadi. Cette plante est celle que les Arabes appellent Al-henna ; elle est très-commune en Palestine et en Égypte. Chez les anciens elle s'appelait cyprus (κύπρος), nom qui se trouve aussi dans les versions grecque et latine pour le mot hébreu copher. C'est la lawsonia inermis de Linné, arbuste de hauteur d'homme, dont les feuilles, qui ressemblent à celle du myrte, ne tombent pas en hiver. Les fleurs qui poussent au bout des branches forment une espèce de grappe. La variété des couleurs et l'odeur agréable des bouquets du henna en font une parure dont les femmes sont fort jalouses. Cette plante joue un grand rôle dans la toilette des femmes orientales ; ses feuilles cuites dans l'eau, séchées et pulvérisées, donnent une poudre de couleur orange, avec laquelle les femmes se teignent les ongles et les cheveux[25]. L'amante du Cantique parle aussi de la mandragore qui répand son parfum. Cette plante croit sans culture en Palestine et dans les pays environnants. Il en est question aussi dans la Genèse (ch. 30, v. 14 et suiv.) et il résulte de ce passage, que déjà du temps de Jacob, les Orientaux voyaient dans le fruit de la mandragore un remède contre la stérilité, superstition répandue encore aujourd'hui dans tout l'Orient.

En fleurs, la Palestine nous offre des jacinthes, des jonquilles, des anémones, des tagettes, dans les environs du Carmel ; la plaine de Saron est riche en roses, en lis, en narcisses et en giroflées. La fiancée dit (Cant., ch. 2, v. 1) : Je suis le narcisse de Saron, le lis des vallées. Autrefois il y avait de belles roses dans les environs de Jéricho (Sirach, 24, 18) ; maintenant on en trouve au village de Saint-Jean, dans le désert du même nom. Ce qu'on appelle la rose de Jéricho (anastatica hierochuntica, Linn.) n'est qu'un arbuste de quatre à cinq pouces de hauteur, qui se compose d'une multitude de petites branches sur lesquelles poussent des feuilles et des fleurs extrêmement petites. Les pèlerins disent que ces roses croissent dans le désert à tous les endroits que Marie, dans sa fuite en Égypte, toucha du pied. On dit que la rose de Jéricho, étant déjà desséchée, s'ouvre de nouveau lorsqu'on la met dans l'eau. Ritter cite une expérience faite, après sept cents ans, sur une des roses rapportées de la terre sainte au temps des croisades et conservées comme reliques[26].

La Palestine était autrefois célèbre pour son baume. Pline dit (Hist. nat., l. 12, c. 25) : Omnibus odoribus præfertur balsamum, uni terrarum Judææ concessum. Strabon dit également que le baume ne se trouve que dans les jardins de Jéricho, et, selon Justin, la Judée en tirait une grande partie de ses revenus[27]. On voit que tous ces auteurs ne connaissaient pas le baume d'Arabie. Il ne faut pas confondre le baumier de la Judée, arbuste de la hauteur d'une ou deux coudées[28], avec celui de la Mecque, qui arrive à la hauteur du grenadier. Le baumier se cultivait dans deux jardins célèbres près de Jéricho et d'En-gadi. Ces jardins, détruits par les Juifs dans leur guerre avec les Romains, furent rétablis par ces derniers. Il en est encore question au huitième siècle (voy. Ritter p. 349, 350). Le baumier suait aux mois de juin, juillet et août. On obtient le baume en faisant des incisions dans l'écorce, opération qui demande beaucoup de précaution et pour laquelle il faut se servir d'un fragment de pierre ou de verre[29]. Abdallatif, médecin arabe du douzième siècle, donne de longs détails sur la manière de recueillir le baume ; il dit aussi que, selon Galien, le meilleur baume se trouvait autrefois en Palestine, mais que de son temps on n'en voyait plus dans ce pays[30]. Sous Pompée le baumier de Jéricho fut apporté en triomphe à Rome. Dans la Bible on nomme plusieurs fois le pays de Gilead comme la patrie d'un baume salutaire[31]. Comme les auteurs grecs et romains placent le baumier dans les environs de Jéricho, Oedman[32] et après lui Rosenmüller[33] ont pris le baume de Gilead pour l'huile du zakkoum (elæagnus angustifolius, Linn.) qui est le myrobalan des anciens (Pline, l. 12, ch. 21). L'arbre du zakkoum, qui existe encore maintenant en Palestine, ressemble à un prunier ; son fruit est un gland sans calice, sous l'écorce duquel est une pulpe, puis tin noyau dont on tire une huile que les Arabes considèrent comme un médicament fort précieux pour les blessures. Parmi les produits de Gilead la Genèse mentionne encore deux substances sous les noms de Necôth et Lôt. Les anciennes versions et les commentateurs ne sont pas d'accord sur le sens de ces mots ; la plupart des savants modernes prennent le necôth pour la gomme adragant que donne la tragacante, et le lôt pour le ladanum, substance résineuse qui se trouve sur les branches du ciste. Il paraît résulter d'un passage du Cantique (ch. 4, v. 6) que la Palestine ancienne produisait aussi la myrrhe et l'encens.

e. MATIÈRES TEXTILES.

La Palestine produit le lin, le chanvre et le coton. Le lin y était cultivé déjà avant l'entrée des Hébreux. Les deux explorateurs que Josué envoya à Jéricho sont cachés par Rahab sous des tiges de lin qu'elle avait disposées sur le toit, probablement pour les faire sécher au soleil. Avant l'époque de l'exil de Babylone nous ne trouvons pas d'indications certaines d'une plante filamenteuse autre que le lin. Le schesch, dont il est très-souvent question dans le Pentateuque (dans les versions grecque et latine byssus) et que beaucoup de savants modernes prennent pour le coton, n'est, selon l'opinion des anciens rabbins, qu'un fil particulier de lin. La femme forte, dans les Proverbes de Salomon (ch. 31, v. 13), n'emploie dans ses travaux que la laine et le lin. Les vêtements des prêtres étaient de lin ; Isaïe parle de mèches de lin (42, 3 ; 43, 17) et de l'étoupe (1, 31) ; Jérémie mentionne des ceintures de lin (13, 1). Le chanvre, originaire de la Perse, n'était pas cultivé par les anciens Hébreux ; il n'en est pas question dans la Bible, mais la Mischna le mentionne sous le nom de Kanbos ou Kannabos (cannabis). Le cotonnier ne fut probablement introduit en Palestine que sous les derniers rois de Juda. Le mot bouss (le byssus des anciens) que l'on trouve dans les livres bibliques de la dernière époque, tels que les Chroniques, Esther, Ezéchiel, désigne peut-être le coton. Cependant les anciens rabbins prennent le mot bouss lui-même dans le sens de lin, et la Mischna appelle le coton laine de vigne[34], ce qui prouve que les rabbins ne trouvaient pas de nom biblique pour le coton[35]. Quoi qu'il en soit, la Palestine a su s'approprier cette plante, et encore, dans les temps modernes, elle y fut cultivée avec beaucoup de succès. Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, on exportait seulement pour Marseille cent trente et un mille livres de coton par an, comme on peut le voir dans les relations du chevalier d'Arvieux. Du temps de Volney (1783-85) le village de Mesmié, à quatre lieues de Ramla, fournissait beaucoup de coton, et il y avait au village de Loudd (Lydda), une fois par semaine, un marché où les paysans de tous les environs venaient vendre leur coton filé (T. II,  ch. 7). Avant le ravage des derniers troubles, dit le même voyageur (État phys., ch. I, § 8), Yâfa voyait dans ses jardins deux plants du coton-arbre de l'Inde, qui grandissaient à vue d'œil. Le coton fait partie des semailles d'été ; sa récolte tombe dans le mois de septembre.

f. VIGNE.

Dans la bénédiction que Jacob, avant de mourir, donne à ses douze fils, il dit, en parlant de Juda : Il attache à la vigne son ânon, et au cep le petit de son ânesse ; il lave son vêtement dans le vin, et son manteau dans le sang de raisins. Il a les yeux pétillants de vin, et les dents blanches de lait. Les montagnes et les collines qui traversent le pays des Hébreux favorisaient la culture de la vigne, et le canton de Juda surtout était célèbre pour son vin. Là se trouve la vallée d'Escol (grappe), d'où les explorateurs qu'avait envoyés Moïse rapportèrent un pampre et une grappe de raisins que deux hommes portèrent sur un bâton. Des voyageurs modernes ont trouvé dans ces contrées des grappes qui pesaient jusqu'a 12 livres et dont les grains avaient la grosseur de petites prunes ; un seul homme ne peut se charger de les porter bien loin, si on veut les conserver dans toute leur beauté. Là sont aussi les vignes d'En-gadi (Cantique, 1, 14) et de Thininath (Juges, 14, 5), ainsi que la vallée de Sorek qui, sans doute, a tiré son nom d'une espèce de vignes renommée. Mais il y en avait aussi dans d'autres contrées de la Palestine. Naboth possédait à Yezreel une vigne, pour laquelle le roi Achab lui en offrit une meilleure (I Rois, ch. 21, v. 1, 2). A l'est du Jourdain, Moab était un pays de vignobles, et lorsque Isaïe prédit la chute de Moab, il pleure la vigne de Sibma : Les maîtres des nations en écrasent les ceps, qui touchaient Yaazer, allaient se perdre dans le désert, et dont les jets se répandaient au loin et passaient la mer, c'est-à-dire le lac Asphaltite. La Palestine, au milieu de ses ruines et de sa désolation, n'a pas perdu cette belle plante, même sous le gouvernement des Turcs, dont les principes religieux sont hostiles au vin. C'est toujours l'ancien pays de Juda qui se distingue par ses vignes ; on en voit beaucoup dans les environs de Hébron. L'on ne s'en sert, dit Volney[36], qu'à faire des raisins secs mal préparés quoique l'espèce soit fort belle[37]. A Béthléem, où il y a des chrétiens, on fait du vin blanc, qui, selon le même auteur, justifie la réputation qu'avaient jadis les vins de Judée ; mais il a l'inconvénient d'être trop capiteux. Étienne Schulz, voyageur allemand, raconte que dans un village des environs de Saint-Jean d'Acre il soupa avec ses compagnons de voyage sous un grand cep de vigne, qui avait environ un pied et demi de diamètre et trente pieds de hauteur, et dont les branches, soutenues de tous les côtés, formaient un abri de plus de cinquante pieds en long et en large : Je me rappelai alors, dit-il, le verset de Michas (ch. 4, v. 4) : Ils demeureront, chacun sous sa vigne et sous son figuier[38]. Le raisin de Palestine était, pour la plupart, rouge, de là l'expression sang de raisins[39] : Pourquoi ce rouge sur ton vêtement, et tes habits comme d'un homme qui foule la cuve ? (Isaïe, 63, 2.) Dès les mois de juin et de juillet on avait du raisin mûr, mais les vendanges ne se faisaient qu'en septembre. Nous aurons l'occasion de revenir sur les fêtes des vendanges dans une autre partie de cet ouvrage. Les poètes bibliques comparent le peuple d'Israël à une vigne. Dans les Psaumes (80, 9) ce peuple est appelé un cep de vigne transplanté d'Égypte. Israël est une vigne luxuriante, dit le prophète Osée (10, 1). Tombé dans le péché, il est comparé par Isaïe (ch. 5) à un vignoble qui a trompé l'espérance du vigneron ; la même image se trouve dans la parabole de Jésus (Matth., ch. 21, v. 33-41).

g. ARBRES FRUITIERS ET FORESTIERS.

Outre les arbres fruitiers, communs dans nos contrées, tels que le pommier, le poirier, le noyer, le cerisier, l'abricotier, l'amandier, etc., la Palestine en possède plusieurs d'une noble espèce et qu'il est important de connaître pour l'intelligence de la Bible. L'olivier, toujours verdoyant, et qui, selon Pline (l. 16, ch. 44), arrive à l'âge de deux cents ans, est toujours compté dans la Bible parmi les richesses dont le ciel avait béni le pays des Hébreux. Il paraît que la contrée la plus riche en oliviers était la Scheféla ou le bas pays au sud-ouest ; car parmi les ministres de David nous trouvons un inspecteur des oliviers dans cette contrée (I Chron. 27, 28). C'est là aussi que des voyageurs modernes ont trouvé un grand nombre d'oliviers. Hasselquist en trouva dans trois vallées entre Yâfa et Jérusalem, et Volney en a vu à Ramla, qui croissaient à la hauteur des hêtres. Çà et là il y avait aussi des plantations d'oliviers dans les montagnes ; on connaît la célèbre montagne près de Jérusalem autrefois plantée d'oliviers, qui ont presque entièrement disparu. Seydlitz, voyageur du seizième siècle (1556), en a rencontré dans les montagnes du midi[40], et Belon sur les collines de Nablous[41]. Selon la bénédiction de Moïse (Deutér. 33, 24), Asser devait baigner son pied dans l'huile. Les anciens Hébreux exportaient beaucoup d'huile d'olives, en Phénicie (Ézéchiel, 27, 17) et en Égypte (Osée, 12, 2). Salomon donna 20.000 bath d'huile aux ouvriers de Tyr (II Chron., 2, 9). Les olives de Palestine sont encore maintenant préférables à celles de Provence ; si l'huile qu'on en tire est aujourd'hui moins estimée, il faut en attribuer la cause au peu de soin qu'on met dans la fabrication. L'olivier sauvage, appelé dans la Bible : arbre d'huile[42], a été remarqué dans les temps modernes, aux environs de Jéricho[43]. Il porte un fruit bien plus grand que celui de l'olivier cultivé, mais l'huile qu'on en prépare n'est pas aussi bonne et on ne s'en sert que pour des médicaments. Le figuier de Palestine n'est pas moins remarquable ; pendant dix mois de l'année il porte ses fruits[44], et, en trois récoltes, il en offre trois qualités différentes. Quand les dernières pluies sont passées, le figuier parfume ses fruits verts (Cant., 2, 13) qui germent dès l'équinoxe du printemps ; ces figues de primeur se cueillent au mois de juin : ce sont les meilleures (Jérémie, 24, 2). Pendant que celles-ci mûrissent, les figues d'été commencent à pousser. Les Arabes les appellent Carmous ; elles se cueillent au mois d'août, et se conservent longtemps. A la même époque les figues d'hiver commencent à se montrer ; celles-ci ne mûrissent que fort tard dans l'automne, lorsque l'arbre a déjà perdu son feuillage. Si l'hiver n'est pas trop rigoureux, on ne les cueille qu'au mois de janvier. Elles sont plus grandes que les autres figues, d'une forme plus ovale et de couleur violette. Dès la plus haute antiquité les figues sèches étaient très-estimées ; pour les conserver plus longtemps, on en formait des masses ou cabas, que les Hébreux appelaient Debélim. Les figuiers sauvages ou les sycomores se trouvaient en grand nombre dans la plaine appelée Scheféla (I Rois, ch. 10, v. 27). Le sycomore a le tronc très-fort, et ses branches horizontales, toujours vertes, s'étendent au loin. Il a des feuilles semblables à celles du mûrier ; ses fruits, qui ressemblent aux figues, ont un goût fade et peu agréable. Le bois, quoique léger, est très-durable ; les Hébreux l'employaient aux constructions (Isaïe, 9, 9). Les cercueils des momies, que les Egyptiens faisaient du bois de sycomore, se sont conservés jusqu'à nos jours[45]. Cet arbre par sa forte constitution, ses branches d'un vaste développement et sa verdure perpétuelle, est un lieu de rendez-vous fort agréable et fort commode ; les Orientaux y grimpent encore maintenant, comme Zachée dans l'Évangile de saint Luc (19, 4), et ils s'y installent pour fumer et causer. De nos jours cet arbre parait être rare en Palestine ; Hasselquist ne le trouva que sur la côte, près de Yâfa.

Le palmier était dans les temps anciens un des plus beaux ornements de la Judée, surtout des environs de Jéricho, qui fut appelée, dès la plus haute antiquité, la ville des palmiers (Deutéron., 34, 3). Les auteurs grecs et romains vantent beaucoup les palmiers de la Judée ; selon Strabon (l. XVI, c. 41), leurs dattes sont préférables à celles de Babylone et de la Thébaïde. Cet auteur parle du bois de palmiers près de Jéricho qui, dit-il, avait cent stades de longueur. Pline parle dans le même sens[46], ainsi que Tacite (Hist., l. 5, c. 6) et Justin (l. 36, c. 2). Il existe encore des monnaies du temps des Maccabées, sur lesquelles on trouve le palmier comme emblème de la Judée, et il y a des monnaies romaines qui portent le même emblème, avec l'inscription Judœa capta. On portait des branches de palmiers dans les marches triomphales (voy. Maccabées, l. I, 13, 51, et II, 10, 7 ; Evang. de saint Jean, 12, 13), et pendant la fête des tabernacles, qui était celle des récoltes, on portait en procession les branches du palmier, ce roi du règne végétal, comme l'appelle Linné. Cet usage existe encore aujourd'hui chez les Juifs, et la plus petite synagogue des régions boréales se procure pour la fête des tabernacles quelques branches desséchées du noble arbre, souvenir de l'ancienne indépendance. Aujourd'hui la Palestine a presque perdu ce bel ornement ; les palmiers de Jéricho ont succombé sous la hache des Bédouins. Des voyageurs modernes en ont trouvé dans les environs de Saint-Jean d'Acre, de Yâfa et de Gaze ; mais ce n'est qu'à Yâfa, dit Volney (l. II, c. 7), que les palmiers commencent à porter de bons fruits. Gaze, dit le même auteur, a des dattes comme la Mecque (État phys., c. I, § 8). — C'est à Gaza aussi qu'on voit le grenadier, autrefois très-commun en Palestine, comme le prouve le nom de Rimmon (grenade) que portaient plusieurs villes. Dans le Cantique (4, 13) on parle d'un jardin de grenadiers ; des grenades ainsi que des dattes on tirait une espèce de moût (ib. 8, 2). — Les citronniers et les orangers, que la Palestine possède en grande quantité, ne sont pas mentionnés dans la Bible. Le cédrat, espèce de citronnier, est, selon la tradition rabbinique, l'arbre hadar ou le bel arbre dont parle la loi de Moïse (Lévit. 23, 40), au sujet de la fête des tabernacles. Les versions chaldaïque et syriaque sont d'accord avec cette tradition. — Le pistachier était, dès le temps de Jacob, un des arbres les plus nobles de Canaan[47] ; parmi les présents que Jacob envoie à Joseph en Égypte (Genèse, 43, 11), se trouvent des botnim, qui, selon toutes les versions orientales, sont des pistaches. Les Septante et la Vulgate ont térébinthe ; mais le fruit du térébinthe est trop insignifiant pour figurer parmi les cadeaux offerts à un vice-roi. Au reste, cet arbre, qui est de l'espèce du pistachier et qui lui ressemble beaucoup, est très-souvent mentionné dans la Bible, quoique, de nos jours, il soit fort rare en Palestine. A Mambré près de Hébron, il y avait un bois de térébinthes. Saint Jérôme dit que, dans son enfance, on montrait encore, non loin de Hébron, le vieux térébinthe sous lequel avait demeuré le patriarche Abraham. —Nous devons accorder une mention au caroubier ; il est question de son fruit dans la parabole du fils perdu (Evang. de Luc, 15, v. 16) ; le caroube était si commun qu'on en faisait manger aux bestiaux.

En arbres forestiers la Palestine possède surtout beaucoup de chênes. Richard Pocock en a compté cinq espèces. Au rapport de plusieurs voyageurs, tout le pays à l'est du Jourdain, entre le Mandhour et le Zerka (Yabbok), est riche en bois de chênes. Ce sont là probablement les chênes de Basan mentionnés dans plusieurs passages des prophètes[48]. Ézéchiel dit que les Tyriens s'en servaient pour faire des rames ; Isaïe mentionne les chênes avec quelques autres arbres dont on se servait pour le chauffage ainsi que pour la fabrication des idoles (c. 44, v. 15).

Parmi les bois que les Hébreux employaient aux constructions et que, en partie, ils tiraient des pays voisins, nous trouvons, du temps de Moïse, le bois de sittim (très-probablement une espèce d'acacia) dont on se servit pour construire le tabernacle ou le temple portatif[49]. Plus tard pour le temple de Salomon, on employait le bois de cyprès et de cèdre. Le cèdre, qui joue un si grand rôle dans la Bible, n'est pas indigène dans le pays des Hébreux ; il en sera parlé dans la description de la Syrie et du mont Liban. —

C. ANIMAUX.

La zoologie de la Palestine ne diffère point de celle des autres pays voisins. Ici encore nous n'avons pour but que de donner quelques détails qui intéressent le lecteur de la Bible, et qu'il est important de connaître pour l'intelligence de certains passages.

a. MOLLUSQUES. - POISSONS. - REPTILES.

La Bible ne mentionne qu'un très-petit nombre d'animaux mollusques. David, en parlant du juge inique et oppresseur, désire qu'il s'en aille comme le limaçon qui se fond à mesure qu'il s'avance (Ps. 58, v. 9). Dans cette image le poète fait allusion à l'humidité que le limaçon laisse sur son chemin. Un autre animal de la classe des mollusques mérite de fixer notre attention, c'est la pourpre. Quoique son nom ne se trouve pas dans la Bible, il y est question cependant des belles couleurs qu'elle fournit. Deux genres de coquilles, fournissant les couleurs dites pourpre et conchylienne, se trouvent, selon Pline, sur les rivages de Tyr et sur plusieurs autres points du littoral de la Méditerranée. Selon les anciens rabbins, des coquilles employées, pour les teintures se trouvaient sur le littoral de la Galilée[50]. Seetzen y a trouvé deux espèces de coquilles, celles que Linné appelle murex trunculus et helix ianthina.

Les poissons sont très-abondants dans le lac de Génésareth ou de Tibériade et dans le Jourdain. Quant aux espèces, nous ne les connaissons que fort peu ; la Bible parle des poissons en général, mais elle ne nous fournit aucun nom particulier. Parmi les poissons qui se trouvent dans le lac de Génésareth, Josèphe mentionne le coracinus (κορακΐνος), qu'on pêchait près de Capharnaüm, et qui, dit-il, se trouve aussi près d'Alexandrie en Égypte (de Bello jud. L 3, c. 10) ; Hasselquist ajoute le silurus, le mugil et le sparus, espèces qui se trouvent également dans le Nil (voy. Bitter, p. 316). Les anciens rabbins parlent d'un poisson de mer qu'on pêchait sur les côtes de la Galilée et qu'ils appellent Tarith[51] ; selon les commentateurs, c'est le thon.

En reptiles, nous trouvons plusieurs espèces de lézards et de serpents ; sur les huit espèces de reptiles dont parle Moïse (Lévit. ch. II, v. 29 et 30), six appartiennent à la famille des sauriens ou des lézards. On en compte encore maintenant un grand nombre de genres en Palestine et en Syrie. — Les serpents mentionnés dans la Bible n'appartenaient pas tous à la Palestine. Dans la Genèse le serpent est appelé le plus rusé de tous les animaux ; Aristote appelle également les serpents des animaux illibéraux et insidieux (νελεθερα κα πβουλα)[52]. Parmi les modernes, Seetzen parle de plusieurs espèces de serpents qu'il a rencontrées dans la Judée ; mais il dit n'y avoir pas vu de serpents venimeux. Le même auteur parle aussi de tortues.

b. INSECTES.

Dans les environs inhospitaliers de la mer Morte les scorpions se trouvent en grand nombre. Dans les Nombres (34, 4), dans le livre de Josué (15, 3) et dans celui des Juges (1, 36) nous trouvons mentionnée la hauteur des scorpions, située sur la limite méridionale de la Judée, et par conséquent, à l'ouest de la mer Morte. Volney a ouï dire qu'il y a d'énormes scorpions dans les nombreuses ruines qui se trouvent au sud-est du lac (t. II, ch. 7). Étienne Schulz en a vu beaucoup dans la plaine du Jourdain, au-dessous de Jéricho. Nous avons déjà parlé des sauterelles, qui deviennent souvent un fléau redoutable pour la Palestine, ainsi que pour la Syrie, la Perse, l'Égypte et quelques autres parties de l'Asie et de l'Afrique. Dans la Bible, on trouve neuf noms différents pour les sauterelles[53] ; il est impossible de dire quelles sont les différentes espèces désignées par ces noms ; les vastes recherches auxquelles s'est livré Bochart dans le Hierozoïcon n'ont produit aucun résultat satisfaisant. Ses successeurs, Michaelis et Tychsen, n'ont pas été plus heureux ; le premier a pensé que les quatre noms du Lévitique (ch. 11, v. 22) indiquent quatre figes ou époques des sauterelles, selon leurs différentes transformations ; cependant le texte dit très-clairement que ce sont différentes espèces. L'hypothèse de Michaelis pourrait s'appliquer avec plus de succès aux quatre noms donnés par le prophète Joël (ch. 1, v. 4), parmi lesquels on ne retrouve qu'un seul de ceux du Lévitique ; mais là encore il serait difficile d'arriver à des résultats positifs. Les anciennes versions ne nous Offrent aucun secours ; car non-seulement elles se contredisent les unes les autres, mais les noms que nous y trouvons ne nous sont pas plus connus que ceux du texte hébreu. Tout ce qu'on peut dire de certain, c'est que les Hébreux connaissaient plusieurs espèces de sauterelles, dont quatre pouvaient, selon le Lévitique, leur servir de nourriture. De ce nombre étaient saris doute les άκρίδες que mangeait Jean-Baptiste dans le désert (Matth. 3, 4 ; Marc, 1, 6). Encore aujourd'hui les Orientaux mangent des sauterelles salées ou rôties[54]. Niebuhr dit, dans sa description de l'Arabie, que les Juifs de l'Yémen en mangent avec autant de plaisir que les Mahométans, et ils prétendent que les oiseaux que Dieu envoya aux Hébreux dans le désert n'étaient que des sauterelles[55]. En Orient, ces insectes remarquables sont beaucoup plus grands que chez nous ; les ravages qu'ils font de temps en temps ont été décrits par un grand nombre d'historiens et de voyageurs ; de même que Volney, que nous avons cité, tous les autres auteurs confirment la description du prophète Joël. Les sauterelles trouvent un ennemi redoutable dans l'oiseau samarmar, qui ressemble au loriot ; cet oiseau, dit Volney, les suit en troupes nombreuses, comme celle des étourneaux ; et non-seulement il en mange à satiété, mais il en tue tout ce qu'il en peut tuer.

Il paraît que la Palestine est aussi incommodée quelquefois par une espèce de mouches. A Ekron, dans le pays des Philistins, on cherchait protection, contre ces ennemis, auprès d'une divinité spéciale, appelée Baal-Zeboub (dieu des mouches). Eugène Roger, voyageur du XVIIe siècle, raconte que pendant son séjour à Nazareth une troupe de petites mouches noires, appelées bargasch, fit invasion dans la plaine d'Esdrélon, où se trouvait un camp de Bédouins composé de six cents tentes. Hommes et bestiaux manquaient d'être étouffés par ces insectes, qui leur entraient dans la bouche et dans le nez[56]. Dans le livre de Josué (ch. 24, v. 12), on dit que deux rois des Amorites furent chassés de leur pays, non pas par les armes des Israélites, mais par un insecte appelé Sirâh[57]. Ce mot est rendu communément par frelon. Élien raconte aussi que les Phasélites, peuplade cananéenne, furent forcés par les guêpes de quitter leur pays[58].

Les abeilles qui, dans l'Orient, deviennent quelquefois très-incommodes et même dangereuses[59], étaient pourtant une des bénédictions de la Palestine. L'éducation des abeilles y avait fait sans doute de grands progrès ; car nous trouvons le miel parmi les articles de commerce que les Israélites exportaient pour Tyr (Ezéchiel, 27, 17). On y trouve aussi beaucoup d'abeilles sauvages, dont les essaims, logés dans les arbres creux et dans les rochers, y préparent un miel qui est fort estimé[60]. C'est là, sans doute, le miel sauvage de Jean-Baptiste (Math. 3, 4 ; Marc, 1,6), et le miel du rocher dont parlent Moïse et le poète Asaph (Deutéron. 32,13, et Ps. 81, 16).

Le kermès (le coccus des anciens), insecte de l'ordre des hémiptères, qui s'attache à certains arbres, notamment à l'yeuse, mérite ici une mention ; il en est souvent question dans la Bible, où on l'appelle tholaath schani (ver à cramoisi). Les Hébreux en faisaient un grand usage pour leurs teintures, et il est toujours mentionné dans l'Exode lorsqu'on parle des tissus coloriés employés dans le sanctuaire[61].

c. OISEAUX.

Dans le Lévitique (ch. 11) Moïse énumère vingt espèces, et dans le Deutéronome (ch. 14) vingt et une espèces d'oiseaux que les Israélites ne doivent pas manger. Nous ne connaissons plus maintenant la valeur exacte de tous les noms hébreux donnés par Moïse, mais nous rencontrons parmi ces noms, ceux de l'aigle, du corbeau, de plusieurs espèces d'autours, et on peut dire avec certitude qu'ils désignent, pour la plupart, des oiseaux de proie[62]. A côté de ces oiseaux impurs nous voyons figurer, dans la loi de Moïse, la colombe et la tourterelle comme les oiseaux les plus purs et les seuls admis à l'autel de Jehova, comme offrande du pauvre. Au reste, nous ne trouvons en Palestine aucun oiseau bien remarquable qui mérite ici une mention particulière, à l'exception peut-être de la columba Palæstinæ mentionnée par Hasselquist, et dont le plumage est d'une blancheur éblouissante. Parmi les animaux domestiques des anciens Hébreux nous remarquons l'absence des coqs et des oies. Il n'en est jamais question dans l'Ancien Testament ; sans doute, ces oiseaux domestiques ne furent introduits que plus tard dans la Judée. S'il faut en croire le Talmud, le coq était banni de Jérusalem, pour ne pas souiller la ville sainte par les ordures qu'il répand en grattant la terre. Cependant, dans le Nouveau Testament, il est question du chant du coq dans Jérusalem (Matth. 26, 74 ; Marc, 14, 68).

La loi de Moïse renferme une disposition spéciale en faveur des nids d'oiseaux (Deutér., ch. 22, v. 6, 7.) Il y est défendu, lorsqu'on rencontre un nid d'oiseaux sur le chemin, de prendre à la fois la mère et les petits : Tu renverras la mère, dit Moïse, et tu prendras les petits. Michaelis a vu dans cette loi un règlement de chasse, ayant pour but d'empêcher la destruction de certains oiseaux dans lesquels l'agriculteur peut voir tout d'abord des ennemis dangereux pour les semences, et qui pourtant sont très-utiles dans ces contrées pour détruire les serpents, ainsi que les troupes de mouches et de sauterelles[63]. Je rappellerai à ce sujet que de nos jours l'oiseau samarmar (turdus seleucis), le redoutable ennemi des sauterelles, est généralement respecté en Orient ; l'on ne permet en aucun temps de le tirer.

MAMMIFÈRES.

Animaux domestiques. — Animaux sauvages.

La Palestine possède, comme la Syrie, tous nos animaux domestiques, auxquels elle ajoute le buffle et le chameau à une bosse. Dans les temps anciens ce furent le bœuf et l'âne qui jouaient le plus grand rôle parmi les animaux domestiques des Hébreux ; l'un et l'autre étaient d'une grande importance pour un peuple d'agriculteurs, et nous les voyons figurer de préférence dans deux passages du Décalogue. Nous les trouvons aussi parmi les richesses des patriarches, à côté des brebis et des chameaux. Les meilleurs bœufs se trouvaient autrefois dans le pays de Basan, où il y avait de bons pâturages. David appelle ses ennemis puissants les forts (taureaux) de Basan (Ps. 22, v. 14) ; les femmes voluptueuses de Samarie sont appelées par le berger et prophète Amos (ch. 4, v. 1) vaches de Basan. La plaine de Saron, entre Yâfa et Lydda, avait aussi des pâturages de bœufs pour lesquels David nomma un inspecteur spécial (I Chron. 27, 29). On se servait des bœufs non-seulement pour labourer la terre et pour triturer les grains, mais aussi pour porter des charges et pour traîner des chariots. Il se faisait aussi une grande consommation de bœufs, non-seulement pour la table, mais aussi pour l'autel. Du lait des vaches on faisait du fromage ; le beurre, à ce qu'il paraît, était rare chez les Hébreux, comme chez tous les peuples de l'antiquité. L'âne, animal impur pour les Hébreux, leur servait de bête de somme et de monture. Grâces aux soins que les Orientaux donnent à cet animal, il devient chez eux plus grand, plus courageux et plus alerte que dans nos contrées. Il devait surtout être estimé en Palestine, pays de montagnes, et où le cheval, dans les temps anciens, était très-rare. — Le mulet est souvent mentionné dans la 1Bible, à partir de l'époque de David, soit que les Hébreux achetassent les mulets à l'étranger, ou qu'ils dérogeassent sous ce rapport à la loi de Moïse qui avait expressément défendu la copulation de deux espèces (Lévit. 19, 19). C'est à la même époque, et surtout sous Salomon, que nous voyons le cheval devenir de plus en plus commun chez les Hébreux. A la vérité, quelques anciennes peuplades cananéennes avaient des chevaux et elles s'en servaient dans la guerre[64] ; mais en général les chevaux ne pouvaient pas rendre de grands services dans un pays aussi montagneux, et Moïse, qui ne voulut pas faire des Hébreux un peuple guerrier et conquérant, se montra peu favorable à la cavalerie (Deutéron. 17, 16). Mais Salomon, qui se permettait mainte infraction à la loi de Moïse, tira beaucoup de chevaux de l'Égypte. Ce roi avait des haras bien fournis, quatorze cents chariots de guerre et une cavalerie de douze mille hommes. Ce luxe fut continué et même augmenté par ses successeurs, ce qui ne pouvait manquer de scandaliser les prophètes[65]. Une belle description du cheval se trouve dans le livre de Job (ch. 39, v. 19-25). En menu bétail nous trouvons la brebis et la chèvre ; de tout temps elles étaient extrêmement abondantes chez les Hébreux. Du temps de Josèphe on tuait pour la Pâque 256.500 agneaux[66]. La Palestine possède, comme tout l'orient et le nord de l'Afrique, une espèce de béliers qui ont la queue très-longue et très-grasse. Cette queue pèse quelquefois jusqu'à quarante livres, et on est obligé de la soutenir par un petit chariot que le bélier traîne après lui (voy. Tab. III). On comprendra maintenant, pourquoi chez les Hébreux la queue des béliers figure toujours parmi les meilleures parties de la victime qui devaient être brûlées sur l'autel[67]. Russel, dans son histoire naturelle d'Alep, parle d'une espèce particulière de chèvres, que l'on trouve en Syrie et en Palestine et qui se font remarquer par, leurs longues oreilles. Elles ont les cornes petites, le corps long et mince, le poil court, et leur couleur est presque toujours d'un rouge clair. Selon Sonnini, on appelle cette espèce chèvre de Mambré, parce qu'elle est très-commune sur la montagne de ce nom dans les environs de Hébron[68].

Il paraît que les Hébreux même avant Moïse s'abstenaient de la chair de porc ; parmi les bestiaux des patriarches nous ne trouvons jamais des pourceaux. Les Arabes, les Phéniciens, les Égyptiens, les Indiens ne les avaient pas moins en horreur. Quoiqu'on puisse conclure de plusieurs passages de la Bible que le cochon se trouvait dans l'ancienne Palestine, on ne saurait nullement admettre qu'un Hébreu se soit permis de l'élever en troupeaux. On potinait donc s'étonner tout d'abord du troupeau nombreux de pourceaux qui, selon les Évangiles, se trouvait dans les environs de Gerasa (ou mieux Gadara), non loin du lac de Tibériade[69], et qui, selon saint Marc, se composait de 2.000 individus. Mais il ne faut pas oublier que le district de Decapolis (dix villes) était habité en partie par des Grecs[70]. Les chiens, quoique très-utiles aux nomades, et fort nombreux dans toutes les localités, sont frappés du plus profond mépris chez presque tous les peuples de l'Orient, qui évitent leur attouchement comme immonde. Les Hébreux avaient sous ce rapport les mêmes préventions que leurs voisins, et les chiens vivaient chez eux dans le même état où nous les voyons encore aujourd'hui dans toute la Syrie. Selon Volney[71], on y voit une foule de chiens hideux, qui n'appartiennent à personne. Ils forment une espèce de république indépendante qui vit des aumônes du public. Ils sont cantonnés par familles et par quartiers, et, si quelqu'un d'entre eux sort de ses limites, il s'ensuit des combats qui importunent les passants. Anciennement, comme aujourd'hui, ils mangeaient des charognes (Exode, 22, 30) et quelquefois même des cadavres humains[72].

Parmi les animaux sauvages de la Palestine, nous trouvons en première ligne le lion ; de nombreux passages de la Bible ne nous permettent pas de douter que le lion n'ait existé autrefois dans ce pays, quoiqu'on ne l'y trouve plus à présent. Il habitait principalement dans les forêts de Basan (Deutéron. ch. 33, v. 22), et sur quelques points de l'Antiliban (Cant. des cantiques, ch. 4, v. 8) ; mais on le rencontrait aussi dans d'autres contrées de la Palestine. Samson, David et Benaïa luttèrent avec des lions et les tuèrent ; un prophète fut tué par un lion près de Bethel et un autre près d'Aphek, non loin de Sidon[73]. Les colons que le roi d'Assyrie envoya à Samarie furent maltraités par les lions[74]. La Bible parle aussi d'ours : David se vantait d'en avoir tué un ; des enfants qui avaient insulté le prophète Elisa, furent tués par deux ours (II Rois, 2, 24). La fureur de l'ourse privée de ses petits avait passé en proverbe chez les Hébreux[75]. Volney dit que la Syrie est maintenant exempte des lions et des ours[76] ; mais cette assertion, du moins pour ce qui concerne les ours, se trouve contredite par le témoignage de plusieurs autres voyageurs, tels que Seetzen, Burckhardt, Buckingham, Ehrenberg. Ce dernier tua sur le Liban un ours d'une espèce particulière qu'il cite sous le nom de ursus syriacus. — Le sanglier, appelé dans la Bible pourceau de forêt[77], se trouve encore maintenant en Palestine dans les montagnes et les marais ; selon Volney, il est moins grand et moins féroce que le nôtre. Burckhardt l'a vu dans le Ghor ; on le trouve surtout dans les joncs du lac d'El-houla, et c'est là très-probablement l'animal des roseaux dont parle David (Ps. 68, v. 31). Dans les lieux écartés il y a aussi des hyènes et des panthères ou des onces. L'hyène est mentionnée par Jérémie (ch. 12, v. 9), comme l'a bien vu Bochart, et comme l'avait déjà vu avant lui l'auteur de la version grecque[78]. On parle plus souvent dans la Bible de la panthère ou de l'once (NAMER, comme l'appellent encore aujourd'hui les Arabes). Dans le Cantique (3, 8), plusieurs hauteurs de l'Antiliban sont appelées montagnes de panthères. Burkhardt a vu le namer dans différentes contrées du Liban, mais il l'appelle faussement tigre. Seetzen l'a rencontré aussi dans les environs de Baniâs, au pied du Liban. C'est là et près de Hasbeïa qu'on a trouvé des loups ; mais selon Volney, le loup ainsi que le vrai renard sont très-peu connus dans ces contrées. Une espèce mitoyenne, appelée chacal, s'y trouve en fort grande quantité. Les chacals, dit Volney, habitent par troupes[79] aux environs des villes dont ils mangent les charognes ; ils n'attaquent jamais personne, et ne savent défendre leur vie que par la fuite. Chaque soir ils semblent se donner le mot pour hurler, et leurs cris, qui sont très-lugubres, durent quelquefois un quart d'heure. Les animaux dont Samson réunit trois cents, à qui il fit porter le feu dans les champs des Philistins[80], étaient très-probablement des chacals, quoique les versions rendent le mot hébreu par renards[81]. Encore maintenant on trouve les chacals en très-grand nombre près de Gaza et de Yâfa.

En gibier, le lièvre est fort commun ; Moïse l'avait défendu aux Hébreux, et c'est à ce seul sujet qu'il est mentionné dans la Bible (Lévit., 11, 6 ; Deutéron., 14, 7). Le lapin est infiniment rare. Enfin nous trouvons le genre cerf, représenté principalement par le cerf commun, la gazelle et les chamois sur les hautes montagnes (Ps. 104, v. 18). Ces animaux sont nais la Bible l'image de la prestesse et de la grâce ; la bergère dans le Cantique compare plusieurs fois son berger au cerf et à la gazelle qui saute sur les montagnes ; dans les Proverbes de Salomon (5, 19), la jeune femme fidèle et aimante est appelée une biche pleine d'amour, une gazelle pleine de grâce.

Nous bornons ici nos observations sur l'histoire naturelle de la Palestine ; nous verrons plus tard comment les Hébreux savaient lire dans le livre de la nature ouvert devant eux, comment leurs poètes ont su comprendre le langage de toutes ces œuvres de la création pour s'élever jusqu'au Créateur, et nous donnerons aussi quelques renseignements sur les connaissances que possédaient les Hébreux en physique et en histoire naturelle.

 

 

 



[1] Le travail de ce genre le plus important est l'immortel ouvrage sur la zoologie biblique, de Bochart, ministre protestant né à Rouen, en 1599. Cet ouvrage intitulé Hierazoicon, sive de animalibus sacræ scripturæ, 2 vol. grand in-fol., a eu plusieurs éditions, dont la dernière fut publiée par Rosenmüller, professeur des langues orientales à Leipzig, en 3 vol. in-4°, 1793. — Celsius, savant suédois, publia un ouvrage sur les plantes : Hierobotanicon s. de plastis S. S. 2 vol. in-80, Upsal, 1745, 1747. Oedmann, son compatriote, a écrit en suédois plusieurs mémoires sur l'histoire naturelle et la physique de l'Écriture sainte. Ces mémoires, traduits en allemand, ont été publiés à Rostock, 1786-95. — Récemment Rosenmüller, qui par ses travaux (dont la plupart sont des compilations) a rendu de très-grands services aux études bibliques, a publié une histoire naturelle de la Bible, en allemand : Biblische Naturgeschichte, vol. in-8°, Leipzig, 1830, 1831.

[2] Erdkunde, II, 363. (1re édit.)

[3] Selon Buttmann, cité par Ritter, le mot basalte (le balanites des anciens) vient d'un mot oriental vas, qui veut dire fer. Comparez Pline, Hist. nat., 36, 7. Burkhardt rapporte que les Arabes croient encore maintenant que les pierres de basalte se composent principalement de fer, et qu'on lui demandait souvent s'il ne connaissait pas de moyen pour en extraire le métal. J'observerai encore que le mot hébreu BARSEL (fer) ressemble beaucoup à basalte.

[4] Volney, Voyage ; État phys. de la Syrie, ch. I, § 7.

[5] Ritter, l. c., p. 336.

[6] Les pétrifications salines qu'on remarque dans ces contrées peuvent expliquer l'origine de la tradition sur la femme de Lot, qui, s'étant arrêtée trop longtemps dans ces lieux de désolation, y trouva la mort et devint une colonne de sel (Genèse, ch. 19, v. 26,). Jahn, professeur de théologie et chanoine de l'église métropolitaine de Vienne, savant orientaliste, mais nullement favorable au rationalisme, n'a pas hésité à prendre le NECIB MELAITH de la Genèse pour un monument élevé à la mémoire de la femme de Lot, et qui consistait en un monceau de pétrifications salines. Voyez Biblische Archœologie, t. I, p. 161.

[7] Volney, l. c.

[8] Il y a encore d'autres puits d'asphalte dans les environs de Hasbela dans l'ancienne Galilée.

[9] Dans la Bible, qui ne renferme que quelques débris de la littérature hébraïque, nous trouvons 250 noms de plantes.

[10] Minnith était situé dans le pays des Ammonites (Juges, 11, 33.)

[11] Volney, État phys. de la Syrie, ch. I, § 8. Selon cet auteur, le seigle se cultive également en Syrie. L'avoine et le seigle ne sont pas mentionnés dans la Bible ; mais il en est question très-probablement dans la Mischna (texte du Talmud). On y mentionne deux espèces de blé sous les noms de SCHIRBOLETH SCHOUAL (épi de renard) et SCHIPHON. Selon les commentateurs le premier désigne l'avoine et le second le seigle.

[12] Volney, l. c.

[13] En hébreu DOHHAN.

[14] Il ne peut y avoir aucun doute sur le sens du mot hébreu adaschîm ; maintenant les lentilles portent le même nom chez les Arabes, qui disent adas.

[15] Juvénal, Sat., 15, v. 9, 10.

Porrum et cepe nes violare, ac frangere morsu.

O sanctas gentes, quibus hæc nascuntur in hortis

Numinal !

Les Brahmanes s'abstiennent également de ces plantes. Voyez les Lois de Manou, liv. 5, § 6.

[16] Matth., 23, 23.

[17] Mischna, des dîmes, ch. 4, § 6.

[18] Voyez aussi la parabole sur le royaume des cieux, Matth., 13, 31 ; Marc, 4, 31 ; Luc, 13, 19.

[19] Voyez le Sépher schoraschîm (livre des racines) de R. David Kimchi.

[20] Voyez Lévit., ch. 14, V. 4 et 49 ; Nombres, ch. 19, V. 6.

[21] II Rois, 4, 39.

[22] Ce mot signifie aussi poison. Voyez Deutéron., 29, 18 ; 32, 33.

[23] Et careant toliis oculos vitiantibus agri. Ovide, Fastes, 1, 691.

[24] T. II, ch. 13.

[25] Voyez Hartmann, Die Hebrœerim am Putztische (sur la toilette des femmes chez les anciens Hébreux), t. II, p. 356 et suiv.

[26] Erdkunde, t. II, p. 431.

[27] Opes genti ex vectigalibus opobalsami crevere, quod in his tantum regionibus. Hist., l. 36, c. 3. Voyez aussi Tacite, Hist., l. 5, c. 6.

[28] Modica arbor, dit Tacite.

[29] Si vim ferri adhibeas, pavent venœ, fragmine lapidis aut testa aperiuntur. Tacite, l. c. Inciditur vitro, lapide, osseisve cultellis ; ferro lœdi vitalia odit. Pline, l. c.

[30] Relation de l'Égypte par Abdallatif, traduction de M. Silvestre de Sacy, page 21.

[31] Genèse, 37, 25 ; Jérémie, 8, 22 ; 46, 110.

[32] Sammlungen, troisième cahier, p. 11, et suiv.

[33] Biblische Naturgeschichte, t. I, p. 168 et suiv. On peut observer contre cette opinion que les Septante rendent le mot hébreu Çori par ρητίνη (gomme, résine), et que, selon le Talmud, le Çori est une résine qui coule des arbustes du baumier (Kerithoth, fol. 6 recto). Voyez aussi le commentaire de Yarchi à la Genèse 37, 25. Il est donc plus probable que le baumier était autrefois cultivé dans le pays de Gilead.

[34] Sans doute parce que les feuilles du cotonnier ressemblent à celles de la vigne.

[35] Comparer Braun : De vestitu sacerdotom hebrœorum, lib. I, c. 6 et 7. — Jahn, Rosenmüller, Gesénius, et d'autres savants qui ont écrit sur l'archéologie biblique, voient le coton, non-seulement dans le bouss, mais aussi dans le schesch que l'on trouve déjà dans l'histoire de Joseph en Égypte (Genèse, ch. 41, v. 42) ; mais les traditions des anciens rabbins, plus rapprochés des temps bibliques, ne sont nullement à dédaigner. La ressemblance des mots bouss et byssus ne prouve rien, car le mot byssus lui-même a un sens très-vague et se prend aussi pour le lin. Au reste, le célèbre philologue J. H. Voss s'est livré au sujet du byssus à des recherches profondes et il a prouvé que le coton, originaire de l'île de Tylos dans le golfe Persique, n'a été apporté aux Hébreux que peu de temps avant l'exil de Babylone, et plus tard encore aux Égyptiens. Voyez Mythologische Briefe, deuxième édition, t. III, p. 262 et suiv. Voyez aussi, à l'appui de cette opinion : Dutrochet, Note sur la substance végétale qui a servi à la fabrication des toiles qui enveloppent les momies d'Égypte. Compte rendu des séances de l'Académie des sciences, vol. IV, pag. 739 ; séance du 15 mai 1837.

[36] T. II, vers la fin du ch. 6.

[37] Selon Shaw, on en fait aussi du sirop dont on exporte en Égypte 300 charges de chameau par an (Travels, p. 339, deuxième édit.).

[38] Schulz, Leitungen des Hœchsten, t. V, p. 285. — Être assis sous sa vigne et sous son figuier est, dans la Bible, une expression proverbiale, qui veut dire : vivre en paix.

[39] Genèse, 49, 11 ; Deutéron., 32, 14. Comparez Isaïe, 63, 2 et suiv.

[40] Jahn, Archéologie, t. I, p. 397.

[41] Rosenmüller, l. c., t. I, p. 259.

[42] Dans un passage de Nehemias (8, 15) il est expressément distingué de l'olivier cultivé, qui s'appelle Zaïth.

[43] Schulz, l. c. p. 88.

[44] Josèphe, de Bello jud., l. III, ch. 10, § 5.

[45] Voyez Ritter, Erdkunde, II, 432. Cet auteur cite aussi, d'après Clarke, des tableaux sur bois de sycomore, trouvés dans l'église de Sainte-Anne à Siphori en Galilée, et transportés à Cambridge. Ces tableaux, qui remontent bien au delà du dixième siècle, se sont conservés sans être piqués de vers.

[46] Judæa vero inclyta est vel magis palmis (l. 13, c. 6). — Sed ut copia ibi atque fertilitas, ita nobilitas in Judæa, nec in tota ; sed ad Hierichuntem maxime.

[47] Maintenant Alep a le privilège exclusif des pistaches. Volney, l. c.

[48] Isaïe, 2, 13 ; Ézéchiel, 27, 6 ; Zacharie, 11, 2.

[49] L'arbre sitta, en arabe sant est la spina ægyptia (mimosa nilotica, Linn.) On le trouve surtout en Égypte et en Arabie ; il devait être commun dans le pays de Noah sur les limites de la Palestine, où nous trouvons la vallée des Sittim (Joël, 4, 18 ; comp. Nombres, 26, 1 ; Jos., 2, I).

[50] Voyez la paraphrase chaldaïque de Jonathan, Deutéron., ch. 33, V. 19, et plusieurs autres passages cités dans le Lexicon chald. talmud. et rabbinicum de Buxtorf, col. 760.

[51] Paraphr. chald., l. c.

[52] Hist. anim., l. I, vers la fin du ch. 1.

[53] Voyez Oedmann, deuxième cahier, ch. 6 ; de Wette, Archœologie, § 82, IV, not. a.

[54] Joseph de Saint-Ange dit dans son Gazophylacium persicum : J'ai mangé de bons plats de ces sauterelles à l'exemple des Arabes, qui les mangent cuites dans l'eau avec du sel. Elles sont aussi bonnes comme les plus grosses chevrettes de mer, auxquelles elles ressemblent. Job Ludolf dit que les Éthiopiens les mangent avec avidité, et il ajoute : suavis enim valde, necnon salubris est cibus. Voyez Historia æthiop., l. I, c. 13. Le même auteur cite à ce sujet une foule de naturalistes et de voyageurs anciens et modernes. Commentar. ad hist. æthiop., p. 168 et suiv.

[55] La même opinion a été soutenue par Ludolf, l. c., p. 186 et suiv. Mais la plupart des commentateurs anciens et modernes prennent les selaw pour des cailles, et c'est aussi l'opinion de Buffon.

[56] Voyez La Terre sainte par Roger, p. 84.

[57] Moïse avait prédit que cet insecte serait un puissant auxiliaire pour les Hébreux. Exode, 23, 28 ; Deutéron., 7, 20. Selon le Talmud il piquait les ennemis aux yeux et sa piqûre était mortelle.

[58] Histoire des animaux, l. XI, ch. 28.

[59] Voyez Oedmann, Sammlungen, sixième cahier, p. 131 et suiv. Dans la Bible les abeilles sont quelquefois l'image d'ennemis nombreux et persécuteurs. Voyez Deutéron., 1, 44 ; Psaume, 118, v. 12.

[60] Voyez les rapports de plusieurs voyageurs cités par Rosenmüller : Biblische Naturgeschichte, t. II, p. 425, 426.

[61] Volney dit que la plante à cochenille croit sur toute la côte de la Syrie, et il ajoute qu'elle nourrit peut-être déjà cet insecte précieux comme au Mexique et à Saint-Domingue.

[62] Les oiseaux carnivores et les oiseaux de proie sont aussi défendus aux Brahmanes. (Lois de Manou, l. 5, § 11 et 13).

[63] Voyez dans le Syntagma commentationum de Michaelis, t. II, la dissertation intitulée : Lex mosaica Deut. XXII, 6, 7, ex historia naturali et moribus Ægyptiorum illustrata, et le Droit mosaïque (Mosaisches Recht) du même auteur, t. III, § 171.

[64] Voyez Josué, ch. 11, v. 4 ; Juges, ch. 5, v. 22.

[65] Voyez Isaïe, ch. 2, v. 47 ; Osée, ch. 1, v. 4.

[66] De Bello jud., l. 6, c. 9.

[67] Voyez dans le tome IV de la Bible de M. Cahen, les Réflexions sur le culte des anciens Hébreux par S. Munk, page 31.

[68] Voyez Rosenmüller, t. II, p. 85.

[69] Matth., ch. 8, v. 30 ; Marc, ch. 6, v. 11 et 13 ; Luc, ch. 8, v. 32.

[70] Les villes de Gerasa, de Gadara et de Hippos sont appelées par Josèphe des villes grecques. Antiq., l. 17, ch. 11, § 4.

[71] Voyages, t. II à la fin du ch. 9.

[72] Voyez I Rois, ch. 14, v. 11 ; ch. 16, v. 4 ; ch. 21, v. 23 et 24 ; II Rois, ch. 9, v. 35 et 36.

[73] Voyez Juges, ch. 14, v. 5 ; I Sam., ch. 17, v. 39 ; II Sam., ch. 32, v. 20 ; I Rois, ch. 13, v. 24, et ch. 20, v. 36.

[74] II Rois, 17, 25.

[75] On lit dans les Proverbes de Salomon (17, 13) : Il vaut mieux rencontrer une ourse privée de ses petits, qu'un sot dans sa sottise. Voyez aussi II Sam., 13, 8.

[76] État physique de la Syrie, ch. 1, dans la note à la fin du § 8.

[77] Ps. 80, v. 14.

[78] Les mots de l'original que la Vulgate rend par avis discolor, signifient rapax bestia hyœna. La version grecque porte σπήλαιον όαίνης, caverne d'hyène.

[79] Selon Belon, ces troupes se composent quelquefois de deux cents individus. Observations, t. II, ch. 108.

[80] Voyez Juges, 15, 4.

[81] Le mot SCHOUAL qui, en effet, est le nom hébreu du renard, désigne quelquefois le chacal. David désire que ses persécuteurs soient la proie des schoualim (Ps. 63, v. 11) ; ici il ne peut guère être question des renards, mais bien des chacals, qui, selon le témoignage des voyageurs, mangent des cadavres.