PALESTINE

 

LIVRE PREMIER. — ÉTAT PHYSIQUE ET TOPOGRAPHIE DE LA PALESTINE

CHAPITRE PREMIER —  La Palestine, ses noms, sa position, ses limites.

 

 

Sous le nom de Palestine, nous comprenons le petit pays habité autrefois par les Israélites, et qui aujourd'hui fait partie des pachalies d'Acre et de Damas. Il s'étendait entre le 31e et 33e degré latitude N. et entre le 32e et 35e degré longitude E., sur une superficie d'environ 1300 lieues carrées. Quelques écrivains jaloux de donner au pays des Hébreux une certaine importance politique, ont exagéré l'étendue de la Palestine ; mais nous avons pour nous une autorité que l'on ne saurait récuser. Saint Jérôme, qui avait longtemps voyagé dans cette contrée, dit dans sa lettre à Dardanus (ep. 129) que de la limite du nord jusqu'à celle du midi il n'y avait qu'une distance de 160 milles romains, ce qui fait environ 55 lieues. Il rend cet hommage à la vérité bien qu'il craigne, comme il ledit lui-même, de livrer par là la terre promise aux sarcasmes des païens[1].

Quant au nom de Palestine, qui nous a été transmis par les auteurs grecs, et dont se servaient aussi Josèphe et Philon, il dérive du nom hébreu Peléscheth. Il ne désignait que la partie sud-ouest du pays, habitée par les Philistins et qui forme encore aujourd'hui la Palestine proprement dite. Le plus ancien nom du pays que nous trouvions chez les auteurs hébreux est celui de Canaan. Ce nom cependant ne désignait que la partie située entre le Jourdain et la Méditerranée, mais il comprenait aussi la Phénicie et le pays des Philistins. Il dérive de Canaan, fils de Cham, auquel les anciens habitants du pays faisaient remonter leur généalogie. On trouve ce nom sur les monnaies phéniciennes, et saint Augustin rapporte qu'il était usité encore de son temps en Afrique parmi les paysans des environs de Carthage qui s'appelaient eux-mêmes Canani, comme descendants des Phéniciens. Depuis l'entrée des Hébreux, la Palestine est désignée sous plusieurs autres dénominations, telles que terre des Hébreux, terre d'Israël. Après l'exil de Babylone, elle fut appelée terre de Juda, d'où vient le nom de Judée, dont se servent les auteurs romains. Le prophète Zacharie l'appelle terre sainte, nom qui est en faveur auprès des juifs modernes et des chrétiens. Le nom de terre promise appartient au Nouveau Testament ; on le trouve dans l'Épître aux Hébreux (ch. II, v. 9).

Il est difficile de bien fixer les limites de la Palestine, qui varièrent beaucoup à différentes époques et sur lesquelles nous ne trouvons pas toujours des données bien précises. Selon la Genèse (ch. 10, v. 19), l'ancienne terre de Canaan s'étendait sur la côte de la Méditerranée depuis Sidon jusqu'à Gaza ; de là la limite méridionale tournait vers l'ancien emplacement de Sodome et Gomorrhe ou vers la mer Morte, et s'avançait à l'est jusqu'à Lasa, qui, selon saint Jérôme, est Callirrhoé au sud-est de la mer Morte. L'auteur de la Genèse ne nous dit pas jusqu'où s'étendait la limite septentrionale à partir de Sidon vers l'est. Quant à la limite orientale, elle était formée très- probablement par le Jourdain, de sorte que nous ne sommes dans l'incertitude que sur l'intervalle qui se trouve entre les sources de cette rivière et la ville de Sidon. Mais les limites de la terré d'Israël ne sont pas les mêmes que celles de l'ancienne Canaan. A l'est les possessions des Hébreux s'étendirent bien loin au delà du Jourdain ; les limites du pays en deçà du Jourdain n'ont jamais été en réalité celles que Moise avait assignées aux Hébreux (Nombres, ch. 34, v. 2-12). Les conquêtes de David et de Salomon, au delà des limites de Canaan, ne doivent point nous occuper ici, et pour ne pas nous perdre dans des conjectures hasardées, nous nous en tiendrons à quelques passages de la Bible qui nous paraissent contenir les données les moins douteuses et les moins vagues sur les limites de la terre d'Israël. Voici ce qui résulte de plus certain de la combinaison de ces passages : A l'orient, au delà du Jourdain, le pays des Hébreux s'étendit jusque dans le désert, vers l'Euphrate, sans que les limites fussent bien fixées — sous Salomon, qui bâtit Tadmor (Palmyre), la ville de Thapsacus, sur l'Euphrate, est le point extrême du royaume vers le N. E. —. Au nord il aboutit au territoire de Damas, à l'Antiliban et au territoire de Tyr. La limite occidentale est la Méditerranée jusqu'à l'embouchure du torrent d'Égypte (maintenant Wadi-el-arisch), bien que plusieurs villes aient été longtemps occupées par les Phéniciens au nord et par les Philistins au midi. La limite du midi partant d'Elarîsch se dirige vers la pointe méridionale de la mer Morte (Jos., ch. 15, v. 2) ; mais à l'est de cette mer et du Jourdain, les possessions des Hébreux ne dépassaient pas vers le midi le torrent d'Amon (maintenant Wadimoudjeb) qui les séparait du pays des Moabites.

 

 

 



[1] Pudet dicere lalitudinem terræ repromissionis, ne ethnicis occasionem blasphemandi dedisse videamur.