HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

TROISIÈME PARTIE. — VERS UNE RESTAURATION RELIGIEUSE

CHAPITRE V. — LE MOUVEMENT RELIGIEUX, DE L'APPARITION DU GÉNIE DU CHRISTIANISME (1802) À L'APPARITION DE L'ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE (1817-1823).

 

 

Quelle que soit l'importance des événements politiques que nous venons d'étudier, quels qu'aient été le génie ou la sainteté des hommes qui en furent les principaux acteurs, ni la grandeur de ces événements ni la valeur de ces hommes ne sauraient rendre compte par elles-mêmes du mouvement de restauration religieuse qui s'accomplissait au lendemain de la Révolution. Ce mouvement avait sa principale source dans un travail de rénovation intérieure qui se faisait au fond des âmes et dont nous trouvons l'expression dans les écrivains de cette époque.

Le plus grand de ces écrivains, Chateaubriand, a dit, à propos de son œuvre, avec le ton prétentieux qui lui était familier : Napoléon n'eût pas été ce qu'il fut, si la Muse n'avait été là : la raison accomplissait les idées du poète. En réalité, le poète, comme le législateur, loin d'avoir brusquement retourné l'opinion, dut son succès même à ce que l'opinion était déjà, plus ou moins, secrètement changée[1]. Nous avons, plus haut, indiqué les principales causes de ce changement. Chateaubriand lui-même, parlant d'une autre époque, qui n'est pas sans quelque analogie avec la sienne, a écrit : Quand la poussière qui sortait de l'écroulement de tant de monuments fut tombée, quand la mort eut fait taire le gémissement de tant de victimes, quand le bruit de la chute du colosse eut cessé, alors ou aperçut une croix et, au pied de cette croix, un monde nouveau. Quelques prêtres, l'Evangile à la main, assis sur des ruines, ressuscitaient la société au milieu des tombeaux, comme Jésus-Christ rendit la vie aux enfants de ceux qui avaient cru en lui[2]. C'est de la chute de l'empire romain qu'il est question dans ces lignes ; et les maîtres de la critique historique la mieux informée, sans employer cet éblouissant langage, ne disent pas autre chose à ce sujet[3]. De même, au lendemain de la Révolution, c'est toujours Chateaubriand qui parle, — combien de familles mutilées avaient à chercher auprès du Père commun des hommes, les enfants qu'elles avaient perdus ! Combien de cœurs brisés, combien d'âmes solitaires appelaient une main divine pour les guérir ! Les victimes de nos troubles se sauvaient à l'autel, ainsi que les naufragés s'attachent au rocher sur lequel ils cherchent leur salut[4]. Des poètes, des artistes et des philosophes, de Chateaubriand à La Mennais, d'Overbeck à Gœrres, de Walter Scott à Pusey, se firent les échos, plus ou moins fidèles, de ce réveil de la foi religieuse, qui eut ses trois principaux foyers en France, en Allemagne et en Angleterre.

 

I

Le 18 avril 1802, le jour même où un Te Deum solennel fut chanté à Notre-Dame pour célébrer la conclusion du Concordat, le Moniteur publia un article de Fontanes sur le Génie du christianisme, qui venait de paraître quatre jours auparavant. L'auteur de cet ouvrage était ce jeune vicomte de Chateaubriand, dont nous avons déjà plusieurs fois rencontré le nom dans cette histoire. Emigré en Angleterre, il y avait publié, eu 1797, un livre étrange, l'Essai sur les révolutions, dont l'idée essentielle était, suivant sa propre déclaration, qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil et qu'on retrouve dans les révolutions anciennes et modernes les personnages et les principaux traits de la Révolution française[5]. En cette œuvre de jeunesse, œuvre de doute plutôt que de véritable négation, des pages nettement inspirées par les doctrines de l'Encyclopédie côtoyaient des pages d'une inspiration toute religieuse[6]. Un an plus tard, l'auteur de l'Essai sur les révolutions, apprenant la mort de sa mère, sentit un brusque revirement s'opérer en lui. J'ai pleuré et j'ai cru, a-t-il écrit. De la crise que détermina cette mort, a dit Brunetière, il sortit transformé. La pensée de son Génie du christianisme naquit du fond de sa douleur même. Le but de cet ouvrage était de montrer, à l'encontre de tout ce qui avait été enseigné par l'Encyclopédie et par l'Essai sur les mœurs, que, de toutes les religions (et l'on peut dire : de toutes les doctrines morales) qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres ; que le monde moderne lui doit tout ; qu'il n'y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; qu'elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l'écrivain et des moules parfaits à l'artiste[7]. L'édition originale, qui comprenait cinq volumes in-8° et qui avait été tirée à quatre mille exemplaires, fut épuisée en quelques mois. Ce nouveau venu parlait une langue toute nouvelle d'ampleur, d'harmonie et de majesté. Imaginez l'éloquence de Rousseau, la couleur de Bernardin, la douceur insinuante et la langueur de grâces de Fénelon fondues ensemble[8].

Il y avait plus. Si la valeur littéraire du Génie du christianisme était de tout premier ordre, sa valeur apologétique était réelle. On a souvent mai jugé celle-ci, faute de la regarder du véritable point de vue qui lui convient.

A l'origine du courant d'incrédulité qui avait corrompu les dernières années de l'ancien régime et empoisonné toute la Révolution, nous avons remarqué deux sources principales : l'ironie dissolvante de Voltaire et l'utopie sentimentale de Rousseau. Le Génie du christianisme imposait silence au rire de Voltaire, et il orientait le sentimentalisme de Rousseau vers la religion catholique. En montrant que le catholicisme est beau et que nous devons l'admirer, il préparait la voie à ceux qui viendraient démontrer qu'il est vrai et qu'il faut le croire. Et, ce disant, le nouvel apologiste ne faisait qu'appliquer la méthode apologétique donnée par Pascal : Montrer que la religion est vénérable, en donner respect ; la rendre ensuite aimable ; faire souhaiter aux bons qu'elle fût vraie ; et puis montrer qu'elle est vraie[9]. Voltaire avait dépensé beaucoup d'esprit à vouloir démontrer que les Saints Livres, lors même qu'ils ne seraient ni apocryphes, ni falsifiés, ni menteurs, étaient immoraux, absurdes et ridicules. Chateaubriand, comparant fièrement la Bible aux poèmes d'Homère, montrait dans le Livre sacré non seulement les préceptes les plus élevés de la morale, les vues les plus hautes sur l'origine du monde et sur ses destinées, mais encore le style le plus noble, le plus simple, le plus varié, le plus sublime que les hommes aient jamais entendu[10]. Jean-Jacques Rousseau avait chanté des hymnes à la conscience et avait gémi de voir les hommes accepter tant d'intermédiaires entre Dieu et eux. Chateaubriand montrait la grandeur et la beauté non seulement de Dieu et de Jésus-Christ, mais de l'Eglise, de son sacerdoce, de ses sacrements et de ses rites. Il trouvait, pour célébrer les cérémonies de la Fête-Dieu et des Rogations, la grandeur des sacrements d'Extrême-Onction et de Pénitence, des images si belles, des accents si émus, dans une langue si harmonieuse, que les cœurs en étaient touchés.

Certes, on a raison de noter tout ce qui rend une pareille apologétique incomplète et, à certains égards, suspecte : un plan diffus et qui n'a rien de philosophique ; un style souvent prétentieux ; l'abus des antithèses et des contrastes prolongés ; des phrases vides et sonores ; la confusion perpétuelle du merveilleux avec le surnaturel ; des lacunes et des sophismes[11]. Tels de ces défauts, il faut en convenir, ne contribuèrent pas moins que les qualités de ce livre à son succès. L'influence qu'il exerça fut cent fois plus grande que son mérite. C'était bien moins, en effet, l'œuvre d'un homme que l'œuvre d'une situation. Ce charmeur éblouissant, qui voulait ramener le monde à la religion du passé, entrait si bien dans les préoccupations des hommes de son temps, comprenait si merveilleusement leurs aspirations, leurs goûts et leurs fiertés !

On lisait, aux dernières pages du Génie du christianisme[12] : Rechercher quelle a été l'influence du christianisme sur les lois et sur les gouvernements, comme nous l'avons fait pour la morale et pour la poésie, serait le sujet d'un fort bel ouvrage. Nous indiquerons seulement la route... Montesquieu a fort bien prouvé que le christianisme est opposé d'esprit et de conseil au pouvoir arbitraire... N'existe-t-il pas des républiques chrétiennes qui paraissent plus attachées à leur religion que les monarchies ?... Le système représentatif découle en partie des institutions ecclésiastiques. L'Eglise en offrit la première image dans ses conciles... Le christianisme est surtout admirable pour avoir converti l'homme physique en l'homme moral... Les préceptes de l'Evangile forment le véritable citoyen. Dans une page importante de sa préface pour la réédition de l'Essai sur les révolutions, Chateaubriand revenait sur ces idées. Je ne redeviendrai incrédule, disait-il, que quand on m'aura démontré que le christianisme est incompatible avec la liberté... Le christianisme porte pour moi deux preuves de sa céleste origine : par sa morale, il tend à nous délivrer des passions ; par sa politique, il a aboli l'esclavage. C'est donc une religion de liberté : c'est la mienne.

Ces lignes font pressentir tout le mouvement politique et social qui remplira la première moitié du XIXe siècle ; les idées et les rêves qui agiteront les pensées de La Mennais et de Saint-Simon y sont déjà vaguement esquissés ; et l'on ne s'étonne pas de lire dans les Mémoires d'outre-tombe[13] : Le Génie du christianisme étant à faire, je le concevrais tout différemment... Je ferais voir que le christianisme est la pensée de l'avenir et de la liberté humaine... parce qu'il place, auprès de l'égalité, la nécessité du devoir, correctif et régulateur de l'instinct démocratique.

 

II

Sur ce terrain, d'ailleurs, d'une restauration religieuse considérée au point de vue politique et social, Chateaubriand n'était pas le seul catholique qui fit entendre sa voix. Au moment où le Génie du christianisme ébauchait, dans ses deux derniers chapitres, une apologétique fondée sur l'adaptation des doctrines du christianisme aux aspirations constitutionnelles et démocratiques de l'époque, deux écrivains religieux avaient envisagé le problème d'un point de vue tout opposé. Si nous avions voulu nous conformer à la succession des ouvrages plutôt qu'à la succession des influences, nous aurions parlé de Joseph de Maistre et du vicomte de Bonald avant de parler de Chateaubriand.

Six ans avant l'apparition du Génie du christianisme, en 1796, presque simultanément, Joseph de Maistre avait fait paraître à Lausanne ses Considérations sur la France, et Bonald avait publié à Constance sa Théorie du pouvoir civil et religieux. Mais ces deux ouvrages, spécialement écrits pour les philosophes et les politiques, ne devaient exercer que lentement leur influence ; l'œuvre de Chateaubriand, littéraire et dramatique, réunissant à la fois tous les genres et tous les tons, donnant en même temps les préceptes et les modèles, n'eut pas de peine à les distancer. A la longue, pourtant, les œuvres philosophiques des deux penseurs ne s'imposèrent pas moins à l'attention publique. Chateaubriand était de Bretagne, Joseph de Maistre de Savoie, Louis de Bonald d'Auvergne. Les différentes provinces de la France (la Savoie étant dès lors française par la langue et par l'esprit) semblaient contribuer à l'œuvre de rénovation. Tous les trois étaient nobles. La noblesse frivole du XVIIIe siècle avait défait, en se jouant, les idées chrétiennes. Après le vicomte de Chateaubriand, le comte de Maistre et le vicomte de Bonald venaient, comme de preux chevaliers, combattre pour l'antique foi[14].

Par leurs méthodes comme par leurs doctrines, Joseph de Maistre et Louis de Bonald se séparaient nettement de Chateaubriand.

La méthode de Joseph de Maistre, ainsi que l'a constaté Auguste Comte[15], a été essentiellement une méthode positive. Nul plus que lui ne fait valoir les avantages pratiques, effectifs, des doctrines et des institutions religieuses[16]. Dans son livre des Considérations, paru en 1796, comme dans celui du Pape, qui paraîtra en 1819, et dans les Soirées de Saint-Pétersbourg, qui seront publiées après sa mort, en 1821, il ne vise à rien moins qu'à montrer dans les vérités religieuses des vérités sociales, ou, comme il dit, des lois du monde. Il semble même que ; sur ce point, son style, ami du paradoxe et de l'outrance, arrive à des formules qu'une saine orthodoxie, soucieuse de défendre l'autonomie du surnaturel, ne saurait admettre : Les vérités théologiques, écrit-il, ne sont que des vérités générales, manifestées et divinisées dans l'ordre religieux, de manière qu'on ne saurait en attaquer une sans attaquer une loi du monde. Or, quelle est cette loi supérieure du monde, à laquelle tout est lié ? C'est avant tout que l'homme, en sa qualité d'être à la fois moral et corrompu, doit nécessairement être gouverné. Il suit de là que lorsque la Révolution a voulu faire établir ou réglementer l'autorité par le suffrage des peuples, elle a fait une œuvre radicalement mauvaise, satanique dans son essence[17] ; car il est une vérité aussi certaine dans son genre qu'une proposition mathématique, c'est que nulle grande institution ne résulte d'une délibération[18]. L'infaillibilité de l'Eglise elle-même n'est que l'application du droit commun à toutes les souverainetés possibles[19].

Telles sont les maximes que Joseph de Maistre professe, affirme, proclame, heurtant de front les préjugés, froissant les passions contraires, brisant les résistances : hautain, mordant, impitoyable, sentencieux comme Montesquieu et sarcastique comme Voltaire[20]. Mais il faut bien reconnaître que, si toutes les doctrines du philosophe savoyard ne peuvent pas être admises sans réserve, deux mérites ne peuvent lui être refusés : nul n'a mieux que lui fait voir le vide et le danger des utopies puisées dans Rousseau, et, d'autre part, personne n'a mieux fait saisir aux lecteurs de Voltaire ce qu'il y a de vérité humaine dans les dogmes chrétiens, de valeur sociale dans le catholicisme ; et, à ces points de vue, son apologétique, dégagée de ses excès de langage et de doctrine, vient rejoindre et heureusement compléter celle de Chateaubriand.

Comme la théorie de Joseph de Maistre, et comme celle de Chateaubriand, la doctrine de Louis de Bonald n'est pas exempte de quelque exagération. L'exagération, pour Bonald, consiste à grandir outre mesure l'influence de la tradition, aux dépens de la raison. Il a été l'initiateur de ce traditionalisme que l'Eglise a plus tard dû condamner. Mais son premier dessein était bon et opportun : c'était de relever dans les esprits, troublés par les innovations révolutionnaires, l'idée de tradition. Bonald défend sa doctrine avec une acuité d'observation et une force de logique remarquables. Malheureusement son observation est souvent trop étroite et sa logique trop rigide. Si l'homme naît partout le même, dit-il[21], la même constitution politique et religieuse doit convenir à toutes les sociétés. Or, la constitution que la tradition indique à Bonald comme la seule possible est la monarchie. D'où il conclut : Sans monarchie, point de constitution. Une république est, par essence, un état non constitué[22]. L'homme d'ailleurs n'existe que pour la société, et la société ne le forme que pour elle[23]. Bonald a une confiance absolue dans la législation pour modifier les mœurs. Dès lors, quel est le remède à la plus grande corruption ? Des lois parfaites[24]. Joseph de Maistre n'avait jamais cru que la lutte contre l'individualisme pût autoriser de telles maximes. Toute loi, disait-il, est inutile et même funeste, si excellente qu'elle puisse être en elle-même, si la nation n'est pas digne de la loi ou faite pour la loi.

Mais il est un point sur lequel Bonald doit être approuvé sans réserve. Il a proclamé, avec une force et une persistance inlassables, que dans l'organisation sociale le respect de la moralité doit passer avant le souci de la richesse ; l'homme avant la machine. Le devoir d'un gouvernement, dit-il[25], est de perfectionner les hommes au moral comme au physique, plutôt que de perfectionner des machines.

En somme, avec moins d'éclat que Chateaubriand, avec moins de relief que Joseph de Maistre, Louis de Bonald avait apporté son tribut de penseur à l'œuvre de la restauration religieuse. N'eût-il fait que relever la grande idée de la tradition et celle de la dignité humaine, il mériterait une place d'honneur parmi les penseurs français du lue siècle.

 

III

Les trois apologistes dont nous venons de parler étaient laïques. L'Eglise n'avait pas encore vu se lever, du sein de son clergé, le docteur, préparé par la Providence, qu'à des époques de crise elle avait presque toujours trouvé sur son chemin ; et l'on cherchait celui qui, tel qu'un Athanase devant Arius, ou qu'un Augustin devant Pélage, ou qu'un Cajétan devant Luther, briserait l'idole révolutionnaire devant les fils de Voltaire et de Rousseau.

De saints prêtres avaient, depuis la Révolution, dépensé des trésors de zèle et de science à édifier les fidèles et à combattre les ennemis de la religion. Plusieurs anciens membres de la Compagnie de Jésus, sous les noms provisoires de Pères de la Foi et de Pères du Sacré-Cœur, avaient prêché des missions et fondé des collèges[26] ; et l'histoire de l'Eglise doit retenir les noms de ces vaillants apôtres que furent les PP. de Clorivière, Varia, Tournely et Delpuits. Ce dernier avait reconstitué, le 2 février x801, en la fête de la Purification de Marie, dans son humble chambre de religieux, avec six étudiants en droit et en médecine, une association pieuse, fondée jadis en 176o sous le patronage de la Sainte Vierge. Lacordaire a dit du P. Delpuits que si d'autres ont acquis plus de gloire dans leurs rapports avec la jeunesse de France, aucun n'en a mérité davantage. La société restaurée par le saint religieux n'était autre que cette célèbre Congrégation, dont une odieuse légende a voulu faire l'organisation d'une conspiration permanente, a qui fut avant tout une association de pure et vraie piété, un foyer d'œuvres charitables. De futurs prêtres, comme Paul Teysseyrre, de futurs évêques, comme Charles de Forbin-Janson, de futurs maîtres de la science, comme René Laënnec et Augustin Cauchy, vinrent s'y former à la solide dévotion et au zèle apostolique[27]. La Société des missionnaires de France, fondée à Lyon, en 1808, par le P. Rauzan, avait évangélisé les villes et les campagnes[28]. Frayssinous avait, dès le début du siècle, exposé à la jeunesse, dans une chapelle de l'église Saint-Sulpice, les fondements et les vérités premières de la foi[29]. La Luzerne et Combalot[30] avaient remué les foules. Mgr d'Aviau, archevêque de Bordeaux[31], et Mgr de Miollis, évêque de Digne, avaient édifié le monde par leurs vertus. Le sulpicien Boyer avait ranimé le zèle du clergé par ses retraites pastorales, prêchées dans tous les diocèses de France. Les prêtres des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, ou picpuciens, fondés à Poitiers, en 1801, par le P. Coudrin[32], et les basiliens, institués en 1800 à Annonay par un curé de campagne, l'abbé Lapierre, s'étaient voués à l'éducation de la jeunesse. Les Frères des Ecoles chrétiennes, incorporés à l'Université par le décret du 17 novembre 1808, y avaient exercé leur apostolat avec un dévouement digne de leur fondateur[33]. Le 5 août 1804, l'abbé Liautard, encore diacre, avait inauguré, au n° 28 de la rue Notre-Dame-des-Champs, à Paris, l'établissement destiné à rendre tant de services à la jeunesse chrétienne sous le nom de Collège Stanislas[34]. Dès le lendemain du Concordat, un saint prêtre de Marseille, M. Allemand, avait fondé, dans sa ville natale, son admirable œuvre de la jeunesse, qui allait servir de modèle à toutes les œuvres analogues[35]. La Trappe et la Chartreuse, reconstituées en 1815 et 1816, avaient ouvert de nouveaux asiles aux âmes éprises de solitude[36]. Et cependant, les ruines accumulées Par la Révolution avaient été si grandes que l'œuvre restant à faire paraissait encore immense. De 1800 à 1815, le nombre des prêtres s'était trouvé tellement réduit qu'on en pourvoyait seulement les villes ; les campagnes étaient abandonnées. L'abbé Rohrbacher raconte qu'au lendemain de son ordination on lui donna sept paroisses à desservir à lui seul. Pendant l'enfance du P. Muard, il n'y avait dans son pays qu'un catéchisme pour six paroisses. Sous la restauration, Mgr Frayssinous constatait en 1820 que, au sein du royaume très chrétien, quinze mille places demeuraient vacantes, faute de prêtres pour les remplir[37].

L'esprit voltairien dominait encore dans les milieux intellectuels et dans le monde officiel, même sous la Restauration. L'influence de Chateaubriand s'était arrêtée, en bien des âmes, à une religiosité trop vague, et les œuvres de Bonald et de Joseph de Maistre, d'ailleurs trop philosophiques, étaient apparues à beaucoup comme des plaidoyers trop dominés par une pensée politique. La génération d'âge mûr n'était pas guérie du venin rationaliste, et la tyrannie du respect humain exerçait son empire sur la jeunesse. J'en atteste les souvenirs de tous ceux qui, comme moi, terminaient alors leur éducation, écrit Montalembert. Combien étions-nous alors de jeunes gens chrétiens, même dans les collèges les mieux famés ? A peine un sur vingt. Quand nous entrions dans une église, est-ce que la rencontre d'un de ces jeunes gens des écoles, d'un de ces hommes qui aujourd'hui remplissent nos temples, ne produisait pas presque autant de surprise et de curiosité que la visite d'un voyageur chrétien dans une mosquée d'Orient ?

Tel était l'état des esprits, quand, en 1817, parut un livre modestement intitulé : Essai sur l'indifférence en matière de religion, par M. l'abbé F. de La Mennais. Le nom de ce prêtre fut aussitôt salué comme celui du docteur que l'Eglise attendait. Cent quatorze ans avaient passé sur la tombe de Bossuet, écrit Lacordaire[38], cent trois ans sur celle de Fénelon, soixante-seize sur celle de Massillon... Après que la mort eut fait taire cette bouche harmonieuse, l'Eglise de France eut encore des hommes distingués, des savants, des controversistes, des prédicateurs : elle n'eut plus de ces noms qui vont loin dans la postérité ; et, depuis ce temps, aucun prêtre n'avait obtenu en France le renom d'écrivain et d'homme supérieur, lorsque apparut M. de La Mennais, avec d'autant plus d'à-propos que le XVIIIe siècle avait tout récemment repris les armes. Son livre, destiné à le combattre, était une résurrection admirable des raisonnements antiques et éternels qui prouvent aux hommes la nécessité de la foi... L'enthousiasme et la reconnaissance n'eurent point de bornes. En un seul jour, M. de La Mennais se trouva investi de la puissance de Bossuet. Ces lignes ne sont pas exagérées. L'abbé Teysseyrre, en annonçant à un ami la prochaine apparition de l'Essai sur l'indifférence, avait écrit : Vous allez voir paraître un ouvrage qui réunit le style de Jean-Jacques Rousseau, le raisonnement de Pascal, l'éloquence de Bossuet[39]. Quand le livre eut paru, l'abbé Frayssinous s'écria : Cet homme a une éloquence à réveiller un mort.

Le prêtre qui excitait un tel enthousiasme était breton, comme Chateaubriand, mais il se rapprochait plutôt, par ses tendances politiques et religieuses, de Joseph de Maistre et de Bonald. Allant au cœur de la question, plus avant que l'auteur du Génie du christianisme, qui montrait surtout les convenances politiques et morales de la foi, plus avant que les auteurs du Pape et de la Législation primitive, qui s'attachaient plutôt à en discerner les convenances sociales, l'auteur de l'Essai conviait ses lecteurs à ne chercher que la vérité. Car, disait-il, le siècle le plus malade, ce n'est pas celui qui se passionne pour l'erreur, mais le siècle qui néglige, qui dédaigne la vérité. La première partie de l'Essai était consacrée à combattre les diverses formes de l'indifférence : indifférence des politiques, qui se contentent de chercher la croyance utile au peuple ; indifférence des philosophes du XVIIIe siècle, qui s'arrêtent  systématiquement à une religion dite naturelle ; indifférence des protestants, qui laissent à chacun le droit de se faire sa croyance. Toutes ces forces, disait-il, aboutissent à l'athéisme, car tout système religieux fondé sur l'exclusion de l'autorité renferme en son sein l'athéisme, et l'enfante tôt ou tard[40]. L'attitude de ceux qui se contentent d'envisager l'utilité sociale de la religion l'indignait particulièrement. Eh quoi ! s'écriait-il, ce qu'il y a de plus grand et de plus noble dans l'homme serait le produit de l'erreur !... Philosophes, parlez moins de la dignité de l'homme, ou respectez-la davantage. La seconde partie était consacrée à démontrer l'importance de la religion à ceux qui sont indifférents par insouciance ou par paresse. Cette seconde partie renfermait les mouvements les plus pathétiques, d'une éloquence qui ne vieillira jamais. L'auteur annonçait en terminant qu'après avoir détruit un des fondements de l'indifférence dogmatique, il prouverait, dans la suite de son ouvrage, qu'il existe une vraie religion, qu'il n'en existe qu'une, et qu'elle est pour tous les hommes l'unique voie du salut. Mais auparavant il convenait de rechercher comment, dans notre condition présente, nous parvenons à une connaissance certaine de la vérité.

Cette seconde question, objet du second volume, que l'auteur publia en 1820[41], devait être l'écueil où il se briserait.

Le nouvel apologiste était mal préparé à aborder cette difficile question des fondements de la certitude. Félicité de La Mennais, nature impressionnable et maladive[42], élevé dans la mélancolique petite ville de Saint-Malo, au milieu des orages de la Révolution, à peu près livré à lui-même dans la direction de ses études, avait d'abord perdu la foi par suite de ses lectures dans les œuvres des philosophes du XVIIIe siècle, surtout de Jean-Jacques Rousseau. Diverses circonstances, au premier rang desquelles il faut placer l'exemple de son saint frère Jean-Marie, ordonné prêtre en i80i, l'avaient ramené à la croyance et à la pratique de la religion. Il crut devoir aller plus loin, et suivre son frère dans la carrière sacerdotale. De 1809 à 1816, sans avoir passé par le régime du séminaire, il reçut les saints ordres, au milieu  d'alternatives étranges d'enthousiasme vibrant et d'angoisses déchirantes[43]. En 1808, étant encore laïque, il avait publié, en collaboration avec son frère, un ouvrage anonyme, les Réflexions sur l'Eglise de France, véritable programme de réforme ecclésiastique presque universelle, que le préfet de police, Fouché, s'était empressé de supprimer. En 1814 parut un second écrit, dû à la même collaboration et également anonyme, la Tradition de l'Eglise sur l'institution des évêques, défense éloquente de l'autorité pleine et entière du Pontife romain contre les prétentions du gallicanisme.

Dans ces deux ouvrages, comme dans divers articles que l'abbé de La Mennais donna à des journaux royalistes, le Défenseur, le Conservateur, le Drapeau blanc, on admirait à la fois une splendeur d'images, une rigueur de dialectique et une fougue de style qui rappelaient à tous la manière de Jean-Jacques Rousseau. L'auteur de l'Emile semblait avoir communiqué sa puissance d'émotion à son ancien disciple, devenu son terrible adversaire. Malheureusement La Mennais, à son insu sans doute, lui avait emprunté autre chose que son éloquence passionnée ; et le second volume de l'Essai sur l'indifférence allait révéler la méprise fondamentale de l'apologiste, source de toutes les erreurs où il devait tomber depuis.

On sait que l'auteur du Contrat social place dans la volonté du peuple l'origine ou du moins la manifestation de tout droit. L'auteur de l'Essai se déclarait bien loin d'accepter une telle doctrine ; il n'en est pas moins vrai que la théorie sur laquelle il faisait reposer toute certitude rappelait de bien près celle de Rousseau. Pour lui, le fondement de la vérité ne saurait être dans la raison individuelle, mais seulement dans le sens universel de l'humanité. S'il ne dit pas, comme il le soutiendra plus tard, que le consentement des peuples produit toute justice, il enseigne que ce consentement promulgue toute vérité. Cette théorie devait être bientôt condamnée par le pape Grégoire XVI comme une fallacieuse doctrine, et quelques-uns des disciples de La Mennais s'effrayèrent de le voir soutenir, sous le nom vague de genre humain, une Eglise primitive, antérieure et supérieure à l'Eglise judaïque et à l'Eglise chrétienne[44]. Pourtant l'erreur ne semblait pas définitive. Car, d'autre part, l'auteur de la Tradition de l'Eglise avait affirmé sa foi à une autorité pleine et entière du Pontife romain, ne connaissant de limites que celles qu'elle s'impose à elle-même[45]. Dans le cas de conflit entre ces deux règles de certitude que se donnait le nouvel apologiste, le consentement du peuple et la décision du chef suprême de l'Eglise, de quel côté se rangerait-il ? Le prêtre en qui l'Eglise de France venait de mettre sa confiance suivrait-il la voie de l'obéissance, où le portait sa foi catholique et romaine, ou bien la voie de l'esprit révolutionnaire, vers laquelle son tempérament inquiet et de secrètes influences semblaient l'incliner ?

Ce problème se compliquait d'un autre problème, d'ordre plus général. En 1823, Victor Hugo, Lamartine et Vigny avaient publié leurs premières œuvres. La nouvelle école littéraire, qui reconnaissait Chateaubriand pour père, avait pris le nom d'école romantique ; et son jeune chef allait définir le romantisme : le libéralisme en littérature. Le romantisme se proposait à la fois de secouer le joug de la mythologie païenne et de briser les règles factices du siècle passé. Mais là encore un dualisme aigu se cachait. La nouvelle école littéraire allait-elle, par un accent plus sincère, plus vivant et plus chrétien, rajeunir la foi dans les âmes, ou bien, par une prédominance du sentiment sur la raison, de la fantaisie sur l'ordre, allait-elle déformer et corrompre les vieilles croyances où elle entendait puiser ses inspirations ?

 

IV

La même question, sur un terrain un peu différent, se posait en Allemagne. Il faut reconnaître que le romantisme, en tant que résurrection des formes artistiques et de l'esprit du moyen âge, était né de l'autre côté du Rhin[46]. Il s'y manifesta d'abord dans les beaux-arts. Voici comment un distingué critique en raconte la naissance : Le classicisme allemand s'était figé de plus en plus dans un art machinal... Au temps de Pâques de l'an 1793, Vackenroder et Tieck entreprennent à travers l'Allemagne un voyage de découvertes. Ils errent dans les églises et les cimetières, rêvent près des tombeaux d'Albert Dürer et de Peter Fischer... Les Epanchements de cœur d'un moine ami des arts, que publie Vackenroder en 1797, deviennent bientôt le bréviaire de beaucoup de jeunes artistes. Ce n'est pourtant pas à la source nationale que les meilleurs artistes de l'Allemagne vont d'abord puiser ; c'est encore vers la ville sainte, Nach Rom, que se mettent en route les nouveaux pèlerins ; c'est à la Rome chrétienne, à celle des catacombes et des cloîtres qu'ils viennent demander d'intimes conseils et de pieuses inspirations. En 1810, dans les salles abandonnées du couvent de San Isidoro, sur le Monte Pincio, quatre jeunes gens, exclus de l'Académie de Vienne pour crime d'hérésie, fondent une association. C'est Frédéric Overbeck, Franz Pforr, Louis Vogel et Hettinger. Autour de leur réunion de causerie et de travail, d'autres viennent bientôt se grouper, dont le plus grand sera Pierre Cornélius. La vie de ces jeunes gens, d'une sobriété et d'une régularité claustrales, se partage entre la visite aux basiliques et aux églises, et des études toutes personnelles ; mais leur cœur est surtout pénétré d'émotion quand, au cours d'un voyage à travers la Toscane, ils apprennent à connaître Duccio de Sienne, Fra Angelico de Fiesole, Benozzo Gozzoli. Ils croient, dans la candeur de leur enthousiasme, avoir trouvé leurs vrais maîtres, encore qu'ils n'aient guère su en comprendre les leçons. Leurs camarades leur donnent, par dérision, le nom de Nazaréens[47].

La grande poussée de patriotisme qui se produisit, pendant les premières années du XIXe siècle, en Allemagne, à l'occasion des victoires françaises, accentua le mouvement des esprits vers le moyen âge, où la patrie germanique retrouvait ses origines. Le peuple allemand a succombé, écrivait Gœrres en 1810[48], parce qu'il a oublié son caractère, sa finalité, son histoire, parce qu'il s'est oublié lui-même. — Ces lignes étaient comme un programme, que Gœrres et ses amis réalisaient. C'était en l'année d'Austerlitz que l'Allemagne, avec Arnim et Brentano pour maîtres, réapprenait à chanter comme elle l'avait fait au moyen âge ; c'était en l'année d'Iéna, au moment même où se fermait la tombe du Saint-Empire, que le romantisme historique et littéraire, réfugié à Heidelberg, s'essayait à rouvrir la tombe du vieux peuple allemand[49].

Cette complexité d'origines du romantisme allemand se reflétait dans son caractère. En présence des riches et pures émotions que la religion du moyen âge leur offrait, ces artistes et ces poètes, qui n'avaient été mus d'abord que par une pure curiosité archéologique et esthétique, se sentaient portés à dédaigner la froide religion de Luther et à aimer celle de Rome. Tieck, dans Franz Sternbold, reprochait au protestantisme de n'avoir produit qu'un intellectualisme vide ; Novalis célébrait la Chrétienté, publiait des Hymnes à la Vierge et louait les jésuites[50]. D'autre part, le patriotisme allemand, en s'exaltant, retrouvait ses vieilles rancunes contre le génie latin ; et l'intense vie esthétique des jeunes romantiques allemands, non encore assez dégagés de l'influence de Gœthe et de son culte du moi, se développait souvent en un étrange individualisme. Dans le Sternbold de Tieck et dans le Henri d'Ofterdingen, de Novalis, la fantaisie débordait en une anarchie qui semblait le contre-pied du catholicisme. Bref, dans la chanson romantique de l'Allemagne, le Los von Rom[51] retentissait en même temps que le Nach Rom[52].

En somme, ce fut le mouvement vers Rome qui l'emporta. En 1813, Overbeck se convertit à la religion catholique entre les mains du futur cardinal Ostini. Il avait encore cinquante-trois ans à vivre. Sauf deux échappées rapides en Allemagne, il les passa à Rome. Cet humble, ce modeste, qui rappelait à ses visiteurs les figures les plus émaciées des peintres de Sienne, et qui semblait descendre d'un vieux tableau de sainteté, ouvrit à Rome un baptistère, en même temps qu'il fut chef d'école... Les peintres et sculpteurs qui descendaient d'Allemagne vers la Ville éternelle sentaient leurs yeux se dessiller. Rome leur révélait, à eux, comme Chateaubriand l'avait révélé aux Français que le catholicisme recélait, pour la création de l'œuvre d'art, un génie. Aussi la conversion au catholicisme fut-elle, pendant près de trente ans, dans la colonie allemande de Rome, une sorte de phénomène contagieux. Interminable serait la liste de ces néophytes. Avant Overbeck, c'étaient, en 1807, les frères Riepenhausen, graveurs de talent ; en 1811, le peintre Frédéric Cramer. En même temps qu'Overbeck, en 1813, c'étaient Vogel, directeur de l'Académie de Dresde, le peintre Louis Schnorr de Carolsfeld et l'archéologue Platner. Après Overbeck, en 18r4, c'étaient les deux Schadow, Guillaume, le peintre, futur directeur de l'Académie de Dusseldorf, et Rodolphe, le sculpteur ; ils disaient adieu à Luther, à l'instant même où leur père, Gottfried, sculpteur aussi, achevait, là-bas en Allemagne, un monument du réformateur. En 1814 encore, c'était le peintre Klinkowström, qui ne rentrait de Rome à Vienne que pour se convertir aux pieds du P. Hofbauer, avec Frédéric de Schlegel comme parrain[53].

Frédéric de Schlegel avait déjà exercé, dans le monde des historiens et des philosophes, une influence analogue à celle d'Overbeck dans le monde des artistes. Né en 1772, dans la ville de Hanovre, il avait montré, dès ses débuts, un tel enthousiasme pour l'hellénisme, que Schiller l'en raillait. La cité grecque, le drame grec, le temple grec, avaient été d'abord pour lui l'idéal absolu du beau. Professeur, en 1800, à l'Université d'Iéna, il y avait fait, devant un brillant auditoire, sur la religion de l'art, des cours dont Schelling et Hegel, ses auditeurs, rendaient compte au monde savant. Saisi, comme tant d'autres, par le mouvement romantique, il avait étudié avec ardeur l'histoire et la littérature du moyen âge. Un idéal plus pur de beauté, de moralité, de sainteté, s'était alors révélé à cette âme ardente, non moins avide de purification morale que de contemplation esthétique. Vers 1805, il avait abjuré le protestantisme à Cologne et s'était fait, dès lors, dans les milieux intellectuels, l'apôtre le plus zélé de la religion catholique. Son Histoire de la littérature ancienne et moderne, ses Idées sur l'art chrétien, et surtout sa Philosophie de la vie et sa Philosophie de l'histoire, sont les monuments de sa science et de son pur catholicisme.

A côté de Frédéric de Schlegel, un autre illustre converti, le comte Frédéric-Léopold de Stolberg, admirablement préparé à une œuvre d'apologétique par une connaissance de l'antiquité que Schiller et Gœthe pouvaient lui envier, mettait le monde antique au pied de la croix par la publication des quinze premiers volumes de son Histoire de la religion de Jésus, qui parurent de 1807 à 1819. Ce livre, dit Kraus, ouvrit une ère nouvelle ; c'est de ce berceau que la théologie allemande prit son vol[54]. En même temps, la tendre piété de ce grand chrétien se révélait dans ses Méditations affectives et dans son Petit livre de l'amour, œuvre de ses derniers jours.

D'autres apologistes doivent être mentionnés à côté de ces deux grands hommes : le prêtre Sailer, dont les nombreux ouvrages d'instruction chrétienne et de piété rendirent au delà du Rhin le même service que chez nous les écrits de saint François de Sales ; Zacharias Werner, cet ardent prédicateur, cet Augustin doublé d'un Savonarole, comme on l'a appelé, qui, en 1815, prêchant à Vienne, devant les représentants de la diplomatie européenne, rappelait, en se frappant la poitrine, le temps où, incrédule lui-même, il rendait un culte à Jean-Jacques Rousseau ; Adam Müller et Charles de Haller, tous les deux politiques et sociologues à la manière de Bonald et de Joseph de Maistre, mais plus soucieux de défendre les droits des individus contre l'absolutisme ; enfin cet humble instituteur de la jeunesse, Bernard Overberg, fils d'un simple colporteur, qui, pendant un demi-siècle, devait semer du christianisme dans tous les sillons de la Westphalie, et l'y faire germer et mûrir[55]. Mais celui dont l'action et la renommée dominent toute l'histoire de l'Allemagne catholique pendant cette période, c'est Joseph Gœrres. Venu du pur jacobinisme au pur catholicisme, mêlé à tous les événements politiques et sociaux de son époque, Joseph Gœrres, génie universel comme Leibniz, porta ses investigations sur toutes les branches des connaissances humaines et projeta partout de si éclatantes lumières que la science catholique allemande le considère, aujourd'hui encore, comme son initiateur et comme son guide.

Les écrits de Gœrres forment comme la philosophie de tous les événements sociaux et littéraires qui se sont déroulés sous la Révolution, l'Empire et la Restauration.

C'est en 1799 que son enthousiasme pour la Révolution tombe tout à coup. Il est allé demander au premier consul, Bonaparte, de régler la liberté de l'Allemagne ; il échoue. Ce n'est donc pas pour libérer les peuples, se dit-il, que la Révolution française les a conquis ! Et il s'écrie : Etudiez Suétone, car le nouvel Auguste a paru ! Gœrres renonce alors à toute action politique. Il étudie les lettres et les sciences avec passion. C'est à la culture intellectuelle qu'il veut demander désormais la régénération de l'Allemagne, que la Révolution française n'a pas su lui donner. Ses Livres populaires allemands, publiés en 1806, mettent le peuple en contact avec l'ancienne littérature nationale de la Germanie ; son Histoire des mythes du monde asiatique, parue en 1810, lui donne une autorité considérable parmi les savants ; le Mercure rhénan, qu'il fonde en 1814, répand partout ses idées de rénovation intellectuelle. Sa maison de Coblentz devient comme un but de pèlerinage, où des milliers de patriotes viennent voir et consulter le grand agitateur. Napoléon l'appelle la cinquième des puissances confédérées contre lui. Après la chute de l'empereur, Gœrres a un moment l'espoir de voir triompher une politique animée par un sentiment de respect des peuples et des rois. Il a bientôt la douleur de constater que les décisions du Congrès de Vienne n'ont été dictées que par des combinaisons de convoitises. Il proteste de sa voix puissante. Dans son livre l'Allemagne et la Révolution, livré au public en 1819, il montre aux princes, l'histoire en mains, qu'une Restauration sans Dieu et sans l'Eglise les conduira à des révolutions nouvelles. Les haines qu'il soulève l'obligent à s'expatrier. Réfugié à Strasbourg, il se livre de plus en plus à des études religieuses. Par sa revue le Catholique, et par son livre sur Saint François troubadour, il prélude à l'étude approfondie qu'il donnera sur Henri Suso, et à son grand ouvrage sur la Mystique chrétienne. Il meurt en 1847, après avoir dit : La révolution ne peut tarder... Nous voici au terme... Priez pour les peuples, qui ne sont plus rien !

Avec Gœrres, le mouvement romantique de l'Allemagne était entré dans une nouvelle phase. Plus encore que Schlegel, Müller et Haller, ce grand homme avait cherché dans le moyen âge autre chose que des thèmes esthétiques ; il lui avait demandé, ainsi que le remarque l'historien de l'Allemagne catholique du XIXe siècle, des leçons d'architecture politique, des maximes de vie sociale chrétienne, des normes pour un ordre économique chrétien... Voilà pourquoi, lorsque, plus tard, une opinion populaire aura le droit d'exister, elle ne flétrira pas dans Schlegel, dans Muller, dans Haller, les complices des bureaucraties vaincues ; et quant à Gœrres, elle l'honorera comme un devancier de la victoire[56].

Malheureusement, ce courant catholique ne fut pas le seul à se produire ; et, de l'étude du moyen âge, interprété aux prétendues lumières d'une fausse mystique et d'une philosophie erronée, un autre courant d'études surgit, qui aboutit à ruiner la foi dans bien des âmes.

A côté de Novalis chantant des lieder en l'honneur de la Vierge Marie, et de Tieck dépeignant dans Genovefa la foi ardente de La chevalerie, Amédée Hoffmann faisait revivre dans Bruder Medardus les terreurs qu'inspirait le diable aux Germains d'autrefois ; d'autres se passionnaient pour les études de sorcellerie ; dans tel cénacle d'étudiants, on ne parlait plus que de somnambules, de voyants, de songes et de pressentiments. C'était le moment où la philosophie de Schelling, enseignant que la frontière entre la vie consciente et la vie inconsciente ne saurait être déterminée, se répandait dans les milieux universitaires. Les jeunes archéologues se jetèrent avec ardeur sur cette philosophie pour y trouver la synthèse de leurs observations historiques. Nous lûmes Schelling, dit l'un d'eux, et l'on sait que celui qui a le talent d'influencer de jeunes esprits devient facilement leur maître. Schelling devint notre héros... Plus tard, le brouillard mystique de cette philosophie disparut sous les rayons du soleil levant de Schleiermacher... Chez Schleiermacher, Dieu n'était restauré qu'en perdant sa personnalité, de même que le Christ, pour remonter sur le trône, avait dû renoncer à toute sorte de prérogative surnaturelle[57].

Celui qui écrivait ces lignes émues s'appelait David-Frédéric Strauss. Il était alors préoccupé par l'étude du fameux Commentaire des Evangiles[58], du docteur Henri Paulus. Paulus, disciple de Spinoza et de Kant, en vue de débarrasser la figure et l'œuvre du Christ de tout surnaturel, avait essayé de donner une explication naturelle de chaque miracle. Or, écrit Strauss, les raisonnements de Paulus me paraissaient inadmissibles. Je ne lui reconnaissais pas le droit d'ôter aux faits leur caractère miraculeux en leur conservant leur caractère historique. Le miracle n'est pas une enveloppe superficielle qu'on puisse enlever superficiellement. On ne peut l'arracher qu'en emportant avec lui un morceau de l'histoire[59]. Mais, emporter ainsi toute l'histoire du Christ, n'était-ce pas détruire toute religion ? Une étude approfondie de Hegel tira d'embarras l'exégète. Il y apprit que la religion chrétienne et la philosophie ont le même contenu : la première sous la forme de l'image, la seconde sous la forme de l'idée[60]. Le principe de la solution était trouvé. Il suffisait d'admettre, pour sauvegarder le christianisme, que les récits des faits miraculeux sont des images symbolisant la foi. Précisément, en 1803, le savant philologue Christian Heyne avait émis ce principe, devenu célèbre : C'est du mythe que tire sa source toute l'histoire et toute la philosophie des anciens ; Creuzer avait interprété le paganisme comme un symbolisme religieux, sous lequel se cachait une foi plus ancienne et plus pure ; Wolf, élargissant la théorie, l'avait appliquée aux poèmes d'Homère. David-Frédéric Strauss se mit à l'œuvre, et composa le livre qui, paru en 1836, rendit son nom fameux : la Vie de Jésus. Ce ne devait pas être une œuvre durable ; mais, en attendant d'être ruinée par la critique, elle acheva, dans beaucoup d'esprits, l'œuvre de destruction commencée par Paulus. Celui-ci avait nié le surnaturel du récit évangélique, celui-là niait même son authenticité[61] ; et la religion qu'il prétendait édifier sur ces ruines n'était qu'un christianisme vague, sans consistance rationnelle et sans appui historique.

 

V

L'étude du moyen âge avait été pareillement en Angleterre le point le départ d'un mouvement religieux. L'historien de la Renaissance catholique en Angleterre n'hésite pas à attribuer aux romans de Walter Scott une influence comparable à celle des écrits de Chateaubriand en France et de Gœrres en Allemagne[62]. Les admirables exemples des prêtres émigrés de France avaient préparé l'Angleterre à goûter l'histoire des héros catholiques. De 1814 à 1824, période pendant laquelle parurent les chefs-d'œuvre du grand romancier, les Anglais se passionnèrent pour ces preux, ces chevaliers, ces croisés, qui priaient la Vierge Marie, marchaient derrière les bannières de leurs saints patrons, confessaient leurs péchés à un prêtre et obéissaient au pape. Les catholiques que Newman nous a dépeints, au début du siècle, réfugiés çà et là, dans les endroits reculés, dans les ruelles, dans les caves, tremblant, comme un petit troupeau craintif, devant les fiers protestants, maîtres de la terre[63], sentirent moins peser sur eux l'atmosphère de mépris qui les avait entourés jusque-là. Ils relevèrent la tête. Quelque chose de plus doux et de plus souple pénétra l'Eglise anglicane elle-même. Le même Newman raconte la profonde impression que fit sur lui, pendant l'automne de 1816, la lecture d'une Histoire de l'Eglise de Joseph Bilners, théologien anglican de l'école évangélique, où se trouvaient de longs extraits des Pères, et peu de temps après, l'audition d'un discours du docteur Hawkins, célèbre prédicateur d'Oxford, sur la doctrine de la tradition. L'orateur enseignait que le texte sacré n'a jamais été destiné à enseigner la doctrine, et, que, si nous voulons apprendre la doctrine, nous devons avoir recours aux formulaires de l'Eglise, au catéchisme, par exemple, et aux symboles[64]. Bientôt allait commencer, dans le culte protestant, la réforme ritualiste dont le docteur Pusey devait prendre la direction.

Il s'en faut cependant que tout ce courant allât uniquement au catholicisme. Les auteurs qui, après Walter Scott, se partagèrent la faveur du public, Wordsworth, Coleridge et Southey, ces poètes des solitudes muettes et des bois tranquilles, ces lakistes, comme on les surnomma, firent souvent dévier le sentiment religieux vers une rêverie creuse ou vers une mélancolie déprimante. Newman fait remarquer que la raillerie et le dédain étaient encore systématiquement dirigés contre les catholiques[65] ; et ceux-là même qui faisaient entrer les rites catholiques dans le culte anglican n'en conservaient pas moins des préjugés coutre l'Eglise romaine. On eût dit même que chez certains esprits, l'évolution qui les conduisait vers le catholicisme, en le leur montrant plus proche, eût, par cela même, réveillé les vieilles antipathies, et que, plus la conversion s'imposait, plus ils se raidissaient contre elle[66].

Malgré tout, ni la poétique religiosité des lakistes, ni les formel diverses par lesquelles l'anglicanisme cherchait à se rajeunir, ne satisfaisaient, dans ce qu'il avait de plus profond, le besoin des âmes religieuses ; et dès 1823, à la mort de Pie VII, on pouvait pressentir le magnifique mouvement de retour à l'unité catholique qui allait se produire, quelques années après, sous le nom de mouvement d'Oxford.

 

 

 



[1] LANSON, Histoire de la littérature française, 7e édition, p. 883.

[2] CHATEAUBRIAND, Etudes historiques, fin du discours sur la chute de l'empire romain.

[3] Cf. MOMMSEN et MARQUARD, Manuel des institutions romaines, t. XII, p. 89 et passim ; G BOISSIER, la Religion romaine, la Fin du paganisme.

[4] CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, préface de 1826.

[5] Essai sur les Révolutions, préface de 1826, dans les Œuvres de CHATEAUBRIAND, édit, in-4°, Paris, 1853, t. XIII, p. 9.

[6] Chateaubriand devait transporter presque toutes ces dernières pages dans le Génie du christianisme.

[7] CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, ch. I, Introduction, édit. in-4°, Paris, 1854, p. 7.

[8] Victor GIRAUD, Pages choisies de Chateaubriand, p. 84.

[9] PASCAL, Pensées, 3e édition, Brunschvicg, p. 414. On discutera d'ailleurs sans fin sur la religion de Chateaubriand. La vraie solution de toutes les difficultés est dans cette déclaration faite par lui-même : Toute ma vie a été ballottée entre le doute et la foi. On est malheureusement obligé de reconnaître que ces alternatives se produisirent au moment même où Chateaubriand composait le Génie du christianisme, ou du moins que sa foi fut impuissante à lui inspirer alors une conduite conforme à ses croyances.

[10] Génie du christianisme, IIe partie, l. V.

[11] Léon GAUTIER, Portraits littéraires, p. 5.

[12] Génie du christianisme, IVe partie, l. VI, ch. X et XI.

[13] Mémoires d'outre-tombe, édition Biré, t. II, p. 200-201. On connaît le rêve étrange que Chateaubriand a consigné dans le dernier livre de ses Mémoires d'outre-tombe : Si j'avais été gouverneur du jeune prince (le futur Henri V), je me serais efforcé de gagner sa confiance. Que s'il eût recouvré sa couronne, je ne lui aurais conseillé de la porter que pour la déposer au temps venu. Quel beau, quel illustre jour, que celui où après avoir relevé la religion, perfectionné la constitution de l'Etat, élargi les droits des citoyens... mon élève eût dit à la nation solennellement convoquée : Français, votre éducation est finie avec la mienne... Je descends du trône en vous délivrant de vos serments à la monarchie. Comparez-la, cette fin, à celle que feraient les fils décrépits d'Henri IV accrochés obstinément à un trône submergé dans la démocratie. Sur les idées démocratiques de Chateaubriand, voir Charles MAURRAS, Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve : l'anarchie, la démocratie, l'empirisme organisateur, 1 vol. in-16, Paris, 1912 ; Cf. Jules LEMAITRE, Chateaubriand, Paris, 1912.

[14] Léon OLLÉ-LAPRUNE, la Vitalité chrétienne, p. 13-14. — M. de Bonald était originaire du Rouergue.

[15] Auguste COMTE, Politique positive, t. IV, appendice général.

[16] Ch. CALIPPE, l'Attitude sociale des catholiques français au XIXe siècle, t. I, p. 41.

[17] Considérations sur la France, ch. IV et V, passim.

[18] Considérations sur la France, ch. VI et VII.

[19] J. DE MAISTRE, du Pape, ch. Ier.

[20] L. OLLÉ-LAPRUNE, la Vitalité chrétienne, p. 10-11.

[21] Théorie du pouvoir, préface.

[22] Théorie du pouvoir, Ire partie, l. I, ch. II, VI, X ; Législation primitive, Ire partie, l. II, ch. X.

[23] Théorie du pouvoir, IIIe partie, ch. III ; Législation primitive, IIIe partie, ch. V. Sur ces exagérations de Bonald et sur son désir de monopoliser l'enseignement entre les mains des jésuites, voir le P. LONGHATE, S. J., XIXe siècle, 1 vol. in-12, Paris, 1900, p. 250-256.

[24] Législation primitive, discours préliminaire.

[25] Observations sur la Révolution française, § 6.

[26] On sait qu'Alphonse de Lamartine fut élevé chez les Pères de la Foi, à Bolley.

[27] Voir GEOFFROY DE GRANDMAISON, la Congrégation, 1 vol. in-8°, Paris, 1890. Les principales œuvres, fondées par la congrégation ou suscitées par elle, furent la Société des bonnes études, le Refuge des jeunes condamnés, l'Association de Saint-Joseph, la Société des bonnes œuvres, la Société des bons livres, la Bibliothèque catholique, l'Association pour la défense de la religion, etc.

[28] P. DELAPORTE, Vie de H. Rauzan.

[29] A. NETTEMENT, Histoire de la littérature sous la Restauration, p. 155-170.

[30] A. RICARD, le P. Combalot.

[31] LYONNET, Vie de Mgr d'Aviau, 2 vol. in-8°.

[32] PERRON, Vie de P. Coudrin.

[33] GUIBERT, Histoire de saint Jean-Baptiste de La Salle, p. 646-647.

[34] L'abbé LIAUTARD, Mémoires, 2 vol. in-8e, Paris, 1844, t. I, p. 51.

[35] GADUEL, Vie et esprit de M. Allemand, 1 vol. in-8°, p. 121.

[36] Nous jugeons inutile d'énumérer ici toutes les congrégations fondées en France après le Concordat. On trouvera la liste des principales dans l'ouvrage de Mgr BAUNARD, Un siècle de l'Eglise de France, 1 vol. in-8°, Paris, 1902, p. 277-278. Notons les Petits Frères de Marie (Maristes), institués par un vicaire du diocèse de Lyon, l'abbé Champagnat ; les Enfants de Marie Immaculée, plus connus sous le nom de Pères de Chavagnes, et les Sœurs de Chavagnes, fondés par le P. Baudouin, en Vendée ; les Frères de la société de Marie (Marianistes), fondés à Bordeaux, par le chanoine Chaminade ; les Pères du Sacré-Cœur, établis à Lyon en 1821, par le P. Coindre ; les Frères de la doctrine chrétienne de Nancy, fondés en 1822, par dom Fréchard, ancien bénédictin ; les Frères de l'instruction chrétienne, dits de Ploërmel, fondés en 1819, par l'abbé Jean de La Mennais ; et signalons les progrès de l'Institut des Dames du Sacré-Cœur, commencé à Paris en 1800 par Mme Barat.

[37] BAUNARD, Un siècle de l'Eglise de France, p. 134.

[38] LACORDAIRE, Considération sur le système philosophique de M. de La Mennais, ch. I. L'auteur de l'Essai sur l'indifférence ne signa Lamennais qu'à partir de 1833.

[39] PAGUELLE DE FOLLENAY, M. Teysseyrre, ch. XV.

[40] Essai, ch. VI.

[41] Le troisième volume devait paraître en 1823.

[42] Sur l'impressionnabilité excessive et l'état maladif de La Mennais, voir BOUTARD, La Mennais, t. I, p. 6-7, 37-38 ; SPULLER, La Mennais, p. 41-42.

[43] Trois mois après son ordination sacerdotale, le 25 juin 1816, il écrit : Tout ce qu'il me reste à faire est de m'arranger de mon mieux, et, s'il se peut, de m'endormir au pied du poteau où l'on a rivé ma chaîne.

[44] ROHRBACHER, Histoire universelle de l'Eglise, édit. Gaume, préface, t. I, p. XLV.

[45] Tradition de l'Eglise, préface, p. XXV.

[46] C'est par le canal des émigrés, et surtout par la plume de Mme de Staël, qu'il parvint en France.

[47] André MICHEL, dans l'Histoire générale, t. IX, p. 349-350. Sur la fraternité, fondée par Overbeck, cf. G. GOYAU, l'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 228-230. A l'exception de Cornelius, les membres du groupe appartenaient tous, par leur naissance, à la religion protestante.

[48] GŒRRES, Politische Schriften, t. I, p. 117-132.

[49] G. GOYAU, l'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 249.

[50] G. GOYAU, l'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 207, 208, 211.

[51] Détachons-nous de Rome !

[52] Allons à Rome !

[53] G. GOYAU, l'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 229-233.

[54] KRAUS, Histoire de l'Eglise, 8e édition française, t. III, p. 414.

[55] KRAUS, Histoire de l'Eglise, t. III, p. 260.

[56] GOYAU, op. cit., p. 391.

[57] STRAUSS, Essais d'histoire religieuse, trad. Ritter, p. 225-226, 248-249.

[58] Paru de 1800 à 1804.

[59] STRAUSS, Essais d'histoire religieuse, p. 69.

[60] Commentaire des Evangiles, p. 325.

[61] Sur l'histoire de l'exégèse rationaliste en Allemagne, au début du XIXe siècle, voir F. VIGOUROUX, les Livres Saints et la critique rationaliste, t. II, p. 436-450.

[62] Paul THUREAU-DANGIN, la Renaissance catholique en Angleterre, Paris, 1899, t. I, ch. II. Newman et Pusey insistaient volontiers sur l'influence exercée par Walter Scott. Cf. Life of Pusey, t. I, p. 254.

[63] NEWMAN, Occasional sermons, The Segond Spring, prêché à Oscott, le 13 juillet 1852.

[64] NEWMAN, Histoire de mes opinions religieuses, traduction Dupré de Saint-Maur, p. 10-11, 14-15.

[65] NEWMAN, Histoire de mes opinions religieuses, p. 3.

[66] THUREAU-DANGIN, la Renaissance catholique en Angleterre, t. I, ch. II.