L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

 

Appendices

LOIS JULIENNES — (DE JULES CÉSAR).

 

 

Nous donnons ici la liste des lois principales promulguées par Jules César, à dater surtout de sa prise de possession du gouvernement monarchique, et dans l’ordre où les classent d’ordinaire les savants; faisant remarquer d’ailleurs que ce nom de Lois Juliennes (leges Juliae) est aussi attribué par les écrivains et les jurisconsultes du temps de l’Empire aux lois d’Auguste et de quelques-uns de ses premiers successeurs.

 

I — Lois antérieures à l’an 704 ou contemporaines de l’an 704 [50 av. J.-C.]

I. - LEX AGRIARIA. Assignations aux vétérans, et colonies. - Suétone y fait allusion (Cœs. 20, 81), ainsi qu’à la loi de l’an 695 [59 av. J.-C.], et à l’opposition de Bibulus, l’autre consul (Dion Cass. 38, 1-7, etc. - Appien, Bell. civ. 2, 10 et s. - Vell. Paterculus 2, 44. - Cic., Philipp. 2; 39 : ad Att. 2, 16). Elle était aussi désignée parfois sous le titre de Lex Mainilia de coloniis (Rudorff, Zeitschr. (Journal de la science histor. du D.), IX), et fut plus tard remaniée par l’empereur Caligula (Dig. 47, tit. 21. De termino moto).

II. LEX DE PUBLICANIS. - Cette loi portait surtout sur les fermes de l’impôt en Asie, et faisait remise du tiers de l’arriéré dû par les collecteurs-fermiers. César, par là, se rendait aussi agréable à l’ordre équestre (Cie. ad Att. 2, 16 - pro Cn. Plancio, 14. - Dion Cass. t., 38. – Appien, bell. civ. 2, 13), à qui le sénat, jusqu’alors, avait refusé toute concession. Cette loi fut votée par les Tribus seules (695 [59 av. J.-C.]).

III. LEX JULIA ASIATICA. - On sait que Pompée n’avait point maintenu les arrangements pris par Lucullus en Asie. A son retour d’Orient, il eut affaire à Metellus Creticus, à Lucullus et à l’opposition sénatoriale, qui refusaient de ratifier l’organisation par lui établie. De là la coalition avec J. César et Crassus. La loi asiatique fut votée, César et Bibulus consuls (695). - (Sueton. Cœs. 20. - Vell. 2, 44. - Dio Cass. 38, T. - Plut. Pomp. 46, 118. Lucull. 42. - App. Bell. civ. 2, 13.)

IV. LEX DE PTOLEMAEO AULETE (695 [59 av. J.-C.]), qui confirme celui-ci sur le trône d’Égypte, à titre d’ami et allié du peuple romain (Suet. Cœs. 54. - Cœs. b. civ. 3, 107. - Cie. pro Rabir. 3).

V. LEX DE PROVINCIIS, qui fixe la répartition des commandements provinciaux, et limite leur durée à deux arts pour les proconsuls, à un au pour les propréteurs. - On s’est demandé si cette loi ou ces lois appartiennent à l’époque du consulat de César (695), ou à celle de sa dictature. Drumann (II, p. 624) tient pour cette dernière date. M. Mommsen, semble incliner pour la même opinion (V. Cie. Philipp. 1. 8. 10. - 2, 41. - 3, 3. -8, 9. -Dio Cass. 43, 25).

VI. LEX DE REPETUNDIS ou REPETUNDARUM. - A l’origine, le repetundarum (pecuniarum) crimen ne s’appliquait qu’aux exactions commises dans les provinces, par les magistrats et fonctionnaires, contre les sujets et alliés (socii) du peuple romain. Dans les derniers temps de la république, le mot a un sens plus large, et comprend toutes les prévarications administratives (male administrate provinciæ crimen (Tacit. Ann. 6, 29), les cruautés et sévices (saevitia, crudelitas) aussi bien que les rapines et les extorsions (avaritia, pecuniæ captæ). La législation des repetundæ (res repetere) ne commence guère qu’après la seconde guerre Punique ; et la question perpétuelle des concussions (quæstio perpetua de pecun. repetund.) est établie par la loi Calpurnia (du tribun L. Calpurnius Piso Frugi), en l’an 605 (Cie. de offic. 2; 21). Cette question, le premier tribunal criminel permanent qui ait été établi à Rome, était présidé par le Préteur des étrangers (praetor peregrinus) : elle comptait, suivant Gœttling (Gesch. d. Rœm. Staatsverf. (hist. de la Constitut. de Rome), Halle, 1840, p. 427), 350 juges ou assesseurs sénatoriaux.

Plusieurs lois successives complétèrent et coordonnèrent les prescriptions de la Calpurnia. Citons :

La lex Junia, du tribun M. Junius

La loi Acilia (du tribun Acilius Glabrio (631 ou 632) qui veut le jugement immédiat, sans remise (comperendinatio)

La lex Servilia (du tribun C. Servilius Glaucia, 648-9), laquelle rendant aux chevaliers la juridiction qui leur avait été enlevée après la mort de G. Gracchus, étend les pénalités aux forfaitures de tous les magistrats, provinciaux ou autres, et aux juges mêmes des repetundae. Rein (Crin. Recht der Rœm. (Droit crins, des Ron.), Leipzig, 1844, p. 617 et s.) énumère d’après les sources ses 24 chapitres, contenant les définitions des crimes (quantum... ablatum captura coactum conciliatum aversumve sit, etc.), la procédure (les juges ne sont plus pris dans l’ordre sénatorial), le gage ou caution imposé à l’accusé (vadimonium), la peine (restitution pécuniaire au double litis aestimatio), la prime donnée à l’accusateur (praemium accusatorum), le droit de cité à l’étranger plaignant, la comperendinatio (ou remise de cause au troisième jour, avant de juger : jusque-là tout le procès était mené sans désemparer : Cie. in Verr. 1, 9), enfin l’appel au peuple. Il ne semble pas vrai que l’exil fût régulièrement prononcé en sus de la peine pécuniaire. L’exil, emportant l’aquæ et ignis interditio, demeurait l’acte volontaire de l’accusé se refusant à la mise en jugement (V. le grand travail de restitution de Klenze : Fragmenta legis Servilix repetund ex Tabulis æneis primus conjunxit restituit illustravit. Berlin, 1825. — la dissertation non moins complète de Rudorf, Zeitzchrift für geschichtl. Rechiswiss. (Journal de la science histor. du Droit, X, 1er livre). Egger, lat. serm. relliq. Paris, 1843, pp. 204 et s. — Enfin v. au Corp. Lat. Insc. de Berlin, le récent travail de Mommsen, pp. 49-71, qui a donné, le dernier, le texte et commentaire de ces fragments trouvés à Rome au commencement du XVIe siècle, avec d’autres fragments opistographes appartenant à la loi agraire Thoria, et depuis dispersés dans divers musées ou perdus).

La loi Cornelia, de Sylla, dictateur (673 [81 av. J.-C.]) : Elle rend le jury aux sénateurs, maintient et étend les diverses incriminations de la Servilia, punit les juges prévaricateurs ou corrompus et les gouverneurs qui ne rendent pas leurs comptes (proconsulares rationes) : elle élève au quadruple la litis æstimatio.

La loi Julia repetundarum enfin. Les exactions des gouverneurs et magistrats provinciaux étaient plus que jamais intolérables (populatæ vexatæque funditus eversæ provinciæ, dit Cicéron, div., 3). Cœsar y voulut parer. Dès son premier consulat (695 [-59]), il fit passer une loi, cette fois excellente et sévère (optima, acerrima, justissima : Cicéron, pro Sest., 64 : in Vatia., 12 : in Pison., 12, 37), et qui servit de modèle à toutes les lois postérieures de l’empire, lesquelles s’y réfèrent sans cesse. (Digeste, de leg. Julia repetundarum.) — Elle contenait 104 chapitres (Cicéron, ad div., 8, 8).

Elle atteignait quiconque, magistrat, fonctionnaire, citoyen chargé d’un ministère de service public, ou appartenant à leur suite, avait malversé et reçu ou pris indûment de l’argent (Digeste, l. c., 1, 6, 7, etc.). Elle proscrivait les exactions contre les provinciaux, limitait les réquisitions en nature des gouverneurs en voyage pour leur personne ou leur escorte, leur défendait d’emmener avec eux des femmes, de se faire donner des couronnes d’or avant d’avoir obtenu du Sénat le triomphe, de s’immiscer dans les entreprises commerciales, de lever d’autres impôts que ceux légaux, de vendre à prix d’argent les privilèges ou licences, d’exiger des cadeaux, sauf en des cas exceptionnels (et qui alors ne pouvaient dépasser 100 aurei). Elle les astreignait à rendre leurs comptes en triple exemplaire, un pour le trésor, deux pour deux villes de la province.

En matière de corruption, la même loi ordonnait la répétition de l’argent reçu, en quelques mains qu’il eût passé (ad quos ea pecunia pervenerit) : il était restitué au quadruple, comme sous les lois précédentes. La Julia, de plus, prononçait la Peine d’exil dans les cas graves, l’expulsion du Sénat (damnatos etiam ordine senatorio movit, l. 2, Digeste, de senat.), et quelquefois même l’infamia, avec certaines incapacités accessoires (intestabilis, etc.).

Plus tard, Auguste, Tibère et Claude ont touché à la loi Julia : Hadrien et Marc-Aurèle y apportèrent aussi quelques changements : plus tard encore, on rencontre certaines prescriptions nouvelles ou certaines confirmations de la législation ancienne, sous les Théodose I et II, sous Valentinien et Justinien (Novelles, 134, 161, etc.). Mais la séparation des attributions civiles et militaires avait considérablement amoindri les abus et les crimes, qui cependant persistèrent jusqu’aux derniers jours.

Sur la loi Julia, voir les allusions relatées au texte. — Quelques-uns, mais à tort, ont aussi rattaché à ses dispositions, une loi spéciale sur le péculat, les rétentions abusives ou détournements de deniers publics, et les sacrilèges (Digeste, 48, tit. 13 : ad leg. Juliam peculatus et de sacrilegis et residuis). Mais la législation sur le péculat antérieure à César, déjà remaniée par Sylla, semble appartenir davantage à Auguste et à ses successeurs.

Enfin rappelons les dispositions législatives sur la legatio libera. Déjà Cicéron, pendant son consulat, en avait réduit la durée à un an (Cicéron, de leg., 3, 8. — de leg. agrar., 1, 3. — pro Flac., 34) ; mais rien ne fit, et César, dans sa loi des repetundae, à ce qu’il semble, se crût obligé à l’autoriser de nouveau, avec une durée de cinq ans (Cicéron, ad Att., 15, 11). Il ne l’interdit donc pas, comme le déclare M. Mommsen ; et les abus s’en continuèrent jusque sous les empereurs, ainsi que l’établit un texte d’Ulpien (l. 14, Digeste, de legation.).

Nous renvoyons pour plus de détails sur la législation des repetundae, si importante en elle-même, et à raison des procès politiques fréquents et célèbres où elle fut appliquée, au livre classique de Rein (Crimin. recht der Rœm. (Droit crim. des Rom.) pp. 604-672 et s.), qui a résumé tous les travaux antérieurs (1844), ceux de Sigonius (de judiciis, II, c. 27) surtout, et à l’article du même auteur, dans la Real-Enyclop. de Pauly, v° Repetundarunt crimen ; et aussi au judicieux précis de M. Ed. Laboulaye (Essai sur les lois crim. des Rom., Paris, 1845, pp. 192-203, 233-245 et s., 300 et s.).

II — Lois Juliennes - De l’an 705 [49 av. J.-C.] à la mort du Dictateur (mars 710 [-44]).

VII. LEX DE AERE ALIENO et DE BONIS CEDENDIS qui, en fait, supprime un quart de la dette en capital, et établit la cession de biens au profit du créancier sur le pied de la valeur avant la guerre civile (Cæs., Bell. civ., 3, 1. — Suet., Cæs., 42. – Tacite, Ann., 6, 16. — Dion Cass., 58, 21). Les constitutions impériales ont étendu aux provinces (l. 4, Code, qui bonis cedere possunt) le bénéfice de cession de biens qui n’avait lieu qu’à Rome et en Italie, d’abord. Enfin, la loi de aere alieno avait réglementé le taux des intérêts échus ou à échoir.

VIII. LEX JULIA DE MODO CREDENDI POSSIDENDIQUE INTRA ITALIAM. Cette loi se rapporte à celle qui précède. Afin de parer aux inconvénients économiques de la loi de aere alieno, et pour empêcher les capitaux de se cacher, il est ordonné que nul n’aura en caisse plus de 15.000 deniers (Dion Cass., 41, 38. — Tacite, Ann., 6, 16), ce qui amène de nouveau la hausse de la valeur vénale des biens-fonds.

IX. LEX DE PROSCRIPTIS. Elle abolit les dispositions cruelles des lois de Sylla contre les enfants des proscrits. Quant aux exilés, ils furent, on le sait, presque tous rappelés, soit par une mesure directement émanée de César, soit en vertu de lois, dont il provoqua ou toléra la proposition (Cæs., B. civ. 3, 1. Cf. Suet., Cæs., 51. – Plut., Cæs., 37. — et aussi Plut., Sull., 31, et Velleius, 2, 28).

X. LEX DE CIVITATE TRANSPADANORUM. Elle confère aux Transpadans, toujours fidèles à César, la cité antérieurement promise. En 665 [89 av. J.-C.], Pompée leur avait conféré la latinité : en 705 [-49], César achève leur égalité civile. Mais tout citoyens qu’ils sont, la Transpadane, leur pays, demeure non Romaine. Elle est une province, et n’appartient pas à l’Italie propre (Cæs., B. gall., 8, 50. – Cicéron, Philipp., 3, 31 ; ad Att., 1, 5, 2. ad div., 8, 1. — Pline, Hist. n., 3, 2, 4. — Dion Cass., 37, 9. 41, 36. — Suet., Cæs., 8. — Tacite, Ann., 24). Sa réunion complète à l’Italie ne date que de l’an 711 [43 av. J.-C.] (v. Savigny, Zeitschrift für Geschichtl. Rechtswissenschaft (Journal de la science historique du Droit) IX, pp. 300 et s.).

XI. LEX FRUMENTARIA, ou de ANNONA, qui règle l’annone, et établit la liste et le chiffre des part-prenants à titre gratuit (Plut., Cæs., 55. — Appien, B. civ., 2, 102. — Suet., Cæs., 41, 55. — Dion Cass., 43, 21, 44, 21), lesquels viennent à la distribution munis de leur Tessera frumentaria. Mais les sages limitations de César ne durèrent pas. Aussitôt lui mort, les distributions frumentaires et les congiaria doublèrent. Auguste les réduisit (Suet., Oct., 40, Monum. Ancyr., 3), mais en vain. (V. la réglementation de César, plus en détail, Pauly, Real-Encycl., v° Largitio).

XII. LEX DE COLLEGIIS, réforme des clubs, et associations religieuses ou politiques. — Il y faut joindre la loi de sacerdotiis, de la même époque (epist. ad Brut., 1) : celle-ci remanie ou abroge les Domitia et Cornelia qui confèrent l’élection des prêtres et augures au peuple, ou rétablissent la cooptation par liste de candidats présentés à l’approbation du peuple (Cicéron, Philipp., 2, 2). — Mais bientôt Marc-Antoine rendra la cooptation pure et simple aux collèges (Dion Cass., 44, 53).

XIII. LEX SUMPTUARIA. Avant César, les lois somptuaires avaient été aussi nombreuses qu’inefficaces contre la marée montante du luxe romain. Les censeurs avaient eu beau noter (nota censoria) les riches prodigues, le mal débordait. Citons, dès le milieu de la deuxième guerre punique, la loi Oppia (du tribun C. Oppius : 541 [213 av. J.-C.]) ; les lois Orchia (du tribun C. Orchius, 573 [-181], trois ans après la censure de Caton l’ancien) ; Fannia (du consul C. Fannius : 593 [-161]), Didia (611 [-143]), Licinia (vers 651 [-103] probablement), Cornelia (de Sylla, 673 [-81]), qui interdit entre autres, les dépenses extravagantes des funérailles, déjà gourmandées par le législateur des XII tables (Cicéron, leq., 2, 23-25) ; Æmilia (676 [-78] : du consul Æmil. Lentulus) ; Antia (d’Antius Restio), qui défend aux magistrats de dîner dehors,-sauf en certaines maisons déterminées (Aulu-Gelle, 2, 24 ; Macrobe, 2, 13). — La loi Julia les reprend et les renforce toutes (Dion Cass., 43, 25. – Cicéron, ad Att., 13, 7. -Suet., Cæs., 43). — Les successeurs de César luttèrent, comme lui, à coups de décrets, qui restèrent lettres mortes, et auxquels ils désobéirent tout les premiers.

XIV. LEX JUDICIARIA. La loi Aurelia (686 [68 av. J.-C.]), modifiant l’organisation des juges sénatoriaux de Sylla, avait ordonné qu’ils fussent pris dorénavant chez les sénateurs, chez les chevaliers, et parmi les tribuns œrarii (tribuni œrari), ou censitaires plus fort imposés, ceux qui autrefois faisaient la paie au légionnaire (Aulu-Gelle, 7, 10. Varron, ling. lat., 5, 181). Il était fait trois listes (decuriae) de ces trois ordres de juges. Maintenue, sauf quelques modifications, par une loi Pompeia (du deuxième consulat de Pompée, 699 [-55]) ; elle fut définitivement abrogée par J. César (708 [-46]), qui, supprimant la Décurie des ærarii, ne laissa plus subsister que la liste sénatoriale, et celle équestre (Suet., Cæs., 42. Dion Cass. 43, 25).

XV. Une autre lex Judiciaria (de privatis judiciis) qui supprime les rigueurs des actions de la loi et leurs formules sacramentelles, loi confirmée selon Gaius (Instit., 4, 30) par une autre loi Julia et une loi Æbulia, apporte une utile réforme dans la procédure civile proprement dite: On ne sait d’ailleurs rien de précis sur ses dispositions.

XVI. LEX DE MAJESTATE. — On attribue à une loi de J. César (706 [48 av. J.-C.]), les prescriptions principales relatées au titre du Digeste, ad legem Juliam majestatis. Mais de même qu’avant César, le crimen majestatis, à partir des XII Tables, avait été l’objet de nombreux actes législatifs (lois Appuleia, de date incertaine, Varia (664 [-90]), Cornelia ou de Sylla, 673 [-81]), de même après lui, la lèse-majesté s’étendit à une foule d’incriminations, sans caractère précis, n’entraînant plus seulement l’exil, les confiscations, mais aussi la peine capitale ou arbitraire. — Ulpien (Digeste, l. cit., 1) en donne l’effrayante et pourtant incomplète énumération. — Des contemporains, Cicéron est le seul qui cite la loi de César (Philipp., 1, 21). De son temps, la définition suivante tenait encore : majestatem minuere est de dignitate, aut amplitudine aut potestate populi aut eorum quibus populus potestatem dedit, aliquid derogare (de Invent., 2, 17). — V. Rein (Criminalrecht der Rœm.) sur la perduellio et la majestas, pp. 464 et s., 504 et s. ; et plus particulièrement sur la loi Julia de Majest., pp. 515 et s. — Il a réuni et coordonné toutes les sources, toutes les définitions; et il énumère tous les procès dont fait mention l’histoire à chaque époque.

XVII. LEX DE VI. La législation romaine sur les violences et voies de fait a été assez confuse, et a exercé la patience et l’ingéniosité des érudits. On aperçoit bien au premier abord la différence entre les simples voies de fait du droit civil et les violences criminelles : mais on sait aussi que bon nombre de délits, criminels, selon nos idées et selon les distinctions du droit moderne, n’emportèrent pas à Rome la poursuite criminelle proprement dite, soit à la requête de la partie lésée, soit par voie d’accusation publique. Il semble que la vis publica implique plutôt la voie de fait par une personne publique, ou tout au moins le crime de nature politique (Paull., Sentent., 5, 26. — Inst., 4, 15, 6). Nous n’essaierons pas d’entrer dans plus de détails sur la vis privata, la vis publica, et même la vis armata (fait purement civil : Digeste, de vi arm.), et nous renvoyons le lecteur à l’article de Rein, Encycl. de Pauly (v° vis), et surtout à l’étude plus complète du même auteur, dans son livre déjà cité (Criminalrecht der Rœm., pp. 732-762).

Comme les repetundae, comme la perduellio et la majestas, la vis publica a eu sa commission de jugement spéciale.

La première loi connue de vi publica est la lex Plautia (du tribun M. Plautius Silvanus), à laquelle semble s’être rattachée la lex Lutalia, pour quelques innovations de procédure (665 et 676 [89-78 av. J.-C.]). Elle punissait la sédition, l’attaque à main armée contre le sénat, les violences contre les magistrats (qui armati senatum obsiderint, magistratibus vira obtulerint — Cicéron, pro Cæl., 1), le port d’armes cachées en occupant tels ou tels lieux (qui loca occupasset et cum telo fuisset. — Asc., ad Mil. — Cicéron, ad Att., 2, 24), le siège et la destruction des maisons, etc.

La vis publica affirme davantage encore son caractère prédominant de crime politique, dans la loi Pompeia (702 [52 av. J.-C.], du consulat 3e de Pompée), faite tout exprès pour le jugement de Milon. Elle abrège les lenteurs de la procédure, et aggrave la peine (pœnam graviorem et formam judiciorum breviorem. Asc., in Mil.). Mais cette loi n’est en réalité qu’un Privilegium, pour le jugement d’un crime, ou d’un ou plusieurs accusés déterminés (Aulu-Gelle, 10, 20) : aussi y eût-il une quæstio extra ordinem, ce dont Cicéron se plaint (pro Mil., 6 ; Philipp., 2, 9).

Les lois Plautia et Lutatia restèrent en vigueur jusqu’à la loi de César. Celui-ci vou lut surtout atteindre les crimes et les voies de fait inouïes des aristocrates et des démocrates exagérés, qui chaque jour mettaient la paix publique en danger, se faisant escorter de leurs bandes de sbires et d’esclaves armés, tuant, pillant et brûlant. Nul doute qu’on ne retrouve trace de la loi Julia au Digeste (ad leg. Jul. de vi publ. — Ad leg. Jul. de vi privata).

La peine ordinaire de la vis publica était l’aquæ et ignis interdictio : la vis privata emportait la confiscation du tiers des biens, les incapacités honoraires, et sous les empereurs, la rélégation dans une île, ou la condamnation au travail des mines pour les criminels d’humble condition (Paull., l. c., 3).

Il est question d’une loi Julia, à propos de Britannicus et de Locuste, dans Suétone, Néron, 33. Locuste y fait-elle allusion à la loi de César de vi ou à une loi spéciale, de veneno, analogue à celle de Sylla (672 [82 av. J.-C.] : lex Cornelia de sicariis et veneficiis) ? C’est ce qu’on ne peut dire. Il est certain que la loi Cornelia demeura appliquée sous les empereurs : elle avait son titre spécial au Digeste (liv. 48, tit. 8).

XVIII. LEX THEATRALIS, qui renouvela sans doute les dispositions de la loi Roscia (du tribun L. Roscius Otho : 687 [67 av. J.-C.]), attribuant les 14 premiers rangs de places au théâtre à l’ordre équestre, derrière les sénateurs qui occupaient l’orchestre. Elle en expulsait les prodigues ruinés et les banqueroutiers (decoctores. — Cicéron, Philipp., 2, 18). — D’où la phrase : sedere in XIV ordinibus, pour indiquer le Cens équestre. — Auguste abolit la loi Julia.

XIX. LEX JULIA MUNICIPALIS. — César mort, Antoine, on le sait, s’aidant de la complicité du secrétaire de César, produisit devant le peuple un certain nombre d’édits, de lois même, qu’il prétendit avoir trouvés dans les papiers du défunt. (Cicéron, Philipp., I, 24, 2, 98 ; ad Att., 11, 18 ; Dion Cass., 44, 53. — Appien, B. civ., 3, 5 et alias.). Bon nombre de ces édits et décrets étaient faux; et Cicéron s’en indigne avec raison (ad Att., passim. — Philipp., 1, 8, 10, etc. — Appien, B. civ., 3, 5). — Toutefois Drumann (Hist. rom., 1, p. 608), énumère deux ou trois de ces lois, comme émanant peut-être du dictateur. Nous les notons :

(a). Lex de rege Dejotaro, qui restitue à ce roi les pays qui lui avaient été enlevés (Cicéron, 2, 37. — ad Att., 14, 12). — Suivant Cicéron, l. c., le Galate aurait payé 10.000.000 HS. à Fulvie, pour obtenir cette restitution.

(b). Lex de Creta. — Immunité d’impôt rendue à la Crète, à la fin de la préture de M. Brutus (Cicéron, Phil., 2, 38).

(c). Lex de Siculis. — César n’avait conféré que la latinité aux Siciliotes (Cicéron, ad Att., 14, 12).

(d). Lex de exsulibus revocandis. — Grâce plénière accordée aux exilés, par application de la loi Pompeia, de ambitu (701 [53 av. J.-C.]), et à d’autres criminels de pire sorte (Appien, Bell. c., 1, 107. — Philipp., 2, 98, 5, 11). On leur donna le sobriquet d’Orcini, ou de Charonitæ (revenants de l’enfer, ou de chez Charon).

Les lois de César, et aussi, celles de C. Sylla constituent le fond, remanié par Auguste et ses successeurs, des lois principales de l’empire romain : concluons avec le jugement qui suit, emprunté à un juge sévère.

Toutes les lois de Pompée furent faites pour les besoins du moment ; ce furent des expédients passagers, mais nulle grande pensée ne présida à leur promulgation, et n’assura leur durée. Il n’en est pas de même des lois de César, et aucun homme n’eut à un plus haut degré que le vainqueur des Gaules l’esprit de suite et le génie de fonder des institutions durables. Toutefois, il faut distinguer deux personnes dans César : l’ambitieux qui veut parvenir, et l’homme qui, une fois maître du pouvoir, veut asseoir son empire. Les lois du consul ont donc une physionomie différente des lois du dictateur : les unes sont faites pour gagner le peuple, les autres pour établir solidement un gouvernement nouveau. César commença comme les Gracques pour finir comme Sylla ; mais dans ces deux rôles si différents, il fut égaiement remarquable, et les lois mêmes qu’il fit rendre au profit de son ambition ont un caractère de grandeur et de perpétuité qui révèlent tout le génie de cet homme, aussi élevé par l’intelligence que bas par le cœur. (Laboulaye, Essai sur les lois criminelles des Romains, Paris, 1845, p. 300).